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LA PRÉVENTION DES ABUS À L'ÉGARD DES ENFANTS:
LES CONNAISSANCES, LES ATTITUDES ET LES CROYANCES PARENTALES ENVERS
LA PRÉVENTION
Mémoire présenté
à la Faculté des études supérieures de rUniversité Laval
pour l'obtention
du grade de maître en psychologie (M.Ps.)
École de Psychologie
FACULTÉ DES SCIENCES SOCIALES UNIVERSITÉ LAVAL
© Marie-France Fecteau, 1996
Bibliothèque nationale du Canada
1*1
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ISBN 0-612-14145-4
Canada
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CODE DE SUJETU'M'I
Catégories par sujets
HUMANITÉS ET SCIENCES SOCIALES
COMMUNICATIONS EUES ARTS
Architecture...0729
Beaux-arts...0357
Bibliothéconomie...0399
Cinéma ...0900
Communication verbale...0459
Communications...0708
Danse... 0378
Histoire de l'art...0377
Journalisme...0391
Musique... 0413
Sciences de l'information... 0723
Théâtre ... 0465
Lecture... 0535
Mathématiques...0280
Musique... 0522
Orientation et consultation... 0519
Philosophie de l'éducation... 0998
Physique ... 0523
Programmes d'études et enseignement...0727
Psychologie...0525
Sciences.... ... 0714
Sciences sociales...0534
Sociologie de l'éducation... 0340
Technologie... 0710
ÉDUCATION Généralités.... Administration Collèges communautaires .. Commerce... Économie domestique... Éducation permanente... Éducation préscolaire... Education sanitaire ... Enseignement agricole... Enseignement bilingue et multiculturel... Enseignement industriel.... Enseignement primaire... Enseignement professionnel Enseignement religieux... Enseignement secondaire .. Enseignement spécial ... Enseignement supérieur... Evaluation... Finances... Formation des enseignants. Histoire de l'éducation... Langues et littérature... ..515
0514 0273 0275 0688 0278 0516 0518 0680 0517 0282 0521 0524 0747 0527 Ö533 0529 0745 0288 0277 0530 0520 0279 LANGUE, LITTÉRATURE ET LINGUISTIQUE Généralités... 0679
Anciennes... 0289
Linguistique... 0290
Modernes... 0291
Littérature Généralités... 0401
Anciennes... 0294
Comparée ... 0295
Médiévale... 0297
Moderne... 0298
Africaine... 0316
Américaine...0591
Anglaise... 0593
Canadienne (Anglaise)...0352
Canadienne (Française)...0355
Germanique ...0311
Latino-américaine... 0312
Moyen-orientale... 0315
Romane...0313
Slave et est-européenne...0314
B
SOPHIE, RELIGION ET 0GIE Philosophie...0422Religion Généralités... 0318
Çlergé... 0319
Etudes bibliques... 0321
Histoire des religions... 0320
Philosophie de la religion.... 0322
Théologie...r...0469
SCIENCES SOCIALES Anthropologie Archéologie...0324
Culturelle... 0326
Physique...0327
Proit. 0398
Economie Généralités... 0501
Commerce-Affaires...0505
Économie agricole... 0503
Economie du travail... 0510
Finances...0508
Histoire...0509
Théorie...0511
Études américaines ... 0323
Études canadiennes... 0385
Etudes féministes... 0453
Folklore... 0358
Géographie...0366
Gérontologie... 0351
Gestion des affaires Généralités... 0310
Administration ... 0454
Banques ...0770
Comptabilité...0272
Marketing... 0338
Histoire Histoire générale...0578
Ancienne...0579
Médiévale...0581
Moderne...0582
Histoire des noirs... 0328
Africaine ...0331
Canadienne... 0334
Etats-Unis ...0337
Européenne ... 0335
Moyen-orientale... 0333
Latino-américaine... 0336
Asie, Australie et Océanie . ..0332
Histoire des sciences... 0585
Loisirs ... 0814
Planification urbaine et régionale ... 0999
Science politique Généralités... 0615
Administration publique...0617
Droit et relations internationales ... 0616
Sociologie Généralités... 0626
Aide et bien-àtre social... 0630
Criminologie et établissements pénitentiaires ...0627
Pemographie... 0938
Etudes de I' individu et , de la famille... 0628
Etudes des relations interethniques et des relations raciales... 0631
Structure et développement social ... 0700
Théorie et méthodes... 0344
Travail et relations industrielles... 0629
Transports ... 0709
Travail social...0452
SCIENCES ET INGÉNIERIE SCIENCES BIOLOGIQUES Agriculture Généralités... 0473
Agronomie...0285
Alimentation et technologie alimentaire ... 0359
Culture...0479
Elevage et alimentation...0475
Exploitation des péturages ...0777
Pathologie animale...0476
Pathologie végétale...0480
Physiologie végétale... 0817
Sylviculture et faune... 0478
Technologie du bois...0746
Biologie Généralités... 0306
Anatomie... 0287
Biologie (Statistiques)... 0308
Biologie moléculaire...0307
Botanique... 0309
Cellule... 0379
Ecologie...0329
Entomologie... 0353
Génétique... 0369
Limnologie... 0793
Microbiologie ... 0410
Neurologie... 0317
Océanographie... 0416
Physiologie... 0433
Radiation...0821
Science vétérinaire...0778
Zoologie...0472
Biophysique Généralités... 0786
Medicale...0760
SCIENCES DE LA TERRE Biogéochimie...0425
Géochimie... 0996
Géodésie ... 0370
Géographie physique...0368
Géologie... 0372
Géophysique... 0373
Hydrologie...0388
Minéralogie...0411
Océanographie physique... 0415
Paléobotanique... 0345
Paléoécologie... 0426
Paléontologie... 0418
Paléozoologie... 0985
Palynologie... 0427
SCIENCES DE LA SANTÉ ET DE L'ENVIRONNEMENT Economie domestique... 0386
Sciences de l'environnement...0768
Sciences de la santé Généralités... 0566
Administration des hipitaux ..0769
Alimentation et nutrition...0570
Audiologie... 0300
Chimiothérapie... 0992
Dentisterie... 0567
Développement humain ...0758
Enseignement...0350
Immunologie...0982
Loisirs... 0575
Médecine du travail et thérapie... 0354
Médecine et chirurgie... 0564
Obstétrique et gynécologie... 0380
Ophtalmologie... 0381
Orthophonie...0460
Pathologie... 0571
Pharmacie... 0572
Pharmacologie... 0419
Physiothérapie ... 0382
Radiologie... r... 0574
Santé mentale...0347
Santé publique... 0573
Soins infirmiers ... 0569
Toxicologie... 0383
SCIENCES PHYSIQUES Sciences Pures Chimie Généralités... 0485
Biochimie... 487
Chimie agricole... 0749
Chimie analytique...0486
Chimie minérale... 0488
Chimie nucléaire... 0738
Chimie organique ...0490
Chimie pharmaceutique...0491
Physique...0494
PolymÇres ... 0495
Radiation...0754
Mathématiques... 0405
Physique Généralités... 0605
Acoustique... 0986
Astronomie et astrophysique... 0606
Electronique et électricité...0607
Fluides et plasma... 0759
Météorologie ...0608
Optique...0752
Particules (Physique nucléaire) ...0798
Physique atomique...0748
Physique de l'état solide...0611
Physique moléculaire... 0609
Physique nucléaire...0610
Radiation...0756
Statistiques...0463
Sciences Appliqués Et Technologie Informatique...0984
Ingénierie Généralités... 0537
Agricole ... 0539
Automobile... 0540
Biomédicale... 0541
Chaleur et ther 0348 (Emballage)...0549
Génie aérospatial... 0538
Génie chimique...0542
Génie civil ...0543
Génie électronique et électrique... 0544
Génie industriel...0546
Génie mécanique... 0548
Génie nucléaire...0552
Ingénierie des systâmes... 0790
Mécanique navale... 0547
Métallurgie... 0743
Science des matériaux... 0794
Technique du pétrole ... 0765
Technique minière... 0551
Techniques sanitaires et municipales... 0554
Technologie hydraulique...0545
Mécanique appliquée... 0346
Géotechnologie... 0428
Matières plastiques (Technologie) ...0795
Recherche opérationnelle... 0796
Textiles et tissus (Technologie) ....0794
modynamique Conditionnement PSYCHOLOGIE Généralités... 0621
Personnalité... 0625
Psychobiologie...0349
Psychologie clinique...0622
Psychologie du comportement . . . 0384
Psychologie du développement . 0620 Psychologie expérimentale... 0623
Psychologie industrielle... 0624
Psychologie physiologique... 0989
Psychologie sociale...0451
Psychometric ...0632
Résumé
La présente étude porte sur la comparaison entre des parents qui abordent le sujet des abus (verbal, physique et sexuel) et ceux qui n'abordent pas ce sujet avec leurs enfants. Elle permet de dresser un portrait plus précis en termes de communication, de connaissances, d'attitudes et de croyances chez un groupe de parents québécois ayant des enfants d'âge préscolaire et/ou scolaire qui participent à l'atelier ESPACE. Au total, 145 parents (133 femmes et 12 hommes) participent à l'étude en complétant un questionnaire à la maison. Les résultats indiquent que les parents qui abordent régulièrement le thème des abus sont plus favorables à ce que les programmes enseignent aux enfants des concepts liés à l'affinnation et au dévoilement que ceux qui ne l'abordent pas. De plus, les parents qui n'abordent jamais et qui abordent régulièrement le sujet croient davantage aux bienfaits des programmes de prévention que ceux qui n'abordent qu'occasionnellement le sujet.
Par ailleurs, les résultats révèlent que la majorité des parents possède un niveau de connaissances relativement élevé en matière d'abus sexuel. Les résultats suggèrent en outre que les parents manifestent des attitudes favorables et véhiculent des croyances positives à l'égard des programmes de prévention des abus. L'implication de ces résultats est discutée et les perspectives futures dans le domaine sont présentées.
Il
A V ANT-PROPOS
Certaines personnes ont contribué de différentes façons à la réalisation de ce mémoire. Je profite de ces quelques lignes pour leur témoigner toute mon appréciation et pour leur offrir mes plus sincères remerciements.
Tout d'abord, je tiens à remercier ma directrice Madame Christiane Piché pour son souci de la qualité qui m'a permis d'exploiter mes capacités en recherche et de développer un esprit plus critique. Grâce à son expérience, ses vastes connaissances et sa rigueur scientifique, Christiane a été pour moi un guide exceptionnel. Je termine avec la fierté d'un travail bien accompli.
Je désire également remercier ma co-directrice Madame Martine Hébert pour avoir partagé avec moi son intérêt et ses connaissances en prévention des abus envers les enfants. Sa compétence remarquable et son expérience en tant que chercheure ont grandement contribué à la réalisation de ce mémoire. Durant les moments plus difficiles où la motivation était à la baisse, elle a su m'apporter le soutien nécessaire pour m'aider à poursuivre et à toujours me dépasser. Un immense merci pour sa grande disponibilité.
J'aimerais aussi remercier Monsieur Jacques Joly pour les analyses statistiques.
Ses conseils judicieux et sa façon de rendre la matière plus compréhensible ont fait en sorte que cette étape fut plus facile à franchir.
Merci aux professionnelles de recherche, Michèle Poitras et Nathalie Parent pour leur soutien constant et leur grande disponibilité. Elles ont été pour moi une source d'information importante. Merci à Luci Goulet de l'organisme ESPACE pour son aide et ses conseils notamment pour l'élaboration du questionnaire.
Merci aux parents, de la région Chaudière-Appalaches, qui ont si consciensieusement et gentiment pris le temps de répondre au questionnaire de l'étude.
J'aimerais également remercier Sophie, Hélène et Marie-Hélène pour leur écoute, leur aide et leurs encouragements. Leur soutien fut bien réconfortant et très apprécié.
J’aimerais remercier mes chères amies Nathalie et Mélanie pour leur générosité, leur écoute et leur compréhension. Elles ont toujours su m'encourager de façon constante et me procurer un réconfort lors des moments plus difficiles. Merci pour votre amitié sincère et si précieuse à mes yeux. Un merci particulier à Nathalie pour les conseils judicieux et l'aide apportée notamment au cours des derniers mois. J'ai toujours pu compter sur elle à tout moment.
Je désire remercier toute ma famille, particulièrement mon père Réginald et ma mère Jeanne-Mance, pour l'écoute, la compréhension, l'aide et le support apportés dans mon cheminement scolaire. Leur confiance et leur appui font partie des éléments de ma réussite. Merci infiniment pour votre confiance en mes capacités et votre amour. C'est en partie grâce à vous si j'ai atteint ce but car vous m'avez inculqué le goût du dépassement.
Enfin, j'aimerais remercier la personne la plus importante dans ma vie, Pascal, qui grâce à son intérêt sincère, ses encouragements, sa confiance en moi et son soutien moral a été une source de motivation exceptionnelle. Merci infiniment pour ta patience, ta compréhension hors du commun et ton aide que j'ai beaucoup appréciées. Merci également pour ton amour et ta présence chaleureuse auprès de moi lors des moments de joie, de crainte, d'angoisse et de découragement. C'est à toi que je désire dédier ce
mémoire.
RÉSUMÉ... ;ü
AVANT-PROPOS... in
TABLE DES MATIÈRES... v
LISTE DES TABLEAUX... vu LISTE DES ANNEXES... ix
INTRODUCTION... x
PAGE TITRE... xii
CONTEXTE THÉORIQUE...1
1. Le phénomène de l'abus sexuel envers les enfants... 1
1.1 Définition de l'abus sexuel...1
1.2 L'ampleur du phénomène de l'abus sexuel... 4
1.3 Caractéristiques des victimes... 6
1.4 Caractéristiques des agresseurs... 6
1.5 Les conséquences... 10
2. Les programmes de prévention...15
2.1 L'évolution des programmes de prévention...15
2.2 Similarités et distinctions entre les programmes de prévention...16
2.3 L'évaluation des programmes de prévention... 23
2.4 Le programme de prévention ESPACE... 31
3. La prévention des abus à l'égard des enfants et le rôle des parents... 34
3.1 L'importance accordée à la collaboration des parents en prévention.... 34
3.2 Le soutien des parents...35
3.3 Les connaissances des parents en matière d'abus sexuel... 41
3.4 Les attitudes et les croyances parentales à l'égard des programmes de prévention... 44
4. Objectifs de l'étude...46
MÉTHODE 49
1. Participants...49
2. Mesures...49
2.1 Échelle de connaissances... .50
2.2 Échelle d'attitudes...51
2.3 Échelle de croyances...52
2.4 Le rôle et le soutien des parents en prévention des abus... 54
3. Procédure... 55
RÉSULTATS...56
1. Fréquence à laquelle les parents ont abordé le sujet des abus... 56
2. Comparaison entre les groupes de parents... 58
3. Les parents qui abordent le sujet des abus avec leurs enfants... 65
4. Les connaissances des parents en matière d'abus sexuel...71
5. Les attitudes parentales à l'égard de la prévention des abus...73
6. Les croyances parentales à l'égard de la prévention des abus... 76
DISCUSSION...79
1. Rappel des objectifs de l'étude... 79
2. Interprétation des résultats...79
2.1 Fréquence à laquelle les parents abordent le sujet des abus...79
2.2 Comparaison entre les groupes de parents... 80
2.3 Les parents qui abordent le sujet des abus... 85
2.4 Les connaissances des parents en matière d'abus sexuel... 88
2.5 Les attitudes et les croyances parentales à l'égard des programmes de prévention... 89
3. Considérations méthodologiques...92
4. Conclusion générale... 93
RÉFÉRENCES 95
Tableau 1 Répartition des parents selon la fréquence à laquelle ils ont abordé le sujet des abus...57 Tableau 2 Répartition des parents pour l'ensemble des types d'abus... 58 Tableau 3 Moyennes d'âge pour apprendre les concepts et les habiletés reliés
à la prévention des abus selon les trois groupes de parents... 60 Tableau 4 Répartition en pourcentages des catégories d'individus qui devraient
traiter de prévention des abus avec les enfants selon les trois groupes de parents...61 Tableau 5 Analyses de variance univariées effectuées sur les échelles de
connaissances, d'attitudes et de croyances en fonction du groupe de parents...63 Tableau 6 Analyse de variance multivariée sur les variables "Affirmation et
Dévoilement" et "Efficacité des programmes de prévention" en
fonction du groupe de parents...65 Tableau 7 Répartition en pourcentages des événements ou des moments
particuliers ayant amené les parents à aborder le sujet de l'abus verbal, physique et/ou sexuel... 67 Tableau 8 Répartition en pourcentages du sentiment de confort lorsque les
parents abordent l'abus verbal, physique et/ou sexuel avec leurs enfants... 68 Tableau 9 Répartition en pourcentages de la source d'information utilisée par les
parents pour acquérir des connaissances sur la prévention de chaque type d'abus... 70
Tableau 10 Répartition en pourcentages des bonnes réponses pour chaque item de l'échelle de connaissances... 72 Tableau 11 Pourcentages des parents fortement en accord avec les concepts et
habiletés pouvant être enseignés dans les programmes
de prévention...74 Tableau 12 Pourcentages des parents fortement en accord ou en désaccord avec
certaines croyances sur la prévention des abus... 77
LISTE DES ANNEXES
Annexe A Caractéristiques de l'échantillon (parents)...108
Annexe B Questionnaire destiné aux parents... Ш Annexe C Autorisation de l'auteure (Wurtele, S.K.)...123
Annexe D Structure factorielle de l'échelle d'attitudes... 125
Annexe E Consistance interne des facteurs de l'échelle d'attitudes... 129
Annexe F Structure factorielle de l'échelle de croyances... 131
Annexe G Consistance interne des facteurs de l'échelle de croyances... 135
Annexe H Lettre de consentement et lettre de rappel... 137
INTRODUCTION
Depuis une quinzaine d'années, un intérêt est porté de manière particulière à la problématique de l'abus sexuel envers les enfants. Des recherches épidémiologiques et cliniques rapportent qu'environ 80% des victimes d'abus sexuel sont de sexe féminin (Pauzé & Mercier, 1994; Siegel, Sorenson Goldin, Burman, & Stein, 1987) et que les enfants âgés entre 6 et 12 ans constitueraient le groupe le plus à risque (Cupoli & Sewell, 1988; Dubé & Hébert, 1988; Eckenrode, Munsch, Powers, & Doris, 1988; Tourigny, Péladeau, & Bouchard, 1993). Depuis 1982, 1000 cas et plus d'enfants agressés sexuellement s'ajouteraient à chaque année au Québec (Pauzé & Mercier, 1994).
La prévalence élevée du phénomène, le fait que l'abus sexuel affecte majoritairement de jeunes enfants, l'absence de communication parents-enfants sur le sujet de l'abus sexuel (Finkelhor, 1984, 1986; Wurtele & Miller-Perrin, 1992) ainsi que l'existence de problèmes d'adaptation ultérieure chez les victimes (Kendall-Tackett, Williams, & Finkelhor, 1993) constituent autant de facteurs ayant motivé la mise en place de nombreux programmes de prévention des abus envers les enfants.
Au cours des dernières années, les programmes principalement destinés aux enfants d'âge scolaire ont fait l'objet d'études d'évaluation. Ainsi, les effets de tels programmes semblent se manifester par des gains de connaissances et d'habiletés chez les enfants. Plus récemment, la recherche en ce domaine s'est intéressée au rôle potentiel de l'implication des parents en matière de prévention des abus. Certaines études américaines (Elrod & Rubin, 1993; Wurtele, Kvatemick, & Franklin, 1992) ont abordé cette question en évaluant, entre autres, le taux de parents qui abordent le sujet de l'abus sexuel, les
que les parents semblent intéressés à jouer un rôle actif en prévention.
La présente étude s'inscrit dans le même courant de recherche que les travaux d'Elrod et Rubin (1993) et de Wurtele et al. (1992). Elle considère non seulement l'abus sexuel mais également l'abus verbal et physique, ce qui représente un aspect novateur.
L'objectif général de l'étude est d'effectuer, dans un contexte québécois, une comparaison en termes de connaissances, d'attitudes et de croyances entre des parents qui abordent le thème des abus et ceux qui ne l'abordent pas avec leurs enfants d'âge préscolaire et/ou scolaire. Les données obtenues peuvent offrir aux intervenants du domaine de la prévention des pistes intéressantes et pertinentes pour favoriser l'implication de tous les parents.
MARIE-FRANCE FECTEAU École de Psychologie
Université Laval
LA PRÉVENTION DES ABUS À L'ÉGARD DES ENFANTS:
LES CONNAISSANCES, LES ATTITUDES ET LES CROYANCES PARENTALES ENVERS
LA PRÉVENTIONl
1. La réalisation de ce mémoire a été rendue possible grâce à une subvention conjointe du Ministère de la santé et des services sociaux (MSSS) et de la Régie régionale Chaudière-Appalaches (région 12), dans le cadre du programme de subvention en santé publique.
Note: Dans ce mémoire, le générique masculin est utilisé sans aucune discrimination et uniquement pour faciliter la présentation.
1. Le phénomène de Tahus sexuel envers les enfants
1.1 Définition de l'abus sexuel
Au cours des dernières années, la problématique de l'abus sexuel à l'égard des enfants a attiré l'attention et ce, tant pour les intervenants oeuvrant auprès de clientèles d'enfants et d'adolescents que pour la population en général (Wynkoop, C.A.P.ps, &
Priest, 1995). Depuis plus de deux décennies, l'abus sexuel à l'égard des enfants est reconnu comme étant un problème social important (Finkelhor, 1984; Wurtele & Miller- Perrin, 1992). Bien que les taux de prévalence rapportés varient d'une étude à l'autre, l'abus sexuel affecterait un grand nombre d'enfants chaque année (Conte & Fogarty, 1990; Dubé, Heger, Johnson, & Hébert, 1988). Depuis 1982, 1000 cas et plus d'enfants agressés sexuellement s'ajouteraient à chaque année au Québec (Pauzé & Mercier, 1994).
Plusieurs facteurs peuvent expliquer les variations quant aux taux de prévalence et d'incidence rapportés dans la littérature, notamment la diversité des définitions utilisées, des facteurs méthodologiques et des différences réelles dans les populations évaluées (Finkelhor, 1986; Haugaard & Emery, 1989).
L'abus sexuel d'enfants met en évidence le rapport d’inégalité, qui s'apparente à de l’abus de pouvoir, dans lequel se retrouvent deux personnes dont le développement de la sexualité est différent sur les plans physique et psychologique. Ainsi, la littérature expose plusieurs définitions de l'abus sexuel. De nombreuses expressions sont utilisées pour décrire le phénomène de l'abus sexuel: les termes de violence sexuelle, agression sexuelle, assaut sexuel, viol et coercition sexuelle sont souvent employés, indiquant parfois le
2
même phénomène et parfois des phénomènes distincts (Tourigny & Lavergne, 1995). De plus, l'abus sexuel peut être défini selon le lien avec l'agresseur (par un parent, une connaissance ou un inconnu). Malgré cette diversité, la définition du Comité de la Direction de la Protection de la Jeunesse (1990) semble bien représenter la dynamique de l'abus sexuel car elle s'applique autant aux situations incestueuses, qu'à l'exploitation sexuelle à l'intérieur des familles reconstituées et aux autres situations d'abus sexuel impliquant des tierces personnes. Ainsi, la définition retenue s'énonce comme suit:
"Geste posé par une personne donnant ou recherchant une stimulation sexuelle non appropriée quant à l'âge et au niveau de développement de l'enfant ou de l'adolescent(e), portant ainsi atteinte à son intégrité corporelle ou psychique, alors que l'abuseur a un lien de consanguinité avec la victime ou qu'il est en position de responsabilité, d'autorité ou de domination avec elle" (Comité de la Direction de la Protection de la Jeunesse,
1990).
Le phénomène de l'abus sexuel y est défini selon les actes commis, les intentions sous-jacentes et/ou les conséquences ou effets produits. L'abuseur est représenté par les deux premières dimensions de la définition alors que la victime est associée à la troisième dimension. Selon le rapport du comité, les trois composantes de la définition doivent être considérées puisqu'elles sont implicites à l'ensemble des situations potentielles d'abus sexuel.
Certains auteurs ont élaboré une définition clinique de l'abus sexuel et celle-ci réfère à "un acte sexuel imposé à un enfant dont le développement affectif et cognitif est insuffisant pour comprendre entièrement la nature de l'acte posé et qui n'est pas en mesure de donner un consentement éclairé aux gestes commis" (Sgroi, 1986). Malgré le fait qu'elle soit considérablement acceptée, cette définition peut entraîner diverses interprétations quant à la nature des gestes sexuels qui sont posés à l'endroit de la victime et à l'âge auquel il est improbable que celle-ci puisse être considérée consentante à de tels gestes.
gamme de comportements. Ces comportements vont de propositions verbales pouvant être des paroles prononcées sous forme de harcèlement ou de menaces jusqu'à la multitude de contacts corporels entre l'agresseur et l'enfant (Wurtele & Miller-Perrin, 1992). Ainsi, d'après certaines études, l'abus sexuel peut impliquer des actes posés à l'égard de la victime tels les propositions verbales, l'exhibitionnisme, le voyeurisme, les baisers, les caresses, la masturbation, la fellation, la pénétration digitale et pénienne du vagin et de l'anus (Finkelhor, Hotaling, Lewis, & Smith, 1990; Sgroi, 1986). Selon les actes posés, certains auteurs ont des avis partagés quant à la signification d'un cas d'abus sexuel (Wyatt & Peters, 1986). En effet, d'après la définition de Russell (1983), seuls les contacts physiques entre l'agresseur et la victime sont considérés comme des comportements faisant référence à de l'abus sexuel alors que pour Finkelhor (1979;
1984), tous les types d'actes sexuels que ce soit par différents contacts corporels ou par des propositions verbales réfèrent à l'abus sexuel. Néanmoins, d'autres auteurs adoptent une position intermédiaire car ils font une distinction entre les activités sexuelles où le contact physique est présent et celles à l'intérieur desquelles le contact corporel est absent (Russell, 1983; Wyatt, 1985).
Une différence importante dans l'interprétation de la définition d'abus sexuel est l'âge auquel la victime ne peut être réputée consentante à toute forme d'acte sexuel. Pour leur part, Pauzé et Mercier (1994) considèrent qu'un enfant est victime d'abus sexuel même dans les situations où il se montre consentant à une relation. D'après Finkelhor (1979), la différence d'âge entre l'abuseur et la victime est un critère pour déterminer s'il s’agit d'un abus sexuel ou non et ce, en l'absence de toute forme de coercition: si la victime est âgée de 12 ans et moins, il doit y avoir une différence d'âge de cinq ans entre elle et l'abuseur alors que si la victime est âgée de 13 à 16 ans, il faut une différence de dix
ans pour déterminer qu’il y a eu abus sexuel. Enfin, quant au rapport Badgley (1984), il fixe à 14 ans l'âge qui détermine le seuil d'accessibilité d'une relation sexuelle volontaire.
1.2 L'ampleur du phénomène de l'abus sexuel
En matière d'abus sexuel, l'incidence est définie comme le nombre de nouveaux cas reconnus par différentes sources (services policiers, services sociaux, enquêtes) comme ayant été agressés sexuellement sur une période donnée, habituellement une année (Rapport du Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995). Ainsi, tel que mentionné précédemment, depuis 1982,1000 cas et plus d'enfants agressés sexuellement s'ajouteraient à chaque année au Québec (Pauzé & Mercier, 1994). Par exemple, selon des données des Centres des Services Sociaux, l'année 1990 compte 9,435 situations impliquant des enfants qui furent pris en charge par des professionnels pour raison de négligence, dont 1,550 pour abus sexuels et 1,271 pour abus physiques. Plus récemment, en 1992-1993, les Centres jeunesse de la province de Québec ont évalué et déclaré fondées 3,687 plaintes pour agression sexuelle chez les enfants (Rapport du Groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995). Cela représente 16,4% de l'ensemble des signalements adressés à ces organismes. Au moins 650 accusations criminelles ayant trait à des agressions sexuelles envers les enfants sont portées annuellement au Québec (Rapport de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995).
Toutefois, il semble bien que ces chiffres ne font pas ressortir toute l'importance et l'ampleur du phénomène de l’abus puisqu'ils n'impliquent pas les cas non retenus ni ceux non signalés.
En ce qui concerne la prévalence, elle se définit comme la proportion de personnes d'une population donnée ayant été agressées sexuellement au moins une fois dans leur vie ou depuis une certaine période (Tourigny & Lavergne, 1995). La stratégie la plus
couramment utilisée pour obtenir ce genre de données consiste à interviewer directement ou par le biais de questionnaires un échantillon de personnes représentatif de la population générale. Les études révèlent une variation importante quant aux statistiques obtenues à partir des sondages effectués auprès de la population adulte. À cet égard, dans leur revue de littérature, Wyatt et Peters (1986) rapportent des taux de prévalence d'abus sexuel à l'enfance variant de 8 à 62% pour les femmes et de 3 à 31% pour les hommes. D'autres auteurs soulignent que les cas d'abus sont rapportés quatre fois plus pour les femmes que pour les hommes (Kempe & Kempe, 1984). Plus récemment, Finkelhor et ses collaborateurs (1990) ont mené un sondage national concernant l'abus sexuel à l'égard des enfants auprès de 2,626 adultes américains (1,145 hommes et 1,481 femmes) âgés de 18 ans et plus. Les résultats indiquent que 27% des femmes et 16% des hommes rapportent avoir été victimes d'abus sexuel au cours de leur enfance.
Les résultats du rapport Badgley (1984) traitant d'un sondage effectué auprès de 2,008 répondants canadiens adultes des deux sexes révèlent qu'environ une femme sur deux et un homme sur trois ont affirmé avoir été victimes d'actes sexuels non désirés au cours de leur vie. Plus spécifiquement, entre 7 et 28% des actes sexuels non désirés ont été perpétrés alors que les victimes avaient moins de 12 ans. La prévalence obtenue est de 33% pour les abus sexuels envers les femmes et de 21% pour ceux à l'égard des hommes et ce, chez les victimes de moins de 18 ans. Enfin, selon ce même rapport, il appert que 75 à 90% des abus sexuels ne sont jamais dévoilés aux autorités. Bagley et Ramsay (1986) ont mené des entrevues auprès de 377 femmes de la ville de Calgary, au Canada.
Ces entrevues portaient sur les assauts sexuels sérieux (expériences d'actes sexuels de contact avec les parties génitales lors desquelles la force ou la menace avait été utilisée) subis avant l'âge de 16 ans et commis par des agresseurs ayant au moins trois ans de plus que la victime. La prévalence d'abus sexuel obtenue chez les filles de moins de 16 ans s'élève à 22%.
1.3 Caractéristiques des victimes
D'après la littérature, approximativement 80% des victimes d'abus sexuel sont de sexe féminin (Pauzé & Mercier, 1994; Siegel, Sorenson, Golding, Burman, & Stein, 1987). En ce qui concerne le pourcentage de victimes de sexe masculin, certains auteurs croient que celui-ci pourrait être plus élevé que ce que les statistiques rapportent (Wurtele
& Miller-Perrin, 1992). En effet, certains auteurs suggèrent notamment la possibilité que les garçons soient plus réticents à révéler l'abus en raison des attentes sociales face au rôle masculin, aux expériences sexuelles masculines précoces et à la peur d'être considéré comme étant homosexuel (Budin & Johnson, 1989; Finkelhor, 1986).
Concernant l'âge des victimes d’abus sexuel, certaines études montrent que les enfants âgés de 5 ans et moins seraient moins vulnérables à l'abus sexuel alors que les enfants âgés entre 6 et 12 ans constitueraient plutôt le groupe le plus à risque (Cupoli &
Sewell, 1988; Dubé & Hébert, 1988; Eckenrode, Munsch, Powers, & Doris, 1988;
Tourigny, Péladeau, & Bouchard, 1993). Par ailleurs, 80 à 90% des enfants victimes d'abus sexuel connaissent l'abuseur, du moins superficiellement (Cupoli & Sewell, 1988;
Downer, 1985; Elrod & Rubin, 1993; Färber, Showers, Johnson, Joseph, & Oshins, 1984 ). Donc, contrairement à la croyance populaire, peu d'abus sont commis par des personnes inconnues.
1.4 Caractéristiques des agresseurs
Bien que de nombreuses recherches sur les agresseurs sexuels d'enfants aient été effectuées, les connaissances à ce sujet demeurent encore fragmentaires et ne permettent pas de déterminer clairement ce qui caractérise les agresseurs sexuels. Selon certains auteurs, les agresseurs ne se différencient pas des non-agresseurs en ce qui a trait à
économique (Groth, Hobson, & Gary, 1982). Néanmoins, certaines caractéristiques sont identifiables. Effectivement, la plupart des études indiquent qu'au moins 90% des agresseurs sont des hommes (Finkelhor, 1984; Russell, 1983; Siegel et al., 1987;
Tourigny et al., 1993). Contrairement à la croyance populaire stipulant que l'agresseur est une personne âgée, des études américaines révèlent que dans la majorité des cas, celui-ci est âgé entre 30 et 40 ans ou, bien souvent, de moins de 18 ans (Kaplan, 1989; Russell, 1983). Une étude québécoise de Tourigny et ses collaborateurs (1993) qui porte entre autres sur les principales caractéristiques des abuseurs telles que rapportées à un centre d'intervention téléphonique (Tel-Jeunes) par 287 jeunes québécois, indique que près des trois quarts des abuseurs sont des adultes (75%). Toutefois, la proportion d'abuseurs d'âge mineur s’avère malgré tout assez importante puisqu'elle s'élève à 25%.
Dans une étude de Cupoli et Sewell (1988), 1,059 enfants âgés entre trois mois et 16 ans, victimes d'agressions sexuelles (89% sont des filles), ont été évalués pendant une période de 44 mois au sein d'un service d'urgence métropolitain. Les cas ont été répertoriés puis revus selon un protocole recueillant des informations sur l'histoire, les examens médicaux et les cultures. Les résultats indiquent que dans 58% des cas, l'agresseur est une personne connue de l'enfant (les membres de la famille sont exclus du pourcentage), que 28% des agresseurs sont des membres de la famille de la victime et que seulement 13,8% des assaillants sont des inconnus. D'autres recherches corroborent ces données (Finkelhor, Hotaling, et al., 1990; Russell 1983; Sang, 1994; Tourigny et al., 1993; Wyatt 1985) et révèlent également qu'une minorité des abus implique un agresseur inconnu.
Une autre dimension référant aux agresseurs sexuels d'enfants est le risque de récidive. D'après certaines études canadiennes et américaines, la proportion de récidivistes varierait de 3,8 à 35% dans les cas d'abus sexuel commis envers les enfants (Badgley, 1984; Cormier, 1990; Finkelhor, 1986). Cependant, les caractéristiques de ces études et les limites méthodologiques nécessitent certaines nuances quant aux résultats observés. Tout d'abord, ces études comportent des échantillons de délinquants sexuels (i.e. des individus qui ont commis un crime sexuel) parmi lesquels la distinction d'agresseurs sexuels d'enfants ne s'avère pas toujours évidente. De plus, l'examen de ces études permet de constater que la durée du suivi pour lequel la récidive a été observée est assez variable d'une recherche à l'autre, soit d'un an à 24 ans. Aussi, les échantillons provenant de ces études apparaissent peu représentatifs de la population puisque la plupart d'entre elles portent sur des agresseurs sexuels qui ont été incarcérés. Néanmoins, quelques caractéristiques semblent associées à un plus haut risque de récidive chez les agresseurs sexuels d'enfant. En effet, les agresseurs dont les victimes sont de sexe masculin afficheraient un taux de récidive plus élevé. Également, les agresseurs et les exhibitionnistes ayant un plus jeune âge lors de la première infraction d'ordre sexuel auraient davantage tendance à récidiver (Badgley, 1984; Cormier, 1990; Finkelhor, 1986).
Enfin, l'idée selon laquelle l'agresseur sexuel aurait été lui-même victimisé sexuellement au cours de son enfance a été étudiée (Finkelhor, 1984; Finkelhor & Araji, 1986). En fait, parmi l'abondance de facteurs pouvant prédisposer à ce type de comportement, cette variable semble caractériser une proportion importante d'agresseurs sexuels. Plusieurs études investiguent cet aspect et les données varient considérablement d'une recherche à l'autre. En effet, la prévalence d'un traumatisme sexuel dans l'enfance des agresseurs se situe entre 23% (Becker, Kaplan, Cunnigham-Rathna, & Kavoussi, 1986) et 90% (Longo & Groth, 1983). Ainsi, à la suite du calcul d'une moyenne pondérée à partir des recherches les plus influentes dans le domaine, des chercheurs
rapportent donc une proportion de 40% d'agresseurs ayant vécu un abus sexuel pendant leur enfance (Lafortune & Kiely, 1989).
En somme, le phénomène de l'abus sexuel à l'égard des enfants représente un problème social important. En effet, les statistiques présentées précédemment démontrent qu'une grande proportion d'enfants sont victimes d'abus sexuel chaque année sans compter les cas non dévoilés. Les résultats de différentes recherches indiquent que, dans la population en général, les femmes sont plus souvent victimes d'abus sexuel au cours de leur enfance que les hommes (Badgley, 1984; Dubé & Hébert, 1988; Siegel et al., 1987).
Selon la littérature, il y aurait approximativement huit filles abusées sexuellement pour deux garçons. Les abus sexuels à l'égard des garçons sont cependant moins connus des services publics car les victimes masculines ont moins tendance à dévoiler l'abus, à chercher de l'aider et leur entourage signale moins leur abus (Budín & Johnson, 1989).
Le rapport Badgley (1984) rapporte que la majorité (81%) des victimes d'abus sexuel à l'enfance ne demandent pas d'aide. Par ailleurs, les données de plusieurs études révèlent qu'environ 90% des agresseurs sont des hommes (Finkelhor, 1984; Russell, 1983; Siegel et al. 1987; Tourigny et al., 1993) et que contrairement à l'image stéréotypée de l'agresseur (l'inconnu violent), celui-ci est presque toujours connu de l'enfant (relation amicale ou parentale) (Cupoli & Sewell, 1988; Dubé & Hébert, 1988; Färber et al., 1984).
Ces informations démontrent jusqu'à quel point l'abus sexuel à l'égard des enfants est une réalité dont il faut tenir compte. Elles s'avèrent importantes pour les intervenants du domaine de la prévention car ces derniers peuvent servir de lien entre la recherche et l'enfant.
1.5 Les conséquences
Étant donné l'ampleur du phénomène de l'abus sexuel envers les enfants, plusieurs études ont tenté d'inventorier les difficultés d'ajustement afin de mieux cerner l’impact de l'abus sexuel sur le développement psychosocial de la victime. Une revue de littérature de Kendall-Tackett et ses collaborateurs (1993) démontre clairement à partir de plusieurs études empiriques que les enfants abusés sexuellement présentent davantage de difficultés d'ajustement relativement à des enfants témoins. Les conséquences de l'abus sexuel peuvent différer en fonction du type d'abus commis, des circonstances entourant l'incident, des caractéristiques de l'enfant et de l'agresseur et du soutien disponible dans l'environnement (Beitchman, Zucker, Hood, DaCosta, & Akman, 1991). La littérature distingue les effets initiaux et les effets à long terme. Les effets initiaux réfèrent à ceux se manifestant pendant la période où les gestes abusifs sont commis jusqu'à un délai de deux ans après la cessation de l'abus. Quant aux effets à long terme, ils sont ressentis pendant une période excédant les deux armées suivant la cessation de l'abus.
En ce qui concerne les effets initiaux, l'abus sexuel envers les enfants provoquerait chez une importante proportion des victimes, divers types de réactions émotionnelles (Friedrich, Urquiza, & Beilke, 1986; Gomes-Schwartz, Horowitz, & Cardarelli, 1990;
Wurtele & Miller-Perrin, 1992). Les réactions les plus courantes réfèrent généralement à la peur, la colère, l'anxiété, la culpabilité, l'hostilité et la dépression (Browne &
Finkelhor, 1986; Finkelhor, 1990; Gomes-Schwartz et al., 1990; Kendall-Tackett, Meyer Williams, & Finkelhor, 1993; Pauzé & Mercier, 1994). Parmi les études ayant traité de l'impact de l'abus sexuel chez les victimes, quelques-unes seulement ont utilisé des mesures standardisées. Friedrich et ses collaborateurs (1986) utilisent la grille "Child Behavior Checklist" (Achenbach & Edelbrock, 1983) pour évaluer les effets de l'abus sexuel sur 61 filles abusées sexuellement ayant été référées par un centre d'aide aux
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victimes d'abus ou par le service de consultation externe d'un hôpital de la région. Ces filles avaient été abusées dans les vingt-quatre mois précédant l'étude. Les auteurs constatent une proportion d'enfants affichant des problèmes émotionnels intériorisés (comportement craintif, inhibé, dépressif et trop maîtrisé chez 46% des sujets) et extériorisés (comportement agressif, antisocial et insuffisamment maîtrisé chez 39% des sujets), beaucoup plus élevée chez les enfants victimes d'abus sexuel que dans la population normale (2%).
Une autre conséquence possible des abus sexuels réfère à la manifestation de comportements sexuels inappropriés notamment chez les enfants âgés de 6 ans et moins (Finkelhor, 1990; Kendall-Tackett et al., 1993). Dans leur étude comportant une analyse de 125 enfants (6 ans et moins) abusés sexuellement, Mian, Wehrspann, Klajner- Diamond, LeBaron et Winder (1986) rapportent une série de comportements sexualisés pouvant être observés chez de jeunes enfants: jeu sexuel avec des poupées, insertion d'objets dans l'orifice vaginale ou dans l'anus, masturbation excessive ou devant autrui, sollicitation de stimulation sexuelle et précocité au plan des connaissances sexuelles. Bien que Mian et ses collaborateurs n'aient pas employé de groupe témoin, deux études subséquentes (Gale, Thompson, Moran, & Sack, 1988; Goldston, Turnquist, &
Knutson, 1989) ont démontré que les comportements sexuels inappropriés prévalent chez les enfants abusés sexuellement comparativement au groupe témoin d'enfants non abusés sexuellement. Gomes-Schwartz et ses collaborateurs (1990) ont montré également que comparativement aux enfants de la population générale, une proportion importante d'enfants victimes d'abus sexuel (30%) manifestent davantage de comportements particuliers relatifs à la sexualité, comme par exemple la curiosité sexuelle excessive, l'exhibitionnisme et la masturbation devant public.
Par ailleurs, les enfants victimes d'abus sexuel peuvent également présenter des difficultés d'attention (e.g. chute de rendement scolaire, préoccupations, recours à la dissociation, attention et concentration lacunaires) (Wurtele & Miller-Perrin, 1992). Les problèmes de comportement sont des symptômes fréquemment rapportés chez les enfants abusés sexuellement, allant de 32% à 85% dans les échantillons étudiés (Adams-Tucker, 1981; Elwell & Ephross, 1987; Johnston, 1979; Kendall-Tackett et al., 1993; Tong, Oates, & McDowell, 1987). Dans leur étude, Tong et ses collaborateurs (1987) rapportent que les professeurs évaluent les enfants abusés sexuellement comme performant significativement moins bien dans leurs travaux scolaires comparativement aux enfants non abusés avec lesquels ils sont pairés en fonction des variables démographiques.
Enfin, d'autres réactions initiales sont rapportées dans la littérature. Elles incluent les problèmes physiques (e.g. lésions internes, infections, troubles liés à l'alimentation), les réactions psychosomatiques (e.g. énurésie, les troubles du sommeil, les douleurs abdominales) et les troubles au plan du comportement social (e.g. agression, retrait, difficulté au plan des relations sociales) (Wurtele & Miller-Perrin, 1992).
Parmi les effets à long terme, les recherches empiriques font particulièrement ressortir la répercussion sur le comportement sexuel ultérieur. Les études menées en clinique suggèrent presqu'unanimement l'existence de problèmes sexuels chez les victimes d'abus sexuel à l'enfance notamment chez les victimes d'inceste (Browne & Finkelhor, 1986). Wurtele et Miller-Perrin (1992) rapportent qu'à long terme, l'abus sexuel envers les enfants peut aussi être lié à des difficultés émotionnelles (dépression, tentatives de suicide, anxiété, perte d'estime de soi, sentiment de culpabilité), à des relations interpersonnelles dysfonctionnelles (difficulté à faire confiance aux autres, retrait social, insécurité), à des problèmes au plan cognitif (revivre des événements traumatisants par la
pensée, les cauchemars, le recours à la dissociation) et à des difficultés de fonctionnement social (abus de drogues, problème d'alcool, prostitution).
Ainsi, une recherche de Jehu (1989) menée auprès de 51 femmes ayant été abusées durant l'enfance montre que 92% d'entre elles entretiennent une faible estime de soi, que 88% souffrent de sentiments de culpabilité et que 70% ont vécu des épisodes dépressifs.
De plus, une étude de Finkelhor, Lewis et Smith (1989) effectuée auprès de 1,145 hommes (dont 16% avaient été abusés) et 1,485 femmes (dont 27% avaient été abusées) révèle un plus haut taux de discorde familiale et un niveau plus bas de satisfaction sexuelle chez les victimes d'agressions sévères, notamment chez les hommes. Les femmes souffrent d'avoir été dévalorisées tandis que les hommes se sentent stigmatisés par la connotation homosexuelle de l'agression.
Par ailleurs, dans leur relevé de littérature sur les conséquences à long terme, Beitchman, Zucker, Hood, DaCosta et Cassavia (1992) rapportent des études ayant démontré que la revictimisation à l'âge adulte est associée à l'abus sexuel envers les enfants (Alexander & Lupfer, 1987; Fromuth, 1986; Gorcey, Santiago, & McCall-Perez, 1986; Russell, 1986). Parmi les victimes d'abus sexuel interviewées par Gorcey et ses collaborateurs (1986), 37% d'entre elles rapportent avoir été violées lorsqu'elles étaient adolescentes ou adultes. L'étude de Russell (1986) indique que 65% des victimes d'inceste comparativement à 36% du groupe témoin (personnes non abusées) ont vécu un autre viol ou une tentative de viol. Enfin, Fromuth (1986) rapporte un lien significatif entre une histoire d'abus sexuel et un viol ultérieur.
Durant les deux années suivant le moment de l'abus, les abus sexuels envers des enfants provoquent des conséquences à des degrés divers et ce, tant au plan physique, affectif que social (Finkelhor, 1986; Gomes-Schwartz et al., 1990). La littérature soulève
en outre que l'abus sexuel est un problème majeur entraînant de graves séquelles à long terme (Beitchman et al., 1992). Le pourcentage d'adultes éprouvant divers problèmes (dépression, anxiété, perte d'estime de soi, tentatives de suicide, tendance à la revictimisation, toxicomanie) serait deux fois plus élevé parmi ceux ayant été victimes d'abus sexuel durant leur enfance que parmi les personnes non abusées (Finkelhor, 1986). De plus, la fréquence et la durée de l'abus, l'appel à la force ou l'utilisation de la violence, l'abus impliquant une pénétration et la relation proche avec l'agresseur semblent être les éléments les plus néfastes en termes d'effets à long terme sur l'enfant (Beitchman étal., 1991).
Aux États-Unis, la reconnaissance du problème de l'abus sexuel à un niveau national dès 1979 et l'implantation de projets de démonstration en prévention des abus sexuels en milieu scolaire, subventionnés par le "National Center for Child Abuse and Neglect", ont aidé à ouvrir la voie au domaine de la prévention (Finkelhor, 1986). Avec possiblement quelques années de retard, l'évolution du phénomène de prévention au Canada semble avoir adopté une voie similaire (Dubé et al., 1988). Ainsi, depuis la dernière décennie, un grand nombre de programmes de prévention ont été développés en se basant, entre autres, sur le fait qu’une proportion importante d’enfants risque d'être abusés sexuellement et sur l'existence de conséquences néfastes à court et à long terme (Browne & Finkelhor, 1986; Wurtele & Miller-Perrin, 1992). De plus, les initiatives liées à l'élaboration de programmes préventifs s'appuient sur le fait que plusieurs enfants ignorent la dynamique de l'abus sexuel et que peu d'entre eux dévoilent l'abus (Finkelhor, Hotaling, et al., 1990). Il semble donc important de prévenir l'abus sexuel en informant la communauté sur le sujet (enfants, parents, professeurs, etc), en enseignant des stratégies à utiliser lors des situations abusives et en encourageant le dévoilement des abus afin d'éviter le plus possible que les enfants vivent ce genre de situation au cours de leur enfance (Madak & Berg, 1992; Nibert, Cooper, & Ford, 1989). Par le biais de
la possibilité d'acquérir un certain nombre de connaissances et d'habiletés à caractère préventif, ce qui peut s'avérer utile pour prévenir un abus ou échapper à une situation potentiellement abusive (Conte & Fogarty, 1990).
2. Les programmes de prévention
2.1 L'évolution des programmes de prévention
La prévalence élevée du phénomène, le fait que l'abus sexuel affecte majoritairement de jeunes enfants, l'absence de communication entre parents et enfants sur le sujet de l'abus sexuel (Finkelhor, 1984,1986; Wurtele & Miller-Perrin, 1992) ainsi que l’existence des problèmes d'adaptation ultérieure chez les victimes (Kendall-Tackett et al., 1993) font partie des facteurs ayant motivé l'élaboration de programmes de prévention.
Selon Finkelhor (1986), tout le rationnel de la prévention repose sur un certain nombre de réalités associées à l'abus sexuel chez les enfants. Premièrement, un nombre considérable d'enfants semblent être des victimes d’abus sexuel durant leur enfance (Finkelhor, 1986).
À cet égard, plusieurs rapportent qu'ils auraient pu être épargnés s'ils avaient eu certaines informations de base au sujet des comportements inappropriés d’un agresseur adulte. De plus, en dépit de la disponibilité des services d'intervention pour les victimes d'abus sexuel, plusieurs enfants abusés ne révèlent pas ce qu'ils ont vécu ou lorsqu'ils le dévoilent, les familles hésitent généralement à chercher de l'assistance. Ainsi, les programmes d'intervention n’assistent vraisemblablement qu'un petit pourcentage de victimes (Finkelhor, 1986).
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Aujourd'hui, un grand nombre de programmes de prévention existent (Tourigny &
Bouchard, 1992) et leur démarche préventive s'appuie, en partie, sur des nombreuses données recueillies par les recherches auprès des victimes (Finkelhor, 1986). Les approches les plus courantes se sont appuyées sur le fait que beaucoup de victimes ne divulguent pas l'abus, qu'elles se sentent coupables et que, de façon générale, peu de parents informent leurs enfants de l'existence de l'abus sexuel (Finkelhor, 1984). Les programmes de prévention visent donc à donner de l'information sur le sujet, à habiliter les jeunes enfants à se protéger contre d'éventuelles agressions ainsi qu'à sensibiliser et à conscientiser les parents sur le phénomène des abus.
2.2 Similarités et distinctions entre les programmes de prévention
La plupart des programmes de prévention destinés aux enfants d'âge scolaire ont été créés au milieu des années soixante-dix et furent principalement développés par des organisations communautaires et des agences de justice (Kohl, 1993). On estime que 400 à 500 curricula ont été conçus pour la prévention des abus sexuels (Plummer, 1988).
Certains sont des produits locaux répondant aux besoins des communautés dans lesquelles ils sont nées; d'autres ont une distribution nationale (e.g. les programmes "Talking about Touching", C.A.R.E. et "Child Assault Prevention"(C.A.P.)" font partie de ceux les plus répandus) et rejoignent un très grand nombre d'enfants (Berrick & Gilbert, 1991). Pour la majorité des programmes, certaines similitudes sont notables. Tout d'abord, bien que certains programmes ne sont offerts qu'à une seule catégorie d'âge, une étude récente de Kohl (1993) portant sur la description de 126 programmes de prévention existant aux États-Unis permet de constater que la majorité des programmes sont disponibles pour les enfants d'âge préscolaire (3 et 4 ans) et scolaire (5 à 12 ans). De plus, les programmes comportent des ateliers qui ont principalement lieu dans les écoles. Dans l'ensemble, les programmes de prévention évitent savamment le sujet de la sexualité. Les activités
nommés ou discutés pour la majorité des programmes (Charest, Shilder, & Vitaro, 1987).
L'utilisation de termes plus généraux semble donc préconisée puisque cette façon de procéder est habituellement acceptable pour les parents et le personnel de l'école (Berrick
& Gilbert, 1991). Afin d'aborder certains éléments potentiellement menaçants, un grand nombre de programmes utilisent deux stratégies lors des discussions (Charest et al., 1987). La première consiste à véhiculer les messages à travers une mise en simation ou un jeu en faisant appel à l'humour lorsque la situation s'y prête et à éviter la description des formes les plus terrifiantes d’abus sexuels. Comme seconde stratégie, plusieurs programmes ont développé l'idée d'ajouter des actions positives (e.g. le droit de dire non, le droit de contrôler son propre corps ou le droit de ne pas se faire toucher d'une façon qui nous met mal à l'aise) qui peuvent aider à mettre un terme à une situation abusive.
En ce qui concerne les distinctions, une revue des différents programmes de prévention permet de constater que ces derniers se différencient surtout en ce qui a trait à leur format de présentation (Carroll, Miltenberger, & O’Neill, 1992; Wurtele, 1987). En effet, certains programmes présentent des films/vidéo (ex: Byers, 1986; Poche, Yoder, &
Miltenberger, 1988), des pièces de théâtre (ex: Borkin & Frank, 1986; Swan, Press, &
Briggs, 1985), des lectures et discussions en groupe (ex: Conte, Rosen, Saperstein &
Shermack, 1985; Fryer, Krazier, & Miyoshi, 1987; Madak & Berg, 1992), du matériel écrit (ex: Kolko, Moser, Litz, & Hughes, 1987; Milten berger & Thiesse-Duffy, 1988) et une approche comportementale (ex: Wurtele, 1990). Malgré la diversité des modes de présentation, les exposés et la discussion en classe demeurent le format le plus courant (Berrick & Gilbert, 1991). Dans plusieurs cas, on retrouve deux types de format ou plus à l'intérieur de la présentation d'un même programme (Carroll et al., 1992). En outre, les programmes se distinguent par le nombre de concepts présentés aux enfants. À titre d'exemple, le programme C.A.R.E. (atelier préscolaire) enseigne 14 concepts alors que le
programme Talking about Touching (atelier préscolaire) présente 21 concepts. De plus, bien que la majorité des programmes portent sur la prévention des abus sexuels, une minorité seulement comme C.A.P. abordent aussi d'autres types d'agressions (verbales et physiques).
- Par ailleurs, même si plusieurs programmes ont soulevé l'importance d'impliquer les parents, peu d’entre eux consacrent des efforts pour leur offrir un atelier ou une séance d’information (Berrick & Gilbert, 1991; Reppucci & Haugaard, 1993). Environ le quart seulement des programmes de prévention prévoit des rencontres avec les parents et le personnel scolaire (Kolko, 1988). Le contenu de ces rencontres peut différer;
minimalement, on y retrouve une présentation du programme offert aux enfants et, dans certains cas, on propose une formation complète portant sur la problématique de l'abus sexuel, le dépistage d'un enfant abusé sexuellement et le soutien à apporter suite à un dévoilement d'abus (Tourigny & Bouchard, 1992). Quant à la durée du programme, elle varie considérablement en fonction du nombre de concepts ou d'habiletés à enseigner et de l'âge de l'enfant. Par exemple, le programme Talking to Children / Parents about Sexual Abuse destiné aux enfants de la maternelle à la cinquième année, consiste en une seule séance d'environ 25 minutes. À l'autre extrême, le programme Talking about Touching comporte douze à vingt-sept séances, variant en fonction de l'âge des enfants (Berrick &
Gilbert, 1991).
Bien que le format de présentation puisse varier d'un programme à l'autre, les principales notions abordées sont similaires pour l'ensemble des programmes (Carroll et al., 1992). Cependant, les termes employés peuvent être différents d'un programme à l'autre (Berrick & Gilbert, 1991). D'un point de vue plus spécifique, les principaux objectifs de l'ensemble des programmes de prévention peuvent être regroupés selon les trois thèmes suivants:
L'enfant et ses droits
Le concept des droits de l’enfant s'avère central pour un grand nombre de programmes (Berrick & Gilbert, 1991). À titre d'exemple, le programme de prévention C.A.P. insiste sur cette notion en enseignant aux enfants qu’ils sont maîtres de leur corps et qu'ils ont certains "droits", comme celui de dire non à un adulte qui tente de les agresser et celui d'être en "sécurité, fort et libre" (Child Assault and Prevention Project, 1983).
Certains programmes introduisent la notion de droit à travers des exemples tels que les enfants ont le droit de manger et de dormir (Berrick & Gilbert, 1991). Plutôt que d'aborder spécifiquement le concept de droits des enfants, certains programmes choisissent de mettre l'accent sur l'idée que les enfants n'ont pas à laisser n’importe qui toucher ou regarder leur parties intimes (Wurtele, Currier, Gillispie, & Franklin, 1991;
Wurtele, Kast, Miller-Perrin, & Kondrick, 1989; Wurtele, Saslawsky, Miller, Marrs, &
Britcher, 1986). Les exceptions relatives à cette règle sont parfois mentionnées et réfèrent aux questions d'hygiène et de santé (Carroll et al, 1992).
Les types de touchers
Le succès des programmes de prévention repose partiellement sur leur habileté à enseigner aux enfants comment identifier des situations potentiellement abusives (Carroll et al., 1992). Si l'enfant ignore l’existence de certaines sortes de touchers inappropriés, il lui sera plus difficile d'adopter un comportement préventif. Aujourd'hui, certains programmes (e.g. "Talking about Touching", "Touch Program") distinguent différents types de touchers (Berrick & Gilbert, 1991; Kraizer, 1986; Reppucci & Haugaard, 1989).
Plus spécifiquement, on retrouve tout d'abord les "bons touchers", c’est-à-dire ceux qui font sentir l'enfant confortable, telle qu'une étreinte. Les "mauvais touchers", quant à eux, mettent l'enfant mal à l'aise, tels que les coups ou les brimades. Enfin, les "touchers confus", souvent associés à l'abus sexuel, amènent l'enfant à se sentir bizarre ou troublé.
Par exemple, l'enfant peut aimer la personne mais ne pas vouloir se faire toucher par
D'autres programmes utilisent une approche plus symbolique pour aborder le continuum de touchers. Par exemple, le programme C.L.A.S.S. aborde les touchers "Lumière Rouge" (Red Light touches) et les touchers "Lumière Verte" (Green Light touches) (Berrick & Gilbert, 1991). Initialement, trois couleurs (rouge, jaune et vert) étaient utilisées pour symboliser différents types de touchers, ce qui permettait la comparaison avec les feux de circulation. Cependant, la signification de la lumière jaune, soit de faire attention et être prudent, semait la confusion parmi plusieurs enfants c'est pourquoi le programme a été révisé. Ainsi, la lumière verte se définit comme des "touchers acceptables" (safe touches) alors que la lumière rouge se rapporte à des "touchers inacceptables" (not safe touches).
Bien que l'enseignement du continuum de touchers soit populaire, il n'est pas abordé par la majorité des programmes puisqu'il constitue une notion plutôt controversée.
Les écrits soulignent ainsi que peu de programmes font la distinction suivante: un toucher peut être considéré comme bon ou agréable alors qu'il constitue la première étape d'un abus sexuel de la part d'un membre de la famille (Dubé et al., 1988). Le programme Talking about Touching est un de ceux qui font cette distinction et il enseigne aux enfants que même un toucher agréable des parties génitales peut être considéré abusif. Par ailleurs, certains programmes vont comparer un abus sexuel à des situations d'intimidation alors que cela n'est pas toujours la réalité. En effet, les mises en situation des programmes C.A.P. et Mon corps, c'est mon corps présentent un enfant visiblement intimidé. Malheureusement, certains abus sexuels se produisent parfois dans un contexte où l'enfant est choyé et où il retire certains avantages (e.g. recevoir un jouet convoité) à tolérer la situation abusive et à garder le secret (Charest et al., 1987). Dans ces circonstances, l'enfant peut confondre les intentions d'un agresseur car certaines formes d'abus sexuel peuvent le faire se sentir bien et, par conséquent, rendre imperceptible l'aspect nébuleux des touchers infligés. Dans le même ordre d'idée, Kraizer (1986)