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2. Interprétation des résultats

2.3 Les parents qui abordent le sujet des abus

Certains événements ou moments particuliers ont amené les parents à aborder le sujet des abus avec leurs enfants. Les résultats révèlent que la majorité des parents

mentionnent qu'ils voulaient que leur enfant soit bien informé, notamment sur l'abus sexuel, alors que plusieurs soutiennent que c'est à la suite de la participation de leur enfant à un programme de prévention qu'ils ont décidé d'aborder le sujet. Les parents apparaissent donc plus conscientisés lorsqu'un programme de prévention est présent dans leur communauté. Ainsi, la simple venue d'un programme à l'école peut susciter chez les parents l'intérêt d'en parler à leurs enfants. Donc, même si seulement une minorité des parents (dans la présente étude 32,4%) assistent à l'atelier destiné aux parents, l'une des retombées indirectes du programme réside dans le fait que les parents amorcent une discussion sur le sujet. Plusieurs parents indiquent qu'ils ont commencé à aborder le sujet des abus lorsque leur enfant a commencé à fréquenter l'école ou quand il a vécu un abus et ce, surtout pour l'abus verbal. Cela peut signifier que l'abus verbal est un type d'agression plus observable en milieux familial et scolaire (entre pairs), ce qui pourrait expliquer la différence significative observée entre les trois types d'abus. Quelques parents révèlent qu'ils ont commencé à aborder le thème des abus lorsque leur enfant a abordé le sujet lui-même tandis que très peu rapportent l'avoir fait après qu'un enfant de l'entourage ait vécu un abus. Enfin, un petit nombre de parents a décidé d'aborder le sujet à la suite d'un reportage ou d'une émission traitant des abus et ce, principalement pour ce qui est de l'abus sexuel. Ainsi, depuis quelques années, les médias se sont particulièrement intéressés à la problématique de l'abus sexuel, les statistiques récentes étant révélatrices quant à son ampleur (Pauzé & Mercier, 1994; Rapport du groupe de travail sur les agressions à caractère sexuel, 1995). Offrir de l'information sur l'abus sexuel par les médias semble donc avoir un impact.

Le fait que certains parents abordent le sujet des abus ne signifie pas nécessairement qu'ils sont à l'aise avec le sujet. En effet, les résultats révèlent que la plupart des parents se sentent plus à l'aise d'aborder l'abus verbal et physique comparativement à l'abus sexuel. Cette constatation peut signifier que les sujets

le fait qu'ils en parlent. La littérature souligne qu’une des raisons pour lesquelles les parents n'abordent pas l'abus sexuel avec leurs enfants réside dans le fait qu'ils se sentent mal à l'aise face à ce sujet ce qui incite à accorder une attention particulière à cet aspect (Finkelhor, 1984; Wurtele & al., 1992). Ainsi, afin d'aider les parents à se sentir plus confortables pour aborder l'abus sexuel et la prévention, des efforts devraient être dirigés pour leur apporter une aide quant à la façon de discuter de ce sujet par le biais de mises en situation par exemple. Les parents devraient être encouragés à utiliser des moyens comme les livres, les cassettes-vidéo ou les marionnettes afin de faciliter la discussion avec leurs enfants au sujet de l'abus sexuel (Wurtele & Miller-Perrin, 1992). Ce matériel pourrait sûrement aider à atténuer les sentiments de malaise chez les parents.

En ce qui concerne la source utilisée par les parents pour acquérir des connaissances sur la prévention de chaque type d'abus, on observe que la majorité des parents se documentent par des livres ou des dépliants et des émissions de télévision ou de radio notamment en ce qui concerne l'abus sexuel. Ce résultat est similaire à ceux rapportés par Elrod et Rubin (1993) dans une étude récente portant sur l'implication des parents en prévention de l'abus sexuel. Selon eux, 99% des parents identifient les médias comme étant leur principale source d'information. Étant une source très accessible et pratique, il n'est pas étonnant que les médias soient si populaire auprès de parents vivant en milieu rural. La littérature souligne que les médias pourraient être utilisés comme moyen pour façonner les attitudes et éduquer les gens (Elrod & Rubin, 1993). En diffusant de l’information plus précise et juste, les médias pourraient briser les mythes entourant l'abus sexuel et renseigner les parents à propos de l'ampleur et de la sévérité du problème en évitant de présenter des événements sensationnels dont le contenu éducatif est souvent pauvre. Également, un certain nombre de parents indiquent qu'ils utilisent tout simplement leur expérience de vie personnelle, surtout lorsqu'il s'agit de l'abus verbal.

Cela soutient un résultat présenté précédemment concernant le fait que les parents qui abordent le sujet des abus se considèrent comme une ressource potentielle importante en prévention que ce soit pour l'abus verbal, physique ou sexuel. De plus, seulement quelques parents rapportent qu'ils ont acquis leurs connaissances grâce à l'atelier du programme ESPACE et très peu révèlent que c'est grâce à une formation sur le sujet Les faibles pourcentages sont probablement attribuables au fait qu'en général, peu de parents participent à un programme de prévention (Berrick, 1988; Cooper, 1991). Bien que la participation de leur enfant à un programme de prévention suscite chez les parents un désir d'aborder le sujet des abus, cela n'apparaît pas suffisant pour les inciter à participer à une formation. En somme, ces résultats suggèrent que les parents semblent avoir davantage recours aux livres et à la télévision comme sources d'information qu'à un atelier de prévention. Afin d'encourager les parents à assister en plus grand nombre à ces ateliers, les programmes pourraient mettre l'accent sur le fait qu'ils donnent l'opportunité aux parents de poser des questions sur le sujet. De plus, il serait opportun que les programmes proposent plusieurs dates de rencontre afin de faciliter la participation des parents, contrairement au programme ESPACE qui n'offre qu'un seul moment possible pour les ateliers destinés aux parents. Enfin, il serait important éventuellement de recenser de façon plus explicite les motifs de non-participation invoqués par les parents afin d'apporter au besoin des réajustements aux programmes.

2.4 Les connaissances des parents en matière d'abus sexuel

Les résultats révèlent que les parents sont relativement bien informés sur le phénomène de l'abus sexuel à l'égard des enfants. Néanmoins, certaines connaissances sont lacunaires pour certaines notions liées à l'abus sexuel. En effet, les questions se rapportant aux taux de prévalence indiquent que la majorité des parents sous-estiment le risque d'être abusé sexuellement au cours de sa vie autant chez l'homme que chez la

recommencer son geste, que les enfants sont généralement craintifs à dévoiler un incident d'abus et que l'abus sexuel pendant l'enfance peut provoquer des difficultés psychologiques. La plupart des parents savent également que plus de 75% des enfants sont agressés sexuellement par une personne qu'ils connaissent, que la minorité des cas d'abus sexuel sont signalés aux autorités policières et que les enfants abusés sexuellement ne dévoilent pas nécessairement l'abus sexuel immédiatement après en avoir été victimes.

Dans l'ensemble, ces résultats sont encourageants car ils indiquent que les parents semblent conscients que l'abus sexuel entraîne des conséquences sérieuses et que, contrairement à la croyance populaire, les agresseurs ne sont généralement pas des inconnus. De plus, les parents semblent réaliser que les cas d'abus sexuels ne sont en général pas dévoilés rapidement et qu'ils sont rarement rapportés aux autorités.

Cependant, le fait qu'ils sous-estiment le risque que les personnes soient victimes d'abus sexuel laisse supposer qu'ils ne considèrent pas l'abus sexuel comme étant un problème social à ce point sérieux et de plus en plus répandu. L'étude d'Elrod et Rubin (1993) rapporte des scores similaires quant aux questions les mieux réussies, ce qui laisse supposer que les parents sont possiblement mieux informés en matière d'abus sexuel depuis quelques années. La faible réussite des questions se rapportant au taux de prévalence correspond aux données empiriques observées à ce sujet dans le domaine puisque d'autres études rapportent des résultats semblables (Elrod & Rubin, 1993; Tutty,

1993).

2.5 Les attitudes et les croyances parentales à l'égard des programmes de prévention

En ce qui concerne les attitudes et les croyances parentales à l'égard de la prévention, les résultats suivent un profil semblable à celui rapporté dans une étude américaine (Wurtele & al., 1992). De façon générale, les résultats démontrent que les

parents véhiculent des attitudes favorables quant aux notions pouvant être enseignées dans les programmes et des croyances positives envers la prévention des abus.

En ce qui a trait aux attitudes, les résultats indiquent que les parents accordent une grande importance à la plupart des notions qui sont généralement enseignées dans les programmes de prévention (e.g. dire "non", s'enfuir, dévoiler l'abus à une personne, etc.). Un nombre cependant moins élevé de parents se montrent favorables à ce qu'on enseigne aux enfants que si quelqu'un utilise la force dans une situation d'abus, ils devraient se défendre physiquement (e.g. donner des coups de pied). Ce résultat peut s’expliquer par la croyance que les parents peuvent avoir à l’effet que les enfants pourraient confondre entre les situations où il est acceptable d'utiliser ce moyen de défense et celles où c’est inapproprié et ainsi, généraliser ce genre d'idée à toute circonstance (e.g.

une chicane d'amis). Lorsqu'ils enseignent ce genre d'habileté, les intervenants en prévention devraient expliquer aux parents de façon nuancée les bienfaits de l'application de celle-ci et suggérer des façons d'intervenir en cas de problème ou de réaction négative.

Par ailleurs, la plupart des programmes de prévention évitent le sujet de la sexualité, c'est pourquoi les mots désignant les parties sexuelles ne sont pas explicitement nommés. Dans plusieurs programmes, les organes génitaux sont en effet mentionnés en utilisant des circonlocutions comme "parties intimes" ou "zones privées" car on semble croire que les parents ne voudraient pas qu'on enseigne les véritables termes (Charest et al., 1987).

Pourtant, 90,3% des parents de la présente étude sont fortement en accord avec le fait que les programmes enseignent aux enfants les vrais noms de leurs parties génitales, suggérant ainsi que les parents semblent plus réceptifs à l'idée que cette information soit incluse dans les ateliers de prévention. En outre, 65,2% des parents sont d'accord à ce que les programmes enseignent aux enfants qu'il arrive parfois que les adultes ne croient pas un enfant qui dévoile un abus sexuel, comparativement à 34,4% de l'étude de Wurtele et al.

(1992). Bien qu'on observe une amélioration à cet égard, les programmes de prévention

abus de la part d'un enfant afin qu'on croit celui-ci. Enfin, comparativement à l'abus sexuel, moins de parents pensent qu'une personne connue peut agresser verbalement ou physiquement et que ce n'est jamais de la faute des enfants s'ils ont été agressés verbalement ou physiquement. Cela peut s'expliquer par le fait que ce sont des notions plus souvent transmises pour l'abus sexuel que pour les autres formes d'abus. Ainsi, il apparaît important que les programmes accordant une attention particulière aux trois types d'abus (e.g. ESPACE) mettent aussi l'accent sur le fait que ce sont des concepts pouvant également s'appliquer à d'autres formes d'agressions.

En ce qui concerne les croyances, la majorité des parents croient que ce ne sont pas seulement les filles qui ont besoin de participer à un programme de prévention pour apprendre à se protéger. Cela signifie que les parents sont conscients que l'abus sexuel peut également survenir chez les garçons, conformément aux statistiques rapportées à cet égard (Badgley, 1984). De plus, la majorité des parents croient que toutes les écoles de niveaux préscolaire et scolaire devraient offrir des programmes de prévention et plusieurs d'entre eux pensent que les programmes vont aider à prévenir les abus, notamment l'abus sexuel. Ces résultats indiquent que les parents accordent de l'importance et témoignent une certaine confiance envers les programmes de prévention. Les résultats de Conte et Fogarty (1989) indiquent également que les parents sont très favorables à l'idée que les écoles primaires offrent un programme de prévention et que la majorité des parents permettraient à leurs enfants d'y participer. Ces observations corroborent certains résultats de la présente recherche. Par ailleurs, la plupart des parents sont en désaccord avec les énoncés stipulant que leur enfant ne risque pas de se faire agresser verbalement, physiquement ou sexuellement. Les parents ne croient donc pas que ce genre de situation n'arrive qu'à autrui, ce qui peut supposer qu'ils se sentent concernés par le problème.

Également, plusieurs parents (plus de la moitié) pensent que les enfants d'âge préscolaire

sont trop jeunes pour apprendre des notions de prévention. Ce résultat est cohérent avec la moyenne d'âge rapportée par les parents pour apprendre les concepts et habiletés liés à la prévention, soit 5 ans et demi. Cela pourrait signifier que pour les parents, l'âge préscolaire pourrait correspondre aux années précédant la maternelle, soit 5 ans et moins.

Le programme ESPACE offre un atelier préscolaire à des enfants âgés entre 2 ans et demi et 5 ans, ce qui signifie que l'étendue d'âge peut donc être importante et que de très jeunes enfants (2 ans et demi) sont visés. Cela pourrait expliquer les réticences des parents quant à la participation des enfants d'âge préscolaire. Enfin, malgré qu'ils croient aux bénéfices des programmes, plus de 50% des parents pensent que ceux-ci peuvent entraîner des effets négatifs chez les enfants à savoir l'apparition de peur ou de craintes face aux inconnus ou face au fait de se faire prendre dans les bras de leurs parents. Pourtant, les études d'évaluation de programmes rapportent que très peu de parents notent des comportements négatifs ou inhabituels chez leurs enfants à la suite de leur participation à un atelier de prévention (Madak & Berg, 1992; Nibert et al., 1989). Les responsables des programmes pourraient donc tenter de diminuer les fausses croyances des parents à cet égard en spécifiant qu'en général, on observe très peu de changements négatifs quant au comportement des enfants prenant part à des programmes de prévention.