• Aucun résultat trouvé

L'information sur les mouvements religieux controversés dans le contexte suisse de neutralité confessionnelle

N/A
N/A
Protected

Academic year: 2022

Partager "L'information sur les mouvements religieux controversés dans le contexte suisse de neutralité confessionnelle"

Copied!
14
0
0

Texte intégral

(1)

Proceedings Chapter

Reference

L'information sur les mouvements religieux controversés dans le contexte suisse de neutralité confessionnelle

BELLANGER, François, KNOBEL, Brigitte Johanna

BELLANGER, François, KNOBEL, Brigitte Johanna. L'information sur les mouvements religieux controversés dans le contexte suisse de neutralité confessionnelle. In: Luca, Nathalie. Quelles régulations pour les nouveaux mouvements religieux et les dérives sectaires dans l'Union européenne ? . Aix-en-Provence : Presses universitaires d'Aix-Marseille, 2011. p.

101-113

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:42067

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

1 / 1

(2)

L'INFORMATION SUR LES MOUVEMENTS RELIGIEUX CONTROVERSÉS DANS LE

CONTEXTE SUISSE DE NEUTRALITÉ CONFESSIONNELLE

Par

François BELLANGER Président du conseil de fondation du

Centre intercantonal d'information sur les Croyances (CIC)

Et Brigitte KNOBEL

Directrice du CJC

INTRODUCTION

En 2001, les Cantons de Genève, Vaud, Valais et Tessin décident de financer un centre d'information sur les croyances (CIC) dans le but de répondre aux inquiétudes de la population après les drames de !'Ordre du Temple solaire82, mais

. aussi, dans un objectif de prévention, pour offrir une infonnation neutre sur cc qu'on

appelle communément les sectes83. Le manque d'information dans ce domaine avait été mis en évidence dans le rapport intitulé Audit sur les dérives sectaires ( 1997) commandé par le Canton de Genève à des experts juristes et dirigé par François Bellangcr84. En mai 2002, le CIC ouvre ses portes à Genève. Il prend la forme d'une fondation privée gérée par un Conseil de dix personnes. Son budget lui permet d'engager deux universitaires, une sociologue et une historienne des reli~ions85, pour mettre sur pied le centre, récolter l'information et élaborer des dossicrs8 . Si les drames de l'Ordrc du Temple Solaire et /'Audit sur les dérives sectaires ont été les éléments déclencheurs à la création du CIC, Je contexte religieux et politique de la Suisse détemtine en grande partie ses activités et son approche méthodologique. Il nous paraît donc nécessaire, en guise d'introduction, de présenter brièvement le paysage religieux ainsi que la politique helvétique en matière religieuse, avant de décrire le travail quotidien au CJC.

~2 Les drames de !'Ordre du Temple Solaire ont eu lieu en 1994 en Suisse romande (Chciry et Salvan) et au Canada, en 1995 en France voisine (Vercors), puis en 1997 au Canada, entraînant au total la mort de 74 personnes. Ils ont frappé durablement l'imaginaire collectif. Voir l'étude d.e Roland J. Campichc, wuand les sectes affolent. Ordre du Temple Solaire, médias et.fin du millénaire (Labor et Fid.cs, 1995).

8 Pour un état des lieux des mesures prises en Suisse, voir François Bellanger (ed), l "Etat jàce aux dérives sectaires (Helbing & Lichtenhahn 2000) et Andrea Rota, La régulation du champ religieux par l'État: exemple du cas suisse (Université de Fribourg, 2007).

"' François Bellanger est avocat et professeur de droit à l'Université de Genève. li préside le Conseil de fondation du CIC.

85 Nous tenons ici à remercier Severine Desponds Meylan, historienne des religions au CIC, qui nous a fait bénéficier de son expérience et de ses réflexions stimulantes pour la rédaction de cet article.

""Pour plus d'infonnation, voir le site internet du CIC: http://www.cic-info.ch.

(3)

102 Quelles régulations pou les nouveaux mouvements religieux ...

l. Le contexte religieux et politique de la Suisse

La Suisse se caractérise par une bi-confessionnalité historique et par une pluralisation religieuse récente qui relève à la fois de l'augmentation de la migration et d'un besoin de vivre une religiosité de manière non traditionnelle. Si l'Église catholique (42%) et l'Église réformée (33%) dominent le paysage religieux87,

d'autres traditions religieuses se sont développées comme l'Islam (4%), l'évangélisme (2,2%), l'orthodoxie (1,8%), l'hindouisme (0,4%), le bouddhisme (0,3%) ainsi que le Judaïsme (0,2%)88À côté de ces grands courants religieux

« photographiés » tous les dix ans par le recensement fédéral, il existe une religiosité parallèle, aussi éclectique que peu visible et controversée89. Elle recouvre une multitude de groupes, religieux ou para-religieux, d'obédiences ésotériques, occultistes, néo-orientales, soucoupistes ou ncw age, sur lesquels le CJC est souvent interrogé. Or, pour des raisons méthodologiques, le recensement fédéral ne les répertorie pas90. D'un point de vue scientifique, il n'est donc pas possible d'indiquer le nombre de mouvements controversés en Suisse91 li existe en revanche des données sur leur diversité et leurs activités dans des répertoires réalisés dans les villes de Zurich, Bâle, ou Fribourg ou encore dans le canton du Tcssin92. On y apprend notamment que ces groupes se sont implantés récemment en Suisse, qu'ils ont pour la plupart des activités internationales, qu'ils ont le statut d'associations privées93, qu'ils sont plutôt établis dans des centres urbains ou encore qu'ils sont de petites dimensions comparés aux religions historiques. À titre indicatif, en s'ap- puyant sur les chiffres donnés par les groupes eux-mêmes, on estime qu'en Suisse (population de 7,4 millions d'habitants), vivent environ 20 000 témoins de Jéhovah, 5 300 anthroposophcs, 3 500 mom1ons, 900 disciples de la Soka Gakkai, 4 000 scientologues, 350 mahikaristes, 300 moonistes et 40 raëliens.

87 Non seulement en tcnncs de nombres, mais également de reconnaissance publique.

1<11 Source : recensement fédéral de la population de 2000.

R9

L'étude de Jean-François Mayer, les nouvelles voies spirituelles, enquête sur la religiosité parallèle en Suisse (L'Age <l'Homme, 1993) reste une référence dans cc domaine. Cette étude sïnscrivait dans le cadre du programme national de recherche 21 du Fonds national de recherche scientifique (1985).

Cependant, clic n'a pas été reconduite et le paysage religieux a changé. Notons également l'ouvrage récemment édité, dirigé par Martin Bauman et Jürg Stolz, La nouvelle Suisse religieuse (Labor et Fides, 2009), qui apporte des informations précieuses sur le nouveau paysage religieux suisse.

90 En S!lissc, le recensement fédéral, qui a lieu tous les 10 ans, contient une question sur l'appartenance religieuse. L'exploitation des données met l'accent sur les grands courants religieux comme le catholicisme, le protestantisme, 1' Islam, le judaïsme, l'orthodoxie, l'évangélisme ainsi que sur quelques groupes minoritaires comme les Témoins de Jéhovah, les Monnons ou les Adventistes. En revanche, les données concernant les nouveaux mouvements religieux, ou ce que l'on désigne couramment par le tenne de secte, sont regroupées dans des grandes catégories comme «Autres chrétiens» et «Autres mouvements » (Claude Bavay et Raphaël Broque!, le paysage religieux en Suisse, Office fédéral de la statistique, 2004).

91 L'afiinnation selon laquelle la Suisse est un «paradis des sectes» correspond donc davantage à un cliché véhiculé par les médias qu'à une réalité (cf titre du dossier de L 'Hebdo de juillet 2007).

92 Claude-Alain Humbert, Religions.führer Zürich (Orel! Füssli Verlag, 2004), Christoph Peter Baumann, Religionen in Basel-Stadt 1111 Basel-/andschaji (Manava Vcrlag, 2000), P. Bleisch Bouzar, J. Rey, B.

Stoffcl et K. Walser, Églises Appartement Garages. La diversité des communautés religieuses à Fribourg (Academic Press Fribourg, 2005), Michela Trisconi, Repertorio delle Religioni. Panorama religioso el spiriluale del Cantone Ticino (Repubblica e Cantonc Tieino, Dipartimento delle lstituzioni, 2007).

Notons encore l'étude d'Olivier Favre Les Églises évangéliques de Suisse (Labor et Fides, 2006) qui apporte des données chiffrées sur l'évangélisme en Suisse.

9 En Suisse, le statut d'association privée n'est pas octroyé par une autorité publique et n'implique aucune inscription dans un service de l'État.

(4)

François BELLANGER et Brigitte KNOBEL 103

La gestion de cette diversité religieuse est attribuée en Suisse aux autorités locales (cantons et communes). Cette politique est un héritage du l 9e siècle : en 1848, la nouvelle Confédération estimait en effet que les pouvoirs locaux étaient les plus compétents pour mettre fin aux conflits qui opposaient chroniquement catholiques et protestants depuis la Réformc94. C'est la raison pour laquelle, en Suisse, chaque canton ou commune est amené à négocier avec les différentes communautés religieuses, à édicter ses propres lois et règlements concernant Jeurs statuts juridiques, à trouver des solutions pour l'aménagement des cimetières, à règlementer le prosélytisme ou la construction des lieux de culte95. C'est également pour cette raison qu'il n'existe pas d'office des cultes ou de centre d'information au niveau fédéral. L'affaire des minarets, qui a défrayé récemment la chronique, remet pour la première fois en question cette politique, leur construction relevant dorénavant de la Confédération et non plus des communes. Le 19e siècle a légué un second dispositif pour gérer les conflits religieux : la neutralité confessionnelle. La nouvelle Confédération a considéré en effet que l'État se devait, pour apaiser les tensions entre catholiques et protestants, d'observer une neutralité sur les questions religieuses en s'abstenant de prendre part à aux conflits religieux tout en reconnaissant la liberté de pratiquer sa rcligion96. Ce principe, toujours en vigueur, implique, pour les collaborateurs des services publics, l'interdiction d'afficher leur appartenance religieuse et de prendre parti pour une religion ou pour une autre. En revanche, l'usagerère a le droit d'afficher ses croyances. Dans le cadre de l'école publique, par exemple, l'enseignant(c) n'est pas autorisé(e) à porter des signes religieux, mais les élèves ont le droit de manifester leur croyance, par exemple en portant le voile. La neutralité confessionnelle n'est pas défmic juridiquement dans la Constitution fédérale ou dans un autre texte de loi. 11 s'agit d'un principe interprétatif qui découle de la liberté de croyance et de l'interdiction de toute forme de discrimination religieuse définie dans la Constitution suisse (articles 8 et 15).

Dans cc cadre juridique et éthique, les autorités publiques n'ont pas dressé de liste de groupes religieux qualifiés de « secte ». Le droit suisse ne fait, en effet, pas de distinction entre une religion et une secte et, faute de critères objectifs, l'État n'est pas en mesure d'établir un classement de« bonnes» et de« mauvaises» religions.

Les activités quotidiennes du CIC et surtout son approche en matière d'information s'inscrivent dans ce contexte politique cl religieux. Financé par les pouvoirs publics, le CIC s'est en effet donné pour mission d'offrir une information neutre, indépendante des Églises, des mouvements religieux ou des associations de victimes. Cet article a précisément pour but de présenter le travail d'information que fournit le ClC sur les mouvements religieux controversés dans le contexte suisse de neutralité confessionnelle. Nous décrirons dans un premier temps le public qui fait appel au CIC, les mouvements ou thèmes sur lesquels le CIC est interrogé puis la méthode et les principes de travail que le CIC a développés. Nous conclurons en nous interrogeant sur les défis et le rôle des centres d'information dans la régulation des mouvements religieux controversés.

94 En 1847, une guerre civile opposa cantons catholiques et cantons protestants, connue sous le nom de

~uerrc du Sonderbund.

'li existe donc en Suisse 26 modèles différents en matière de gestion du religieux.

"'' Pour une étude plus approfondie de la neutralité confessionnelle en Suisse, voir l'article de Claude

Rouiller, « Le principe de la neutralité confessionnelle relative. Réflexion sur la liberté de religion», paru dans la revue Pratique juridique ac111elle, 8/2003, p. 944-958.

(5)

104 Quelles régulations pou les nouveaux mouvements religieux ...

n.

Le travail quotidien au CIC

Nous avons choisi de commencer la présentation des activités du ClC par la description de différentes situations qui se présentent au Centre. Cette approche vi- vante donne un premier aperçu du public qui s'adresse au centre, des questions qu'il se pose, de ses préoccupations ou de ses intérêts.

La journée commence par le traitement de demandes envoyées par courriel.

Un homme demande si le groupe religieux catholique charismatique que fréquente son beaujrère est une secte. Nous lui expliquons dans un premier temps qu'il n'existe pas de liste de sectes en Suisse et ajoute que ce groupe n'a pas fait l'objet de plaintes.

li lui propose ensuite de lui envoyer le dossier du C/C qui le renseignera sur les caractéristiques sociales et religieuses de cette nouvelle communauté. Le second courriel est envoyé par une dame qui demande si le bain de pied ionisant est un traitement sérieux ou s'il s'agit de charlatanisme. Pour répondre de façon argumentée à cette question, nous sollicitons un expert médical et prévoyons d'ajouter à sa réponse le cadre légal de l'exercice des thérapies alternatives du canton dans lequel pratique le thérapeute. Au milieu de la matinée, un père divorcé appelle le CIC. Il souhaite dénoncer les pratiques ésotériques de son ex-femme et savoir comment l'empêcher d'exposer leurs enfants à ces croyances qu'il juge irrationnelles et déviantes. Entre deux téléphones, nous poursuivons la rédaction d'un dossier sur une église évangélique demandé par /'autorité fiscale. Le fiscaliste a besoin d'une information détaillée sur les croyances, les activités et l'organisation de cette Église pour savoir si elle correspond aux critères d'exonération fiscale utilisés dans son canton. Plus tard dans la matinée, nous échangeons des informations avec un chercheur en sciences religieuses au sujet des darbystes. Nous cherchons à savoir si des recherches sont en cours en Suisse sur ce mouvement religieux discret pour actualiser un dossier d'information plutôt ancien. Les études réalisées dans les années 1960 ne reflètent plus la réalilé de cette communauté religieuse. En début d'après-midi, un étudiant d'une école professionnelle vient consulter la documentation du CJC pour réaliser son mémoire de fin d'étude sur le port du voile.

À 15 heures, nous recevons un pasteur pentecôtiste sud-américain qui souhaite savoir si son Église est en conformité avec la loi suisse. Il se demande comment éviter des dérives sectaires dans son Église. Une discussion s'engage sur les statuts de son association. Vers 16h30 un homme arrive sans s'annoncer dans les bureaux. Il est visiblement en pleine déc:ompensation psychotique. Très angoissé. il nous demande de l'aider à comprendre ses visions. A ce moment, une personne téléphone : elle souhaite témoigner d'une expérience douloureuse vécue lors d'un camp de jeunesse évangélique, dans son enfance. En fin de journée, nous commençons à rédiger une lettre d'information sur le thème du prosélytisme, lettre qui sera diffusée sur un site Internet d'information destinée aux familles romandes.

Au-delà de la diversité des situations qui se présentent au CIC, ce compte- rendu illustre uo des principes du centre: répondre à toutes les questions qu'on lui pose, qu'elles concernent des groupes reconnus bénéficiant d'une légitimité sociale, des mouvements controversés, des thérapies alternatives ou encore qu'il s'agisse d'une question thématique.

(6)

François BELLANGER et Brigitte KNOB EL

Ill. Les publics qui s'adressent au CIC

PARTUJLERS ... •. ~·Y-;~-~P~Qt~

8..EVES, eJSBGNANTS t--~---~-~..-:;--~,....,"""'~

ET CHffiCHB.JRS 28%

JOURNALISTES 1-===----'~--l 11%

~LIEUX ASSOCIA TIFS ET i...----~ 103 ENTRB'RJSES

ADll/llllSTRATIONS ----~--. 103 FU!LIQ\.ES

GROLfES RB.IGBJX 9%

1---~-"""'" ...

0 20 40 60 80 100 120 140

Tableau 1: le public qui s'adresse au CIC (statistique CIC 2009)

105

32%

160

Le CTC distingue six catégories de demandeurs : les particuliers, les écoles, les médias, les organismes privés, les administrations publiques et les groupes religieux eux-mêmes. Un tiers des usagers appelle le ClC pour des raisons privées.

Cc sont surtout des familles inquiètes, démunies ou fâchées parce qu'un des leurs s'est engagé récemment dans un mouvement controversé. La conversion pose de nombreux problèmes relationnels au sein des familles et des couples divorcés, plus aigus lorsqu'il y a des enfants. Des parents s'adressent aussi au CIC pour obtenir des renseignements sur l'éducation religieuse à donner à leurs enfants, par exemple en cas de double appartenance des parents divorcés. Le CIC reçoit également des ap- pels de personnes qui désirent s'engager dans un groupe, en sortir ou qui en ont été exclus contre leur gré.

Le CTC s'avère également un outil utile pour des milieux professionnels (deux tiers des demandes adressées au centre). Le milieu scolaire et académique sollicite régulièrement le CTC pour sa documentation spécialisée. À la demande d'enseignants, le ClC intervient aussi dans des classes. Les cours optionnels d'histoire et de sciences des religions récemment introduits dans les écoles romandes amènent les élèves à faire appel au ClC comme ressource documentaire.

Notons qu'ils choisissent souvent pour leur travail de rédaction d'étudier des groupes très controversés comme par exemple !'Église de Scientologie ou le mouvement raëlien. Des services administratifs font appel au CIC pour bénéficier de renseignements pointus les aidant à prendre des décisions dans les situations suivantes: exonération d'impôt, manifestation sur la voie publique, achat immo- bilier, location de salle, expertise judiciaire, campagne d'affichage ou encore attribution de la garde d'enfants en cas de conflit parentaux. Les médias s'adressent également au CTC pour des sujets populaires, par exemple le satanisme ou la sorcellerie ou pour des sujets d'actualité. En 2009, les médias se sont particulièrement intéressés à l'Église de Scientologie en raison du procès qui a eu lieu à Paris : les journalistes ont notamment questionné le ClC sur les conséquences

(7)

106 Quelles régulations pou les nouveaux mouvements religieux ...

de cc procès en Suisse. Des associations privées actives dans le domaine social ou dans la défense de victimes de sectes utilisent aussi les services du CfC. De même que des avocats, médecins, formateurs d'adultes, gérances ou même des détectives privés. Enfin, phénomène intéressant, de plus en plus de groupes religieux contac- tent le CIC pour demander des conseils, pour mieux connaître la législation suisse, pour rédiger leurs statuts, pour obtenir de l'aide dans la recherche de lieux de culte ou simplement pour prendre connaissance des études réalisées sur eux. Des aumôniers d'hôpitaux et d'universités ainsi que des centres d'information des Églises catholiques ou protestantes sollicitent également de CIC, lorsqu'ils sont en contact avec un groupe religieux qu'ils ne connaissent pas.

IV. Les groupes religieux sur lesquels le ClC est questionné

REL. DE GUERISON 1 DEV. PERSONNEL CHRISTIANISME ESOTERISME SPIRfTUALITES NEO-ORIENTALES ISLAM

SOUCOUPISME JUDAISME SUJETS CONTROVERSES ADRESSES CONSEILS AUTRES

c:J2%

02%

01%

0%

.....

112%

5%

5%

5%

7%

5% 10% 15%

Tableau 2 : les questions posées (statistiques CIC 2009)

J22% 1

121%

1

1s0

20% 25%

Le CIC reçoit une moyenne de 500 demandes par année. Les questions portent sur des groupes religieux/spirituels très diversifiés. En 2009, le CIC a été sollicité sur un éventail de plus de 170 groupes ou thèmes religieux différents97. Cet éventail concerne en majorité des groupes fondés au 20° siècle et récemment implantés en Suisse. La plupart ont des activités internationales. Peu connus ou controversés, ils s'inscrivent soit dans les grands courants religieux, soit dans des nouvelles familles de croyances. Par commodité, le CIC les a classés en sept catégo- ries98. Le ClC reçoit ainsi des questions sur des mouvements chrétiens comme des Églises évangéliques locales ou de migrants et sur des communautés catholiques

97 La moitié des demandes a dû faire l'objet de nouvellt:s recherches, ces thèmes n'ayant jamais été traités auparavant. La documentation du CIC est donc, en tous cas pour l'instant, peu recyclée.

•~ Pour ses statistiques, le ClC distingue 7 catégories de mouvements et 3 catégories de questions générales: 1) Les groupes thérapeutiques 2) Les mouvements chrétiens 3) Les mouvement~ ésotériques 4) Les spiritualités néo-orientales 5) Les mouvements musulmans 6) Les groupes soucoupistes 7) Les mouvements issus du judaïsme 8) Des questions portant sur des sujets controversés comme le port de SÎ!,'11CS relii,>ieux, le prosélytisme ou le créationismc 9) Des demandes d'adresses et de références diverses 10) Des conseils.

(8)

François BELLANGER et Brigitte KNOB EL

107

controversées. Les pratiques démonstratives de ses mouvements amsi q l'isolement de certaines communautés ii;quiètcnt des proches. Le ClC est

égaleme~~

interrogé sur des religjons de guérison (Eglise de Scientologie) ou sur des croyances thérapeutiques comme l'instinctothérapic, le zen macrobiotique ou les enfants indigo. En 2009, un groupe formé autour d'un guérisseur comparé à !'Ordre du

Temple Solaire par un journaliste, a suscité de nombreux appels téléphoniques de

particuliers. Le public pose également des questions sur des groupes et phénomènes ésotériques comme le mouvement du Graal, la Wicca, le channeling ou Je film australien Le secret. Les pratiques religieuses de type initiatique ou secrètes font particulièrement peur, surtout après les drames de !'Ordre du Temple Solaire. Le CIC reçoit aussi des demandes sur des mouvements néo-orientaux comme le groupe japonais Sukyo Mahikari ou la Méditation transcendantale. Les rapports entre gourous et disciples ou les questions financières sont au centre des préoccupations.

Le CIC est aussi interrogé sur des aspects problématiques de l'Islam comme le voile ou sur des courants minoritaires comme le soufisme ou l'ismaëlisme. Le Judaïsme messianique, soutenu en Suisse par certaines Églises évangéliques locales, fait aussi l'objet d'appels au CIC. Il est encore important de relever que le ClC est de plus en plus questionné sur des thèmes transversaux qui concernent différents courants religieux, par exemple le créationnisme, l'éducation religieuse, la notion de secte, les signes religieux dans l'espace public ou la place des femmes.

Au-delà de cette énumération, le CIC a pu observer que l'inquiétude suscitée par tel ou tel mouvement relève non seulement d'expériences personnelles douloureuses, mais également des médias (presse, télévision, internet). Une émis- sion de télévision qui met l'accent sur les dangers d'un groupe suscitera systématiquement des questions au CJC. Le CIC constate également que la liste de

« sectes » élaborée en 1996 par la Commission parlementaire française a encore aujourd'hui de l'influence sur les demandes. Plusieurs personnes appellent le CIC parce qu'elles ont eu connaissance de cc classement sur internet et s'en inquiètent.

V. Les réponses du CIC : méthodes et principes de travail

Comme nous l'avons souligné en introduction, le CIC a adopté une politique de neutralité. Cette approche consiste avant tout à s'abstenir de prendre part aux controverses particulièrement vives dans le domaine des nouveaux mouvements religieux et des minorités. Dans cette perspective, le ClC a développé quatre princi- pes méthodologiques :

1. Proposer une information confrontant plusieurs points de vue

Le CIC constitue des dossiers comprenant des documents provenant de plusieurs sources et disciplines différentes pour permettre au lecteur de se forger son propre avis sur le sujet. Un dossier peut donc comporlcr à la fois des textes apologétiques et critiques. Tl peut contenir aussi bien des documents faisant état de dérives sectaires dans le groupe que de documents mentionnant les discriminations qu'il subit. Sur la base de cette documentation, le CIC rédige un rapport de cinq à dix pages qui résume les documents annexés, présente leurs autew-s, la nature du

(9)

108 Quelles régulations pou les nouveaux mouvements religieux ...

document et le contexte dans lequel ils ont été écrits. La source des informations est

' . . ' 99

systemat1quement mcnt10nnee .

Le CIC travaille généralement sur la base des sources suivantes : -Documentation provenant des groupes religieux/spirituels

Le CIC recueille la documentation écrite du groupe (livres sacrés, dépliants, site internet), l'analyse et la sélectionne. Cette documentation est souvent abondante, mais lacunaire sur certains points d'intérêt public. Pour cette raison, le CIC prend systématiquement contact avec le groupe pour lui demander des informations supplémentaires ou pour vérifier la compréhension de la documentation ioo_ Cette documentation, de caractère apologétique, apporte des informations indispensables pour connaître la doctrine, les pratiques religieuses, les rituels, les activités du groupe mais aussi sa taille, son fonctionnement, le type de financement ou le prix des séminaires.

-Études scientifiques

Le CTC recueille des études de sociologues, d'ethnologues, d'historiens des religions, de théologiens ou de juristes 101. Ces études apportent un regard non polémique sur le sujet et une analyse pointue du mouvement scion les perspectives des sciences humaines : identification du courant religieux ou spirituel dans lequel s'inscrit le mouvement, contexte social et économique dans lequel il est né, évo- lution du mouvement, appartenance sociale des membres, place des femmes, type d'organisation du groupe, rôle du responsable, ou encore caractéristiques sociales du mouvement.

-Articles de presse/médias

Les articles de presse relatent généralement les faits divers ou les controverses dont font l'objet cc type de mouvement rcligicux102. Cc genre de docu- mentation peut représenter un «thermomètre» intéressant de l'opinion publique et renseigner sur le degré d'intél,rration ou de rejet des mouvements dans la société.

-Documentation des associations de défenses des victimes

Le CJC recueille également de la documentation auprès des associations de défense de victimes. Elle comprend des documents soulignant le caractère dange- reux du groupe, des recommandations de prudence et des témoignages négatifs d'anciens membres.

99 Les réponses du CIC prennent plusieurs formes. Outre les rapports écrits, le CIC propose des réponses orales, par téléphone ou lors d'entretiens au CIC. Selon les circonstances, il fait également parvenir aux usagers des rapports plus courts. Bien que moins complets, ils mentionnent toujours la provenance des informations.

1

°"

Le CJC a ainsi noué des relations avec plusieurs centaines de i:,,,-oupes établis en Suisse romande.

'0

' Le CIC a développé des contacts avec les chercheurs suisses et étrangers et participe dans la mesure du possible aux colloques organisés sur les thèmes qui le concernent. Le CIC a des liens étroits avec

!'Observatoire des religions en Suisse de l'Université de Lausanne. li participe également au programme national de recherche sur les religions lancé en 2008 (PNR 58), il est membre du comité suisse Religions/société, de la société suisse pour la Science des religions ainsi que de la société internationale de sociologie des religions (SISR).

"'2 Depuis l'ouverture du CIC en 2002, le CIC dépouille la presse romande. Il dispose également

d'art.icles de la presse étrangère provenant de ses réseaux nationaux et internationaux.

(10)

François BELLANGER et Brigitte KNOBEL 109

- Rapports parlementaires français

Lorsqu'un groupe a des activités en France, le ClC mentionne s'il figure ou ne figure pas dans la liste des 172 mouvements répertoriés dans le rapport parlementaire français de 1996103 Le CIC complète systématiquement cette information en avertissant le public que Je recours à cette liste doit être évité à la suite d'une décision du gouvernement français104. Ce commentaire du CIC s'avère nécessaire dans la mesure où la liste circule sur internet et qu'elle est encore souvent considérée par le public suisse romand comme un document faisant autorité. Par exemple, en 2004, un journaliste a été condamné par le tribunal civil de Lausanne pour avoir qualifié de « secte » la Shri Ram Chandra Mission de Lausanne en référence au rapport parlementaire français.

-Documentation d'autorités suisses

Le dossier contient pour terminer de la documentation provenant d'autorités suisses, par exemple des jugements de tribunaux, des avis d'autorités médicales, des positions d'institutions scolaires, de partis politiques ou des textes de loi. Cette documentation a l'intérêt de renseigner sur le cadre légal cantonal ou fédéral. Elle donne également le point de vue d'autorités sur les nouveaux mouvements religieux et, de manière générale, sur les nouveaux mouvements religieux et les mouvements controversés.

2. Adopter la même approche avec tous les groupes

Le principe de neutralité implique également pour le CJC d'appliquer la même approche à tous les groupes religieux, reconnus ou controversés. Dans cette perspective, le CJC aborde chaque mouvement avec les mêmes thèmes, par exemple celui de l'accès de femmes aux instances dirigeantes, celui du financement, celui des conflits internes ou encore des abus sexuels. Cc principe méthodologique suppose que tout groupe religieux peut dysfonctionncr et connaître des dérives ou, inver- sement, que tout groupe peut représenter une ressource sociale ou psychologique pour certaines personnes dans certaines circonstances.

3. Utiliser un vocabulaire neutre

Le CIC est particulièrement attentif à utiliser un vocabulaire neutre. Dans cette optique, il privilégie le terme de «membre» plutôt que celui d' «adepte», le terme de « lobbying » plutôt que celui d' «infiltration». Toujours dans cc souci de neutralité, le CIC s'abstient d'utiliser le terme« secte», péjoratif et stigmatisant. Le terme « secte » favorise en effet l'amalgame entre étrangeté et dangerosité et tend à sous-estimer la dimension religieuse des groupes controversés. Le ClC conseille d'ailleurs aux proches qui désirent maintenir de bonnes relations avec les personnes engagées dans un mouvement, de ne pas utiliser cc tennc. Scion le groupe et dans l'optique de le définir de manière moins ambiguë et plus précise, le CIC désignera le courant religieux ou spirituel : groupe ésotérique, Église pentecôtiste, mouvement à potentiel humain, ou utilisera les expressions suivantes : mouvement controversé,

3 Rapport parlementaire français fait au nom de la Commission d'enquête sur les sectes par MM. Alain Gest et Jacques Guyard.

'04

Circulaire de Jean-Pierre Raffarin du 27 mai 2005 relative à la lutte contre les dérives sectaires publiée dans le Journal officiel du 1er juin 2005, p. 9751. Site internet : http://www.miviludes.gouv.frfTMG/pdf/

Circulaire_27_mai_2005.p<lf.

(11)

110 Quelles régulations pou les nouveaux mouvements religieux ...

nouveau mouvement religieux (NMR), mouvement religieux non-conformiste, mouvement religieux alternatif, mouvement minoritaire, mouvement émergent, groupe para-religieux.

4. Dialoguer sans jugement de valeur

Le CJC a élaboré des guides d'entretien pour recueillir des informations ou des témoignages de proches, de responsables religieux, de disciples ou d'anciens disciples, ayant des relations directes ou indirectes avec des groupes religieux 105· Ces guides d'entretien empruntent aux sciences humaines le principe de neutralité. Si ce type d'entretien permet de recueillir des informations indispensables pour le travail du ClC, il s'avère également un instrument utile aux différents interlocuteurs. À ceux qui sont hostiles envers ces mouvements, il leur permet de mettre de la distance avec un sujet émotionnel, de prendre conscience qu'il s'agit d'un thème sensible et intime et de découvrir d'autres facettes du religieux. À ceux qui sont membres, ces entretiens peuvent apporter une réflexion sur leur engagement. Dans tous les cas, ce type d'entretien sans jugement de valeur favorise le dialogue avec des personnes engagées religieusement. Le ClC conseille d 'aiJleurs à des proches ou à des professionnels de rencontrer les groupes, les responsables en particulier, pour trou- ver ensemble des solutions. Cette proposition rencontre encore de fortes résistances.

La peur d'être« manipulé» ou« contaminé» dès la porte franchie est forte.

VI. Les principaux thèmes de vigilance

Si le CIC adopte une posture de neutralité envers les questions religieuses, il n'en est pas moins attentif à d'éventuelles dérives sectaires ou à des aspects problématiques qui peuvent exister dans tout groupe religieux106. Il s'appuie non seulement sur des éléments juridiques, comme des jugements, mais également sur des critères sociaux comme l'isolement du groupe, la personnalité autoritaire d'un dirigeant ou les conflits internes, considérés par ~lusieurs études comme des facteurs favorisant les dysfonctionnements d'un groupe 7. Sur 1a base de ces rétërences, le CIC propose une grille de lecture des documents et des témoignages à disposition, sur la base des thèmes suivants :

La maltraitance

Notamment sur la base des témoignages, le CIC est particulièrement attentif aux indices de maltraitance physique, psychique ou sexuelle : coups, brûlures, abus sexuels, paroles blessantes ou dévalorisantes, confessions publiques, humiliations,

5 Ces guides d'entretien sont utilisés par les collaboratrices du CIC lors d'entretiens téléphoniques ou en face à face. lis sont parfois transmis aux personnes pour qu'elles puissent y répondre à la maison, éventuellement en collaboration avec la personne engagée dans le groupe religieux.

106 Le CIC distingue dans son appréciation ce qui peut déranger de ce qui peut être dangereux. Dans une société laïque, tout groupe religieux paraît suspect, surtout lorsqu'il valorise des pratiques démonstratives ou initiatiques. ll n'en est pas pour autant dangereux.

'07

Cf, François Bellanger, Marc Montini et Emmanuelle Pasquier, Vos droits face aux dérives sectaires (Ed. du Tricorme, 2001), Mike Kropfeld et Marie-Andrée Pelland, le phénomène des sectes (lnfo-Secte, 2003) Nathalie Luca, les sectes (Que sais-je?, 2004) ou encore les ouvrages de Michel Lacroix : L'idéologie du new age (Flammarion, 1996) le développement personnel (Flammarion, 2000) et le Culte de l'émotion (Flammarion, 2001).

(12)

François BELLANGER et Brigitte KNOBEL 111

privations de type punitif, négligence, carences affectives ou encore défaut de soins108.

Les antécédents judiciaires

Le CIC se fonde sur des décisions judiciaires, entrées en force, concernant des mouvements. L'analyse de ces décisions contient souvent des informations utiles sur des accusations portées contre un mouvement et leur réalité au regard des circonstances du cas d'espèce. La répétition de condamnations à l'encontre d'un mouvement peut aussi être un indice d'un comportement régulièrement déviant de nature à créer un danger.

Le mode de fonctionnement

Le CIC est vigilant quant à la manière dont les décisions sont prises au sein du groupe, à la nomination du responsable, à l'application des statuts, à la trans- parence financière ou encore à la manière de gérer les conflits. Il est attentif à la possibilité de critiquer le groupe et à la manière dont les membres peuvent quitter le groupe ainsi qu'au respect de la confidentialité des informations. Le ClC s'intéresse également aux formes de discrimination envers les femmes, les homosexuels, les étrangers ou d'autres religions.

L'engagement financier

De manière générale, le CJC est attentif aux rapports à l'argent. Le CIC met en évidence les coûts de la participation des membres aux activités du groupe, par exemple en mentionnant les tarifs des séminaires ou en signalant l'obligation de la dîme. Dans cette perspective, il indique le prix du matériel conseillé ou exigé. Il relève également la présence de cercles de don (forme de «jeu de ! 'avion » présente dans des milieux ésotériques) et son caractère illégal.

Le niveau d'intégration sociale

Le CIC s'intéresse en particulier aux types de liens que le groupe a établis avec d'autres groupes, à son appartenance à une association ou fédération d'Églises, à ses activités sociales et caritatives, à son ouverture au dialogue interreligicux, à son rapport avec la médecine officielle ou encore à la couverture sociale prévue pour ses collaborateurs. Le CIC est également attentif au type d'enseignement scolaire prôné pour les enfants (enseignement privé ou public).

Les formes d'ascèse

Le ClC s'intéresse aux différentes formes d'ascèse prônées par les religions comme les pratiques de jeûne, les régimes alimentaires, les interdictions sexuelles, les privations de sommeil, les rites initiatiques, ou à toute autres formes de prescri- ption. 11 est attentif en particulier à la place donnée à ces pratiques, à leur intensité ainsi qu'à leur encadrement.

Le cas échéant, le CIC conseille de déposer plainte, de consulter un juriste ou encore de faire appel à une médiation 109. li arrive que le ClC signale une situation à l'autorité compétente comme la police de sûreté ou Je service de la santé publique.

'0

" 11 se réfère notamment aux travaux de l'Observatoire de la maltraitance envers les enfants de

l'Université de Lausanne. Site internet: http://www.unil.ch/ome/page26935.html.

'09

En Suisse romande, le Centre de Liaison et d'l.nformation concernant les Minorités Spirituelles (CUMS) propose des médiations avec certains groupes. Site internet: http://www.clims.ch.

(13)

112 Quelles régulations pou les nouveaux mouvements religieux ...

CONCLUSION

Le ClC a choisi de privilégier une approche neutre des questions religieuses controversées. Cette approche ne va cependant pas de soi. La neutralité fait réagir des usagers, souvent hostiles aux nouvelles religiosités, qui préféreraient obtenir du ClC un jugement négatif sur un groupe et une attitude plus répressive. Le CIC fait régulièrement l'expérience qu'une approche sans jugement de valeur est souvent assimilée à un avis favorable. Ne pas prendre position est en effet considéré par certains usagers comme une forme de soutien tacite aux groupes controversés. De manière générale, l'approche du CJC bouscule les valeurs fortement christia- noccntrées de notre société et remet en question le monopole des Églises catholiques et protestantes.

La neutralité offre pourtant un intérêt important pour un centre d'information.

Contrairement à des mesures répressives, elle permet d'éviter la stigmatisation des groupes religieux controversés et de réduire les risques de dérives sectaires. Des études de psychologie sociale ont en effet souligné que la stigmatisation d'un mouvement favorise l'adoption de comportements sectaires 110. Une posture sans jugement de valeur facilite au contraire le dialogue et permet de construire une relation de confiance avec les groupes religieux indispensable pour acquérir l'information sur leurs activités et leur fonctionnement. Rappelons qu'il existe encore peu d'études sur les mouvements controversés en Suisse. Certains groupes, stigmatisés par les médias, sont méfiants. Des Églises de migrants, en raison notamment du statut clandestin de certains fidèles, sont également craintives. Dans la mesure où le ClC est souvent la seule instance publique ayant des contacts avec ces groupes, le dialogue avec ces communautés religieuses est précieux. Tl permet d'échanger des informations et des conseils utiles et peut contribuer à l'intégration de groupes marginalisés.

La neutralité permet-elle à des centres d'information comme le ClC de jouer un rôle de régulateur pour les nouveaux mouvements religieux ? Le CIC a pu observer à travers sa pratique que le droit d'adhérer au groupe religieux de son choix, de changer de groupe ou de ne pas appartenir à un groupe religieux (article 15 de la Constitution suisse) est souvent contesté par les familles, les médias et les communautés religieuses elles-mêmes. Cette réaction traduit la difficulté de vivre et de communiquer avec des croyances différentes. EJ!e illustre aussi l'embarras que suscitent les nouvelles alternatives religieuses qui remettent en cause le monopole des Églises historiques. Les centres d'infonnation, situés précisément au carrefour entre les inquiétudes de la population, les interrogations des milieux professionnels et les préoccupations des organisations religieuses peuvent dès lors jouer un rôle de régulation en faisant circuler l'information, en rappelant à chacun le cadre légal et en favorisant le dialogue. L'expérience du ClC nous apprend également que les centres d'information peuvent remplir une fonction de « garde-fou» contre de possibles dérives sectaires. Cependant, ce rôle n'est à notre avis possible qu'à la condition que ces organismes n'interviennent pas dans les conflits, puissent établir

11

°

Cf Régis Déricquebourg, « Les Témoins de Jéhovah : vers une sortie de la logique sectaire ? » in

r. Champion et M. Cohen, Secles et démocratie (Ed. du Seuil, 1999), p. 123. Voir également l'étude de Roland J. Campicbe, Quand les sectes affolent. Ordre du Temple Solaire, médias et fin du millénaire (Labor et rides, 1995) pp. 104-105.

(14)

François BELLANGER et Brigitte KNOBEL

113

des rapports de confiance avec les groupes controversés et qu'ils soient soutenus les autorités politiques. Dans cette perspective, les centres d'infonnation

peuv~~~

être un outil complémentaire à 1 'arsenal juridique existant et représenter une forme novatrice de régulation sociale des nouveaux mouvements religieux.

Références

Documents relatifs

Problème au sens de problématique scientifique et didactique, problématique scolaire, problème au sens d’énigme, problème reformulé par l’élève dans un

Enfin, pour fournir la base légale expresse exigée par l'article 158 Constitution qui dispose que les séances des conseils et de l'Assemblée fédérale,

« scrupuleusement respectées » 128. L’aspect négatif de la liberté religieuse est également important en matière scolaire, car il vise à empêcher l’État d’adopter des

45 Il s’agit, dans l’ordre chronologique : conférence sur l’internement entre la France et l’Allemagne, mai 1917 à Berne ; conférence des neutres, septembre 1917 à Genève

- une activité dans laquelle les états mentaux comme les intentions, les représentations, les croyances, les différentes émotions des enseignants et des

En ce qui concerne le premier aspect, deux caractéristiques principales du contexte social et politique jouent un rôle impori tant: premièrement, la faiblesse du clivage de classe

Cette première phase de l’étude consistait à une familiarisation avec le contexte de recherche ; il s’agissait de prendre connaissance des affiches présentes dans

Plus près de nous, la thermique de base, qu’elle soit conduction, convection ou rayonnement contribue à l’amélioration de notre vie quotidienne, notamment dans le