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L'APPEL DES FONDS

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Sur simple envoi de votre carte nous vous tiendrons régulièrement au courant de nos publications.

Éditions Maritimes et d'Outre-Mer, 17, rue Jacob, 75006 - Pari

© 1980, Éditions Maritimes et d'Outre-Mer.

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PATRICK MOUTON ET JACQUES VERPEAUX

L'APPEL DES FONDS

EDITIONS MARITIMES & D'OUTRE-MER

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ISSN 0182-1865

La loi du 11 mars 1957 n'autorisant, aux termes des alinéas 2 et 3 de l'Ar- ticle 41, d'une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, que les analyses et les courtes citations dans un but d'exemple et d'illustrations, toute représentation intégrale ou partielle faite sans le consen- tement de l'auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (alinéa 1 de l'Article 40).

Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, cons- tituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les Articles 425 et suivants du Code Pénal.

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Nous remercions tous ceux qui par leur exemple ou leur concours ont permis la réalisation de cet ouvrage.

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INTRODUCTION

Vendredi 10 décembre 1976 — 13 h 30.

— O.K., Jacques? Bon, tu peux t'équiper. Ce sera à toi dans trente minutes.

Ecouteurs sur la tête, combinaison bleu ciel, Philippe Clota, responsable des opérations plongée, parle dans un micro, le visage collé à un hublot pratiqué au milieu d'une grande sphère grise. Comme dans un film de science- fiction, une voix nasillarde de Donald Duck lui répond, incompréhensible à qui n'est pas du métier. Non loin de Philippe, trois techniciens surveillent un long pupitre constellé de voyants verts, rouges et jaunes comme une vitrine de Noël. A droite, très entourés, deux écrans de télévision. Sur le premier, l'image n'est pas très bonne, semblable à celle qui restituait à des millions de téléspec- tateurs les sautillements d'Armstrong et de Aldrin sur la Lune. Le petit écran révèle un homme qui lit, appa- remment très décontracté. Sur la seconde télé, on peut voir deux personnages. Vêtu d'un tee-shirt et d'un slip de bain, le premier achève l'équipement du second. Ce dernier est assis, immobile, les mains sur les genoux.

Il se laisse faire, confiant dans la précision des gestes de

son camarade. C'est Jacques Verpeaux. Un des huit plon-

geurs qui participent en ce moment à la seconde phase de

l'expérience Janus IV, au centre expérimental hyperbare

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de la Comex, à Marseille. Une générale qui prépare la plongée en mer au cours de laquelle six hommes réalise- ront, dix mois plus tard, une intervention à l'incroyable profondeur de quatre cent soixante mètres. C'est au cours de cette même opération, au large de Cavalaire, dans le Var, que Jacques Verpeaux aura le redoutable honneur d'être le premier homme à sortir d'une tourelle sous la mer à exactement un demi-kilomètre sous la surface de la Méditerranée. Pour le moment, Jacques s'équipe. Vête- ment à eau chaude, harnais de sécurité, gants épais, plombs dorsal et ventral, masque facial, petit à petit il prend l'aspect d'un homme de l'espace, ou plutôt d'un scaphandrier. Sur l'image qui tremble, il me fait penser à ces anciens pieds lourds grecs ou maltais qui, assis sur le plat-bord de leur barcasse ou sur un ponton, se laissaient équiper par leurs aides, le regard perdu, comme absent.

En le regardant, je ne peux m'empêcher de songer qu'il ne lui manque que la traditionnelle cigarette avant la fermeture du hublot frontal dans un grincement d'écrous.

Pourtant, la comparaison s'arrête là. Car, dans un instant, Jacques va disparaître par une ouverture pra- tiquée à la base de la sphère. Il passera dans une seconde sphère accouplée sous la première. Là, il devra reconsti- tuer avec patience les éléments d'un puzzle de tuyauterie...

dans une eau dont la température avoisine les deux degrés au-dessus de zéro et dont la pression est équivalente à celle qui règne en mer à la profondeur de quatre cent soixante mètres. Un nombre peu évocateur pour certains profanes. Les plongeurs qui ont eu au moins une fois soixante-dix ou quatre-vingts mètres d'eau au-dessus de leur cagoule lui accorderont une tout autre signification.

Dix minutes plus tard, l'œil collé au viseur de mon Pentax, je regarde Jacques travailler, à travers un hublot pratiqué dans la sphère « humide ». Malgré la très forte pression, l'encombrement de son harnachement et la tem- pérature polaire de l'eau, il joue de la clef plate avec l'aisance d'un vieux mécanicien dont les mouvements seraient ralentis comme dans un film. Ses gestes sont sûrs,

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ils procèdent visiblement d'un esprit clair et totalement lucide.

Physiquement, Jacques est à moins de deux mètres de moi. Un univers pourtant nous sépare : celui de la pression à laquelle il vit avec ses compagnons depuis plusieurs jours et à cause de laquelle plus d'une semaine de remontée — ou de décompression — leur sera obligatoire avant de retrouver l'air libre. Bien qu'il me fasse présen- tement un signe de la main, il est aussi loin de moi qu'un navigateur spatial sortant de sa capsule dans la strato- sphère est éloigné d'un promeneur champêtre.

Jacques Verpeaux a vingt-six ans. De taille moyenne, mince, il a déjà acquis, en deux ans de chantier, une certaine expérience de plongeur industriel. Il fait partie de cette catégorie d'hommes de la mer qui reçoivent en pleine nuit un télégramme leur demandant de se retrouver deux jours plus tard dans les froides solitudes sous- marines de la mer du Nord, la banquise du Labrador, les eaux boueuses et les requins du Gabon ou l'exubé- rance corallienne du golfe Persique. Leur job : assurer la connection d'un pipe-line sous-marin, surveiller une tête de puits, découper une installation défectueuse, ins- pecter les pieds d'une plate-forme, retrouver du matériel onéreux coulé... Autant d'interventions échelonnées entre vingt et trois cents mètres de profondeur et dont le prix est la conquête désormais indispensable des richesses du sous-sol des océans. Race à part que celle de ces plongeurs

« pas comme les autres », pour lesquels le risque est une réalité de chaque instant et dont la psychologie ne peut être vraiment comprise que par ceux qui ont un jour mis la tête sous l'eau. A travers l'expérience de Jacques Verpeaux, c'est le monde des plongeurs industriels qui se révèle, la vie de ces pionniers des temps modernes grâce auxquels la pénétration des océans, malgré les énormes moyens technologiques dont elle dispose, reste et restera toujours une aventure humaine. Cette aventure, la voici.

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CHAPITRE I

SOUPES DE POISSONS ET CORAIL ROUGE

Jacques Verpeaux est né en 1950 à Alger, sur les rives d'une Méditerranée combien plus chaude et plus poissonneuse que celle qui borde nos côtes envahies par le béton et le tourisme estival.

Comme beaucoup d'enfants vivant au bord de la mer, il est très tôt attiré par cet univers à la fois hostile et terriblement excitant pour un enfant. Il n'apprend à nager qu'à l'âge de huit ans, mais, par contre, il sait déjà ce que sont un masque et un tuba. A Alger, les habitués de la piscine de la Croix-Rouge connaissent bien ses premières tentatives de petit homo palmus. Pour gagner un pari proposé par son père, il plonge à trois reprises d'un plongeoir de cinq mètres. L'enjeu est de taille : une paire de palmes, « sa » première paire de palmes. Avec le masque et le tuba, il ne manque plus rien.

Si, une arbalète pour prendre quelques poissons. Là aussi, papa intervient en prêtant à Jacques un petit pistolet à sandows muni d'une flèche légère terminée par un trident.

Et voici notre chasseur de dix ans s'équipant sur la jetée de la Madrague d'Alger avec le sérieux d'un vétéran.

A peine mis à l'eau, Jacques barbote près des rochers, fouinant çà et là, le cœur battant. Soudain, il tombe en arrêt devant un poisson long d'au moins huit ou dix cen- timètres! Un peu trop fébrile sans doute, le coup part, rate la proie convoitée et... intercepte un autre poisson,

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plus petit encore, mais qui n'enlève rien à la fierté du gamin. Souvenir impérissable pour Jacques, cette pre- mière incursion au royaume de Neptune est une véritable révélation. Peut-être que toute sa carrière sous-marine a vraiment débuté ici, par ce bel et tranquille après-midi de l'Algérois, en 1960.

Certaines vocations d'homme de la mer sont tardives, révélatrices d'un esprit qui, même à trente ou qua- rante ans, n'a pas encore trouvé l'épanouissement de ce voyage spirituel que constitue la vie. Des navigateurs, comme Francis Chichester ou Joshua Slocum, en sont l'exemple, de même que certains champions de chasse sous-marine, comme Jean Azémard qui, à trente ans, ne savait pas encore nager! Pour d'autres, au contraire, la vocation est là, immédiate, précoce, sans appel. C'est le cas de Jacques.

Mais l'histoire et les événements politiques qui en tissent la trame se moquent bien des nemrods subaqua- tiques en herbe. Comme tant d'autres, la famille de Jacques doit rentrer en France. Pendant huit ans, il poursuit ses études et, curieusement, la mer n'exerce plus l'attrait fascinant dont il était l'objet en Algérie. C'est un stupide accident de voiture qui va se charger de le remettre « dans le droit chemin ». Souffrant d'un assez grave traumatisme au niveau du talon, il boitera pendant six mois. Pour rendre sa convalescence moins pénible, il se rend en Corse, à Macinaggio, au pied des contreforts odorants d'un des plus beaux caps du monde. Sur place, le fils de la famille qui l'a invité l'initie au fonctionnement d'un détendeur et d'un bloc-bouteille, ces deux appareils qui permettent à l'homme d'évoluer avec l'aisance d'un oiseau dans les trois dimensions de l'espace liquide. Et c'est une nouvelle révélation, aussi brutale que celle de la première partie de chasse sous-marine quelques années plus tôt.

Chaque jour, les deux amis partent à la recherche de nacres, ces grands bivalves qui dressent leur silhouette haute et arrondie au milieu des algues et dans la vase, un

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peu comme des menhirs en réduction. Si certains pêcheurs italiens ou maltais se régalent de la chair blanche du muscle qui unit les deux parties de la coquille, c'est surtout l'intérieur nacré de celles-ci qui attire les amateurs de souvenirs. Après un bon nettoyage, les nacres constituent d'assez beaux objets de décoration avant de souvent ter- miner leur existence dans un garage ou à la cave.

Immergé sur une très belle zone appelée « Les grands dangers de Sainte-Marie », Jacques fait pour la première fois l'expérience des risques de la plongée. L'esprit captivé par le monde qu'il découvre, il tire sur sa réserve d'air au maximum et remonte à assez grande distance du bateau, complètement essoufflé. Mais il retrouve rapide- ment son sang-froid, manifestant déjà une des qualités essentielles qui marqueront sa vie de plongeur : un flegme et un self-control sous l'eau hors du commun. Pendant un mois, notre ami pénètre un peu plus chaque jour ce monde fascinant et mystérieux de la plongée sous-marine et de ses secrets.

Après avoir réussi son baccalauréat, le pêcheur de nacre d'un été corse se transforme en étudiant sérieux et appliqué. Pendant trois ans, il étudie la géologie à la faculté Saint-Charles de Marseille. Mais sur les bancs de l'amphi la passion est là, tenaillante, décorante même.

— Pourquoi ne ferais-tu pas des oursins de temps en temps? lui demande un de ses copains fils de pêcheur à Carry-le-Rouet, ce délicieux petit port si cher à Fer- nandel. Je connais un type qui le fait et il se débrouille pas mal, d'autant plus qu'il vend le produit de sa pêche.

Pour Jacques, dont les poches sont alors aussi percées qu'une vieille combinaison trouée, la tentation est trop forte. En quelques jours il s'organise. Départ le matin très tôt de son domicile à Aix, sa vieille 2 CV gémissant sous le poids du matériel. Arrivée à Carry, équipement hâtif dans les rochers et mise à l'eau à la nage depuis le bord. Entre trois et quinze mètres de profondeur, Jacques récolte les piquants échinodermes et les met dans une espèce de filet ouvert par une carcasse de pneu et

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baptisé par les pêcheurs « moulaguettre ». Lorsque deux ou trois de ces engins sont pleins, il les laisse au fond après avoir repéré l'endroit et c'est le retour à terre pour la seconde phase des opérations : la récupération des

« moulaguettres » grâce à un vieux vaurien en bois pro- pulsé par un poussif moteur hors bord de trois chevaux.

Un copain, Dominique, propriétaire du bateau et qui a pris Jacques comme associé, barre l'esquif tandis que ce dernier lui passe un à un les sacs débordant d'oursins.

Mais pour des dizaines d'heures d'effort passées sur et sous l'eau, quel que soit le temps, les deux compères ne font pas précisément fortune. Il faut trouver autre chose ! La chasse sous-marine ? Pourquoi pas ? Dominique connaît justement Georges Lebissonais, excellent apnéiste, grand chasseur de mérou et crédité aux yeux des deux amis de l'immense prestige d'être le coéquipier de Jean-Baptiste Esclapez, le futur champion du monde de chasse sous- marine.

Rapidement, Domi initie Jacques aux secrets de la chasse révélés précédemment par Georges Lebissonais et Jean Azémard. Choix des flèches, tactique d'approche des différents poissons, préparation respiratoire et relaxa- tion en surface avant de basculer sans bruit pour des- cendre immobile, bras et esprit tendus vers la cible. Autant de trucs et d'astuces appris « sur le terrain » par les anciens et plus ou moins révélés aux néophytes de bouche à oreille. Domi parle à Jacques de l'Espagne, cet Eldorado sous-marin où, paraît-il, des mérous « gros comme ça » se bousculent par dizaines sous chaque roche. Comme disait Tony Salvatori, autre grand champion qui fait partie de la geste des chasseurs sous-marins, « tellement de poissons qu'on est obligé de tirer... en légitime défense ».

Vivre du produit de la pêche au soleil, ne rien devoir à personne si ce n'est qu'à soi-même et à la précision de son arbalète, c'est trop tentant pour Jacques et Domi.

Le matin de Pâques 1971, les voilà partis à bord de l'incre- vable 2 CV. Destination : Aguilas, une petite station bal-

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néaire sans attrait particulier située entre Cartagène et Almeria. Dans la caisse du bord, le jour du départ : cent francs. Entre l'essence et l'huile, l'expédition arrive à son but avec une situation financière d'à peu près zéro centime. Mais il faut autre chose pour entamer le moral des deux amis.

Pourtant, Aguilas au mois d'avril, c'est tout bon ou tout mauvais. Cette année, il semble que ce ne soit pas précisément tout bon. Tempêtes et pluies se succèdent et, bien entendu, pas l'ombre de la pectorale d'un mérou en vue ! Rougets, petits roucaous, sars de deux cents grammes sont alors capturés en bordure de côte pour assurer l'ordinaire du jour. Par malchance, l'embar- cation emmenée, un Sportyak avec son moteur de quatre chevaux, se retourne un matin dans les vagues.

L'eau froide et sale a vite fait de disperser une grande partie du matériel. Il ne reste plus qu'à essayer de ne pas trop mourir de faim en chassant à faible profondeur au bord de la côte.

Martine, amie de Dominique, est venue rejoindre nos ténors en eau trouble. Elle calcule que le trio ne dispose que de cinquante pesetas par jour. Un peu moins de quatre francs! De quoi acheter une miche de pain et un sachet de safran. Entre deux chasses, les trois compères vont prélever discrètement quelques tomates dans les potagers voisins. Avec les poissons capturés, ils confec- tionnent d'excellentes soupes qui sont, faute de mieux, ponctuellement servies matin, midi et soir..., tous les jours!

Quant aux mérous, on n'en parle même plus ! Avec le mauvais temps qui persiste, ils ont, pour un temps du moins, rejoint le pays des rêves dont tout chasseur sous- marin fait son bagage entre deux étés. Evidemment, ces

« pescadores f rancés » n'ont pas de permis de chasse ! Et la Guardia Civil ne rigole pas avec les petits malins qui pêchent sans autorisation. A ce sujet, l'Espagne n'est pas l'Italie, tant s'en faut! Après avoir été l'objet de plusieurs incursions diurnes ou nocturnes dans leur camp, Jacques et ses amis décident de masquer toute trace de leur activité

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illicite aux yeux des forces de l'ordre. Un jour où ils terminent précisément un gros sar venu imprudemment contempler la flèche de Domi, un guardia civil profile à l'horizon son curieux petit chapeau de matador.

— Vite, planquez les arêtes sous le sable.

Mais c'est peine perdue et, le regard courroucé, notre représentant de l'ordre franquiste déterre rageusement les pièces à conviction. Les arbalètes sont aussitôt confis- quées et, l'arme braquée, le policier emmène les deux gar- çons au poste le plus proche. Celui-ci étant à six kilo- mètres, il n'hésite pas à faire du stop et fait embarquer tout son monde dans une vieille voiture dont le conducteur reste ahuri par l'étrange équipage qu'il rencontre sur le bord de la route : deux types pas très frais d'allure, l'air penaud, et un guardia civil vociférant derrière eux, un fusil dans une main et des arbalètes sous-marines dans l'autre !

Relâchée le jour même, l'équipe fait ce qui lui restait à faire : contacter les familles respectives pour recevoir un peu d'argent, de quoi réintégrer le sol natal.

Mis à part une belle moisson de souvenirs pitto- resques et immortels, l'expédition se solde par un échec financier au-delà de toutes les craintes.

De retour à Marseille, Jacques fait la connaissance de Jean-Baptiste Esclapez, Titou, pour les copains. Ori- ginaire d'Algérie lui aussi, Jean-Baptiste est au début de la prodigieuse ascension qui va faire de lui en quelques années un des meilleurs chasseurs sous-marins qu'ait connus ce sport depuis sa naissance. Jour après jour, Titou a accumulé une connaissance du monde sous-marin proprement stupéfiante et qui, pour être empirique, n'en est pas moins d'une acuité autrement plus grande que celle qu'affichent certains scientifiques habitués des télé- visions et des radios périphériques.

Grâce à lui et à quelques autres cracks marseillais, Jacques perfectionne ses qualités d'apnéiste, apprend à bien comprendre la psychologie du poisson. Surtout, il se forge à cette authentique école de courage et d'aquaticité

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que représente la chasse sous-marine et dont l'acquit sera pour lui déterminant dans sa carrière de plongeur pro- fessionnel.

Entre deux parties de chasse il va user un ou deux jeans à la fac pour obtenir — à sa grande sur- prise — un premier certificat de licence en juin. Le second certificat réussi en septembre fera de lui un licencié en géologie.

Mais l'été arrive. Jacques et Domi réunissent un pécule assez substantiel et repartent. A nouveau, cap sur Aguilas. Une couchette a été aménagée à l'arrière de la voiture, le Sportyak est arrimé sur le toit, rien ne manque.

Les étapes sont brûlées et, arrivés sur place, les deux chasseurs s'organisent, achètent des permis et, enfin, trouvent leurs premiers mérous.

Pendant tout l'été, c'est presque la vie de château et les pesetas gagnées sur les écailles des poissons s'éva- nouissent le soir en restaurants et en boîtes de nuit! Au bout de trois mois, c'est le retour avec quelques billets craquants en réserve, rescapés des fiestas nocturnes. De quoi payer les réparations automobiles.

Pendant tout l'hiver, Jacques prépare sa maîtrise de géologie mais avec une conviction inversement proportion- nelle à l'enthousiasme qui l'anime chaque fois qu'il peut.

« tremper le harpon», c'est-à-dire très souvent...

Au mois de juillet, plutôt que de présenter son examen, nouveau départ vers l'Espagne. Hébergement dans une petite ferme acquise par Dominique et chasses quotidiennes. Trois mois royaux qui n'ont plus rien de commun avec l'époque de la soupe de poissons. En sep- tembre, Jacques rentre à Marseille et, malgré tout, se présente à l'examen. Mais dès le premier oral il a un désaccord avec son examinateur.

« C'en est trop, je retourne faire les oursins à Carry- le-Rouet. » Et la vie subaquatique reprend ses droits.

Sorties quotidiennes en apnée pour récolter quarante à cinquante douzaines d'oursins, quel que soit le temps. Le lendemain matin, vente aux Pennes-Mirabeau, une petite

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bourgade située au nord de Marseille. Soucieux d'amé- liorer son rendement et... ses revenus, il décide alors de travailler avec Christian Bayonnas, un autre Pied-noir, pêcheur professionnel et dont la jovialité et le rire sont connus dans tout le pays. Justement, Dominique travaille déjà avec Christian. A bord d'une barque de neuf mètres, le Jean-Claude, les trois compères font un malheur, sous l'œil de plus en plus courroucé des gendarmes. En effet la récolte des oursins avec l'aide d'un scaphandre auto- nome était, en France, strictement interdite. Et les jour- nées se passent en chassés-croisés dignes du meilleur

« Gendarme » de Louis de Funès. Un jour de fort mistral, la vedette des pandores tombe en panne et se met à dériver au large. Le J ean-Claude se porte aussitôt à leur secours, les ramène en remorque et l'affaire se termine autour d'un pastis bien tassé, sous l'œil goguenard des habitants de Carry. Un autre matin, les choses s'enve- niment, au contraire. Alors que le bateau accoste à quai, les gendarmes font irruption à son bord. Perquisition immédiate et découverte d'un détendeur encore tout mouillé.

— Et ça, Christian, c'est pour quoi faire, au juste?

— Quoi? Ah! le détendeur... Vous savez, chef, on a dû un peu nettoyer la coque ce matin, alors...

— Oui, mais tous ces oursins, il y en a au moins trois cents douzaines, vous les avez pris comment?

— Dites donc, chef, et le concours de la grapette d'or, vous ne le connaissez pas? Eh bien, nous, on l'a gagné plusieurs fois, ce concours. Alors, vous comprenez, avec un tel entraînement !

Mi-figue mi-raisin, les gendarmes prennent le parti

de rire, bien qu'ils n'ignorent pas les limites de la grapette,

ce petit crochet utilisé par les pêcheurs en plongée pour

dégager les oursins et les amener jusque dans la moula-

guettre. Mais la saison se termine. Pour Jacques, il faut

trouver autre chose. Grâce à un ancien de la Comex, il

apprend l'existence de l'Archéonaute. Un petit navire

entièrement équipé pour l'archéologie sous-marine et

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utilisé par la Direction des recherches archéologiques sous-marines à Marseille. En avril 1973, il met son sac à bord. Le braconnier sous-marin se transforme en très sérieux auxiliaire de la science. A cette occasion, il a la possibilité de plonger sur une magnifique épave antique découverte quelques mois plus tôt par Jean-Claude Négrel et Pierre Lasalarié, plongeurs chevronnés et passionnés d'archéologie sous-marine. Ce jour-là, Jean-Claude et Pierre effectuent une plongée de reconnaissance le long de la face ouest des îles du Frioul. A tour de rôle ou ensemble, les deux détendeurs égrènent leur chapelet de bulles qui remontent en jouant avec les reflets du soleil.

Soudain, ils survolent un tumulus de poteries brisées, de tessons amoncelés. Une épave! Leur excitation première ne fait que décupler quand ils se rendent compte qu'il s'agit d'un navire antique dont le linceul est resté vierge jusqu'à ce jour. Peu d'expériences sont aussi fascinantes que la plongée sur une épave datant du début de notre ère avec son tapis d'amphores intactes ou cassées, rangées comme les ont laissées les marins du bateau ou au contraire éparpillées autour du site par la violence du naufrage. Au fil des plongées, comme dans un livre où l'aventure et le rêve se mêlent à la science, le bateau a révélé une partie de son histoire. Il s'agissait d'un navire de commerce, ou nave vineraria, en provenance de Bysa- cène, province romaine du Sud tunisien. Ses dimensions approximatives : vingt mètres de long, sept mètres de large. Il transportait des salaisons et des conserves de galathées, sorte de petits crustacés très prisés à cette époque.

Autre intervention, autre expérience, l'Archéonaute

est pressenti pour le tournage d'un film sous-marin dans

une grotte naturelle non loin de Cassis. Dix ou

quinze mètres de boyau obscur seulement troué par le

faisceau de la torche pour accéder à une espèce de petite

salle débouchant dans un réseau souterrain. Au plafond

de cette salle, une poche d'air, retenue ici depuis combien

de temps? Impression étrange, étreignante même que de

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pouvoir respirer hors de l'eau quelque part sous terre en un lieu secret et privilégié dont l'accès n'est réservé qu'aux plongeurs.

Un peu plus tard, Jacques a l'occasion d'effectuer son premier travail de plongeur professionnel. Dans une autre grotte sous-marine, un historien soupçonne la pré- sence d'outils préhistoriques enfouis dans le sédiment du fond. Pour les retrouver, la seule technique est celle de la suçeuse : un long tuyau qui agit exactement comme un aspirateur. Un peu au-dessus de l'orifice de ce tuyau que tient le plongeur, un autre tuyau, plus petit, envoie de l'air comprimé depuis un compresseur tournant à bord du bateau. Grâce à la différence de pression existant entre le fond et la surface, l'air comprimé qui arrive dans le tuyau de la suçeuse remonte immédiatement vers le haut et aspire au passage ce qui est à proximité de l'orifice.

Tout ce qui est ainsi aspiré remonte jusqu'à la surface.

Là, le tuyau de la suçeuse se termine dans un grand bac doté d'un tamis permettant de retenir les objets inté- ressants de la masse des sédiments aspirés. Inconvénient majeur de cet appareil : la vase du fond est aussitôt mise en suspension et trouble l'eau. Résultat : en deux ou trois minutes, notre ami se retrouve au milieu d'un nuage si épais qu'il ne voit plus à dix centimètres de son masque. A la fin de chaque plongée, il ne peut rallier la sortie qu'en se fiant au tuyau comme à un fil d'Ariane.

Mais, là, aussi, Jacques forge un peu plus son sang-froid, la coordination de ses gestes.

L'été 73 revient, sans transition comme toujours en Provence. Outre le Jean-Claude, Christian Bayonnas possède un assez grand bateau à moteur, le Nautilus.

A son bord, il organise des croisières plongées aux îles d'Hyères et en Corse. Pourquoi le Jean-Claude ne ser- virait-il pas de bateau de club pendant ce temps plutôt que de moisir au port? Et devinez qui devient illico res- ponsable de club? Jacques, tout naturellement. De juin à septembre, celui-ci accueillera chaque jour les plongeurs et leur fera découvrir les plus beaux sites sous-marins de

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la Côte Bleue. Des coins aux noms pittoresques comme la Plaine, le Bois, ou prometteurs comme la Pierre-à- Corail. Deux plongées par jour, un contact permanent avec d'autres plongeurs, une autre expérience qui, elle aussi, profitera au plongeur « pro » de demain. A l'automne, Jacques a vingt-trois ans. Il doit prochaine- ment partir faire son service militaire. Les quelques mois qui lui restent seront occupés à une nouvelle forme de pêche, celle des violets. De l'aspect brunâtre d'une éponge fixée au rocher, les violets savent rester à l'abri du regard des plongeurs non avertis. Lorsqu'ils sont fendus en deux, ils révèlent au contraire une chair jaune ou orange à la saveur riche et iodée. Théâtre de ces nouvelles opérations : le Languedoc et plus précisément les alentours de Carnon et de La Grande-Motte. Au large de ces côtes basses et sablonneuses, se dressent de véritables plateaux rocheux parallèles au rivage et peu profonds. Cet univers sert de refuge à de gros sars, à des congres pesant souvent plus de dix kilos. Sur les roches, les violets sont particulière- ment abondants, à tel point que nos pêcheurs en prendront six cents kilos en deux jours, engorgeant la criée de Marseille.

Le 4 janvier 1974, Jacques est incorporé à la base sous-marine de Toulon, où, prudemment, il reste... à terre pendant tout son service. Avec Domi, il a décidé, sitôt la vie civile retrouvée, de se lancer dans la récolte du corail. Egalement appelé or rouge, le corail de Méditer- ranée vit généralement à assez grande profondeur. Si les premières branches, rares il est vrai, se rencontrent par moins de vingt mètres de fond, c'est le plus souvent à quatre-vingts et même cent mètres que les corailleurs vont chercher leur trésor. A ces profondeurs, la plongée à l'air est extrêmement dangereuse et, chaque année, un ou plusieurs corailleurs, français ou italiens le plus souvent, paient de leur vie le tribut de cette fièvre. D'accord, les gains sont autrement plus importants que ceux réalisés avec les mérous ou les violets. En belles branches, le corail peut atteindre la coquette somme — tarif à

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l'époque — de huit cents à mille francs le kilo. Après des tractations dignes de la meilleure Commedia dell'arte, il transite généralement vers un petit port italien, Torre del Greco, où sont habilement ciselés avec des moyens rudimentaires de magnifiques bijoux, colliers, bagues, petites statuettes, etc.

Depuis quelques années, certaines équipes de corail- leurs sardes ou corses travaillent au « mélange ». En plongée, au lieu de respirer de l'air, ils utilisent un mélange d'hélium et d'oxygène qui leur permet d'opérer à cent dix ou cent vingt mètres de profondeur. Pour quelques minutes de travail au fond, ce sont plusieurs heures de palier qu'il faut impérativement respecter au cours de la remontée.

A leur tour, Jacques et Domi subissent l'influence de la magie du corail. Leur décision est prise. Revenu à la vie civile, notre ami cherche quel moyen il pourrait trouver pour, d'une part, rembourser quelques dettes datant d'avant le service militaire et, d'autre part, réunir la somme nécessaire à l'achat de toute la panoplie du parfait petit corailleur. Vêtement isothermique très chaud, deux ou trois détendeurs de grande qualité, deux ou trois bi-bouteilles, un puissant compresseur, etc., sans oublier l'indispensable bateau.

A cette époque, la Comex est en train de réaliser la percée fulgurante qui en fait aujourd'hui le leader mondial de la plongée industrielle. Mer du Nord, Gabon, golfe Persique, Labrador, on a besoin de bons plongeurs du côté de la Jarre, à Marseille. Pour Jacques, la solution est là : être embauché par la Comex, en mettre un bon coup pendant un ou deux ans, tout en épargnant le gain de salaires très élevés dans cette branche d'activité. Puis retrouver la liberté et attaquer le corail. Cette même année, la première école officielle de travaux sous-marins voit le jour en France. C'est le Cetravim, implanté sur le port de la Pointe-Rouge. Trois mois de stage, ensei- gnement théorique et pratique très complet, quasi-certi- tude d'avoir une place à la Comex immédiatement après.

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Que demander de mieux? Le Cetravim exige un niveau premier échelon de la Fédération française d'études et de sport sous-marins? Jacques passe aussitôt cet examen.

Un C.A.P. quelconque est requis? Il fait valoir la diversité de ses connaissances subaquatiques et notamment son stage sur l'Archéonaute.

Un matin de mars, il ouvre sa boîte aux lettres. Au courrier : son acceptation au stage qui se déroulera d'avril à juin. Après les oursins marseillais, les mérous espagnols, les clients plongeurs belges et les violets du Languedoc, la roue du destin vient d'engager un nouveau cran.

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"Ça y est. On a les pieds dans l'eau".

L'eau monte inexorablement pour atteindre le hublot. Un dernier morceau de ciel s'estompe, aussitôt fondu dans l'élément liquide que des millions de bulles transforment en un grand feu d'artifice monochrome. La tourelle est maintenant immergée. Les premiers mètres sont les plus durs. Engoncés dans leurs armures souples, les plongeurs sont sérieusement chahutés et ils se rattrapent où ils peuvent pour ne pas se heurter l'un contre l'autre. Mot d'ordre du moment : on se cramponne!

Au travers du hublot, le spectacle vaut largement le coup d'œil. Les couleurs de l'eau passent par tous les tons du vert : jade, puis émeraude, enfin un très beau vert bouteille qui s'assombrit graduellement. Ça et là quelques bulles d'air encore retenues prisonnières sont libérées et remontent, fugitives. Sur un manomètre, une aiguille tourne .

Les plongeurs professionnels de l'Offshore sont ces nouveaux pionniers de l'or noir qui travaillent par cent à deux cents mètres de profondeur dans les eaux glaciales du Labrador, parmi les requins du Gabon ou les coraux multicolores du golfe persique.

Ce livre relate la vie de ces hommes pour qui la pénétration des océans, en dépit des énormes moyens technologiques dont elle dispose reste et restera toujours une aventure humaine.

Cette aventure humaine, la voici.

Jacques Verpeaux, 29 ans, a participé à l'expérience JANUS IV. A cette occasion, il est devenu le premier plongeur au monde à avoir atteint en mer la fantastique profondeur de 501 mètres.

Patrick Mouton, 32 ans, journaliste et photographe, chef des informations du magazine OCEANS, a réalisé de nombreux reportages sous toutes les mers du globe : Caraïbes, mer Rouge, océan Indien, Pacifique etc...

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Participant d’une démarche de transmission de fictions ou de savoirs rendus difficiles d’accès par le temps, cette édition numérique redonne vie à une œuvre existant jusqu’alors uniquement

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