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Article pp.161-166 du Vol.9 n°1 (2011)

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Distances et distance au Brésil

En octobre 2010, l’Inspection générale d’économie-gestion a dirigé une visite d’études au Brésil consacrée à la formation à distance. Mise en œuvre par le Département des formations professionnelles du Centre international d’études pédagogiques et la Direction des relations européennes, internationales et de la coopération du MENJVA, cette mission d’observation a également bénéficié de l’expertise du Cafoc de Montpellier.

La délégation s’est rendue à Brasilia, au ministère de l’Éducation, puis dans deux instituts professionnels (Instituts de formation et d’éducation technique – Ifet) à Curitiba et Fortaleza (sud et nord du pays). La formation à distance (FAD) est l’un des volets de réflexion du partenariat franco-brésilien sur la formation professionnelle, qui s’intègre lui-même dans un cadre stratégique inter- gouvernemental.

Marc Boisson, Délégué aux affaires internationales et européennes du Cned représentait l’établissement lors de cette mission. Il souligne pour Distances et savoirs les éléments les plus remarquables du contexte brésilien.

D&S —Vous avez vécu au Brésil et vous en connaissez bien le le milieu éducatif et culturel pour y avoir dirigé une Alliance française1. Vous venez d’y rencontrer des acteurs de la FAD. Quels sont les traits les plus saillants, les démarches qui vous ont le plus impressionné ?

MARC BOISSON — Il est frappant de constater que le gigantisme, caractéristique de ce pays continent, est de mise au Brésil également pour la formation à distance.

L’enthousiasme pour cette modalité de cette jeune puissance économique a aussi attiré mon attention. Le dernier élément remarquable est la rapidité à laquelle se met en œuvre la formation à distance.

Gigantisme de quelle sorte ? Le public concerné, en premier lieu, est à même de faire pâlir les plus grands opérateurs européens : le dispositif E-Tec (formation à distance pour les instituts de formation et d’éducation technique) s’intègre dans un système cherchant à former 50 millions de personnes. Le programme UAB

1. Trois mots pour expliquer ce qu’est une Alliance française ? Le réseau des Alliances Française, implanté dans le monde entier, est composé d’établissements de droit local dont la vocation principale est la diffusion de la langue et de la culture françaises.

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(Universidade Aberta do Brasil : Université Ouverte du Brésil), né moins de cinq ans auparavant, comptait 190 000 étudiants et en espère un million en 2014.

Les relais locaux sont en général très nombreux, afin de permettre le meilleur maillage territorial. Pour ce qui est de la formation professionnelle, le dispositif E- Tec bénéficie de 291 implantations dans le pays. Dans le domaine de la formation supérieure à distance, le programme UAB gère 92 institutions d’enseignement supérieures et 587 pôles d’appui.

Les investissements financiers paraissent, en outre, proportionnels aux ambitions affichées : le gouvernement fédéral consacrait, par exemple, 200 millions d’euros à l’UAB en 2010 et il a dû autoriser en 2011 une hausse budgétaire de 40 %, sur la base de ce montant.

Aucun chiffre ne peut mesurer, bien sûr, l’enthousiasme des acteurs d’un système.

On peut d’ailleurs très vite confondre ce qui relève d’une mentalité nationale et une appréciation positive particulière de ce système. Toutefois, que ce soit au centre du pays, dans la capitale, au sud, dans la ville prospère et tempérée de Curitiba ou au nord- est, dans le milieu plus populaire et tropical de Fortaleza, la visite d’études a montré un engouement patent de l’ensemble des acteurs pour la formation à distance. Toutes les personnes que nous avons rencontrées, responsables du ministère de l’Éducation, directeurs des Ifet, professeurs, techniciens ou inscrits, ont montré leur engagement pour cette modalité pédagogique, qui, sans être nouvelle au Brésil, loin de là, connaît un essor remarquable2. L’intérêt de la formation à distance pour toucher un public dispersé dans des états qui ont la taille de pays européens, non disponible pour des cours présentiels du fait de ses occupations professionnelles, a partout été relevé, comme le bel ascenseur social que cette modalité représente, dans un pays où les inégalités sont encore très fortes.

D&S —Vous représentiez le Cned lors de cette mission, et vous avez peut-être distingué des similarités et des contrastes dans les méthodes, les stratégies que vous avez observées, toutes proportions gardées…

MARC BOISSON — Plusieurs caractéristiques des deux dispositifs brésiliens, l’enseignement à distance dans le cadre de la formation professionnelle et celui du domaine universitaire, ne sont pas sans rappeler le Cned, en effet.

2. Les universités brésiliennes, publiques ET privées, ont depuis quelques années mis en place des plates-formes d’apprentissage pour les étudiants et de formation pour les enseignants. Le portail du professeur, que le Secrétariat à l’Education à Distance du ministère de l’éducation nous a présenté en 2009 (http://portaldoprofessor.mec.gov.br/index.html), est également un site d’échanges, de dépôt et de consultation de préparations de cours, le tout dans un visuel parfaitement ergonomique. Les fonctionnalités techniques proposées sont variées (par exemple, le système de validation des cours est en ligne), ce qui confirme qu’en termes d’utilisation des Tice pour les échanges à distance, le Brésil n’est déjà plus un pays émergent.

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En premier lieu, il s’agit, dans les deux cas, de dispositifs nationaux, mis en œuvre par le ministère de l’éducation. En deuxième lieu, il faut remarquer le maillage territorial des deux institutions, relayées localement par plusieurs sites. On peut également parler d’industrialisation au regard du nombre important d’inscrits, auxquels il est nécessaire d’assurer la même prestation. Cela signifie qu’une organisation interne élaborée, que ce soit au niveau administratif, pédagogique et technique, sous-tend le système. Il est vrai que la structure fédérale du Brésil implique une adaptation locale des dispositifs imaginés, conçus et financés à Brasilia. On note aussi la variété des formations qui sont offertes : 650 cours sont proposés par exemple par l’UAB, 300 formations et 3 000 modules au Cned. Un autre point commun entre les deux systèmes nationaux est la variété des supports : l’un comme l’autre dispensent des formations sous format papier, CD, DVD rom et web.

Les Brésiliens, enfin, ont acquis et mettent en œuvre une véritable ingénierie, qui repose sur une conception globale de l’enseignement à distance, intégrant la coordination pédagogique, la rédaction de cahiers des charges pour les auteurs et une formation des rédacteurs et des tuteurs. En cela, le système brésilien rappelle également celui du Cned.

Ce qui distingue de la façon la plus significative le système brésilien tient au recours systématique à la modalité présentielle qui est pratiqué. S’il est vrai qu’elle intervient aussi au Cned, notamment dans le cadre de la formation professionnelle continue, une loi brésilienne rend obligatoire le recours à cette modalité au minimum pour 20 % du temps de formation totale. La médiation humaine y est primordiale : en dehors des regroupements, si l’enseignant est à distance, les étudiants peuvent être réunis dans un pôle dit « présentiel » pour assister ensemble à la diffusion d’un cours administré de façon synchrone (par un système de transmission télévisuelle ou de vidéo-conférence).

D&S — Dans les publications de Distances et savoirs, au cours de ces huit dernières années, on note également que des articles de plus en plus nombreux sont consacrés à l’étude des dispositifs « hybrides », associant enseignement à distance et activités en présence, et ceci à tous les niveaux d’enseignement. Avez-vous eu l’occasion d’observer ces démarches recourant à la fois à la distance et à la présence ?

MARC BOISSON —Nous avons évoqué jusqu’ici les dispositifs brésiliens dans leurs grandes caractéristiques. Mais voici des éléments plus précis sur chacun d’entre eux.

Le système de l’UAB (Universidade Aberta do Brasil), tout d’abord, cherche à accroître notoirement le nombre d’étudiants au Brésil, partant du constat que seuls 12 % des 18-24 ans suivent actuellement des études supérieures.

Les cours sont imprimés ou proposés sur la plate-forme Moodle. Les prestations des professeurs sont également dispensées sur le net en différé ou en direct dans les quelques 600 pôles présentiels, via la vidéo-conférence. Des centres multimédias et des laboratoires scientifiques y sont également implantés. Des tuteurs sont à la

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disposition des étudiants, qu’ils peuvent également trouver sur la plate-forme. Ces étudiants sont généralement des étudiants de Master. Les 650 cours sont conçus au niveau des pôles, dont chacun est spécialisé dans une ou plusieurs matière(s) diffusée(s) dans l’ensemble du pays.

Le programme E-tec pour les Instituts de Formation et d’Education Technique est proche de celui de l’UAB, ce qui est bien normal puisqu’il s’en est expressément inspiré. On retrouve, en ce qui concerne les supports, une plate-forme en « open source » (Moodle), le papier et l’audiovisuel. Pour les travaux pratiques, des laboratoires mobiles (mallettes) sont transportés d’un pôle présentiel à l’autre. Une cinquantaine de formations est conçue à Brasilia. Les coordinateurs pédagogiques et les tuteurs, quant à eux, se trouvent au niveau local. Les secteurs concernés sont le sanitaire et social, l’automobile, l’électronique, l’aéronautique et l’hôtellerie- restauration. L’objectif est conséquent puisqu’il s’agit à terme, comme indiqué précédemment, de qualifier une population estimée à 50 millions de personnes.

L’Institut de Formation et d’Éducation Technique de l’État du Paraná, à Curitiba, dans le sud du pays, forme à lui seul 28 000 personnes à distance, alors que 5 000 étudiants fréquentent ses cours présentiels. Parmi les apprenants utilisant l’EAD, on trouve de nombreux adultes en reprise d’études. Outre les supports variés, dénominateur commun des systèmes qui nous ont été présentés, l’institut dispose et utilise régulièrement des studios pour la diffusion synchrone des cours filmés, via une liaison satellitaire. Leurs destinataires sont regroupés dans environ 400 pôles présentiels de réception. Un tuteur accompagne, en studio, le professeur- présentateur. A son propos, il faut noter que le cours est un véritable spectacle où, à la mode brésilienne, animateurs et public échangent salutations cordiales et encouragements. Le contact est établi par l’intermédiaire du tuteur qui reçoit des e- mails pendant le cours. Dans le site de diffusion, à Curitiba, une salle de tutorat est dédiée, pendant et après le cours, aux réponses à apporter aux sollicitations des élèves, qui parviennent également par téléphone.

Dans les sites de réception, le cours est diffusé par vidéo-projecteur tandis qu’un tuteur connecté à Internet et disposant d’un téléphone, adresse les questions et commentaires du public à son collègue du site expert. Un deuxième espace physique est un centre de ressources. Les inscrits peuvent y visionner les cours enregistrés et disposent d’ordinateurs et d’une bibliothèque pour la communication avec un tuteur, le travail en groupes ou le travail personnel.

La professionnalisation du dispositif apparaît également au regard de la qualification des acteurs. L’auteur des cours est formé à la scénarisation pédagogique. Le professeur principal, qui est l’animateur en studio, est formé à ce mode particulier d’intervention et aux adaptations qu’impose le fait de dispenser un cours synchrone à distance. Pour avoir assisté à l’un de ces cours, nous pouvons dire que le résultat est plutôt probant : le professeur que nous avons observé n’était absolument pas gêné par les caméras et ne manifestait aucun des symptômes que l’on aurait pu attendre d’un non-professionnel de l’animation télévisuelle (débit hésitant

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ou monocorde, déplacements hasardeux sur le plateau…). Les tuteurs reçoivent également une formation spécifique (2 à 3 jours en présentiel et 2 à 3 jours à distance). Bien évidemment, l’équipe technique des studios, comme au Cned, est composée de professionnels de l’audiovisuel : réalisateurs, cadreurs, monteurs…

Dans l’Institut de Formation et d’Éducation Technique du Ceará, à Fortaleza (nord- est du pays), une équipe fixe de 50 personnes et de 200 formateurs et tuteurs ponctuels gère le dispositif de l’EAD. Il faut noter que lors de sa mise en œuvre, en 2006, seules 4 personnes étaient impliquées. Près de 4 000 étudiants ont été formés entre 2007 et 2010, avec un taux d’abandon en cours de formation qui oscille entre 17 et 30 %.

Les pôles de réception locale sont au nombre de 20. Une leçon par discipline est dispensée par semaine, via la plate-forme Moodle (de manière asynchrone) avec un contenu didactique, une activité de groupe (de type forum ou wiki) et des exercices individuels. En vertu de la « règle des 20 % », des cours présentiels ont lieu dans les pôles, notamment le samedi pour favoriser la présence des personnes qui travaillent pendant la semaine.

En ce qui concerne la formation des acteurs du dispositif, enfin, il faut noter que les tuteurs bénéficient d’une formation initiale mixte de 80 h qui traite les aspects techniques, méthodologiques et psychologiques de l’aide qu’ils doivent apporter.

Les concepteurs de cours reçoivent également une formation qui mêle la présence et la distance (d’une durée de 60 h).

D&S — Vous avez évoqué la FAD comme ascenseur social dans un pays où les inégalités sont encore très fortes. Avez-vous noté, en dehors des modalités que vous venez de décrire, des exemples de dispositions visant à lutter contre ces inégalités au niveau de la formation ?

MARC BOISSON — Effectivement. Par exemple à l’UAB les formations sont entièrement gratuites pour les étudiants. Le ministère brésilien calcule, avec le jeu de l’industrialisation, que le coût d’un étudiant en EAD est nettement inférieur à celui d’un étudiant en présentiel (900 à 1 300 € pour 5 500 €). Ou encore une caractéristique qui n’est pas des moindres à l’Ifet de Curutiba. Dans le cadre légal de la discrimination positive, cet institut réserve 20 % des places aux populations défavorisées, 25 % au titre des quotas raciaux (20 % pour les noirs et 5 % pour les indiens) et 5 % aux handicapés.

On retrouve également la politique de soutien aux populations défavorisées à l’Ifet de Fortaleza, avec un accent mis sur la lutte contre la fracture numérique (« inclusão social ») qui touche les populations éloignées (notamment les descendants des tribus indiennes). Et les apprenants à distance y sont épaulés méthodologiquement. Avant leur premier cours, un module d’une durée de 40 h, intitulé « Apprendre en EAD », leur est proposé.

La connaissance, sur le terrain, des dispositifs nationaux de formation à distance brésiliens, s’est révélée riche d’enseignements. Elle interroge les pratiques françaises et les conforte simultanément, tant les points communs sont notables.

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D&S — Merci Marc Boisson pour ce témoignage qui souligne l’intérêt que D&S a déjà porté à la FAD au Brésil, notamment en 2008, lors de la publication de l’article de Carolina Costa Cavalcanti, Doralice Inocêncio, Gina Strozzi Democratizaçao do ensino no Brasil: Reflexões sobre Inclusão Digital e Direitos Humanos, à l’occasion de l’appel à contribution piloté par D&S3. Un prochain numéro thématique de D&S sur la FAD au Brésil donnera cette fois la parole aux chercheurs et praticiens brésiliens.

3. Appel associant six revues internationales sur le thème du rôle de la formation à distance pour l’accès à l’éducation : www.distanceetdroitaleducation.org

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