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Article pp.647-658 du Vol.22 n°6 (2002)

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Texte intégral

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Influence des toxiques alimentaires sur le développement post-natal

Jean-François NARBONNE

Les échanges par voie sanguine entre mère et fœtus et par la voie de l’allai- tement entre mère et nouveau-né, suscitent de nouvelles inquiétudes.

La première inquiétude concerne les capacités de reproduction. En effet on note une forte augmentation des anomalies sexuelles anatomiques et fonction- nelles, sans compter la perte de qualité du sperme observée au cours des vingt dernières années qui, par extrapolation laisserait supposer que l’espèce humaine serait stérile en 2060. En résumé, la capacité de reproduction de l’homme est en danger.

La deuxième inquiétude concerne les aptitudes intellectuelles. Après la vache folle et le poulet fou : l’homme va-t-il devenir fou ? Actuellement, les études épidémiologiques se concentrent de plus en plus sur le développement du cerveau du jeune enfant.

On voit donc apparaître deux classes de molécules à risque de santé publique :

– les perturbateurs endocriniens touchant l’homme et son environnement (comme le changement de sexe des poissons) ;

– les perturbateurs cérébraux qui ralentissent ou interfèrent avec le dévelop- pement du cerveau.

Les « candidats responsables des deux types de perturbations sont les POPS (polluants organiques persistants). Ces produits, souvent halogénés, peuvent leurrer des récepteurs, des transporteurs ou des sites enzymatiques, perturbant ainsi gravement les signalisations. De plus, le chlore contenu dans ces molécules organiques leur donne un caractère indestructible, l’organisme ne possédant pas d’outils pour les détruire. Ces produits résistent aux acides, aux bases, à la chaleur et, plus généralement, à la dégradation oxydante, seule

Directeur du laboratoire de toxicologie biochimique, LPTC, UMR CNRS 5472, université Bordeaux 1.

Correspondance

jf.narbonne@lptc.u-bordeaux.fr

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arme cellulaire efficace pour éliminer un xénobiotique. Une convention interna- tionale vient d’être signée : elle vise à limiter et éliminer l’usage de ces produits.

De nombreux polluants sont concernés. Les données épidémiologiques chez l’homme et la femme sont récentes. L’AFSSA (Agence française de sécu- rité sanitaire des aliments) en relayant le CSHPF (Conseil supérieur d’hygiène publique en France) et aidée par le nouvel INVS (Institut de veille sanitaire) a fait des études, en particulier sur le lait humain.

Les molécules incriminées sont :

– le DDT et les insecticides organochlorés, massivement employés après guerre et dont l’usage a été interdit dès les années 1970 ;

– les dioxines (2 noyaux phényles avec 2 oxygènes) et les furannes (1 oxygène entre les deux noyaux phényles), sous-produits de traitements industriels (incinération, traitement du papier…). Leur demi-vie chez l’homme et dans l’environnement est très importante (jusqu’à plusieurs dizaines d’années) ; – les PCB (polychlorobiphényls), présents essentiellement dans les pyra-

lènes et utilisés dans l’industrie électrique car ils sont isolants (utilisés dans les transformateurs) et résistent à la chaleur et à l’hydrolyse. Ce sont des mélanges industriels où les différents congénères se présentent sous deux formes : la forme coplanaire (PCB dioxine like) et celle dite globulaire qui s’accroche sur d’autres types de récepteurs. Les effets sont donc diffé- rents en fonction de la forme du composé.

La future grosse crise concerne les bromés (antithyroïdiens très puissants) : ce sont toujours des allogènes mais le chlore a été remplacé par du brome. Ces composés (PBDE) résistants à la chaleur (antifeu) ont remplacé l’amiante. Les ordinateurs sont enduits de ces produits, ainsi que les tissus ignifugés pour les pompiers et les enfants. Un des composés (PBB) était utilisé pour éteindre les grands feux de forêts aux États-Unis (pigment rouge) dans les années 1960.

On peut donc s’interroger sur les produits de substitution dont on connaît peu la toxicité. En effet, si les PBDE ont remplacé l’amiante dans de nom- breuses utilisations, l’Ugilec a remplacé les PCB dans les transformateurs. Ces PBDE sont simplement beaucoup moins rémanents car un oxygène a été rajouté entre les deux noyaux phényles. Cependant le problème reste entier quant à la toxicité réelle des métabolites…

Le principal problème posé par la dioxine est un problème de reproduction et d’effets cérébraux touchant la population générale, les cancers ne semblant concerner que les populations exposées à de fortes doses (exposition profes- sionnelle ou accidentelle). La question de la dioxine s’est posée à la fin des années 1980, avec la mise au point de son dosage. Le problème a été révélé à travers divers épisodes :

1) La dioxine contenue dans l’agent orange utilisé comme défoliant pendant la guerre du Vietnam. En 10 ans, environ 150 kg de dioxine ont été déver- sés sur 14 % de la surface du Vietnam. À la réouverture de ce pays, 10 ans après le départ des Américains, les teneurs en dioxine dans le lait des femmes du Vietnam du Nord (région non traitée par la dioxine jaune orange) ont été comparées à celles du Sud. Les femmes du Sud avaient 30 pg de dioxine par gramme de matière grasse dans leur lait, contre 8 pg/g de matière grasse pour les femmes du Nord, région non traitée. ©Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

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2) En 1976 l’accident de Seveso a entraîné une libération importante de dioxine sur les riverains de l’usine d’herbicide. Des niveaux de 28 et 30 pg/g de matière grasse ont aussi été notés dans le lait des femmes plus de 10 ans après l’exposition.

3) Les études, réalisées en Grande-Bretagne, en Hollande et en Allemagne, ont montré que les teneurs en dioxines dans le lait de femmes appro- chaient celles de Seveso. Pour la Hollande, les teneurs pouvaient même atteindre 70 pg/g de matière grasse.

En 1990, les pays se sont donc saisis de cette problématique et des recherches historiques sur la contamination ont été effectuées. Grâce à des ana- lyses sur un herbier de Cambridge (échantillons d’herbes conservés depuis 1850), deux grands pics ont été détectés. Le premier dans les années 1960 (utilisation des composés organochlorés contaminés par les dioxines), le second dans les années 1980 (construction d’incinérateurs polluants). Depuis, les procédés indus- triels ont été fortement améliorés, les taux diminuent progressivement et nous sommes actuellement plutôt à la fin de la crise concernant la dioxine.

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Figure 1

Teneurs en dioxines dans le lait humain, données en 1990 (rapport au Conseil de l’Europe)

Dioxines en pg/g de matière grasse.

0 5 10 15 20 25 30 35 40 TEQ pg/g F

UK F I (Seveso) D

S URSS US Vietnam (N) Vietnam (S)

Dans les sédiments de la Baltique (prélevés par des carottages), il apparaît un pic de concentration en PCB et dioxine avec un maximum dans les années 1970 et une nette diminution à partir des années 1990. Ainsi, la génération née autour des années 1970-1980 a pu être surexposée au cours de la période fœtale et

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postnatale. Depuis les dix dernières années la concentration des composés bro- més (remplaçant l’amiante) dans les sédiments est en croissance exponentielle indiquant une contamination sérieuse de notre environnement.

La principale caractéristique toxicologique de la dioxine est sa liposolubilité et sa faible dégradabilité d’où une longue imprégnation des tissus adipeux et une importante demi-vie chez l’homme, de 5 à 30 ans. La dioxine se retrouve aussi dans les lipides du sang (en particulier les lipoprotéines) et dans la matière grasse du lait, ce qui constitue pour les femelles de mammifères une voie importante d’excrétion. En 1976, l’étude Kociba a montré qu’en traitant par de la TCDD (congénère dit « dioxine de Seveso ») des rats pendant deux ans, des tumeurs apparaissent. La dose fut très faible (100 ng/kg/j) et capable d’induire des tumeurs. On a donc en 1990 et d’après cette étude, calculé la première dose journalière tolérable (DJT) de 10 pg/kg/j. En 1989, une publica- tion a montré qu’après avoir traité des singes pendant 4 ans, tout un tableau clinique était observable. La dioxine peut déclencher une létalité (ng/kg), des effets sur la peau (chute des poils), des problèmes de développement cognitif chez les jeunes singes, des morts prénatales, des effets immunitaires (modifi- cations des lymphocytes) et des effets d’endométriose. La dose tolérable pro- posée (en particulier dans mon rapport au CSHPF de 1991) est donc passée de 10 à 1 pg/kg/j.

Il faut signaler ici une approche différente (dite d’évaluation quantitative du risque) retenue par les comités d’experts américains qui calculent la dose virtuel- lement sûre (DVS) correspondant à l’apparition chez l’homme, d’un cancer sup- ©Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

Figure 2

Évolution de la teneur en dioxines dans les échantillons d’herbes conservés à Cambridge

1850 1900 1950 2000

3 000 400 000

300 000

200 000

100 000

0

Poids total (pg/kg m.s.

I-TEQ (pg TEQ/kg m.s.

I-TEQ

Poids total en congénères PCDD/PCDF

2 000

1 000

0

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plémentaire par million d’individu. Cette DVS est de 6 fg/kg/j pour l’Environmen- tal Protection Agency et de 100 fg/kg/j pour la Food and Drug Administration.

Tableau 1

Résumé des données toxicologiques permettant le calcul de la DJT

Effets Espèces LOAEL NOAEL FS DJT

Cancérogénèse

Nodules Rat 10 ng 1 ng

Tumeurs Rat 100 ng 10 ng 1 000 10 pg

Reproduction

Rat 10 ng 1 ng

Souris 1 000 ng 10 ng

Singe adulte 0,72 ng 0,12 ng 100 1 pg

Singe n-né 0,5 ng 0,05 ng 50

Neurologie

Reconnaissance Singe 0,126 ng > 100 1 pg

objets Immunologie

Lymphocytes Singe 0,642 ng > 100 5 pg

Souris 1 ng

Cobaye 8 ng

LOAEL : plus petite dose induisant un effet toxique ; NOAEL : plus forte dose n’induisant pas d’effet toxique observable ; FS : facteurs de sécurité utilisés pour extrapoler la dose sans effet pour l’homme et fixer la DJT.

Il faut signaler ici que ces résultats sont obtenus avec la TCDD (congénère le plus toxique) mais qu’il existait un vrai problème pour évaluer la toxicité de mélanges des 400 congénères de dioxines et furanes et de PCBs. L’approche expérimentale étant impossible, un nouveau concept à été développé en toxi- cologie : celui du TEQ ou toxi-équivalent, c’est-à-dire que la toxicité d’un mélange est exprimée en toxicité équivalente à celle d’une quantité donnée du congénère le plus toxique, dans ce cas la TCDD. En fait, la toxicité du mélange est supposée égale à la somme des toxicités relatives de chaque congénère constituant le mélange (Facteur toxique équivalent ou TEF). Cette toxicité rela- tive est calculée essentiellement sur la base de mécanismes d’action molécu- laires : la dioxine se fixant essentiellement sur le récepteur Ah (celui induisant le cytochrome P 450 1A), entraînant une cascade d’événements sur le développe- ment et la différentiation cellulaire. On a donc créé un TEQ, basé sur ce récep- teur. Mais si ce concept est valable pour les PCDDs, PCDF et pour quelques congénères de PCB coplanaires (très minoritaires dans les mélanges de PCBs), son application aux PCBs dans leur ensemble était fortement critiqué. En fait, on a découvert, au cours des dernières années, que ces PCBs se liaient à des récepteurs (le récepteur à l’œstradiol) ou des transporteurs (Trans Thyrétrine) d’hormones ou même à de nouveaux récepteurs (récepteur Ryanodine mis en évidence dans le cerveau), interférant ainsi sur le développement de la signali- sation cellulaire du calcium dépendant du cerveau. Ce sont essentiellement les PCB non dioxine like qui ont le plus d’affinité pour ces récepteurs et représen-

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tent donc de puissants perturbateurs endocriniens. Par exemple, les PCB non dioxine like ont 8 fois plus d’affinité que la thyroxine pour son transporteur, la TTR, et les polybromes, 25 fois plus. Ces nouveaux résultats orientent les tra- vaux vers les problèmes thyroïdiens, de reproduction et de développement du cerveau. Sur le plan épidémiologique, de grandes études ont été réalisées avec les PCB, dans des zones de surexposition (tableaux 2 et 3). Des prélèvements sur le cordon et sur la mère, ont mis en évidence des corrélations négatives entre le tour de tête et le taux de PCB dans le cordon. Au niveau du développe- ment cognitif (quelle que soit l’échelle utilisée), il existe partout des corrélations négatives, y compris sur le QI à 11 ans.

Tableau 2

Étude du Michigan (JACOBSONet al., 1984, 1985, 1990, 1996)

313 enfants, 242 mères PCB

PCB lait Cordon

Nouveau-né Poids corporel, tour de tête Corrélation (C)négative NBAS (tonus musculaire, Pas de C.

réflexes)

5 mois Échelle de Bayley Pas de C.

(développement cognitif)

7 mois Test de Fagan C. négative

(mémoire et abstraction) 4 ans Échelle de Mc Carthy

(capacités verbales mnésiques, C. négative C. négative motrices et de perception)

11 ans Score de Wechsler, QI C. négative Pas de C.

Tableau 3

Étude de Caroline du Nord (ROGANet GLADEN, 1986-1991)

880 femmes, 700 enfants PCB

PCB lait Cordon

Nouveau né Poids corporel Pas de C.

NBAS C. négative

6, 12, 18, Échelle de Bayley C. négative

24 mois

3, 4, 5 ans Échelle de Mc Carthy Pas de C.

L’étude hollandaise (tableau 4) représentant 418 couples mères enfants dont 209 allaités au minimum 6 semaines compare les taux de PCB dans le cordon et de dioxine dans le lait. Il existe des corrélations négatives, en particulier avec les organochlorés du cordon, pour un certain nombre de tests neurologiques. Il a été montré une augmentation de l’hormone thyréotrope : les enfants se com- portent comme des hypothyroïdiens. ©Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

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Tableau 4

Étude hollandaise (KOOPMAN-ESSEBOOM1995-1996)

Rotterdam/Groningen PCB TEQ

418 couples mères enfants, Cordon/sang Lait

209 allaités (min. 6 semaines) L < 30 < H

2 semaines T4 L/H – 10 %

TSH L/H + 27 %

Développement neurologique C. négative

3 mois T4 Pas de C.

TSH H +

Développement neurologique C. négative Développement psychomoteur C. négative Développement mental Pas de C.

Test de Fagan Pas de C.

7 mois Développement neurologique C. négative

Développement psychomoteur Pas de C. L/H positif Développement mental Pas de C.

Test de Fagan Pas de C. L positif

18 mois Développement neurologique C. négative Développement psychomoteur Pas de C.

Développement mental Pas de C.

L = low exposure (< 30 pg) ; H = high exposure (> 30 pg).

Lors d’une autre étude réalisée à Amsterdam (tableau 5), la TSH augmentait de 40 % chez les enfants nés de mères ayant des teneurs importantes en dioxine.

Tableau 5

Étude Amsterdam (PLULMet al., 1993) Amsterdam 38 enfants TEQ lait 9 < 30 < 63 pg/g Nouveau né Poids corporel Pas de

1 mois T4 + 15 %

11 mois T4 + 10 %

TSH + 39 %

En août 2000, au congrès de Monterey, un schéma général a été présenté sur le développement cognitif ou moteur initial (avant et après le 7emois). Les PCB n’ont pas d’effets sur les deux développements primaires (l’environnement familial étant pris en compte). Ils ont, en revanche, un effet sur les développe- ments cognitifs secondaires qui entraînent eux-mêmes un effet sur le dévelop- pement moteur.

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À partir de ces études, les Japonais ont comparé les enfants nourris au lait humain et ceux nourris au lait artificiel : au niveau des paramètres thyroïdiens, il existe une différence du taux de TSH selon l’allaitement et une corrélation avec les taux de dioxine. Cependant, aucune conclusion mettant en relation le taux de TSH au taux de lipides du lait maternel n’a pu être établie. De même, au niveau immunitaire, le taux de dioxine de la mère n’a pas d’effet sur l’enfant.

Les enfants nourris au lait humain ont un bien meilleur statut immunitaire que ceux nourris au lait artificiel.

Avec les PCB, une grande étude a été faite sur 900 enfants aux États-Unis : des corrélations ont été trouvées entre les PCB et le poids du corps, la taille, le tour de tête… Sur ces paramètres de croissance, il existe effectivement des corrélations négatives avec les PCB.

Actuellement, les teneurs des PCB, des DDT et des dioxines diminuent (il faut 15 ans pour qu’elles soient divisées par deux). En revanche le doublement, en 5 ans, des taux décomposés polybromés dans le lait humain annonce une nouvelle crise.

Tableau 6

Teneurs en PCDD/F dans le lait maternel (données poolées) dans différents pays européens

Valeur Min-Max

pg TEQ/g graisse* pg TEQ/g graisse

Belgique 20,8 à 27,1

Pays-Bas 22,4 (moyenne) 10-36

(données individuelles, n = 30)

Danemark 15,2 à 21,5

Tchécoslovaquie 12,1 à 18,4

Allemagne 16,5

France (1998-1999) 16,5 6,5-34,3

Grande-Bretagne 15,2 à 17,9

Autriche 10,7 à 14

Croatie 8,4 à 13,5

Norvège 9,3 à 12,5

Hongrie 7,8 à 8,5

Albanie 3,8 à 4,8

* Plusieurs chiffres sont présentés si plusieurs zones ont été étudiées.

Une étude, présentée en juin 2000 par l’AFSSA et l’InVS réalisée avec 250 femmes en France (laits collectés par les lactariums) a montré des teneurs de PCDD/F variant de 6,5 à 34 pg TEQ/g de matière grasse. La France est dans la moyenne européenne. En fonction de l’âge de la mère, la teneur en dioxine augmente (accumulation), et plus le lait est riche en lipides, ou plus la mère est corpulente, moins la teneur en dioxine est importante. ©Lavoisier – La photocopie non autorisée est un délit

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Les coquillages et les poissons sont les plus concentrés. Mais la consom- mation de ces produits n’étant pas importante quantitativement, leur apport en dioxine ne représente que 26 %.

La contamination du lait de femme est le résultat d’une contamination de la chaîne alimentaire à partir des retombées atmosphériques (chaîne terrestre air- herbe-ruminant-femme-enfant) ou à partir des réservoirs sédimentaires (chaîne aquatique effluents-sédiments-plancton-poissons-femme-enfant). Les concen- trations successives dans les matières grasses des différents organismes de la chaîne et la faible dégradabilité des contaminants entraînent une bioamplifica- tion. Les produits laitiers sont les vecteurs principaux de dioxines (plus de 40 %).

En cas d’émission importante de dioxines dans l’atmosphère (un incinérateur polluant peut émettre de 50 à 150 mg TEQ/M3), le lait des vaches en pacage sur des champs situés sous les retombées du panache peut largement dépasser la valeur limite de 5 pg TEQ/g de matières grasses (de 10 à 27 pg TEQ). Un arrêt de l’installation polluante entraîne une diminution rapide de la contamination du lait : 4 à 6 mois suffisent à obtenir des taux acceptables en dioxine. Au contraire, pour les produits de la mer, le délai entre l’arrêt des activités polluantes (blanchiment de la pâte à papier par le chlore) et la chute significative de la contamination des poissons est beaucoup plus long (au moins 50 ans) du fait de la constitution de réservoirs. Dans les pays très contaminés (Baltique), où l’apport en dioxine par le poisson représente 60 %, il est conseillé aux femmes en âge de procréer de ne pas en manger plus de deux fois par semaine.

À l’heure actuelle, le lait de grand mélange en France est redevenu correct, les dernières études montrent des moyennes à 0,6 à 0,8 pg TEQ/g de matières grasses. Après seulement deux ans de fermeture des incinérateurs, les valeurs moyennes ont nettement chuté. Cependant, il subsiste ponctuellement des zones de forte pollution, en particulier à proximité d’incinérateurs de faible capacité (moins de 6 t/h) non soumis aux limitations des normes européennes ou nationales. Cependant, une contamination significative du lait humain (teneurs très supérieures à la moyenne nationale) nécessite une consommation majoritaire de produits animaux issus de troupeaux élevés en plein champ et un temps de résidence (ou un temps de fonctionnement de l’installation polluante) supérieur à 5 ans.

QUESTIONS

Q1 : Je ne sais pas si vous avez lu la publication récente de l’Écologiste qui parle de la publication de l’AFSSA et qui trouve que les taux proposés ne tien- nent pas compte de toutes les substances apparentées ?

Il y a deux choses. Les équivalents toxiques (TEF) ont été légèrement modi- fiés en 1998 pour quelques congénères. Néanmoins, la variation due à ces changements représente moins de 10 % d’écart entre l’ancien et le nouveau calcul, ce qui est inférieur à l’incertitude de la valeur moyenne publiées. En dehors de ces raisons théoriques, la non prise en compte du nouveau sys- tème de calcul tient tout simplement au fait que les prélèvements et les dosages ont été faits avant le changement proposé par l’OMS, c’est-à-dire

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avant fin 1998 (ceci est aussi vrai pour les données publiées en 1999 dans le cadre de l’étude européenne). Alors dire que l’AFSSA a manipulé les calculs est complètement ridicule, quel aurait été l’intérêt de rajouter ou d’enlever 10 % ? Ce qui est important, c’est l’évolution des teneurs permettant de valider l’efficacité des mesures de réduction des sources. Or, toutes les valeurs historiques étaient exprimées suivant les anciens TEF. En revanche, un problème plus fondamental s’est posé en 1998, c’est la proposition de l’OMS d’attribuer des TEF à certains congénères coplanaires ou même orthosubstituer des PCB et de les inclure dans le calcul global du TEQ. On rajoute donc aux dioxines des PCB, dont l’origine n’a rien à voir avec des incinérateurs ou les autres sources de dioxines. Cette confusion entre dioxine et PCB est d’ailleurs entièrement à l’origine de la crise belge : les Belges ont recherché une contamination des poulets par de la dioxine alors que la source était beaucoup plus classiquement des pyralènes de fluides caloporteurs et des huiles recyclées. De plus, exprimer la toxicité des PCBs en ne tenant compte que de la partie minoritaire étant « dioxine like » c’est faire une grossière sous-estimation pouvant atteindre 10 000. Mais, d’un certain point de vue, il y a un certain intérêt à sous-évaluer la toxicité des PCB et à entretenir une confusion entre dioxine (contaminant non volontaire) et PCB, produit industriel. Il est dommage que des associations « écolo- gistes » se laissent manipuler par des arguments si grossiers, sans mieux se renseigner. Depuis deux ans, l’AFSSA demande une réévaluation de la toxi- cité des PCB, ce qui devrait être fait début 2002.

Q2 : Puisque la crise future est représentée par les polybromodiphényléthers, que pouvons-nous faire pour s’en protéger ?

Actuellement, des dangers peuvent être identifiés dans les produits de trai- tement antifeu des ordinateurs et plus généralement du matériel électro- nique ainsi que dans certains textiles ignifugés (en particulier pour enfants).

Les risques avérés semblent concerner les personnels recyclant les ordina- teurs et les personnels hospitaliers chargés de la maintenance des appa- reillages lourds médicaux.

Q3 : D’un point de vue médical, un dérivé du DDT est utilisé en endocrinolo- gie pour le traitement du syndrome de Cushing qui s’appelle l’OP’DDT. Quel effet nocif peut-il présenter ?

Dans le cas d’emploi comme médicament, la balance bénéfice/risque est à effectuer par le médecin. En toxicité aiguë, le DDT est moins dangereux que d’autres pesticides. En revanche, son métabolisme est plus lent : il est éli- miné en 7 ans et, de plus, c’est un pro-œstrogène. Il est aussi utilisé dans certains pays pour traiter la malaria. Les organochlorés sont interdits en France mais sont utilisés illégalement dans les DOM-TOM entraînant des impacts sur la population et l’environnement.

Q4 : Les nouveaux nés allaités dont les mères avaient été exposées à la dioxine ont une TSH un peu plus élevée que ceux nourris au lait artificiel. Le lait de vache concentre-t-il moins la dioxine ?

Nous sommes au-dessus de la vache dans la chaîne alimentaire. Nos concentrations sont donc plus élevées. Plus la vie est longue, plus l’accu-

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mulation est importante. La femme, au contraire de l’homme, se débarrasse de la dioxine par le lait. Elle élimine ainsi plus de la moitié de la dioxine au fur et à mesure de ses maternités. C’est donc l’aîné qui en reçoit le plus.

Ensuite, cela diminue, au fur et à mesure des naissances. Après l’arrêt de l’allaitement, le statut thyroïdien redevient normal : il n’y a plus de différence entre les enfants nourris au lait humain et ceux nourris au biberon. En revanche, pour le développement neurologique, c’est le développement in utero qui est capital.

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