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La gauche et le programme commun

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J U L E S M O C H

La gauche

et le programme commun

P

our analyser correctement notre situation politique, i l faut distin- guer entre deux sens du mot programme.

Car un programme peut avoir deux buts différents : rallier des électeurs autour des idées fondamentales d'un parti et permettre d'en apprécier les lignes générales, sans perspective de venue au pouvoir

— et i l s'agit alors d'un programme électoral — ou, au contraire, faire connaître l'action que les signataires entendent mener si les électeurs leur font confiance. I l s'agit alors d'un programme de gou- vernement, qui doit nécessairement être chiffré et réparti dans le temps si l'on veut le rendre « crédible ».

Ce chiffrage est essentiel : les électeurs doivent connaître le coût de chaque mesure, ainsi que les recettes compensatrices à créer pour faire face aux dépenses nouvelles, ou les diminutions corrélatives d'autres dépenses. U n programme gouvernemental doit donc, en fait, être constitué par un ensemble de projets de lois prêts à être déposés et discutés.

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ous avons connu de tels programmes de gouvernement dans un passé relativement récent. Celui du rassemblement populaire de 1936, par exemple, comportait trois séries successives de mesures :

— L a première, formée par les trois textes réduisant à quarante heures la durée du travail hebdomadaire, géné- ralisant les conventions collectives et créant les congés payés dans le mois suivant le vote, a été promulguée entre le 6 juin 1936, jour de la présentation du gouvernement de Léon Blum, et le 21 juin, donc en l'espace de quinze jours.

— E n deuxième partie de la première urgence figuraient sept autres textes, tous promulgués entre le 21 juin et le 18 août 1936, date de la clôture de la session. Ce sont ceux

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relatifs à l'amnistie, au lancement d'un plan de grands tra- vaux contre le chômage, à la nationalisation de toutes les fabriques d'armes et de toutes les usines d'aviation (qui, en

1936, fut effectivement totale), à la création de l'Office du blé (qui jamais ne fut remise en cause), à la démocratisation du statut de la Banque de France, à la révision des décrets- lois de déflation des gouvernements précédents.

— E n deuxième urgence figuraient quatorze autres textes qui, tous, ont été promulgués entre le 30 juillet et le 28 août 1936.

On peut donc soutenir qu'à la date du 28 août 1936, donc deux mois, trois semaines et un jour après le vote de confiance initial, le gouvernement avait réalisé les mesures les plus urgentes contenues dans le programme de gouvernement sur lequel la nouvelle majorité avait été élue.

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omment une action aussi rapide a-t-elle été possible ?

D'abord, évidemment, en raison de la qualité hors série de la personne de Léon Blum qui, plus qu'aucun autre chef de gouver- nement français, a réuni en lui les qualités essentielles, nécessaires pour diriger un pays : intelligence hors de pair, honnêteté intégrale, puissance maximale d'analyse et de synthèse.

Ensuite, grâce aux travaux préparatoires. L'explosion fasciste date du 6 février 1934. L a marche à l'unité d'action des deux partis socialiste et communiste occupe cinq mois et demi, du 12 février 1934 au 27 juillet, et aboutit, après quatorze ans de luttes acharnées, à cet armistice que fut le pacte d'unité d'action.

Quatorze mois sont ensuite nécessaires pour passer de ce pacte à la plate-forme d'action commune, signée le 22 septembre 1935.

Elle constitue une large extension du pacte, puisqu'elle signifie le passage de la non-agression entre les deux partis à une collaboration dans l'opposition à Pierre Laval.

Mais i l faut encore quatre mois — jusqu'au 11 janvier 1936 — pour que soit signé le programme du rassemblement populaire, com- portant au total cinquante-trois mesures — dont seize d'ordre inté- rieur, dix relatives aux affaires étrangères et à la défense nationale et vingt-sept d'ordre économique — dont les dix-sept plus urgentes furent réalisées comme i l vient d'être dit

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et effort accéléré n'a été possible que parce que toutes ces mesures avaient été minutieusement étudiées et chiffrées avant l'arrivée des socialistes au pouvoir.

C'est ainsi que, sur les cinquante-trois mesures du programme du rassemblement populaire du 11 janvier 1936, les quinze plus impor- tantes figuraient déjà au programme du parti socialiste du 22 mai 1934 et avaient été chiffrées et rédigées sous forme de projets de lois

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par l'Union des techniciens socialistes, PU.T.S., créée par mon frère, François, et moi. Parmi ces mesures, prêtes à être appliquées sans délai, figuraient notamment la prolongation de la scolarité obligatoire, la semaine de quarante heures, le plan de grands travaux, l'Office du blé.

Il faut d'ailleurs noter que l'opposition du parti communiste a empêché en 1935-1936 d'inscrire au programme du rassemblement populaire des mesures que le parti socialiste jugeait indispensables et qui figuraient dans son programme du 22 mai 1934, mais que les communistes, désireux — déjà ! — de rassurer le corps électoral, jugeaient de nature à faire perdre des voix ! Parmi les mesures ainsi écartées par les alliés les plus timorés figuraient les offices agricoles autres que celui du blé (engrais, viande, vin), ainsi que la sociali- sation du crédit et des assurances (qui figuraient aussi dans le plan de la C.G.T., alors unifiée, de septembre 1935).

Ainsi, un immense travail préparatoire avait été fait longtemps avant les élections. C'est au point que certains ministres de Léon Blum ont reçu de l'U.T.S. les projets à réaliser, déjà chiffrés et pré- sentés sous forme de projets de lois.

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n 1972, nous avons assisté à la naissance parallèle de deux pro- grammes de gouvernement, l'un dû au parti socialiste, l'autre commun aux trois partis, socialiste, communiste et radical de gauche.

Je n'en entreprendrai pas l'analyse comparée, qui serait rebutante, et me bornerai aux brèves remarques suivantes :

1° Les deux projets ont un défaut commun — et qui est sérieux — à l'inverse des études de 1934 : aucun d'eux n'est chiffré en aucun de ses postes.

2° Le programme de gouvernement du parti socialiste est plus complet et plus méthodiquement présenté, en forme de classification décimale, permettant de trouver sans délai la référence souhaitée (1).

3° Ce programme comporte au total 88 alinéas et pré- sente un intérêt certain. S'il était chiffré et divisé en urgences successives, ce serait un remarquable document de travail.

4° Le programme commun aux trois partis, beaucoup plus court et moins ordonné, compte 66 paragraphes. Ce pourrait être un sujet de thèse de doctorat de comparer l'évo- lution dans le temps de la pensée socialiste, du plan de

1934 au programme socialiste de 1972, et des principes de l'Entente des gauches, du programme de rassemblement popu- (1) On trouve, par exemple, dans la partie I, un chapitre 12, consacré à la restauration et à l'extension du secteur public, puis un paragraphe 124 traitant de l'extension du secteur public, enfin des alinéas 1241 et 1242 sur les programmes de nationalisations et les autres aspects de la démocratie éco- nomique.

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laire de 1936 au programme commun de gouvernement de 1972. On y ferait notamment des constatations curieuses sur 1' « apport négatif » des communistes à ces deux do- cuments ou, plus exactement, sur les mesures proposées par les socialistes en 1934 et en 1972 et écartées par les com- munistes.

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e me bornerai à noter les divergences de pensée entre les deux principaux associés en 1972. Elles portent sur le contenu des natio- nalisations, plus réduites chez les communistes que chez les socia- listes ; sur le principe de l'autogestion, défendu par les socialistes, contre la gestion bureaucratique à la façon de l'Est, chère aux com- munistes ; sur la mission de l'armée, limitée, selon le P.C., à la défense du sol national, mais étendue, selon le P.S., à la défense des nations avec lesquelles la France a conclu des alliances défensives ; sur la force de frappe, que le P.C. veut initialement liquider entièrement, avec renonciation solennelle et unilatérale de la France à son emploi, les socialistes ne réclamant que la renonciation à la force de frappe stratégique, non à celle de la force tactique ; sur l'Europe enfin, que les socialistes souhaitent édifier, mais non les communistes qui redou- tent d'y voir un « troisième super-grand », rival de PU.R.S.S. !

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aissons ces divergences théoriques entre alliés : ce ne sont pas les remarques les plus importantes qu'on doive faire sur le pro- gramme commun de gouvernement de 1972. Si incomplet soit-il, faute d'être chiffré et divisé en urgences successives, i l est la base de l'action de l'opposition contre le gouvernement.

L a question essentielle qui se pose est la suivante : les socialistes n'auraient-ils pas eu, à la longue, plus de chances de progresser en défendant leur propre plan de 1972 plutôt que le programme commun de la même année, et ce bien que le plan socialiste préconise plus de réformes que le programme commun, et surtout des réformes plus audacieuses ?

Si, en effet, les socialistes se battaient au premier tour sur leur propre projet (ce qui n'empêcherait nullement l'unité de candidature de l'opposition au ballottage), la question des collaborations néces- saires pour rallier une majorité parlementaire se poserait sous une tout autre forme qu'en cas de victoire du programme commun.

Qu'on imagine, dans le premier cas, le leader communiste disant au socialiste — comme Thorez à de Gaulle en 1945 — : < Nous vou- lons l'Intérieur, ou la Défense nationale, ou les Affaires étrangères », le socialiste pourrait lui répondre : « Je vous offre les P. et T., ou les Pensions, ou le Travail, ou... rien du tout. »

Une telle réponse est plus difficile dans l'hypothèse d'une victoire remportée dans la défense d'un « programme commun », donc à égalité théorique de droits entre les signataires. Si donc la répartition

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des portefeuilles (entre les partis, non entre les hommes) n'a pas été effectuée avant la campagne électorale, elle risque de soulever, après la victoire, de grosses difficultés entre les alliés.

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1 faut aller plus loin : i l serait souhaitable que cette répartition des portefeuilles entre les partis (mais non, encore une fois, entre les individus) fût connue avant le scrutin. L a certitude que les commu- nistes n'obtiendraient aucun des portefeuilles-clés précédemment cités accroîtrait le nombre des voix des gauches au second tour, tandis que l'ignorance de cette répartition et la crainte de voir les communistes obtenir certains de ces portefeuilles feront fuir la frac- tion modérée de l'électorat de gauche vers les partis gouvernemen- taux ou vers le « marais » centriste. Cela semble si évident qu'on s'étonne que les dirigeants socialistes, dont pourtant certains sont aiguillonnés par leur ambition, n'y aient pas songé.

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n effet, et quelles que soient les déclarations lénifiantes de Ber- linguer et de Marchais, i l ne faut jamais que les électeurs français perdent de vue les leçons tirées de l'instauration des régimes commu- nistes à l'étranger. Il n'y a pas un seul des vingt pays qu'ils régentent actuellement où règne la démocratie. Pas un seul, pas même ceux où ils ont utilisé des voies démocratiques pour accéder au pouvoir et y détruire la démocratie. E n effet, ils ont recouru à l'une des six méthodes suivantes de conquête du pouvoir :

1° Ils ont, dans certains pays, juxtaposé révolutionnai- rement, puis substitué par la force et la guerre civile, des autorités nouvelles aux anciennes. Ce fut le cas en Russie de 1917 à 1920, en Mongolie-Extérieure en 1924, en Chine de 1927 à 1949, puis à Cuba, et, tout récemment, en Angola ; 2° Ils ont créé, avec l'aide étrangère, des portions d'Etats communistes qui, avec cette même aide, ont conquis par les armes la fraction non communiste, comme ce fut le cas, au prix d'atroces souffrances, pour les populations au Viêt-nam et au Cambodge ;

3° Es ont recouru à l'ultimatum, puis à l'occupation mili- taire en Géorgie en 1920, en Lettonie, Lituanie et Estonie en 1940 ;

4° Ils ont envahi le pays pendant la guerre et bolchevisé les régions occupées par eux en Pologne de l'Est en 1939 et en Allemagne de l'Est peu après ;

5° Ils ont exploité la résistance armée à l'occupant en vainquant d'abord la Résistance non communiste en You- goslavie (Tito contre le général Mikhailovitch), en Albanie (Résistance communiste contre Front national), en Pologne

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de l'Ouest (armée populaire, appuyée par l'armée rouge soviétique, contre armée de l'intérieur) ;

6° Ils ont imposé des gouvernements d'armistice à parti- cipation communiste en Tchécoslovaquie, Hongrie, Bulgarie et Roumanie, en maintenant d'abord les chefs d'Etat en fonc- tion (président Benès, régent Horthy, rois Simeón II et Michel Ie r) ; ils ont éliminé ensuite successivement leurs alliés conservateurs (par épurations, procès ou exécutions), puis ceux des partis paysans de gauche, enfin les éléments socia- listes rebelles à l'unité avec le P.C., le! chef de l'Etat ayant été chassé entre-temps. Cette opération très progressive n'a échoué qu'en Autriche (grâce à la présence des forces d'oc- cupation occidentales) et en Finlande (grâce à l'appui cons- tant de l'Amérique à ce pays).

C'est cette dernière catégorie de prise de pouvoir qui est la plus édifiante pour nous car c'est la seule que le P.C.

pourrait, dans les circonstances actuelles, tenter de réaliser chez nous.

Le cas de la Tchécoslovaquie est particulièrement intéressant car ce pays est, avec la R.D.A., le seul qui était, avant sa mise au pas, aussi industrialisé et instruit que le nôtre. Il a mené, depuis Jan Hus au xiv* siècle, des luttes pour la liberté comparables aux nôtres et possédait, en 1948, une densité d'électeurs communistes analogue à la nôtre. Instruction générale, niveau de vie, amour de la liberté, évo- lution politique, apparentaient donc cette démocratie à la nôtre.

Dès 1945, les communistes tchèques, comme les nôtres, participent au gouvernement dans des postes de seconde importance. Mais ils deviennent, en 1946, le parti le plus important de la Chambre et obtiennent la présidence du conseÛ d'un gouvernement de coalition, pour l'un des leurs, Clément Gottwald. Ce ministère pratique de nom- breuses nationalisations d'entreprises et confiscations de terres. Les ministres non communistes s'inclinent devant l'interdiction, faite par Staline en personne à Gottwald convoqué à Moscou, de participer aux avantages du Plan Marshall de reconstruction de l'Europe dévas- tée, plan que Staline considère, on ne sait pourquoi, comme dirigé contre l'Union soviétique.

En 1948, sur un incident mineur — l'hésitation du chef de l'Etat, Benès, de ratifier une décision du conseil des ministres relative à l'action du ministre communiste de l'Intérieur —, les ministres non communistes démissionnent Gottwald les remplace aussitôt par des communistes et déclenche, sans réaction de Benès, du 21 au 25 février

1948, une opération révolutionnaire : le ministre communiste de l'Inté- rieur rassemble les policiers communistes ; le ministre coiômunisant de la Défense, le général Swoboda (qui deviendra le chef de l'Etat communiste) ordonne de distribuer des armes aux communistes ; le ministre communiste de l'Information multiplie les appels à la radio.

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Des « comités d'action » naissent partout, qui épurent les usines et les entreprises ; le siège du parti socialiste est occupé par les commu- nistes, etc. E n quatre jours et sans la moindre effusion de sang, une démocratie instruite et de vieille culture devient une « démocratie populaire > et le reste depuis vingt-huit ans, malgré les efforts de libération de 1968, qui aboutissent à l'occupation militaire de tout le pays par l'armée soviétique (qui y est toujours).

Cette politique de Benès n'a pas été improvisée, l'incident suivant le prouve : quand, à nouveau recherché par la police de Vichy (après une première station en prison après mon vote du 10 juillet 1940 avec les « Quatre-Vingts » contre Pétain), j'ai décidé de ne plus me laisser arrêter (2) et me suis évadé par l'Espagne, Léon Blum m'avait fait demander par un de ses avocats d'emporter une note pour de Gaulle, signée de lui, qu'il me demandait de communiquer au prési- dent Roosevelt et à Winston Churchill, appuyant l'action de de Gaulle, alors constestée par nos alliés. Il écrivait qu'après la vistoire seul de Gaulle pourrait au début réaliser l'unité nationale en France, sous une forme provisoire, en attendant que le retour des prisonniers et déportés permette une consultation nationale. Léon Blum me deman- dait aussi de montrer une copie de cette note à Benès, qu'il savait réfugié à Londres et qu'il tenait en particulière estime (3).

M'acquittant de cette dernière mission, j'entends encore Benès me dire :

« Quel grand homme que Léon Blum! Quel esprit supérieurI Sans aucun doute, il a raison en ce qui concerne la France. »

Puis i l réfléchit et ajoute :

« Malheureusement, la situation n'est pas la même chez nous.

Mon pays va être délivré par l'armée rouge. Il a gardé, profondé- ment marqué, le souvenir de la trahison de Munich, à laquelle les Soviets n'ont pas participé (...) C'est avec Moscou qu'il faudra que je m'entende pour éviter un schisme tragique entre le gouvernement en exil à Londres et celui que l'armée rouge amènerait dans son sil- lage. Je compte bientôt aller négocier à Moscou. Informez-en confi- dentiellement Léon Blum. Et pourtant, je ne suis pas communiste... »

Toute la deuxième tragédie tchécoslovaque est en germe dans cet entretien (4).

(2) En 1940, Léon Blum, Vincent Auriol, Marx Dormoy et moi, prévenu!

par des fonctionnaires amis de ce qui se tramait contre nous, avons décidé de ne pas profiter du délai pour nous cacher, ou partir hors de France, mais de nous laisser arrêter espérant que cette quadruple arrestation d'un ancien président du conseil et de trois de ses ministres réveillerait l'opinion. Notre but a été atteint.

(3) D'emporter de tels documents dans la doublure de mon veston bleu m'avait incité à y cacher aussi mes boutons, galons et insignes d'uniforme, que j'ai fait refixer à Gibraltar, en sorte que je suis le seul évadé de France arrivé en uniforme en Grande-Bretagne !

(4) On trouvera un récit détaillé de cette affaire dans Rencontre avec Léon Blum, Paris, 1970, Pion, pp. 292 à 299.

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e voici entraîné par mes souvenirs bien loin de mon sujet, pen- sera le lecteur. Car i l s'agit ici de la gauche et du programme commun. Non : je suis, avec ce rappel historique, au centre même du débat d'aujourd'hui. Car toute l'ambition de M . Marchais en France, de M . Berlinguer en Italie, est de donner chacun à son parti l'appa- rence d'un « parti comme les autres », tandis que celle de M . Mit- terrand est de conquérir aux élections de 1978 cette majorité qu'il n'a pu atteindre avec ses alliés aux élections législatives dé 1973, ni dans ses duels successifs contre de Gaulle et Giscard d'Estaing.

Pour se rendre « crédibles », les deux P.C. de France et d'Italie ont répudié la dictature du prolétariat, admis la règle d'alternance au pouvoir en fonction des majorités successives issues du suffrage universel et rejeté l'assujettissement officiel au P.C. de l'U.R.S.S.

Mais sont-ils sincères? Ou, au contraire, n'appliquent-ils pas la formule affreuse de leur plus grand maître, Lénine, écrivant, deux ans après sa conquête du pouvoir, dans la Maladie infantile du commu- nisme (5) :

« // faut consentir à tous les sacrifices (...), user de ruse (...), se taire parfois, celer parfois la vérité, à seule fin de pénétrer dans les syndicats et d'y accomplir, malgré tout, la tâche communiste. »

Cette formule, digne de celle des anciens jésuites : « La fin justifie les moyens », Lénine l'appliquait à la conquête des syndicats réfor- mistes. Ne vaut-elle pas encore beaucoup plus quand i l s'agit de la conquête d'un gouvernement, donc d'un peuple et d'un pays? Ainsi, Lénine expliquerait, plus d'un demi-siècle plus tard, le « modérantisme apparent » des Berlinguer et des Marchais, masquant leurs espoirs

de nouvelles conquêtes du pouvoir... ,

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i le P.C. était sincère, s'il avait vraiment répudié ses anciennes doctrines (dictature du prolétariat, obéissance à Moscou, etc.), i l serait normal qu'il arrive à une participation au pouvoir, comme i l y est arrivé en France de 1945 à 1947 dans les gouvernements de Gaulle, Félix Gouin, Georges Bidault et Paul Ramadier sous sa première forme.

Mais, depuis mai 1947, i l y a eu les deux coups de Prague de 1948 et de 1968, les exécutions de dirigeants communistes hongrois en décembre 1949, albanais à la même époque, roumains le 16 mars 1954, les éemeutes de Poznan en Pologne en 1956, celles en Hongrie la même année, suivies de l'occupation de la Hongrie par les Sovié- tiques, la prise de Budapest par eux et l'exécution par leurs hommes

(S) P . 31 de l'édition parue en 1936 aux Editions sociales internationales.

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du premier ministre, Nagy, le « printemps de Prague » de 1968, les fusillades de Varsovie en décembre 1970 et la chute de Gomulka, et, tout récemment encore, des émeutes toujours en Pologne.

Cela ne suffit-il pas à nos philo-communistes de l'Union des gauches ? Leur fringale du pouvoir leur fera-t-elle oublier toutes ces leçons convergentes d'un passé récent? Ces opérations, souvent ma- chiavéliques, des divers P.C. rendent impératif qu'aucun portefeuille de commandement politique (Intérieur, Défense nationale, Affaires étrangères) ou économique (Finances, Affaires économiques) ne soit confié à un communiste. Il faut donc que leurs actuels alliés soient assez forts pour réaliser en France ce que leurs camarades des gau- ches non communistes n'ont pu faire en Tchécoslovaquie, en Rou- manie, en Hongrie, en Bulgarie, etc., ou — mieux encore ! — qu'ils cessent de se dégrader, en brisant leur alliance avec des hommes met- tant la ruse et le stratagème, le camouflage de la vérité et le mensonge parmi leurs armes habituelles. Ce n'est pas moi qui l'écris, mais Lénine qui le proclame.

C'est pourquoi M . Marchais aura beau affirmer, la main sur le cœur, que son parti a renoncé à la dictature du prolétariat, qu'il respectera la pluralité des partis et les règles d'alternance, qu'il se retirerait devant un vote hostile de l'Assemblée, nous ne le croirons pas, pas plus que nous ne pensons qu'il soit désonnais autonome de Moscou...

Qu'il ait intérêt à l'affirmer en se donnant toutes les apparences de la sincérité, cela est évident, car cela peut contribuer à lui amener des voix de naïfs, donc à accroître sa force électorale. Que Moscou ait intérêt à faire croire à l'indépendance des partis communistes de France et d'Italie, cela est certain aussi. Car l'intérêt final de Moscou est l'expansion du monde communiste, et une indépendance apparente des deux plus puissants partis communistes du monde capitaliste est de nature à favoriser cette expansion.

Conclusion pratique : ou les dirigeants des partis de gauche asso- ciés feront connaître, avant la bataille électorale de 1978, comment ils se répartiront les portefeuilles en cas de succès — répartition entre partis non entre hommes, cela va de soi — et, dans ce cas, chaque électeur pourra juger de la situation future possible et en déduira son vote ; ou, dans le cas du silence persistant sur cette répartition, i l sera prudent de ne pas favoriser la victoire d'alliés capables de pous- ser la légèreté jusqu'à attribuer, malgré toutes les leçons d'un passé récent, aux communistes des portefeuilles-clés pour la défense de l'ordre contre le bolchevisme post-stalinien...

JULES M O C H

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