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ARTICLE ORIGINAL
Connaissances, pratiques et attentes pour la prise en charge de l’hyperactivité
vésicale en France
Knowledge, practices and expectations in the management of overactive bladder in general practice and gynecology in France
X. Gamé
a,∗, N. Doumerc
a, O. Capronnier
b, A. Gougeon
b, C. Pignier
c, T. Brierre
aaDépartementd’urologie,transplantationrénaleetandrologie,CHUdeRangueil,TSA50032, 31059Toulouse,France
bEuraxiPharma,37300Joué-lès-Tours,France
cPierreFabremédicament,directionmédicale,81106Castrescedex,France
Rec¸ule25d´ecembre2019 ;acceptéle14avril2020 DisponiblesurInternetle16juillet2020
MOTSCLÉS Hyperactivité vésicale; Incontinence; Enquêtedepratique
Résumé
Introduction.—L’hyperactivité vésicale(HAV) est un syndromeclinique caractérisé par des urgenturies,avecousansincontinenceurinaire,etsouventaccompagnéesd’épisodesdenyc- turie etdepollakiurie.Lebutde cetteenquêtedepratiqueétaitd’identifier lesmodalités dediagnosticetdepriseenchargedespatientsayantuneHAVselonleurprofilcliniqueetla spécialitédumédecinnonurologueenlienaveccettepathologie.
Méthodes.—Enquête de pratique transversale réaliséeen France auprèsde 262 médecins, 181médecins généralistes(MG) et81gynécologues, exerc¸antenFrance,surquestionnaires papier.
Résultats.—Lesgynécologuesabordaientplusfacilementlaquestiondestroublesurinairesque lesMG.Lapremièremesuredepriseenchargedelapathologieétaitlathérapiecomporte- mentale,cependantlamoitiédespatientsl’abandonnaient.Chezlesfemmeslesplusâgéeset leshommesdetousâges,lerecoursauxmédicamentsétaitprivilégié,bienqu’ilsnefussent que4sur10àpoursuivreletraitementau-delàde6mois.L’incontinenceétaitlesymptôme pourlequellespatientsétaientleplusenattented’unsoulagement.LesMGcommelesgyné- cologuesexprimaientunbesoindedisposerderecommandations,d’outilsd’aideaudépistage, etd’outilsd’évaluationetdesuividessymptômes.
∗Auteurcorrespondant.
Adressee-mail:xaviergame@hotmail.com(X.Gamé).
https://doi.org/10.1016/j.purol.2020.04.014
1166-7087/©2020ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
Conclusion.—Les patients et les médecins éprouvent des réticences àparler des troubles urinaires.Les MGet lesgynécologues, professionnelsdesanténonurologueslesmieux pla- céspourdépisteretdiagnostiquerl’HAV,sontendemandedeformations,outilspratiqueset recommandations.
Niveaudepreuve.— 3.
©2020ElsevierMassonSAS.Tousdroitsr´eserv´es.
KEYWORDS Overactivebladder (OAB);
Incontinence;
Practicesurvey
Summary
Introduction.—Overactivebladder(OAB)isaclinicalsyndromecharacterizedbyurgencytouri- nate,withorwithouturinaryincontinence,oftenassociatedwithnycturiaandpollakiuria.The aimofthispracticesurveyistoidentifydiagnosticmodalitiesandtreatmentcircuitsaccording tothepatient’sclinicalprofileandtopractitioner’sspecialty.
Materialandmethods.—Across-sectionalsurveywasconductedamong262physicianspracti- cinginFrance:181generalpractitioners(GPs)and81gynecologists.
Results.—Urinarydisordersweremoreeasily addressedwithpatientsby gynecologiststhan GPs.Behavioraltherapywasthemostwidelyusedtherapeuticmeasure,howeverhalfofthe patientsabandonedit.Inoldestwomenandmenofallages,drugswerecommonlyprescribed, neverthelessonly4outof10patients continuedthetreatment beyond6months, according tothe physicians. Incontinencewas the symptom for which patients werein mostneedof relief.GPsandgynecologistsexpressedaneedfortraining,practicaltoolsandrecommendations relatedtoOAB.
Conclusion.—Patientsanddoctorsarereluctanttotalkabouturinarydisorders.Non-urologist physicianssuchasGPsandgynecologists, ashealthprofessionalsbestplacedto detectand diagnoseOAB,areindemandfortraining,practicaltoolsandrecommendations.
Levelofevidence.—3.
©2020ElsevierMassonSAS.Allrightsreserved.
Introduction
L’hyperactivitévésicale(HAV)estunsyndromecliniquedont lesymptômecléestl’urgenturie.Elleestsouventaccompa- gnéedepollakiurie(plusde8mictionsparjourenmoyenne), denycturie(envied’urinerlanuitquiréveillelepatient)et parfoisd’uneincontinenceparurgenturie[1,2].
L’impact de l’HAV sur la qualité de vie des patients estimportant,bienquesous-estimé:anxiété,dépression, altérationdusommeiletdelaviesexuelle,limitationdes activitésphysiquesetquotidiennessontfréquemmentasso- ciés.Chezlespersonnesâgées,enparticulierlesfemmes, a étérapporté unrisque accrude chutes et de fractures associéàl’incontinence urinaire parurgenturie,ainsique d’infectionsurinairesoucutanéeslocales[3,4].La préva- lence des comorbidités, ainsi que les coûts médicaux de priseencharge,sontplusélevéschezlespatientsprésen- tantuneHAV,commemontrédansuneétudecas-contrôle: lamaladiepourraitavoirdesconséquencescliniques,éco- nomiques ainsiqu’un retentissement social qui dépassent largementsesmanifestationsdirectes[5].
Pourtant, malgré ses larges répercussions directes et indirectes, seules 6 personnes sur 10 âgées d’au moins 40 ans et présentant des symptômes évocateurs d’une HAVont consultéleurmédecinpour ces troubles [6].Une enquête franc¸aise plus récente estime à 7 millions le
nombredepersonnesatteintesdeHAV,2,3millionsd’entre ellesayantconsultépourcela(soituntiers),età300000le nombre de personnes traitées [7]. Il existe pourtant de multiples stratégies thérapeutiques à mettre en œuvre : rééducative,pharmacologique,électriqueouchirurgicale.
Lesfreinsàlaprise enchargeviennentpourpartie des patients,quiignorentque destraitementsexistentouqui n’osentpasenparler,maiségalementd’uncertainnombre demédecinsquipourraientsous-estimercesyndromed’HAV etsesimplications.EnFrance,l’HAVnefaitpasl’objetde recommandationsdebonnespratiquesspécifiques.Lesseuls textesd’orientationconcernentl’incontinenceurinaire.
Cetteenquêtedepratiques’estattachéeàinterrogerdes médecinsgénéralistes (MG) etdes gynécologuessurl’HAV enévaluantleursconnaissancessurlamaladieetsestrai- tements, à identifier les circuits de prise en charge des patients et à recueillir lesattentes des médecins enlien aveccettepathologie.
Méthodes Population
Unéchantillon aléatoiresource de4500MGet4500gyné- cologuesrépartissurleterritoiremétropolitainfranc¸aiset
Tableau1 Caractéristiquesdesmédecinsparticipants.
Médecinsgénéralistes(n=181) Gynécologues(n=81)
Sexe(M/F) 91,1%/8,9% 38,3%/61,7%
Âge(moyenne±déviationstandard) 57,4±7,1ans 58,0±8,8ans
Principalesrégionsd’installation
Île-de-France 14,0% 25,3%
GrandEst 12,4% 2,5%
Auvergne-Rhône-Alpes 11,8% 6,3%
Occitanie 10,7% 10,1%
NouvelleAquitaine 9,0% 13,9%
PaysdeLoire 7,3% 10,1%
BourgogneFranche-Comté 3,4% 10,1%
M:masculin;F:féminin.
surl’Île dela Réunionont étésollicités parcourrierpour participeràl’étude.
Objectif
L’objectif principal de cette enquête de pratique était d’identifier les modalités de diagnostic et les circuits de priseenchargedespatientsayantuneHAVselonleurprofil (sexeetclassed’âge)etlaspécialitédumédecin.Leseuilde 55ansaétéchoisipourdiscriminerlespatientsavecsymp- tômesmixtesliésàlaménopausepourlesfemmesouàdes troublesprostatiqueschezleshommes.Lesobjectifssecon- dairesétaientd’évaluerlesconnaissancesdesmédecinssur l’HAV etses traitementsetdedécrireleurs attentespour améliorerlapriseenchargedessymptômesdubasappareil urinaire(SBAU).
Questionnaire
Lequestionnairecomportait4groupesdequestions:don- nées sociodémographiques ; connaissance des SBAU/de l’HAV;priseenchargedespatients;attentesdesmédecins.
La collecte des questionnaires a été réalisée entre mars et juillet 2017. Les médecins devaient remplir le questionnaire (format papier) et le renvoyer par cour- rierà unprestataire derecherche clinique,en charge de l’organisationdel’enquête.Lesdonnéesontétésaisiesdans unebaseinformatiqueetontététraitéespourcontrôlede cohérence.Labasededonnéesaétégeléeaprèsuncontrôle dequalitéfinal.
Analyse statistique
Lecalculdelatailledel’échantillonestbasésurl’objectif principal.Ainsiunéchantillonde600médecinspermetde décrire avec une précision de 4 % des pourcentages de l’ordrede30à50%,pourunrisque␣depremièreespèce de5%ensituationbilatérale.Enprenantencompteuntaux dedossiersnonexploitablesoudedonnéesmanquantesde l’ordre de 10 %, ila été convenu d’inclure 660 médecins (330MGet330gynécologues).
LesanalysesontétéréaliséesaveclelogicielSASversion 9.4.Desanalysesexploratoires ontétémenéespour iden- tifierles facteurs associés aux attentes des médecins,au
traversd’analysesunivariées, puisd’unmodèlederégres- sionlogistiquemultivarié.
Résultats
Médecins participants
Au total, 262 médecins, 181 MG et 81 gynécologues ont acceptédeparticiperàl’enquêtedepratiquesurl’HAV,soit untauxd’acceptationde4%pourlesMGet1,8%pourles gynécologues.Leurscaractéristiquessont présentéesdans leTableau1.
Réticences à parler des troubles urinaires
SelonlesMGinterrogés,lespatientsjeunes(<55ans)sem- blaientplusréticentsquelesplusâgés(≥55ans)àparler deleurstroublesurinaires.Cettedifférenceétaitmoinssen- siblechezlesgynécologues(Fig.1).LesMGabordaientplus souventlaquestiondestroublesurinairesaveclespatients lesplusâgés,hommesoufemmes(Fig.2).Globalement,les gynécologuesabordaientplussouventlaquestionavecleurs patientesquelesMG,etdefac¸onquasi-systématiqueavec lesfemmesdeplusde55ans(Fig.2).
Diagnostic de l’HAV
La presque totalité des médecins réalisaient ou prescri- vaient des examens pour confirmer le diagnostic d’HAV (98,5%).LesMGréalisaientuneanamnèse(67,4%),unECBU (64,1 %) et/ou un examen clinique (55,2 %). Lesgynéco- loguesréalisaientunexamen gynécologique(86,4 %),une anamnèse(82,7%)et/ouunbilanurodynamique(64,2%).
ParmilesMG,46,7%et63,0%desgynécologuesavaient parfois recours au calendrier mictionnel pour évaluer les troubles urinaires de leurs patient(e)s ; 8,3 % des MG et 16,0%desgynécologuesdisaientyavoirtoujoursrecours.
ParmilesMG,27,4%connaissaientle questionnaireInter- national Consultation Incontinence Questionnaire — Short Form(ICIQ-SF), et16,8%l’utilisaientparfois ;35,9 %des gynécologuesleconnaissaientet16,6%l’utilisaientparfois.
Presquetouslesmédecinscherchaientàécarterd’autres troubles urinaires afin d’établir le diagnostic d’HAV,
Figure1. Réticencesdespatientsàparlerspontanémentdeleurstroublesurinairesenmédecinegénéraleouengynécologieenfonction del’âgeetdusexedespatients.NA:nonapplicable.
Figure2. Spontanéitédumédecin,généralisteougynécologue,àaborderlaquestiondestroublesurinairesenfonctionenfonctionde l’âgeetdusexedespatients.NA:nonapplicable.
notammentuneinfectionurinaire(88,9%desgynécologues et82,3%desMG),unprolapsusgénital(74,1%desgynéco- logueset79,0%desMG),ouunetumeurpelvienne(53,1% desgynécologueset51,9%desMG).
Prise en charge de l’HAV
En cas de suspicion d’HAV, 72,1 % des MG adressaient leurs patients à ou plusieurs spécialistes : surtout un
urologue (70,4 %), parfois un gynécologue (14,0 %). De leur côté, moins de la moitié des gynécologues (43,6 %) adressaient leurs patientes à un autre spécialiste : uro- logue (32,0 %) ou autre spécialiste (11,6 %) en vue d’un bilan urodynamique. Une fois le diagnostic d’HAV établi, 60,3 % des MG adressaient leurs patients à un spécialiste, le plus souvent urologue (49,1 %), réédu- cateur fonctionnel (19,0 %) ou gynécologue (11,2 %).
Parmi lesgynécologues,47,4 %les adressaientàun autre
spécialiste:rééducateurfonctionnel(33,3 %)ouurologue (29,5%).
La prise en charge des femmes de moins de 55 ans avec HAV reposait surtout sur la thérapie comportemen- tale et la rééducation périnéale (97,8 % chez les MG et 96,3 % chez les gynécologues), devant les médicaments (54,1 % chez les MG et 49,4 % chez les gynécologues) et lesmesureshygiéno-diététiques(42%chezlesMGet44,4% chezlesgynécologues).Chezlesfemmesdeplusde55ans, la stratégie reposait sur une thérapie comportementale et des médicaments, devant la rééducation périnéale et lesmesures hygiéno-diététiques.L’orientationversunchi- rurgien pour avis était beaucoup plus fréquente chez les patientessuiviesparunMGqueparungynécologue(19,3% versus1,2%)(Fig.3).Chezleshommes,quelquesoitl’âge, lastratégiereposaitsurunethérapiecomportementaleet desmédicamentspuissurdesmesureshygiéno-diététiques.
LesMGproposaientbeaucoupplusfréquemmentd’envisager l’optionchirurgicaleàleurspatientsdeplusde55ansqu’à leurspatientsplusjeunes(Fig.4).
Les MG estimaient qu’environ 44 % de leurs patients arrêtaient leur thérapie comportementale car celle-ci ne répondait pas à leurs attentes, contre 49,1 % pour les gynécologues. Selon les MG et les gynécologues, près de 6patientssurdixavecuneHAVarrêtaientleurtraitement médicamenteuxavant6mois.
Lorsd’unarrêtoud’unemodificationdetraitement,le MGetlegynécologuechangeaient demédicamenttouten restantdanslamêmeclassethérapeutiquecommepremière stratégie(64,1%et60,6%,respectivement).Cen’estqu’en secondchoixqu’ilschangeaientdeclasse(62,2%et55,4%) etendernierrecoursdestratégieglobaledepriseencharge (67,5%et39,7%).
L’incontinence,lecaséchéant, étaitle symptômepour lequel les patients étaient le plus en attente d’un soula- gement,d’après80,3%des MGet84%des gynécologues.
L’urgenturieestl’autresymptômequipréoccupaitleplusles patients,selon68,2%desMGet73,7%desgynécologues,en casd’HAVavecfuite.Enl’absenced’incontinence,lesymp- tômelepluspréoccupantétaitl’urgenturie(78,3%pourles MGet73,8%pourlesgynécologues).
Connaissance de l’HAV
L’urgenturieetlapollakiurieétaientdessymptômesconsi- dérés comme des signaux d’appel d’une HAV (Fig. 5). La
«faiblesse périnéale »était la situationla plus fréquem- mentassociéeàl’HAVchezlesfemmes,qu’ellesaientplus de55ans(selon82,3%desMGet66,7%desgynécologues)ou moinsde55ans(67,4%desMGet51,9%desgynécologues), suivieparlesinfectionsurinairesrécurrentesoul’obésité.
Chezleshommes,c’étaientlesproblèmesdeprostate,suivis parl’obésité.
L’impact de l’HAV sur la qualité de vie était modéré àimportant, etaugmentaitavecl’âgeselon lesmédecins (Fig.6).
Attentes des médecins
LesMG etdes gynécologuesse disaient enattente d’une formation surl’HAV (36,5 %et 34,5% respectivement)ou ouvertsàunetelleformation(46,4%et49,4%).Enanalyse
multivariée,lefaitd’êtreunefemmeétaitpositivementet significativementassociéàl’attentedeformation,avecun oddsratio(OR)de3,05[1,148;8,099](p=0,0253).Plusde lamoitiédesmédecinsétaientenattented’outilsd’aideà lastratégiethérapeutique(56,8%desMGet62,3%desgyné- cologues),d’outilsd’aideaudiagnostic(54,5%et48,1%), derecommandationsdebonnespratiquesnationales(51,7% et61,5%)etd’outilsd’aideàl’évaluationdessymptômes etdeleursuivi (51,4% et48,7%). Lamoitiéd’entre eux environ souhaitaient des supports d’aide au dépistage et à la sensibilisation à destination de leurs patients, sous forme de brochures ou de sites internet. Aucun des fac- teurstestés(sexe,âge, anciennetédel’installation,zone d’exercice, spécialité, formation complémentaire) n’était significativementassociéàcesattentes.Destendancesnon significativessonttoutefoisànoter:lesmédecinsenattente derecommandationsdebonnespratiquesnationalesétaient plutôt moins âgés que les autres (57,1±7,8 ans versus 59,5±6,8ans;p=0,0566)etétaientinstallésdepuismoins longtemps(25,9±8,6ansversus28,4±7,8ans;p=0,0739).
Discussion
Au total, 262 médecins (181 MG et 81 gynécologues) ont acceptédeparticiperàcetteenquêtedepratiquesurl’HAV.
Ilsconstituent unecohorteconséquente depraticiensnon urologues,enpremière lignedans ledépistage etlaprise enchargedestroublesurinaires.
Les enquêtes épidémiologiques, souvent ciblées sur l’incontinence,ontlongtempsconduitàsous-estimerl’HAV.
Une étude menée dans 6 pays d’Europe dont la France indiquequel’HAVconcernerait16,6%despersonnesdeplus de40ans(12%enFrance),soitenvironautantqueledia- bète.Globalementlaprévalenceestlégèrementplusélevée chezlafemmeetaugmenteavecl’âgedanslesdeuxsexes.
Chezl’hommeâgé,l’HAVpeutêtreassociéeàl’hyperplasie bénignedelaprostate[2,6].
Dans une récente enquête franc¸aise, moins de 35 % despatientssouffrantd’HAVindiquaientavoirconsultéun médecin pour ce motif [7], ce qui témoigne de la forte réticence des patients à aborder le sujet. Les résultats de la présente enquête confirment cette difficulté à déclencher le dialogue, du fait des patients, mais aussi du fait des médecins. Ceci est particulièrement observé chezlespatients lesplus jeunes(avant 55ans),suivis en médecinegénérale. Laquestion destroubles urinairesest plus facilement évoquée par les femmes dans le cabinet du gynécologue, ce spécialiste paraissant plus apte à créer la confiance pour aborder un sujet qui touche à l’intime et plus à même de lever les tabous liés à la sphèreurogénitale.Ilpeut êtregênantpourunpatientde parler de problèmes urinaires avec un praticien du sexe opposé, comme cela a été montré dans une étude sur des femmes consultant des urologues masculins [8]. Le très faible niveau de connaissances des patients sur les pathologiesdusystèmeurinaire,misenévidencedansune étudequébécoise enpopulation générale, peut en partie expliquerpourquoicestroublessontsipeuévoquésparles patients [9]. L’utilisation de supports de communication, commedes modèles en3D de l’appareil urinaire, facilite la communication médecin—patient, fondamentale dans
Figure3. Stratégies thérapeutiquesproposées encas d’hyperactivité vésicale (HAV)auxfemmes≥55 ansen fonction du praticien (médecingénéralisteougynécologue).
Figure4. Stratégiesthérapeutiquesproposéesencasd’hyperactivitévésicale(HAV)auxhommesenmédecinegénéraleenfonctionde l’âge(<ou≥55ans).
la pratique clinique [10]. Lesréseaux sociaux participent égalementà la diffusion de l’information sur la santé en général, et l’urologie en particulier, mais doivent être utilisés dans un cadre éthique qui protège les patients : l’EuropeanAssociationofUrologyapublié desrecomman- dationsencesensàl’intentiondesprofessionnelsdesanté
[11]. L’HAV est souvent considérée comme une condition normaleetinéluctableliéeauvieillissement,enparticulier chez les femmes qui ont eu des enfants, croyance qui conduitàsouffrirensilence,endéveloppantdesstratégies d’adaptation.Deplus,lelienentreniveaudeconnaissances etcomportementest complexe:ilnesuffitpasdesavoir
Figure5. Symptômesconsidéréscommesignauxd’appeld’unehyperactivitévésicale(HAV)enmédecinegénéraleougynécologie.
Figure6. Impactdel’hyperactivitévésicale(HAV)surlaqualitédevieenfonctiondel’âgeetdusexedespatients.NA:nonapplicable.
pour agir etrechercherde l’aide[12]. Dans cecontexte, lespraticiensnonurologuestelsquelesgénéralistesetles gynécologues occupent une place de choix pour diffuser l’informationsurlapathologie,entantqueprofessionnels desantédepremierrecours.Ilsdevraientaborderlesujet plusspontanémentqu’ilsnelefont,mêmechezlespatients jeunes,enlesencourageantàparlerdecessymptômeseten leurproposantdiversesstratégiesdepriseencharge[13].
EnFrance,iln’existepasderecommandationsofficielles de bonnes pratiques concernant l’HAV. L’American Urolo- gical Association propose dans ses recommandations de 2019d’initier le processusdiagnostique par unrecueilde l’historiquedessymptômes,unexamenphysique,uneana- lyse d’urine et un calendrier mictionnel. Ce dernier est unoutilfiablede la mesurede lafréquence mictionnelle et des épisodes d’incontinence, quand il y en a [14,15].
La démarche diagnostique des praticiens interrogés dans la présente enquête était dans l’ensemble conforme aux recommandations.Cependant,45%desMGet21%desgyné- cologuesn’utilisaientjamaislecalendriermictionnel:cet outil,simpleàmettreenœuvre,gagneraitàêtreproposé auxpatientsafindemieuxobjectiverlessymptômesetleur évolution.
Concernantletraitementdel’HAV,lesrecommandations insistentsurlanécessitédeconsidérer minutieusementla balancebénéfice—risque,pourunepathologiequiimpacte laqualitédeviemaispaslasurvie.Enl’absencedepreuves cliniques fortes sur l’efficacité des traitements, la mini- misation des risques est une priorité, qui doit inciter à choisirlastratégiecomportementaleenpremièreintention, avantlestraitementsnoninvasifs(antimuscariniques,ago- nistes bêta-adrénergiques, neuromodulation tibiale), puis lestraitementsinvasifs(injectiondetoxinebotulique,neu- romodulation sacrée, chirurgie) [14]. L’enquête ROSTIN montrequelespraticiensinterrogésrespectentcettegra- dation dans les stratégies thérapeutiques. Notre enquête soulignecependant que l’observanceau traitement médi- camenteux pose problème, 60 % des patients arrêtantde leprendreavant6mois.Manqued’efficacitéperc¸ue,effets secondaires, polymédication... : les raisonsde ces arrêts restentàexplorer.L’éducationthérapeutiquepourraitpeut- êtreaideràaméliorerl’observance.
Ce n’est qu’en casd’échec desstratégies pharmacolo- giquesdepremièreintentionquelepatientdoitêtreréféré àunurologuepourlamiseenœuvred’unestratégieinva- sive[14].Lesrésultatsdel’enquêteROSTINsuggèrentque lesMGauraienttendanceàtroporienterleurspatientsvers lachirurgie,notammentlesplusâgés,alorsquecettestra- tégiene doit être envisagée que si toutes lesautres ont échoué et que les symptômes sont intolérables [14]. Ce chiffrenepréjugepasdutauxdepatientsréellementopé- rés, maisdu taux de patients orientés vers unchirurgien pouravis.
NotreenquêterévèlequelesMGetlesgynécologuessont enattentedeformationsurl’HAV,notammentlesfemmes.
Avecdespraticiensdepremierrecoursmieuxinformés,plus conscientsdesréticencesdespatientsàparlerdestroubles urinaires,lesfreinsau dépistagepourraient enpartieêtre levés. La mise à disposition d’outils d’aide au diagnostic etàlapriseencharge(recommandations,questionnaires, scores...) permettrait également de proposer des straté- giesthérapeutiquesadaptéesetdemieuxaccompagnerles patientssurlelong cours.Touteslesactionsdeformation oud’orientationdespraticiens,qu’ellesémanentdessocié- tés savantes, des autorités de santé, des associations de patients oudes laboratoires pharmaceutiques, pourraient concourirà réduire le fardeau de la maladie, tant sur le plande laqualité de vieque des comorbidités associées.
LaprésenteenquêtemontrequelesMGadressentplusfaci- lementleurspatientsàunurologueque lesgynécologues, quecesoitavantouaprèslediagnosticd’HAV.L’implication del’urologuedansleparcoursdesoinsestaussiàinterro- ger:àquelmomentetàquellefréquencedoit-ilintervenir? Doit-ils’impliquerdanslaformationdesMGetdesgynéco- logues?Sioui,sousquelleforme?Unguidedeparcoursde soins,telqueceuxéditésparlaHASpourlediabètedetype 2oul’insuffisancecardiaqueparexemple,seraitutilepour mieuxdéfinirlesrôlesdesprofessionnelsdesantéimpliqués.
Lesgénéralistesetlesgynécologuessontlesprofessionnels de santé les mieux placés pour dépister et diagnostiquer l’HAV:ilfautlesencouragerdanscettemissionparlebiais de formations, outils pratiques et recommandations. Les urologuessontlesréférents,spécialistes delapathologie.
Ils peuventaider lesautrespraticiensà jouerpleinement leurrôledanslerepérageetlapriseenchargedepremière intentiondel’HAV.
Cette enquête de pratique sur l’HAV comporte des limites.Enparticulier,lenombredemédecinsparticipants estinférieuràl’objectifinitial.Deplus,ilexisteunesous- représentationdesfemmesparmilesMGdecettecohorte (moins de 10 %, versus 47 % selon les données de démo- graphiemédicale2017[16]),quilimitepotentiellementla portéedeces résultats. Eneffet,lesexedupraticien est susceptibledemodifiersafac¸ond’aborder laquestion des troublesurinairesavecsonpatient.Enfin,lesmédecinsqui ontacceptédeparticiper àl’étudesont probablementles plus sensibilisésà l’HAV, leurspratiques décritesici pour- raient n’être pas complètementreprésentatives decelles del’ensembledesmédecinsdepremièreligneenFrance.
Conclusion
Cette enquête de pratique souligne les réticences des patients à parler deleurs troubles urinairesà leur méde- cin, ainsi que les réticences des médecins à évoquer le sujetavecleurspatients.Lespratiquesdediagnosticetde priseenchargedel’HAVparaissentconformesauxrecom- mandations, même si le recours au calendrier mictionnel etl’observancedestraitementspourraientêtreoptimisés.
L’enquêterévèleégalementquelesconnaissancesdesMG et des gynécologues sur la pathologie sont globalement satisfaisantes,maisquelespraticienssontenattentedefor- mation,derecommandationsdebonnespratiquesetd’outils pédagogiques.
Remerciements
CetteenquêtedepratiqueaétéréaliséeparlasociétéEur- axiPharma(EP)pourlecomptedulaboratoirePierreFabre Médicament(PFM).
Déclaration de liens d’intérêts
C.P.estemployéparPFM.O.C.etA.G.sontemployéspar EP.X.G.estconsultantpourPFM.N.DetT.B.déclarentne pasavoirdeliensd’intérêts.
Annexe A. Matériel complémentaire
Le matériel complémentaire accompagnant la ver- sion en ligne de cet article est disponible sur http://www.sciencedirect.com et https://doi.org/10.
1016/j.purol.2020.04.014.
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