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Dynamiques societales et aide sociale. Le droit d'exister dans un environnement précarisant

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Dynamiques societales et aide sociale. Le droit d'exister dans un environnement précarisant

CATTACIN, Sandro

Abstract

La dynamique sociétale se caractérise par un triple processus de différenciation : Différen- ciations des modes de vie, différenciations des horizons temporels, différenciations des ac- teurs systémiques. Ces différenciations ont ébranlé les fondements de la sécurité sociale basée sur une logique assurancielle ou de couverture homogène, sans pour autant la réfor- mer dans une perspective cohérente. Les conséquences visibles de cette crise des grandes œuvres assurancielles et de redistribution sont une société des inégalités croissantes (Castells 1998), de perte de sécurité (Beck 1986) et d'augmentation de situations de précarité allant jusqu'à l'existence de «surnuméraires» (comme les appelle Castel 1995) se trouvant au-de- hors de ce système du bien-être qui s'est construit dans l'après-guerre pour maintenir une classe moyenne stable.

CATTACIN, Sandro. Dynamiques societales et aide sociale. Le droit d'exister dans un environnement précarisant. In: Menschenwürdig leben? : Fragen an die Schweizer

Sozialhilfe : eine Publikation zum 100-jährigen Bestehen der Schweizer Konferenz für Sozialhilfe (SKOS) = Vivre dignement ? : l'aide sociale suisse en question : une

publication pour le 100e anniversaire de la Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS) . Luzern : Caritas-Verlag, 2005. p. 106-112

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:40939

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Walter Schmid, Ueli Tecklenburg (Hg.)

Menschenwürdig leben?

Fragen an die Schweizer Sozialhilfe

Eine Publikation zum 100jährigen Bestehen der Schweizer Konferenz für Sozialhilfe (SKOS)

Vivre dignement?

L’aide sociale suisse en question

Une publication pour le 100e anniversaire de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (CSIAS)

Caritas-Verlag, Luzern, Juni 2005

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Alle Rechte vorbehalten

© Caritas-Verlag Luzern 2005

Redaktion: Odilo Noti, Caritas Schweiz Umschlag: Evelyne Bieri, Caritas Schweiz Titelbild:

Satz: atelier hupa, CH-4462 Rickenbach/BL Druck: Fuldaer Verlagsagentur, Fulda ISBN 3-85592-088-5

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Inhalt

Pascal Couchepin, Conseiller fédéral

Préface 7

Walter Schmid

Menschenwürdig leben? Fragen an die Schweizerische Sozialhilfe. Einleitung 9 Ruth Lüthi

Sozialpolitik der Kantone – Entwicklungen und Herausforderungen 16 Ruedi Meier

Die Städte und die soziale Frage 23

Raymond Caduff

Sozialhilfe in der Schweiz aufwerten 30

Simon Darioli

Une troisième voie? 43

Patrik Degiacomi

Die Soziale Arbeit als Garant für menschenwürdiges Dasein? 49 Barbara Schmitz

Sozialethische Aspekte des menschenwürdigen Daseins 59

Hans-Rudolf Schuppisser

Einige Überlegungen aus Arbeitgebersicht zur Umsetzung von Art. 12 BV 68 Christine Goll

Den aufrechten Gang immer wieder üben 75

Kathrin Amstutz

Menschenwürde, Sozialstaat und Grundrechtsschutz 83

Beat Bürgenmeier

La dignité humaine dans une perspective économique 98

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Sandro Catacin

Dynamiques sociétales et aide sociale. Le droit d’exister dans un environnement

précarisant 106

Silvia Staub Bernasconi

Die würdigen und unwürdigen Armen von heute. Zur Definition menschenwürdiger

Existenz 113

Jean-Tabin

L’article 12 de la Constitution fédérale: une «dignité» à géométrie variable 133 Hans-Peter Furrer

Sozialhilfe – die Stimme der Betroffenen 143

Carlo Knöpfel

«Posho mill» und Caritas-Markt: Armut, Menschenwürde und empowerment 151 Abt Martin Werlen

Von Originalen 160

Dirk Jarré

Reflexionen eines Europäers zum Artikel 12 der Schweizer Bundesverfassung 166 Bridget Dommen

Une allocation universelle pour la dignité humaine 180

Boris Zürcher

Die Sozialhilfe aus einer ökonomischen Sicht 189

Autorinnen und Autoren 203

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Sandro Cattacin

Dynamiques sociétales et aide sociale.

Le droit d’exister dans un environnement précarisant

1. Introduction

La dynamique sociétale se caractérise par un triple processus de différenciation : Différen- ciations des modes de vie, différenciations des horizons temporels, différenciations des ac- teurs systémiques. Ces différenciations ont ébranlé les fondements de la sécurité sociale basée sur une logique assurancielle ou de couverture homogène, sans pour autant la réfor- mer dans une perspective cohérente. Les conséquences visibles de cette crise des grandes œuvres assurancielles et de redistribution sont une société des inégalités croissantes (Castells 1998), de perte de sécurité (Beck 1986) et d’augmentation de situations de précarité allant jusqu’à l’existence de «surnuméraires» (comme les appelle Castel 1995) se trouvant au-de- hors de ce système du bien-être qui s’est construit dans l’après-guerre pour maintenir une classe moyenne stable.

Ces dynamiques ont pour conséquences que le cœur de l’État social1 touche toujours moins de gens et que les protections mises en place pour des situations de marginalité sont mobilisées régulièrement. L’aide sociale longtemps vue comme un élément de la sécurité sociale en voie de disparition – au point qu’elle est rarement prise en compte dans les analy- ses comparatives – sort de la marge et devient un dispositif central de l’État social, au point que des modèles de réforme partent du point de vue que l’aide sociale – sous forme d’un revenu minimal garanti – devrait se trouver au centre de la sécurité sociale et les assurances sociales auraient la fonction de compléter cette base.2

1 Dans la recherche sur l’État social, l’on entend en principe par ce «cœur» les dispositifs assuranciels dans le domaine de la santé, de la vieillesse, du chômage et des accidents, en excluant l’aide sociale. Paradoxale- ment, les chercheurs sont tombés dans la même trappe de l’illusion d’une société sans pauvreté.

2 Je me réfère au modèle proposé par exemple par Rossi et Sartoris pour la Suisse (Rossi et Sartoris 1995 et Rossi 1996).

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2. La production systématique de la précarité

Si cette idée de réforme me semble convaincante – parce qu’elle permettrait de supprimer l’angoisse alimentaire des personnes se trouvant régulièrement ou durablement en marge du marché du travail compétitif et parce qu’elle correspond à ce que la société du bien-être nous promet, à savoir le respect de la dignité humaine – elle nous semble néanmoins loin de sa réalisation. Politiquement bloqués par une crise de l’utopie sociale-démocrate d’une so- ciété juste (Habermas 1985) et par un rééquilibrage du pouvoir entre État et économie (Jo- bert 1994), une réforme allant dans la direction d’instaurer une garantie de survie matérielle se heurte à l’incapacité actuelle de se projeter vers le futur. On doit donc partir du point de vue qu’une transformation – nécessaire – du système de production du bien-être ne se fera pas de manière radicale, mais par étapes, en prenant en considération des pressions sociales nouvelles.

Ces pressions sociales se manifestent à plusieurs niveaux. Tout d’abord, nous sommes confrontés à une transformation de la logique de production capitaliste, passant d’un modè- le fordiste de l’uniformité – qui a fondé la vision technocrate du développement sociétal – à une logique flexibiliste. Cette logique flexibiliste, issue d’une critique du conformisme for- diste, a instauré – Max Weber dirait que cet esprit est devenu une «cage ferrée»3 – l’organisa- tion flexible de la production et du travail. Elle a aussi généralisé la différence comme carac- téristique de l’innovation, faisant sauter les schémas formatifs visant l’uniformité des parcours et des savoirs, mais aussi les carrières linéaires. L’économie flexibiliste crée «l’hom- me flexible» (Sennett 1998) soumis à l’adaptation continuelle déterminée par des tiers et l’employé précarisé ne sachant plus qui le guide, mais obligé de répondre présent quand et où le marché du travail le lui impose (Boltanski et Chiapello 1999). Cette économie est donc structurellement basée sur la production de précarité et d’insécurité. On est très loin de la fin du travail, mais très près de la fin de l’emploi à vie.

Dans la même dynamique macro-sociologique, nous constatons ensuite que, après l’ébranlement de la société fordiste, nous nous trouvons confrontés à une société pluralisée, individualisée et caractérisée par une communautarisation anarchique, affaiblissant les ré- seaux de soutien traditionnels et le nucleus familial dans son rôle d’avant-dernier filet de secours (Coenen-Huther et al. 1994). Le soutien basé sur une solidarité de proximité ne se mobilise plus aussi facilement, créant des mondes de l’abandon – que ce soit les jeunes adultes, toujours plus longtemps dans des situations de précarité matérielle, ou les person- nes âgées dont personne ne veut s’en occuper. Mais, contrairement aux personnes âgées, dont le revenu et la prise en charge par le système traditionnel de l’État social sont garantis, les jeunes adultes représentent un défi majeur pour le système du bien-être, tant du point de vue de la construction d’une société stable, que de celui d’une société innovatrice. Placé

3 Je me réfère à la logique de développement de «l’éthique protestante» (Weber 1988).

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dans des schémas tels que le Revenu minimum d’insertion (RMI) en France ou encore l’aide sociale en Suisse, le risque s’installe d’une vie marginalisée.

Enfin, nous sommes confrontés avec un troisième type de logique de précarisation qui, lui aussi, est issu d’une transformation au niveau macro-sociétal, à savoir l’accélération, la différenciation et la globalisation des flux migratoires. Si cette nouvelle tendance globale s’exprime dans une augmentation des flux migratoires de personnes à haute qualification, nous sommes aussi confrontés à une augmentation des migrations fortement précarisées, accompagnées d’une criminalité liée à l’organisation du passage d’un pays à l’autre. Ces mi- grants clandestins à la recherche d’une vie meilleure en Occident étaient longtemps un phé- nomène marginal en Europe, tandis que les États-Unis nous surprenaient par leur gestion normalisée de ces migrations, en passant d’une limitation stricte à des amnisties massives.

En Europe, cette transformation vers une société de la gestion des flux migratoires irréguliers ne se fait que lentement et en partant du sud de l’Europe. En effet, il n’est pas surprenant que le contraste entre un État social fort (du centre au nord de l’Europe) et la régularisation des migrants apparaisse. L’accès à un statut régulier apporte nettement moins d’avantages aux migrants qui se trouvent illégalement aux États-Unis, en Italie ou encore en Espagne (des pays où de larges parties de la sécurité sociale sont organisées sur la base d’une affiliation assurancielle, visant l’acquisition de droits), comparé aux États sociaux différen- ciés que nous connaissons dans le reste de l’Europe (Ferrera 1996). D’ailleurs, la pression accrue sur les prestations sociales dans ces États tend à aggraver le contraste entre l’accepta- tion d’une migration irrégulière et sa régularisation. La conséquence en est l’existence d’une partie croissante de la population dans une situation de précarité, maintenue à cause d’une distance trop importante entre les bénéficiaires de l’État social et ces nouveaux parias.

Ces trois tendances de précarisation ne sont évidemment pas indépendantes, mais el- les se renforcent entre elles. La personne clandestine travaillant pour une mère divorcée qui ne peut pas se permettre une employée régulière parce qu’elle est aussi sous la pression d’une économie flexibilisée n’en est que l’exemple le plus connu (Chimienti et Efionayi- Mäder 2003). Pour le système de sécurité sociale, tel qu’il s’est construit en réaction aux défis de l’industrialisation (Polanyi 1944, Alber 1982), ces transformations ne signifient rien d’autre que l’aboutissement de sa logique fordiste.

3. De la logique assurancielle à la logique des droits individuels Son adaptation se fait lentement, sans fondamentalement mettre en cause la logique assu- rancielle, mais en modifiant sensiblement l’ampleur de la couverture. En effet, les grandes œuvres assurancielles se transforment, en intégrant à leur manière la précarisation qui se généralise. A l’exemple du Royaume-Uni, l’assurance chômage diminue l’ampleur de ses prestations pour s’aligner toujours plus sur les standards de l’aide sociale. Ce qui a été intro-

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109 duit comme différenciation fondamentale au début du 20e siècle, un peu partout en Europe – à savoir une différenciation entre «fainéants» et ceux en quête de travail (Alber 1978) – se dédifférencie à nouveau pour entrer dans une redéfinition des relations entre soutien maté- riel et droit à l’aide. A la place d’un droit assuranciel acquis s’instaure une logique de récipro- cité, pénalisant l’attitude jugée non-coopérative ou simplement une difficulté de placement d’une personne (Cattacin et al. 2002).

Le système de retraite se réorganise pour atteindre au moins le but de garantir un mini- mum vital par la redistribution Étatique. Ce qui dépasse ce minimum – et c’est la tendance à l’échelle internationale – sort de la logique de redistribution Étatique pour être privatisé par le biais des assurances complémentaires qui garantissent le statut social selon les choix individuels.

Le système de santé, lui aussi, développe des prestations à la baisse, différencie les ri- ches des pauvres et nous prépare à une médecine à plusieurs vitesses où l’unique crainte est qu’une partie de la population – à l’image des clandestins – n’accède plus du tout aux pres- tations. Des adaptations sont visibles dans des initiatives de diminution des barrières d’accès à la santé qui ne visent pas la meilleure santé pour tous, mais des services minimaux pour les personnes en précarité (Renschler et Cattacin 2004).

L’aide sociale aussi est en baisse de prestations. La pauvreté est relativement facile à déterminer; déduire par contre des prestations qui s’en suivent est difficile et dépend du statut de la personne, mais aussi de l’organisation et de l’unité territoriale qui s’en occupe.

De l’aide matérielle donnée par le système caritatif à l’aide sociale Étatique, les traitements se différencient fortement. En Suisse, par exemple, être pauvre et requérant d’asile conduit à des prestations mineures que si on est suisse; être pauvre amène aussi à une différence de traitement selon le canton où l’on vit.

Cet ébranlement des prestations assurancielles et des garanties de survie et cette dédif- férenciation entre aide aux chômeurs, soutiens aux salaires faibles et aide sociale changent le questionnement de base de notre système de bien-être. Il ne s’agit plus de réfléchir autour de la question du plus haut bien-être pour le plus grand nombre de personnes – le modèle fordiste –, mais quel est le standard minimum d’intervention (Ferrera 1998). La recherche du meilleur encadrement en termes socio-sanitaires est individualisée et privatisée, pendant que l’action collective, en particulier Étatique, s’occupe des personnes en précarité. Ces personnes qui ne sont pas organisées dans une logique de classe sociale, mais qui vivent leur destin – d’ailleurs extrêmement différencié comme l’ont montré les études sur la nouvelle pauvreté (Farago 1995) – de manière isolée.

Dans cette mouvance vers une intervention du système du bien-être orienté aux mar- ges (importantes) de la société, nous revivons une situation qui rappelle les racines de l’État libéral minimal de nos sociétés démocratiques qui s’est transformé – malgré lui pour cer- tains pays comme la Suisse – en État social. L’État libéral, qui avait justement programmé l’aide aux personnes matériellement précarisées, allait compenser ce minimalisme par une

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logique de droits individuels permettant la plus grande liberté possible – au moins théori- quement – à la libre entreprise, qu’elle soit orientée économiquement ou socialement (Cat- tacin et Lucas 1999).

Ces racines libérales qui se présentent comme «force des origines»4 dans le débat ac- tuel, réactualisent la logique de droits individuels qui s’oppose à la logique de classe. La lutte contre la pauvreté, la marginalité et l’exclusion sociale se réinventent, au début de ce siècle, en termes libéraux. La société civile est appelée à s’aider elle-même et l’État prend en charge les personnes qui sont dans le besoin, et ceci dans une logique d’aide à la survie et non plus dans une logique de maintien d’appartenance de classe.

Ce n’est là qu’une partie de la réinvention du système de bien-être en cours. L’autre tendance, qu’on pourrait nommer «l’américanisation de l’Europe» lit les situations de préca- rité comme un effet du manque d’égalité sur le libre marché des compétences et une ferme- ture des corporatismes territoriaux à l’égard du pluralisme humain. Cette lecture des trans- formations en cours qui se fait par exemple au niveau de la législation européenne nous conduit à identifier l’obstacle majeur de la lutte contre la précarité dans l’empêchement de la mobilité sociale et territoriale – seule clé de l’avancement social. Qu’il s’agisse donc de la législation anti-discriminatoire, de droits minimaux d’accès à la santé ou encore de la mise en place de lieu d’accueil pour les sans-abri, le système du bien-être est en train de focaliser ses énergies sur la lutte contre la permanence définitive dans la marginalité. Il est évident que ceci ne réussit pas toujours et les ajustements en cours en témoignent. Néanmoins, le passage d’une situation de garanties pour les uns et de marginalités pour les autres à un système qui tente de donner des possibilités d’avancement dans toute situation de margina- lité est désormais inéluctable.

4. Rendre possible l’ascension sociale

Le passage d’un système d’égalité utopique – représenté par le projet fordiste et social-démo- crate européen – à un système d’égalité d’ascension, comme il s’est développé de façon paradigmatique aux États-Unis et se développe de façon pragmatique en Europe, ce passage contient à la fois des chances et des risques. L’idée que l’Europe devient un lieu qui permet l’innovation grâce à la migration et qui donne une chance à toute personne d’accroître sa position sociale par son propre engagement et grâce à un système qui permet l’accès facile au soutien minimal, bref, l’idée d’une société à haute mobilité sociale et territoriale fait son chemin. A cette société correspond un ensemble d’initiatives de soutien à des personnes précarisées, freinant l’aggravation de leur situation. Ce soutien lie l’aide à un devoir (la «con-

4 Je fais référence aux idées néo-institutionnalistes mettant en évidence la force des premières décisions insti- tutionnelles pour le développement structurel et la marge de manœuvre des réformes (Merrien 1990).

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111 tre-prestation») de recherche de toute possibilité d’amélioration de la position sociale. Par cela, l’aide sociale – mais aussi les mesures d’insertion des personnes au chômage ou des personnes dépendantes d’une rente d’invalidité – est dynamisée.

Cette transformation vers un système d’égalité des «capabilités» (Sen 1992) – des chan- ces pour toute position sociale d’accéder à un statut même légèrement amélioré – priment évidemment l’initiative individuelle, la capacité de changer et d’innover, la capacité de mo- biliser son capital social. Par ce changement, la logique universaliste d’égalité des chances basée sur un axiome erroné d’égalité de départ qui a pour conséquence d’augmenter et ci- menter les appartenances de classe est mise en doute. Elle est même en contradiction avec les dynamiques sociétales d’une économie flexibilisée et globalisée et d’une société plurali- sée et différenciée en continuelle transformation. Les conséquences négatives sont à l’ordre du jour du débat politique : la déstabilisation de ladite classe moyenne, composée des ga- gnants du système du bien-être traditionnel.

Dans cette démarcation entre société du bien-être ancienne et nouvelle, l’Europe tente d’éviter les dérives connues du système des États-Unis, à savoir l’acceptation qu’une partie de la population soit condamnée à la misère. Mais ce n’est pas par une proposition de ci- toyenneté forte à accès universel à la classe moyenne – comme le prône par exemple la Suède – que la lutte contre la précarisation systématique est gagnée. Ce serait une réponse nationaliste d’exclusion perdant, parce que la négation de toute marginalité augmenterait, la conflictualité sociale. C’est aussi une réponse dangereuse pour ces parties de la population qui vivent dans la précarité et qui se voient nier tout soutien au nom d’un universalisme programmatique. Ainsi, le développement d’une variante européenne de citoyenneté socia- le – qui signifie une citoyenneté différenciée permettant l’ascension sociale à tout le monde et une garantie de survie matérielle – demandera une capacité de mise en cause des anciens schémas de réponse et une révision critique des valeurs fondamentales d’une société libérale et démocratique, quelle que soit sa couleur politique.

Bibliographie

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Références

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