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QT long et traitement substitutif de méthadone : étude rétrospective dans la population toxicomane genevoise

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Thesis

Reference

QT long et traitement substitutif de méthadone : étude rétrospective dans la population toxicomane genevoise

VOIDE, Cathy

Abstract

Il s'agit d'une étude rétrospective comparant des toxicomanes actifs ou inactifs hospitalisés aux Hôpitaux Universitaires de Genève entre janvier 1999 et juin 2003 et bénéficiant ou non d'une substitution par méthadone. Un total de 167 patients recevant de la méthadone ont été inclus et comparés à un groupe contrôle de 80 toxicomanes sans substitution. Différentes variables démographiques, biologiques et pharmacologiques ont été analysées. Dans le groupe méthadone, la prévalence de l'allongement du QTc de 0.5 secondes ou plus était de 16.2% versus 0 dans le groupe contrôle. La dose de méthadone, la présence d'inhibiteurs du cytochrome P-450 3A4, la valeur de potassium et la fonction hépatique ont été identifiés comme facteurs contribuant à l'allongement du QT.

VOIDE, Cathy. QT long et traitement substitutif de méthadone : étude rétrospective dans la population toxicomane genevoise. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2009, no.

Méd. 10571

URN : urn:nbn:ch:unige-38323

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:3832

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:3832

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QT long et traitement substitutif de méthadone : étude rétrospective dans la population toxicomane genevoise

1. Introduction

1.1 Effets indésirables et interactions médicamenteuses

Tout médicament est susceptible d’entraîner des effets indésirables qui sont une source importante de morbidité et de mortalité. On estime que parmi les hospitalisations, 2 à 6 % sont dues aux effets secondaires médicamenteux et que durant un séjour hospitalier, un effet indésirable grave se produira chez environ 10 % des patients (1). Celui-ci entraînera un décès, un dommage durable ou une hospitalisation prolongée. Les effets secondaires médicamenteux représentent un réel problème de santé publique de par les coûts humains et financiers qu’ils engendrent.

Un facteur de risque clairement identifié est l’administration concomitante d’autres médicaments. En effet les interactions médicamenteuses sont une source importante d’effets secondaires mais également d’échecs thérapeutiques. Celles-ci se manifestent souvent lorsqu’un médicament vient s’ajouter à un traitement établi. Le fait qu’une interaction soit cliniquement significative et qu’elle puisse représenter un danger dépend de plusieurs facteurs (âge, trouble de la fonction rénale ou hépatique, troubles électrolytiques…). Les interactions sont distinguées selon l’étape où elles surviennent le long du « chemin du médicament » :

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- des interactions équivalant à des interférences pharmaceutiques (par exemple incompatibilité physicochimique entre médicaments injectables)

- des interactions d’ordre pharmacocinétique : elles peuvent toucher l’absorption (biodisponibilité), la distribution (affinité pour les protéines plasmatiques ou les composants tissulaires), le métabolisme (activité des enzymes hépatiques) ou l’excrétion (fonction rénale ou hépatobiliaire).

- des interactions d’ordre pharmacodynamique : elles peuvent intervenir au niveau du récepteur proprement dit, des mécanismes de transduction en aval du récepteur, ou des mécanismes de contre- régulation que l’organisme tend à opposer à l’action de la plupart des médicaments.

Une étude a évalué les interactions médicamenteuses chez 1000 patients gériatriques hospitalisés consécutivement (2). Les patients recevaient en moyenne 5.1 médicaments. Soixante pour cent étaient exposés à une ou plusieurs interactions potentielles et 15 % ont présenté des effets indésirables significatifs. L’importance des interactions médicamenteuses à l’origine d’hospitalisations a été confirmée dans d’autres études (3).

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1.2 Médicaments et QT long

L’appareil cardio-vasculaire est un des systèmes les plus fréquemment touchés dans la survenue d’effets indésirables médicamenteux. De nombreux médicaments ont un effet sur la repolarisation cardiaque se traduisant par un allongement de l’intervalle QT à l’ECG (4). Cet allongement du QT peut être associé à des tachyarythmies ventriculaires polymorphes appelées torsades de pointes pouvant être à l’origine de syncope ou de mort subite par fibrillation ventriculaire. On retrouve plusieurs exemples de médicaments retirés du marché après leur commercialisation suite à la mise en évidence d’arythmie létale (5). Un exemple célèbre est celui de certains antihistaminiques associés à des cas de morts subites. La tabelle 1 montre une liste non exhaustive de médicaments impliqués dans l’allongement du QT (6). Des informations plus détaillées et régulièrement mises à jour sur les médicaments interférant avec la repolarisation cardiaque et responsable du syndrome du QT long acquis sont disponibles sur le site http://www.torsades.org. (Arizona CERT homepage).

En pratique, il est rare qu’un seul médicament soit responsable d’une arythmie. Un ensemble de facteurs allongeant le QT est la source du problème. Il peut s’agir en effet d’une addition de plusieurs médicaments allongeant le QT (interaction pharmacodynamique) ou la prescription simultanée d’une molécule interférant avec le métabolisme de ce dernier résultant dès lors en une augmentation de sa concentration plasmatique (interaction pharmacocinétique). Plusieurs autres facteurs ont été identifiés comme favorisant un prolongement de l’intervalle QT, à savoir les troubles électrolytiques comme l’hypokaliémie, l’hypocalcémie et l’hypomagnésémie, une cardiopathie préexistante, une bradycardie (7).

(5)

Tabelle 1

Antiarythmiques :

- procaïnamide, quinidine, disopyramide, amiodarone, sotalol Antipsychotiques :

- thioridazine, chlorpromazine, haloperidol, droperidol Antidépresseurs :

- amitriptyline, fluoxétine Anti-histaminiques :

- terfénadine, astémizole, cétirizine Antibiotiques :

- érythromycine, clarithromycine, quinolones Antiémétiques :

- dompéridone, droperidol Autres :

- tacrolimus, tamoxifène, cisapride, méthadone

Le syndrome du QT long acquis a longtemps été opposé au syndrome du QT long congénital. Cependant, il existe plusieurs évidences de prédisposition génétique à présenter un QT long acquis en particulier lorsqu’il est induit par des médicaments (8). La majorité des molécules prolongeant l’intervalle QT bloquent les canaux potassiques hERG (human Ether-à-go-go Related Gene) impliqués dans la phase de repolarisation du potentiel d’action cardiaque (9). Or il s’avère que la plupart des mutations génétiques impliquées dans la forme congénitale du QT long se situent sur

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similaires pourraient donc être à l’origine des formes congénitales et acquises du LQTS. Par ailleurs le concept de « réserve de repolarisation » a été utilisé pour expliquer la variabilité du risque (10). Ceci suggère que la repolarisation cardiaque varie entre les individus et que l’allongement de l’intervalle QT pourrait être démasqué par l’utilisation d’une molécule décrite pour entraîner un tel trouble ou en présence d’un facteur de risque.

1.3 QT long et méthadone

La méthadone est un opioïde synthétique prescrit principalement dans le traitement de substitution des toxicomanies à l’héroïne en Europe, aux Etats-Unis et en Australie depuis les années 60. Des essais randomisés contrôlés ont établi l’efficacité d’un programme de substitution à la méthadone dans la réduction de l’utilisation de drogues illégales et des complications infectieuses pouvant en découler (HIV, HCV). On estime qu’environ 750'000 personnes dans le monde sont sous traitement substitutif. C’est également une molécule utilisée comme second choix en cas de douleurs aiguës ou chroniques, en particulier en cas de cancer.

Dans le cadre d’une substitution aux opiacés, elle est administrée principalement par voie orale, à raison d’une fois par jour à une posologie habituelle de l’ordre de 60 à 80 mg. Elle est composée d’un mélange racémique constitué respectivement à 50 % de R- et de S-méthadone ayant des propriétés de distribution et d’élimination différentes. Seule la R-méthadone est pharmacologiquement active et non cardiotoxique. Il existe une variabilité individuelle importante concernant la pharmacocinétique de la méthadone et une adaptation le plus souvent empirique des doses est nécessaire. Elle est métabolisée au niveau hépatique principalement par le

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cytochrome P450 3A4 et minoritairement par les CYP 1A2, 2B6, 2D6, 2C9 et 2C19 puis deux métabolites inactifs sont éliminés par voie rénale. La demi-vie d’élimination varie considérablement d’un individu à l’autre (entre 15 et 60 heures) et augmente en cas d’administration chronique (11) probablement en raison d’une modification de l’activité des oxydases métabolisant la molécule et d’une accumulation tissulaire.

In vitro la méthadone se lie au canal ionique cardiaque KCNH2 et prolonge le potentiel d’action de façon dose dépendante (12). La méthadone a récemment été identifiée comme étant une substance pouvant allonger l’intervalle QT (13). Dans cette série de cas rétrospective, Krantz décrit 17 patients traités par méthadone le plus souvent à hautes doses (moyenne 397 mg/j), ayant présenté une torsade de pointe. Depuis 2002 diverses publications médicales ont été rapportées sur une association entre doses élevées de méthadone et torsades de pointe ainsi qu’un effet positif entre la dose de méthadone et l’intervalle QT corrigé à la fréquence cardiaque. En Suisse, les autorités de pharmacovigilance de Swissmedic ont recensé un total de 272 effets indésirables en lien avec la méthadone entre 1990 et 2003. Quarante-deux (15.4 %) concernaient des troubles du rythme cardiaque (14).

L’allongement du QT n’est pas relevant cliniquement dans la majorité des cas et la présence simultanée de plusieurs facteurs est certainement nécessaire pour qu’un événement indésirable survienne. On sait que l’allongement du QT est dépendant de la dose de méthadone et les données montrant que des doses plus importantes augmentaient les chances d’abstinence de consommation illicite d’opiacés ont conduits à une augmentation des doses prescrites (15). Les interactions médicamenteuses semblent être un facteur de risque pour la prolongation du QT dans cette population comme suggéré par des données précédentes (16, 17).

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Dans une population à haut risque avec une co-médication de plus en plus importante, la présence de co-morbidités notamment hépatique ainsi que de fréquents troubles électrolytiques, il nous semblait intéressant d’évaluer la prévalence de la prolongation de l’intervalle QT. L’outil utilisé pour le screening, un électrocardiogramme, est simple d’utilisation et bon marché.

La mesure du QT chez les patients sous méthadone présentant d’autres facteurs de risque pour un allongement du QT (interactions pharmacocinétiques en particulier avec les inhibiteurs du CYP 3A4, interactions pharmacodynamiques, troubles électrolytiques, pathologies cardiaques, troubles de la fonction hépatique) n’a pas été évalué dans des études prospectives mais semble à priori de rapport coûts-bénéfices favorable. Il apparaît primordial que le médecin prescripteur connaisse les médicaments qu’il administre chez les patients sous méthadone en particuliers leurs effets secondaires et leurs éventuelles interactions néfastes.

Nous avons voulu déterminer dans un contexte hospitalier où les patients sont polymédiqués, la prévalence du QT long sous méthadone et les facteurs de risques potentiels concomitants comme la présence et l’influence de certaines co-morbidités ou co-médications sur l’intervalle QT.

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2. Méthodes

2.1 Etude de la population

Le protocole de l’étude a été approuvé par le comité d’éthique du département de médecine interne de l’hôpital universitaire de Genève. Nous avons conduit une étude rétrospective parmi les patients toxicomanes hospitalisés chez lesquels un électrocardiogramme avait été effectué.

2.2 Identification des sujets

Il s’agit d’une étude rétrospective cas-témoins de patients toxicomanes actifs ou inactifs hospitalisés aux Hôpitaux Universitaires de Genève (services de médecine interne et d’orthopédie) entre janvier 1999 et juin 2003. Il a été procédé à une recherche informatique (mots-clés : méthadone, héroïne, toxicomanie et autres termes similaires) permettant d’identifier 527 patients âgés entre 18 et 65 ans.

L’analyse des dossiers et des ECG a permis d’inclure 247 patients (Figure 1). Deux cent quatre vingt patients ont été exclus en raison de l’absence d’ECG (144), d’un dossier non accessible (66), d’une intoxication à la méthadone (22), d’une non toxico-dépendance (18), d’une cardiopathie (définie par une fraction d’éjection du VG

<35 %, un infarctus du myocarde durant la présente hospitalisation, un status post transplantation cardiaque ou pulmonaire, un status post arrêt cardio-respiratoire) (14), de l’introduction de méthadone dans les 10 jours précédents (6), d’une dose de méthadone inconnue (4), d’une hypertension intracrânienne (3), d’un ECG de mauvaise qualité (2) ou d’une notion de QT long congénital (1). L’échantillon a par la

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suite été divisé en un groupe de patients sous traitement substitutif de méthadone (n=167) et un groupe contrôle sans méthadone (n=80).

Recherche informatique en utilisant les mots clés “méthadone”, “abus de substance”, “héroïne” et autres termes similaires (1275 dossiers pour 527 patients; 663 ECG)

Analyse des dossiers

Inclusion de 247 individus

Groupe traitement par méthadone (N=167) Groupe contrôle sans méthadone (N=80)

absence d’ECG (144)

dossier non accessible (66)

intoxication à la méthadone(22)

non toxico-dépendance (18)

cardiopathie sévère (14)

methadone introduite dans les 10 j. (6)

dose de méthadone inconnue (4)

HTIC (3)

ECG de mauvaise qualité (2)

notion de QT long congénital (1) Exclusion de 280 individus

Recherche informatique en utilisant les mots clés “méthadone”, “abus de substance”, “héroïne” et autres termes similaires (1275 dossiers pour 527 patients; 663 ECG)

Analyse des dossiers

Inclusion de 247 individus

Groupe traitement par méthadone (N=167) Groupe contrôle sans méthadone (N=80)

absence d’ECG (144)

dossier non accessible (66)

intoxication à la méthadone(22)

non toxico-dépendance (18)

cardiopathie sévère (14)

methadone introduite dans les 10 j. (6)

dose de méthadone inconnue (4)

HTIC (3)

ECG de mauvaise qualité (2)

notion de QT long congénital (1) Exclusion de 280 individus

Adapté de Ehret et al, Arch Intern Med/Vol 166, June 26, 2006 Figure 1: Représentation graphique de l’identification et de l’inclusion des patients.

ECG : électrocardiogramme ; IV : intra-veineux ; HTIC : hypertension intra-crânienne

2.3 Analyse de l’ECG

L’ECG a été enregistré dans les 3 jours suivant l’admission dans le 75 % des cas.

L’intervalle QT a été analysé pour chaque ECG dans les douze dérivations et corrigé selon la fréquence cardiaque d’après la formule de Bazett (QTc) (18). L’intervalle le plus long a été retenu pour l’analyse. L’intersection entre la tangente de la pente descendante de l’onde T et la ligne isoélectrique a été utilisée comme point de mesure (19-21). Les ondes U ayant au moins 50 % de l’amplitude de l’onde T n’ont

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pas été comprises dans l’intervalle QT. Si une onde émergeait dans la fin de l’onde T, l’encoche entre ces 2 ondes a été utilité comme point de mesure. La valeur de 0.50 sec. a été déterminée comme cutoff.

2.4 Analyse des covariables

La médication administrée durant les 24 heures précédant l’enregistrement ECG ainsi que les paramètres biologiques (TP, facteur V, électrolytes sériques, créatinine pour le calcul de la clearance selon la formule de Gault et al. (22)) au plus près de l’ECG ont été systématiquement relevés. Les valeurs de laboratoire dont les mesures ont été effectuées dans un intervalle de plus d’une semaine (TP et facteur V) ou 24 heures (autres paramètres) d’avec la réalisation de l’ECG n’ont pas été prises en considération.

Pour chaque patient un score informatisé d’interactions pharmacocinétiques concernant les différents cytochromes P-450 (CYP) impliqués dans le métabolisme de la médication prescrite a été créé. Les CYP suivants ont été analysés : CYP 1A2, CYP 2C9, CYP 2C19, CYP 2D6 et CYP 3A4. Des modèles quantitatifs ont été utilisés pour prédire l’impact de chaque co-médication sur l’activité enzymatique en se basant sur des données enzymatiques et pharmacocinétiques générées in vitro ou collectées in vivo (23). Les inhibiteurs et inducteurs d’un cytochrome donné ont été scorés comme suit : +1.5 points pour un inhibiteur faible, +2 points pour un inhibiteur fort, -1.5 points pour un inducteur faible et -2 points pour un inducteur fort.

Puis pour chaque patient et chaque cytochrome un score global d’interaction a été obtenu.

(12)

Un score d’interaction pharmacodynamique a également été établi pour chaque patient sur la base de données issues de la « QT drug list » mise à jour par l’Université d’Arizona, centre des Sciences Médicales, Tucson (24). Deux points ont été attribués aux molécules classifiées comme « médicament à risque de torsades de pointe » et un point aux « médicaments avec risque de torsades de pointe possible ».

2.5 Analyse statistique

Le coefficient de corrélation Spearman (rs) a été utilisé pour tester l’association entre le QTc et la dose quotidienne de méthadone. Le test de Mann-Whitney, le test χ2et le test Wilcoxon ont été utilisé pour comparer les échantillons indépendants et appairés, respectivement. Pour étudier les prédicteurs d’un allongement du QT, un modèle linéaire multivarié de valeurs QTc transformées en log a été utilisé. La dose quotidienne de méthadone a été considérée en quartiles (≤50 mg/j, n=44 ; 51-100 mg/j, n=56 ; 101-150 mg/j, n=31 ; et >150 mg/j, n=36). Les autres potentiels prédicteurs incluaient le sexe, l’âge, le poids, le taux sérique de potassium, la clearance de la créatinine, le taux de prothrombine, le status HIV, la présence d’une infection à HBV ou HCV, le score des interactions pharmacocinétiques et pharmacodynamiques. L’analyse statistique a été effectuée par le programme SPSS, version 11 (SPSS Inc, Chicago, Ill). Le niveau de significativité a été établi à P<0.05 (2-tailed tests).

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3. Résultats

3.1 Caractéristiques des patients

L’étude a inclus 247 toxicomanes actifs ou inactifs pour lesquels un enregistrement ECG était disponible. Dans ce collectif, 167 patients étaient sous thérapie substitutive de méthadone. Les 80 patients sans substitution ont constitué le groupe contrôle.

Les 2 groupes ne différaient pas significativement en ce qui concerne l’âge et le sexe (Table 1). L’âge moyen était 37 ans (18-60 ans) et la majorité des patients étaient des hommes (66 %). La dose quotidienne de méthadone variait de 4 mg/j. à 600 mg/j. Seuls 5 patients ont été substitués avec des doses supérieures à 300 mg/j. Le taux d’infection à HIV, HBV et HCV ne différait pas significativement entre les 2 groupes. Huit personnes dans le groupe méthadone et 12 dans le groupe contrôle ont présenté une histoire de cardiopathie structurelle sans conséquence fonctionnelle significative (antécédent d’endocardite, etc). Aucun de ces patients n’a présenté un QTc ≥0.50 sec.

Les médicaments inhibiteurs des enzymes CYP les plus fréquemment relevés étaient la fluoxétine (12.2 % [n=6] des patients traités), la clarithromycine (6.1 % [n=3] des patients traités), le fluconazole (6.1 % [n=3] des patients traités) et le valproate (6.1

% [n=3] des patients traités) parmi les 49 patients avec un QTc de 0.46 secondes ou plus ; et l’olanzapine (7.7 % [n=9] des patients traités), la fluoxétine (4.3 % [n=5] des patients traités), et le ritonavir (3.4 % [n=4] des patients traités) parmi les 117 patients avec un intervalle QT dans les limites de la norme. Le score des interactions

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pharmacodynamiques n’était pas significativement différent parmi les patients avec un espace QT prolongé et normal.

0.55 56 (79) (n = 71)

124 (74) HCV

0.12 11 (16) (n = 69)

44 (26) HBV

0.09 19 (28) (n = 69)

67 (40) HIV

Infections virales, nb, (%)

ND ND

100 (4 – 600) Méthadone (médiane), mg/j

8 (10) 50 (29.9)

0.46 sec, nb, (%)

0 27 (16.2)

0.5 sec, nb, (%)

0.43 (0.36 – 0.49) 0.44 (0.36 – 0.75)

Médiane, sec

< 0.001 QTc

>0.99 28 (35)

57 (34) Sexe féminin, nb (%)

0.39 36 (20-58)

37 (18-60) Age, médiane, années

Valeur de P * Groupe Contrôle

(n = 80) Groupe Méthadone

(n = 167) Caractéristiques

Table 1. Caractéristiques démographiques et électrocardiographiques des groupes méthadone et contrôle

0.55 56 (79) (n = 71)

124 (74) HCV

0.12 11 (16) (n = 69)

44 (26) HBV

0.09 19 (28) (n = 69)

67 (40) HIV

Infections virales, nb, (%)

ND ND

100 (4 – 600) Méthadone (médiane), mg/j

8 (10) 50 (29.9)

0.46 sec, nb, (%)

0 27 (16.2)

0.5 sec, nb, (%)

0.43 (0.36 – 0.49) 0.44 (0.36 – 0.75)

Médiane, sec

< 0.001 QTc

>0.99 28 (35)

57 (34) Sexe féminin, nb (%)

0.39 36 (20-58)

37 (18-60) Age, médiane, années

Valeur de P * Groupe Contrôle

(n = 80) Groupe Méthadone

(n = 167) Caractéristiques

Table 1. Caractéristiques démographiques et électrocardiographiques des groupes méthadone et contrôle

Abréviations : HBV : virus de l’hépatite B ; HCV : virus de l’hépatite C ; HIV : virus de l’immunodéficience humaine ; n : nombre de patients avec données disponibles ; ND : non disponible.

* Les valeurs de P concernant les différences entre les groupes sont calculées selon le test de Mann-Witney pour les variables continues et le test du χ² pour les variables catégoriques.

Adapté de Ehret et al, Arch Intern Med/Vol 166, June 26, 2006

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3.2 Prolongement de l’intervalle QT, Torsade de Pointes (TdP) et corrélation du QTc avec la dose quotidienne de méthadone

Parmi les 167 patients recevant une prescription de méthadone, 27 (16.2 %) ont présenté un allongement du QTc à 0.50 seconde ou plus sur au moins 1 ECG (exemple Figure 2). Les 80 patients du groupe contrôle avaient un QTc inférieur à 0.50 seconde. Si l’on considère la valeur de 0.46 sec. comme seuil pour le QTc, 50 patients (29.9 %) dans le groupe méthadone et 8 (10 %) dans le groupe contrôle remplissaient ce critère (Figure 3A pour la fréquence de distribution des valeurs QTc). La différence des valeurs QTc entre le groupe méthadone et le groupe contrôle étaient hautement significative (test de Mann-Whitney, P<0.001).

La figure 3B montre la corrélation entre les valeurs QTc et la dose quotidienne de méthadone. Une dose journalière plus importante était faiblement mais significativement associée avec un allongement du QTc (rs=0.20 ; P<0.01). La dose de 20 mg/j est la dose la plus faible à laquelle un prolongement du QTc à 0.46 sec.

ou plus a été observé. La dose la plus petite associée à un QTc de 0.50 sec. ou davantage était 30 mg/j. Quant à la fréquence cardiaque, celle-ci n’était pas corrélée à la dose de méthadone (rs=0.04 ; P=0.58).

Une torsade de pointes (TdP) a été documentée chez 6 patients (3.6 %) dans le groupe méthadone, comme indiqué dans la figure 3B. Parmi ces 6 patients, 5 (83.3

%) étaient des hommes et 3 (50 %) ont présenté une bradycardie avant l’épisode de TdP. La dose de méthadone parmi les patients ayant présenté une TdP s’élève entre 40 mg/j. et 200 mg/j., et le QTc sur l’ECG précédant la tachyarythmie a été mesuré entre 0.43 et 0.75 secondes. Dans 2 cas, l’épisode de TdP a été précédée d’un bigéminisme ventriculaire. Un patient a présenté un bigéminisme ventriculaire sans

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est difficile d’identifier des facteurs prédicteurs cliniques. La seule différence significative entre le groupe TdP et le groupe non-TdP était un nombre plus important de patients avec des co-médications dans le premier groupe (9 versus 4 ; Mann- Whitney test, P=0.01).

Un ECG était également disponible pour 17 patients du groupe méthadone après arrêt de la méthadone ou la rotation pour une autre thérapie substitutive. Treize de ces personnes avaient un QTc ≥ 0.47 sous thérapie de méthadone. La figure 4 montre la durée du QT pour ces 13 patients sous méthadone et après rotation d’opiacés ou arrêt. La dose moyenne de méthadone était 100 mg/j. (20-370 mg/j.), et la durée moyenne du QTc sous traitement de méthadone et après son retrait était respectivement de 0.53 et 0.44 secondes respectivement (Wilcoxon test, P=0.002).

Figure 2. Prolongation de l’intervalle QT chez un patient de 39 ans sous traitement substitutif de méthadone (85 mg/j). Le QTc est mesuré à 0.7 sec. Ce patient présenta par la suite des torsades de pointes. Vitesse de déroulement du papier 25 mm/s.

Adapté de Ehret et al, Arch Intern Med/Vol 166, June 26, 2006

(17)

A

Cas, nombre

QTc, sec

B

QTc, sec

Dose journalière de méthadone, mg

A

Cas, nombre

QTc, sec

B

QTc, sec

Dose journalière de méthadone, mg

A

Cas, nombre

QTc, sec

A

Cas, nombre

QTc, sec

B

QTc, sec

Dose journalière de méthadone, mg

B

QTc, sec

Dose journalière de méthadone, mg

B

QTc, sec

Dose journalière de méthadone, mg

Figure 3. Distribution des valeurs de QTc dans les groupes méthadone et contrôle (A) et

corrélation entre l’intervalle QTc avec la dose journalière de méthadone (B). Dans le groupe méthadone, 16.2% des patients présente un QTc de 0.5 secondes ou supérieur alors que le QTc le plus élevé dans le groupe contrôle est de 0.49 secondes. L’intervalle QTc et la dose journalière de méthadone est faiblement mais significativement corrélée (coefficient de corrélation de Spearman, 0.20;P<0.01). D’autres observations électrocardiographiques sont représentées: 6 patients présentent des torsades de pointes et 3 un bigéminisme.

Adapté de Ehret et al, Arch Intern Med/Vol 155, June 26 2006

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Figure 4. Valeurs de QTc pour 13 patients sous traitement de méthadone et après arrêt de celui-ci ou rotation d’opiacés. (Wilcoxon test, P=0.02). La ligne en pointillé représente les valeurs médianes.

QTc, sec

Sous traitement de méthadone

Après rotation d’opiacé ou arrêt de traitement

Figure 4. Valeurs de QTc pour 13 patients sous traitement de méthadone et après arrêt de celui-ci ou rotation d’opiacés. (Wilcoxon test, P=0.02). La ligne en pointillé représente les valeurs médianes.

QTc, sec

Sous traitement de méthadone

Après rotation d’opiacé ou arrêt de traitement

Adapté de Ehret et al, Arch Intern Med/Vol 166, June 26, 2006

3.3 Facteurs associés à un allongement du QT

Premièrement nous avons comparé les patients sous substitution de méthadone avec un QTc de 0.50 seconde ou plus et ceux avec un intervalle QT plus court en regard des caractéristiques démographiques, des paramètres biochimiques, des comorbidités et du score des interactions pharmacocinétiques (table 2). Seul le taux de potassium était significativement inférieur chez les patients avec un QTc de 0.50 seconde ou plus (3.5 vs 3.9 mEq/L ; P<0.01).

Puis l’influence combinée des différents prédicteurs de la durée du QT a été analysée à l’aide d’une étude multivariée. En plus de la dose quotidienne de méthadone, 3 variables ont été identifiées comme prédicteurs significatifs de la durée du QTc (table 3). La prolongation du QT était associée avec une dose quotidienne de méthadone plus élevée, un taux sérique de potassium plus bas, un taux de

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prothrombine inférieur à la norme et une co-médication inhibant le CYP3A4. Dans une analyse multivariée, 31.8 % de la variabilité du QTc était expliquée par un modèle incluant ces 4 prédicteurs et leurs interactions.

Selon le modèle (table 3), si le taux de prothrombine diminue et la co-médication comprend des inhibiteurs du CYP3A4, l’effet de l’hypokaliémie sur l’allongement de l’espace QT se trouve amplifié. Pour un patient typique avec un taux sérique de potassium à 3.6 mEq/l, un taux de prothrombine à 100 %, une dose quotidienne de méthadone égale ou inférieure à 50 mg et aucune co-médication n’agissant avec le CYP3A4, le modèle prédit un QTc de 0.41 seconde. Quand chaque facteur est considéré individuellement (par exemple hypokaliémie à 3 mEq/l, taux de prothrombine à 60 %, score d’interaction avec le CYP3A4 à 2) on ne retrouve pas de QTc dépassant 0.50 seconde. L’effet combiné de ces 3 facteurs conduira cependant à une valeur de QTc de 0.55 seconde même si la dose de méthadone est de 50 mg/j ou moins. Par contre une augmentation de la dose journalière de méthadone à 150 mg conduira à une valeur de QTc de 0.45 seconde seulement, en l’absence de changement des 3 autres paramètres. Dans ce modèle quantitatif, la dose de méthadone apparaît exercer un effet faible sur la durée du QT en comparaison avec les autres prédicteurs agissant de façon synergique.

(20)

Abréviations: CYP : cytochrome P-450; HBV : virus de l’hépatite B; HCV : virus de l’hépatite C; HIV : virus de l’immunodéficience humaine; n : nombre de patients avec données disponibles; NA: non applicable.

Facteurs de conversions: pour convertir le magnésium en mmol/l, multiplier par 0.411 ; pour convertir le calcium en mmol/l, multiplier par 0.25.

Les valeurs de P concernant les différences entre les groupes sont calculées selon le test de Mann-Witney pour les variables continues et le test du χ² pour les variables catégoriques.

Les statistiques se réfèrent à l’ensemble du groupe.

Les taux de facteur V n’ont pas été comparés entre les groupes en raison du manque de données.

(21)

0.02 0.0009

K x PT

< 0.01 -0.0290

K x IS

< 0.01 0.119

IS

< 0.01 - 0.0044

PT

< 0.01 - 0.0769

K

(Catégorie de référence)

>150

-0.0202 101-150

- 0.0089 51-100

0.01 - 0.0382

</= 50

Dose de méthadone (4 groupes), mg/j

Valeur de P Coefficient de

Régression (B) Co-variables

Table 3. Modèle d’analyse multivariée pour la durée du QTc chez 138 patients sous substitution de méthadone *

0.02 0.0009

K x PT

< 0.01 -0.0290

K x IS

< 0.01 0.119

IS

< 0.01 - 0.0044

PT

< 0.01 - 0.0769

K

(Catégorie de référence)

>150

-0.0202 101-150

- 0.0089 51-100

0.01 - 0.0382

</= 50

Dose de méthadone (4 groupes), mg/j

Valeur de P Coefficient de

Régression (B) Co-variables

Table 3. Modèle d’analyse multivariée pour la durée du QTc chez 138 patients sous substitution de méthadone *

Abréviations: IS : score d’interaction; CYP3A4 : cytochrome P-450 3A4 ; K : valeur de potassium; PT : taux de prothrombine.

* Modèle écrit en log10 (QTc) = intercept + B1 x (dose du groupe) + B2 x K + B3 x PT + B4 x IS + B5 x K x IS + B6 X K x PT. Le pourcentage de la variabilité expliquée du QTc est 32 %. Données complètes pour 138 patients.

Adapté de Ehret et al, Arch Intern Med/Vol 166, June 26,2006

(22)

4. Discussion

Dans la population étudiée de toxicomanes actifs et inactifs sous substitution de méthadone et hospitalisés à l’Hôpital Cantonal Universitaire de Genève, nous avons observé une prévalence élevée d’allongement de l’intervalle QT. Les données suggèrent que la dose de méthadone, la prescription concomitante de médicaments inhibiteurs du CYP3A4, l’hypokaliémie et l’insuffisance hépatique contribuent à la survenue d’un QT long. Dans le groupe de patients sous traitement de méthadone, nous avons relevé un nombre important de personnes (n=27 ; 16.2 %) avec un QTc de 0.50 seconde ou plus en comparaison avec aucune personne dans le groupe contrôle sans méthadone. Un intervalle QTc de 0.50 seconde est considéré comme le seuil à risque pour le développement de TdP (4, 25) ; alors qu’une TdP est rarement associée avec un QTc inférieur à 0.50 seconde (26). La bradycardie, les modifications de l’onde T et d’autres facteurs peuvent augmenter le risque de survenue de TdP pour un QTc donné anormal.

Nous avons relevé un effet-dose significatif de la méthadone sur l’allongement de l’intervalle QT. Cependant à des doses considérées comme faibles, un allongement du QT ainsi qu’un épisode de TdP a été observé. En effet la dose la plus faible à laquelle un patient a présenté un QTc de 0.50 seconde ou plus était 30 mg/j. et un épisode de TdP est survenu en présence d’une prescription de 40 mg/j. de méthadone. Bien qu’une dose seuil n’ait pas été clairement identifiée, un prolongement du QTc à 0.50 seconde ou plus était moins fréquemment relevé à une dose de méthadone inférieure à 40 mg (1 cas sur 27 ayant présenté un allongement du QTc à 0.50 seconde ou plus). Les épisodes de TdP étaient moins fréquents à une dose inférieure à 70 mg/j. (1 cas sur 6 parmi les TdP).

(23)

En utilisant un modèle d’étude multivariée, nous avons identifié 3 co-variables supplémentaires intervenant dans l’allongement de l’espace QT : l’utilisation de médicaments inhibiteurs du CYP3A4, un taux de prothrombine inférieur à la norme indiquant une fonction hépatique altérée et l’hypokaliémie. Ces données suggèrent que ces variables agissent de façon synergique avec la dose de méthadone sur l’allongement du QT. Le modèle final permet d’expliquer 31.8 % de la variabilité du QTc.

L’importance des interactions pharmacocinétiques dans la survenue du QT long acquis a été mis en évidence dans une grande étude de patients traités par erythromycine (27). Des cas de prolongement du QT dans le cadre d’interactions médicamenteuses en lien avec la méthadone ont été précédemment rapportés (16, 17). A notre connaissance, aucune étude chez les personnes sous traitement de méthadone n’a montré l’implication de l’inhibition du CYP3A4 dans la survenue d’un QT long. Le CYP3A4 est la principale enzyme hépatique impliquée dans la N- déméthylation de la méthadone (28). Il a été montré que son inhibition conduisait à une augmentation significative de la concentration plasmatique d’une substance proche de la méthadone (29). La valeur prédictive du taux de prothrombine dans notre modèle semble essentiellement en lien avec un effet pharmacocinétique en raison de la diminution du métabolisme de la méthadone en cas d’insuffisance hépatique (28). L’évaluation des interactions pharmacodynamiques n’a pas permis de mettre en évidence un risque additionnel dans l’allongement du QT. Cependant dans notre population la prescription de médicaments connus pour allonger le QT n’était pas fréquente. L’hypokaliémie, intervenant comme 4ème variable dans notre modèle, est un facteur de risque reconnu dans la survenue d’un allongement du QT

(24)

Nous n’avons pas identifié clairement un effet du sexe sur la prolongation du QT ou la survenue de TdP comme cela a été décrit précédemment (7, 30). Il est intéressant de noter que les disparités entre les sexes n’ont pas pu être mises en évidence pour toutes les substances et qu’il pourrait y avoir des effets spécifiques (30).

La méthadone, comme traitement substitutif des personnes dépendantes aux opiacés, est reconnue pour ses effets positifs sur la mortalité et la morbidité (31, 32).

Il s’agit d’un traitement peu onéreux et sans effet secondaire hormis le risque de surdose. Ces avantages ont conduit à une augmentation des doses prescrites, parfois dépassant les hautes doses (60-100 mg/j.) considérées dans les études d’efficacité (15). De plus des études ont suggéré qu’en raison d’une variabilité des paramètres de pharmacocinétique entre les individus, les taux sériques de méthadone n’étaient pas prévisibles ; ceci tendant à conduire à une augmentation des doses prescrites (33).

Dans plusieurs cas rapportés, des données de surveillance post-marketing et une étude comparant l’intervalle QT avant et après l’introduction de la méthadone dans le cadre d’une pratique ambulatoire, la méthadone a été reconnue comme cause possible d’un QT long acquis (12, 13, 34, 35). Jusqu’ici son implication dans l’allongement du QT était considérée comme peu importante. Dans le cadre d’une pratique ambulatoire, Martell et al (36, 37) a rapporté que seulement 1.3 % des patients a présenté un allongement du QT supérieur à 0.50 seconde après l’introduction de la méthadone. La différence de population (ambulatoire vs hospitalisée) pourrait expliquer l’écart observé. Par ailleurs les doses de méthadone étaient plus importantes dans notre collectif et les co-médications plus fréquentes.

Par conséquent les présents résultats ne sauraient être appliqués à tous les patients sous traitement substitutif de méthadone mais apportent des informations

(25)

importantes pour les patients hospitalisés et quant à la contribution des différents facteurs de risque. Les données indiquent qu’un allongement significatif du QT est particulièrement fréquent lorsque plusieurs facteurs sont impliqués simultanément.

L’identification d’effets secondaires cardio-vasculaires est particulièrement importante car les patients jeunes ont rarement un monitoring cardiaque et sont susceptibles d’être exposés à des médicaments interférant avec l’activation électrique du coeur. Nous n’avons pas pu identifier une association significative entre la présence d’une infection à HIV et la durée du QT (38, 39), mais ce facteur peut avoir été masqué par le fait qu’un patient HIV positif hospitalisé a souvent de nombreuses co-médications.

Nous pouvons relever plusieurs limitations à cette étude. En effet nous ne pouvons pas exclure une différence dans la prévalence des cardiomyopathies structurelles entre le groupe méthadone et le groupe contrôle. D’autre part les données concernant l’usage de substances illégales étaient basées uniquement sur les informations rapportées par les patients et non sur des dosages toxicologiques. Nous ne pouvons dès lors assurer une similitude entre les deux groupes sur ce point. Il en est de même pour la consommation non avouée de cocaïne et d’alcool. A savoir que la consommation simultanée de cocaïne et d’alcool peut conduire à un allongement de l’espace QT par la formation de cocaéthylène (40). Enfin les données ont été collectées dans un seul centre. Nous ne pouvons dès lors pas à partir de cette étude assurer la pertinence de l’allongement du QT comme marqueur biologique prédictif de morbidité ou de mortalité.

(26)

5. Conclusion et recommandation

Nos données suggèrent que parmi les personnes dépendantes aux opiacés hospitalisées dans un centre tertiaire et sous traitement substitutif de méthadone, un allongement de l’espace QT est fréquemment mis en évidence et peut partiellement être expliqué par plusieurs co-facteurs. Les interactions médicamenteuses jouent un rôle important dans la survenue d’un allongement du QT. Une alternative sûre et efficace en cas de QT long sous méthadone existe par l’utilisation d’autres opiacés (41). Le dépistage d’un intervalle QT allongé par la réalisation d’un électrocardiogramme pourrait être proposé chez les personnes à risque en particulier après l’introduction d’un inhibiteur du CYP3A4, après augmentation des doses de méthadone et en présence d’une hypokaliémie ou d’une altération de la fonction hépatique.

(27)

6. Références

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2006 ;166 :p1280-1287

(32)

TABLE DES MATIERES

1. Introduction...1

1.1 Effets indésirables et interactions médicamenteuses……… 1

1.2 Médicaments et QT long……….3

1.3 QT long et méthadone...5

2. Méthodes ...8

2.1 Etude de la population...8

2.2 Identification des sujets ...8

2.3 Analyse de l’ECG ...9

2.4 Analyse des covariables...10

2.5 Analyse statistique...11

3. Résultats ...12

3.1 Caractéristiques des patients ...12

3.2 Prolongation de l’intervalle QT, Torsades de Pointes (TdP) et corrélation du QTc avec la dose quotidienne de méthadone...14

3.3 Facteurs associés à un allongement du QT ...17

4. Discussion ...21

5. Conclusion et recommandation...25

6. Références ...26

Figures et tables Tabelle 1 : Médicaments impliqués dans l’allongement de l’espace QT ...4

Figure 1 : Représentation graphique de l’identification et de l’inclusion des patients...9

Table 1 : Caractéristiques démographiques et électrocardiographiques des groupes méthadone et contrôle ...13

Figure 2 : ECG avec prolongation de l’intervalle QT...15

Figure 3 : Distribution des valeurs de QTc dans les groupes méthadone et contrôle (A) et corrélation entre l’intervalle QTc avec la dose journalière de méthadone (B) ...16

Figure 4 : Valeurs de QTc pour 13 patients sous traitement de méthadone et après rotation d’opiacés...17

Table 2 : Caractéristiques des patients avec et sans prolongement de l’intervalle QTc ....19

Table 3 : Modèle d’analyse multivariée pour la durée du QTc chez 138 patients ...20

Références

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