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Academic year: 2022

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Vol. 22, no 2 (printemps 2010)

Dossier : Pratiques sociales et pratiques managériales : des convergences possibles ?

Responsables : Christian Jetté et Martin Goyette

La crise des États-providence au cours des années 1980 a provoqué toute une série de réformes au sein des administrations publiques à travers le monde. Ces réformes ont pour la plupart été inspirées par un paradigme managérial désigné sous le vocable de New Public Management (NPM) ou Nouvelle gestion publique (NGP). La NGP est une école de pensée en administration publique qui fait la promotion de pratiques managériales provenant du secteur marchand et qui met l’accent sur l’atteinte de résultats en misant sur l’imputabilité des acteurs impliqués dans la production de services et la mise en place d’incitatifs à la performance1. Issus principalement des grandes écoles d’administration américaine2, trouvant ses fondements théoriques au sein de l’école du Public Choice (ou la théorie des choix publics)3, ces nouveaux modèles de gestion des services publics remettent en question le postulat wébérien d’application et de respect des normes bureaucratiques, qu’elles jugent inefficaces et dépassés, et font plutôt la promotion de pratiques de gestion dites « performantes » axées sur des indicateurs d’efficience et d’efficacité au sein des administrations publiques4.

Ces nouvelles formes de management, largement diffusées au plan international par l’OCDE et le FMI notamment, ont d’abord été expérimentées dans les administrations publiques des pays de tradition anglo-saxonne : États-Unis, Grande-

1. VARONE, Frédéric et Jean-Michel BONVIN (2004). « Regards croisés sur la nouvelle gestion publique », Les politiques sociales, nos 1 et 2, 4-17.

2. De GAULEJAC, Vincent (2005). La société malade de la gestion. Idéologie gestionnaire, pouvoir managérial et harcèlement social, Paris, Seuil.

3. BOISCLAIR, Michel et Louis DALLAIRE (2008). Les défis du partenariat dans les administrations publiques. Un regard systémique. Théorie et pratique, Québec, Presses de l’Université du Québec.

4. MERRIEN, François-Xavier (1999). « La Nouvelle gestion publique : un concept mythique », Lien social et politiques, no 41, 95-103.

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Bretagne, Nouvelle-Zélande, Australie. Leur influence s’est par la suite élargie à l’ensemble des pays occidentaux, ainsi qu’aux pays du Sud (Amérique latine, Afrique, etc.). Elles ont pris toutefois des configurations et une ampleur très différentes selon les contextes et les traditions bureaucratiques nationales5. Dans les pays scandinaves, par exemple, la NGP aurait moins servi à diminuer la taille de l’État qu’à sauvegarder l’État- providence et à « moderniser » les administrations publiques, les débats restant toutefois ouverts sur le sens de cette modernisation6. Au Canada, ces nouvelles pratiques de management ont pavé la voie dans les années 1980 et 1990 à une importante transformation de la stratégie du gouvernement fédéral en matière de politiques sociales, ainsi qu’à une recomposition de ses relations avec les provinces7. Au Québec, la NGP a été relayée à travers la Loi sur l’administration publique de 2000 et la création d’un certain nombre d’agences, de nouvelles structures administratives disposant d’une autonomie de gestion plus grande que les ministères et qui constituent une des principales innovations structurelles mises en place par le nouveau management8. Les réformes amorcées sous la direction de Philippe Couillard au ministère de la Santé et Services sociaux, et la transformation des régies régionales en agences de santé et de services sociaux en 2003, représentent à cet égard une manifestation concrète de l’application des principes de ce nouveau management à un secteur névralgique des services publics9.

Postulant l’obsolescence de l’État providentialiste, ces nouvelles pratiques de management cherchent à transformer le secteur public en y insufflant un esprit

5. DREYFUS, Françoise (2000). L’invention de la bureaucratie. Servir l’État en France, en Grande-Bretagne et aux États-Unis (XVIIIe-XXe siècles), Paris, La Découverte.

6. ALLEMAND, Sylvain, FREMEAUX, Philippe et Sandra MOATTI (2005). « Quand l’État fait sa révolution. La réforme de l’État (dossier) », Alternatives Économiques, no 240, 47-57.

7. BOISMENU, Gérard (2007). « Réinvestissement dans l’État social au Canada et instrumentalisation de la nouvelle gestion publique », dans Jane JENSON, Bérengère MARQUES-PEREIRA et Éric REMACLE, L’état des citoyennetés en Europe et dans les Amériques, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, 215-241.

8. ROUILLARD, Christian, MONTPETIT, Éric, FORTIER, Isabelle et Alain G. GAGNON (2004). La réingénierie de l’État.

Vers un appauvrissement de la gouvernance québécoise, Québec, Presses de l’Université Laval.

9. Larivière, Claude (2005). Les risques de la nouvelle gestion publique pour l’intervention sociale, Montréal, Regroupement québécois des intervenants et intervenantes en action communautaire, en ligne : http://www.rqiiac.qc.ca/pub/lariviere.htm, consultée le 19 septembre 2008.

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d’entrepreneurship afin de favoriser la créativité, la flexibilité, la concurrence et la performance10. L’objectif avoué est de renforcer le pouvoir de direction des décideurs politiques au détriment du pouvoir administratif (tout en accordant à ces derniers davantage d’autonomie au plan de la répartition des ressources) et d’orienter les stratégies de gestion et de production en fonction des besoins des utilisateurs (plutôt que des producteurs) afin de rendre des services de qualité à moindre coût. Ce principe général renvoie à son tour à un ensemble de concepts et de pratiques qui devraient favoriser l’atteinte de cet objectif : décentralisation et déconcentration des organisations et des services, délégation de responsabilités au plan local, gestion par contrats de services, mesure des résultats, gestion par projets, participation citoyenne à la gestion des services, établissement de partenariat avec le secteur privé (PPP) et le tiers secteur, contrôle des coûts financiers.

Les questions de la participation des diverses « parties prenantes » à la production des services (usagers, travailleurs et gestionnaires)11 et de la « bonne gouvernance »12 s’avèrent particulièrement cruciales dans l’application de ces nouvelles pratiques managériales (encore que les écrits sur la NGP ne s’entendent pas sur la signification de ces concepts et de leur application) puisque c’est à travers les dispositifs et les processus de consultation et d’évaluation de la qualité que devraient être obtenue l’optimisation des services.

En santé et services sociaux, l’univers épistémologique de ces nouvelles formes de management se conjugue au surplus avec celui du « Evidence-based model » ou des « Best pratices » qui tente de rationaliser le choix et l’application des modes d’intervention sur la base de recherches empiriques ayant fait l’objet de tests cliniques (et donc d’évaluation) dans le cadre de protocoles scientifiques déterminés. La

10. OSBORNE, David et Ted GAEBLER (1993). Reinventing Government – How the Entrepreneurial Spirit is Transforming the Publics Sector, New York, Plume Book.

11. MALO, François Bernard et Jean-Noël GRENIER (2008). La nouvelle gestion publique et la transformation du Réseau québécois de la santé et des services sociaux entre 1987 et 2007. Quels impacts pour les diverses parties prenantes?, en ligne : http://www.cira-acri.ca/docs/workingpapers/TexteACRI2007z6FBMJNG.pdf, consultée le 19 septembre 2008.

12. SAINT-MARTIN, Denis (2005). « La gouvernance comme conception de l’État de la troisième voie dans les pays anglo-saxons », dans Guy HERMET, Ali KAZANCIGIL et Jean-François PRUDHOMME, La gouvernance. Un concept et ses applications, Paris, Karthala, 83-96.

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popularité de ces nouvelles formes de gestion du social découle du postulat qu’en mettant en oeuvre les modèles d’intervention ayant fait l’objet d’une vérification empirique (données probantes), les pratiques deviendront plus efficaces et permettront un meilleur contrôle des coûts13. Dès lors, les pratiques issues des données probantes viennent se superposer aux nouvelles pratiques managériales dans cette quête de performance organisationnelle et d’atteinte de résultats.

Mais après plus de vingt années d’application et d’expérimentation, plusieurs affirment que nous serions actuellement, sinon à une phase de dépassement de la NGP14, du moins au « Middle age » du développement de ces nouvelles formes de management1516, et qu’au-delà des « mythes » savamment entretenus dans certains milieux quant à la supériorité de ces pratiques administratives17, il devient urgent de faire le point sur leurs véritables réalisations, leurs effets pervers, leurs paradoxes, voire pour certains leur obsolescence et leurs conséquences délétères sur les administrations et les services publics, ainsi que sur les autres producteurs de services amenés à travailler avec l’État, notamment les composantes du tiers secteur.

Le dossier que nous entendons piloter portera donc sur les transformations suscitées par ces pratiques managériales sur l’organisation des services et la démocratie dans les organisations publiques et les organismes communautaires. De manière plus spécifique, nous entendons examiner les transformations insufflées par « le virage managérial » des années 1990 et 2000 sur 1) la pratique et les conditions de travail des intervenants et des travailleurs du secteur public; 2) les orientations stratégiques des organisations qui les emploient et 3) les nouveaux partenariats interorganisationnelles qui en découlent (public, privé et tiers secteur, incluant les

13. LECOMTE, Yves (2003). « Développer de meilleures pratiques », Santé mentale au Québec, vol. 28, no 1, 9-36.

14. DUNLEAVY, Patrick, MARGETTS, Helen., BASTOWS, Simon, et Jane TINKLER (2006). « New Public Management is Dead. Long Live Digital-era Governance », Journal of Public Administration Research and Theory, vol. 16, no 3, 467-494.

15. ANECHIARICO, Frank (2007). « The New Public Management at Middle Age : Critiques of the Performance Movement », Public Administration Review, vol. 67, no 4, 783-786.

16. HOOD, Christopher et Guy PETERS (2004). « The Middle Aging of New Public Management : Into the Age of Paradox? », Journal of Public Administration Research and Theory, vol. 14, no 3, 267-282.

17. MERRIEN, François-Xavier, Loc. cit., 95-103.

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associations et les organismes communautaires) et ce, principalement dans les milieux de la santé et des services sociaux (mais pas exclusivement).

À travers ces trois grands volets, plusieurs questions surgissent qui peuvent faire l’objet d’un traitement spécifique : Quels sont les fondements théoriques et empiriques à l’origine de ces pratiques managériales ? Au-delà des questions scientifiques, n’y a-t-il pas des enjeux de nature plus politique derrière l’implantation de ces pratiques de management ? Pourquoi un tel engouement des acteurs politiques pour ces nouvelles formes de management ? Quel bilan peut-on tracer de l’application de la NGP sur les administrations publiques au Québec, au Canada et ailleurs dans le monde ? Comment ont-elles influencé l’orientation et le développement des politiques sociales, des programmes et des services publics?

Nonobstant la privatisation (qui ne ferait pas nécessairement partie des solutions préconisées par la NGP), que signifie l’introduction de principes d’action du secteur privé au sein des administrations du secteur public ? Quelle influence les nouvelles pratiques de management ont-elles eues sur les pratiques d’évaluation des gouvernements et des gestionnaires du secteur public ? Quelles sont les conséquences du transfert de dispositifs d’évaluation élaborés par et pour le secteur privé au domaine des services publics?

Par ailleurs, ces pratiques managériales n’ont pas été sans conséquence sur l’intensité et l’organisation du travail. Quel a été l’impact de ces pratiques managériales sur les conditions de travail des employés du secteur public ainsi que sur les organisations syndicales qui les représentent ? Aux dires de certains, la NGP favoriserait l’autonomie des employés et le travail en équipe. Qu’a-t-on pu observer à cet égard ? La NGP aura-t-elle permis de dépasser le taylorisme et la gestion hiérarchique du travail?

La question de la « gouvernance » est également au coeur de ces nouvelles pratiques, même si elles ne doivent pas être confondues. Comment se traduit alors l’implication de ce que les experts désignent comme les parties prenantes (usagers, gestionnaires et travailleurs) aux processus de gestion des administrations publiques ? S’agit-il là d’une avancée pour la démocratie participative ? Le préjugé favorable de la NGP envers la décentralisation et la déconcentration s’est-il traduit par une véritable délégation de pouvoir aux instances locales ou régionales ? Quelle place pour les

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citoyens et les citoyennes, et pour les utilisateurs de services au sein des administrations publiques remodelées par la NGP ? Comment se sont redistribués les pouvoirs entre acteurs politiques et acteurs administratifs à l’intérieur des administrations publiques suite à l’adoption des pratiques dites de « bonne gouvernance »?

Enfin, quel a été l’impact du virage managériale des années 1990 sur les partenariats avec les producteurs de service externes aux services publics (privé, communautaire et économie sociale) ? La contractualisation des rapports entre l’État et ces producteurs de services respecte-t-elle l’autonomie de chacun des partenaires ? Entraîne-t-elle une diminution des coûts ? une amélioration de la qualité des services ? Des compromis sont-ils possibles entre les pratiques managériales issues de la NGP (principe d’efficacité instrumentale) et les pratiques de prise en charge des populations et des communautés exigeant une participation citoyenne (principe civique) ? Finalement, la santé et le bien-être des populations ont-ils bénéficié des retombées de ces nouvelles pratiques managériales?

Voilà en gros les questionnements qui seront à la base de ce numéro de la revue Nouvelles pratiques sociales et auxquels devraient répondre les auteurs intéressés par le dossier. Ces interrogations couvrent un large spectre de problématiques (qui ne seront probablement pas toutes couvertes, mais nous tenions tout de même à les inscrire afin de démontrer l’étendue de l’impact de ces pratiques de management sur l’évolution et le développement des administrations et des services publics), c’est pourquoi nous souhaitons interpeller des auteurs de différentes disciplines (gestion, sciences politiques, relations industrielles, sociologie, travail social, etc.) et provenant du Québec et d’ailleurs.

Les manuscrits doivent être soumis avant le 15 avril 2009 par courrier électronique à Nouvelles pratiques sociales (nps@uqam.ca).

Pour toute question relative à ce numéro thématique, les auteurs sont invités à communiquer avec les responsables :

Christian Jetté Martin Goyette

Professeur-chercheur Professeur-chercheur

École de service social École nationale d’administration

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Université de Montréal publique (ENAP)

Tél.: (514) 343-6111 (poste 5318) Tél.: (514) 849-3989 (poste 3987) christian.jette @umontreal.ca martin.goyette@enap.ca

Rappel : Vous trouverez le guide pour la présentation des articles dans la revue et vous pouvez le consulter sur notre site Web (http://www.nps.uqam.ca/appel/guide.php); toutefois, nous précisons déjà qu’aucun article ne devra dépasser 35 000 caractères (espaces compris), notes, bibliographie et tableaux inclus.

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