Perspective : points de vues et limites de la perspective 1) Les règles de la perspective selon Alberti
Introduction sur la perspective et ses règles de construction avec l'exemple ci-après donné dans le Traité de Stéréotomie comprenant les applications de la géométrie descriptive à la théorie des ombres, la perspective linéaire, la gnomonique, la coupe des pierres et la charpente, par C.-F.-A. Leroy, 1877, Paris, Gauthier-Villars. (ancien professeur à l'Ecole Polytechnique, successeur de Monge, Hachette puis Duhays de 1817 à 1848)
"Le problème qui aurait pour but de retrouver la forme et la position d'un objet original dont la perspective est donnée sur un tableau plan, serait une question toujours indéterminée, absolument parlant, quand même on connaîtrait la situation du point de vue pour lequel ce tableau a été construit."
En effet, les dimensions de l'objet ne peuvent être déterminées. On peut le diminuer ou l'agrandir et modifier la perspective sur le tableau de manière à ce que le dessin ne change pas. Ce n'est qu'en comparant avec des longueurs connues et situées dans un même plan de front que l'on pourrait juger de certaines dimensions.
Reprenons les règles de constructions de la perspective énoncées pour la première fois explicitement par Léon Battista Alberti (1404-1472) pour retrouver sur les exemples ci-après le point de fuite principal, points de distance et donc point de vue du tableau :
Le damier et le vocabulaire de base
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Exemple 1 : Etant donnée la perspective d'un pilastre carré (pilier parallélépipédique), trouver les éléments demandés, c'est-à-dire le points de fuite principal et les points de distance pour retrouver le point de vue.
Les droites supports des côtés sont parallèles et vont se rejoindre sur la ligne d'horizon, tout comme le regard, puisque perpendiculaire au plan frontal. On a trouvé le point de fuite principal. Le premier point de distance s'obtient à l'intersection d'une diagonale et de cette ligne d'horizon mais aussi entre deux diagonales parallèles.
Si la figure précédente avait un plan de construction dans le plan frontal, il n'en est pas toujours ainsi.
Exercice suivant pour retrouver les propriétés
puis exemple 2 pour retrouver le point de vue et enfin, les stagiaires pratiques sur l'exercice pour trouver
le point de vue.
Exercice :
Cet exercice provient d'un exercice de la spécialité du baccalauréat L 2007 où il est demandé de reproduire en annexe une figure en perspective centrale connaissant une représentation en perspective parallèle.
Le dessin ci-contre représente une maison en perspective parallèle.
ABCDEFGH est un pavé droit dont les faces ABCD et EFGH sont horizontales et constituent respectivement le sol et le plafond de la maison. L’arête [AE] est donc verticale.
Les deux faces ABCD et EFGH sont des carrés.
EFGHNL est un prisme droit ; la base EFN de ce prisme droit est un triangle isocèle en N dont la hauteur [NM] est telle que NM = AE.
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De même, en supposant que le pilastre ne soit pas vu de face.
Soit O le point de vue recherché.
(AG) // (FB) qui se rencontrent au point de fuite F.
(AB) // (GF) qui se rencontrent au point de fuite F'.
(OF) est parallèle aux premières et (OF') aux secondes droites. Comme ABFG est un carré (AG) (AB) donc (OF) (OF') donc O est sur le cercle de diamètre [FF'].
Comme (AF) est la bissectrice (diagonale du carré) de , cette droite coupe (FF') en F" . La bissectrice de lui sera parallèle donc passera par F" .
Soit I le point du cercle situé sur la perpendiculaire à (FF') passant par le centre du cercle et non situé du côté de O. L'angle au centre étant 90°, celui en O () sera de 45°, la bissectrice recherchée !
O est donc le point du cercle situé sur (IF" ). On trouvera ensuite le point de fuit principal et éventuellement les points de distance associés.
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Exemple 2
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Une anamorphose est une image que l'on a déformée, en manipulant ses proportions et ses angles.
On en distingue de deux sortes, suivant le procédé pour "rectifier" l'image.
1) Anamorphoses obliques (ou directes).
"On donne le nom de perspective curieuse à un dessin exécuté pour un point de vue tel que tous les rayons visuels forment avec le tableau des angles très aigus (beaucoup en dessous de 45°), ce qui suppose que le point principal est situé au- dehors du cadre; et voici la raison de cette dénomination. Lorsqu'on présentera un pareil tableau à un observateur, il ira tout naturellement se placer en face, et, dans cette position, il cherchera en vain un point de vue satisfaisant; …"
dans le Traité de Stéréotomie comprenant les applications de la géométrie descriptive à la théorie des ombres, la perspective linéaire, la gnomonique, la coupe des pierres et la charpente, par C.-F.-A. Leroy, 1877, Paris, Gauthier-Villars.
Et même s'il le trouve par tâtonnement, la mise en situation lui fera mal apprécier les distances. Il lui faudra un appareil (lunette, cloison percée d'un petit trou) pour isoler la vue des autres objets environnants pour enlever les comparaisons.
La plus connue : Les Ambassadeurs
Les premières images qualifiées, depuis le 17e siècle, du terme d'anamorphoses apparaissent au cours des
années 1530 dans le milieu artistique nurembourgeois (peintures et gravures) ; elles sont alors du seul
type de l’anamorphose plane et ce pendant un siècle. À partir de 1630, de nouveaux types sont imaginés
par des géomètres férus de perspective et d’optique, faisant intervenir des phénomènes de réflexion et de
réfraction ; les auteurs les plus marquants sur ces questions sont alors I. L. Sr de Vaulezard (Perspective
cylindrique et conique, 1630), J. F. Niceron (La perspective curieuse, 1638 ; Thaumaturgus opticus, 1646)
et J. Dubreuil (La perspective pratique, 1642-1649). Après une floraison importante au 17e siècle, le
genre perd de son intérêt aux 18e et 19e siècles avant de retrouver un regain de faveur au 20e siècle,
notamment auprès des surréalistes.
La plus célèbre des anamorphoses est située dans la partie inférieure du tableau de Hans Holbein que l'on nomme Les Ambassadeurs. La forme oblique bizarre et blanchâtre que l'on voit au sol, entre les deux personnages, apparaît comme un crâne soit quand on la regarde à partir d'un point de vue à droite, au ras du mur, soit quand on l'aperçoit à travers un verre cylindrique : c'est ce que pourrait voir un bon vivant qui lèverait sa flûte de champagne en l'honneur des personnages (comme le remarque Edgar R. Samuel dans son article Death in the glass, a view of Holbein's Ambassadors dans The Burlington Magazine, octobre 1963.
Ce tableau, peint en 1533, représente Jean de Dinteville (à gauche, envoyé par François Ier en mission auprès de Henry VIII) et Georges de Selve, Evêque de Lavaur. Il est une des premières vanités : lorsque ce sont des portraits, on y voit le personnage entouré d'objets qui rappellent ses intérêts ou ses joies (sciences, musique, poésie, …) pendant qu'un symbole de mort invite à une réflexion métaphysique sur la durée de vie et l'usage que l'homme en fait.
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La plus ancienne est de Léonard de Vinci
On connaît de Léonard de Vinci, cette anamorphose d’un visage d’enfant et d’un œil (1485, Codex Atlanticus).
À regarder depuis la droite du dessin, en regard frisant.
Inversement, les anamorphoses permettent de rendre plus facilement identifiable une image dans les cas
particuliers où elles ne sont pas tracées sur une surface plane (voûte d'une église)
Diverses propositions d'anamorphoses. Etude des modifications apportées par la distance et les surfaces courbes, par Grégoire Huret (1606-1670) dans Optique de portraicture et pinture en deux parties. La première est la perspective pratique accomplie pour représenter les somptueuses architectures des plus superbes bâtiments en perspective par deux manières (théorie et pratique). La deuxième partie contient la perspective spéculative (…), 1670.
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L'anamorphose est à l'image ce que le cryptage est à l'écrit : une façon de brouiller le message visuel.
Comme pour le texte codé, retrouver l'image cachée peut procurer un plaisir intellectuel intense auquel s'ajoute un plaisir esthétique.
Erhard Schön, Vexierbild : "Aus, du alter Tor" , 1635.
Sur cette gravure de Erhard Schön, élève de Dürer, le côté voyeur de l'effet de trou de serrure rehausse le piquant de la représentation cachée. Il fait habilement usage de l'ordre dans lequel sont regardées la partie apparente de l'image et la partie secrète. L'anamorphose est le dénouement de la scène du couple mal assorti. L'image déformée montre la suite de l'histoire que l'image normale laissait présager.
l'anamorphose "rectifiée" à l'aide d'un logiciel de traitement d'images.
Le vieillard détroussé n'a plus qu'à déguerpir…
L'anamorphose plane directe
On réalise l'image perspective d'un quadrillage. Il suffit ensuite d'utiliser le quadrillage pour repérer des points de l'image à anamorphoser, puis de les reporter sur le quadrillage image.
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Construction mécanique
Le dessinateur utilise une variante rigide du voile d’Alberti, appelée portillon de Dürer ( ou fenêtre de Dürer ). Il dessine sur du papier dont le quadrillage correspond à celui du portillon. Un bâton à vis indique la hauteur de ses yeux, qui doit rester fixe.
On retrouve chez Jean-François Nicéron (Thaumaturgus Opticus, Rome, 1646, pl. 24) cette construction géométrique d'une anamorphose qui doit être "rectifiée" quand on la regarde depuis la mire RP et à partir de P.
Jean-François Nicéron, dispositif de la construction de l'anamorphose de la Trinité des Monts à Rome
(1642).
Il ne reste de lui qu'une gravure mais son confrère (frère minimes) Emmanuel Maignan a peint une énorme fresque anamorphotique dans le couvent de Sainte Trinité des Monts à Rome.
Ce procédé nécessite l'emploi d'un appareillage lourd et permanent sur le lieu de construction. Il demande la collaboration permanente de deux personnes au moins. D'autre part, les risques d'erreurs sont importants à cause des approximations inévitables (repérage d'un point, visée, tension du fil)
Aujourd'hui, avec une impression sur du verre ou une feuille transparente et une visée laser ou par un point lumineux rendrait ce dispositif plus fiable.
Un autre inconvénient de cette construction. Chez Nicéron et Maignan, le panneau fictif, dans sa position de repérage d'un point, est dans un plan perpendiculaire au plan du mur. Cette position interdit que le point de vue se projette orthogonalement au centre de ce panneau ; ainsi l'observateur futur de l'anamorphose ne pourrat-il pas obtenir l'illusion de voir un carré en position frontale. Pour créer cette sensation, il est nécessaire de positionner le panneau fictif à l'oblique par rapport au mur.
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Construction géométrique et avec l'aide de logiciels de géométrie dynamique
Il s'agit ici la méthode de construction, décrite par Didier Bessot, de l’anamorphose plane entièrement graphique.
La figure ci-dessus donne l’illustration de cette méthode. Le quadrillage ci-dessous représente le panneau fictif quadrillé.
Ce panneau et sa grille sont projetés à partir d’un point O situé à l’altitude de la médiane (AB) du carré.
La partie inférieure de la figure montrer le dispositif de projection dans le plan horizontal passant par le point de vue O. Le premier problème à résoudre est celui du positionnement du panneau fictif par rapport au mur. Le côté [IJ] de ce panneau touchant le mur, il faut déterminer l’angle que panneau et mur doivent faire entre eux afin que le rayon principal de vision (OH) soit perpendiculaire au panneau.
Dans la construction d’une anamorphose plane, réalisée à partir d’une image normale, la dimension qui s’impose le plus souvent est la longueur disponible sur le mur ou plus généralement sur le support de la réalisation ; sur la partie inférieure, il s’agit de la longueur [AB’]. En pratique, la connaissance de cette longueur est plus importante que celle de la largeur de l’image originelle, AB.
On considère comme donnée la longueur de l’anamorphose et la position du point de vue. Dans le plan
horizontal passant par O, on place donc O, A et B’. On trace les segments [OA], [OB’], qui sont les rayons
extrêmes de la pyramide visuelle dans ce plan. Il convient alors de mesurer, même grossièrement l’angle ,
afin de s’assurer qu’il est dans les limites du champ visuel. On construit ensuite la bissectrice de l’angle
qui constitue le rayon visuel principal ; enfin la perpendiculaire à cette bissectrice passant par A coupe
AB’ en B, le segment [AB] étant la médiane horizontale du panneau fictif. Puis on subdivise [AB] en
autant de segments que la grille construite sur le panneau fictif en comporte, obtenant ainsi, dans le cas de
la figure représentant le quadrillage, les points C et D. En traçant (OC) et (OD), on obtient les projections C’ et D’ de ces points sur le plan de l’anamorphose. Les points successifs A’, C’, H’, D’ et B’ permettent le positionnement des verticales du réseau anamorphosé, images des verticales de la grille d’origine. On peut alors commencer le tracé du réseau anamorphosé que montre la partie inférieure de la figure, construite sur le plan de projection, le mur.
On trace d’abord l’horizontale (AB’) qui contient aussi le point S, projeté orthogonal de O sur ce plan.
Puis en partant de la partie supérieure, on trace les verticales passant par A, C’, H’, D’ et B’. La subdivision de sens horizontal de l’anamorphose est obtenue. Il reste à construire la subdivision dans le sens vertical. On projette pour cela le point O, dans le plan horizontal qui le contient sur le mur, parallèlement au plan du panneau fictif, ou, ce qui revient au même, parallèlement à (AB). Le point F obtenu est rappelé sur la figure représentant le quadrillage. En ce point F, concourent les obliques images des horizontales de la grille d’origine. Pour les déterminer, on place sur la verticale passant par A, les points I, J, R et N qui divisent le côté du panneau fictif en contact avec le mur (en utilisant le rapport d’agrandissement réduction si nécessaire). Les droites (FI), (FR), (FN) et (FJ), coupant les verticales précédemment tracées, complètent le réseau anamorphosé, image de la grille initiale. (Il convient cependant de justifier que toutes les obliques du réseau concourent en F, et non, par exemple, en S).
La figure suivante présente la construction classique de l’image perspective d’un quadrillage situé dans un plan horizontal, FP étant le point de fuite principal, D le point de distance.
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La figure suivante montre que l’image du même quadrillage, vu du même point, mais le plan du quadrillage étant relevé autour de la ligne (MN) d’un angle ; F est le nouveau point de fuite, D
1le nouveau point de distance, tous deux associés au nouveau plan du quadrillage. D’autre part, FD
1est égal à FD (cf annexe pour une démonstration).
La dernière phase consiste à répéter la même construction en utilisant une distance courte, comme cela est
fait dans la figure ci-dessous.
Annexe, démonstration du résultat évoqué ci-dessus :
Sur l'image ci-dessous, FP est le point de fuite principal de l'image sur un plan horizontal d'un quadrillage situé sur un plan vertical. On y trouve également l’image du même quadrillage, vu du même point, mais le plan du quadrillage étant relevé autour de la ligne (MN) d’un angle ; F est le nouveau point de fuite, D
1le nouveau point de distance, tous deux associés au nouveau plan du quadrillage.
On a FD
1égal à FD.
Le plan vertical contenant le quadrillage est le plan P et celui formant un angle avec P est le plan Q. Le point à partir duquel on effectue les images perspective sur les deux plans de ce quadrillage est le point O.
Les éléments sont ceux de la figure ci-après.
Le triangle OF'FP est un triangle rectangle en FP dont les côté adjacents au point O sont de longueurs d et d'. Comme les triangles F'FPD
1et F'OFP sont isométriques (deux longueurs égales OFP = FPD
1et F'FP commune autour d'un même angle - droit), l'angle en D
1dans le triangle F'FPD
1est aussi égal à et la longueur F'D
1= d' = OF'.
De plus, par la règle des points de distance, OF' = F'D
1' = F'D
1. Ces dernières égalités permettent d'obtenir le résultat énoncé.
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L'anamorphose étudiée analytiquement
Un plan (P) est muni d'un repère orthonormal direct (A;,). Le plan (Q) est sécant à (P) sur la droite (A;).
On construit sur (Q) le repère orthonormal direct (A;,). L'espace est ainsi muni d'un repère (A;,,).
O est un point de l'espace ne se trouvant ni sur (P), ni sur (Q) et S sa projection sur le plan (Q) parallèlement au plan (P). Ainsi (SO) // (A;).
H I
O J
S A
i
j k
P
Q
. M' M
M1