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MODÉLISATION ÉTHIQUE DE LA RECHERCHE COLLABORATIVE D’INFORMATION

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DE LA RECHERCHE COLLABORATIVE D’INFORMATION

Cas de la relation médecin-patient-système d’information

JÉRÔME BÉRANGER

Le monde numérique n’est pas un univers austère constitué uniquement de chiffres. Les technologies ne sont pas que des instruments, ce sont également des supports d’affordances impliquant des valeurs et des interprétations de la réalité environnante. Toute technologie porte en elle une charge éthique importante. Chaque personne, chaque outil possède une éthique, émane un message, un sens qui lui est propre. Les utilisateurs perçoivent cet espace numérique sous des angles de vue différents qui peuvent être réels, fictifs ou symboliques. Désormais, la communication homme-machine constitue un enjeu important dans la relation médecin- patient. Cette situation suppose la nécessité de l’amplification d’un dialogue et d’un constat humain entre le praticien et son malade. À partir de ce constat, nous avons établi une approche par un modèle éthique qui cherche à donner une intelligibilité, c’est-à-dire un sens au phénomène. Pour cela, nous nous sommes basés sur les quatre principes de la bioéthique : l’autonomie, la bienfaisance, la non-malfaisance et la justice. Ce modèle constitue une représentation simplifiée qui fournit aux individus différents moyens de comprendre ce qu’ils réalisent, leur organisation et

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l’environnement qui les entoure. L’intérêt de ce modèle est donc de permettre une analyse complète d’une recherche collaborative d’information et de l’interface homme-machine ou encore « infosphère » qui concilie à la fois la technologie et l’éthique. On assiste alors à une triangulation de la relation médecin-patient avec un dispositif technologique qui devient un partenaire à part entière de la prise en charge des soins. L’harmonie et l’équilibre de cette relation de santé intégrant le système d’information passe nécessairement par le dialogue et le compromis entre la technique rationnalisant, d’une part, et la conscience humaine, d’autre part.

1. Introduction

Pendant longtemps, l’investigation diagnostique via l’imagerie médicale a été accusée d’amplifier une rupture dans la relation médecin-patient.

L’élaboration des applications informatiques et numériques destinées à la recherche collaborative d’information auprès des professionnels de santé ne prend pas assez en compte la nature et les besoins réels de l’acte thérapeutique (Mennerat, 2009). Pour certains, le système d’information (SI) en santé contribue à l’« assimilation mécanique du corps humain qui met à l’écart l’épaisseur de l’homme » (Le Breton, 1999). Son utilisation par le praticien induit une vision réductionniste, dualiste et mécanique, héritée de la tradition cartésienne.

Aujourd’hui, la communication homme-machine constitue un enjeu technologique, industriel et social fort. La difficulté n’est plus seulement d’augmenter encore ces performances, mais d’améliorer les échanges d’information avec l’utilisateur humain, en s’adaptant à ses attentes et à ses compétences. Toute technologie définit une relation entre les êtres humains et leur environnement, tant humain que physique.

Aucune technologie ne peut être considérée comme purement instrumentale. Le facteur humain et donc l’interaction homme-ordinateur est primordiale. Dans un contexte pluridisciplinaire, cette interrelation prend d’autant plus d’importance dans la relation médecin-patient. C’est pourquoi, l’évolution des SI en santé se fonde sur des interactions humaines qui sous-tendent la conception, la mise en place et l’utilisation de l’outil technologique. Cette situation suppose la nécessité de l’amplification d’un dialogue et d’un constat humain entre le praticien et son malade.

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Désormais, la linguistique, l’éthique, la psychologie cognitive et sociale doit être intégrée au même titre que la culture informatique dans les modèles informatiques. Dans cette perspective, la recherche collaborative d’information apparaît comme un système technologique avec des caractéristiques sociales, psychologiques, sociologiques et éthiques.

2. Le modèle éthique d’analyse

La première chose à faire pour comprendre un phénomène, c’est d’abord de l’isoler précisément. Il y a donc un découpage de la réalité, un cadrage pertinent qu’il est nécessaire de réaliser. Un modèle permet d’aider à cadrer l’analyse, c’est-à-dire cerner les acteurs, les enjeux, les dimensions du phénomène. Une fois le cadrage réalisé, apparaissent les éléments à étudier. Il faut alors les mettre en relation.

Un SI n’est pas seulement un outil que l’on peut analyser isolément. Il est rattaché de manière intrinsèque à l’ensemble d’une organisation ainsi que dans la politique et la stratégie de la structure qui l’utilise. Une démarche éthique doit rechercher des équilibres. Elle permet de mettre en avant des faits comme des enjeux humains qui vont dans le sens d’une meilleure prise en charge des patients, tout en maintenant qualité et motivation des équipes soignantes, et l’actualisation de l’offre technique.

Dans ce contexte, il nous a paru inconcevable de vouloir traiter un SI orienté vers la recherche collaborative d’information sans aborder tous les paramètres environnementaux du réel existant dans le fonctionnement d’une structure. À partir de ce constat, nous avons pu répartir quatre domaines précis d’ordre :

– structurel et technologique ; – stratégique et méthodologique ; – organisationnel et réglementaire ; – relationnel et culturel.

Toute analyse rigoureuse demande la réalisation et l’application d’un cadre précis, un espace afin de partir sur des fondements cohérents et justes sur le sujet. La notion « d’espace » s’avère davantage propice à l’expression et aux débats, aux partages d’expériences, à l’acquisition et à l’appropriation des connaissances, à commencer par les connaissances scientifiques et techniques. Elle favorise « le jugement critique et l’exercice

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assumé de la liberté qui se confronte à la vérité d’autrui » (Malzac, 2010).

Cet espace a pour vocation de devenir un lieu de convergence ou de

« cristallisation » de toutes les initiatives en matière d’éthique appliquée aux soins par rapport aux SI. Cette notion d’espace symbolise la liberté de parole et l’ouverture d’esprit illustrée par :

– La pluridisciplinarité et la pluralité des opinions ;

– La favorisation d’une disposition au questionnement plutôt que la recherche d’un consensus.

Figure 1. Espace éthique

Pour cela, nous nous sommes appuyés, d’une part, sur l’approche cindynique1 fondé par Kerven (1995) qui présente l’éthique au sein des organisations comme une « technologie de structuration de l’hyperespace cindynique » et comme un questionnement essentiel sur les finalités, les valeurs et les règles. D’autre part, sur le concept employé par Höffe (1991) pour analyser la justice selon trois « degrés ». Ces degrés lui ont permis de pouvoir qualifier plus précisément les niveaux d’évaluation et de légitimation des obligations et des devoirs. Dans ces conditions, notre

1. Cette approche propose des concepts essentiels pour l’éthique pratique à travers l’étude des sciences du danger.

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espace éthique est constitué de trois dimensions bien distinctes appliquées à l’outil SI et à sa structure d’accueil (voir figure 1) :

– une dimension axiologique : comprenant les valeurs ; – une dimension téléologique2 : décrivant les finalités ;

– une dimension déontologique : expliquant les règles, les normes, les lois, les codes, les standards et les limites.

On peut constater que les plans respectifs organisationnel et technologique puis politique et stratégique constituent les paramètres environnementaux du réel, alors que le plan éthique s’oriente exclusivement sur la vision éthique du sujet.

Par ailleurs, ce modèle conceptuel constitue une représentation simplifiée qui fournit aux individus différents moyens de comprendre ce qu’ils réalisent, leur organisation et l’environnement qui les entoure. Cette exposition à un modèle préétabli apporte la possibilité de modifier notre conception et notre attitude à aborder les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) en santé, sur le plan individuel ou collectif, dans un contexte d’organisation de prise en charge des soins. Cette approche par un modèle cherche à donner une intelligibilité, c’est-à-dire un sens au phénomène. Dans cette perspective, nous nous sommes appuyés sur notre espace éthique ainsi que sur les différents modèles Beauchamp et Childress (2001), Massé (2003), Vézina (2006) afin d’élaborer notre propre modèle et cadre théorique éthique.

On se basera donc sur les quatre principes de la bioéthique : le principe d’autonomie, le principe de bienfaisance, le principe de non-malfaisance et le principe de justice. À partir de cela, nous étudions la conception, la mise en œuvre et l’utilisation d’un SI de pour la recherche collaborative d’information appliqué à la santé, en investiguant des secteurs précis et concrets. Ces domaines constituent des « justifications du réel », véritables

2. Le concept de l’agir téléologique est largement développé par Habermas dans

« L’agir communicationnel ». Ce dernier réalise un but ou provoque l’apparition d’un état souhaité en choisissant et utilisant de façon appropriée les moyens qui, dans une situation donnée, paraissent lui assurer le succès. « Ce modèle d’action est souvent interprété dans un sens utilitariste ; on suppose alors que l’acteur choisit et calcule les moyens et les fins du point de vue de l’utilité maximale ou de l’utilité attendue » (Habermas, 1987).

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clés de lecture de la réalité, représentées par les paramètres environnementaux du réel.

Enfin, notre analyse sur les problématiques éthiques concernant les SI, nous amène à réfléchir sur les objectifs majeurs que comporte un SI en santé, puis de manière plus globale, sur les enjeux éthiques d’une structure de santé, notamment en relation avec l’information médicale et ses patients. En effet, une analyse complète sur l’outil SI ne peut se faire sans étudier en profondeur l’environnement qui le fait fonctionner, en l’occurrence les acteurs de la santé et plus globalement les structures de santé. Cela revient donc à nous interroger sur la place et le rôle du SI au sein de la relation soignant-soigné.

L’intérêt de ce modèle est de permettre une analyse complète d’un SI et de l’interface homme-machine ou encore « infosphère » 3 qui concilie à la fois la technologie et l’éthique. Pour être efficace et conforme à la réalité, cette modélisation doit être configurée selon :

– les contenus et les services employés, la sensibilité des informations et des opérations ;

– les utilisateurs du SI, en tenant compte de leur situation et de leur rôle ;

– le dispositif, en relation avec sa fonctionnalité, sa morphologie et son comportement.

L’objectif du paradigme de l’infosphère s’inscrit principalement dans la perspective de définir cette modélisation. Ainsi, les problèmes éthiques qu’engendre cet espace numérique sont mieux compris comme étant des problèmes d’environnement de la réalité (Floridi, 2002).

Ce modèle représente donc un outil de traduction du langage technique vers un langage éthique, et inversement. Il permet la conjonction entre l’ « info-signal » de la technologie et l’ « info-signification » prônée par l’éthique.

On assiste alors à une triangulation de la relation médecin-patient avec un dispositif technologique qui devient un partenaire à part entière de la prise en charge des soins.

3. Terme employé par Floridi (1998) désignant l’environnement où se développe l’information. Cet espace est représenté par la zone carrée centrale de la figure 3.

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3. La triangulation médecin-patient-SI

La présence de l’Internet dans le cabinet médical est désormais avérée.

Les professionnels de santé considèrent cet outil de télécommunication comme étant une ample bibliothèque facilement accessible. Plus de la moitié l’utilisent quotidiennement pour leur pratique clinique, y trouvant une information qu’ils estiment globalement pertinente (Lupianez- Villanueva et al., 2010). Les NTIC deviennent un complément de la relation médecin-patient susceptibles de devenir le support d’une transformation de cette relation (Méadel et Akrich, 2010). Le SI n’est plus seulement un ensemble d’éléments technologiques, il correspond désormais à une façon d’être, à un tissu relationnel avec les personnes qui l’appréhendent et l’exploitent. Le patient peut être à la fois sujet et objet de la pratique médicale. Ces enjeux éthiques de cette double position ne peuvent être dissociés des réalités qui accompagnent l’acte thérapeutique.

Le malade est donc un « sujet qui navigue entre l’individuel et le social » (Meyers, 2010). Cette situation suppose la nécessité d’une amplification d’un dialogue et d’un constat humain entre le praticien et son malade.

Désormais, la linguistique, l’éthique, la psychologie cognitive et sociale doit être intégrée au même titre que la culture informatique dans les modèles informatiques. Le SI n’est plus seulement un ensemble d’éléments technologiques, il correspond désormais à une façon d’être, à un tissu relationnel avec les personnels qui l’appréhendent et l’exploitent.

Dans ces conditions, la technique devient une médiation qui s’intercale entre l’homme et son environnement. Dans un contexte social et naturel, les rapports humains se restructurent en prenant en compte la technologie.

Pour Tinland, « l’univers technique est loin d’être un vis-à-vis en situation d’extériorité par rapport à nous, mais aspire nos activités vers sa mouvance, structure nos désirs et nos projets, transforme nos relations » (Tinland, 1994). Nous employons le terme d’interface homme-machine afin de désigner le périmètre englobant tous les aspects des SI qui influencent la participation des utilisateurs internes ou externes à des missions informatisées. Elle représente l’ensemble des dispositifs logiciels et matériels permettant à un utilisateur d’interagir avec un système interactif. Cette interface comporte les éléments de la conception, de l’implémentation et de l’évaluation des SI interactifs. Cela vise à la compréhension entre les personnes et les autres éléments d’un système

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technologique. Par nature, l’interface intervient autant auprès de la machine que de l’humain du fait qu’elle se trouve à leur frontière.

Désormais, l’étude d’un SI doit s’accompagner d’une approche holistique prenant en compte des paramètres cognitifs, sociaux, organisationnels, structurels et environnementaux. Aristote disait : « La raison d’être de toute chose réside dans sa fonction » stipulant par là que la fonction et la finalité d’une chose justifie son existence. À partir de ce constat, une interrogation s’impose à nous : quelle est la place du SI au sein de la relation médecin-patient ?

Pour tenter de répondre à cette question, deux approches se confrontent. D’une part, l’approche technocentrée qui positionne la machine et ses possibilités au cœur des attentions. L’utilisateur doit alors s’adapter à l’outil technologique. Ceci contribue à considérer la technologie comme un simple support au diagnostic pour la prise en charge du soin.

D’autre part, l’approche anthropocentrée qui place l’homme et ses besoins au centre des préoccupations. La machine doit s’adapter aux utilisateurs. Cette vision perçoit l’outil technique comme une aide à la décision partagée prenant en considération les exigences et les attentes du professionnel de santé et du malade. Elle a pour enjeu de répondre aux besoins communicationnels et aux modes de raisonnement des utilisateurs en faisant corps avec eux. Cette interface doit refléter toutes les composantes humaines (y compris les moins rationnelles) qui motivent et impliquent l’utilisateur dans la tâche qu’il a à accomplir. Elle a un rôle structurant pour l’utilisateur en provoquant des confrontations et des résistances culturelles.

À partir de la définition et de la description que nous avons faite de l’interface homme-machine, il nous semble plus cohérent de la désigner comme un médiateur entre des humains qui communiquent, un

« adaptateur d’impédance » avec une machine (Caelen, 2011). Le SI s’intègre dans le dispositif-même de la communication pour devenir l’un des partenaires et participer à la résolution d’une action ou d’un problème.

Il prend une place à part entière au sein du dialogue socialisé entre le praticien et son patient. Cette approche anthropomorphique sur l’identité de l’outil technologique conforte l’idée d’une « triangulation de la relation médecin-patient-SI » (voir figure 2).

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Figure 2. Triangulation de la relation médecin-patient-SI Capteur

Conscience Jugement

Conscience Jugement

Communication orale : Relation médecin-patient

Transmission des informations médicales simplifiées Transmission des informations médicales complètes

Adaptations / Evolutions

Signaux d’alerte / Indicateurs de suivi Signes / Actions : Transduction des données

Diffusion des données : Transduction des données

Patient Connaissance

du diagnostic Concepteur

du SI

Adaptation

Décision médicale partagée

Capteur Conscience

Jugement

Recherche collaborative d’information

Situatio

Perception

Action Action

Situation

Perception Interface :

Homme- Machine

Médecin SI

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Cette nouvelle disposition dans la relation soignant-soigné n’est pas sans rappeler la « règle des trois M » d’Hippocrate qui considère le malade, le médecin et la maladie comme trois entités indissociables dont aucune ne saurait être négligée. Concernant notre triangulation, la maladie qui fait partie de l’environnement global, d’un bruit de fond dans la prise en charge du soin, a été remplacé par le SI. Cette circulation triangulaire de l’information médicale et notamment de l’image numérique devient caractéristique de la relation entourant le soin en radiologie (Leclère et al., 1996). Cette relation tripartite médecin-patient-SI entourant la recherche collaborative d’information se décrit de la manière suivante.

Le patient transmet des données en direction du SI. Après avoir pris en compte la situation et perçu les attentes du malade, le dispositif informatique lui diffuse des informations médicales simplifiées. De son côté, le médecin fait fonctionner le SI en lui donnant des ordres traduits par des signes et des actions. En retour, l’outil technique lui envoie des informations médicales complètes après avoir analysé la situation et ressenti les besoins de ce dernier. On peut constater que le passage des données provenant de l’esprit humain (patient et médecin) aboutissant à une transcription sous forme numérique auprès du SI implique une compression de ces données4. Ce phénomène signifie simplement que les acteurs ont diminué la quantité globale de données dans un signal de manière à maintenir l’utilité des données transmises5.

4. Dans l’informatique et la théorie de l’information, la compression des données, le codage source ou la réduction du débit binaire sont des processus d’encodage des informations qui utilisent moins de bits que la représentation originale. La conception des systèmes de compression de données implique des arbitrages entre différents facteurs, y compris le degré de compression, la quantité de distorsion introduite (si on a affaire à un système de compression avec perte), et les ressources de calcul nécessaires pour compresser et décompresser les données. On emploie le terme de « Lossless » pour désigner les algorithmes de compression exploitant la redondance statistique de manière à représenter les données de l’expéditeur de manière plus concise, sans erreur.

5. Le contexte théorique de compression avec perte est fourni par la théorie débit- distorsion. Ces domaines d’études ont été essentiellement créés par Claude Shannon. La théorie du codage est également liée. L’idée de la compression des données est profondément liée à l’inférence statistique.

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Cette tendance naturelle se réalise via des notes et des codes, ainsi que par un menu déroulant de choix à exécuter qui seront pris en compte par le SI. Cette étape peut être assimilée de manière analogique à une transduction, c’est-à-dire un dispositif qui convertit une grandeur physique (énergie ou signal) en une autre (Scott et Haig 2010). Dans ces conditions, le patient et le médecin peuvent être caractérisés comme des transducteurs.

On peut prendre l’image d’un haut-parleur qui transforme un signal électrique en un signal sonore. Remarquons que cette compression des données peut être considérée comme un cas particulier de la

« différenciation des données » qui consiste à produire une différence de données entre la source et la cible. Dans ce cas, la compression de données peut être représentée par l’entropie et la « différenciation des données » par l’entropie relative.

En corrélat, le médecin et son patient sont également des capteurs avant et après leur diffusion de données vers le SI. En effet, ils récupèrent des données brutes avant de les transmettre vers le SI qui en retour leur renvoie des données codifiées et numérisées. Ainsi, grâce à l’intervention adaptée du SI, la communication orale entre le professionnel de santé et son malade aboutit à une meilleure connaissance du diagnostic et donc à une décision médicale partagée provenant de jugements humains. Cette dernière étape est décisive dans la relation médecin-patient. Elle constitue le moment où l’information comporte le plus haut degré de qualité vis-à- vis du SI.

L’information échangée doit conduire à une décision partagée, souhaitée, basée sur un respect mutuel. Elle présume la présence des deux principaux acteurs dans la relation thérapeutique : d’une part, le médecin qui en connaît plus sur les traitements et les médicaments et, d’autre part, le malade qui est en charge de ses priorités, seul en mesure de se prononcer sur ce qui est capital pour lui, notamment pour les aspects qualitatifs et quantitatifs de sa vie.

Dans ces conditions, nous pouvons envisager la présence de signaux d’alerte dirigés vers le concepteur du SI. À partir de ces indicateurs de suivis, l’informaticien pourra faire évoluer les fonctionnalités de l’outil technologique afin d’ajuster les actions techniques suivant la situation. Le concepteur de logiciels informatiques doit, autant que possible, laisser le choix éthique aux utilisateurs de SI et quand cela n’est pas possible, les hypothèses éthiques sous-jacentes des algorithmes composant ces logiciels

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doivent être rendues transparentes et faciles à identifier (Kraemer, Van Overveld et Peterson 2011). Pour cela, il doit donc concevoir un algorithme souple et adaptable aux exigences éthiques des utilisateurs. Cela peut conduire à de nouvelles procédures accompagnant le SI. Il serait approprié que les médecins utilisateurs de SI suivent une formation avant usage des logiciels afin de recevoir les informations sur les situations dans lesquelles l’algorithme a été développé par le concepteur (choix de la transparence) et comment il faut les utiliser.

Prenons l’exemple d’un type d’algorithmes utilisé dans les technologies de l’imagerie médicale visant à représenter les structures humaines et biologiques sur un ordinateur de façon précise afin d’améliorer les perspectives diagnostiques ou thérapeutiques des maladies. Une des nombreuses questions éthiques soulevées par ces algorithmes est le risque de produire de faux positifs6 et de faux résultats négatifs7. Ces algorithmes comportent donc un élément essentiel de jugement de valeurs et par conséquent une éthique. Le concepteur est alors amené à faire un compromis entre la minimisation des faux positifs ou le nombre de résultats faussement négatifs8.

Ce compromis va inévitablement être fondé sur un jugement de valeur.

Généralement, les concepteurs choisissent une valeur raisonnable pour le seuil ou le paramétrage du logiciel informatique. L’utilisateur fonde ses décisions sur la sortie des résultats du logiciel qui ont été construits à partir d’un paramétrage basé sur des hypothèses éthiques établies par le concepteur du logiciel. D’où la nécessité que ces hypothèses éthiques soient similaires à celles de l’utilisateur.

C’est pourquoi, la conception d’un algorithme doit permettre à l’utilisateur de choisir les circonstances dans lesquelles elle se situe. Il est

6. L’algorithme déclenche un système de comptage (cellules, symptômes d’une maladie) dans un environnement numérique qui n’est pas vraiment là.

7. L’algorithme ne parvient pas à identifier une structure de l’image qui existe vraiment.

8. Le concepteur de l’algorithme est confronté à un processus de décision qui à bien des égards est similaire à celui rencontré par les personnes qui conçoivent les autres artéfacts technologiques. Cela implique alors que les jugements de valeur intégrés dans un algorithme sont semblables à ceux figurant dans les processus de conception.

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nécessaire que le concepteur de SI laisse l’utilisateur spécifier les paramètres éthiques et par la même occasion, la responsabilité de définir l’état par défaut du logiciel.

À partir de ces constats, nous prônons l’application d’un mode d’intervention du SI caractérisé de semi-actif :

– l’appel au dispositif est réalisé de manière automatique après paramétrage établi par le concepteur après validation du médecin utilisateur. On parle d’un système de « chien de garde » ;

– le dispositif de rappel automatique supervise le comportement et l’action de l’utilisateur. Cela permet de supprimer les erreurs de prescriptions ou les investigations redondantes, et de respecter les protocoles mis en place ;

– le dispositif d’alarme qui a pour fonction d’attirer l’attention sur un changement de situation du malade. Par exemple, il peut signaler des valeurs biologiques anormales ou des modifications anormales d’un paramètre physiologique.

Dans ces conditions, quatre grandes fonctions concernant le SI semblent primordiales pour garantir l’harmonie de la triangulation médecin-patient-SI (Renaud-Salis et al., 2010) :

– obtenir des données à travers une interface normalisée avec son environnement9 ;

– utiliser des connaissances (fournies sous forme de règles métier, algorithmes de calcul) provenant de sa propre base de connaissance ou bien d’autres bases de données ;

– comporter un « moteur d’exécution » ou « moteur d’inférence », capable d’utiliser en entrée les données d’un patient et de leur appliquer des règles exprimant des connaissances pour produire en sortie des interprétations, des classifications, des recommandations ou des demandes d’information ;

– pouvoir communiquer le résultat de l’application des règles (aux données du patient) à l’utilisateur sous forme d’alertes, de

9. Saisie par l’utilisateur, ou récupération des informations d’un dossier patient ou autre application, ou informations fournies directement par l’application extérieure invoquant le SI.

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recommandations, de rappels, etc. ainsi qu’à l’environnement applicatif (système de prescription, dossier patient informatisé, etc.)10.

L’élaboration d’un SI doit débuter par la définition de ses objectifs en fonction de l’analyse des besoins des utilisateurs et des caractéristiques des problèmes posés. Ces objectifs dépendent des utilisateurs, de leurs actions et de leurs connaissances. Le degré d’aide à la décision ainsi que les fonctions attendues doivent également être définis. Ce SI permet de mieux apprécier l’état du patient en ce qui concerne la décision diagnostique ou pronostique. Cela vise à diminuer l’incertitude sur la situation du malade.

L’objectif final est de proposer une meilleure stratégie pour la prise en charge du patient.

Dans ce contexte, l’interface homme-machine constitue un carrefour où se confrontent la rationalité des actions techniques du SI (illustrées par des rapports objectifs retranscris en codification) et la conscience émotionnelle du duo médecin-patient (représentée par leurs impressions et leurs jugements plutôt subjectifs)11. On assiste à une forte implication des patients concernant les éléments du diagnostic, que ce soit sur les comptes- rendus, les examens supplémentaires réalisés ou les dossiers médicaux.

L’ambivalence profonde des patients sur leur désir de connaissance nous indique qu’un accès aux éléments diagnostiques sans accompagnement et sans soutien peut être problématique pour les patients.

De ce fait, l’évaluation préalable des connaissances et des attentes des patients avant l’énoncé de l’information apparaît essentiel. La capacité d’adapter son discours en fonction des expressions émotionnelles des patients semble également fondamentale (Dutier, 2008). L’appropriation de plus en plus importante des éléments du diagnostic chez les patients, nécessite un accompagnement de la part du professionnel de santé. À partir de ces considérations, les effets anxiogènes d’un examen technique doivent être pris en considération. La maîtrise de la technique n’est pas suffisante, elle doit s’accompagner d’une aptitude à établir avec le malade

10. Idéalement, l’utilisateur doit pouvoir par la suite prescrire les actions recommandées ou saisir les données requises sans avoir à changer d’environnement de travail.

11. Voir un trio avec le concepteur de SI dans le cas où des ajustements et des évolutions sur le dispositif informatiques sont nécessaires.

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une relation attentive. Les radiologues ne peuvent se réfugier derrière la technicité de leur spécificité (Leclère et al., 1996).

Cette nécessité est fréquemment soulignée dans la littérature qui met l’accent sur le fait de tenir compte du niveau intellectuel de la patiente, voire de son entourage, sans tomber dans le piège d’un discours technique qui éloigne toute forme d’émotion derrière une excessive rationalisation (Boissière-Lacroix, 2006). Seul le praticien peut articuler les éléments du diagnostic avec les spécificités propres de la maladie du patient.

En effet, il serait dommageable pour les soignés de « capitaliser » une masse d’information sur la maladie sans pouvoir unifier, hiérarchiser et singulariser ces éléments avec les particularités de leur maladie.

En définitive, cette triangulation permet de déboucher sur une véritable ingénierie de la connaissance partagée. Elle se caractérise par une vision portée sur la psychologie cognitive, la modélisation des dispositifs de traitement d’information, et la représentation des connaissances symboliques afin d’améliorer la décision médicale. Le SI constitue donc un nœud et un lien relationnel complexes entre les acteurs de santé doués d’émotions, de perception et de cognition. Il représente le « trait d’union » dans la relation médecin-patient.

C’est donc à partir de cette nouvelle organisation de prise en charge des soins que se créée l’action thérapeutique. Cette interface centre la communication sur l’action et permet un élargissement des possibilités de perception et d’action sur la relation sanitaire. Elle intègre ces possibilités pour devenir un partenaire dans l’action. C’est pourquoi, la pertinence et la cohérence du SI passe nécessairement par une adaptation des connaissances évolutives et des stratégies de dialogues à la situation de soin et aux utilisateurs.

En conséquence, le pouvoir d’appréhender et de visualiser l’intériorité du corps souffrant d’un point de vue technique doit s’accompagner d’un échange et d’une compréhension de la perception, du ressenti émotionnel et de l’identité propre de la personne soignée. À notre sens, l’harmonie et l’équilibre de cette relation tripartite passe nécessairement par l’échange et le compromis entre la technique rationnalisante et la conscience humaine.

La mise en service réussie d’une recherche collaborative d’information ne repose donc pas uniquement sur des caractéristiques organisationnelles

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et réglementaires. Il faut aussi une bonne dose de relationnel afin de développer une véritable culture de l’interface homme-SI. Ainsi, la réussite d’un partage d’information passe fondamentalement par la qualité des hommes concernés et par leur gestion de l’outil SI.

4. La modélisation éthique du SI dans la relation médecin-patient

Figure 3. Modélisation éthique du SI dans la relation médecin-patient

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D’une manière générale, les informaticiens emploient plus souvent le terme de « données » (data en anglais) que d’« informations ». Ceci provient du fait qu’une donnée se définit principalement par son type qui peut être : numérique, alphabétique, temporel, binaire, alphanumérique, etc. La donnée n’a qu’un contenu et un type, elle n’est pas significative en soi, c’est quelque chose d’objectif, de réel. Alors que pour sa part, une

« information » se caractérise plus par son sens. La compréhension et l’acquisition de cette dernière aboutissent naturellement à la connaissance.

Cette connaissance permet de situer l’information, de la contextualiser et de la globaliser, c’est-à-dire de la placer dans un ensemble. Cette compréhension de la donnée initiale passe généralement par la connaissance d’autres données connexes constituant un contexte cohérent pour « un mécanisme de déductions successives appelées inférences » (Tourreilles, 2004). Désormais, cette information sanitaire devient

« multiforme, se dématérialise et s’affranchit des territoires » (Tabuteau, 2010). Dans ce contexte d’analyse, la notion globale d’« information » prend en considération dans sa définition trois dimensions, qui interfèrent entre elles :

– sa forme physique, structurelle et sa présentation ;

– son contenu, nécessairement structuré en fonction du sens qu’il véhicule ;

– son usage lié à sa communication.

C’est sur la base de cette modélisation hiérarchique que notre analyse s’effectue. À chaque stade de la pyramide correspond une série de moyens qui permettent de capturer, gérer, diffuser et exploiter les éléments (données, informations ou connaissances). Cette ascension pyramidale partant des données pour aboutir à la connaissance, voire la sagesse, peut s’illustrer dans la question du poète anglais Thomas S. Eliot : « Quelle est la connaissance que nous perdons dans l’information et quelle est la sagesse que nous perdons dans la connaissance ? »12. Les éléments traditionnellement présents dans cette hiérarchie sont les données, les informations et les connaissances. La sagesse est parfois située tout en haut de la pyramide, étant considérée comme le stade ultime de l’évolution cognitive. Dans ces conditions, durant la prise en charge du patient par le médecin, le cycle de vie de l’information médicale est contrebalancé entre

12. Dans la pièce de théâtre intitulée « The Rock » (1934).

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les fondements éthiques13 et les paramètres environnementaux du réel représentés par les règles et les normes. La modélisation éthique d’un SI à

« visage humain » passe nécessairement par cette confrontation et cet échange des genres pour lesquels nous partons de l’universel, l’abstrait et le général14 pour aboutir à la pratique, le concret et le particulier15. (voir figure 3).

En d’autres termes, nous débutons ce modèle par une éthique dite

« réflexive » de légitimation s’exprimant par un questionnement sur les fondements éthiques16 auprès des acteurs, puis nous poursuivons par une éthique dite « normative » de régulation prenant en compte la déontologie17 dans la réalisation du SI, pour terminer par une éthique dite

« descriptive » d’application et d’effectuation sous forme de la pratique18 avec les moyens mis en œuvre.

On assiste donc à un triple compromis : 1) dans la réflexion éthique entre les valeurs des fondements éthiques, 2) dans la réalisation d’un SI entre les règles et normes, 3) dans la mise en place et l’utilisation d’un SI entre les moyens et les procédures contenues dans les « justifications du réel ». Cette notion de compromis intervient lorsque plusieurs systèmes de justifications sont en conflit. Il est « essentiellement lié à un pluralisme de la justification, c’est-à-dire aux arguments que les gens mettent en avant dans les conflits » (Ricœur, 1991). Il s’inscrit entre les exigences rivales provenant de ces ordres différents. On résout les conflits à l’intérieur d’un ordre homogène, un espace cloisonné où les personnes se reconnaissent et parlent le même langage. Pour Paul Ricœur (1990) cette résolution est liée à la « sagesse pratique ». En définitive, il semble que le bien commun se caractérise par le compromis entre des règles, des valeurs rivales qui couvrent des secteurs divers d’activité, des mondes d’action.

Ainsi, notre modèle éthique peut être alimenté aussi bien, dans un sens plus matérialiste par des spécialistes informatiques, des technologies de l’information, que dans un sens opposé plus spirituel par des

13. Caractérisés par les valeurs sociales et les quatre principes éthiques.

14. Illustrés par la zone gris moyen de la figure 3.

15. Représentés par la zone gris clair de la figure 3.

16. Les valeurs et les principes.

17. Les codes, les règles et les normes.

18. Les moyens, les dispositifs, les voies et les procédures.

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professionnels de santé, philosophes ou moralistes. Pour fonctionner et mettre en harmonie ces deux domaines que tout oppose à première vue, notre cadre d’analyse doit répondre à une seule prérogative majeure et fondamentale : placer l’intérêt du patient au centre de toutes les recommandations et les actions de nature technique et éthique, tout en prenant en compte les attentes et exigences des professionnels de santé et du concepteur de SI qui utilisent et font fonctionner le SI. L’outil SI « doit correspondre aux réels besoins et attentes des utilisateurs » (Sagot et al., 1998). Les acteurs ou sujets impliqués dans la conception d’un SI proviennent d’univers disciplinaires et culturels différents, d’où cette nécessité d’avoir recours à des mécanismes de compréhension. Par ailleurs, les informations circulant en conception sont généralement non structurées (Menand, 2002). Il est parfois difficile pour le concepteur du SI de disposer d’informations à la fois complètes et pertinentes. L’interaction avec les autres acteurs est donc de rigueur afin de combler ce déficit.

Dans ce contexte, il est clair que le rôle d’une coopération est primordial dans les processus de conception de l’outil SI (Boujut, 2000).

Nous traduirons ces attentes en les appliquant à une réflexion éthique qui se base sur les quatre principes universaux. Cette réflexion éthique résulte

« d’une insatisfaction et d’un désir » (Misrahi, 1997)… et donc d’une attente. Pour cela, nous nous sommes également inspiré du concept de Roland Barthes19 qui traduit la communication en introduisant un émetteur disposant d’une éthique (composé de valeurs, l’« éthos »), qui transmet un message signifiant (pourvu d’un sens et de sémantique, le

« logos »), à un récepteur qui le reçoit avec émotion (muni d’une sensibilité, le « pathos ») (Riguidel, 2003). Ces attentes et exigences peuvent s’exprimer tout le long de la modélisation de l’information20 en établissant trois types de filtres, émanant de la relation médecin-patient ainsi que du concepteur de SI, indispensables à une décision médicale basée sur un SI éthique :

19. Barthes R., « L’ancienne réthorique – aide mémoire », Recherches réthoriques, Communications, n°16, Seuil, décembre 1970, 172-229.

20. Allant des données jusqu’à la connaissance.

(20)

– les filtres de perception agissant sur la saisie et le stockage des données21 ;

– les filtres de conception et de mise en place impactant la sélection de processus pour la conversion des données en informations22 ;

– les filtres d’utilisation ciblant la communication directe et la modélisation de l’information aboutissant à la connaissance23.

Ces processus de filtrage24 sont renforcés par le fait qu’émetteur et récepteur ont rarement les mêmes centres d’intérêts et de préoccupations.

Ce qui est dit par l’un n’est pas forcément entendu par l’autre. Les recherches en psychologie cognitive ont montré que l’individu n’est jamais neutre. Il filtre, décode, sélectionne, réinterprète ce qu’il reçoit.

Cette communication directe apportera une connaissance dite « tacite », de nature très personnelle et difficile à formaliser. Cette connaissance comporte une dimension technique qui correspond aux aptitudes personnelles, au « savoir faire » et une dimension cognitive qui englobe les idéaux, les croyances, les perceptions, les valeurs et les modèles de pensées ancrés en nous (Polanyi, 1966). Bien que ces connaissances soient inconscientes et difficiles à communiquer verbalement, il est possible de les acquérir et de les partager à travers l’expérience partagée ou l’observation.

Pour sa part, la modélisation de la recherche collaborative de l’information contribuera à l’émergence d’une connaissance dite

« explicite » s’exprimant en mots ou en nombres et qui sera plus facilement partagée entre les personnes à l’aide de moyens verbaux ou écrits. Cette connaissance comporte deux sous-catégories : d’une part, la « connaissance explicite codifiée » qui se trouve dans des documents ou des bases de données et, d’autre part, la « connaissance explicite personnalisée » ou

« connaissance pratique » qui n’est pas consignée et qui se transmet verbalement. Selon la théorie de l’information et plus particulièrement du

21. Avec un questionnement sur la nature, l’authentification, les conditions de stockage des données, etc.

22. Avec des réflexions centrées sur le choix, la forme, la clarté, la hiérarchisation des informations, etc.

23. Avec des questions axées sur la diffusion, l’usage, l’encadrement de la connaissance auprès du patient pour la décision médicale, etc.

24. Cette modélisation et ces filtres ont été influencés par les travaux de Boisot et Canals (2008) et de Willcocks et Whitley (2009).

(21)

concept d’entropie de l’information élaboré par Shannon (1948)25, ce passage vers la connaissance contribue à diminuer l’entropie, c’est-à-dire le degré de désordre du système informatif. Ces connaissances contribuent alors à l’acquisition d’une « sagesse pratique » (Ricœur, 1990) à travers laquelle la décision médicale se réalisera, entraînant des actions sur l’acte thérapeutique auprès du patient.

5. Conclusion

Une approche centrée sur la technologie ne peut donner les résultats escomptés si notre regard ne se prolonge pas vers les personnes et les processus impliqués dans la recherche collaborative de l’information.

Notre modélisation permet de décrire en détail de manière statique, son environnement, et de manière dynamique, ses flux d’activités et notamment ses interactions (Belkadi, 2008).

Cette démarche éthique a pour visée de dégager des équilibres plus ou moins gradués comprenant un certain compromis entre les acteurs multidisciplinaires concernés par la prise en charge du soin. La recherche collaborative d’information constitue un nœud et un lien relationnel complexes entre les acteurs de santé doués d’émotions, de perception et de cognition. C’est donc dans cette nouvelle organisation de la prise en charge des soins que se créée l’action thérapeutique dans une unité de temps donné et pour une diffusion de l’information médicale adaptée. L’interface homme-machine centre la communication sur la réflexion et l’action.

Cette technologie permet un élargissement des possibilités de perception et d’action sur la relation sanitaire. Elle intègre ces possibilités pour devenir un partenaire dans l’action.

25. Claude Shannon, ingénieur à la Compagnie des Téléphones Bell, détermine l’information comme grandeur observable et mesurable (1948) ; celle-ci devient la poutre maîtresse de la théorie de la communication qu’il élabore avec Weaver. Ce concept d’information a été l’objet d’une théorie, appelée « théorie de l’information ». C’était une théorie mathématique appliquée aux techniques de la télécommunication. Cette théorie mathématique, née de préoccupations techniques de la télécommunication, reste à ce jour la base du concept dit scientifique d’information.

(22)

Dans cette perspective, la pertinence et la cohérence technique du SI passe nécessairement par une adaptation des connaissances évolutives et stratégiques des différents acteurs de santé. Cela doit s’accompagner d’un échange et d’une compréhension de la perception et du ressenti émotionnel des protagonistes. À notre sens, l’harmonie et l’équilibre de cette relation de santé intégrant le SI passe par le dialogue et le compromis entre la technique rationnalisante d’une part, et la conscience humaine, d’autre part. L’objectif est d’élaborer une éthique de l’information médicale qui puisse traiter l’univers de la donnée, de l’information, de la connaissance et de la communication comme un nouvel environnement : celui d’une infosphère médicale éthique. C’est dans cette optique que nous avons associé à cet espace numérique un système de valeurs afin d’en établir une « gouvernance numérique » basée sur une axiologie dans l’espace ambiant. Ces valeurs éthiques vont définir les objectifs de cet espace, lesquels se propagent dans toutes les infosphères qui interagissent entre elles.

En conséquence, cette modélisation éthique nous rappelle que les NTIC encadrant la recherche collaborative d’information et de décision médicale sont conçues pour être mises au service des personnes qui les utilisent et non pas l’inverse – ce qui semble souvent être le cas.

Remerciements

Cette analyse a été réalisée en collaboration avec la société Keosys et l’Espace éthique méditerranéen. Le Pr. Le Coz (vice-président du Conseil consultatif national d’éthique (CCNE)) nous a aidé à approfondir l’aspect éthique de nos recherches grâce à ses suggestions et commentaires pertinents sur le sujet. C’est pourquoi, nous leur dédions cet article.

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Références

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