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Peut-on utiliser une faible dose d'azathioprine en cas de combothérapie ?

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La Lettre du Pharmacologue •

Vol. 32 - n° 1 - janvier-février-mars 2018

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DOSSIER

Nouveautés sur l’azathioprine dans les MICI

Peut-on utiliser une faible dose d’azathioprine

en cas de combothérapie ?

Can we suggest to use low dose of azathioprine in IBD patients treated with a combination of treatment ?

X. Roblin*

* Service de gastroentérologie, CHU de Saint-Étienne.

© La Lettre de l’Hépato-gastro- entérologue 2018;XXI (1, Suppl. 1):13-5.

L’ azathioprine (AZA) a montré son efficacité dans la prise en charge de la maladie de Crohn (MC) et la rectocolite hémor ragique (RCH) [1, 2]. Cette molécule est en fait une pro- drogue qui va se transformer en un groupe de métabolites actifs : les 6-thioguanine nucléo- tides (6-TGN).

Si l’activité de l’AZA est corrélée aux taux de 6-TGN, ces dérivés ont un effet potentiel hématotoxique (risque de leucopénie ou agranulocytose) dépen- dant du taux de 6-TGN. Si l’activité de la thiopu- rine méthyltransférase (TPMT) est basse ou nulle (mutation homozygote ou hétérozygote), les taux de 6-TGN sont très élevés et le risque hémato- logique augmenté. Cependant, les risques de leuco- pénie dans près de 50 % des cas ne dépendent pas des 6-TGN, mais de la molécule elle-même. De plus, le métabolisme de l’AZA produit des dérivés méthylés inactifs, mais pouvant augmenter l’hépato toxicité de l’AZA.

Pourquoi vouloir baisser la dose quotidienne d’AZA ?

Les taux d’effets indésirables sont non négligeables sous AZA, obligeant à un arrêt de la molécule dans plus de 20 % des cas. Outre une augmentation du risque infectieux et de cancers (lymphomes, cancers cutanés baso- ou spinocellulaires, cancers des voies urinaires) [3, 4], dont le lien entre doses et compli- cations n’est pas établi, de nombreux effets secon- daires (intolérance digestive, perturbation du bilan hépatique ou hématologique) sont souvent liés au dosage ; dans ce cas, une baisse de la dose permet d’améliorer la tolérance de la molécule.

Sur le plan des risques de lymphomes ou de cancers, aucune donnée claire concernant un lien entre la dose d’AZA et les taux de 6-TGN n’a été rapportée dans la littérature sur les MICI. Hors MICI, quelques données ont cependant rapporté des associations entre certains risques graves et taux de 6-TGN.

Chez 108 transplantés rénaux traités par AZA, les taux de 6-TGN étaient significativement plus élevés en présence d’un développement de cancer cutané dans le suivi (276 versus 130 pmol/8 × 10

8

GR) que dans le groupe sans ce développement (p = 0,005) [5]. Après une leucémie aiguë lympho- blastique de l’enfant (6), un surrisque de second épisode de cancer (leucémie myéloïde aiguë, syn- drome myélodysplasique) est rapporté sous AZA.

Ainsi, dans un suivi de cohorte de 439 enfants traités pour cette indication par mercapto purine, les taux de 6-TGN étaient plus élevés en cas d’appa- rition de ces complications secondaires que dans le reste de la population. Une activité TPMT basse responsable de 6-TGN élevées était le facteur prédictif le plus puissant de ces complications secondaires (p = 0,02). Dans une étude récente incluant 4 131 patients australiens greffés (7), les auteurs ont analysé les seuils de traitement pouvant être responsables du développement de lymphome malin non hodgkinien (LMNH) dans le suivi. Dans ce travail, des prises d’AZA (> 1,2 mg/kg/j) étaient associées à l’augmentation d’un surrisque de déve- loppement précoce (HR = 2,20 ; IC

95

: 1,21-4,01) et tardif de LMNH (HR = 1,78 ; IC

95

: 1,12-2,84).

En résumé : baisser la dose quotidienne d’AZA peut améliorer la tolérance clinique chez les patients, mais aucune preuve formelle dans les MICI n’existe qui permette d’affirmer qu’une baisse de dose peut diminuer le risque de cancers ou de lymphomes.

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TRI < 1 TRI indétectable

Cohor te A ZA-IFX

pleine dose Cohor

te A ZA-IFX demi-

dose

Cohor te IFX seul 12

10 8 6 4 2 0

Figure. Apparition d’une pharacocinétique défavorable de l’IFX (TRI < 1 µg/ml) avec ou sans ATI dans le suivi.

Points forts

Pour qui vouloir abaisser la dose quotidienne d’AZA ?

En cas de monothérapie par azathioprine La dose conseillée dans la plupart des sociétés savantes concernant l’AZA est de 2 à 2,5 mg/kg/j (AGA pour American Gastroenterological Association, ECCO pour European Crohn’s and Colitis Organisation), mais elle ne prend pas en compte les taux de 6-TGN.

Cette dose peut être administrée d’emblée ou pro- gressivement augmentée. Le point essentiel est de surveiller l’hémogramme et le bilan hépatique de nos patients : 1 fois par semaine, le premier mois, puis 1 fois par mois pendant deux mois, puis tous les trois mois, quelle que soit l’ancienneté du traite- ment. Dans le suivi des patients au long cours sous AZA, aucune étude n’a montré l’intérêt de diminuer sa dose : cette baisse ne peut donc pas être recom- mandée. Cependant, l’analyse des 6-TGN peut nous aider à trouver la dose optimale nécessaire chez les patients porteurs de MICI. Ainsi, dans une récente méta-analyse incluant près de 20 études, un seuil de 6-TGN au-delà de 250 pmol/8 × 10

8

GR était significativement associé à un taux de rémission cli- nique (8). Dans un travail récent, en cours de publi- cation, les auteurs ont recherché le taux de 6-TGN associé à l’obtention d’une cicatrisation muqueuse.

Ce taux est de plus de 380 pmol/8 × 10

8

GR, ce qui peut laisser imaginer, si ce travail était confirmé, que le taux efficace dépend de la cible à obtenir.

Ainsi, la baisse de dose d’AZA ne peut être envisagée que chez des patients ayant des taux de 6-TGN très élevés dus à un déficit homozygote ou hétéro zygote en TPMT. En cas de mutation hétérozygote, une baisse de 50 % de la dose d’AZA doit être proposée.

Chez les patients présentant une mutation homo- zygote, cette dose ne doit pas dépasser 10 % de celle habituelle.

En résumé : en dehors de patients porteurs d’une mutation du gène de la TPMT, il n’y a aucune indi- cation à proposer une baisse de dose de l’AZA.

En cas de combothérapie IFX-AZA Des études récentes ont montré la supériorité de la combothérapie (IFX-AZA) sur une monothérapie, tant pour la MC que la RCH (9, 10). Un des intérêts majeurs de cette combothérapie est d’améliorer significativement la pharmacocinétique de l’IFX (0,9 % d’anticorps dirigés contre l’IFX [ATI] en trai- tement combiné versus 14,6 % sous IFX seul) [9].

De plus, les taux de rémission clinique étaient super- posables en cas de monothérapie IFX ou de traite- ment combinant IFX-AZA, si les taux résiduels d’IFX étaient identiques. En clair, l’efficacité de l’AZA, en cas de combothérapie, est liée à une amélioration de la pharmacocinétique de l’IFX plus qu’à un effet propre de la molécule.

Si le seuil de 6-TGN à obtenir en monothérapie est au-delà de 250 pmol/8 × 10

8

GR (8), ce seuil d’efficacité serait plus bas en cas de combo- thérapie. Dans une étude observationnelle ayant inclus 72 patients (11), ceux ayant des taux de 6-TGN

< 125 pmol/8 × 10

8

GR présentaient des taux rési- duels d’IFX équivalents à ceux des patients en mono- thérapie IFX et significativement plus bas que ceux des patients avec des 6-TGN > 125 pmol/8 × 10

8

GR (p < 0,0001). Le risque de développer des ATI était très élevé au-dessous de ce seuil (OR = 13 ; IC

95

: 2,3-72,7 ; p < 0,01).

Dans une étude prospective (12), les patients en rémission durable de la maladie étaient randomisés pour continuer la combothérapie avec une pleine dose d’AZA (n = 28), diminuer la dose de moitié (médiane : 75 mg/j) [n = 27] ou arrêter l’AZA. Aucune différence tant dans le suivi clinique qu’en termes

» La dose d’azathioprine (AZA) à proposer varie en fonction de sa prescription en mono- ou combothérapie.

» En cas de combothérapie, une dose plus faible permettant d’obtenir des taux de 6-TGN > 125 pmol/8×10

8

GR paraît suffisante pour obtenir une action favorable sur la pharmacocinétique de l’infliximab (IFX) et peut-être diminuer les risques d’effets secondaires sévères avec ce traitement en entretien.

» Des données complémentaires s’imposent pour savoir si des doses faibles d’AZA sont suffisantes lors du schéma d’induction de l’IFX, avec l’adalimumab (ADA) et en cas de perte de réponse d’une monothérapie anti-TNF.

Mots-clés

Azathioprine Dose quotidienne Anti-TNF

Combothérapie

Highlights

» AZA dose can be discussed according to a combination with IFX or not.

» Under a combination of treat- ment, a threshold value of 6-TGN above 125 pmol/8×10

8

RBC is sufficient to obtain a favorable pharmacokinetic and clinical outcome.

» No data are reported about a combination of treatment with ADA, in patients during induc- tion phase or in case of a loss of response under IFX.

Keywords

Azathioprine Daily dose Anti-TNF

Combination therapy

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de pharmacocinétique n’a été rapportée, quelle que soit la dose d’AZA utilisée, mais la tolérance clinique était améliorée avec de faibles doses d’AZA. Après courbe ROC (Receiver Operating Characteristic), un seuil < 105 pmol/8 × 10

8

GR était prédictif d’une pharmacocinétique défavorable de l’IFX. Enfin, l’arrêt de l’AZA était associé à plus d’échecs cli- niques, sans atteindre la significativité par manque de puissance, mais avec davantage d’apparitions d’une pharmacocinétique défavorable de l’IFX (p = 0,02) [figure].

Dans un travail rétrospectif ayant inclus 89 patients (13), les auteurs ont mesuré les taux d’an- ticorps anti-IFX chez les patients en traitement combinant IFX et AZA. Les taux de 6-TGN étaient significativement plus bas chez les patients ayant développé des anticorps dirigés contre IFX : (50 pmol/8 × 10

8

GR versus 105 pmol/8 × 10

8

GR, p < 0,01). Tous les patients avec anticorps anti-IFX avaient des taux de 6-TGN <117 pmol/8 × 10

8

GR (sen- sibilité 100 %, spécificité 47 %, AUROC [Area Under Receiver Operating Characteristic] = 0,82, p < 0,01).

En résumé, en cas de combothérapie IFX–AZA, un taux de 6-TGN au-delà de 125 pmol/8 × 10

8

GR suffit pour obtenir une réponse thérapeutique et

pharmacocinétique satisfaisante. Ainsi, une dose plus faible d’AZA peut être recommandée. Les données scientifiques sont plus faibles pour recom- mander ces “demi-doses” lors de l’induction.

Les questions en suspens

➤ Ces résultats de diminution de dose doivent être confirmés sur de larges études prospectives en utilisant cette demi-dose dès l’induction sous IFX.

➤ Aucune preuve scientifique ne peut nous permettre de proposer un traitement associant l’adalimumab à des doses plus faibles d’AZA.

➤ En cas de perte de réponse des anti-TNF, l’ajout d’AZA permet dans 50 % des cas d’obtenir une amélioration pharmacocinétique, donc une réponse clinique lente, mais réelle. Les petites cohortes de patients n’ont pas permis d’étudier l’impact de la dose d’AZA et/ou des taux de 6-TGN dans cette indication.

Ainsi, il n’est actuellement pas possible de proposer une faible dose d’AZA dans cette indication.

➤ Il est nécessaire de démontrer la réduction du risque de cancers en diminuant les doses d’AZA chez les patients atteints de MICI traités par

combothérapie. ■

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Références bibliographiques

L’auteur déclare avoir des liens d’intérêts avec MSD, Hospira, HAC Pharma, AbbVie.

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Références

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