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KATH. UNlVERSITEiT LEUVEN FAC. RECHTSGELEERDHEIO BIBUOTHEEK rtraat ~1 - B-3000 Leuven CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE. CHAPITRE Il LA POSSESSION

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(1)

94e ANNEE - N° 5106

FAC.

RECHTSGELEERDHEIO

BIBUOTHEEK

rtraat·~1 -B-3000 Leuven

2 1K'/-

22 DECEMBRE 1979

IRIBIJMIJI

HEBDOMADAIRE JUDICIAIRE Ecinion,d Picard

1882 - 1899

- -

Léon Hennebicq 1900 - 1940 Charles Van Reepinghen

1944 - 1966

CHRONIQUE DE JURISPRUDENCE

Les droits réels (*)

(1973 - 1977)

TABLE DES MATIERES

CHAPITRE PREMIER LÀ PROPRIETE

Section 1

Nature et caractéristiques du droit de propriété et de sa réglementation

Section Il

Modes d'acquisition de la propriété - L'accession 1. - Recouvrement des impôts du mari sur les

immeubles de son épouse.

2. - Sort des· constructions et des autres ouvrages réalisés· par le locataire, pendant la durée du contrat de bail.

3. - Idem - Bail commercial.

4. - Construction, par erreur, sur le terrain d'autrui.

Section Ill

Etendue' matérielle de la propriété 1.-Bornage

5. - Obligation de bornage - Moyens de défense.

6. - Action en revendication et action· en bornage.

Il. - Le dessus et le dessous 7. - Surplomb des immeubles.

Section IV Les troubles de voisinage

8. - Les troubles causés. par les pouvoirs publics.

9. - Fondement du droit à réparation.

10. - Nature du trouble anormal donnant droit à réparation.

11. - Champ d'application de la théorie.

12. - Locataires - Conc~ssionnaires - Superficiai- res.

13. - La « prédisposition » du fonds lésé aux troubles.

14. - Le promoteur.

15. - La réparation : a) le pouvoir du juge;

b) la réparation en nature;

c) idem;

d) la compensation en espèces.

16. --'-Objections à la réparation :

a) la plus-value apportée par les travaux, ca\Jse du trouble;

b) le caractère momentané du trouble.

17. - Responsabilité des architectes et entrepreneurs.

(*) Notre précédente chronique était parue dans le J.T., 1974, pp. 273 et s. et 289 et s.

CHAPITRE Il LA POSSESSION 18. - La règle de l'article 2279.

19. -Vices de la possession.

20. - Actions possessoires.

CHAPITRE Ill LA COPROPRIETE

Section 1

La copropriété ordinaire

21. - Un bien indivis peut-il être affecté à lexercice de l'activité professionnelle d'un seul indivi- saire? ·

22. - Statut des biens des couples non mariés.

23. - Droits des copropriétaires - Baux.

24. - Fin de l'indivision - Partage.

Section Il

Copropriété accessoire et forcée 25. - La copropriété d'accessoires immobiliers.

·Section Ill

Copropriété forcée des immeubles à appartements

26. - Droits et obligations des copropriétaires.

27. -Actes accomplis par un seul copropriétaire.

28. - Etendue de la propriété privative.

29. - Pouvoirs du syndic.

30. - Règlement de copropriété.

CHAPITRE IV LA MITOYENNETE 31. - Preuve de la mitoyenneté.

32. - Acquisition de la mitoyenneté - Prise de possession.

33. - Acquisition de la mitoyenneté - Usucapion:

34. - Droits des copropriétaires : a) droit de jouissance sur le mur;

b) le consentement du voisin.

CHAPITRE V L'USUFRUIT 35. - Droits ·du nu:..propriétaire

l'usufruitier.

36. - Bail à ferme. · 37. - Licitation.

Obligations de

EDITEURS:

MAISON FERD. LARCIER S.A.

Rue des Minimes, 39 1000 BRUXELLES

CHAPITRE VI LES SERVITUDES

38. - Servitudes qui dérivent de la situation des lieux.

39. - Les vues et les jours.

40. - Servitudes de passage : a) le caractère enclavé du fonds;

b) la fixité de la servitude - Limitation de son exercice;

cl

le tracé.

41.. - Servitude d'habitation bourgeoise.

CHAPITRE PREMIER

LA PROPRIETE

Section 1

NATURE ET CARACTERISTIQUES DU DROIT DE PROPRIETE ET DE SA

REGLEMENTATION

Section Il MODES D'ACQUISITION DE LA PROPRIETE - L'ACCESSION 1. - L'article 35, § 2 des lois relatives aux impôts (aujourd'hui art. 294 du C.l.R.) permet le recouvrement de l'impôt établi au nom du mari sur tous les biens meubles ou immeubles de son épouse à moins que celle-ci ne· prouve qu'elle possédait ces biens avant son mariage ou qu'elle les a acquis par ses revenus personnels, par succession ou par suite de donation d'une personne autre que son mari.

La cour d'appel de Bruxelles (19 avril 1972, 8.C., 1973, p. 1363) puis la Cour de cassation (7 juin 1974, Pas., 1974, 1, 1032; J. T., 1974, p. 675) ont eu à connaître du problème suivant : l'épouse est propriétaire d'un terrain par dona- tion; elle acquiert ensuite,· par accession, la propriété du bâtiment construit sur ce terrain pendant le mariage.

L'administration des ·contributions directes peut-elle poursuivre le recouvrement de l'impôt etabli à charge de son mari sur ces· biens ?

La cour d'appel de Bruxelles décide que le fisc ne peut saisir ·1e terrain puisque l'épouse l'a acquis par donation de ses parents mais qu'il peut saisir le bâtiment construit sur le terrain.

La Cour de cassation partage cette opinion : en effet, dit la Cour, le principe contenu dans larticle 35, § 2 des lois relatives aux impôts (aujourd'hui. art. 294 du C.l.R.) ne souffre que des exceptions limitativement énumérées dans cette disposition et n'y figure pas le cas où les biens ont été acquis par accession.·

Il peut paraître surprenant de dissocier le sort du terrain et de l'immeuble bâti sur ce même terrain et acquis par accel:ision, puisque terrain et bâtiment forment un seul et unique bien

~ .

(2)

appartenant au même propriétaire et consti- tuant en outre en l'espèce un bien propre de l'épouse.

Cette solution est conforme au principe · suivant lequel l'accession est un mode d'acqui- sition de la propriété : la Cour a donc pu distinguer le terrain, acquis par donation, du bâtiment, acquis par accession.

Mais il est par contre plus contestable d'affirmer que l'article 294 du Code des impôts sur les revenus contient un principe qui vaudrait règle générale : n'est-ce pas perdre de vue que cette disposition est elle-même exceptionnelle puisqu'elle confère à ladministration fiscale un droit de recouvrement sur des biens n' apparte- nant pas au contribuable débiteur lui-même (ce caractère est d'ailleurs reconnu par l'administra- tion fiscale elle-même qui dispose dans le commentaire du C.l.R. que : « l'art. 294 consti- tue une disposition exceptionnelle et le droit de recouvrement qu'il confère a un caractère subsidiaire», cf. Comm. C.l.R., 294/16).

Il nous semble dès lors que c' èst le recouvre- ment sur les biens propres de l'épouse qui devrait s'interpréter restrictive ment (voy. cepen- dant dans le sens de l'arrêt, des décisions citées au Comm. C.l.R., 294/ 42).

2. - Le sort des constructions et des· autres ouvrages réalisés par le locataire, pendant la durée du contrat de bail, reste controversé.

Une grande partie de la jurisprudence et de la doctrine considèrent que (en l'absence de convention entre les parties qui règlerait la question) les constructions et les plantations érigées par le Io.cataire sont acquises au bailleur . qui est propriétaire du sol en application des règles relatives à l'accession (cf. notamment Cass., 17 nov. 1883, Pas., 1883, 1, 367 et conclusions du premier avocat général Mesdach De Ter Kiele; L. Rozes, Travaux et constructions du preneur sur le fond loué, Lib~airie générale de droit et de· jurisprudence, Bibliothèque de droit privé (Paris 1976); note Kruithof sous Cass., 23 avril 1965, R.C.J.B., 1966, p. 51, pour les travaux susceptibles d'enlèvement; pour ceux qui ne le sont pas, M: Kruithof propose lapplication de la théorie des impenses).

Mais cette accession prétend-on serait diffé- rée jusqu'à l'expiration du bail (cf. Cass., 9 févr.

1956, Pas., 1956, 1, 599; Cass., 23 avril 1965, Pas., 65, 1, 883; R.C.J.B., et note Kruithof précitée; De Bersaques, sous Comm. Liège, 6 janv. 1950, R.C.J.B., 1951, p. 268). Il n'en serait autrement, selon certains que pour les travaux indissociables du fonds (cf. Kruithof, R.C.J.B., 1966, précité; La Haye et Van Kerkhove, « Le contrat de louage », Novel/es, «Droit civil », t. VI, 1, n° 1090).

Dès lors le locataire est propriétaire des constructions et des plantations jusqu'à la fin du bail (et il a donc jusqu'à ce moment-là, le droit notamment de les détruire pour rendre la chose dans l'état dans lequel il l'a reçue) (cf. réf.

précitées et De Page-Dekkers, t. IV, n° 688; La Haye et Van Kerkhove, op. cit., n°s 1092 et s.).

Quelques auteurs et certaines décisions des cours et tribunaux contestent cependantl'appli- cation des règles de laccession et particulière- ment de l'article 555 du Code civil aux rapports entre bailleur et preneur : Laurent relevait dejà que le droit d'accession suppose qu'il n'y a pas de liens de droit entre le propriétaire et le . « tiers » et que le preneur ne peut donc être considéré comme tel; au surplus il n'est visé par aucune des deux hypothèses réglées par cet article : il n'est ni possesseur de bonne foi ni possesseur de mauvaise foi (Laurent, t. VI, n° 275; t. XXV, n°s 175 et s.; De Page, t. IV, n°s ~86 et s. et particulièrement 689; La Haye et

Van Kerkhove, op. eit., n° 1098 (pour les travaux indissociables); De Bersaques, R.C.J.B., note précitée sous Comm. Liège, 6 janv. 1950; Gand, 24 déc. 1955, R.G.E.N., 1958, 19901 et note Donnay). Il faut cependant constater que larticle 555 ne vise pas expressément les« possesseurs de mauvaise foi » : il contient une règle générale qui s'applique à tous les« tiers» .qui ont fait des plantations, constructions et ouvrages sur un terrain· dont ils ne sont pas propriétaires, et une . exception à cette règle en faveur des « tiers

évincés » qui étaient de « bonne foi ».

Quelle que soit la position que

r

on adopte, il n'est guère contesté que pendant la durée du contrat le propriétaire du terrain ne peut intervenir (sauf abus de jouissance) et c'est à juste titre que le tribunal civil de Marche-en- . Famennes (1er avril 1976, Rev. rég. dr., 1977,

183, note Dijon) dispose que « aussi longtemps qu'un terrain est laissé à la disposition d'un détenteur; i.1 est évident que la question d'une éventuelle accession ne peut se poser, tout comme elle ne pourrait se poser avant lexpira- tion du bail si bail il y a ».

3. - En matière de ball commercial, le législa- teur a organisé un système qui règle tout à la fois le droit pour le preneur d'effectuer certains travaux et le sort de ceux-ci en fin de bail.

Les. règles de laccession sont donc étrangè- res à la matière.

a) Pendant le bail le locataire commercial est propriétaire des transformations: dès lors l'ad- ministration du cadastre ne peut augmenter le revenu cadastral de l'immeuble en raison de la plus-value que ces transformations ont apporté au bien loué (Cass., 19 févr. 1976, Pas., 1976, 1, 688, et réf;): en effet le. précompte immobilier est dû par le propriétaire,. qui ne coïncide pas nécessairement avec la personne au nom de laquelle la parcelle cadastrale est inscrite (en ce sens, De Page-Dekkers, t. IV, n°s 685 et 688).

b) L'article 9 de la loi sur les baux commer- ciaux oblige le bailleur à payer une indemnité si les transformations ne sont pas supprimées « au départ du preneur ».

En cas de renouvellement du bail, il n'y a donc pas de droit à indemnité : ·il faudra attendre le départ « effectif » du preneur c'est-à-dire la fin·

de. sa jouissance sur l'immeuble. Il en est de même si un premier bail a fait place à un second bail, à un titre nouveau, puisqu'il n'y a pas eu d'interruption de l'occupation (Liège, 13 févr.

1973, J. T., 1974, p. 85). . S'il y a eu cession du bail et du fonds de commerce sans aucune réserve, le preneur perd tous droits d'agir contre le bailleur en paiement d'indemnité et c'est le cessionnaire qui exercera le droit, à son départ (Liège, 13 févr. 1973, précité; De Page-Dekkers, t. IV, 3° éd., n° 738 A, . 4°; La Haye-Van K~rkhove, op. cit., n°s 260 et 1120; Hansenne, « Examen de jurisprudence en matière de biens», R.C.J.8., 1977, p. 103, n° 15). ·

4. - Un tiers construit par erreur sur le terrain d'autrui. Le propriétaire peut-il faire démolir ? ·

La cour d'a-ppel de Bruxelles répond affirmati~

vement dans un arrêt du 26 octobre 1973 (Entr.

et

Dr., 1974, p. 231, obs. K. Ver Berne).

L'article 555 donne en effet au propriétaire du sol, lorsque des constructions ont été érigées par des tiers, le droit de les retenir ou d'obliger ce tiers à les enlever (voy. eh France, Cass. fr., 12 juill. 1977, O.S., 1978, 1, R, p. 43 et commentaire Giverdun; cet arrêt revient sur la jurisprudence de Cass. fr., 8 oct. 1974, D., 1975, p. 431, note Fabre; R. T.D. Civ., 1975, obs.

Giverdon, p. 231 ).

Mais lexercice de ce droit peut être limité par l'application de- la théorie de labus de droit (la jurisprudence française précitée semblait se fonder sur une interprétation originale de la notion de «bonne foi» dans l'art. 555).

Section Ill ETENDUE MATERIELLE

DE LA PROPRIETE

1.-Bornage

5. - L'article 646 du Code civil permet à tout propriétaire ({ d'obliger son voisin au bornage de leurs propriétés .contiguës » .

Ce dernier ne peut s'opposer à cette demande que s'il prouve que les fonds sont déjà bornés.

(Cass., 2 janv. 1968, Pas., 68, 1, 605 .,--- bornage par fossés - De Page-Dekkers, t. V~ n° 960).

Bien ·sûr il ne peut s'agir de signes limitatifs quelconques: le voisin qui entend rejeter l'ac- tion en bornage en prétendant que des bornes ont déjà été placées, doit prouver que celles-ci l'ont éte en exécution d'un accord entre les parties ou leurs auteurs ou encore en vertu d'une décision judiciaire (Cass., 28 mai 1976, Pas., 1976, 1, 1041 et réf.). ·

6. - L'action en revendication et laction en bornage font encore lobjet de confusion.

Lorsque les pa~ties sont en désaccord sur les limites résultant de leur titre ou de leur possession, il S'agit d'une action en bornage.

Par contre, si l'une des parties se prétend propriétaire d'une portion du terrain, précise et déterminée, possédée par l'autre, c'est une action en revendication. Tels sont les principes rappelés par le juge de paix de Fiorenville dans un jugement du 21 décembre 1976 (Jur. Liège, 1976-1977, p. 199, à l'occasion d'une action dans laquelle on demandait au juge la démolition d'une terrasse qui empiétait sur le terrain voisin;

cf. De Page et Dekkers, t. V, n° 965).

Il. - Le dessus et le dessous 7. - Les évolutions des grues utilisées pour la construction des immeubles font lobjet de deux

décisions: ·

Invoquant l'article 552, les demandeurs, dans chacune de ces affaires, prétendent s'opposer au surplomb de leur immeuble par la flèche des grues géa,ntes placées sur le chantier voisin (car cela violerait . « l'espace aérien » dont ils sont propriétair.es).

Le tribunal civil de Bruxelles, dans un juge- ment du 2 février 1975 (R.G.A.R., 1975, n° 9453) constate« qu'en organisant son chantier de telle sorte que la flèche de la grue qui y était érigée puisse surplomber l'immeuble des demandeurs, sans leur .avoir demandé l'autorisation, consti- tue, compte tenu de larticle 552 du Code civil une atteinte à leur droit de propriété et qu'il y a donc faute ». Il faut noter que le tribunal écarte

r

application de la théorie des troubles de voisinage, pour des motifs d'ailleurs contesta- bles (cf. infra, ri0 11).

Mais le tribunal refuse toute indemnisation : tant celle basée sur lenrichissement sans cause car, dit le tribunal, cette _théorie ne peut s'appliquer q·uand il ·faut évaluer le dommage dans le cadre de l'article 1382 du Code civil, que celle basée sur la moins-value.

On peut suivre le tribunal quand il dénonce le caractère fautif du surplomb : le propriétaire du sol est propriétaire de l'espace ou du moins de

(3)

l'espace avoisinant son fonds (cf. Hansenne, chronique précitée, 1977, n° 8) €1t il ne faut pas établir le caractère ·préjudiciable de I' empiète- ment pour s'opposer

à

celui-ci (cf. De Page- Dekkers, t. V, n° 949, A; Bruxélles, 19 juin 1973, R.G.A.R., 1974, n° 9357; le fait que le surplomb ne.porte pas atteinte à la sécurité de la propriété est indifférent).

Il en est autrement si lon peut établi~ que l'opposition du propriétaire de laisser la disposi- tion de - son espace aérien serait constitutif d'abus de droit (ce qui n'était pas le cas en l'espèce comme il apparaît notamment de l'extrait du jugement cité ci-avant).

Mais, le refus de toute indemnisation est discutable.

Certes, il est normal d'écarter la théorie de lenrichissement sans cause,· puisque lon peut fonder l'action sur !'article 1382 du Code civil.

Mais, l'absence de préjudice matériel ne signifie pas. qu'il n'y a pas de préjudice du tout : la propriété des demandeurs surplombée périodi- quement et pendant près d'un an par la grue litigieuse a subi une moins-value (cf. la jurispru- dence constante qui attribue des indemnités pour privation d'air, de lumière, pour le préjudice subi, même temporairement, par des trépida- tions provenant d'un chantier voisin, etc ... ).

La _décision est d'autant plus regrettable que le tribunal n'avait même pas dû ordonner que cesse le surplomb illégal, puisqu'au moment des plaidoiries cette partie du chantier était déjà terminée ...

Le demandeur aurait-il pu obtenir la cessation de lempiètement devant le juge des référés ? A bon droit, la cour d'appel de Br.uxelles y répond affirmativement dans un arrêt du 19 juin 1973 (R.G.A.R., 1974, n° 9357): il y a, en effet, voie de fait ·et il est urgent d'y mettre fin.

Section IV

LES TROUBLES DE VOISINAGE (1)

8. - Les troubles causés par les pouvoirs publics.

Les troubles causés par les pouvoirs publics font l'objet de nombreuses discussions.

( 1) Principales jurisprudences citées dans cette section: Civ. Audenaarde, 21 févr. 1964, Entr. et Dr., 1975, p. 280, obs. Moreels; Civ. Anvers, 30 mars 1966, Entr. et Dr., 1974, p. 24, obs. Bocken; Bruxelles, 11 févr. 1970, Entr. et Dr., 1974, p. 103, obs. Hannequart;

Civ. Furnes, 29 mars 1973, Fntr. et Dr., 1976, p. 129, obs. T. Delahaye; Cass., 28 juin 1973, Pas., 1, · 1013;

Cass., 27 sept. 1973, P?Js., 1974, 1, 89; Entr. et Dr., 1975, p. 34, obs. Bricmont; Bruxelles, 1°• oct. 1973, Entr. et Dr., 1975, p. 42, obs. Rommel; Cass .. 4 oct.

1973, Pas., 1974, 1, 124; R.G.A.R., 1974, n° 9171;

Bruxelles, 11 déc. 1973, R. W., 1974-1975, col. 423;

Cass., 10 janv. 1974, Pas., 1, 488; R.G.A.R., 1974, n° 9320; J. T., 1974, p. 137; R.C.J.B., 1975, p. 357, avec une note Renard; Civ. Liège, 24 janv, 1974, Jur. Liège, 1973-1974, p. 275; Cass., 27 févr. 1974, Pas., 1975, 1, 341; J.T., 1975, p. 203; R.G.A.R., 1975, n° 9475 avec une note F. Glansdorff; Civ. Bruxelles, 18 déc. 197 4, J. T., 1975, p. 192; R.G.A.R., 1975, n° 9476, obs. F.

Glansdorff; Civ. Bruxelles, 11 févr .. 1975, R.G.A.R., 1975, n° 9453; J.P. Gembloux, 18 févr. 1975, Rev. rég.

dr., 1977, p. 92; Cass., 29 mai 1975, Pas., 1, 934; Cass., 20juin 1975, Pas., 1, 1014; Anvers, 28 juill. 1975, Entr.

et Dr., 1977, p. 6, obs. Matheï; Comm. Bruxelles (réf.), 30 sept. 1975, J. T., 1976, p. 97; Cass., 31 oct. 1975, Pas., 1976, 1, 276; R.W., 1975-1976, col. 1571, obs.

Van Oevelen; Rev. not. belge, 1977, p. 606; Entr. ~t Dr., 1976, p. 49, obs. Matheï; Mons, 18 nov. 1975, Pas., 1976, IL 136, obs.; J.P. Namur, 13 janv. 1976, Rev. rég. dr., 1977, p. 294, obs. Kerkhofs; Bruxelles, 16 janv.: 1976, Res et jur. imm., 1976, p. 59; Cass., 26 mars 1976, Pas., 1976, 1, 826; Civ. Bruxelles, 30 mars

Les pouvoirs publics ont-ils le droit de provoquer des troubles qui, s'ils étaient causés par des personnes privéé;, seraient considérés comme anormaux ?

Si la théorie des troubles de voisinage s'applique aux pouv_oirs publics, quel en est le fondement?

Il n'est plus guère contesté que les citoyens peuvent obtenir l'indemnisation des troubles anormaux de voisinage qui leur sont causés par le's pouvoirs publics (Cass., 6 avril 1960, avec les conclusions de lavocat général Mahaux, Pas., 1960, 1, 915; R.C.J.B., 1960 et note Dabin, p. 257; notamment pour la période examinée : Cass., 31 oct. 1975; Cass., 28 juin 1973;

Bruxelles, 11 févr. 1970; Civ. Furnes, 29 mars 1973).

Mais certains soutiennent qu'il faut être plus sévère dans l'appréciation du caractère anormal du trouble lorsque c'est un pouvoir public qui en est l'auteur.

Ainsi, le tribunal civil de Liège (7 mai 1976;

voy. les observations critiques de Fagnart, J. T., 1976, p. 679 et J. T., 1977, p. 233, de R. Beyens, J. T., 1977, p. 233 et dans le sens du jugement,

R.

Rasir, J. T., 1977, p. 233; dans le même sens, Hannequart, Troubles de voisinage, particulière- ment n°s 66 et s.). ·

En lespèce le tribunal a refusé de considérer comme anormal le trouble provoqué à une entreprise par des travaux publics qui ont rendu l'accès à ses installations très difficile durant quelques mois.

Il

a

justifié sa décision par le fait que les travaux ont été effectués « dans l'intérêt de la collectivité

».

Cette décision nous paraît critiquable : en droit belge, les gouvernants comme les gouver- nés sont soumis aux mêmes règles de responsa- bilité civile (cf. Cass., 16 déc. 1920, Pas., 21, 1, 20; Cass., 7 mars 1963, Pas., 1963, 1, 544 et jurisprudence citée par Dalcq, « Chronique de 1976, Res. et jur. imm., 1976, p. 307; Civ. Liège, 7 mai 1976, J. T., 1976, p. 679, obs. J.-L. Fagnart; J. T., 1977, p. 233, obs. Beyens, p. 235, obs. Rasir, p. 235, obs. J,- L. Fagnart; Civ. Liège, 2 oct. 1976, Jur. Liège, 1976-1977, p. 59; Anvers, 20 déc. 1976, R.W., · 1976-1977, col. 2156; Civ. Bruges, 23 déc. 1976, Res et jur. imm., 1977, p. 247; Civ. Nivelles, 14 mars 1977, Res et jur. imm., 1977, p. 251.

Principales références aux ·ouvrages cités dans la présente section, uniquement par le nom de leurs auteurs : De Page et Dekkers, 3° éd. (sauf indication·

contraire); Flamme, Traité des marchés publics; Y.

Hannequart, Le droit de la constructiOn; Y. Hanne- quart, Troubles de voisinage: contribution de cet auteur dans l'ouvrage, collectif, Le droit de la construction et de /'urbanisme, La responsabilité et les troubles de voisinage, éd. du Jeune barreau; P.

Rigaux, L'architecte; M.-A. et Ph. Flamme, «Examen de jurisprudence relative aux troubles de voisinage », Entr. et Dr., 1974, p. 197; Chandelle, «Chronique de jurisprudence en matière de troubles de voisinage » dans la « Chronique de jurisprudence en matière de droits réels» de J. Hansenne, R.C.J.B., 1977, p. 116; B.

Glansdorff « Chronique de jur.isprudence én matière de droits réels (1965-1966) », J. T., 1968, pp. 1 et s.; A.

Berenboom : « Chroniqµe de jurisprudence en matière de droits réels (1967-1972)», J.T., 1974, pp. 273 et s.

et 289 et s. (ci-après citée de la façon suivante : notre précédente chronique). Dalcq, «Traité de la responsa- bilité civile », Novel/es, « Droit civil », t. V; Dalcq, Chronique : « Examen de jurisprudence : La responsa- bilité délictuelle ·et quasi délictuelle ( 1968-1972) », R.C.J.B., 1973, p. 627, 1974, p. 249; J.-L. Fagnart, Examen de la jurisprudence concernant la responsa- bilité civile (1955-1969), Larcier, 1971; Idem:

(1968-1975), J. T., 1976, p. 569; Hanotiau, Anseau- Navewa, «Le régime juridique des eaux souterraines.

Coexistence de règles anciennes et récentes dans un contexte nouveau », publié dans le Bulletin d' Informa- tions Anseau-Navewa (Association nationale des services d'eau), n° 2, sept. 197ï.

jurisprudénce en matière de responsabilité ci~

vile »,R.C.J.B., 1974, p. 253 et s., et par Fagnart, Examen de jurisprudence, 1955~1969, n°s 89 et s.; Examen de jurisprudence, 1968-1975).

Le juge doit faire preuve de la même rigueur quelle que soit la qualité de lauteur du dommage.

Il . ne nous paraît d'ailleurs pas conforme à

« l'intérêt de la collectivité » que celle-ci se développe impunément sur le malheur de quel- ques-uns de ses membres.

A suivre _cette thèse, les victimes des grands (et parfois contestables ... ) travaux publics se verraient refuser par les tribunaux toute indem- nité en raison de l'intérêt général, alors que, de son côté, le législateur a renoncé à légiférer sur la réparation· des dommages provoqués par pareils travaux en prétendant que la jurispru- dence accordait déjà cette réparation · (cf.

Beyens cité) (voy. cependant la loi du 10 janv.

1977 organisant la réparation des dommages provoqués par des prises et des pompages d'eau souterraine, commentée par M. Hanotiau dans Anseau-Novewa et dans Entr. et Dr. 1977, p. 188).

Enfin, les avantages retirés ultérieurement (et qui sont d'ailleurs hypothétiques) de ces grands travaux et « l'intérêt général

»

ne justifient en aucun cas que certains · citoyens souffrent davantage que d'autres pour un aménagement réalisé non pour eux, mais au profit de I' ensem- ble de la collectivité (voy. infra, n° 16).

En fait, l'erreur du tribunal de Liège est de croire que la notion de « l'intérêt de la collecti- vité » doit être prise en cons)dération pour l'appréciation du trouble, alors qu'elle ne doit l'être que dans l'appréciation de la réparation du dommage (cf. notre précédente chronique, n° 11) : le ·voisin lésé ne pourra, eri principe;

obtenir qu'une indemnité mais il ne pourrait ni empêcher le trouble, ni le faire cesser (encore que lon peut même. discuter cette dernière thèse sur base des principes consacrés par la Cour de cassation depuis ses arrêts des 7 mars 1963 précité, 11 ·avril 1969 (Pas., 1, 702) et 23 avril 1971 (Pas., 1, 752) qui aboutis~ent à laisser a·ux tribunaux l'appréciation de l'opportunité des décisions administratives (cf. Dalcq, chronique de jurisprudence, n° 81 ).

La cour d'appel d'Anvers, dans un .arrêt du 20 décembre 1976 (lappel avait été interjeté contre le jugement du tribunal civil d'Anvers du 18 mai 1972, R. W., 1972-1973, p. 76), a reconnu,

à

tout le moins, le principe d'une condamnation à la fois de la société intercommunale chargée des travaux du métro et de la ville, propriétaire du sol.

Le fondement de

r

action contre les pouvoirs publics reste controversé. Peut-elle être fondée sur l'article 544? Cela paraît discutable (cf. notre précédente chronique, n° 11 ).

Mais, on a pu aussi critiquer l'application du principe de l'égalité devant les charges pu- bliques, en cette matière (cf. Hahotiau, « L' éga- lité en matière de troubles de voisinage

»

dans L'égalité, t. V, p. 67 et part. pp. 84 et s.).

Concernant ce problème, voyez notre précé- dente chronique et références; add. Chandelle, n° 22; ivt.-A. et Ph. Flamme, n° 4; Hannequart, n° 340; Hannequart, Troubles de voisinage, n° 63; Mathéï, note sous Cass., 31 octobre 1975, Entr. et Dr., 1976, p. 54.

9. - Fondement du dro.it à réparation.

Lorsque le trouble prend un èaractère « abu- sif

».

son auteur peut être poursuivi sur base de larticle 1382 .du Code civil.

(4)

Nous avions développé lapplication de la théorie de l'abus de droit aux relations de voisinage dans notre précédente chronique.

Nous avions dit que cette théorie est applica- ble notamment à certains promoteurs qui sont à la base de la destruction de nos villes et de leur équilibre social et à certains industriels qui défigurent des régions entières, les .uns et les autres n'ayant en fait en vue que la maximalisa- tion de leurs profits (cf. notre précédente chronique, n°s 11 et 12). ·

L'application de la théorie des troubles du voisinage- ne doit pas en effet devenir, dans les relations de voisinage, une panacée qui permet- trait d'éluder lapplication de la responsabilité quasi délictuelle.

Nous avions _d'ailleurs approuvé larrêt de la cour d'appel de Liège du 16 février 1972 (J. T., 1972, p. 356) qui avait condamné une entreprise de travaux publics, sur base de l'article 1382 dU Code civil car cette entreprise savait parfaite- ment que les travaux qu'elle serait amenée à effectuer pour remplir ses obligations contrac- tuelles vis-à-vis de l'Etat, étaient susceptibles de causer des dommages à des tiers et que

«contractant avec l'Etat, l'entrepreneur a com- mis la faute de crééer une situation de fait éventuellement dommageable pour les tiers ».

L'arrêt ajoutait que l'entrepreneur aurait dû demander un prix plus élevé avec des délais plus longs pour étudier les mesures aptes à éviter tous risques.

Cet arrêt a été cassé par la Cour de cassation par un arrêt du 4 octobre 1973 aux motifs notamment que « le fait de se livrer à une activité de nature à nuire voire même le fait de causer un dommage à autrui ne constitue pas nécessairement une faute ».

La Cour ajoute que l'arrêt attaqué ne constate à charge de l'entrepreneur «aucune faute ou négligence dans la conception ou lexécution des travaux entrepris ».

Or, à notre sens, la cour d'appel avait précisément dégagé la faute du fait d'avoir contracté d'_une façon telle que l'exécution de l'entreprise devait entraîner nécessairement un trouble nuisible aux voisins, alors qu'il semblait y avoir d'autres voies moins nuisibles pour exécu- ter ces travaux. Même si lexécution en soi n'était dès lors pas fautive,

r

entrepreneur semblait avoir commis un abus en acceptant cette conception et cette exécution des travaux et en se montrant indifférent

à

ses conséquen- ces (cf. dans le même esprit, la responsabilité de lentrepreneur dans le cas où il accepte d' exécu- ter des travaux qui sont susceptibles d'entraîner des vices, Flamme « Responsabilité entre les constructeurs » dans louvrage collectif Le droit de la construction et de l'urbanisme, éd. Jeune barreau, 1976, et particulièrement n° 22;

Flamme,

«

Examen de jurisprudence concernant, le contrat d'entreprise », J. T., 1976, particulière- ment le n° 31 et réf. cit.). J.-M. ·Chandelle semble pourtant approuver l'arrêt de la Cour de cassation sur base de la ·théorie de lacte détachable : le · dommage ne pourrait être imputable à lentrepreneur car il est la con- séquence nécessaire et inévitable des· con- ditions imposées par le maître de louvrage. Or la cour de Liège avait précisément relevé que l'entrepreneur a contracté librement et avait dès lors choisi le risque d'une exécution nuisible pour les voisins.

La cour d'appel de Bruxelles (11 févr. 1970) a eu à connaître d'un problème assez proche. Le premier juge (Civ. Mons, 24 janv. 1968 publié avant l'arrêt précité) avait constaté que l'emploi par l'entrepreneur des travaux publics d'un puissant matériel pour briser le revêtement

d'une route, avait causé des dégâts à un immeuble riverain. Le tribunal avait condamné l'Etat parce que: «il y a faute entraînant obligation de réparer lorsqu'un puissant matériel moderne, normal en soi, est mis en œuvre à un endroit où il cause des dégradations aux . immeubles riverains, qui, sans son emploi, n'auraient pas souffert des méthodes tradition- nelles de travail ». Il avait en outre condamné l'entrepreneur

à

garantir l'Etat des condamna- tions prononcées à sa charge.

La cour d'appel de Bruxelles a réformé cette décision au motif que « rien ne permet de dire, ou bien que l'utilisation de ce màtériel ne s'imposait pas en l'occurrence et qu'il aurait pu être recouru à d'autres méthodes ou moyens de travail, ou bien, qu'il y aurait eu manque de précautions dans l'utilisation de ce matériel

»

(l'Etat est néanmoins condamné mais par appli- cation de la théorie des troubles de voisinage).

Le premier juge n'avait pas en l'espèce, il est vrai, poussé assez loin lanalyse de la faute en indiquant une autre méthode (qui aurait même pu être plus coûteuse, plus longue à être mise en œuvre) et qui n'eût pas entraîné pareil dom- mage.

Dans ce cas l'entrepreneur aurait même pu être conda,mné parce qu'il ne s'était pas abstenu de faire les trav,aux: « l'abstention s'impose aussi parfois sous peine d'un abus de droit» (cf.

Hannequart, note sous l'arrêt Entr. et Dr., 1974,- p. 112, n° 9, mais qui est plus réservé lorsqu'il s'agit de travaux publics, même note, n° 10).

10. - Nature du trouble anormal donnant droit à réparation.

Depuis l'arrêt de la Cour de cassation' du 19 octobre 1972 ( Pas., 1973, 1, 177; cf. notre précédente chronique n° 13), on sait qu'il n'y a pas lieu de distinguer troubles « objectifs » et troubles « subjectifs » pour la réparation sur base de la théorie des troubles de voisinage.

Excèdent ainsi la mesure des inconvénients normaux du voisinage « des bruits assourdis- sants provoqués notamment par l'utilisation nocturne des excavatrices non munies d'un silencieux» (Civ. Bruxelles, 18 déc. 1974). Dans cette dernière affaire le tribunal se fonde sur ce que « l'article 544 du Code civil reconnaît

à

tout propriétaire le droit de jouir· paisiblement de sa chose », les propriétaires voisins ayant

à

cet égard un droit égal.

Il importe peu dès lors, que les règles de lart aient été respectées, que les règles techniques imposaient un travail ininterrompu ou encore que les .bruits excessifs ne portent atteinte ni

à

la sécurité ni à la solidité ·de l'immeuble : en effet, un trouble purement subjectif peut donner lieu à réparation sans qu'il s'accompagne de désordre «objectif ».

De son côté, le juge de paix de Gemblou~ (18 févr. 1975) a condamné un commerçant qui faisait décharger systématiquement de la mar- chandise de camions, dans une voie étroite sans prendre les précautions nécessaires pour limiter strictement dans !!espace et dans le temps les inconvénients qui en résultent pour .les voisins.

Mais bien sûr, les bruits normaux ne donnent pas lieu à réparation; « on ne peut exiger des locataires un silence absolu, d'ailleurs incompa- tibles avec les activités courantes d'un ménage bourgeois (sic) et inconcevable en plein centre de la ville» (Civ. Bruxelles, 30 mars 1976).

La perte de clientèle résultant d'une impossi- bilité d'accès même temporaire peut également être· considérée comme un trouble ariormal (Cass., 28juin 1973). C'est à tort que le tribunal civil de Liège (7 mai 1976) en a décidé autrement : le déséquilibre anormal apporté même momentanément ou même par intermit-

tence (J.P. Gembloux, 18 févr. 1975) peut donner droit à réparation (cf. infra 16, b et jurisprudence citée dans notre précédente chro- nique, n° 14; add.: Cass., 28 juin 1973; Civ.

Bruxelles, 18 déc. 1974; Civ. Furnes, 29 mars 1973). Ainsi également la' cour d'appel de Bruxelles (11 déc. 1973) a pu considérer comme anormal la poussière« qui s'élève d'une maison pendant un temps relativement court à la suite de la démolition d'un bâtiment contigu».

Mais la cour d'appel d'Anvers, dans un arrêt du 20 décembre 1976 (confirmant un jugement du Trib. Civ. d'Anvers du 18 mai 1972) a considéré qu'invoquer la diminution du nombre des piétons suite aux travaux du métro fait appel

à

un droit prétendu et qu'il ne s'agit que d'avantages· indirects et accessoires de la propriété. ·

En raison des circonstances de l'espèce, cette opinion est peut-être exacte, mais il ne faut pas en faire un principe : tout au contraire, la voie publique est un complément indispensable à la propriété et laccès aux immeubles qui la bordent doit être protégé et on ne peut y porter atteinte (voy. cependant la position nuancée de Flamme, t. Il, n°s 772 et s.).

Dans le sens de notre opinion, Civ. Liège, 11 1um 1976 (s.p.r.I. Swennen c. Etat belge, ministère des Communications et Fonds des routes), inédit, cité par Hanotiau dans Anseau- Navewa, p. 17. Le tribunal a accordé une indemnité

à

une entreprise qui, pendant des travaux, n'avait pu capter les eaux de la ·Meuse qui lui parvenaient normalement par infiltration.

De son côté, le juge de paix de Namur ( 13 janv. 1976) a refusé d'attribuer une indemnité

à

la suite de chute de pierres sur le terrain voisin, car il a. constaté que ces chutes de pierres ne sont pas dues «au mode d'usage de la propriété, mais résultent de la nature même de celle-ci, qui était pareille de tout temps » (il s'agissait en l'espèce d'effritements dus au caractère schisteux des roches).

La cour d'appel d'Anvers (28 juill. 1975) a condamné un propriétaire constructeur dont le voisin a souffert des infiltrations provoquées par l'omission d'une protection suffisante le long du mur de refend : le mur était resté à nu pendant un temps.

La cour s'exprime cependant d'une façon ambiguë : « dès l'instant où les tassements ne sont pas la conséquence d'une exécution défectueuse de l'entrepreneur ... , .la compensa- tion .du préjudice est

à

la charge du· maître de l'ouvrage ». Cela peut faire croire que, dans lesprit de la cour, la théorie des troubles de voisinage a un caractère subsidiaire, ce qui est critiquable (cf. infra, n° 11 ).

11. - Champ d'application.

On est surpris de constater que certaines juridictions continuent d'affirmer le caractère subsidiaire de la théorie des troubles de voisi- nage (cf. Civ. Bruxelles, 11 févr. 1975; Mons, 18 nov. 1975) alors que la Cour de cassation s'est prononcée clairement sur lautonomie de cette théorie (cf. notamment Cass., 14 juin 1968, Pas., 68, 1, 1177; R.C.J.B., note Dabin, 1969, p. 387;

notre précédente chronique, n° 18).

La Cour de cassation· a encore réaffirmé dans un arrêt du 27 septembre 1973 que

«

le juge qui constate le caractère anormal des troubles de voisinage causés

à

une propriété décide. légale- ment qu'il est sans intérêt d'examiner si l'auteur des troubles a commis une faute engageant sa responsabilité au sens de l'article 1382 du Code civil» (cf. également Civ. Bruxelles, 18 déc.

1974).

De même, la cour d'appel de Bruxelles ( 16 janv. 1976) a accueilli une action fondée à la fois

(5)

sur les articles 544, 1382 et 1383 du Code civil (dans le même sens: Civ. Furnes, 29 mars 1973).

12. - Locataires. - Concessionnaires. - Superficiaires.

La théorie du trouble de voisinage s'applique à tous les titulaires d'un droit d'occupation.

La Cour de cassation, dans un arrêt du 10 janvier 1974 confirme la position qui était celle d'une grande partie de la doctrine et de la jurisprudence en rejetant un pourvoi çontre un arrêt de la cour d'appel de Bruxelles du 15 mai 1972 qui avait condamné un propriétaire à indemniser son voisin locataire.

A lobjection selon laquelle le jugement attaqué s'était fondé, à tort, sur l'article 544 du Code civil, la Cour répond que l'article 544 «vise les restrictions au droit de propriété comman..:.

dées par les nécessités du voisinage » (ce qui est une formule audacieusement elliptique). Elle ajoute que le locataire peut invoquer cette disposition car « le locataire détient en vertu dLi bail un des attributs du droit de propriété : la jouissance du bien » et que la théorie des troubles de voisinage s'applique car elle a pour objet de rétablir « léquilibre des droits de jouissance» (voy. sur cette dernière notion et sa confusion avec la notion d'égalité : Hanotiau, note dans L'égalité, t. V, op. cit. ).

Il faut ajouter que le caractère absolu du droit de propriété a disparu, en même temps, dans bien des cas d'ailleurs, que le caractère précaire de lexercice du droit de créance. On peut, en outre, affirmer que« les droits réels ne sont plus spécifiquement caractérisés par lobligation passive universelle qu'ils engendrent» (cf. Re- nard, ncite précitée à la R.C.J.B.).

Il paraissait donc normal que la jouissance bénéficie d'une protection identique, que son titulaire la tienne d'un droit réel ou d'un .droit de créance, puisque son usage et ses effets sont,

à

légard des tiers, bien souvent identiques.

On peut cependant s'interroger sur le vérita-·

ble fondement de la théorie des troubles de voisinage

à

l'égard des titulaires d'un droit de créance.

L'article 544 du Code civil ·est une disposition à laquelle on fait dire beaucoup de choses ... M.

le premier avocat général Mahaux a, d'ailleurs, répété qu'à son sens, la théorie ne pouvait se fonder que sur « l'application multipliée de larticle 544 telle que cette application résulte de la tradition ainsi que dans les principes d'égalité devant la loi et devant les charges que comporte la vie en société » (à propos de la notion d'« égalité » en cette matière, voyez Hanotiau, note dans L'égalité, t. V, op. cit.). (Sur le problème du fondement légal, voy. également conclusions devant Cass., 6 avril 1960, Pas., 1960, 1, 926, devant Cass., 28 janv. 1965, Pas., 1965, 1, 523, devant Cass., 10 janv. 1974, Pas., 1974; 1, p. 491; cf. également la mercuriale de M.

le procureur général Ganshof van der Meersch,

« Propos sur le texte de la loi et les principes généraux du droit», J. T., 1970, pp. 557 et s. et 581 et s. et particulièrement p. 587).

La théorie des troubles de voisinage (dans certains cas renforcée par la théorie de l'abus de droit) permet la protection des habitants (quel- que soit leur statut juridique) contre les atteintes portées de façon générale à leur cadre de vie (voy. notre précédente chronique, n°s 11 et 12;

cf. également Renard note précitée

à

la . R.C.J.B.).

Mais si c'est la seule jouissance qui justifie le droit d'indemnisation et que c'est le locataire qui exer~e ce droit, le propriétaire peut-il également se retourner contre l'auteur du trouble?

La réponse à cette question n'est pas automatique. Dès. lors que lon fonde la théorie des troubles de voisinage sur un principe général de droit qui a pour corrollaire l'équilibre des jouissances au sein de la cité, il faut chaque fois que se produit un déséquilibre considéré comme anormal, déterminer quels en sont les bénéficiai- res et quelles en sont les victimes.

Le plus souvent sans doute propriétaire et locataire auront chacun souffert de déséquilibre.

Mais il n'est pas certain que pour des· troubles subjectifs passagers, en tous cas, ce ne soit pas le locataire qui en souffre, seul, et non le

propriétaire. ·

. Ont également estimé qu'une demande en indemnité pour troubles anormaux de voisinage peut être introduite. par un locataire : Anvers, 20 décembre 1976, Civ. Bruges, 23 décembre 1976 (contra cependant: Civ. Liège, 24 janv. 1974).

est logiquement et pour les mêmes 1motifs que la Cour de cassation a admis que le recours peut s'exercer contre un concessionnaire d'un droit de jouissance sur la voie publique (Cass., 31 oct. · 1975). Dans le même sens, Anvers, 20 décembre 1976 concernant la· responsabilité de la société intercommunale maître de louvrage des travaux du métro, occupant précaire du domaine public (contra : Hannequart, n° 313).

Ne pourrait-on objecter que le droit du concessionnaire est par nature précaire puisque le pouvoir concédant peut y mettre fin ad nutum ? (cf. Dembour, Droit administratif, 3e éd., p. 420; Mast, p. 187).

On peut répondre que malgré les garanties de

· plus en plus grandes qui lui sont données, le droit du locataire reste lui aussi temporaire. En outre le concessionnaire a, pendant la durée de la concession, un droit d'usage proche de celui du locataire. Par conséquent les atteintes qui y sont portées ou celles qu'ils causent doivent donner lieu à réparation (celle-ci sera cepen- dant différente suivant la nature du droit en vertu duquel son titulaire exerce la jouissance (cf. infra).

Il faudra en outre examiner si le pouvoir concédant peut également être mis en .cause : cela sera le cas lorsqu'il tire profit du déséquili-

bre. '

De même il a été jugé que lorsqu'un pouvoir public (en l'espèce la ville d'Anvers) fait cons- truire le métro par une société intercommunale, le juge peut estimer que les victimes des troubles ont le droit de se retourner

·à

la fois contre cette société et contre la ville (Anvers, 20 déc. 1976).

Il en est également ainsi lorsqu'une commune (en lespèce la commune de Saint-Josse) restée propriétaire du sol, a concédé un droit de superficie à un promoteur qui était chargé de construire un important complexe immobilier (Civ. Bruxelles, 18 déc. 1974) dont elle pourra bénéficier

à

lexpiration du droit de superficie (il faut relever qu'en l'espèce la constitution de la superficie n'était de toute façon pas opposable au tiers à défaut d'avoir été transcritè).

13. - « La prédisposition » aux troubles du fonds lésé.

Si la cause des dégradations réside dans un vice de l'immeuble du· voisin lésé, celui-ci peut se voir refuser la compensation ou n'obtenir qu'une compensation réduite (Bruxelles, 1er oct.

1973; cf. notre précédente chronique, n° 15; De Page et Dekkers, t. V, n° 930; Hannequart, Troubles de voisinage, n° 80; M.-A. et Ph.

Flamme, p. 207, n°s 10 et 11).

Mais il y aura évidemr:nent contestation

à

propos de l'application

?e

ce principe (cf.

jurisprudence en référence dans les ouvrages précités). Il y aura faute de la part de larchitecte et éventuellement de l'entrepreneur et du maître de louvrage si ceux-ci ont omis de prendre les mesures de précaution nécessaire pour éviter le dommage ou le réduire (cf. Civ. Audenaerde, 21 nov. 1964; Bruxelles 1er oct. 1973).

14. -:-Le promoteur.

Lorsqu'un promoteur construit un immeuble dont il vend tous les appartements, qui est tenu de réparer les troubles anormaux de voisinage ? La question est controversée (cf. notre précé- dente chronique n° 17 et réf. cit.). Elle s'inscrit d'ailleurs dans le problème général de !'imputa- bilité des troubles (voy. sur cette question, notamment, Hannequart, Le droit de la cons- truction, n°s 329.et s.).

Un arrêt de la Cour de cassation a considéré qu'est légale la décision qui condamne des promoteurs qui ont fait construire un immeuble puis l'ont entièrement vendu, car «lorsqu'ils étaient voisins, ils ont créé la situation juridique et administrative » qui a entraîné le trouble (Cass., 20 juin 1975).

La responsabilité du promoteur est ainsi engagée même si, au moment

le dommage apparaît, le promoteur est devenu étranger à l'immeuble, tous les appartements ayant été vendus (dans le même sens: Civ. Nivelles, 14 mars 1977, l'obligation de réparer ne se trans- met pas avec le fonds. Elle ne peut être dirigée que contre l'auteur d.u trouble et non contre les acquéreurs ultérieurs).

Si lon justifie cette solution, par la considéra,, tion que le promoteur est le· bénéficiaire du déséquilibre, elle est conforme au · principe général qui est à la base de la théorie.

Mais si l'on fonde la responsabilité du promoteur sur le fait qu'il est lauteur du dommage, la solution nous paraît plus contesta- ble : en effet, c'est en matière de responsabilité quasi délictuelle que l'obligation de réparer pèse sur lauteur du dommage, alors qu'en matière de trouble de voisinage, on prétend généralement que l'obligation .de réparer pèse sur le(s) bénéfi- ciaire(s) de la rupture de l'équilibre (c'est d'ailleurs un des motifs qui permet d'exclure la reponsabilité de l'intrepreneur alors que celui-ci peut être màtériellement lauteur du dommage;

cf. Dabin, R.C.J.B., 1968, p. 390, particulière- ment n° 4).

Ainsi, à notre sens, la victime peut avoir le choix de se retourner contre le promoteur et contre les acquéreurs si elle peut établir dans leur chef un bénéfice résultant de la rupture de léquilibre dans la jouissance des propriétés (cette solution n'a d'ailleurs pas été exclue par larrêt de la Cour de cassation précité qui n'a pas eu à se prononcer sur cette possibilité).

15. - La réparation.

a) La réparation du dommage causé doit normalement consister dans « une juste et adéquate compensation rétablissant légalité rompue» (Cass., 6 avril 1960, précité).

Le juge dispose d'un large pouvoir d'appré- ciation quant au mode de réparation le plus adéquat et il ne sera pas tenu d'ordonner par priorité la réparation ·en nature, puisque cette règle ne s'impose que lorsqu'il s'agit d'effacer les conséquences d'une faute.

Il pourra condamner le bénéficiaire du dé- séquilibre au paiement d'une somme destinée à compenser la moins-value subie par son voisin.

Il est également à peu près unanimement admis qu'il pourra ordonner la réparation en nature sur le fonds lésé.

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(6)

b) Mais la question de savoir si la réparation en nature est possible également sur le fonds du bénéficiaire du déséquilibre est plus controver- sée.

Même si la construction ou l'activité, source du trouble, n'a pas fait l'objet d'une autorisation administrative (nous reviendrons sur cette hypo- thèse plus loin) plusieurs auteurs s'opposent à ce que soit ordonnée une réparation en nature sur ce fonds. En effet expliquent-ils, si le trouble anormal n'est pas la conséquence d'une faute, c'est qu'il est licite et le trouble est dès lors

« inévitable» (De Page et Dekkers, t. V, n°s 921 et 929; Hannequart, n° 307; même auteur, Troubles de voisinage, n° 77). ·

S'il ne

r

était pas, lauteur du trouble a commis une imprudence, une négligence donc. une faute en ne l'évitant pas (mêmes auteurs).

Certes, on pourra poursuivre sur base des règles de la responsabilité quasi délictuelle celui qui, entre deux méthodes de construction ou·

deux manière d'exercer son activité, a choisi la plus dommageable. Mais telle n'est évidemment . pas toujours le cas et l'on ne pourra pas toujours considérer comme fautif, le fait de ne pas avoir fait certains ·travaux permettant . d'éviter le dommage.

Le dommage causé par un trouble anormal de voisinage est la conséquence de lexercice apparemment licite d'un droit, celui de cons- truire sur son fonds ou d'y exercer une activité.

Mais si cet exercice licite d'un droit est tel qu'il provoque un déséquilibre anormal, il faut le considérer, suivant le cas, comme abusif ou excessif (voy. Carbonnier, Droit civil, t. 3, 7e éd., n° 57), socialement choquant, «juridiquement anormal » (cf. Carbonnier, op. cit.; Dabin, Le droit subjectif, Paris, 1952):

l'acte ou l'abstention, source du troUble, ne _sera alors qu'apparemment licite : en fait, cet usage du droit sera sanctionné, soit par applica- tion de la théorie de l'abus de droit et par larticle 1382 du Code civil s'il est « abusif », soit par application de la théorie des troubles de voisinage s'il provoque un déséquilibre anormal avec le fonds voisin.

Aucun texte n'a limité le pouvoir du juge c:,i' ordonner la réparation en nature aux seules conséquences d'une faute; en outre la théorie des troubles de voisinage a un caractère autonome (cf. supra n° 11) et leffet juridique de l'application d'un principe général de droit n'est pas différent de celui d'une règle inscrite dans le Code civil : rien dès lors ne prive le juge d'appliquer pareille sanction s'il l'estime la plus àdéquate (cf. Flamme, t. 11 n° 757; B. Glansdorff, Chronique, n° 14; Chandelle, Chronique, n° 32).

Le choix du juge sera guidé essentiellement par l'idée du rétablissement de l'équilibre : dans certains cas la réparation en nature sur le fonds d'où émane le trouble se. révèlera impossible pratiquement, parce que pareille condamnation apparaîtrait disproportionnée avec le dommage causé; elle sera alors susceptible de créer un déséquilibre, cette fois au détriment de l'auteur .du trouble; dans d'autres cas, la réparation en nature sera impossible (également, par exemple, parce que l'auteur du trouble, seul mis en cause, n'a plus de droits sur le fonds d'où émane le trouble (par exemple dans le cas du promoteur, cf. supra, n° 14).

Mais dans d'autres cas encore cette solution apparaîtra comme la plus adéquate pour rétablir l'équilibre entre les deux .fonds.

Dans son arrêt du 27 novembre 1974, la Cour de cassation semble ne pas écarter la possibilité d'une réparation en nature sur le fonds d'où émane le trouble.

Il faut cependant relever que la Cour n'avait pas été saisie d'un moyen pris de la violation d'une des dispositions sur lesquelles se fonde la tlié.orie des troubles de voisinage et qu'il faut donc être prudent dans l'interprétation de cet arrêt. On. est cependant frappé pâr le caractère général des termes choisis par la Cour et du vocabulaire auquel elle a recouru, semblable à celui utilisé en matière de troubles de voisinage.

La Cour déclare en effet que : « aucune disposition légale ne dispense lexploitant, régu- lièrement autorisé ... de lobligation de ne pas nuire notamment de ne pas infliger à autrui un trouble qui excède la mesure des inconvénients normaux du voisinage; ... lorsque le juge cons- tate, comme en l'espèce, l'existence d'un dommage anormal inhérent à semblable exploi- tation, il a, en vertu des .règles du droit civil, le pouvoir d'ordonner lexécution en nature de lobligation de ne pas nuire et, à· cette fin, l'apport à létablissement... de tous travaux, etc.».

c) Ce même arrêt de la Cour de cassation, se prononce sur le droit des èours et ·tribunaux d'ordonner la réparation en nature sur le fonds d'où émane le trouble lorsque celui-ci est provoqué par une activité qui fait l'objet d'une décision administrative.

La Cour réaffirme la jurisprudence consacrée par son arrêt du 27 avril 1976 (Pas., 1, 938 avec les conclusions de M. l'avocat général Dumon):

le juge peut ordonner des travaux destinés à éliminer ou à diminuer les dommages, mais à condition qu'ils « ne s'opposent pas à ceux qui ont été prescrits par l'autorité administrative

·dans l'intérêt général, et qui ne compromettent pas l'existence même de l'établissement auto- risé». En l'espèce le juge du fond, d'après la Cour, ne pouvait ordonner l'arrêt de l'exploita- tion, même temporaire, d'un dancing pendant la durée des travaux qu'il avait ordonn~ d' accom- plir, car l'exploitation de ce dancing était autorisé par le pouvoir exécutif.

Dans notre précédente chronique, nous avions longuement critiqué cette jurisprudence et nous y renvoyons le lecteur (cf. notre précédente chronique, n° 21 et réf.; critiques et réserves concernant cette jurisprudence égale- ment, par F. Glansdorff, R.G.A.R., 1975, n° 9475 sous Cass., 27 nov. 1974; Dalcq, Chronique de jurisprudence, p. 648( n° 29; Favresse, observa- tions sous Gand, 27 nov. 1968; J. T., 1970, p. 205; dans le sens de cette jurisprudence, voy.

Hannequart, Jeune barreau, n° 70; Rigaux, n°s 876 et 877).

d) Lorsqu'elle est faite en espèces, la com- pensation doit être liée à la moins value provoquée par le déséquilibre. Ainsi le tribunal civil de Bruges (27 déc. 1976) limite le montant de la compensation à verser à un locataire, à la durée du bail.

16. - Objections à la réparation.

a) Peut-on refuser ou limiter la compensation . en affirmant que !es travaux qui ont provoqué les troubles vont entraîner pour la victime une plus-value en raison du développement du quartier apporté par lesdit travaux ?

Certains tribunaux accueillent cette argumen- tation (cf. Civ. Liège, 7 mai 1976); ils sont approuvés par une partie de la doctrine (cf.

Hannequart, Troubles de voisinage, n°s 70, 86 et 87; Rasir, note à propos de Civ. 'Liège, 7 mai . 1976, J. T., 1977, p. 235).

C'est une erreur à notre sens : d'une part, ce que l'on appelle «<le développement du quar- tier

»

est une notion subjective et le type· de développement apporté par lauteur du trouble n'est pas nécessairement celui souhaité par sa

victime (cf. notre précédente chronique, particu- lièrement n° 12). D'autre part, l'avantage éven- tuel, hypothétique (et futur) que ces travaux apporteront est tout à fait indirect et n'a de toute façon aucune « relation causale avec le trouble excessif de voisinage subi par le fonds lésé » (Civ. Bruxelles, 18 déc. 197 4, approuvé par la note F. Glansdorff, R.G.A.R., 1975, n° 9476).

Il n'y a d'ailleurs qu'à relire l'ordonnance rendue par Comm. Bruxelles, 22 juillet 1969 (réf.) (R.G.A.R., 1970, n° 8505) pour constater le rôle difficile du juge lorsqu'il se substitue aux justiciables pour décider si les travaux sont en mesure de développer le quartier et pour exprimer un choix politique sur le type de développement de la cité (il s'agissait en l'espèce du tristement célèbre Manhattan Cen- ter; voy. également nos observations dans notre précédente chronique, n° 12).

De toute façon, ce n'est pas en ayant en vue le bénéfice de leurs voisins que les promoteurs bâtissent, mais essentiellement pour leur profit

personnel. ·

En matière de· travaux publics, la solution reste la même : de toute façon les travaux publiès ont pour but de conserver ou d'améliorer la situation existante au profit de tous les citoyens et notamment de tous les riverains.

Si certains d'entre eux subissent un préjudice, il serait anormal qu'ils ne soient pas indemnisés alors que leurs voisins et les autres citoyens profiteront de la même façon des avantages créés par les travaux .mais sans avoir eu

à

en subir les inconvénients (en ce sens : note Fagnart sous Civ. Liège, 7 mai 1976, J. T., 1976, p. 679).

· b) Le caractère momentané du trouble n'a pas d'influence sur le droit à la réparation (Bruxelles, 11 déc. 1973 et Civ. Bruxelles, 18 déc.

1974). C'est ce que prétendent cependant, à tort, certaines décisions (cf. notamment le décidément très critiquable jugement de Trib.

Civ. Liège, 7 mai 1976).

Bien sûr, le juge tiendra compte, in concreto, de la durée des troubles, mais sans y accorder plus d'importance qu'aux autres éléments qui lui permettent de se faire une conviction concer- nant le caractère normal ou anormal du trouble.

Il ne nous paraît pas nécessaire que les effets du trouble soient définitifs pour qu'ils revêtent un caractère anormal (en ce sens, Chandelle n° 29 à propos. de Cass., 28 juin 1973 : parmi les critères retenus par le juge du fond, l'impossibi- lité temporaire d'accès entraînant la perte définitive de clientèle): un trouble peut être anormal même si ses effets ne sont pas permanents (Bruxelles, 11 déc. 1973; Comm.

Bruxelles (réf.), 30 sept. 1975; Anvers, 20 déc.

1976; Cass., 20 juin 1975; Flamme, Traité, n° 769; Fagnart, examen de jurispruderrce (1968-1975), p. 679).

17. - Responsabilité des architectes et en- trepreneurs.

La condamnation d'un propriétaire bâtisseur sur base de la théorie des troubles de voisinage n'exclut pas la condamnation des architectes et entrepreneurs s'ils ont cpmmis une faute enga- geant leur responsabilité quasi délictuelle (cf.

supra, n° 11 et réf.).

Ils pourront être condamnés in solidum avec le maître de l'ouvrage (Civ. Furnes, 2.9 mars 1973; Civ. Bruxelles, 18 déc. 1974; Bruxelles, 16 janv. 1976; Hannequart, Troubles de voisinage, n°s 89 et s.; à propos des principes de la condamnation in solidum, voy. note Limpens au Tijds. voor Aan., 1975, 181, sous Cass., 7 déc.

1973, et Fagnart, «L'obligation in solidum dans la responsabilité contractuelle », note sous Cass., 15 févr. 1974. R.C.J.B .. 1975, p. 233).

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