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JURISPRUDENCE CHRONIQUE DEJURISPRUDENCE JURISPRUDENCE FRANCAISE

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JURISPRUDENCE

C H R O N I Q U E D E J U R I S P R U D E N C E

J U R I S P R U D E N C E FRANCAISE

I - OEUVRES PROTEGEES - QUALITE D'AUTEUR

1) "La détermination de la qualité d'auteur d'une oeuvre protégée relève exclusivement de la loi" (Cassation 29 mars 1989, Rutman, RIDA 141 p. 262). Au nombre des dispositions législatives pertinentes pour cette détermination, figure l'article 8 de la loi du 11 mars 1957 présumant la qualité d'auteur de celui sous le nom duquel l'oeuvre est divulguée. Pour. avoir omis de préciser ce qui justifiait le rejet de la présomption, la Cour de Cassation a cassé un arrêt de la Cour d'appel de Paris (3 juillet

1990, Agostini c./ A2 et autres, RIDA 148p. 103 et 116).

La Cour de renvoi (Versailles, Bruckberger c./ Agostini, 18 mars 1992) a cru pouvoir se dispenser de rechercher si le bénéficiaire de la présomption avait ou non la qualité de coauteur d'un scénario et détenait en conséquence des droits sur l'oeuvre composite dérivée de ce dernier ("Les Dialogues des Carmélites"). Dès lors que l'intéressé a contractuellement renoncé à ses droits au profit des ayants droit de Bernanos, son action, estime cette Cour, ne saurait être accueillie. Il convient pourtant de remarquer que si M. Agostini doit être reconnu légalement coauteur, sa renonciation contractuelle ne peut s'analyser qu'en une cession de ses seuls droits patrimoniaux, l'intéressé demeurant investi des droits moraux inaliénables (cf. pour un cas assez semblable Boyer, Cassation 4 avril 1991, RIDA 150 p. 85 et 125).

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2) S'agissant d'une OEUVRE D E COLLABORATION, il est de jurisprudence constante qu'en application de l'article 10, 2e alinéa, de la loi du 11 mars 1957, la demande de l'un des coauteurs relative à ses droits patrimoniaux qui omet de mettre en cause les autres coauteurs est irrecevable.

Le Tribunal de grande instance de Créteil (Dewever, 14 janvier 1992) a étendu cette irrecevabilité à une demande qui visait aussi bien les droits moraux que les droits patrimoniaux, mais en demandant l'allocation d'une somme unique sans distinguer l'atteinte aux droits patrimoniaux et la méconnaissance des droits moraux du coauteur.

3) Le "personnage" de fiction est en soi une oeuvre protégeable dont l'auteur peut s'opposer à sa reproduction, sa représentation ou son adaptation. Encore faut-il, pour justifier la protection, que le personnage soit bien individualisé par ses caractéristiques telles que l'allure physique, la silhouette, les vêtements habituels, la manière de parler ou le vocabulaire, les traits de caractère ou de comportement.

En sanctionnant la contrefaçon d'un personnage graphique dont les

"caractéristiques essentielles" ont été reproduites sans autorisation du dessinateur, sans préciser quelles sont ces caractéristiques, la Cour d'appel de Paris (4e Ch., Sté des Editions Vents d'Ouest, 6 novembre 1991 - non reproduit) ne permet pas de déterminer si la contrefaçon porte sur le dessin du personnage ou sur le personnage lui-même en tant que création distincte du dessin.

4) OEUVRES AUDIOVISUELLES (vidéo-clips) : on s'interroge parfois sur le régime juridique des vidéo-clips dont la forme d'expression (séquence d'images et de musique)

est associée à une finalité de promotion commerciale d'un phonogramme.

La Cour d'appel de Paris (4e Ch., M m e Breillat, 6 juin 1991 - non reproduit) énonce qu'un vidéo-clip est une oeuvre audiovisuelle dont la transmission des droits au producteur est subordonnée à la conclusion d'un contrat de production audiovisuelle

liant au producteur les auteurs autres que ceux de la composition musicale.

II - DROIT MORAL

1) L'équilibre des droits moraux des auteurs d'oeuvres d'architecture ou monumentales et ceux du propriétaire de l'ouvrage pose des problèmes délicats (cf.

Cassation Bonnier, 7janvier 1992, RIDA 152 p. 176 et 194).

En décidant que le maître de l'ouvrage matérialisant une oeuvre de l'esprit

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constituée par une mosaïque ayant subi des dégradations n'encourt aucune responsabilité dès lors qu'il a assuré l'entretien normal de l'ouvrage, la Cour de Cassation (Munch, 3 décembre 1991) ne s'est pas montrée défavorable au propriétaire du support corporel.

2) S'il est bien délicat d'établir une hiérarchie entre les attributs du droit moral, on admettra aisément que le droit de paternité ou droit au respect du nom est une prérogative essentielle de l'auteur.

Le juge des référés a justement sanctionné une atteinte à un tel droit résultant de l'édition et de la diffusion de vidéocassettes d'un film, faussement présentées comme contenant la musique originale créée pour le film par des compositeurs alors que l'enregistrement ne contenait en réalité qu'une compilation d'extraits d'oeuvres du domaine public. Cet agissement constitue un "trouble manifestement illicite" justifiant les pouvoirs du juge des référés pour faire cesser le trouble et accorder une réparation aux auteurs lésés au regard de leur droit au respect de leur nom, de leur qualité et de leur oeuvre (ordonnance de référé du 17 avril 1992 du TGI de Paris au profit de MM.

Duhamel et Jansen et du Syndicat National des Auteurs et Compositeurs de Musique).

3) Méconnaît le droit moral l'éditeur cessionnaire des droits patrimoniaux qui, sans autorisation de l'auteur, concède à des sous-éditeurs la faculté d'utiliser un extrait d'une chanson objet du contrat de cession à des fins publicitaires.

En se prononçant ainsi, dans un litige qui sera également évoqué en ce qui concerne les droits patrimoniaux, le Tribunal de grande instance de Paris (Consorts Brel, 5 février 1992) a confirmé sa jurisprudence résultant du jugement du même Tribunal du 21 février 1989 (Pascal di Fusco, commentaire RIDA 143, p. 293) dans lequel il énonçait que "cette destination (publicitaire) totalement différente comme support d'une oeuvre nouvelle à caractère commercial peut conduire à une dépréciation de l'oeuvre en tant que telle connue sous son aspect artistique dans le domaine de la variété". Autrement dit, l'utilisation publicitaire d'une oeuvre de variété constitue, en elle-même, une atteinte au droit au respect de l'oeuvre.

4) Ce jugement, qui nous paraît tout à fait conforme à l'esprit de l'article 6 de la loi du 11 mars 1957, n'a pas été entièrement confirmé par la Cour d'appel de Paris statuant en appel sur le jugement susmentionné du 21 février 1989 (Sté des Films 13, 6 mars 1991 - non reproduit). Cette juridiction a en effet estimé que l'atteinte au droit moral n'était réalisée qu'en tant que le film publicitaire utilisant la chanson omettait de mentionner le nom de l'auteur de l'oeuvre. Pour le surplus, elle juge que "le grief tiré d'une dénaturation du fait que le seul refrain de la chanson a été reproduit (dans la

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séquence publicitaire)" n'apparaît pas fondé dès lors que par la cession (patrimoniale)"

l'auteur a consenti à des adaptations, réductions, arrangements, abrégés et extraits de l'oeuvre" - "les mots entre parenthèses sont ajoutés par la Rédaction.

5) La Cour d'appel de Paris (4e Ch., Sté Image Image 18 avril 1991) confirme qu'une oeuvre collective peut faire l'objet de droits moraux, car la loi ne fait aucune distinction justifiant que cette protection soit refusée à une personne morale.

III - DROITS PATRIMONIAUX A) DROIT DE CABLO-DISTRIBUTION

La Cour d'appel de Paris (1ère Ch. CNN c./ Sté Novotel), confirmant le jugement du Tribunal de grande instance de Paris du 14 février 1990 (cf. RIDA 145p. 375 note Kéréver) dénie aux titulaires du droit d'auteur le droit de câblo-distribution d'émissions radiodiffusées dans les chambres d'un hôtel. Cet arrêt fait l'objet d'une note.

B) DROIT DE SUITE

Cette livraison publie deux décisions intéressantes, l'une sur l'objet du droit de suite, l'autre sur sa dévolution successorale.

1) D'après l'article 1er de la loi du 20 mai 1920 et l'article 42 de la loi du 11 mars 1957, les ventes publiques d'oeuvres graphiques et plastiques ouvrent à l'auteur ou à ses héritiers un "droit de suite".

Ce droit ne trouve à s'exercer que si l'objet mis en vente est une oeuvre

"originale", ce terme désignant l'oeuvre réalisée personnellement par l'artiste ou, du moins, celle qui peut être considérée comme émanant de la main même de l'artiste. Le terme "original" ne signifie donc pas, dans ce contexte, l'expression de la personnalité par opposition à la banalité, mais l'idée de "matriciel", "premier", par opposition à

reproduction.

La difficulté est de déterminer celles des oeuvres qui, bien que non réalisées personnellement par l'artiste, peuvent néanmoins être considérées comme "émanant de

ses mains ".

Dans un arrêt de cassation du 18 mars 1986, la Cour Suprême a estimé que répondaient à cette dernière définition - et sont donc soumis au droit de suite - : des

"épreuves en bronze à tirage limité coulées à partir d'un modèle en plâtre réalisé

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personnellement par l'artiste". La Cour de Cassation en déduisait donc que plusieurs exemplaires d'une même oeuvre pouvaient être regardées comme "originales" et que le fait que ces tirages limités aient été réalisés du vivant ou après le décès de l'artiste était en

lui-même sans influence sur la reconnaissance ou le refus de ce caractère original.

Saisie sur renvoi, la Cour d'appel d'Orléans (8 février 1990, RIDA 151 p. 333 note Me Gaudel), tout en prenant bonne note que la réalisation des exemplaires litigieux après le décès de l'artiste ne pouvait à elle seule justifier le refus du droit de suite, a maintenu une solution négative au motif que le demandeur du droit de suite n'apportait pas la preuve, dont il avait la charge, que les épreuves en bronze étaient de mêmes dimensions que celles du modèle en plâtre dont elles prétendaient tirer leur originalité.

Il nous semble que dans son arrêt confirmatif du 5 novembre 1991 (SPADEM), la Cour de Cassation a été soucieuse de fermer la porte - ou du moins d'en limiter l'entrebâillement - ouverte par son arrêt de 1986. Me Gaudel avait fait justement remarquer qu'il était bien hardi d'affirmer que les épreuves posthumes pouvaient être regardées comme "émanant de la main même de l'artiste", puisque ce dernier n'était plus là pour vérifier que les épreuves tiraient bien leur originalité du modèle qu'il avait personnellement réalisé. La Cour relève, pour approuver la Cour d'appel d'Orléans, que les bronzes, de dimensions différentes de celles du modèle "ou des épreuves tirées du vivant de l'artiste n'étaient pas "strictement et en tous points identiques à celles qu'il avait personnellement agréées". Cette motivation pose donc des conditions très difficiles à remplir (identité stricte et totale) pour que des épreuves qui n'ont été ni réalisées personnellement par l'artiste, ni contrôlées ("agréées") par lui puissent bénéficier du

droit de suite.

2) La Cour d'appel de Paris (1ère Ch. Cornebois, 31 mars 1992 - non reproduit) devait se prononcer sur la dévolution successorale du droit de suite (art. 1er, 2e al., de la loi du 20 mai 1920) revendiquée par des collatéraux de l'artiste. La Cour applique la jurisprudence consacrée par la Cour de Cassation : "les seuls titulaires de ce droit sont les personnes qui se rattachent à l'artiste par une suite de dévolutions légales" (Cass. 2 janvier 1989 SPADEM, note S. Durrande, RIDA 141 p. 252).

En l'espèce le conjoint survivant, qui ne reçoit normalement que l'usufruit du droit de suite, l'avait reçu en totalité par suite d'une donation faite par l'artiste, Les collatéraux de ce dernier ne pouvaient donc exciper d'une suite ininterrompue de dévolutions. (Sur les dévolutions successorales, cf. note P-Y Gautier, Professeur à la Faculté de droit et des sciences politiques de Caen, sous arrêt Marie Laurencin CA Paris 26 septembre 1989, Loudmer c./ ADAGP, RIDA 145p. 348).

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C) EXCEPTIONS

Le contenu des droits reconnus aux auteurs dépend non seulement de la nature des droits, mais aussi de l'ampleur des exceptions qui en limitent la portée. En droit français, l'une des principales exceptions est celle permise par le 3° de l'article 41 de la loi du 11 mars 1947 selon lequel l'auteur ne peut interdire "les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou

d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées".

Dans un arrêt du 22 janvier 1991 (Fabris c./ Loudmer; RIDA 148 p. 108 et 119), la Cour de Cassation avait énoncé dans un éloquent laconisme que "la reproduction intégrale d'une oeuvre d'art, quel que soit son format, ne peut en aucun cas s'analyser comme une courte citation"; e t avait en conséquence cassé un arrêt de la Cour d'appel qui avait admis la licéité d'un catalogue de vente publique contenant une reproduction intégrale des oeuvres d'art offertes à la vente.

La Cour de renvoi (Versailles 20 novembre 1991) refuse de s'incliner devant la règle de droit énoncée par la Cour de Cassation. L'arrêt démontre que le catalogue est une oeuvre de l'esprit protégée destinée à l'information et que par suite la condition de finalité de la "courte citation" posée par la loi est bien remplie. Mais surtout, l'arrêt s'attache à justifier que s'agissant d'oeuvres non littéraires, la "courte citation" peut consister en une reproduction "certes intégrale" mais "dans un format assez réduit pour la ravaler au rang de la simple allusion ... ", Cette licéité est également légitimée par une référence aux pratiques usuelles et à l'absence de concurrence susceptible d'être causée aux oeuvres elles-mêmes par les reproductions litigieuses. Ce dernier critère semble emprunté directement à la loi américaine de 1976. Glisserait-on des exceptions d"'usage privé" et de "courte citation" au "fair use" ou "fair deal" ? (cf.

article 107, point 4 de la loi US du 19 octobre 1976, traduction OMPI, "Le Droit d'Auteur'' juin 1977).

D) CONTREFACON

La méconnaissance d'un droit patrimonial constitue un délit pénal sanctionné comme tel.

1) Ainsi la Cour d'appel de Toulouse (18 avril 1991, 3e Ch. des appels correctionnels, n° 418) a confirmé une condamnation pénale prononcée à l'encontre d'une gérante d'hôtel pour avoir diffusé dans les chambres des films fixés sur vidéocassettes données en location. La Cour a exactement jugé que "s'il n'est pas contesté que les vidéocassettes de films cinématographiques peuvent être louées ... dans

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le commerce de détail, la projection de ces vidéocassettes sur l'écran de télévision est strictement réservé à l'usage du cercle de famille ; ... que toute personne qui utilise des vidéocassettes louées ou achetées dans le commerce à des fins de représentation publique, commet le délit de contrefaçon et de représentation illicite, à moins ... qu'elle n'ait obtenu l'autorisation de l'auteur ou du producteur". Les ayants droit s'étant portés partie civile, leur action a été accueillie.

2) Le Tribunal de grande instance de Paris (18 mars 1992, SPADEM et Cts Picasso - non reproduit) a accueilli l'action civile en contrefaçon contre une personne qui avait tenté de commercialiser comme des sculptures de Picasso des reproductions illicites dont l'une au surplus était assortie "d'une signature douteuse alors que l'original n'était pas signé". La société de perception et de répartition des droits est déclarée bien fondée en son action en contrefaçon et les ayants droit de l'artiste bien fondés en leur action en atteinte au droit moral de l'auteur. Les exemplaires litigieux sont confisqués, leur reproduction et distribution interdites sous peine d'astreinte, le contrefaisant devra payer des dommages et intérêts et faire publier le jugement.

IV - EXPLOITATION ET TRANSMISSION DES DROITS - CONTRATS A) AUTEURS SALARIES

1) La disposition bien connue du 3e alinéa de l'article 1er de la loi du 11 mars 1957 énonce que "l'existence ou la conclusion d'un contrat de louage d'ouvrage ou de service par l'auteur d'une oeuvre de l'esprit n'emporte aucune dérogation à la jouissance du droit reconnu par l'alinéa 1er". En fait, il arrive souvent que le contrat de travail soit regardé par le juge comme présumant la cession des droits patrimoniaux à l'employeur du seul fait du versement du salaire.

C'est pourquoi on peut accueillir l'arrêt du 7 mars 1991 de la Cour d'appel de Paris (4e Ch., FR3 c./ Gourier - non reproduit) comme favorable à l'auteur salarié. Il est jugé en effet qu'il ressortait d'une convention collective que le forfait du salaire ne couvre pas les droits d'auteur d'un journaliste employé à titre occasionnel mais occupant un emploi à temps partiel de caractère permanent. On peut en revanche s'interroger sur la motivation de l'arrêt reconnaissant aux photographies litigieuses le caractère d'oeuvre protégée au regard de la rédaction primitive de la loi du 11 mars 1957. Apparemment, il n'est pas recherché si les clichés présentent ou non un caractère artistique ou documentaire - à moins de considérer que ce dernier critère est implicitement admis du fait que les photographies représentent "soit des portraits pris sur le vif, soit des scènes de genre (montrant) un aspect ... des champs de courses, des écuries et des protagonistes ... "

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2) Le réalisateur d'un film est à la fois un salarié chargé du travail de mise en scène et un auteur en tant que participant à la création intellectuelle de l'oeuvre.

La Cour d'appel de Paris (22e Ch., 11 mars 1992, Delavaud - non reproduit) a jugé qu'un réalisateur, bien qu'engagé pour une durée déterminée au contrat en fonction de laquelle était fixé son salaire, doit être regardé comme bénéficiant d'un contrat de travail ayant un terme incertain et couvrant toute la période effectivement consacrée à la réalisation du film, la durée déterminée mentionnée au contrat constituant une durée minimale.

B) CESSION DE DROITS

1) Dans l'arrêt susmentionné du 18 avril 1991 Sté Image Image, un litige était né de ce qu'une affiche publicitaire, destinée à figurer sur des autobus, avait fait l'objet de la part de l'annonceur d'une utilisation plus large, les faits étant postérieurs à l'entrée en vigueur de la loi du 3 juillet 1985. Le producteur de l'affiche, se prévalant des droits d'auteur; invoquait la violation de l'article 31 de la loi du 11 mars 1957 et notamment son 3e alinéa. La Cour a rejeté ce moyen au motif que l'article 31 ne concerne que des contrats particuliers (édition, représentation, production audiovisuelle) et non le contrat litigieux, contrat de commande d'une oeuvre utilisée pour la publicité régi par l'article 14 de la loi dit 3 juillet 1985.

Mais dans son arrêt du 9 octobre 1991 (Robert and Partners, RIDA 151 p. 208 et 292), la Cour de Cassation a admis l'applicabilité de l'article 31 à un contrat portant précisément sur une oeuvre publicitaire ne relevant d'aucune des trois catégories de contrats réglementés mentionnés par la Cour d'appel. Il est vrai que la décision du 9 octobre 1991 applique la législation antérieure à l'entrée en vigueur de la loi du 3 juillet 1985 et que l'on peut soutenir que, sous l'empire de la loi nouvelle, les contrats de l'espèce ne relèvent que de l'article 14. Aussi bien la Cour d'appel estime que cet article 14 de la loi du 3 juillet 1985 interdisait une modification non autorisée de la destination contractuelle car ledit article "ne prévoit qu'une application particulière du principe selon lequel toute la cession des droits d'auteur s'interprète étroitement, principe nécessaire à la protection effective de l'auteur que celui-ci soit une personne physique ou une personne morale". C e principe, justement rappelé par la Cour, colore

en effet tout le droit d'auteur français.

2) Si ce principe d'interprétation étroite des contrats de cession fait obstacle à ce qu'une utilisation publicitaire puisse être étendue à une autre utilisation de la même nature non explicitement prévue au contrat, a fortiori s'oppose-t-il à ce qu'une utilisation contractuelle non publicitaire puisse être étendue à cette activité. C'est ce

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qu'a jugé le Tribunal de grande instance de Paris le 5 février 1992 (Cts Brel, précité) : un contrat autorisant la reproduction d'oeuvres musicales ne contenait aucune clause formelle emportant cession au profit de l'éditeur des droits d'exploitation publicitaire desdites oeuvres. Eu égard aux termes de l'article 31 de la loi du 11 mars 1957, "la généralité des termes de la cession visant uniquement le droit de reproduction, quelle qu'en soit la destination, ne peut pas implicitement viser les droits d'exploitation de l'oeuvre à des fins publicitaires s'entendant des droits de reproduction et de représentation". C e jugement tranche également un problème de conflit de lois : les ayants droit se plaignant de la faute contractuelle de l'éditeur du fait qu'il a consenti des sous-cessions à des fins publicitaires et le contrat étant un contrat d'édition de la loi du 11 mars 1957, c'est la loi du pays du contrat qui est applicable, et non la loi brésilienne, loi du pays où se sont produits les faits dommageables, qui n'ont pas de caractère délictuel ou quasi-délictuel.

C) CONTRATS D'EDITTON

L'article 57 de la loi du 11 mars 1957fait obligation à l'éditeur lié par un contrat d'édition "d'assurer à l'oeuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale conformément aux usages de la profession ". Deux décisions illustrent la portée de cette obligation.

1) Dans l'arrêt du 18 avril 1991, la Cour d'appel de Paris (4e Ch. Sté Billaudot c./ Rodrigo - non reproduit) confirme la résiliation d'une oeuvre musicale d'un contrat d'édition aux torts de l'éditeur en relevant que ce dernier, s'il avait assuré la reproduction d'éditions graphiques, avait négligé la reproduction mécanique et la diffusion commerciale des disques supports de l'oeuvre. Dès lors "l'éditeur n'a pas assuré la diffusion de l'oeuvre avec une publication suffisante et ne l'a pas exploitée de façon permanente et suivie pour répondre aux usages de la profession afin de donner à l'oeuvre toutes ses chances de succès auprès du public". Ce grief n'est certes pas unique (sont également relevés les manquements à l'obligation légale de rendre compte et à l'obligation contractuelle de faire enregistrer l'oeuvre au Copyright américain pour lui assurer une protection effective aux Etats-Unis). Mais il est clair que le défaut d'exploitation par reproduction mécanique est un des principaux motifs de la décision.

2) L'arrêt de la même formation du 26 juin 1991 (Caratini - non reproduit) éclaire plutôt les limites de l'obligation d'exploiter imposée à l'éditeur. Il énonce en effet que "l'éditeur est libre, en principe, d'apprécier l'opportunité de réimprimer ou non un ouvrage en fonction des résultats commerciaux de son exploitation", mais "que ces droits ne sont pas discrétionnaires".

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L'éditeur est également responsable, envers l'auteur, de la pelle du manuscrit qui lui est transmis. Il ne peut s'exonérer de sa responsabilité à l'égard de l'auteur ni en rejetant la négligence sur l'imprimeur, ni sur la circonstance que "selon toute vraisemblance, l'auteur a conservé un double du texte d'origine si du moins l'auteur présente à ce sujet des explications (en l'expèce, il a victorieusement invoqué la faiblesse de ses moyens matériels) (CA Paris 4e Ch., 17 avril 1991, Sté des Editions de l'Ecole - non reproduit).

3) Le contrat à compte d'auteur constitue la solution - coûteuse - des auteurs en mal de diffusion. Commet une faute contractuelle l'éditeur à compte d'auteur qui, ayant fait imprimer et tenter de diffuser un ouvrage, avait omis de mentionner son titre dans son catalogue. Cette "omission est particulièrement grave puisqu'elle prive de tout effet l'obligation de diffusion à laquelle (l'éditeur à compte d'auteur) s'était engagé" (CA Paris 4e Ch., 31 janvier 1991, La Pensée Universelle - non reproduit).

4) L'obligation d'assurer l'exploitation de l'oeuvre a été étendue à l'oeuvre audiovisuelle par la loi du 3 juillet 1985 et figure à l'article 63.5, dans des termes moins précis que celle résultant de l'article 57 pour le contrat d'édition. Le jugement du Tribunal de grande instance de Créteil du 14 janvier 1992 (Dewever, précité) est intéressant en ce sens qu'il juge implicitement mais nécessairement que l'obligation d'exploiter qui naît sur la tête du producteur se transmet aux cessionnaires successifs de ce dernier. Pour le surplus, le jugement dégage une interprétation plutôt restrictive de l'obligation : celle-ci porte sur les moyens et non sur des résultats et se trouve bornée par les "usages professionnels ".

D) CONTRATS RELATIFS A L'OEUVRE AUDIOVISUELLE

La Cour de Cassation, qui devait interpréter l'aticle 17 ancien de la loi du 11 mars 1957 selon lequel (3e al.) "les auteurs de l'oeuvre cinématographique autres que l'auteur de compositions musicales ... sont liés au producteur par un contrat qui, sauf clause contraire, emporte cession à son profit du droit exclusif d'exploitation cinématographique, sans préjudice des droits reconnus à l'auteur par les dispositions du Titre II et notamment des articles 26 et 35", prononça la cassation d'un arrêt énonçant que, faute de la délimitation de la durée, les droits n'avaient pas été valablement cédés au producteur, les conditions exigées par l'article 31 n'étant pas remplies. La Cour Suprême a estimé, au contraire, "qu'en l'absence de clause contraire, il résultait de l'article 17, 3e alinéa, que le producteur se trouvait investi par l'effet de la loi et sans limitation de durée des droits d'explotiation litigieux" (22 mars 1988, Sté Vauban c./ Joffé, RIDA 137 note Kéréver p. 106).

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Saisie sur renvoi, la Cour d'appel de Douai (13 avril 1992, Joffe c./ Vauban Productions) devait apprécier la portée de la présomption de l'article 17 ancien, non seulement sur la durée des droits - sur ce point elle s'est conformée à l'arrêt de cassation - mais également sur son étendue. En particulier, il restait à juger si la présomption s'étendait aux droits télévisuels et aux droits vidéographiques.

La Cour d'appel a trouvé dans le contrat litigieux une clause expresse comportant la cession des droits télévisuels. En revanche, aucune précision ne concernait l'exploitation vidéographique.

La Cour de renvoi a estimé que la présomption de l'article 17 ancien n'avait pas une portée inférieure à celle de l'article 63.1, 1er alinéa, introduit par la loi du 3 juillet 1985 et qui vise "l'exploitation de l'oeuvre audiovisuelle". Elle a, entre autres motifs, relevé que la présomption de l'article 17 ancien avait été reprise "en termes quasi- identiques" dans l'article 63-1. Ce dernier motif - présenté il est vrai surabondamment puisque précédé d'un "d'ailleurs" - est surprenant puisque l'on passe des mots "droits exclusifs d'exploitation cinématographique" aux mots "droits exclusifs d'exploitation de l'oeuvre audiovisuelle". La première rédaction vise un mode d'exploitation particulier, la seconde vise toute l'exploitation de l'oeuvre elle-même.

Il nous semble que, comme le soutenaient les auteurs parties au litige, la présomption de l'article 17 ancien est limitée à "l'exploitation cinématographique", c'est-à-dire à l'exploitation en salles, et n'englobe ni l'exploitation télévisuelle, ni l'exploitation vidéographique, Quant à soutenir que les droits de vidéocassettes sont englobés dans l'expression contractuelle de "droits d'auteur cinématographiques", cette conclusion ne peut être justifiée qu'au bénéfice, précisément, d'une disposition législative interprétative. Or, cette dernière ne peut être trouvée dans la rédaction de l'article 17 ancien dès lors qu'il ne vise pas les modes d'exploitation autres que cinématographique, c'est-à-dire parprojection en salles publiques.

V - DROIT D'AUTEUR ET DROIT DE LA CONCURRENCE

Les juridictions françaises doivent encore trancher des litiges soulevés par des utilisateurs de répertoires de sociétés de perception et de répartition des droits qui entendent éluder les obligations résultant de contrats généraux de représentation, ou qui exploitent les répertoires sans avoir conclu de tels contrats en soutenant que les contrats conclus ou proposés sont entachés d'abus de position dominante du fait que les tarifs prévus seraient supérieurs à ceux pratiqués dans d'autres pays membres de la CEE. Ce moyen ne serait fondé que si la preuve est apportée que la supériorité des tarifs alléguée résulte d'une comparaison effectuée sur une base homogène (Cass. La Brocherie, 29

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janvier 1991, RIDA 148 p. 120 - rendu à la suite des arrêts de la CJCE du 13 juillet 1989).

Les décisions commentées ci-dessous concernent les pouvoirs du juge des référés lorsqu'il est saisi de tels moyens. Elles appliquent la règle tirée de l'article 809 du NCPC selon laquelle le juge des référés peut accorder une provision au créancier dans la mesure où

"l'existence de l'obligation n'est pas sérieusenzent contestable".

1) Par ordonnances du juge des référés du Tribunal de grande instance de Tours du 28 janvier 1992 - non reproduites - la demande de provision a été rejetée ait motif qu'un litige opposant les mêmes parties et se référant aux mêmes règles de droit a été soumis au juge du fond. Le juge des référés, dans une telle hypothèse, a estimé qu'il ne lui appartenait pas d"anticiper sur la décision des juges du fond saisis de la validité d'un contrat et de la licéité des tarifs ... en allouant une provision ... ".

2) En sens inverse, par décision du 7 avril 1992 - non reproduite - le Président de Chambre de la Cour d'appel de Rouen accorde à une société de perception et de répartition des droits l'autorisation d'appel d'immédiat d'un refus en référé de statuer sur une demande de provision en relevant que "si le montant de ces redevances peut, en l'état des règles communautaires, faire l'objet d'une discussion, le principe même de telles redevances n'est pas contesté ... ".

3) Le Tribunal de grande instance de Paris, statuant en référé le 31 mars 1992 (S.A.

Discoset), a jugé que le juge des référés était compétent pour accorder une provision dans la mesure où l'existence de l'obligation invoquée par la société de perception et de répartition des droits demanderesse n'est pas sérieusement contestable et qu'une telle contestation n'existait pas pour la créance de la société à raison de l'utilisation non autorisée de son répertoire. Cette créance est au moins égale aux redevances qu'elle aurait perçues pendant la période litigieuse si elle avait autorisé conventionnellement l'usage de son répertoire, dès lors que le défendeur n'apporte pas la preuve dont il a la charge des infractions au droit de la concurrence invoquées. Le juge des référés doit apprécier le caractère sérieux de la contestation d'après "les éléments dont l'appréhension et l'interprétation lui sont immédiatement et directement possibles ".

4) Cette dernière solution est approuvée par la Cour de Cassation dans son arrêt du 31 mars 1992 (SACEM) : l'obligation n'est pas sérieusement contestable dès lors que le défendeur n'"apporte pas un commencement de preuve des prétendues infractions au droit de la concurrence qui, selon lui, affecteraient les contrats généraux de représentation" et résultant notamment d'un abus de position dominante commis par la société propriétaire du répertoire selon les critères posés par les arrêts de la CJCE du 13 juillet 1989. En l'absence d'un tel commencement de preuve, le juge des référés, estime la Cour Suprême, viole l'article 809 du NCPC en refusant d'allouer la provision demandée au motif que,

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dans d'autres instances, la Cour d'appel a saisi le Conseil de la Concurrence d'une demande d'avis relative à des contestations identiques soulevées par des utilisateurs. En effet, cette saisine ne constitue pas en elle-même le commencement de preuve seul susceptible de faire échec au caractère incontesté de l'obligation sur laquelle est fondée la demande de provision.

André KEREVER JURISPRUDENCE DES ETATS-UNIS

Dans un jugement en date du 6 avril 1992 (Eisen, Durwood C° v. Tolkein), le Tribunal Fédéral du Southern District of New York (une juridiction ayant souvent à connaître des affaires en droit d'auteur) a décidé que la publication en Angleterre de deux tomes de l'oeuvre "Le Seigneur des Anneaux" (titre en français de "Lord of the Rings"), sans la mention de réserve du copyright, et la diffusion aux Etats-Unis des exemplaires dont certains ne portaient pas la mention de réserve, n'ont pas déchu l'oeuvre de sa protection par le droit d'auteur américain. Le Tribunal a estimé que le texte de la loi sur le droit d'auteur de 1909 applicable à l'espèce ne prévoyait pas explicitement la perte de protection d'un auteur étranger aux Etats-Unis si celui-ci publiait son oeuvre sans apposer la mention de réserve. Au contraire, selon le Tribunal, l'apposition de la mention comportait plusieurs avantages pour l'étranger, mais elle n'était nullement obligatoire.

Le Tribunal a pris en compte des questions de politique internationale du droit d'auteur pour appuyer sa décision. Il déclarait que sa lecture de la loi de 1909 "est parfaitement logique, étant donné les problèmes liés à l'accommodation de la pratique étrangère de l'édition et du droit d'auteur avec celle des Etats-Unis ... une accommodation qui serait nécessaire afin de bénéficier réciproquement du droit d'auteur à l'étranger ... L'éditeur étranger pourrait être ignorant de la pratique américaine de la mention de réserve. Imposer la sanction draconienne de la déchéance du droit d'auteur provoquerait certainement du ressentiment à l'étranger et entraînerait des effets contraires à la reconnaissance à l'étranger des droits acquis aux Etats-Unis sur la propriété intellectuelle". Cette décision pourrait être d'une grande importance pour les auteurs étrangers aux Etats-Unis. D'autres autorités, notamment le Copyright Office, avaient estimé que la publication à l'étranger sans la mention de réserve entraînait la chute de l'oeuvre dans le domaine public aux Etats-Unis, même si l'oeuvre n'y avait pas encore été exploitée. Voir "Compendium of Copyright Office Practices" 8.2.1 (1973).

jane GINSBURG

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C O U R DE CASSATION 1ère Chambre Civile

5 novembre 1991

DROIT DE SUITE (Article 1er de la loi du 20 mai 1920) - Appréciation du caractère "original" au sens de ces dispositions législatives des exemplaires d'une sculpture - Défaut de caractère original justifiant le DROIT DE SUITE sur une épreuve posthume en bronze ne présentant pas les dimensions exactes des modèles créés par Rodin ou des épreuves coulées de son vivant et, dès lors, n'étant pas strictement identiques aux épreuves personnellement agréées par l'artiste.

(CF. CA Orléans 8 février 1990, RIDA 147 p. 333)

Jean-Claude PIERREL, liquidateur judiciaire de la SPADEM c./ SCP CHAMPIN et LOMBRAIL

Sur le moyen unique, pris en ses trois branches

Attendu, selon l'arret attaqué (Orléans, 8 février 1990), statuant sur renvoi après cassation, qu'à l'occasion de la vente par adjudication de trois statues en bronze de Rodin, la Société de la propriété artistique et des dessins et modèles (SPADEM), agissant pour le compte du Musée Rodin, ayant droit du sculpteur, a fait assigner la SCP Champin et Lombrail, titulaire d'un office de commissaire-priseur, en paiement de la redevance due au titre du droit de suite ;

Attendu que la SPADEM fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté cette demande, alors, selon le moyen, que, d'une part, les épreuves coulées à partir d'un modèle réalisé par le sculpteur personnellement doivent etre considérées comme l'oeuvre elle-même, et que la cour d'appel a méconnu la notion d'oeuvre originale en posant comme condition à l'exercice du droit de suite l'identité des dimensions entre le modèle et l'épreuve ; que d'autre part, la cour d'appel n'a procédé à aucune constatation de nature à établir que les épreuves litigieuses n'incorporaient pas l'originalité des modèles créés par Rodin, et alors, enfin, que les épreuves litigieuses, vendues comme

"exceptionnelles", ayant été coulées par un des fondeurs de l'oeuvre de Rodin et portant la marque du Musée Rodin, titulaire du droit moral sur cette oeuvre, ces éléments valaient présomption du caractère d'oeuvre originale et de création personnelle revêtu par ces épreuves ;

Mais attendu qu'ayant relevé que les trois bronzes litigieux ne présentaient pas les dimensions exactes des modèles créés par Rodin ou des épreuves coulées de son

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vivant, la cour d'appel en a justement déduit que ces épreuves posthumes ne pouvaient être qualifiées, en vue'de l'exercice du droit de suite, d'exemplaires originaux de l'oeuvre conçue par l'artiste, dès lors que n'étant pas strictement et en tous points identiques à celles qu'il avait personnellement agréées, elles ne constituaient que des reproductions, dont la compétence du Musée Rodin, titulaire du droit moral de l'auteur, garantissait seulement la qualité exceptionnelle et la fidélité à l'oeuvre originale ; d'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Pierrel, ès qualités, envers la SCP Champin et Lombrail, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt.

M. MASSIP, Président M. GRÉGOIRE, Rapporteur

MM. B. de SAINT-AFFRIQUE, LEMONTEY, GELINEAU-LARRIVET, F O R G E T et M m e DELAROCHE, Conseillers

M. GAUNET, Avocat Général

Mes C H O U C R O Y et RYZIGER, Avocats

C O U R D E CASSATION 1ère chambre Civile

3 décembre 1991

OEUVRES PROTEGEES : Mosaïque de pâte de verre propriété d'une société d'économie mixte, ornant le fond du bassin d'une fontaine monumentale propriété de la commune.

D R O I T M O R A L - D R O I T A U R E S P E C T D E L ' O E U V R E ET D E LA REPUTATION D E L'AUTEUR.

Dégradations affectant la mosaïque imputables à la conception et au fonctionnement de la fontaine - Auteur de la mosaïque non fondé à

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rechercher la responsabilité du maître de cet ouvrage, seulement tenu d'effectuer les travaux d'entretien normal de l'ouvrage, lesquels n'auraient pas permis d'éviter les dégradations constatées.

Roger M U N C H c./ S.A. d'Economie Mixte de Rénovation Urbaine de Mulhouse

Sur le moyen unique, pris en ses deux branches :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 mars 1990), que la société anonyme d'économie mixte de rénovation urbaine de Mulhouse a commandé à M. Roger Munch, peintre mosaïste, une vaste mosaïque en pâte de verre destinée à recouvrir le fond du bassin d'une fontaine monumentale ; que peu après l'achèvement du programme cette mosaïque s'est fissurée, puis décollée par plaques, et que, malgré quelques palliatifs, cette dégradation s'est poursuivie au point que le dessin a cessé d'être visible dans son intégralité ; que M. Munch, se prévalant de son droit moral d'auteur, a demandé la condamnation de la société de rénovation "à restaurer immédiatement" son oeuvre ;

Attendu que M. Munch fait grief à l'arrêt de l'avoir débouté de cette demande, alors, selon le moyen, d'une part, qu'en omettant de rechercher si toutes les mesures qui s'imposaient pour éviter la dégradation de la mosaïque avaient bien été prises, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; et alors, d'autre part, que la cour d'appel n'a pas davantage recherché si M. Munch avait effectivement eu connaissance de la délibération municipale arrêtant le projet de fontaine, dont les vibrations ont, selon l'arrêt, contribué à la détérioration de la mosaïque ;

Mais attendu, d'abord, que sans nier la primauté du droit moral de l'auteur au respect de son oeuvre et de sa réputation d'artiste, la cour d'appel, qui a exactement retenu que le propriétaire de l'oeuvre, qui a installé celle-ci dans un lieu public, était seulement tenu d'effectuer les travaux d'entretien normaux de nature à éviter ou retarder sa dégradation, a ensuite relevé de façon détaillée que les désordres constatés avaient pour origine des erreurs de conception et d'exécution non imputables à la société de rénovation, et qu'elle a par là-même caractérisé l'impossibilité où se trouvait celle-ci d'y remédier autrement que par une réfection totale, qui ne lui incombait pas ;

Attendu, enfin, que l'arrêt retient, à bon droit, que M. Munch était tenu de se préoccuper des contraintes techniques qu'imposait à son oeuvre la structure de l'ensemble dont elle était une composante et dont il avait la possibilité d'obtenir une connaissance précise ;

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D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; PAR CES MOTIFS :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. Munch, envers la société anonyme d'économie mixte de rénovation urbaine de Mulhouse, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt.

M. MASSIP, Président M. GRÉGOIRE, Rapporteur

MM. B. de SAINT-AFFRIQUE, THIERRY, LEMONTEY, GELINEAU-LARRIVET et FORGET, Conseillers

M. LUPI, Avocat Général

SCP MATTEI-DAWANCE et Me ROGER, Avocats

C O U R DE CASSATION 1ère Chambre Civile

31 mars 1992

OEUVRES PROTEGEES : Répertoire d'oeuvres musicales appartenant à une société de perception et de répartition des droits.

DROITS PATRIMONIAUX : Redevances prévues par un contrat général de représentation mentionné à l'article 43 de la loi du 11 mars 1957 (art. L 123- 18 du Code de la Propriété Littéraire et Artistique).

PROCEDURE - COMPETENCE D U JUGE DES REFERES : Compétence permettant d'allouer une provision dans la mesure où l'existence de l'obligation invoquée par le demandeur n'est pas sérieusement contestable - Absence de contestation sérieuse de l'obligation de verser les redevances prévues par un contrat général de représentation liant le défendeur dès lors que ce dernier n'apporte par un commencement de preuve des prétendues infractions au droit de la concurrence qui, selon lui, affecteraient ledit contrat - Circonstance que le juge a, dans d'autres instances, saisi le Conseil de la Concurrence d'une demande d'avis relative à des contestations identiques sans influence sur le caractère non sérieusement contestable de la créance.

SACEM et SARL LOCOMOTIVE

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Attendu que la Société La Locomotive, qui exploite une discothèque, a conclu un contrat général de représentation avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM), mais qu'elle n'a pas reglé à cette société l'intégralité des redevances dont elle lui était redevable pour les périodes d'exploitation ayant couru du 1er octobre 1987 au 30 septembre 1988, puis du 1er octobre 1988 au 30 juin 1989 ; qu'en 1988 et en 1989, la SACEM a demandé à la juridiction des référés de lui allouer une provision égale au montant de ces redevances impayées ; qu'une ordonnance du 17 octobre 1988 a, pour la première période, alloué à la SACEM la somme de 1 700 000 F qu'elle réclamait ; qu'une seconde ordonnance du 10 juillet 1989 a, d'une part, rétracté la décision précédente et réduit le montant de la condamnation prononcée, et, d'autre part, pour la seconde période, fixé la provision à un million de francs, alors que la réclamation de la SACEM s'élevait à 2 000 283 F ; que l'arrêt attaqué a dit qu'il n'y avait pas lieu à rétractation de l'ordonnance du 17 octobre 1988, puis a porté, à 1 200 000 F le montant de la seconde provision ;

Sur le second moyen du pourvoi n° A 90-17.012 de la société La Locomotive : Vu l'article 809, alinéa 2, ensemble l'article 455 du NCPC ;

Attendu que, saisie du point de savoir s'il y avait lieu à rétractation de l'ordonnance de référé du 17 octobre 1988, la cour d'appel s'est bornée à énoncer que ne constituaient pas des circonstances nouvelles des arrêts décidant un sursis à statuer jusqu'à ce que la Cour de justice des communautés européennes se soit prononcée sur la régularité des tarifs pratiqués de la SACEM ; qu'en se déterminant ainsi, alors que la Cour européenne avait rendu ses arrêts le 13 juillet 1989 et que la société La Locomotive fondait désormais sa contestation sur les termes de ces décisions, la cour d'appel, qui, tenue de se placer au jour où elle statuait, n'a pas examiné les moyens tirés de cette circonstance nouvelle, a privé son arrêt de base légale au regard du premier des textes susvisés et n'a pas répondu aux exigences du second ;

Et sur le moyen unique du pourvoi n° Y 90-19.310 de la SACEM : Vu l'article 809, alinéa 1er, du NCPC ;

Attendu que, pour limiter à 1 200 000 F le montant incontestable de la créance de la SACEM, la cour d'appel énonce que, dans d'autres instances, elle a saisi le Conseil de la Concurrence d'une demande d'avis relative à des contestations identiques soulevées par les discothèques ;

Attendu qu'en se déterminant ainsi, alors qu'à l'appui de ses allégations la société La Locomotive n'avait pas apporté le moindre commencement de preuve, soit du

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caractère arbitraire ou abusif de la diversité des tarifs proposés par la S A C E M aux utilisateurs, soit d'un abus de position dominante commis par la SACEM, défini selon les critères posés par les arrêts précités de la Cour de justice des communautés européennes, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'existence d'une contestation sérieuse pouvant faire obstacle à l'exécution des obligations souscrites par la société débitrice ; qu'elle a ainsi violé le texte susvisé ;

Attendu que la cassation qui sera prononcée rendra sans objet devant la Cour de Cassation le premier moyen du pourvoi de la Société La Locomotive, dont la première branche manque en fait et dont la seconde fait grief à la cour d'appel de n'avoir pas tenu compte, à l'appui de sa décision, des moyens tirés des arrêts rendus le 13 juillet 1989 par la Cour de justice des communautés européennes ;

PAR CES MOTIFS :

CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 16 mai 1990, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;

Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens.

M. MASSIP, Président M. GRÉGOIRE, Rapporteur

M. B. de SAINT-AFFRIQUE, Conseiller M. SADON, Premier Avocat Général

Mes T H O M A S - R A Q U I N et RYZIGER, Avocats

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C O U R D'APPEL D E PARIS 4e C h a m b r e 18 avril 1991

O E U V R E PUBLICITAIRE.

O E U V R E COLLECTIVE : Affiche publicitaire créée par une personne morale qui l'a conçue, a fait établir des contributions particulières et a fait procéder par ses salariés à la composition et à la mise en page.

DROIT MORAL : Droit reconnu par la loi sans distinction entre personnes physiques et personnes morales dès lors qu'elles ont créé l'oeuvre.

TRANSMISSION DES DROITS PATRIMONIAUX : Contrat conclu entre la société créatrice et l'annonceur spécifiant les limites de l'utilisation de l'affiche.

Contrat régi non par l'article 31 de la loi du 11 mars 1957 (L 131-3 du Code de Propriété Littéraire et Artistique), applicable seulement aux contrats réglementés par cette loi (*) mais par l'article 14 de la loi du 3 juillet 1985 (L 132-31) appliquant aux oeuvres publicitaires le principe selon lequel toute cession de droits d'auteur s'interprète étroitement - Conséquence : annonceur, acquéreur d'une "affiche" sans droit pour l'utiliser c o m m e placard publié dans la presse, avec des altérations et sans mention du n o m de l'auteur - Atteinte aux droits moraux et patrimoniaux de l'auteur.

(*) Cf. Cass. 9 octobre 1991, Sté Robert and Partners (RIDA 151 p. 208 et 292) à propos d'un contrat de création publicitaire conclu, il est vrai, avant l'entrée en vigueur de la loi du 3 juillet 1985.

Sté I M A G E I M A G E c./ Sté P O L Y G R A M

La société Polygram a commandé à la société Image Image une affiche en 1987 et l'a payée 34 000 F HT.

Selon Image Image, l'affiche n'avait été vendue que pour être utilisée durant une campagne publicitaire 1987 à l'arrière des autobus de la RATP. Ayant constaté que l'affiche, légèrement modifiée, était utilisée en 1988 sur des panneaux disposés dans l'ensemble du territoire national ainsi que par des reproductions dans la presse écrite, Image Image a assigné Polygram en paiement de 90 000 F de dommages-intérêts au titre de la contrefaçon et de 15 000 F sur le fondement de l'article 700 du NCPC.

Le Tribunal de grande instance de Paris, 3ème Chambre-1°section, par jugement du 27 avril 1989, l'a déboutée de ses demandes et condamnée à rembourser 5 000 F à Polygram pour ses frais de procédure.

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Image Image, appelante, conclut à l'infirmation du jugement et à la condamnation de Polygram à lui payer : 100 000 F de dommages-intérêts pour son préjudice moral, à raison de l'omission de son n o m sur les affiches et publicités diffusées et des altérations de son oeuvre, 90 000 F pour le préjudice matériel correspondant à l'utilisation de l'oeuvre hors des limites autorisées, 25 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

Polygram sollicite la Cour de dire irrecevable c o m m e nouvelle en appel la demande en dommages-intérêts pour réparation du préjudice moral, subsidiairement de la rejeter c o m m e mal fondée, de confirmer le jugement et de condamner Image Image au paiement de 25 000 F sur le fondement de l'article 700 du N C P C pour la procédure d'appel.

Sur ce la Cour qui pour plus ample exposé renvoie au jugement et aux écritures d'appel, Considérant que, selon Polygram, la demande fondée sur l'atteinte aux droits moraux serait irrecevable en appel c o m m e nouvelle ; que pourtant cette demande tend, c o m m e celle formée en première instance, à faire réparer le préjudice subi par Image Image du fait de l'utilisation de son oeuvre au-delà de l'autorisation donnée par le contrat ; que s'agissant de faire sanctionner le préjudice causé par la contrefaçon, du fait du m ê m e usage abusif de la m ê m e oeuvre, la demande en réparation du préjudice causé par le m ê m e délit, pris sous un autre aspect, est le complément de la demande formée en première instance et sera donc déclarée recevable en appel ;

Considérant que Polygram prétend que seule la personne physique créatrice d'une oeuvre pourrait se plaindre d'une atteinte à son droit de paternité ou d'une atteinte à l'intégrité de l'oeuvre ; que ce moyen ne saurait être reçu, la loi n'ayant fait aucune distinction qui conduirait à refuser une telle protection à la personne morale créatrice de l'oeuvre ;

Considérant que Polygram a passé c o m m a n d e d'une affiche dont le ténor Pavarotti, dont elle a remis une photographie à Image Image, devait être le sujet central ; que Image Image a alors conçu l'affiche, a fait établir des contributions particulières, un texte commandé à P. Cordonnier, un ciel nuageux demandé à un photographe, et a fait composer et mettre en page l'ensemble par ses employés ; qu'elle a vendu l'affiche à Polygram, au prix du devis, 34 000 F HT, et que cette société a reconnu sa paternité, dans un premier temps, puisqu'en 1987 elle l'a exposée avec les mots, disposés verticalement sur le côté : "Image Image" ;

Considérant que Polygram ne conteste pas que l'affiche a été réalisée par Image Image, mais prétend qu'elle n'en est pas l'auteur, ses employés s'étant bornés à mettre en page des éléments créés par des personnes qui en sont les auteurs ; qu'une telle analyse est inexacte, celui qui est à l'initiative d'une oeuvre, qui en conçoit l'ensemble, fait réaliser des éléments divers qu'elle comporte, les organise en un tout et la divulgue sous son n o m en étant l'auteur ; que tel a été le rôle d'Image Image ; qu' il y a donc lieu de lui reconnaître la qualité d'auteur de l'affiche ;

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Considérant que, à raison de la participation de photographes et d'un concepteur du texte qui a établi le slogan "C'est pavarottissimo", Polygram dénie à l'affiche le caractère d'oeuvre originale ; qu'il s'agit là encore d'une méconnaissance de la notion d'oeuvre collective ; que la contribution de divers participants sur une oeuvre collective peut donner à leurs auteurs des droits sur cette contribution, pour autant qu'elle est utilisée isolément, indépendamment de l'oeuvre collective dans laquelle elle est intégrée, mais qu'elle ne leur confère aucun droit sur l'oeuvre collective en tant que telle ; qu'on notera d'ailleurs que Polygram ne prétend à des droits que sur la photographie de Pavarotti fournie à Image Image ;

Considérant que Polygram prétend que l'affiche utilisée en 1988 par affichage et par reproduction dans la presse est une oeuvre nouvelle, distincte de celle d'Image Image ; que cette prétention est contredite par l'examen des deux affiches ; que la seconde diffère de la première en ce qu'elle ne porte plus, sur le côté, la signature Image Image, que le fond du ciel est passé d'un gris foncé à un bleu agressif et que l'on a ajouté, en bas de l'image, un texte supplémentaire et la représentation d'un disque ; qu'enfin la photographie du ciel nuageux de la partie haute est coupée, de chaque côté, par les bords de l'affiche et n'est donc pas reproduite dans sa totalité ;

Considérant qu'il s'agit bien de la m ê m e oeuvre, simplement altérée ; qu'il importe peu que les éléments de départ soient les mêmes, puisque, c o m m e il a été dit ci-avant, il s'agit d'une oeuvre collective et non de diverses oeuvres juxtaposées c o m m e Polygram le laisse entendre dans ses écritures ;

Considérant que Polygram soutient que dès lors qu'elle avait acquis l'affiche elle pouvait en faire l'usage qui lui convenait ; qu'en effet on ne saurait, en l'espèce, invoquer l'article 31 de la loi du 11 mars 1957 ou l'article 14 de la loi du 3 juillet 1985, textes qui ne sont pas applicables aux contrats conclus entre des personnes morales ;

Considérant qu'il est exact que l'article 31 de la loi du 11 mars 1957 ne s'applique pas au présent contrat ; que cela tient au fait qu'il régit des contrats particuliers (représentation, édition, production audiovisuelle) au nombre desquels on ne saurait ranger celui conclu entre Polygram et Image Image ; qu'à l'inverse, l'article 14 de la loi du 3 juillet 1985 s'applique aux contrats de commande, c'est-à-dire à ceux par lesquels, c o m m e ici, un producteur finance et utilisera l'oeuvre à créer, le cas échéant exprime ses exigences (en l'espèce, faire du portrait de Pavarotti l'élément central de l'affiche) et commande la réalisation de l'oeuvre publicitaire ; que la loi ne fait aucune distinction qui permettrait de refuser la protection de l'article 14 au créateur qui accepte et exécute la commande quand il s'agit d'un atelier graphique exploité sous forme de société, et non d'une personne physique ; qu'on peut d'ailleurs relever, à cet égard, que l'article 14 de la loi du 3 juillet 1985 ne prévoit qu'une application particulière du principe selon lequel toute la cession des droits d'auteur s'interprète étroitement, principe nécessaire à la protection effective de l'auteur, que celui-ci soit une personne physique ou une personne morale ;

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Considérant qu'il résulte du devis et de la facture que l'oeuvre d'Image Image a été vendue c o m m e "affiche" ; que c'est donc sans droit que Polygram l'a utilisée c o m m e placard publié dans la presse ;

Considérant que le prix de vente de 34 000 F H T est dérisoire pour une utilisation sur des panneaux de grande dimension répandus sur l'ensemble du territoire national, après une première campagne publicitaire réalisée par affichage sur les autobus de la RATP ; qu'il y a tout lieu de tenir pour exacte l'affirmation d'Image Image selon qui Polygram n'aurait acquis que le droit d'utiliser l'affiche durant l'année 1987, sur des autobus ; que d'ailleurs, si Polygram n'avait pas eu conscience de cette limitation de l'autorisation reçue, elle n'aurait eu aucune raison de dissimuler, c o m m e elle a tenté de le faire, que l'oeuvre utilisée en 1988 était celle que Image Image lui avait vendue en 1987 ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que toutes les prétentions de Image Image sont fondées ; qu'en effet, son oeuvre a été altérée, reproduite sans indication de sa qualité d'auteur et utilisée, très abondamment, en dehors des limites de l'autorisation donnée ;

Considérant qu'eu égard à l'activité professionnelle d'Image Image, le préjudice subi par la perte de notoriété due à la dissimulation de sa qualité d'auteur sur des panneaux publicitaires répandus dans la France entière et l'atteinte à son droit au respect de l'oeuvre modifiée sans autorisation, justifient l'allocation des dommages- intérêts demandés à ce titre ; que de même, la demande au titre de la perte des droits de reproduction n'est pas exagérée dans son montant ;

Considérant qu'il est conforme à l'équité d'allouer à Image Image la somme justifiée qu'elle réclame au titre de ses frais non taxables de première instance et d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Réforme le jugement entrepris,

Condamne la société Polygram à payer à la société Image Image en réparation du préjudice causé par la contrefaçon d'une affiche dont elle est l'auteur, 90 000 F au titre du préjudice moral, 100 000 F au titre du préjudice matériel, 25 000 F au titre de l'article 700 du NCPC,

Rejette toute autre demande,

Condamne la société Polygram aux dépens et admet la SCP d'avoués Narrat Peytavi au recouvrement direct prévu par l'article 699 du NCPC.

M. POULLAIN, Président

MM. B O N N E F O N T et A U D O U A R D , Conseillers

SCP NARRAT PEYTAVI et SCP VARIN PETIT, Avoués Mes ZYLBERSTEIN et GADET, Avocats

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C O U R D'APPEL D E VERSAILLES Chambres réunies 20 novembre 1991

O E U V R E S P R O T E G E E S - O E U V R E S P I C T U R A L E S - D R O I T S PATRIMONIAUX - EXCEPTIONS.

Article 41.3° de la loi du 11 mars 1957 (L. 122.5.3° du Code de la propriété intellectuelle) soustrayant à l'autorisation de l'auteur les "courtes citations"

justifiées par le caractère de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées.

Sont des "courtes citations" des reproductions de tableaux dans un format assez réduit de l'oeuvre elle-même aux fins de leur intégration, conformément aux usages, dans le catalogue d'un commissaire-priseur.

O E U V R E S PROTEGEES : Catalogues de commissaire-priseur "production intellectuelle dotée d'originalité".

(Contra Cass. 1ère Civ. 22 janvier 1991 - cf RIDA 148, p. 119

FABRIS c./ LOUDMER

I

Considérant qu'en vue d'une vente publique M. Guy Loudmer, commissaire- priseur, a publié en 1986 un catalogue des oeuvres concernées au nombre'desquelles figuraient, avec des illustrations les représentant, deux toiles de Maurice Utrillo ; que M. Jean Fabris, titulaire par legs du droit de reproduction des oeuvres du peintre, a fait pratiquer le 8 juillet 1986 une saisie-contrefaçon du catalogue et a assigné le 14 novembre 1986 M. Loudmer en validité de cette saisie et en paiement de dommages- intérêts ; que par jugement du 8 avril 1987 le Tribunal de grande instance de Paris a rejeté ces demandes au motif que les reproductions incriminées devaient être tenues au sens de l'article 41-3ème de la loi du 11 mars 1957, pour de courtes citations intégrées à une oeuvre à caractère d'information, insusceptibles en conséquence de porter atteinte au droit de reproduction ; que la Cour d'appel de Paris, saisie de l'appel relevé de ce jugement par M. Fabris a rendu le 20 mars 1989 un arrêt confirmatif qui a été cassé par arrêt rendu par la Cour de Cassation le 22 janvier 1991 ;

II

II-1 Considérant que devant la présente Cour, désignée c o m m e juridiction de renvoi, M. Fabris demande la validation de la saisie en qualifiant les reproductions de contrefacons insusceptibles, n'étant pas elles-mêmes intégrées à une oeuvre et n'ayant

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pas un caractère partiel, de constituer de "courtes citations" au sens du texte précité ; qu'il réclame à M. Loudmer une s o m m e de 10 000 F à titre de dommages-intérêts et une somme de 50 000 F au titre de l'article 700 NCPC ;

II-2 Considérant que M. Loudmer conclut à la confirmation du jugement et réclame à M. Fabris une s o m m e de 10 000 F pour frais irrépétibles ;

III

III-1 Considérant qu'en vertu de l'article 41-3ème de la loi du 11 mars 1957 l'auteur d'une oeuvre divulguée ou ses ayants droit, par exception à l'article 40 de la m ê m e loi, ne peuvent interdire notamment, sous réserve que soient indiqués clairement le n o m de l'auteur et la source, les courtes citations justifiées par le caractère d'information de l'oeuvre à laquelle elles sont incorporées ;

III-2 SUR LE POINT D E SAVOIR SI LE C A T A L O G U E EN CAUSE CONSTITUE U N E O E U V R E A CARACTERE D'INFORMATION

a - Considérant que pour refuser à ce document une telle qualification M. Fabris fait valoir qu'il ne s'apparente, par son contenu, qu'au pur renseignement et ne reflète en aucune façon une personnalité ; qu'il ajoute que le choix des oeuvres reproduites y est uniquement dicté par l'opportunité et le hasard sans dimension créatrice et sans autre texte qu'une simple identification des reproductions, les acquéreurs potentiels ayant la possibilité de s'informer sur la qualité des oeuvres en cause en assistant aux expositions préalables à la vente ;

b - Mais considérant que ledit catalogue est un ensemble organisé de références numérotées, donnant pour chaque tableau ou objet concerné des indications sur son auteur, son titre, sa consistance, ses caractéristiques et ses dimensions ; qu'il est précédé d'un index et suivi d'une liste d'estimations ; qu'il comporte en outre, pour certaines des oeuvres présentées, en sus d'annotations descriptives, des indications, certes succinctes, sur leur notoriété, sur leur provenance ou sur les circonstances de leur création ; que si son contenu est forcément tributaire de la nature et du nombre des oeuvres mises en vente, dimensions qui échappent effectivement à une quelconque influence créatrice de son rédacteur, son agencement, sa mise en page et les illustrations qu'il comporte interdisent d'y voir un simple inventaire ou un pur ouvrage de renseignement ; que l'ensemble de ces éléments commande au contraire d'y voir une production intellectuelle cohérente et dotée d'originalité, ce qui oblige à le tenir pour une oeuvre ; que par ailleurs cette oeuvre, en ce qu'elle vise à fournir au public intéressé, de façon plus commode que par une visite de l'exposition préalable à

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la vente, des indications largement utiles à une connaissance actualisée du marché des oeuvres d'art et à une prise de décision quant à une éventuelle enchère, présente un caractère manifeste d'information ; qu'elle constitue donc c o m m e le fait valoir M. Loudmer un cadre dans lequel peuvent, au sens du texte susvisé, être incorporées de courtes citations ;

III-3 SUR LE P O I N T D E SAVOIR SI LES ILLUSTRATIONS INCRIMINEES CONSTITUENT D E COURTES CITATIONS

a - Considérant que pour s'opposer à une telle qualification M. Fabris fait valoir que la reproduction intégrale d'une oeuvre d'art, quels que soient son format et sa nature, ne peut constituer une citation, à fortiori courte ; qu'il ajoute que la citation ne peut se concevoir en matière artistique puisqu'elle impliquerait nécessairement une reproduction partielle de l'oeuvre, alors illicite puisque génératrice de dénaturation ;

b - Mais considérant que la courte citation d'une oeuvre s'entend de tout emprunt à ladite oeuvre qui, sans dénaturer son contenu mais au contraire en s'y référant, opère de la m ê m e oeuvre une réduction assez importante pour interdire à son égard toute confusion, assimilation ou concurrence en sorte que disparaît tout grief d'appropriation de ce qui fait la nature m ê m e de cette oeuvre ; que si, en matière littéraire ou pour toute oeuvre s'exprimant par le langage, une telle réduction s'opère par segmentation d'un texte de référence propre à constituer un tout en fonction duquel le segment extrait constitue une partie, une analyse raisonnée de l'oeuvre d'art, expression empruntant les formes combinées de la matière, du graphisme ou du contour, de la couleur et de la dimension, oblige, d'autant plus que toute représentation partielle, en rompant cette combinaison, en constituerait une dénaturation, à tenir pour réduction du m ê m e ordre la figuration qui sur un support matériel quelconque, la suggère de façon certes intégrale sur le plan du graphisme et de la couleur lorsqu'il s'agit d'une oeuvre picturale, mais adopte notamment quant aux dimensions un format assez réduit pour la ravaler au rang de la simple allusion, ou à tout le moins de partie, alors exempte du grief de dénaturation, d'un tout de référence qui est l'oeuvre elle-même, ladite oeuvre n'étant nullement, dans ces conditions, concurrencée dans sa signification, dans sa portée ou dans sa valeur esthétique c o m m e elle le serait par une reproduction ;

c - Considérant qu'étant ainsi vérifiée, contrairement aux dires de M. Fabris, la possibilité d'une courte citation en matière picturale par réduction substantielle du format de l'oeuvre il reste à relever que les formats respectifs des illustrations en cause ont permis, par une pratique conforme aux usages, leur intégration, avec le texte s'y rapportant, dans l'opuscule litigieux, circonstance qui caractérise suffisamment la

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réduction allusive analysée plus haut ; que la justification de cette intégration au regard du caractère d'information du catalogue est établie, dès lors qu'elle a permis aux lecteurs, acheteurs potentiels, de prendre, conformément à une pratique courante, une connaissance efficace des oeuvres à vendre ; que le tribunal doit donc être approuvé d'avoir tenu lesdites illustrations pour de courtes citations justifiées au sens de l'article 41-3 de la loi du 11 mars 1957 et rejeté la demande de validation de la saisie ;

Et considérant que M. Fabris, partie perdante à condamner aux dépens, ne peut recevoir ni des dommages-intérêts ni une somme quelconque au titre de l'article 700 NCPC ; que dans les données de la cause la Cour trouve des éléments l'autorisant à allouer en équité, au titre de ce texte, une somme de 6 000 F à M. Loudmer.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement et contradictoirement, Confirme le jugement entrepris,

Condamne M. Jean Fabris aux dépens d'appel, avec pour ceux exposés devant la présente Cour, droit de recouvremënt direct au profit de Maître Jupin, avoué, conformément aux dispositions de l'article 699 du NCPC. Le condamne en outre à verser à M. Guy Loudmer une somme de 6 000 F au titre de l'article 700 du NCPC.

M m e MARC, Président

Mmes PETIT, GABET-SABATIER, MM. JAUFFRET ET GILLET, Conseillers Mes TREYNET et JUPIN, Avoués

Mes NITOT et ATTAL, Avocats

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C O U R D'APPEL DE PARIS 1ère Chambre 10 janvier 1992

DROIT DE REPRESENTATION - DROIT D'AUTORISER LA TELEDIFFUSION D'UNE OEUVRE DANS UN LIEU ACCESSIBLE AU PUBLIC.

Chambres d'hôtel ne pouvant être regardées comme un "lieu accessible au public" - Autorisation du titulaire du droit d'auteur ne pouvant être requise en application de l'article 45.2° de la loi du 11 mars 1957 modifiée par la loi du 3 juillet 1985 (art. L 132.20.2° du Code de la propriété intellectuelle).

DROIT DE CABLO-DISTRIBUTION (art. 45.1° de la loi du 11 mars 1957 modifiée par la loi du 3 juillet 1985 - art. L 132.20.1° du Code) - Hôtelier retransmettant dans les chambres d'hôtel des émissions radiodiffusées "en n'utilisant qu'un câblage de faible portée et un matériel comparable à celui qu'utiliserait un particulier pour parvenir aux mêmes fins" - Circonstances justifiant une exception au droit d'auteur définie par l'article 45.1°

d'autoriser la retransmission secondaire câblée d'une émission de radiodiffusion primaire.

(Confirmation du jugement de 1ère instance, TGI Paris 14 février 1990 - cf.

RIDA 145, p. 375, note Kéréver)

Sté CABLE NEWS NETWORK et autre c./ Sté NOVOTEL

L'Hôtel Novotel, place Marguerite de Navarre à Paris (ler), a fait installer sur la terrasse de son immeuble des antennes de réception des émetteurs de télévision locaux et des paraboles de réception des satellites, dont celle dirigée sur Intelsat.

Toutes les émissions reçues sont diffusées sur un réseau de télédistribution interne desservant les 285 chambres de l'hôtel. Il en est ainsi des programmes conçus par la Société de droit américain Cable News Network. dite C.N.N., dont la retransmission est, selon celle-ci, soumise à autorisation préalable et à paiement de redevances. La Société Novotel refusant de régulariser sa situation a été assignée en premier lieu devant le juge des référés qui, par ordonnance du 2 mai 1989, a dit qu'il n'y avait lieu à référé, puis devant le juge du fond après qu'un huissier-audiencier, commis à la requête des Sociétés C.N.N. et C.N.N. International Sales Limited (concessionnaire d'une licence d'exploitation des Programmes C.N.N.) ait dressé un procès-verbal de constat auquel est annexé un rapport technique établi par J.P. Manoux expert agréé par la Cour de Cassation.

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