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Réactivité cardiovasculaire et musculaire durant l'anticipation et la consommation de récompenses et de punitions dans la dépression

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Thesis

Reference

Réactivité cardiovasculaire et musculaire durant l'anticipation et la consommation de récompenses et de punitions dans la dépression

FRANZEN, Jessica

Abstract

Notre travail de thèse a porté sur la sensibilité à la récompense et à la punition des personnes dépressives. Se basant sur un modèle théorique que nous avons construit à partir de l'intégration des différentes théories portant sur ce sujet (Abramson, Seligman, & Teasdale, 1978; Beck, Rush, Shaw, & Emery, 1979; Nolen-Hoeksema, 2000), sept études expérimentales ont investigué non seulement la motivation et le comportement des personnes dépressives durant une phase d'anticipation de récompenses et de punitions, mais également leurs réponses affectives face à la récompense et la punition durant une phase de consommation. Ces deux composantes d'anticipation et de consommation ont été évaluées à l'aide de mesures auto-reportées, cardiovasculaires et musculaires. Les résultats ont confirmé les prédictions du modèle théorique et ont pu mettre en lumière des déficits spécifiques relevés dans les composantes d'anticipation et de consommation des processus de récompense et de punition chez les personnes dépressives.

FRANZEN, Jessica. Réactivité cardiovasculaire et musculaire durant l'anticipation et la consommation de récompenses et de punitions dans la dépression. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2016, no. FPSE 634

URN : urn:nbn:ch:unige-885697

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:88569

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:88569

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Section de Psychologie

Sous la direction de la Docteure Kerstin Brinkmann (Université de Genève) et du Professeur Guido H. E. Gendolla (Université de Genève)

Réactivité cardiovasculaire et musculaire durant l'anticipation et la consommation

de récompenses et de punitions dans la dépression

THESE

Présentée à la

Faculté de Psychologie et des Sciences de l'Education de l'Université de Genève

pour obtenir le grade de Docteur en Psychologie

par

Jessica FRANZEN

De Port-Valais, VS

Thèse No 634

GENEVE Mars 2016

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A Francine

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Remerciements

Je tiens tout d’abord à remercier la Docteure Kerstin Brinkmann, ma directrice de thèse, pour tout ce qu’elle m’a appris tout au long de ces années de doctorat. Je la remercie tout particulièrement pour la confiance qu’elle m’a accordée, me permettant de réaliser ce travail de manière autonome tout en étant toujours disponible dès que j’en exprimais le besoin.

Je remercie également le Professeur Guido H. E. Gendolla, co-directeur de ce travail de thèse, pour ses remarques pertinentes, ses conseils et ses encouragements. Je lui suis particulièrement reconnaissante de m’avoir transmis la rigueur scientifique ainsi que l’importance d’établir une théorie cohérente avant de s’engager dans une quelconque recherche empirique.

Je tiens également à remercier les membres de mon jury de thèse d’avoir accepté d’évaluer ce travail. Un grand merci au Professeur Jean-Michel Aubry pour ses conseils pertinents lors de l’élaboration de l’étude clinique, ainsi qu’au Professeur Nicolas Favez pour l’intérêt accordé à mon travail de thèse.

Cette thèse n’aurait pas pu voir le jour sans les membres de l’équipe du Geneva Motivation Lab, qui m’ont soutenue dans les différentes étapes de ce travail de thèse. En particulier, je souhaite exprimer ma reconnaissance au Docteur Michael Richter pour ses précieux conseils, son aide régulière et sa capacité à me pousser toujours plus loin dans mes réflexions scientifiques. Je remercie également mes collègues doctorants, Joséphine Stanek, Athina Zafeiriou et Mathieu Chatelain, pour leur bonne humeur, leur généreuse aide et pour toutes les discussions, scientifiques ou non, qui ont rythmé nos années de doctorat.

Je remercie par ailleurs tous les participants des différentes études présentées dans ce travail et les étudiants avec lesquels j’ai collaboré dans le cadre de leur travail de mémoire.

J’adresse également l’expression de ma gratitude au Docteur Othman Sentissi, qui m’a généreusement permis l’accès aux patients du CAPPI de la Jonction.

Finalement, je remercie chaleureusement ma famille et mes amis pour leur soutien inconditionnel. Je tiens en particulier à remercier mes parents et mes frères pour leur intérêt, leur écoute active et leur aide ponctuelle lors de l’élaboration de ce travail de thèse. Enfin, un merci tout spécial à mon fils, Quentin, pour tout l’amour qu’il m’a apporté ainsi qu’à mon mari, Ludovic, pour son aide lors de la rédaction de ce manuscrit, pour sa patience lorsque je lui parlais de détails scientifiques et pour sa confiance dans les moments de doute.

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Résumé

Dans ce travail de thèse, nous avons pris en compte la sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression et la dysphorie (i.e., dépression sous-clinique). Se basant sur un modèle théorique que nous avons construit à partir de l'intégration des différentes théories portant sur ce sujet (par ex., Abramson, Seligman, & Teasdale, 1978; Beck, Rush, Shaw, &

Emery, 1979; Nolen-Hoeksema, 2000), les différentes études menées dans ce travail de thèse visaient tout d’abord à évaluer non seulement la motivation des personnes dépressives à obtenir une récompense ou à éviter une punition, mais également leur comportement durant une phase d’anticipation de la récompense ou de la punition. Pour ce faire, nous nous sommes basés sur les théories portant sur les motivations d’approche et d’évitement (par ex., Davidson, 1998; Gray, 1987). Nous avons évalué la motivation à obtenir une récompense ou à éviter une punition de manière subjective à l’aide de questions spécifiques auto-reportées. La réponse des personnes dépressives durant l’anticipation des récompenses et des punitions a, quant à elle, été évaluée de manière objective et spécifique par la mobilisation de l’effort (Wright, 1996), opérationnalisée par les mesures cardiovasculaires.

Les études menées dans ce travail avaient également pour but d’évaluer la réponse affective des personnes dépressives face à la récompense et la punition durant une phase de consommation, c’est-à-dire lorsque les personnes recevaient la récompense ou la punition.

Pour ce faire, nous avons pris en compte les théories relatives à l’affect positif et négatif (par ex., Clark & Watson, 1991). Nous avons évalué cette réponse affective non seulement de manière objective à travers les expressions faciales en utilisant des mesures musculaires d’expression faciale, mais également de manière subjective à l’aide de questions spécifiques auto-reportées.

A travers les différentes études menées dans ce travail de thèse, nous avons pu mettre en lumière des déficits spécifiques relevés dans les composantes d’anticipation et de consommation des processus de récompense et de punition chez les personnes dépressives.

Concernant l’anticipation des récompenses tout d’abord, nous avons pu montrer que les personnes dépressives et dysphoriques étaient subjectivement moins motivées à obtenir une récompense que les personnes non dépressives (études 3 et 7). Il a également été relevé qu’en comparaison aux personnes non dépressives, les personnes dépressives et dysphoriques avaient une réponse cardiovasculaire réduite lors de l’anticipation d’une récompense (études 1, 3 et 7). Finalement, nous avons démontré qu’il existait une relation négative non seulement entre le symptôme d’anhédonie et la motivation à obtenir une récompense, mais également entre ce symptôme et la réponse cardiovasculaire face à l’anticipation des récompenses (étude 2). Concernant la consommation des récompenses,

(6)

nous avons montré que comparées aux personnes non dépressives, les personnes dépressives et dysphoriques rapportaient moins de plaisir lorsqu’elles recevaient une récompense (études 3, 6 et 7). De plus, nous avons relevé que les personnes dépressives et dysphoriques avaient une réponse affective musculaire réduite lorsqu’elles recevaient une récompense en comparaison aux personnes non dépressives (études 3, 6 et 7). Finalement, nos études ont montré que cette réponse affective réduite était due à la tendance des personnes dysphoriques à ruminer (étude 6).

En ce qui concerne l’anticipation des punitions, les études de ce travail de thèse ont révélé que les personnes dépressives et dysphoriques avaient une motivation à éviter une punition subjectivement similaire à celle des personnes non dépressives (études 4, 5 et 7). De plus, il a été montré qu’en comparaison aux personnes non dépressives, les personnes dépressives et dysphoriques avaient une réponse cardiovasculaire réduite lors de l’anticipation d’une punition (études 1, 4, 5 et 7), et que cette réponse réduite était due à un locus de contrôle plus externe chez les personnes dysphoriques (étude 5). Concernant la consommation des punitions, nous avons démontré que les personnes dépressives, dysphoriques et non dépressives non seulement rapportaient un déplaisir subjectif similaire, mais qu’elles montraient également une réponse affective musculaire similaire lorsqu’elles recevaient une punition (études 4 et 7).

(7)

Table des matières

PARTIE THEORIQUE ... 12

1. Introduction ...13

2. La dépression ...15

2.1. Symptomatologie ...15

2.1.1. L’anhédonie ... 16

2.1.2. La dysphorie ... 17

2.2. Epidémiologie ...18

2.3. Principaux modèles psychologiques de la dépression ...19

2.3.1. Les modèles comportementaux ... 19

2.3.2. Les modèles cognitifs ... 21

3. Sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression ...23

3.1. Les systèmes de récompense et de punition ...23

3.1.1. Histoire des récompenses et punitions ... 23

3.1.2. Le circuit neuronal de la récompense ... 24

3.1.3. Les composantes de la récompense et de la punition ... 24

3.2. L’anticipation de récompenses et de punitions dans la dépression ...26

3.2.1. Systèmes d’approche et d’évitement ... 26

3.2.2. Absence d’un comportement d’approche dans la dépression ... 28

3.2.3. Présence d’un comportement d’évitement passif dans la dépression ... 29

3.3. La consommation de récompenses et de punitions dans la dépression...31

3.3.1. Affect positif et affect négatif ... 31

3.3.2. Présence de l’affect positif et de l'affect négatif dans la dépression ... 31

3.4. Etudes comportementales et neuroscientifiques ...32

3.4.1. Sensibilité à la récompense et à la punition ... 33

3.4.2. Anticipation et consommation des récompenses et des punitions... 34

3.4.3. Analyse de la littérature ... 35

3.5. Mécanismes psychologiques ...37

3.5.1. Les mécanismes liés à la composante d'anticipation ... 37

3.5.2. Le mécanisme lié à la composante de consommation... 39

4. Mesures des composantes anticipatoire et consommatoire ...41

4.1. Mesure cardiovasculaire ...41

4.1.1. Théorie de l’intensité de la motivation ... 41

4.1.2. Système cardiovasculaire ... 44

4.1.3. Mesures cardiovasculaires ... 46

(8)

4.2. Mesure musculaire des expressions faciales ...47

4.2.1. Les expressions faciales ... 47

4.2.2. L’électromyographie ... 49

4.3. Mesures subjectives ...49

5. Modèle théorique et objectifs ...52

5.1. Modèle théorique ...52

5.2. Objectifs de thèse ...55

PARTIE EMPIRIQUE ... 57

1. Présentation des études et des hypothèses principales ...58

2. Study 1: Reward and punishment anticipation ...60

2.1. Introduction ...60

2.1.1. Reward and punishment anticipation in depression ... 61

2.1.2. Effort mobilization and cardiovascular reactivity ... 62

2.2. The present study ...62

2.3. Method ...64

2.3.1. Participants and experimental design ... 64

2.3.2. Procedure ... 65

2.3.3. Self-report measures ... 66

2.3.4. Experimental task ... 66

2.3.5. Cardiovascular measures ... 67

2.3.6. Data reduction ... 68

2.3.7. Statistical analyses ... 69

2.4. Results ...69

2.4.1. Cardiovascular analyses ... 69

2.4.2. Behavioral analyses ... 72

2.4.3. Self-report measures ... 73

2.5. Discussion ...74

3. Study 2: Link between anhedonia and sensitivity to reward ...78

3.1. Introduction ...78

3.2. Method ...81

3.2.1. Participants and experimental design ... 81

3.2.2. Experimental task and incentive manipulation ... 82

3.2.3. Cardiovascular and muscular measures ... 82

3.2.4. Behavioral and self-report measures ... 83

3.2.5. Procedure ... 84

3.2.6. Data analysis ... 85

(9)

3.3. Results ...86

3.3.1. Preliminary baseline analyses ... 86

3.3.2. Wanting analyses ... 86

3.3.3. Liking analyses ... 86

3.4. Discussion ...88

4. Studies 3 and 4: Incentive anticipation and consumption ...91

4.1. Introduction ...91

4.1.1. Reward and punishment anticipation in depression ... 92

4.1.2. Reward and punishment anticipation from an effort mobilization perspective ... 92

4.1.3. Reward and punishment consumption in depression... 94

4.1.4. Reward and punishment consumption from a facial expressions perspective ... 94

4.2. The present studies ...95

4.3. Study 1: Reward processing ...96

4.3.1. Method ... 96

4.3.2.Results ... 100

4.3.3. Brief Discussion ... 102

4.4. Study 2: Punishment processing ... 103

4.4.1. Method ... 103

4.4.2. Results ... 105

4.4.3. Brief Discussion ... 108

4.5. General discussion ... 108

4.5.1. Anticipatory component ... 108

4.5.2. Consummatory component ... 110

4.6. Conclusion ... 111

5. Studies 5 and 6: Mechanisms ... 113

5.1. Introduction ... 113

5.1.1. Reward and punishment responsiveness in depression ... 114

5.1.2. Locus of control and rumination as mechanisms underlying incentive responsiveness 115 5.1.3. The present studies ... 117

5.2. Study 1: Locus of control and punishment anticipation ... 117

5.2.1. Method ... 118

5.2.2. Results ... 122

5.2.3. Brief discussion... 127

5.3. Study 2: Rumination and reward consumption ... 127

5.3.1. Method ... 128

5.3.2. Results ... 131

5.3.3. Brief discussion... 133

5.4. General discussion ... 133

(10)

6. Study 7: Reward and punishment sensitivity in a clinical sample ... 136

6.1. Introduction ... 136

6.1.1. Impairments in reward and punishment anticipation in depression ... 137

6.1.2. Effort mobilization in anticipation of rewards and punishments ... 138

6.1.3. Impairments in reward and punishment consumption in depression ... 139

6.1.4. Facial expressions during consumption of rewards and punishments ... 139

6.2. Current study ... 140

6.3. Method ... 141

6.3.1. Participants and Design ... 141

6.3.2. Procedure ... 142

6.3.3. Experimental task and incentive manipulation ... 143

6.3.4. Measures ... 144

6.3.5. Data Reduction ... 146

6.4. Results ... 147

6.4.1. Preliminary Analyses ... 147

6.4.2. Reward Anticipation ... 149

6.4.3. Reward Consumption ... 150

6.4.4. Punishment Anticipation ... 151

6.4.5. Punishment Consumption ... 152

6.5. Discussion ... 152

6.5.1. Components of Reward and Punishment Processing ... 152

6.5.2. Implications for punishment ... 154

6.5.3. Psychological Mechanisms ... 155

6.5.4. Strengths, Limitations, and Future Directions ... 155

DISCUSSION ... 158

1. Résumé des résultats ... 159

1.1. Composante anticipatoire de la récompense et de la punition ... 159

1.2. Composante consommatoire de la récompense et de la punition ... 161

1.3. Mécanismes psychologiques impliqués ... 162

2. Discussion des résultats ... 163

2.1. Insensibilité ou sensibilité réduite ... 163

2.2. Anticipation active ou passive ... 166

2.3. Récompenses et punitions monétaires ... 167

3. Thérapies envisagées ... 169

3.1. L’activation comportementale ... 169

3.2. La thérapie cognitive ... 171

(11)

3.3. La thérapie basée sur la pleine conscience ... 172

3.4. La psychothérapie positive ... 174

4. Conclusion ... 176

4.1. Résumé ... 176

4.2. Limites ... 177

4.3. Perspectives futures ... 177

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 180

(12)
(13)

12 Partie théorique

PARTIE THEORIQUE

(14)

Partie théorique: Introduction 13

1. Introduction

Aux extrémités du continuum de satisfaction se trouvent le plaisir d’un côté et le déplaisir de l’autre. Considéré comme une composante du bonheur et défini comme une émotion ou une sensation très agréable et source de bien-être et de contentement, le plaisir est un concept qui contient à la fois des éléments physiques et psychologiques. Il s’agit d’un sentiment subjectif et relatif, qui peut varier d’un individu à l’autre, mais également d’une situation à l’autre chez le même individu. Les expériences de plaisir peuvent être d’ordre biologique, comme le plaisir lié à la nourriture ou au sexe, mais elles peuvent aussi être d’ordre social, comme le plaisir lié à l’accomplissement. On a longtemps considéré que le contraire du plaisir était la souffrance ou la douleur, mais il est clair actuellement qu’il s’agit plutôt du déplaisir, défini comme une sensation ou une émotion très désagréable (Biswas-Diener et al., 2014; Parducci, 1999).

Il a souvent été rapporté que le plaisir est une sensation que les personnes tentent d’approcher, alors que le déplaisir est au contraire une sensation que les personnes tentent de rejeter. Tous deux représentent des véritables moteurs pour nos comportements. Il est alors évident qu’une diminution, voire la disparition de l’expérience de plaisir peut constituer un véritable handicap pour l’individu. L’anhédonie, définie comme la perte d’intérêt et de plaisir se retrouve d’ailleurs dans un bon nombre de troubles psychiatriques, comme la dépression, le trouble bipolaire, le trouble psychotique, les troubles alimentaires, les abus de substance, ou la maladie d’Alzheimer. Dans la dépression en particulier, l’anhédonie est considérée comme l’un des deux symptômes majeurs, l’humeur négative étant le deuxième. Il nous semble donc nécessaire d’investiguer de manière approfondie ce symptôme, qui a d’ailleurs souvent été conceptualisé dans la littérature en terme de déficit au niveau de la sensibilité à la récompense et à la punition (voir Pizzagalli, 2014, pour une revue).

Ce travail de thèse a pour but d’investiguer la sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression. La littérature actuelle s’est majoritairement penchée sur la sensibilité à la récompense et sur ses composantes, mais n’a que très peu pris en compte la sensibilité à la punition. Par ailleurs, les différentes études précédentes ont principalement utilisé des mesures comportementales et physiologiques pour évaluer les composantes de la récompense et de la punition. Finalement, la littérature est restée très descriptive et n’a pas pris en compte les mécanismes sous-jacents qui ont une influence sur la sensibilité à la récompense et à la punition chez les personnes dépressives. Dans notre travail de thèse, nous souhaiterions combler ces différentes lacunes dans la littérature. Ainsi, se basant sur un modèle théorique que nous avons construit à partir de l'intégration des différentes théories portant sur ce sujet, les différentes études menées dans ce travail de thèse visent tout d’abord à évaluer la motivation des personnes dépressives à obtenir une récompense ou à éviter une

(15)

14 Partie théorique: Introduction punition durant une phase d’anticipation de la récompense ou de la punition. Pour ce faire, nous nous baserons sur les théories sur les motivations d’approche et d’évitement (par ex., Davidson, 1998; Gray, 1987) et nous évaluerons cette motivation par la mobilisation de l’effort (Wright, 1996), opérationnalisée par les mesures cardiovasculaires. Les études menées dans ce travail ont également pour but d’évaluer la réponse affective des personnes dépressives face à la récompense et la punition durant une phase de consommation, c’est-à-dire lorsque les personnes reçoivent la récompense ou la punition. Pour ce faire, nous prendrons en compte les théories relatives à l’affect positif et négatif (par ex., Clark & Watson, 1991) et nous évaluerons cette réponse affective par les expressions faciales en utilisant des mesures musculaires.

Dans cette partie théorique, nous allons aborder différentes théories et différentes études empiriques qui nous permettront ensuite d'élaborer un modèle général sur lequel nous nous baserons dans nos différentes études. Ainsi, nous allons tout d’abord nous focaliser sur la dépression, en présentant sa symptomatologie, son épidémiologie et les principaux modèles qui ont été élaborés sur ce trouble. Puis, nous aborderons le thème de la sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression. Pour ce faire, nous présenterons tout d’abord les systèmes de récompense et de punition. Puis, nous nous focaliserons sur les théories relatives à l’anticipation des récompenses et des punitions et celles relatives à la consommation des récompenses et des punitions. Nous proposerons ensuite une revue de la littérature des différentes études menées sur ce sujet. Puis, nous mettrons en avant les mécanismes psychologiques qui peuvent avoir une influence sur le comportement des personnes dépressives lorsqu’elles anticipent ou lorsqu’elles consomment une récompense ou une punition. Nous considérerons ensuite les différentes mesures que nous avons utilisées pour évaluer la motivation à obtenir une récompense ou pour éviter une punition, mais également celles que nous avons utilisées pour évaluer la réponse affective face aux récompenses et aux punitions. Enfin, nous présenterons le modèle théorique de la sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression que nous avons construit (sous-chapitre 5.1.) et nous énumérerons les objectifs principaux de ce travail de thèse.

(16)

Partie théorique: La Dépression 15

2. La dépression

La dépression est une pathologie faisant partie de la catégorie des troubles de l’humeur, dénomination qui a fait son apparition dans la troisième édition du manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-III, American Psychiatric Association, 1987). Ces troubles sont caractérisés par une perturbation de l’humeur et se situent sur un continuum allant de la manie à la dépression. Ils sont répertoriés en quatre catégories : les troubles dépressifs, les troubles bipolaires, le trouble de l’humeur dû à une affection médicale générale et le trouble de l’humeur induit par une substance. Les troubles dépressifs sont divisés en trois catégories distinctes, qui sont le trouble dépressif majeur, la dysthymie et le trouble dépressif non spécifié (American Psychiatric Association, 2013).

Dans ce chapitre, nous allons nous focaliser sur le trouble dépressif majeur et commencer par présenter sa symptomatologie en nous penchant plus particulièrement sur l’anhédonie. Nous aborderons ensuite l’épidémiologie ainsi que les principaux modèles de la dépression.

2.1. Symptomatologie

Le trouble dépressif majeur est caractérisé par une évolution clinique consistant en un ou plusieurs épisodes dépressifs majeurs. Dans le DSM-5 (American Psychiatric Association, 2013), on parle d’épisode dépressif majeur dès lors qu’au moins cinq des symptômes suivants sont présents durant au moins deux semaines: humeur dépressive, diminution marquée d’intérêt et de plaisir, perte ou gain de poids, insomnie ou hypersomnie, agitation ou ralentissement psychomoteur, fatigue ou perte d’énergie, sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée, diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision, pensées récurrentes de mort ou idées suicidaires. Avec l’humeur dépressive, la diminution marquée d’intérêt et de plaisir, que l’on nomme également anhédonie, est un des symptômes les plus importants de ce trouble. Dans la Classification Internationale des Maladies (CIM-10; World Health Organization, 2011), la symptomatologie est identique à celle rapportée dans le DSM-5 : abaissement de l’humeur, réduction de l’énergie et diminution de l’activité, altération de la capacité à éprouver du plaisir, perte d’intérêt, diminution de l’aptitude à se concentrer, fatigue importante, troubles du sommeil, diminution de l’appétit, idées de culpabilité ou de dévalorisation. Il y a uniquement le symptôme de diminution de l’estime de soi et de la confiance en soi qui a été ajouté. Par ailleurs, trois degrés d’épisode dépressif (léger, moyen, sévère) sont rapportés.

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16 Partie théorique: La Dépression Dans ce sous-chapitre, nous présenterons le symptôme d’anhédonie de façon plus détaillée. Puis, dans un deuxième temps, nous parlerons du terme de dysphorie, en établissant la définition que nous avons choisi de lui donner dans ce travail.

2.1.1. L’anhédonie

Etymologiquement, le terme « anhédonie » vient du grec « an » et « hédoné » signifiant « sans plaisir ». Ce terme a été introduit pour la première fois par Ribot (1897) pour décrire l’insensibilité liée au plaisir. Cet auteur a non seulement voulu le distinguer du terme analgésie, correspondant à l'incapacité à ressentir la douleur, mais a également voulu mettre en avant le rôle de ce symptôme dans le diagnostic de mélancolie. Dans le domaine clinique, Meehl (1962) s’est basé sur ses interactions avec ses patients pour parvenir à la conclusion que l’anhédonie était un symptôme important de la schizophrénie. Klein (1974, 1987), quant à lui, a mis en avant la pertinence de ce symptôme dans la dépression endogénomorphe, un type de dépression caractérisé par la difficulté à ressentir du plaisir.

La définition de l’anhédonie la plus précise et la plus fréquemment utilisée est

« diminution de la capacité à expérimenter du plaisir dans des activités auparavant considérées comme plaisantes ». Dans cette définition, le terme « diminution » est très important, car l’on évite de parler de présence ou d’absence de plaisir. Au contraire, l’anhédonie apparaît plutôt sur un continuum allant du déplaisir au plaisir (Ho & Sommers, 2013).

Considérée comme l’un des symptômes les plus importants de la symptomatologie dépressive, l'anhédonie est définie par le manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux comme la « diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres) » (American Psychiatric Association, 2013). Selon le DSM-5, ce symptôme est aussi important que l’humeur négative car un de ces deux symptômes doit être présent pour poser le diagnostic d’épisode dépressif majeur. Dans une étude, Lewinsohn et collaborateurs (Lewinsohn, Pettit, Joiner, & Seeley, 2003) ont affirmé que l’anhédonie était une caractéristique importante de l’épisode dépressif majeur. En effet, parmi des adolescents ayant vécu un épisode dépressif majeur dans leur vie, ils ont montré que 67% d’entre eux ont rapporté la présence de l’humeur négative et de l’anhédonie, mais que seulement 28% n’ont rapporté que la présence de l’humeur négative sans anhédonie et 5% ont rapporté la présence de l’anhédonie sans humeur négative. Ainsi, il est important de relever que l’anhédonie se distingue de l’humeur négative, étant donné que des personnes peuvent vivre une diminution du plaisir sans ressentir de tristesse, ou au contraire ressentir une importante tristesse tout en continuant à ressentir du plaisir. L’anhédonie se distingue également de la capacité à ressentir la douleur (i.e., l’analgésie) ou de la capacité à ressentir de la tristesse ou des émotions

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Partie théorique: La Dépression 17 négatives. Ce symptôme dépend alors uniquement du concept de plaisir, qui englobe de multiples construits, comme le renforcement, le désir ou le plaisir subjectif (Ho & Sommers, 2013; Treadway & Zald, 2011).

Par ailleurs, l’anhédonie se manifeste de différentes manières. Tout d’abord, l’anhédonie physique se manifeste dans des activités physiques telles que manger ou faire l’amour. L’anhédonie sociale, quant à elle, se manifeste dans les interactions avec les autres, comme le fait de communiquer avec les autres ou de créer, maintenir ou rétablir des liens avec autrui (Chapman, Chapman, & Raulin, 1976).

Finalement, l'anhédonie est considérée comme un facteur de risque amenant au développement de la dépression (Loas, 1996). Dans son modèle de vulnérabilité à la dépression centré sur l’anhédonie, Loas suggère que l’interaction entre l’incapacité hédonique et des événements de vie négatifs et stressants cause le développement de la dépression. De plus, en comparaison à d’autres symptômes dépressifs, l’anhédonie est le symptôme qui se maintient le plus longtemps (Rubin, 2012).

2.1.2. La dysphorie

Etymologiquement, le terme dysphorie provient du grec « dus » et « phoros » qui signifie difficulté à supporter. S’opposant au terme d’euphorie, ce terme désigne une perturbation de l’humeur caractérisée par un sentiment déplaisant et dérangeant de tristesse, d’anxiété, de tension et d’irritabilité.

Ce terme a deux significations différentes dans le domaine de la psychopathologie.

Dans le champ des troubles de l’humeur tout d’abord, la dysphorie est considérée comme une dimension supplémentaire de l’humeur, se distinguant des dimensions de manie et de dépression. La dysphorie est alors définie comme une constellation de symptômes tels que la tension interne, l’irritabilité, le comportement agressif et l’hostilité (Bertschy et al., 2008;

Musalek, Griengl, Hobl, Sachs, & Zoghlami, 2000).

Le terme dysphorie a également été utilisé pour définir l’état d’une personne présentant un score élevé à un questionnaire évaluant les symptômes dépressifs dans un échantillon de personnes non cliniques. Cette définition a été suggérée pour la première fois par Kendall et collaborateurs (Kendall, Hollon, Beck, Hammen, & Ingram, 1987). En effet, dans leur article, ces auteurs utilisent le terme de dysphorie pour définir les personnes obtenant un score élevé, entre 10-17, au Beck Depression Inventory (BDI). Dans ce travail de thèse, nous utiliserons le terme de dysphorie dans le sens de cette dernière définition étant donné que certaines de nos études porteront sur des participants non cliniques.

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18 Partie théorique: La Dépression 2.2. Epidémiologie

La dépression figure parmi les troubles psychopathologiques les plus fréquents. En effet, le DSM-5 (American Psychiatric Association, 2013) a révélé que dans la population américaine, la prévalence annuelle du trouble dépressif majeur (c’est-à-dire la proportion de personnes souffrant de dépression durant l’année en cours) s’élevait à 7%. Ce manuel a également insisté sur le fait qu’il y avait des différences marquées selon l’âge, la prévalence des personnes âgées de 18 à 29 ans étant trois fois plus élevée que celle des personnes âgées de 60 ans et plus. Kessler et collaborateurs (Kessler et al., 2003) ont, quant à eux, relevé que la prévalence sur la vie du trouble dépressif majeur (c’est-à-dire la proportion de personnes qui vont souffrir de dépression au cours de leur vie) s’élevait à 16.2 %. Enfin, l’Observatoire suisse de la santé a annoncé que sur une période d’un an, 5.2% de la population souffrait d’un épisode dépressif majeur (Baer, Schuler, Füglister-Dousse, & Moreau-Gruet, 2013).

Le trouble dépressif majeur varie selon divers critères sociodémographiques.

Concernant la différence au niveau du sexe, on remarque que les filles ont autant de chance que les garçons à développer une dépression durant l’enfance. Cependant, à partir de l’âge de 12 ans, la différence au niveau du sexe commence à se former étant donné que la prévalence tend à augmenter chez les femmes et à rester stable voire à diminuer chez les hommes. A la fin de l’adolescence, les femmes ont presque deux fois plus de chance de développer une dépression que les hommes, et cette proportion reste plus ou moins stable durant l’âge adulte. En effet, la prévalence sur la vie du trouble dépressif majeur est de 21 % pour les femmes contre 13% seulement pour les hommes. Les causes de cette différence notable ne sont pas encore très claires, mais il est évident qu’il s’agirait d’une interaction de facteurs biologiques, psychologiques et sociaux. Outre le sexe, il est à noter que le niveau socio-économique bas va de pair avec un taux plus élevé de dépression. Enfin, les régions rurales seraient moins touchées par la dépression que les milieux urbains (Aalto-Setälä, Marttunen, Tuulio-Henriksson, Poikolainen, & Lönnqvist, 2001; Baer et al., 2013; Kessler, 2003; Nolen-Hoeksema, 2001).

Par ailleurs, l’âge moyen du début de la dépression est de 30 ans. De façon plus précise, un quart des personnes souffrant de dépression présente un premier épisode avant l’âge de 18 ans, la moitié entre 18 et 43 ans et le dernier quart entre 43 et 73 ans (Baer et al., 2013).

En ce qui concerne l’évolution du trouble dépressif majeur, il est important de relever qu’elle varie selon les personnes. En effet, certaines peuvent présenter des épisodes dépressifs isolés et séparés par de nombreuses années durant lesquelles ils ne présentent aucun symptôme, alors que d’autres présentent des épisodes regroupés. Enfin, d’autres

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Partie théorique: La Dépression 19 personnes présentent des épisodes de plus en plus fréquents à mesure qu’elles vieillissent.

Les périodes de rémission sont souvent plus longues au début de l’évolution du trouble. La durée moyenne d’un épisode dépressif est de trois à cinq mois et la quantité moyenne d’épisodes au cours d’une vie est au nombre de quatre. De plus, le taux de rechute est particulièrement élevé étant donné qu’il touche entre un cinquième et un tiers des patients.

Les symptômes résiduels et les difficultés psychosociales qui subsistent sont d’ailleurs des facteurs de risque importants. Il est également à noter que le nombre d’épisodes antérieurs prédit la survenue d’épisodes ultérieurs, dans le sens que 50 à 60% des personnes ayant eu un épisode dépressif majeur en présentent un second, 70% des personnes ayant eu deux épisodes en présentent un troisième, et 90% de celles qui en ont eu trois en présentent un quatrième (American Psychiatric Association, 2013; Baer et al., 2013; Durand & Barlow, 2002).

Par ailleurs, le trouble dépressif majeur est associé à une mortalité élevée étant donné que 15% des personnes souffrant de dépression majeure sévère meurent de suicide (American Psychiatric Association, 2013; Durand & Barlow, 2002). Enfin, les troubles dépressifs sont souvent associés à d’autres troubles tels que le trouble anxieux, les troubles de la personnalité et les abus de substance. Il est à noter que les troubles anxieux sont plus fréquents chez les filles, alors que ce sont les troubles de la personnalité et les abus de substance qui sont les plus présents chez les garçons (Baer et al., 2013; Durand & Barlow, 2002).

2.3. Principaux modèles psychologiques de la dépression

Il existe de nombreux modèles biologiques et psychologiques permettant de comprendre le développement et le maintien de la dépression. En ce qui concerne les modèles psychologiques, plus pertinents pour notre travail, il existe une théorie psychanalytique de la dépression, qui considère la perte d’objets d’amour comme le phénomène central de la dépression. Distinguée de la névrose d’angoisse, la dépression est alors assimilée à la mélancolie et comparée au travail face au deuil d’un proche. Selon cette théorie, les personnes dépressives ont un Moi qui est influencé par l’extérieur et si ces personnes perdent cet être extérieur, c’est le Moi et son unité qui déchoit (Freud, 1917). Cette théorie psychanalytique a eu un large soutien pendant toute une période. Cependant, les modèles qui nous semblent être les plus importants dans le cadre de ce travail de thèse sont les modèles comportementaux et les modèles cognitifs, que nous allons détailler dans ce sous-chapitre.

2.3.1. Les modèles comportementaux

Historiquement, l’approche comportementale est née dans les années 1950, alors que l’on commençait à remettre en question les apports théoriques et l’efficacité de la

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20 Partie théorique: La Dépression psychanalyse (Bennett-Levy, Butler, Fennell, Hackmann, & Mueller, 2004). Le modèle comportemental actuel a été principalement influencé par trois personnes: Ferster, Lewinsohn et Beck.

Au début des années 1970, Ferster (1973) propose une théorie comportementale de la dépression basée sur les principes behavioristes de Skinner, et plus particulièrement sur les concepts de renforcement positif et négatif. Selon ce modèle, la dépression est le résultat d’un apprentissage particulier. En effet, la personne apprend à travers ces expériences vécues que certaines actions n’aboutissent pas à des renforcements positifs provenant de l’environnement ou que d’autres sont renforcées négativement car elles permettent à l’individu d’échapper à une situation aversive. A travers le temps, le comportement qui devrait produire des conséquences positives est abandonné. Par exemple, les efforts d’une personne à développer des relations intimes avec les autres s’estompent parce qu’ils ne sont pas suivis de renforcements positifs, comme les efforts réciproques des autres. De plus, comme de moins en moins de comportements sont renforcés par l’environnement, les personnes dépressives vont également limiter leurs comportements adaptatifs et adopter un répertoire passif de comportements, ayant appris que leurs tentatives actives à être engagées dans la vie n’ont pas amené des conséquences positives. Enfin, Ferster a remarqué que les personnes dépressives étaient de plus en plus préoccupées par l’évitement et la fuite étant donné qu’elles mettaient beaucoup d’énergie à s’échapper de conséquences aversives anticipées plutôt que d’essayer d’être en relation avec des renforcements positifs potentiels de l’environnement.

Ainsi, Ferster met l’accent sur le fait que les personnes dépressives ont tendance à avoir plus de comportements d’évitement et de fuite et moins de comportements conduisant à des renforcements positifs.

Dans la même lignée, Lewinsohn (Lewinsohn & Graf, 1973; Lewinsohn, Lobitz, &

Wilson, 1973) suggère que l’absence relative d’événements plaisants et l’augmentation de la présence d’événements aversifs seraient liés à l’apparition et au maintien de la dépression.

Selon cet auteur, la faible présence de renforcements dans l’environnement des personnes dépressives peut dépendre soit de contingences environnementales objectives, soit d’un répertoire comportemental appauvri ne permettant pas d’accéder à des renforcements positifs existants, soit enfin de la non-contingence entre les conduites de l’individu et l’accession aux renforcements présents.

Dans les années 1970-1980, lors de la révolution cognitive, les chercheurs se sont écartés du modèle strictement comportemental de la dépression et l’ont inclus dans le modèle cognitif. Beck et ses collaborateurs (Beck et al., 1979), par exemple, ont incorporé l’activation comportementale en tant que composante fondamentale de la thérapie cognitive de la dépression.

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Partie théorique: La Dépression 21 2.3.2. Les modèles cognitifs

Parmi les modèles cognitifs, la théorie la plus construite est incontestablement celle de Beck (Beck et al., 1979). Selon cet auteur, les personnes à risque de développer une dépression sont des adultes qui ont vécu des événements négatifs dans l’enfance et qui ont acquis avec le temps des structures cognitives ou des schémas dysfonctionnels. Ce schéma négatif typique de la dépression constitue ce que Beck a appelé la triade cognitive. En effet, les personnes dépressives développent une vision négative de soi (la personne se perçoit comme incompétente, incapable d’accéder au bonheur), de l’environnement et du monde en général (la personne perçoit dans l’environnement toute une série d’obstacles à la réalisation de ses objectifs) ainsi que du futur (la personne ne voit pas d’issue à sa situation). Basé sur l’expérience vécue de la personne, ce schéma reste inactif jusqu’à ce qu’il soit activé par un ensemble de stimuli issus de l’environnement, qui entrent en résonance avec le schéma et le réactualisent. Ces distorsions cognitives peuvent être repérées dans le langage intérieur de la personne dépressive par des pensées automatiques, telles que « il n’y a qu’à moi que ces choses arrivent », « personne ne m’aime », ou « je ne réussirai jamais rien dans ma vie ».

Une autre théorie cognitive prégnante de la dépression a été développée par Seligman et collaborateurs (Maier & Seligman, 1976) : la théorie de la résignation apprise. Selon cette théorie, la dépression surviendrait chez des personnes soumises à des situations négatives incontrôlables et inévitables. Face à cette absence de maîtrise des événements survenant dans l’environnement, les personnes adopteraient une attitude résignée et passive. Cette résignation serait apprise étant donné qu’elle se généraliserait à toutes les situations, y compris celles dans lesquelles la personne aurait pu agir de façon efficace. Cette théorie a ensuite été reformulée en prenant en compte la théorie de l’attribution (Abramson et al., 1978).

Selon la théorie de l’attribution, les personnes peuvent attribuer leurs succès ou leurs échecs à une cause, qui peut être stable ou instable, globale ou spécifique, ou alors interne ou externe.

Lorsque l’absence de contrôle d’une situation est attribuée à une cause stable, globale et interne (ex : « je suis incompétent(e) », « je suis moche »), la résignation va se généraliser et se chroniciser. Enfin, cette théorie a finalement été révisée (Abramson, Metalsky, & Alloy, 1989) en prenant le nom de théorie du désespoir. Cette théorie postule l’existence d’un sous- type particulier de la dépression : la dépression liée au désespoir. Selon cette théorie, une personne est désespérée lorsqu’elle a la conviction que les événements aversifs vont se produire, que les événements désirés ne vont pas se produire et qu’il est impossible de changer cette situation.

Ce chapitre a permis de mettre en lumière les deux premiers volets du modèle théorique illustré dans la Table 1 (page 54). En effet, notre modèle théorique suggère de partir du trouble dépressif, et plus particulièrement du symptôme d'anhédonie, pour décrire et expliquer la sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression. Par ailleurs, les

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22 Partie théorique: La Dépression différents modèles comportementaux et cognitifs que nous venons de décrire ont tous eu une portée importante et sont considérés comme les bases théoriques des thérapies cognitives et comportementales pratiquées actuellement. De plus, ils vont nous permettre de comprendre quel est le comportement des personnes dépressives face aux récompenses et aux punitions, qui représente le quatrième volet du modèle théorique.

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Partie théorique: Sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression 23

3. Sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression

Le symptôme d’anhédonie a souvent été conceptualisé dans la littérature en terme de déficit au niveau de la sensibilité à la récompense et à la punition (voir Pizzagalli, 2014, pour une revue). Dans ce chapitre, nous nous focaliserons tout d’abord sur les systèmes de récompense et de punition, puis nous parlerons des différentes théories proposées qui permettent de comprendre comment les personnes dépressives réagissent lorsqu’elles anticipent des récompenses ou des punitions, mais également leurs réactions durant la consommation des récompenses et des punitions. Puis, nous passerons en revue les différentes études comportementales et neuroscientifiques menées sur ce thème, en amenant un point de vue critique sur celles-ci. Finalement, nous discuterons des différents mécanismes qui peuvent influer sur le comportement des personnes dépressives durant l’anticipation et la consommation des récompenses et des punitions.

3.1. Les systèmes de récompense et de punition

Bien que le système de la récompense ait été nettement plus étudié que le système de la punition, nous aborderons, dans ce sous-chapitre, ces deux systèmes de manière parallèle en détaillant leur histoire au sein de la psychologie, en présentant le circuit neuronal de la récompense et enfin, en discutant de leurs différentes composantes.

3.1.1. Histoire des récompenses et punitions

Il est établi de longue date que les récompenses et les punitions influencent de manière importante le comportement. Selon la loi de l’effet de Thorndike (1927), les récompenses augmentent la fréquence des comportements alors que les punitions diminuent leur fréquence.

Au milieu du XXe siècle, Skinner (1963) s’est inspiré des travaux de Pavlov et de Watson et a fondé le comportementalisme radical. Sa contribution majeure en psychologie est le concept de conditionnement opérant, également nommé conditionnement instrumental, conditionnement de type II (par opposition au conditionnement classique développé par Pavlov) ou apprentissage skinnérien. Selon cet auteur, le comportement est déterminé par ses conséquences, qui sont au nombre de deux: le renforcement et la punition. Le renforcement augmente la probabilité qu'une action se produise, alors que la punition diminue cette probabilité. De façon plus précise, il existe deux types de renforcements et deux types de punitions. Le renforcement positif fait référence à la présentation d'un stimulus appétitif, comme l'ajout d'un privilège ou de récompenses, alors que le renforcement négatif concerne

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24 Partie théorique: Sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression le retrait d'un stimulus aversif, comme le fait d'enlever une obligation ou une douleur. La punition positive fait référence à la présentation d'un stimulus aversif, comme l'ajout d'une obligation ou d'une douleur, alors que la punition négative concerne le retrait d'un stimulus appétitif, comme le fait d'enlever un privilège ou un droit.

Ces différentes théories sont à la base des modèles comportementaux, décrits précédemment dans ce travail. Elles sont donc d’une grande importance dans l’histoire et la compréhension du trouble dépressif et sont considérés comme les fondements de la méthode thérapeutique qu’est l’activation comportementale.

3.1.2. Le circuit neuronal de la récompense

Historiquement, ce sont Olds et Milner (1954) qui ont découvert pour la première fois l’existence de structures cérébrales consacrées aux expériences de plaisir. Ils ont implanté des électrodes dans les cerveaux de rats et ont permis à ces animaux de presser sur un levier pour recevoir une stimulation électrique dans leur cerveau. Ces auteurs ont alors découvert que la stimulation de certaines zones spécifiques du cerveau était préférée étant donné que les rats avaient tendance à presser plus de fois pour les stimuler. Ils ont trouvé que l’aire septale était la région la plus sensible.

Actuellement, les recherches menées au niveau neurobiologique ont permis d'identifier un circuit neuronal de la récompense. Celui-ci comprend de nombreuses régions corticales et sous-corticales, formant ainsi un réseau complexe permettant la régulation et le contrôle du comportement. Le centre de ce circuit est le faisceau mésolimbique dopaminergique qui commence dans l’aire tegmentale ventrale et qui connecte le noyau accumbens, l’amygdale, l’hippocampe et le cortex préfrontal. Quand le cortex reçoit un stimulus sensoriel indiquant une récompense ou un renforcement, il envoie un signal à l’aire tegmentale ventrale qui libère de la dopamine non seulement dans le noyau accumbens, mais également dans le cortex préfrontal, le septum et l’amygdale. La dopamine procure alors la sensation de plaisir et favorise la mémorisation de l’expérience, de l’action, de la personne ou de l’objet responsables de cette récompense (Haber & Knutson, 2010).

3.1.3. Les composantes de la récompense et de la punition

Aujourd’hui, la récompense n’apparaît plus comme un concept unique, mais davantage comme un processus complexe qui contient différentes composantes. Plusieurs chercheurs ont proposé des modèles spécifiques du processus de la récompense (Berridge & Robinson, 2003; Gard, Gard, Kring, & John, 2006).

Berridge et colloabrateurs (Berridge, 2003, 2004; Berridge & Kringelbach, 2008;

Berridge & Robinson, 2003) ont proposé un modèle spécifique de la récompense, qui

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Partie théorique: Sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression 25 considère celle-ci comme un processus contenant trois composantes psychologiques, correspondant à des mécanismes neurobiologiques distincts. La première est la composante motivationnelle, qu’ils nomment également wanting. Elle est définie comme la motivation pour obtenir une récompense. Elle est déclenchée par un renforçateur, et c'est soit la perception de ce renforçateur par les organes sensoriels, soit la représentation mentale de ce renforçateur qui va provoquer la motivation ou le désir d'obtenir une récompense. Cette composante comprend deux niveaux différents. Le premier niveau représente les processus motivationnels des renforcements, constitués principalement par le système dopaminergique de l'aire tegmentale ventrale. L'activité de ces processus n'est pas toujours consciente. Le second niveau représente le désir conscient d'obtenir des récompenses. La deuxième composante proposée par Berridge et collaborateurs est la composante affective, nommée également liking. Elle est définie comme la réponse affective à la récompense. Elle correspond au plaisir provoqué par la consommation du renforçateur. Elle comprend également deux niveaux différents. Le premier niveau représente les processus hédoniques des renforcements, consistué par le réseau des points chauds ("hotspots") et dont l'activité n'est pas toujours consciente. Le second niveau représente l'expérience consciente du plaisir de la récompense.

La troisième composante est la composante cognitive, nommée également learning. Elle correspond aux apprentissages qui permettent l'association entre le renforçateur et la réaction émotionnelle ou comportementale. Elle comprend également deux niveaux différents. Le premier niveau représente les conditionnements associatifs qui dépendent essentiellement de l'amygdale et du cortex préfrontal. Le second niveau représente les prédictions conscientes et explicites concernant les futurs renforcements (Berridge & Kringelbach, 2008; Berridge &

Robinson, 2003).

Gard et collaborateurs (Gard et al., 2006), quant à eux, se sont penchés sur la chronologie de l’expérience de plaisir et ont différencié deux composantes distinctes : le plaisir anticipatoire et le plaisir consommatoire. Le plaisir anticipatoire est lié au concept de motivation et au comportement dirigé vers un but. Il est défini comme le plaisir vécu en anticipation d’un stimulus positif ou agréable. Le plaisir consommatoire est lié à la satiété et à la résolution du désir. Il est défini comme le plaisir sur le moment en réponse à un stimulus.

Finalement, il est à noter que même si l’équipe de Berridge et collaborateurs ainsi que celle de Gard et collaborateurs ont mis l’accent sur des aspects différents, les composantes proposées par ses deux équipes ont quelques points communs. Il est donc envisageable de faire correspondre le plaisir anticipatoire à la composante de wanting et de lier le plaisir consommatoire à la composante de liking (Sherdell, Waugh, & Gotlib, 2012). Comme nous souhaitons prendre en compte la chronologie du processus de récompense dans ce travail de thèse, nous avons choisi de nous focaliser sur les deux composantes proposées par Gard et collaborateurs, la composante anticipatoire et la composante consommatoire.

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26 Partie théorique: Sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression Par ailleurs, le processus de punition n’a pas été étudié de façon aussi approfondie que celui de récompense. Comme nous souhaitons prendre en compte les deux processus de manière parallèle, nous proposons de considérer deux composantes distinctes du processus de punition : la composante anticipatoire ou de wanting, définie comme la motivation pour éviter une punition, ainsi que la composante consommatoire ou de disliking, définie comme la réponse affective à la punition. Dans les prochains sous-chapitres, nous nous proposons de considérer l’attitude des personnes dépressives face à l’anticipation et la consommation des récompenses et des punitions.

3.2. L’anticipation de récompenses et de punitions dans la dépression

Afin de bien comprendre le comportement des personnes dépressives face à l’anticipation des récompenses et des punitions, nous allons prendre en compte les comportements d’approche et d’évitement. De nombreux théoriciens de la motivation et de la personnalité suggèrent que le désir d’approcher les stimuli positifs et le désir de fuir les stimuli négatifs sont des moteurs humains fondamentaux représentés par des systèmes motivationnels distincts, incluant les systèmes de défense et d’appétit, les systèmes d’approche et d’évitement ou les systèmes d’activation et d’inhibition comportementale (Elliot, Eder, & Harmon-Jones, 2013).

3.2.1. Systèmes d’approche et d’évitement

A l’origine, la distinction entre les concepts d’approche et d’évitement provient du philosophe grec Démocrite, qui soutient l’existence d’un hédonisme éthique dans lequel la poursuite du plaisir et l’évitement de la douleur sont des guides centraux du comportement humain. Puis, le philosophe britannique, Bentham, est le premier à postuler l’existence d’un hédonisme psychologique, qui fait la distinction entre la façon dont on devrait agir et la façon dont on agit réellement. Enfin, la psychologie scientifique s’est penchée sur la distinction entre les systèmes d’approche et d’évitement, avec James qui considère le plaisir et la douleur comme des moteurs d’action, ou encore Freud qui soutient que la recherche du plaisir et l’évitement de la douleur sont des moteurs motivationnels basiques sous-tendant l’activité psychodynamique (Elliot, 2006; Elliot & Covington, 2001).

La motivation d’approche fait référence au fait d’initier et de diriger le comportement vers des stimuli positifs qui peuvent prendre la forme d’une action, une personne ou une chose.

La motivation d’évitement, quant à elle, fait référence au fait d’initier et de diriger le comportement loin de stimuli négatifs qui peuvent prendre la forme d’une action, une personne ou une chose (Elliot, 2006; Ottenbreit & Dobson, 2004). Dans la conceptualisation du terme d’évitement, il a été suggéré de différencier l’évitement actif de l’évitement passif. L’évitement

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Partie théorique: Sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression 27 actif est un comportement qui permet de changer la situation et de réduire ou éliminer le stimulus aversif. En évitant activement, la personne a alors du contrôle sur la situation.

L’évitement passif, quant à lui, est un comportement qui ne permet ni de changer la situation, ni de réduire ou éliminer le stimulus aversif. En évitant passivement, la personne a peu de chance d’avoir de l’influence sur la situation (Ferster, 1973; Ottenbreit & Dobson, 2004).

En ce qui concerne la distinction entre les motivations d’approche et d’évitement, la littérature parvient à la conclusion qu’il y a un lien entre la motivation d’approche et les concepts d’appétit et de récompense ainsi qu’un lien entre la motivation d’évitement et les concepts d’aversion et de punition. De plus, il a été suggéré que le comportement d’approche est initié par un événement positif ou désirable, alors que le comportement d’évitement est initié par un événement négatif ou indésirable. Il est également clairement établi que le comportement normal implique une orientation physique et/ou psychologique d’approche envers les stimuli positifs et les récompenses ainsi qu’une orientation physique et/ou psychologique d’évitement des stimuli négatifs et des punitions (Elliot, 1999; Elliot et al., 2013).

Plusieurs théories se focalisant sur les motivations d’approche et d’évitement ont été proposées. La version originale de la théorie de la sensibilité au renforcement de Gray (1987) postule l’existence de trois systèmes motivationnels : le système d’activation comportementale (behavioral activation system, BAS), le système d’inhibition comportementale (behavioral inhibition system, BIS) et le système de lutte et de fuite (fight/flight system, FFS). Le BAS, activé par des signaux de récompense et de fin de punition, déclenche le comportement d’approche et de l’évitement actif et entraîne les états affectifs d’euphorie, de soulagement et d’espoir. Activé par des signaux de punition conditionnée, de fin de récompense et de nouveauté, le BIS déclenche le comportement d’évitement passif et d’extinction et entraîne les états affectifs d’anxiété et de frustration. Enfin, le système de lutte et de fuite est activé par des signaux de punition inconditionnée et de fin de récompense. Il déclenche les comportements d’agression ou de fuite et entraîne les états affectifs de colère et de panique.

Chacun de ces différents systèmes sont associés à des structures cérébrales spécifiques. En effet, le BIS est lié au système septo-hippocampique, alors que le BAS est associé au système mésolimbique dopaminergique ainsi qu'aux ganglions de la base. Quant au FFS, il est lié aux noyaux gris centraux, à l'hypothalamus médian et à l'amygdale. Il est également à noter que ces systèmes interagissent entre eux. Quand le BAS est fortement activé et que le BIS l’est faiblement, les réponses sont appétitives et les émotions positives. Quand le BAS est faiblement activé et que le BIS l’est fortement, les réponses sont aversives et les émotions négatives. Il existe une deuxième version de cette théorie (Gray & McNaughton, 2000), mais elle a fait nettement moins écho que la première version, c’est pourquoi nous nous baserons uniquement sur la première version dans ce travail. Davidson (1998) s’est également intéressé aux motivations d’approche et d’évitement en se focalisant sur un point de vue

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28 Partie théorique: Sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression neuroscientifique. Il propose l’hypothèse d’activation antérieure asymétrique, selon laquelle les régions préfrontales gauches seraient liées à la motivation d’approche alors que les régions préfrontales droites seraient associées à la motivation d’évitement. Selon sa théorie, l’activation de la motivation d’approche serait liée à une forme particulière d’affect positif, l’affect positif avant la réalisation d’un but. Quant à la motivation d’évitement, elle permettrait d’éviter des stimuli aversifs et générerait une certaine forme d’affect négatif, l’affect négatif lié à l’évitement.

3.2.2. Absence d’un comportement d’approche dans la dépression

Plusieurs théories convergent vers l’idée que les personnes dépressives souffrent d’un déficit fondamental dans le système d’affect positif lié à l’approche. En effet, les théories comportementales ont tout d’abord suggéré que la personne dépressive apprend à travers ses expériences vécues que certaines actions n’aboutissent pas à des renforcements positifs provenant de l’environnement. Ainsi, le comportement qui devrait produire des conséquences positives est petit à petit abandonné (voir le chapitre 2.3. pour plus de détails sur le modèle comportemental; Beck et al., 1979; Jacobson, Martell, & Dimidjian, 2001). Des théories plus biologiques ont également été proposées. Klein (1974) a mis en évidence la perte de la capacité à répondre affectivement à l’anticipation du plaisir dans la dépression endogénomorphe. Costello (1972) a affirmé que la dépression résultait d’une diminution de l’efficacité des renforcements, et Meehl (1975) a suggéré que les personnes dépressives ne percevaient pas la récompense comme un renforcement. Quant à Depue et Ianoco (1989), ils ont relevé un déficit au niveau du système de facilitation comportementale dans la phase hivernale de la dépression saisonnière. Au niveau neuroscientifique, Davidson (1992, 1994) a postulé l’existence d’une hypoactivation des régions préfrontales gauches dans la dépression.

Selon cet auteur, un manque d’activation dans ces régions antérieures se refléterait au niveau du comportement, impliquant une diminution du comportement d’approche. Cette diminution comportementale devrait ensuite diminuer la propension à expérimenter le plaisir et à développer un engagement positif envers l’environnement. Tout cela aboutirait finalement au développement des symptômes dépressifs. Par ailleurs, se basant sur la théorie de la sensibilité au renforcement de Gray (1987), Fowles (1994) a présenté une approche motivationnelle de la psychopathologie. Il a suggéré qu’il y avait un manque d’activation du BAS dans la dépression. Finalement, il a été montré que les personnes dépressives avaient tendance à générer moins de buts d’approche que ne le font les personnes non dépressives (Dickson & MacLeod, 2004, 2006). Ainsi, toutes ces théories convergent vers la conclusion que la dépression serait liée à une absence de comportement d’approche. Les études portant sur ce sujet seront présentées en détail plus loin dans ce travail (voir chapitre 3.4.).

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Partie théorique: Sensibilité à la récompense et à la punition dans la dépression 29 3.2.3. Présence d’un comportement d’évitement passif dans la dépression

En psychopathologie, l’évitement a souvent été mis en lien avec les troubles anxieux (Barlow, 2002). Cependant, la présence d’un comportement d’évitement chez les personnes dépressives est incontestable (voir Ottenbreit & Dobson, 2004; Trew, 2011, pour revues). En effet, la littérature relève plusieurs liens entre évitement et dépression. Tout d’abord, Ferster (1973) suggère que la dépression est caractérisée par une augmentation de l’évitement des stimuli négatifs et que cet évitement prend souvent la forme de plaintes. D’autres auteurs ont montré un lien positif entre la stratégie de coping d’évitement (également nommée stratégie de suppression de pensée) et la dépression (Blalock & Joiner, 2000; Kuyken & Brewin, 2000;

Spurrell & McFarlane, 1995). Ce phénomène pourrait s’expliquer par le fait que les personnes dépressives ont tendance à percevoir les situations stressantes comme plus menaçantes et qu’en réponse, elles s’engageraient plus facilement dans des stratégies de coping d’évitement (Kuyken & Brewin, 2000). Certains auteurs ont également montré un lien positif entre le style de résolution de problème évitant et la dépression (D’Zurilla, Chang, Nottingham, & Faccini, 1998). Dans cette approche, il est à noter que le style évitant est considéré comme inefficace, alors que le style approchant est considéré comme optimal (D’Zurilla et al., 1998). Finalement, il a été suggéré dans la littérature que la dépression était associée à un plus grand nombre de buts et de plans d’évitement. En effet, Dickson et MacLeod (2006) ont montré que les personnes dépressives avaient tendance à générer plus de buts d’évitement que ne le font les personnes issues d’un groupe contrôle.

Par ailleurs, la dépression a souvent été mise en lien avec un comportement de passivité. En effet, il a été montré que la dépression était caractérisée par le désengagement (Rottenberg, Gross, & Gotlib, 2005) et par le désespoir ou la résignation apprise (Abramson et al., 1978). Ainsi, une des réponses comportementales les plus fréquentes chez les personnes dépressives serait la passivité.

Prenant en compte la présence d’un comportement d’évitement ainsi que d’un comportement de passivité dans la dépression, il a été suggéré dans la littérature que le comportement d’évitement utilisé par les personnes dépressives était passif. En effet, Ferster (1973) suggère que l’évitement des personnes dépressives est caractérisé par la passivité, car celles-ci agissent de façon indirecte et que leur action a peu de chance d’influencer la situation. Fowles (1994), quant à lui, affirme que la dépression est caractérisée par un haut niveau du système d’inibition comportementale, système qui déclenche un comportement d’évitement passif. Finalement, Cloninger (1987) postule l’existence de trois dimensions indépendantes dans son modèle de personnalité: la recherche de nouveauté, l’évitement du danger et la dépendance à la récompense. L’évitement du danger se réfère alors à la tendance à répondre de façon intensive à des stimuli aversifs en adoptant un comportement d’inhibition ou d’évitement passif dans le but d’éviter les punitions, la nouveauté et la frustration liée à

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