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Academic year: 2022

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12 | 2018 :

Enseignement(s) numérique(s) : entre utopie technologique, réalités pédagogiques et enjeux communicationnels

Dossiers RFSIC à paraître

Notes de l’auteur

Dossier coordonné par Fabienne Martin-Juchat (fabienne.martin-juchat@univ-grenoble- alpes.fr), professeure à l’Université Grenoble Alpes, Gresec) Thierry Ménissier,

thierry.menissier@univ-grenoble-alpes.fr), professeur à l’Université Grenoble Alpes, PPL) et Valérie Lépine (valerie.lepine@univ-grenoble-alpes.fr), Maitre de conférence à l’Université Grenoble Alpes, Gresec)

L’objectif de ce dossier de la Revue française des sciences de l’information et de la communication est à la fois de faire le point et d’ouvrir des perspectives sur les manières dont sont pensés la place et le rôle des affects au sein des organisations, lorsqu’on les envisage en lien avec le déploiement des idéologies, des techniques et des dispositifs de gestion du social. Un large champ de recherches se déploie de l’analyse critique des logiques d’instrumentalisation, de normalisation et de marchandisation des affects via les dispositifs (Martin-Juchat, Staï, 2016 ; Pierre,

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de comprendre dans l’histoire des discours et des pratiques pourquoi et de quelles manières l’affect est devenu un objet socialement et sémiotiquement construit par les acteurs au sein des organisations ;

de saisir en quoi cette mise en signes des affects est historiquement marquée, engageante ou non et révélatrice de certaines dynamiques socio-politiques et/ou anthropologiques ;

d’examiner l’hypothèse que ces dynamiques, finalités, dépassent les frontières organisationnelles.

Alloing, 2017) à celle de la dynamique affective au sein des organisations engendrée par ces dispositifs (Ribert-Van De Weerdt, 2011, Roux, 2013), un champ dont la prise en compte permet de questionner les relations entre les dispositifs organisationnels concernant les émotions et les finalités qu’ils servent, explicitement et implicitement, les engagements qu’ils induisent, les dynamiques actionnelles et communicationnelles qu’ils permettent.

Il nous importe dans le cadre de ce dossier :

S’il apparaît tentant de réduire ces dynamiques à une logique de renouvellement du capitalisme (Illouz, 2006), ce que certains nomment le capitalisme affectif (Grossberg, 2010), quelles autres logiques sont ici à l’œuvre ? Peut-on par exemple appréhender la volonté de connaissance, de qualification et de quantification des profils et autres quotients émotionnels comme s’inscrivant dans une logique d’objectivation, de communication engageante (Bernard & Joule, 2012) de performance et donc d’amélioration de soi (Hochschild, 2003) ? Ou bien doit-on faire l’hypothèse que l’apparition de tels discours correspond à l’émergence d’une

« raison émotionnelle » objectivée par des techniques et des technologies, et que celle-ci vise à questionner le mode d’existence des humains face aux machines (Simondon, 1958 ; Stiegler, 2015) en tant que ces dernières seraient, à la différence des humains, à jamais dépourvues d’émotion ?

L’émotion constitue une thématique que plusieurs disciplines scientifiques se sont appropriée, si bien qu’il convient que chacun des auteurs définisse les termes choisis (affect, émotion, sentiment, passion) et leurs acceptions dans le cadre de ce dossier.

Notre propos est d’interroger en quoi les mouvements affectifs structurent le social et dans quelle mesure ils sont aussi dépendants de cultures organisationnelles. En d’autres termes, l’orientation retenue s’écarte de la qualification et la classification des différents types d’affects effectuée hors de leur contexte d’apparition ou d’expression.

Elle privilégie la place et le rôle des émotions au sein d’ensembles d’interactions (dans une équipe, des collectifs de travail, et avec les différentes parties prenantes d’une organisation) et de relations (de coopération, de contrôle, de pouvoir, de négociation, etc.). Elle accorde une attention particulière aux dimensions sociohistoriques, culturelles ainsi qu’aux aspects idéologiques et politiques associés aux affects et aux émotions.

Les imaginaires, les représentations, les idéologies dominantes perceptibles par l’intermédiaire des discours, des normes énonçant ou suggérant ce que doivent être les émotions dans les organisations seront donc interrogées (Ménissier & Martin- Juchat, 2016). Au vu des nombreux projets de politique managériale (par exemple autour du care, de la bientraitance ou encore du bonheur au travail), de prévention des risques socioprofessionnels ou encore d’accompagnement du changement, en

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quoi ces injonctions relèvent-elles d’une réelle prise en compte des émotions ? En quoi ces discours fabriquent-ils le regard sur les émotions au sein des organisations et façonnent-ils le vécu individuel et collectif des affects (Chanlat, 2003) ? Au-delà de cette question, une morale collective fondée sur les émotions est-elle, pour la politique des organisations, nécessaire, bienfaisante ou néfaste (à propos de la compassion Teneau & Dufour, 2013, et contre le care la critique d’Adorno, 2015) ?

De longue date, le contrôle des corps et des affects a été affaire de société (Elias, 1973 ; Bodei, 1997 ; Ménissier, 2000) et de structuration du rapport au travail (Sennett, 2013). Les mouvements sociaux, la grève, la révolte ouvrière sont autant de phénomènes qu’il a, de longue date, fallu anticiper, étouffer, éviter. N’y a-t-il pas un paradoxe inhérent à l’histoire du travail dans ce qu’il demande d’une part d’éducation du soi social et émotionnel, ainsi de valorisation de profils affectifs voire de contention affective et de l’autre l’idéologie d’un travail émancipateur source de bien- être et d’apaisement des relations humaines ?

L’apparition et le développement de fonctions ou de métiers et d’acteurs assignés (explicitement ou non) à la « gestion » des comportements et des signes affectifs au travail, tels que ceux de la communication, de la médecine et de la psychologie du travail, de la prévention des risques, de l’ergonomie, voire de la qualité, gagnent à être questionnés. De même, il convient de faire droit à l’influence éminente des émotions dans les phénomènes de leadership et de pouvoir au sein des organisations (Haag & Laroche, 2009), et jusque dans logiques de prise de décision qui les engagent (Van Hoorebeke, 2008). Comment les professionnels qui exercent ces rôles vivent-ils le paradoxe entre, d’un côté, objectifs d’encadrement, de normalisation et impératifs de rationalisation et de justification, et, de l’autre, développement de compétences de « savoir-être » de type émotionnel ?

Comment les organisations et les professionnels intègrent-ils (ou non) les enjeux d’éthique fondée sur le respect et la reconnaissance (Lépine, 2009) des salariés dans leur diversité sociale, professionnelle, culturelle ?

Sur un autre registre, celui de la vie quotidienne du salarié, ces dispositifs accompagnent et accroissent cette dynamique d’instrumentalisation des affects au travail. Contraints par les rythmes productifs et les cadres d’action imposés par les nouveaux outils numériques, que peut-on dire des conséquences de l’accélération et de l’intensification du travail et des échanges info-communicationnels sur le vécu émotionnel des salariés ? Particulièrement, comment les tendances récentes du management s’inscrivent-elles dans ce cadre ou le déforment-elles, qu’il s’agisse du management dans la sphère publique ou dans l’entreprise (new public management,

« entreprise libérée », management des start-up innovantes, etc.) ? Dans les évolutions contemporaines du management des organisations, et en regard du thème qui est le nôtre, doit-on faire l’hypothèse d’une radicalisation, au contraire, d’une subversion de la modernité à partir de certaines de ses tendances constitutives ? En d’autres termes, quel rôle pour les émotions dans l’organisation conçue comme

« hypermoderne » ? (Plane, 2008)

Ce dossier entend rassembler des travaux originaux qui nourrissent la réflexion interdisciplinaire sur le lien entre émotions, organisations et social dans des contextes de médiation, en s’intéressant autant aux discours qu’à leur réception et aux cadres structurant les affects au travail.

Les approches historiques, sociopolitiques, socio-sémiologiques et anthropologiques seront les bienvenues, dans leur diversité, toutes disciplines confondues. Les études empiriques et de terrain seront appréciées ainsi que les regards croisés entre acteurs et chercheurs.

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Thématique 1 : communications, actions, affects et organisations : quels modèles, quelles méthodologies pour les acteurs et les chercheurs ?

Thématique 2 : la construction des émotions, la modernité et ses transformations (post-modernité, hypermodernité) : quelles lectures au-delà des frontières historiques et organisationnelles ?

Thématique 3 : mises en signes et expressivité des émotions : quels enjeux, socio-politiques, individuelles et collectifs ?

Thématique 4 : dynamiques d’éducation affective et de développement de nouveaux acteurs et métiers : quelles places et quels rôles pour les émotions dans les organisations ?

Adorno, F. P., 2015, Faut-il se soucier du care ?, Paris, Editions de l’Olivier.

Allard, L., Alloing, C., Le Béchec, M, Pierre, J., 2017, Dossier Émergences. « Les affects numériques » Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], n° 11.

Bencherki, N., 2017, « Pour une communication organisationnelle affective : une perspective préindividuelle de l’action et de la constitution des organisations », Communiquer [En ligne], 15 | 2015, mis en ligne le 17 octobre 2015, consulté le 24 avril 2017. URL : http://communiquer.revues.org/1701 ; DOI : 10.4000/communiquer.1701.

Bernard, F., Joule, R.-V., 2012, « Lien, sens et action : vers une communication engageante », Communication et organisation [En ligne], 24 | 2004, mis en ligne le 27 mars 2012, URL : http://journals.openedition.org/communicationorganisation /2918.

Bernard, J., 2007, « Objectiver les émotions dans l’enquête de terrain. Réflexions à partir d’une étude dans les pompes funèbres », in Leservoisier O. et Vidal L. (dir.), L’anthropologie face à ses objets, Paris, Editions des archives contemporaines, 2007, p. 109-122.

Bodei, R., 1997, Géométrie des passions : peur, espoir, bonheur : de la philosophie à l’usage politiques, trad. M. Raiola, Paris, Presses universitaires de France.

Chanlat, J.-F., 2003, « Émotions, organisation et management : une réflexion critique sur la notion d’intelligence émotionnelle », Travailler, vol. 9, no. 1, 2003, pp. 113-132.

Doyle McCarthy, E., 1994, « The Social Construction of Emotions : New Directions from Culture Theory » Sociology Faculty Publications. Paper 4.

Dumas, A. Fabienne Martin-Juchat, F. 2016, « Approche communicationnelle des émotions dans les organisations : questionnements et implications méthodologiques », Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 9 | 2016, mis en ligne le 01 septembre 2016, consulté le 08 décembre 2017. URL :

Elias, N., 2003 La Civilisation des mœurs (1ère édition originale en allemand, 1939, 1ère édition française 1973), Paris, Edition Pocket.

Grossberg, L. 2010. Affects future : Rediscovering the virtual in the actual. In M.

Gregg & G. J. Seigworth, eds. The Affect Theory Reader. North Carolina : Duke University Press, pp. 309–338.

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Haag, Ch. & Laroche, H, 2009, « Dans le secret des comités de direction, le rôle des émotions : proposition d’un modèle théorique », M@n@gement 2009/2 (Vol.

12), p. 82-117.

Hochschild, A., 2003, « Travail émotionnel, règle des sentiments et structure sociale », Travailler, n° 9, 19-49. DOI : 10.3917/trav.009.0019

Illouz E., 2006, Les sentiments à l’ère du capitalisme, Paris, Seuil (édition originale en allemand 2006 et anglais : Illouz, E. 2007. Cold Intimacies : The Making of Emotional Capitalism. Cambridge : Polity Press)

Lépine, V., 2009, « La reconnaissance au travail par la construction d’une relation agissante : la communication des cadres de santé », Revue Communication &

Organisation, N° 36, décembre 2009, pp 97-108.

Martin-Juchat, F. 2014, « La dynamique de marchandisation de la communication affective », Revue française des sciences de l’information et de la communication [Online], 5 | 2014, DOI : 10.4000/rfsic.1012

Martin-Juchat, F., Staï, A., 2016, (dir.) Industrialisation des émotions et radicalisation de la modernité, Paris, L’Harmattan, collection « Communication et civilisation ».

Massumi, B., « The Autonomy of Affect », Cultural Critique, No. 31, The Politics of Systems and Environments, Part II. (Autumn, 1995), pp. 83-109.

Martin-Juchat F., Ménissier, T., 2016, « Du somatique au politique : l’atelier de l’imaginaire » in Recherches en Communication n° 42, « Une approche communicationnelle pour faire monde commun » », Annick Monseigne Marie- Elisabeth Volckrick, (coord.) : pp. 37-50.

Ménissier, T., 2000, « La rupture machiavélienne dans la découverte du jeu social des passions », in Cléro, J.-C., L’Affectivité et la signification, Rouen, Presses Universitaires de Rouen, p. 9-19.

Plane, J.-M., 2008, « Séduction et management des hommes dans le contexte de l’hypermodernisme », Le Journal des psychologues 2008/6 (n° 259), p. 49-53.

Plutchik, R., 2008, A psycho-evolutionary theory of emotions. Soc. Sci. Inf. 21 (4–5), 529–553.

Parrott, W., 2001, Emotions in Social Psychology. Psychology Press, Philadelphia.

Simondon, G., 1958, Du mode d’existence des objets techniques, Paris, Aubier.

Sennet, R., 2013, Ensemble : pour une éthique de la coopération, Paris, Albin Michel, 2013.

Ribert-Van De Weerdt, C., 2011, « Les contraintes de travail et les stratégies de régulation émotionnelle en centre de relation clientèle », Le travail humain, vol. vol. 74, no. 4, pp. 321-339.

Roux, A., 2013, « Rationalisation des émotions dans les établissements hospitaliers : pratiques des soignants face à un travail émotionnel empêché », Communiquer [En ligne], 8 | 2013, mis en ligne le 21 avril 2015, URL : http://journals.openedition.org/communiquer/227 ; DOI : 10.4000/communiquer.227

Stiegler, B., 2015, La Société automatique : 1. L’avenir du travail, Paris, Fayard.

Teneau, G., & Dufour, N., 2013, « L’organisation de la compassion en entreprise, un rôle managérial émergent », Management & Avenir 2013/4 (N° 62), p. 72-90.

Van Hoorebeke, D., 2008, « L’émotion et la prise de décision », Revue française de gestion 2008/2 (n° 182), p. 33-44.

Les articles complets attendus (pas d’envoi préalable de résumés), en langue française, comportent environ 30 000 signes espaces compris, hors bibliographie, et seront adressés à Fabienne Martin-Juchat (fabienne.martin-juchat@univ-grenoble- alpes.fr), professeure à l’Université Grenoble Alpes, Gresec) Thierry Ménissier, thierry.menissier@univ-grenoble-alpes.fr), professeur à l’Université Grenoble Alpes, PPL) et Valérie Lépine (valerie.lepine@univ-grenoble-alpes.fr), Maitre de conférence à l’Université Grenoble Alpes, Gresec), coordinateurs du dossier, avant le 1er avril

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2018, pour évaluation en double aveugle par le comité scientifique de la revue (http://rfsic.revues.org/206). Pourront être proposés aussi bien des articles à visée épistémologique et théorique que des propositions étayées par des recherches empiriques. Seront privilégiés la clarté et la précision du propos.

Pour les normes, se référer à celles de la revue : https://rfsic.revues.org/401. Le dossier sera publié dans le numéro 14 de la revue en aout 2018.

La Revue française des sciences de l’information et de la communication(http://rfsic.revues.org/) est une revue scientifique en ligne éditée par la Société française des sciences de l’information et de la communication, inscrite dans la liste des revues scientifiques établie par le Conseil national des universités (section 71, sciences de l’information et de la communication) et le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur.

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