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Politique économique et sociale

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Academic year: 2021

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ISBN 978-2-8041-6676-2 ISSN 2030-501X

POECSO

Politique économique et sociale

www.deboeck.com

étudiants, les spécialistes des secteurs public et privé, mais aussi les citoyens.

Il a également pour but de permettre au lecteur de saisir les principaux enjeux débattus par les États et par les organisations internationales sur des questions aussi diverses que celles de la compétitivité, de l’assurance maladie ou de l’emploi.

Atteindre un tel objectif en quelques centaines de pages a nécessité d’importants choix quant aux problématiques à aborder et celles à laisser de côté. L'ouvrage ne se veut donc pas exhaustif mais plutôt illustratif des principales questions de base que les auteurs ont jugé nécessaire d’aborder en fonction de leur expertise académique et de leur expérience « sur le terrain ».

De nombreux chapitres comportent des

« encadrés » qui apportent un éclairage plus précis sur certaines questions traitées dans le texte et une centaine de figures et tableaux facilitent la compréhension des développements scientifiques.

Cet ouvrage intéressera les étudiants de Licence et Master (entre autres destinés à des carrières gouvernementales et diplomatiques). Les étudiants de dernière année de collège (Suisse) ou de lycée (France) trouveront également réponses à leurs questions.

Conseiller fédéral de 1999 à 2006.

Il a été successivement Ministre des affaires étrangères (1999 – 2002) et Ministre de l’économie (2003 – 2006). Il a exercé la fonction de Président de la Confédération helvétique en 2004.

Professeur d’économie politique et de politique économique à l’Université de Fribourg depuis 1983, Joseph Deiss a publié plusieurs manuels d’économie politique et de politique économique et sociale. Avant son entrée au Conseil fédéral, Joseph Deiss a siégé au Conseil national de 1991 à 1999 dont il a été le Président de la Commission pour la révision totale de la Constitution fédérale et le Vice-président de la Commission de politique extérieure. Il a aussi été Préposé à la surveillance des prix (Monsieur Prix) de 1993 à 1996.

Philippe Gugler

est Professeur de politique économique et sociale à la Faculté des Sciences économiques et sociales de l’Université de Fribourg depuis 2002. Il dirige le Centre de recherche sur la compétitivité (www.unifr.ch/competitiveness) qui est lié à l’Institute for Strategy and Competitiveness du Professeur Michael Porter à la Harvard Business School. Il enseigne la compétitivité, la politique de la concurrence et la microéconomie. Il est Professeur invité dans plusieurs universités étrangères, telles que le National Institute of Development Administration (NIDA) à Bangkok (Thaïlande). Il a publié plusieurs ouvrages dans le domaine de la compétitivité et celui des investissements directs.

Politique

économique et sociale

Joseph Deiss – Philippe Gugler

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et sociale

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économique et sociale

Joseph Deiss – Philippe Gugler

ÉCONOMIQUES

OUVE RT U RES

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© Groupe De Boeck s.a., 2012 1re édition r ue des minimes 39, B-1000 Bruxelles

t ous droits réservés pour tous pays.

il est interdit, sauf accord préalable et écrit de l’éditeur, de reproduire (notamment par photocopie) partiellement ou totalement le présent ouvrage, de le stocker dans une banque de données ou de le communiquer au public, sous quelque forme et de quelque manière que ce soit.

Imprimé en Belgique Dépôt légal :

Bibliothèque nationale, Paris : mai 2012 issn 2030-501X

Bibliothèque royale de Belgique, Bruxelles : 2012/0074/014 is Bn 978-2-8041-6676-2

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LES AUTEURS

Joseph Deiss

Joseph Deiss, président de la 65e session de l’Assemblée générale des Nations Unies en 2010-2011, a été Conseiller fédéral de 1999 à 2006. Il a été successivement ministre des Affaires étrangères (1999-2002) et ministre de l’Économie (2003-2006). Il a exercé la fonction de président de la Confé- dération helvétique en 2004. Professeur d’économie politi- que et de politique économique à l’université de Fribourg depuis 1983, Joseph Deiss a publié plusieurs manuels d’éco- nomie politique et de politique économique et sociale. Avant son entrée au Conseil fédéral, Joseph Deiss a siégé de 1991 à 1999 au Conseil national, dont il a été le président de la Commission pour la révision totale de la Constitution fédé- rale et le vice-président de la Commission de politique extérieure. Il a aussi été préposé à la surveillance des prix (Monsieur Prix) de 1993 à 1996.

Philippe Gugler

Philippe Gugler est professeur de politique économique et sociale à la faculté des sciences économiques et sociales de l’université de Fribourg (Suisse) depuis 2002. Il dirige le Centre de recherche sur la compétitivité (www.unifr.ch/com- petitiveness), qui est lié à l’Institute for Strategy and Compe- titiveness du professeur Michael Porter à la Harvard Business School. Il enseigne la compétitivité, la politique de la concur- rence et la microéconomie. Il est professeur invité dans plu- sieurs universités étrangéres, dont le National Institute of Development Administration (NIDA) à Bangkok (Thaïlande).

Il a publié plusieurs ouvrages dans les domaines de la compé- titivité et des investissements directs.

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INTRODUCTION GÉNÉRALE

La politique économique et sociale concerne les interventions de l’État sur la produc- tion, la distribution et la consommation des richesses (Deiss et Meuwly, 1994, p. 7).

L’interdépendance croissante des économies nationales et l’accélération des progrès technologiques exigent des gouvernements qu’ils répondent à des impératifs locaux, à des contraintes de dimension nationale et à des questions génériques mondiales. Les enjeux planétaires étant de plus en plus importants, la coordination internationale de l’action des pouvoirs publics devient de plus en plus urgente et complexe.

Aujourd’hui, chaque État est pris individuellement et collectivement dans un système d’interdépendances structuré à l’échelle mondiale, qui exige une maîtrise des outils analytiques des fondements économiques qui sous-tendent son action. Cet ouvrage a pour objectif d’offrir un bagage scientifique rigoureux permettant à son lec- teur d’appréhender les principales questions économiques et sociales qui interpellent à la fois les étudiants et les spécialistes des secteurs publics et privés, mais aussi les citoyens. Il a également pour but de saisir les principaux enjeux actuels débattus par les États et par les organisations internationales sur des questions aussi diverses que celles de la compétitivité, de la croissance, des questions sociales ou de l’emploi.

Atteindre un tel objectif en quelques centaines de pages nécessite d’importants choix quant aux problématiques à aborder et celles à laisser de côté. Cet ouvrage ne se veut pas exhaustif, mais illustratif des principales questions de base que les auteurs ont jugé nécessaire d’aborder, en fonction de leur expertise académique et de leur expé- rience « sur le terrain ».

L’ouvrage comporte six parties. La première partie (I) traite des principaux fondements de la politique économique, à savoir ses bases économiques, institutionnel- les et théoriques. La partie II analyse les politiques des marchés et de la concurrence, en particulier le droit de propriété, la réglementation des marchés et la politique anti- trust. La partie III est consacrée aux politiques de croissance et de compétitivité. Elle étudie le circuit économique et la comptabilité nationale, les théories de la croissance et le cadre de l’action publique visant à la croissance et à la compétitivité. La partie IV porte sur les fondements économiques de l’action sociale de l’État, la politique de la santé et la politique du marché du travail. La partie V traite des politiques de court terme en examinant leurs principales composantes conjoncturelles. Elle explique les cycles économiques, ainsi que les politiques monétaires et budgétaires. Enfin, la partie VI est

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consacrée à la politique économique internationale. Elle se concentre sur la régulation en économie ouverte, les principales bases théoriques des échanges internationaux et les instruments de la politique commerciale.

De nombreux chapitres comportent des « encadrés », qui apportent un éclai- rage plus précis sur certaines questions traitées dans le texte. Une centaine de figures et de tableaux facilitent la compréhension des développements scientifiques.

Les auteurs adressent leur vive gratitude à messieurs Michael Keller et Xavier Tinguely pour leur précieuse aide, en particulier pour la réalisation des figures, ainsi qu’à madame Denise Converso pour la relecture du manuscrit et à madame Laura Vanoli pour la finalisation de la mise en page.

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PARTIE

1

FONDEMENTS DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

Chapitre 1

er

. Les bases économiques de la politique économique 11

Chapitre 2. Les bases institutionnelles de la politique économique 21

Chapitre 3. Les bases théoriques de la politique économique 45

(12)

La politique économique comprend « l’ensemble des activités économiques de l’État » (Deiss, 1998, p. 7). Tinbergen donne la définition suivante : « La politique économique consiste dans la manipulation délibérée d’un certain nombre de moyens mis en œuvre pour atteindre certaines fins. » (Tinbergen, 1961, p. 6 ; voir aussi Quaden, 1990, p. 11).

Selon Deiss, « cette définition se rattache d’abord au concept général de la « politi- que » qui, étymologiquement, se rattache au grec « politikos », qui veut dire « de la cité ». La politique est donc l’art et la pratique de gouverner les sociétés humaines.

Dans une acception plus moderne, une politique est une « manière concertée de mener une affaire », donc de mettre en œuvre des moyens adéquats en vue d’atteindre des objectifs précis » (Tinbergen, 1961, p. 6, cité dans Deiss, 1998, p. 7).

La dimension « économique » de la politique « se réfère aux interventions qui touchent à la production, à la distribution ou à la consommation des richesses » (Deiss, 1998, p. 8). La politique économique se définit « comme l’ensemble des décisions de l’État en matière économique. Il s’agit bien des décisions d’ordre économique et pas uniquement d’actions économiques concrètes. De ce point de vue, la non-intervention est aussi une politique » (Deiss, 1998, p. 8).

L’ensemble de cet ouvrage porte sur la politique économique dans le cadre d’une économie dite de « marché », par opposition à une économie dite « planifiée ».

Une économie de marché est un système économique où la production, l’échange et la consommation des biens et services s’effectuent sur la base des prix définis par le méca- nisme de l’offre et de la demande. Ces dernières résultent essentiellement des préféren- ces et des décisions individuelles des agents économiques. En revanche, dans une économie planifiée, les choix des agents économiques et la fixation des prix sont effec- tués par l’État.

Dans le but d’examiner les fondements de l’intervention de l’État dans le fonc- tionnement de l’économie, cette partie comporte trois chapitres, qui couvrent successi- vement les bases économiques (chapitre 1er), les bases institutionnelles (chapitre 2) et les bases théoriques de la politique économique (chapitre 3).

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1

LES BASES ÉCONOMIQUES DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

1.1 Les fonctions de l’action économique de l’État 12

1.2 Les objectifs de l’action économique de l’État 13

1.3 Les instruments de l’action économique de l’État 16

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1.1 LES FONCTIONS DE L’ACTION ÉCONOMIQUE DE L’ÉTAT

Richard Musgrave a présenté une typologie des fondements de l’intervention des pou- voirs publics dans une économie de marché (Musgrave, 1959, cité par Deiss, 1998, p. 8) : il s’agit des fonctions d’allocation, de stabilisation et de redistribution des ressources.

1.1.1 La fonction d’allocation des ressources

La théorie microéconomique démontre que l’allocation des ressources est optimale (au sens de Pareto) en situation d’équilibre de concurrence pure et parfaite. En cas de défaillance du marché, l’allocation des ressources n’est pas optimale. L’État peut être, dès lors, amené à intervenir afin de remédier à la situation. Les principales défaillances du marché résultent essentiellement de rendements croissants, d’externalités, d’asymé- trie de l’information et de l’existence de biens collectifs, ainsi que d’autres spécificités du marché, telles que les biens méritoires 1.

1.1.2 La fonction de stabilisation

Comme le notent Bénassy-Quéré et al., « alors que l’intervention publique entreprise au nom de l’allocation des ressources a pour but de modifier l’équilibre de marché à long terme, l’intervention de stabilisation vise à minimiser les déviations à court terme par rapport à l’équilibre. Sa motivation demeure la quête d’une meilleure efficacité, non pas en améliorant l’équilibre, mais en faisant en sorte qu’il soit atteint » (Bénassy- Quéré et al., 2009, p. 39). Les interventions de stabilisation de l’économie s’inscrivent dans le cadre des politiques conjoncturelles, à savoir les politiques monétaires (chapitre 14) et budgétaires (chapitre 15).

De nombreux manuels, notamment de langue française, se limitent aux seules politiques conjoncturelles. C’est ainsi que X. Greffe se concentre sur des problèmes liés à la « faiblesse de la croissance, importance du chômage, coûts de l’inflation comme la désinflation, poids des déficits sociaux « (Greffe, 1993, p. 5), tandis que J. Généreux

« tente d’expliquer les principaux mécanismes et raisonnements qui fondent les politi- ques macroéconomiques, c’est-à-dire les interventions de l’Etat pour corriger les désé- quilibres susceptibles d’affecter l’économie nationale : récession, chômage, inflation et déséquilibres de la balance des paiements » (Généreux, 1993, p. 1).

1.1.3 La fonction de redistribution des ressources

L’équilibre des marchés assurant une distribution optimale des ressources (au sens de Pareto) reflète de nombreux cas de figure en termes de répartition des revenus, allant

1 Pour une explication plus complète des défaillances du marché, le lecteur est invité à se reporter au chapitre 5.

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d’une situation égalitaire à une situation très inégalitaire (Bénassy-Quéré et al., 2009, p. 45). La motivation de l’intervention publique n’est pas subordonnée à l’efficacité du marché, comme dans le cas des problématiques liées à l’allocation et à la stabilisation, mais à une pure préoccupation d’équité (Bénassy-Quéré et al., 2009, p. 45). L’État intervient afin de modifier la répartition des revenus entres les agents économiques par le biais des impôts et des dépenses de transfert (cotisations sociales, par exemple) (Sti- glitz, 2001, pp. 455-469). Une telle action implique des instruments normatifs, pour déterminer si une distribution des revenus donnée est plus équitable qu’une autre.

L’exercice peut s’opérer à efficacité constante : pour une efficacité donnée, quelle est la répartition la plus équitable des revenus ? (Bénassy-Quéré et al., 2009, p. 46). L’État est aussi amené à arbitrer entre équité et efficacité ; dans certaines situations, une redis- tribution plus équitable des revenus engendre une perte d’efficacité, alors que dans d’autres, une meilleure redistribution améliore l’efficacité économique (Bénassy- Quéré et al., 2009, p. 46 ; Teichmann, 1983, pp. 11 et ss). Un exemple du premier cas est celui de la fiscalité, qui peut entraîner notamment une réduction de l’offre de fac- teurs de production ; un exemple du second cas est celui des politiques publiques visant à garantir l’accès à l’éducation et aux soins de santé. Celles-ci peuvent entraîner des gains d’efficacité induits par l’amélioration de la productivité (Stiglitz, 2001, pp. 128- 129 ; Bénassy-Quéré et al., 2009, p. 46).

1.2 LES OBJECTIFS DE L’ACTION ÉCONOMIQUE DE L’ÉTAT

2

Les objectifs indiquent les situations politiquement souhaitables. Toutefois, les agents ont des conceptions divergentes concernant le système et la hiérarchie des objectifs. Il n’est donc pas possible de définir de manière non subjective un ordre des priorités. Tout au plus peut-on procéder à un classement selon le degré de généralité, la compatibilité et le caractère opérationnel des objectifs.

1.2.1 Le triangle magique de la stabilité économique

Le triangle magique de la stabilité économique (figure 1.1) se limite aux objectifs de la politique conjoncturelle : le plein emploi, la stabilité des prix et l’équilibre extérieur.

Ce sont des politiques à court terme, qui n’affectent que la marche des affaires, mais non les structures de l’appareil productif.

La présentation des trois objectifs de la politique conjoncturelle sous la forme d’un triangle, dont chacun des sommets représente l’un des buts à atteindre, met en évi- dence le caractère magique de la problématique. En effet, il est difficile, voire impossi- ble, d’atteindre les trois objectifs (sommets) simultanément. Étant donné qu’il n’est pas

2 La section 1.2 reprend le contenu de la section 3 du chapitre 1 de Deiss, 1998, pp. 9-13, assorti d’adaptations et de mises à jour.

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possible de se trouver en même temps dans les trois sommets du triangle, les divers objectifs sont souvent relativisés. On parle de plein emploi lorsqu’un certain taux de chômage (par exemple 3 %) n’est pas dépassé, ou de stabilité des prix lorsque l’infla- tion reste inférieure à un certain seuil maximum.

1.2.2 Le carré magique de Kaldor

Ce groupe d’objectifs date des années 1960 (de Boissieu, 1980, p. 52 ; Thomas, 1990, p. 6) : les perturbations conjoncturelles, en particulier le chômage, semblaient bannies et l’objectif de la croissance économique venait en tête des préoccupations gouverne- mentales L’adjonction de ce quatrième but débouche sur le carré magique de Kaldor, que l’on appelle aussi carré magique de l’OCDE et, par ailleurs, sur la mise en place de politiques dites « structurelles ». Il est intéressant de noter que cet élargissement revient combiner, en fait, deux types de politiques de dimensions différentes, les politiques conjoncturelles et les politiques structurelles. Or, il est essentiel de distinguer la conjoncture, phénomène à court terme, de la croissance, qui se déploie dans le long terme. La figure 1.2 illustre ce carré magique. Lorsque l’on s’éloigne du centre de la figure sur l’axe vertical, le pourcentage de l’indicateur considéré s’accroît ; lorsque l’on s’éloigne du centre de la figure sur l’axe horizontal, le pourcentage de l’indicateur con- sidéré diminue.

Figure 1.1

Le triangle magique de la stabilité économique Source : Deiss, 1998, p. 11.

Stabilité des prix

Equilibre

extérieur Plein-emploi

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1.2.3 Le pentagone des objectifs de la politique économique

La prise en compte de la distribution équitable des revenus agrandit le spectre des objectifs économiques, qui prend alors la forme d’un pentagone (figure 1.3). Bien que les questions relatives à la répartition occupent une large place dans la discussion poli- tique, cet objectif n’est pas toujours présent dans les catalogues. Cela s’explique essen- tiellement en raison des divergences de vues quant à sa définition. Aussi se limite-t-on très souvent à des formules générales telles que répartition équitable des revenus ou jus- tice distributive, laissant à chacun le soin d’y placer sa propre conception de l’équité.

Si tous les objectifs de la politique économique étaient complémentaires, aucun ordre de priorités ne serait nécessaire : l’action en faveur d’un but favoriserait simulta- nément la réalisation de tous les autres objectifs. Une telle harmonie n’est que rarement présente. Pourtant, il existe des cas de convergence. Par exemple, la stabilité des prix intérieurs est en même temps un facteur positif pour la stabilité du taux de change. Mais de telles compatibilités d’objectifs sont rares, et on est souvent confronté à des conflits d’objectifs. L’action en faveur d’un objectif met en péril la réalisation des autres. Par exemple, les mesures anti-inflationnistes sont souvent dépressives et mettent en danger le plein emploi. À l’inverse, les politiques de plein emploi stimulent facilement la

Figure 1.2

Le carré magique de Kaldor Source : Deiss, 1998, p. 12.

croissance PIB

chômage prix

résultats

objectifs

balance extérieure (en % PIB)

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hausse des prix. C’est dans le cas d’objectifs concurrents qu’il devient essentiel de fixer les priorités ou une hiérarchie des buts visés. Il est toutefois difficile de savoir si la prio- rité revient à la stabilité des prix ou au plein emploi. Les pays marqués par le chômage ont tendance à s’accommoder plus facilement de la hausse des prix, alors que les pays ayant connu une forte inflation sont plus sensibles à la stabilité des prix. Des conflits semblables existent entre la politique du plein emploi et la politique sociale, de telle sorte que, souvent, une nouvelle distribution des revenus n’est possible que dans le con- texte d’un produit social croissant. Fréquemment, des conflits d’objectifs existent entre les secteurs de l’économie. Par exemple, dans le cadre des négociations au sein de l’OMC, les intérêts des agriculteurs peuvent s’opposer à ceux de l’industrie exporta- trice, au sein d’un même pays.

1.3 LES INSTRUMENTS DE L’ACTION ÉCONOMIQUE DE L’ÉTAT

La réalisation des objectifs de la politique économique repose sur des instruments que l’on peut classer en trois catégories principales (Bénassy-Quéré et al., 2009, p. 32) :

– les instruments d’allocation (structurels, soit de long terme) ; – les instruments de stabilisation (conjoncturels, soit de court terme) ; – les instruments d’ordre social (redistributifs).

Figure 1.3

Le pentagone des objectifs de la politique économique.

Source : Deiss, 1998, p. 13.

Croissance équilibrée

Stabilité des prix

Distribution équitable des revenus Equilibre

extérieur Plein-emploi

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1.3.1 Politiques économiques structurelles

L’État doit veiller au bon fonctionnement des structures de marché qui déterminent l’activité économique. Depuis la fin des années 1980, dans le contexte de la libéralisa- tion des marchés et des réformes de la réglementation qui ont suivi, les approches de plus long terme, de nature structurelle et microéconomique, ont été privilégiées (OCDE, 1998). « Les politiques des structures et de croissance sont des politiques qua- litatives de long terme qui touchent à la composition de l’économie nationale. » (Deiss, 1998, p. 9). On peut citer, par exemple, les investissements dans des infrastructures (routes, aéroports, ports, réseaux de fibre optique, etc.), l’éducation, la formation et la recherche-développement (Deiss, 1998, p. 9). Les politiques structurelles portent éga- lement sur de nombreux domaines qui vont de la politique régionale, la politique d’aménagement du territoire, la politique démographique et familiale à des politiques sectorielles, telles que la politique agricole.

Les politiques économiques conjoncturelles et structurelles constituent les principales composantes de la politique économique une fois que le cadre général, dépendant de ce que l’on appelle l’« Ordnungspolitik », a été établi. Certes, tant du point de vue des développements théoriques que des politiques mises en place par les gouvernements, la ligne de distinction entre les actions conjoncturelles et structurelles n’est pas toujours très claire. Des interventions structurelles, par exemple en matière de concurrence, sont parfois placées sous le couvert de politiques conjoncturelles. Par ailleurs, les actions intégrées dans les politiques conjoncturelles et structurelles peuvent également être d’ordre social (dans le domaine du marché du travail, par exemple). Le spectre des politiques sociales dépasse certes les domaines conjoncturels et structurels.

Dans cet ouvrage, la « politique économique » est considérée au sens large, c’est-à-dire en incluant les politiques sociales de redistribution.

1.3.2 Politiques économiques conjoncturelles

Les politiques conjoncturelles regroupent les interventions publiques de court terme visant à éliminer les fluctuations économiques (Deiss, 1998, p. 239). Elles diffèrent

« de la politique de la croissance, dont le but est le développement quantitatif et quali- tatif du potentiel de production et de l’offre à long terme. Néanmoins, les deux domai- nes ne sont pas sans interdépendance : l’application d’une politique efficace des structures et de la croissance est tributaire du calme conjoncturel » (Deiss, 1998, p. 240). La conception étroite de la politique économique considère les politiques con- joncturelles comme étant synonyme du terme de « politique économique » (Deiss, 1998, p. 9). Les principaux instruments des politiques conjoncturelles relèvent de la politique budgétaire et de la politique monétaire. Il n’est, dès lors, pas étonnant que cer- tains ouvrages d’économie consacrent leur chapitre sur la politique économique pres- que exclusivement aux politiques monétaires et budgétaires (voir, par exemple, Lecaillon et al., 2008, pp. 267-301).

(20)

Figure 1.4

Stratégie de la politique économique

Politique sociale Politique

structurelles

Stratégie de politique économique

Instruments

Instruments

Instruments

Politique conjoncturelles

Fonction :

Objectifs :

Répartition primaire Répartition secondaire

Triangle magique

Plein emploi Stabilité des prix Equilibre extérieur

Pallier auxdéfaillances du marché : Bien collectifs`

Monopoles Externalités

Court terme Stabilisation

Fonction :

Objectifs :

Redistribution Long terme

Allocation

Fonction :

Objectifs :

Carré magique

Croissance PIB Plein emploi Stabilité des prix Equilibre extérieur

Pentagone

Croissance PIB Plein emploi Stabilité des prix Equilibre extérieur Distribution équitable des revenus

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1.3.3 Politiques économiques distributives

L’activité économique est un processus de création de richesse. La question consiste à déterminer comment cette richesse est répartie au sein de la société : « A priori, ce par- tage peut aussi être assumé par le marché, en l’occurrence les marchés du travail, du sol ou du capital. Toutefois, cette répartition primaire des transactions portant sur les facteurs de production ne correspond pas forcément aux sentiments de justice et d’équité de la société. L’État peut, par conséquent, corriger la distribution primaire des revenus. En plus du principe du mérite, cette redistribution fait intervenir des cri- tères tenant compte, notamment, des besoins des particuliers. » (Deiss et Meuwly, 1994, p. 92). Les politiques de redistribution dites secondaires s’opèrent principalement par le biais des prélèvements obligatoires, dont les mécanismes de transfert peuvent être variés, comprenant des mécanismes verticaux (des revenus élevés vers les faibles reve- nus), horizontaux (des contribuables célibataires vers les familles) ou entre générations (systèmes de retraites) (Lecaillon et al., 2008, p. 212).

Les interventions d’ordres conjoncturel, structurel et social interagissent les unes avec les autres. Les gouvernements ne peuvent pas purement et simplement les considérer séparément. Leur stratégie de politique économique et sociale se doit de les considérer ensemble, tout en distinguant clairement la portée de leur action et des exter- nalités qu’elles exercent les unes sur les autres (figure 1.4).

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ÉFÉRENCES

Bénassy-Quéré, A., Coeuré, B., Jacquet, P., Pisani-Ferry, J., Politique économique, De Boeck, 2009.

De Boissieu, C. Principes de politique économique, Economica, 1980.

Deiss, J., Meuwly, D., Manuel d’économie politique, tome II : « Théories et politiques éco- nomiques », Éditions Fragnière, Fribourg, 1994.

Deiss, J. (avec la collaboration de Catherine Beez-Ducarroz), Politique économique et sociale de la Suisse, « Vie et Économie », Éditions Fragnière SA, Fribourg, 1998.

Généreux, J., Introduction à la politique économique, « Points », Le Seuil, Paris, 1993.

Greffe, X., Comprendre la politique économique, « Économie Poche », Economica, Paris, 1993.

Lecaillon, J.D., Le Page, J.M., Ottavj, C., Économie contemporaine, De Boeck, 2008.

Lévêque, F., Économie de la réglementation, La Découverte, 2005.

Musgrave, R., The Theory of Public Finance, McGraw-Hill, 1959.

OCDE, Réforme de la réglementation, OCDE, 1998.

Pigou, A.C., The Economics of Welfare, Macmillan, 1920.

Quaden, G., Politique économique, Éditions Labor, 1990.

Stiglitz, J.E., Principes d’économie moderne, De Boeck Université, 2001.

Teichmann, U., Wirtschaftspolitik, Verlag Vahlen, 1983.

Thomas, J.-P., Les politiques économiques au XXe siècle, Armand Colin, 1990.

Tinbergen, J., Techniques modernes de la politique économique, Dunod, 1961.

Woll, A., Wirtschaftspolitik, Verlag Vahlen, 1984.

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xxx

(23)

2

LES BASES INSTITUTIONNELLES DE LA POLITIQUE ÉCONOMIQUE

2.1 Le cadre institutionnel 22

2.2 Les acteurs 32

2.3 Les mécanismes de la formation de volonté collective 36

(24)

2.1 LE CADRE INSTITUTIONNEL

1

2.1.1 Les structures économiques

Selon l’économiste français André Marchal (1963, p. 78), la structure économique se réfère aux « éléments d’un ensemble économique qui, au cours d’une période déterminée, apparaissent comme relativement stables par rapport aux autres ». Cette définition met en évidence l’immobilité relative des bases et du cadre des activités économiques.

Le structuralisme est un mouvement qui a touché les sciences les plus diverses : mathématiques, linguistique, sciences sociales. Jean Piaget (1968, cité par Plassard, 1977, p. 182) a donné de la structure la définition générale suivante : « Une structure est un système de transformations qui comporte des lois en tant que système et qui se conserve ou s’enrichit par le jeu de ses transformations, sans que celles-ci aboutissent en dehors de ses frontières ou fassent appel à des éléments extérieurs. » Cette définition attribue à la structure trois propriétés essentielles :

– la totalité de l’ensemble recouvert par la structure est organisée, et celle-ci con- cerne les relations entre toutes les parties constitutives du corps analysé. Ce n’est donc pas une simple agrégation d’éléments ;

– la transformation de la structure est permanente. En dépit de la lenteur de l’évo- lution, celle-ci est néanmoins présente. La structure est toujours structurante, c’est-à-dire capable d’une évolution. Il serait faux de voir dans une structure une organisation totalement figée ;

– l’autoréglage signifie que la structure est un agencement fermé. Il y a conser- vation et fermeture de la totalité structurée, dans la mesure où les transforma- tions dont elle est l’objet ne peuvent faire sortir la structure d’elle-même ou aboutir à un changement de la nature de la structure existante.

On peut citer comme exemple celui de la structure par âges de la population. En tant que totalité, la population n’est pas simplement l’addition des jeunes, des personnes en âge d’activité et des vieux, mais ces catégories forment un tout, qui est en constante interaction. Par ses transformations, une population possède des forces endogènes, qui conduisent à des modifications des divers éléments qui la forment. Par exemple, à l’heure actuelle, le vieillissement de la population. L’autoréglage met en évidence le fait que, indé- pendamment de l’évolution engagée, le principe du vieillissement reste toujours le même, c’est-à-dire qu’il y aura toujours des jeunes, des personnes en âge d’activité et des vieux.

A. Structures en statique

Une première approche de la notion de structure fait abstraction de la composante tem- porelle. De ce fait, elle ne parvient pas à redonner la signification complète du concept

1 La section 2.1 reprend le contenu du chapitre 4 de Deiss, 1998, pp. 65-73, assorti d’adaptations et de mises à jour.

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de structure, qui implique aussi l’évolution. Toutefois, la référence au seul aspect de l’agencement comporte l’avantage de la simplicité, notamment du point de vue de l’application pratique.

La définition la plus connue de la notion de structure en statique est celle de F. Perroux (1971, citée par Garrigou-Lagrange, 1976, p. 143) : « proportions et relations qui caractérisent un ensemble économique localisé dans le temps et dans l’espace ».

André Marchal (1963, p. 73) apporte trois compléments à la définition de F. Perroux : – par proportion, il faut entendre l’importance relative des parties qui forment le

tout recouvert par la structure. C’est la partition d’un tout, selon des critères de classification précis. Par exemple, l’importance relative de l’agriculture, de l’industrie et des services dans la répartition sectorielle de la population active ; la répartition du revenu national en salaires, profits, intérêts et loyers ;

– les relations désignent les rapports qui s’établissent entre les parties formant le tout. Il s’agit donc des relations entre l’agriculture, l’industrie et les services, entre les classes d’âge, etc. Cette notion n’est pas synonyme de proportion, mais désigne le tout que forme la structure, qui n’est pas simplement l’addition de ses éléments constitutifs ;

– en se référant à un ensemble économique localisé dans le temps et dans l’espace, Perroux insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas d’analyser un ensemble abstrait, mais qu’il est question d’une réalité qui possède un contenu historique et spatial.

B. Structures en dynamique

La définition donnée par André Marchal (1959, p. 61) se réfère à un concept plus vivant : « éléments d’un ensemble économique qui, au cours d’une période déterminée, apparaissent comme relativement stables par rapport aux autres ». Il en va de même de la définition de J. Akerman (1948, p. 507) : « contexture qui, à courte échéance, apparaît comme invariable ». Ces définitions mettent au centre les aspects « transfor- mation » et « autoréglage » contenus dans la définition de Piaget. C’est l’exemple de l’arbre, dont le tronc et les branches constituent la structure, qui semble immobile.

Pourtant, au cours des années, le tronc et les branches évoluent fortement. L’approche dynamique de la notion de structure comporte deux avantages :

– elle met en évidence le caractère évolutif des structures. Certes, les transforma- tions sont lentes, à un point tel que, par rapport aux autres variables, tels les prix, on peut les considérer comme stables. Ainsi, à courte échéance, les prix sont en constante évolution, par opposition à la répartition sectorielle de la population active. À court terme, une analyse de l’évolution des prix sur les marchés agri- coles peut se faire tout en considérant l’importance relative du secteur primaire comme fixe – c’est l’élément structurel. À long terme, en revanche, l’agriculture évolue sous l’influence des prix des produits agricoles ;

– elle implique une relativisation. En effet, ce qui peut être considéré comme sta- ble dans un laps de temps donné ne l’est pas forcément dans une période de plus

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longue durée. Dès lors, le contenu de la notion de structure évolue au gré du délai choisi par l’analyse.

Par le biais de la définition dynamique de la notion de structure, on englobe les aspects de la transformation et de l’autoréglage. Si on admet que les rapports et propor- tions changent constamment, même si ce n’est que lentement, le seul élément de stabi- lité à long terme réside dans le fait que la structure forme un système fermé, qui ne peut pas sortir de lui-même (autoréglage).

C. Superstructure et infrastructure

Une subdivision importante sépare la superstructure et l’infrastructure. En dehors de la connotation idéologique que cette distinction revêt au sein du marxisme, il y a lieu de souligner que toute structure économique comporte logiquement deux composantes fondamentales (Gaudard, 1984, p. 2) : Les aspects structurels sont multiples et chaque structure forme un domaine particulier du tout. Parmi les types les plus importants de structures, on peut distinguer les éléments suivants : structures physiques et géographiques ; structures techniques et économiques ; structures démographiques ; structures d’encadrement et sociales ; structures mentales.

– « l’infrastructure, qui est l’ensemble des éléments matériels, institutionnels et personnels à disposition des agents économiques ;

– la superstructure, qui est constituée par l’activité économique courante elle- même (production, consommation, etc.) ».

Seule, l’infrastructure ne produirait rien. Mais elle est indispensable, parce qu’elle est la condition d’une activité productrice. Elle est à disposition des agents économiques sous forme de réseaux de distribution d’énergie, d’équipements de formation, de trans- ports, d’administration publique, etc. Elle permet aux activités économiques de se mani- fester dans l’espace et dans le temps. Tout changement de l’infrastructure est de nature à se répercuter sur la superstructure, c’est-à-dire sur les activités économiques courantes.

2.1.2 Les systèmes économiques

A. Définition

Le système économique recouvre l’ensemble des règles régissant le déroulement des acti- vités économiques. C’est le cadre juridique, politique et social. Selon André Garrigou- Lagrange (1976, p. 215 et 225), « un système économique est un ensemble cohérent, pou- vant être expliqué dans son fonctionnement d’une manière simple et homogène, qu’il s’agisse du fonctionnement d’une organisation limitée ou qu’il s’agisse de celui de la société économique tout entière ». Cette définition appelle les commentaires suivants :

– par un ensemble, on se réfère à une collection d’éléments qui forment un corps ; – l’idée de la cohérence souligne que l’ensemble considéré n’est pas disparate.

Les éléments qui le constituent sont liés entre eux d’une manière logique ;

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– par le fonctionnement est mis en évidence le rôle de l’ordre économique pour le déroulement des opérations courantes. Par là, le système s’oppose à la notion de structure, qui décrit soit une morphologie (dans l’optique statique), soit une évolution (dans un cadre fermé). En revanche, il est possible de changer de sys- tème économique ;

– les traits essentiels d’un système économique sont relativement simples et homogènes. Ils peuvent être décrits en quelques éléments fondamentaux et même rester à l’état conceptuel, sans trouver de réalisation pratique ;

– le système économique recouvre l’économie entière. Il est vrai que l’on peut aussi distinguer des systèmes partiels, par exemple le système monétaire ou le système douanier. Mais lorsqu’on se réfère au système économique, on a à l’esprit l’économie dans son ensemble.

La notion de système économique peut être abordée à un niveau purement théo- rique et conceptuel. Lorsqu’il est question de régime économique, en revanche, il s’agit de l’organisation politique, économique et sociale effective d’un État. Le régime éco- nomique est toujours la concrétisation historique plus ou moins fidèle d’un système théorique. Le régime est la situation résultant de l’application d’un modèle théorique, avec des écarts par rapport à l’idéal. Les systèmes théoriques n’existent jamais à l’état pur. Alors que les concepts d’économie de marché ou d’économie planifiée sont pure- ment théoriques, les régimes capitalistes, socialistes ou communistes ayant existé dans divers pays, à divers degrés de perfection, en sont des réalisations pratiques.

B. Les fonctions du système économique

Le système économique apporte des réponses aux trois questions économiques fonda- mentales (Samuelson, 1964, p. 30) : Quoi ? Comment ? Pour qui ? Sur cette base, on peut distinguer trois fonctions du système économique : la fonction de sélection, la fonction de pilotage et la fonction de répartition.

 La fonction de sélection se réfère au processus de formation de volonté et répond donc à la question du « quoi ? ». C’est essentiellement, du point de vue écono- mique, l’ensemble des décisions qui se réfèrent à l’allocation des ressources : à quelles activités faut-il attribuer les ressources productives de la nation ? Quelle est l’utilisation la plus avantageuse des ressources productives en vue de la maximisation du bien-être social ?

La fonction de sélection se réfère aux priorités et au problème de la subordina- tion. Tout système économique est conçu en vue de la réalisation de certains objectifs.

En l’absence d’une harmonie naturelle entre les objectifs individuels et les objectifs col- lectifs, il y a lieu de fixer les priorités et de définir comment les activités individuelles s’intègrent et se subordonnent aux objectifs généraux.

 La fonction de pilotage et de coordination concerne l’interrogation du

« comment ? ». Il s’agit de savoir de quelle façon on va organiser la division du travail en vue de rendre compatibles entre elles les activités individuelles. Pour assumer son

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rôle de pilotage, le système économique met en place un mécanisme d’information et de contrôle. Le système de signalisation indique à chacun ce qu’il doit faire ; le système de sanctions garantit le respect des consignes. On distingue habituellement les trois principes de coordination suivants :

– la décentralisation et le marché. Chaque agent (ménage, entreprise) établit son plan d’action de manière autonome et s’oriente en fonction du marché. Les décisions autonomes des agents sont fonctions des prix et des revenus. L’acti- vité globale de l’économie nationale résulte de décisions souveraines des indi- vidus et le principe fondamental est le fonctionnement libre du marché ; – la centralisation et le plan. Une institution centrale, très souvent l’administra-

tion de l’État, établit un plan d’ensemble pour l’économie nationale, en ce qui concerne la production et la consommation. Les activités individuelles s’orien- tent selon un plan global et s’imposent à chaque agent individuel, qui n’est qu’un simple exécutant. Même les prix et les revenus sont fixés par l’organe central. Ce ne sont pas les prix du marché mais les objectifs du plan qui s’impo- sent, et le principe fondamental est celui de la centralisation par le plan.

– la régulation et le contrat. Selon la théorie des conventions (ou des contrats), dont la principale école est française (Brousseau, 1993, pp. 45-50), les relations marchandes et les courants d’échange entre les personnes ne dépendent pas exclusivement des volontés individuelles, mais s’inscrivent dans un cadre com- mun, constitué de conventions. La convention présente une double dimension : individuelle (puisque l’individu est libre de participer ou non à l’accord) et sociale (la société respecte la convention sous peine de sanctions). La théorie des conventions introduit donc des formes de coordination non marchandes, qui complètent les procédures de marché (par exemple, la famille). D’une manière plus générale, l’ordre économique (système économique) permet de réduire la complexité des situations résultant notamment d’une ignorance essentielle des participants. Dans ses activités économiques qui impliquent des choix, l’homme se trouve confronté à des situations qui offrent de nombreuses possibilités, et dont la complexité échappe à l’individu. Ce voile de l’ignorance peut être levé par la décomposition de la décision en de multiples choix partiels, moins complexes. Dans cette optique, le système économique revient à struc- turer les décisions économiques.

 La fonction de répartition touche d’abord à la question de la propriété. Les moyens de production peuvent entrer dans la propriété privée ou dans la propriété col- lective. L’organisation du droit de propriété des moyens de production conditionne les mécanismes de prise de décision et la répartition des revenus. Ensuite, la fonction de répartition concerne la distribution des richesses produites. Selon les mécanismes de coordination et les régimes de propriété choisis, on se réfère soit au principe du mérite, soit à celui du besoin. Dans une économie de marché, l’efficacité maximale est garantie lorsque chaque facteur de production est rétribué conformément à sa productivité mar- ginale. Dans la situation optimale, les productivités marginales des facteurs sont iden-

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tiques, compte tenu de leurs coûts. Dans une économie collectiviste, c’est le principe

« à chacun selon ses besoins » qui est appliqué. La rémunération n’intervient plus en tant que moyen d’incitation et de coordination.

2.1.3 Les institutions

A. Concept d’institutions

Douglas North définit les institutions comme « les contraintes imaginées par l’homme pour structurer l’interaction entre les hommes. Elles comprennent les contraintes for- melles (règles, lois, constitutions), informelles (normes de comportement, conventions, codes de conduite que l’on s’impose), ainsi que les caractéristiques de leur mise en œuvre. Elles définissent ensemble la structure des incitations d’une société et plus spé- cifiquement d’une économie » (North, 1994, cité par Bénassy-Quéré et al., 2009, p. 24).

Elles ont un caractère normatif, dans la mesure où elles définissent des modes d’action ou de relations sociales (par exemple, l’institution qui consiste à se faire des cadeaux à l’occasion de la fête de Noël) (Angresano, 1996, pp. 3-4). En tant qu’élément de l’orga- nisation sociale, les institutions sont des règles qui entraînent des routines durables et rendent les comportements prévisibles. Les institutions influencent non seulement les mécanismes des marchés, mais aussi l’efficacité de la mise en œuvre des politiques éco- nomiques (Bénassy-Quéré et al., 2009, p. 24).

B. Relation entre structures, systèmes et institutions

Les institutions au sens large sont des règles du jeu qui organisent les contacts sociaux entre les individus (Brunetti, 1992, p. 7). En parlant des structures d’encadrement, Mar- chal (1959, p. 143) parle aussi de structures institutionnelles. Il entend par là les struc- tures politico-juridiques, par opposition aux structures économico-sociales. Il s’agit, en particulier, « des règles sanctionnées juridiquement, de l’ensemble des règles consa- crées qui dominent l’activité politique, et [d]es dispositions juridiques qui régissent les rapports entre individus » Marchal, 1959, p. 143). À ce titre, Marchal distingue les ins- titutions-choses, c’est-à-dire les règles qui régissent les rapports avec autrui telles que le droit de propriété ou des contrats, et les institutions-groupes, personnifiées par l’interpénétration des consciences individuelles et formant un corps constitué, tels que l’État, la famille ou le syndicat.

Ces considérations démontrent la proximité des notions de système économi- que et d’institution (figure 2.1). La notion de système est plus vaste que celle de l’ins- titution. Une institution est une partie d’un système. Ainsi, dans un système collectiviste, un exemple typique d’institution est l’autorité de planification. Elle définit des comportements précis dans certains domaines et est fondée par des lois ou des cou- tumes. Toutes les institutions ne sont pourtant pas légales, mais toutes ont une structure (propriété, contrat, État, etc.). Le concept de système économique concerne le fonction- nement de l’ensemble d’une société, donc aussi d’un ensemble d’institutions.

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De même, la notion de structure est plus large que celle d’institution. L’institu- tion, en réglant les comportements individuels et sociaux, explique l’évolution que con- naissent les structures à long terme. Mais cette explication n’est en général pas exclusive. C’est ainsi que le droit matrimonial, en instituant le mariage (institution), permet d’expliquer certaines évolutions démographiques (structure). Mais des faits non institutionnels, géographiques, religieux, psychologiques, techniques, etc., intervien- nent aussi sur l’évolution d’une population.

Enfin, la notion de structure est plus large que celle de système économique.

D’une part, les structures sont déterminantes pour le système économique. D’autre part, le système n’est qu’un des éléments structurels de l’économie. Le système économique explique le fonctionnement de l’économie, alors que les structures concernent son évo- lution fermée (autoréglage). Le système économique peut changer brusquement, notamment par une refonte des institutions. Les structures ont un caractère permanent et une évolution lente. Ainsi, il a été possible aux pays de l’ancienne Union soviétique de changer assez rapidement de système économique. À l’inverse, les bases structurel- les de l’économie russe sont restées inchangées et n’évoluent que lentement (agricul- ture, industrie, population active).

Figure 2.1

Structure, système et institutions

(31)

C. Politiques institutionnelles

La théorie de l’ordre économique, « Ordnungspolitik », fournit des propositions fon- dées scientifiquement, qui servent de base pour les décisions relatives au choix du sys- tème économique (Teichmann, 1983, pp. 7 et ss et pp. 164 et ss). Cette approche, dite des conditions cadre, est relativement récente. Les échecs des voies traditionnelles de la planification globale et de l’interventionnisme ont éveillé l’intérêt pour une nouvelle démarche, qui est celle des conditions cadre. Or, la théorie économique a négligé long- temps l’élaboration d’une théorie relative aux institutions et aux systèmes économi- ques. À l’exception de la dispute concernant la planification, elle s’est concentrée sur les formes d’organisation des échanges, sans se préoccuper d’autres formes d’organi- sation qui, pourtant, ordonnent les activités humaines.

Au cours des années 1960 se sont développés, aux États-Unis, divers mouve- ments qui, ensemble, donnent lieu à cette nouvelle approche. On appelle ces auteurs

« les nouveaux économistes américains » (Lepage, 1978, p. 17 et ss). Tous ces courants servent de base à l’élaboration d’une théorie des institutions ou des systèmes économi- ques, par opposition à la simple analyse comparative des systèmes pratiquée autrefois.

Les théories relatives au capital humain, aux droits de propriété, à l’analyse économi- que du droit ou du public choice veulent toutes creuser la logique du fonctionnement des systèmes politiques et économiques, et y trouver la rationalité économique. Consi- dérées sous cet angle, les politiques institutionnelles font aussi partie des politiques structurantes, dans la mesure où elles reviennent à mettre en place un ordre économique propre à structurer les décisions relatives aux activités économiques courantes.

2.1.4 L’économie de marché

A. La décentralisation totale par le marché

Dans l’économie de marché prévaut le principe de la libre détermination individuelle ou, en d’autres termes, le principe selon lequel l’État n’intervient pas dans les domaines économiques. La liberté d’action individuelle dans le choix du métier, du poste de tra- vail, de l’engagement des moyens de production et de l’utilisation du revenu revêt une valeur sociopolitique positive. C’est à la fois une condition pour le fonctionnement idéal du mécanisme de marché, et un principe qui doit être préservé dans son essence.

La non-intervention de l’État ne signifie pas son absence. Par la politique de l’ordre économique, celui-ci doit fixer les conditions cadre pour le bon fonctionnement du marché. Poussée à l’extrême, cette attitude est celle qui est désignée par l’État gen- darme. La direction décentralisée de l’économie par le marché pose le problème de la cir- culation des informations. Pour être efficaces et rationnels, producteurs et consommateurs doivent disposer de connaissances approfondies des divers éléments qui concernent les marchés sur lesquels ils opèrent. L’économie de marché repose sur trois principes.

Le premier principe est celui de la garantie de la propriété privée des moyens de production (chapitre 4). La propriété privée est une condition nécessaire à la liberté

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individuelle. Elle exige, à son tour, une répartition assez uniforme des fortunes privées.

En vertu du deuxième principe, le marché est l’instrument de coordination des activités individuelles. La liberté ne conduit pas au désordre, mais à l’harmonie des intérêts indi- viduels et du bien commun. Elle garantit une allocation optimale des ressources grâce à un système de signalisation, essentiellement au moyen des prix, des quantités échan- gées et des stocks, et à un processus de sanctions, notamment par les bénéfices et les pertes. Le troisième principe accorde la priorité aux objectifs individuels (microécono- miques). Chaque agent économique est libre de rechercher son bénéfice individuel. Ce droit à la libre détermination individuelle est une des valeurs fondamentales que le libé- ralisme défend. Selon cette doctrine, il existe toutefois une harmonie naturelle entre les aspirations individuelles et le bien-être collectif. Adam Smith parle, à ce propos, de la main invisible de la concurrence parfaite.

Le fonctionnement harmonieux de l’économie de marché ne suppose pas seu- lement l’abstention générale de l’État en matière économique. Le modèle de la concur- rence parfaite définit, en théorie, quelles sont les exigences pour un fonctionnement sans faille des mécanismes de marché. Il faut, pour un marché parfait, remplir les condi- tions suivantes : rationalité des agents ; transparence et information totale ; libre-accès, c’est-à-dire pas d’intervention de l’État ; homogénéité des produits échangés ; absence de frais de transport ; instantanéité des transactions (pas de dimension temps) ; divisi- bilité des produits. Dans ces conditions, l’arbitrage fait que, à un moment donné, un prix unique prévaut sur l’ensemble du marché (exemple : marché des devises).

B. L’évolution du régime capitaliste

Deux types de régimes économiques principaux se sont succédé avant l’apparition du régime capitaliste (Lepage, 1978, p. 93 ss). Le premier est celui d’économie domaniale fermée, qui a marqué l’Europe du haut Moyen Âge. Il fut caractérisé par une idéologie de recherche de la sécurité et une technique rudimentaire. Les institutions allaient dans le sens d’une mise à disposition de toutes les ressources productives au profit d’un seul et même sujet économique, le seigneur. Celui-ci décidait du plan de production et béné- ficiait des résultats. En contrepartie, il garantissait la sécurité. Il y avait donc un échange de prestations. Le second régime est celui de l’économie artisanale et du corporatisme, qui est apparu en Europe avec l’urbanisation. L’idéologie de base était le christianisme : modération, détachement et justice. La technique restait traditionnelle, mais les corpo- rations furent l’institution la plus influente sur l’organisation des activités : communau- tés de métiers, fixation d’un juste prix ou des procédés de fabrication, organisation de la hiérarchie (maîtres, compagnons, apprentis).

L’histoire récente, en revanche, a été marquée par l’opposition des régimes capita- liste et socialiste. Par rapport aux régimes qui l’ont précédé, le régime capitaliste comporte deux innovations centrales. Premièrement, le travail et le capital sont fournis par des appor- teurs distincts, ce qui implique la propriété privée des moyens de production techniques et le salariat. En second lieu, il s’agit de la prééminence du capital par rapport au travail, dans la mesure où la décision de production, les risques et les bénéfices sont attribués au capital.

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Garrigou-Lagrange (1976, p. 251) situe la naissance du capitalisme au moment où naît le salariat (XIXe siècle). Cette délimitation se justifie dans la mesure où l’on ne peut vraiment parler de capitalisme aussi longtemps que l’artisan est lui- même propriétaire de son entreprise et de ses outils. En revanche, dès que l’outil cesse d’être un instrument personnel et devient un moyen collectif, mis à disposition par l’entreprise, le lien particulier qui existe entre le travailleur et le produit de son travail change par l’apparition du salariat. L’ouvrier n’est plus propriétaire des fruits de son effort et reçoit une rémunération forfaitaire. Le XIXe siècle constitue l’apogée du capi- talisme fondé sur la propriété individuelle, la liberté des échanges ou des contrats, la liberté d’entreprise et la liberté du travail. Depuis lors, des changements fondamentaux sont intervenus.

Deuxièmement, il s’agit du passage du capital personnel au capital anonyme.

L’institution de la société anonyme par actions est un élément essentiel au développe- ment des grandes concentrations des moyens de production. Sans aucun doute, cette forme de personnalité juridique (personnes morales) a permis la réalisation d’entrepri- ses qui dépassaient largement les possibilités individuelles. Simultanément, cette évo- lution a conduit à deux phénomènes. Le propriétaire du capital n’est plus directement actif dans l’entreprise et n’intervient que lors des assemblées des actionnaires, par le vote sur les options fondamentales. De surcroît, il conserve l’anonymat. Ce n’est plus la personne qui compte, mais son capital, dont le pouvoir est accentué. Par ailleurs, la propriété n’est plus synonyme de détention du pouvoir. Les managers, qui ne détiennent habituellement pas les actions, exercent le pouvoir réel, alors que les actionnaires indi- viduels sont souvent impuissants face à la masse globale du capital. C’est la deuxième forme de l’anonymat et l’apparition du capitalisme managérial. Aujourd’hui, ce phéno- mène atteint son paroxysme dans la discussion autour des salaires des managers.Pre- mièrement, on a observé le passage du capitalisme libéral des petites ou moyennes unités au capitalisme de concertation des grandes unités. La première moitié du

XIXe siècle est celle du capitalisme de la petite entreprise, souvent marquée par la har- diesse de son chef, mais aussi par l’insécurité des résultats. La deuxième moitié du

XIXe siècle, en revanche, évolue vers une idéologie de la recherche du profit, de la sécu- rité et du pouvoir. La technique impose à la production des détours de plus en plus longs et les institutions mises en place encouragent les concentrations. Aux États-Unis appa- raissent les grands trusts et les monopoles, constituant des entraves privées à la libre concurrence. C’est à ce moment qu’apparaissent les premières lois antitrust. Au cours de la deuxième moitié du XIXe siècle se développe aussi la doctrine marxiste, selon laquelle la propriété est synonyme de pouvoir et de spoliation.

Le troisième passage est celui du monopole du capital au monopole bilatéral capital/travail. Face à la puissance du capital, les autres intérêts économiques s’organi- sent. C’est d’abord le cas du travail. Le syndicalisme transforme la structure du marché du travail, qui prend souvent la forme du monopole bilatéral, où s’opposent organisa- tions patronales et ouvrières. Puis, d’autres groupements d’intérêts privés s’organisent : paysans, consommateurs.

(34)

Le quatrième passage est celui du libéralisme intégral à l’interventionnisme.

Trois faiblesses essentielles du capitalisme incitent l’État à intervenir :

– l’inégale répartition des revenus et la misère ouvrière au XIXe siècle sont à l’ori- gine de la politique sociale. L’église catholique aussi, par le développement d’une doctrine sociale (encyclique « Rerum novarum » du pape Léon XIII en 1891) qui, dans un premier temps, dénonce la misère ouvrière ;

– les crises, le chômage et l’inflation engendrent la théorie keynésienne et l’inter- ventionnisme en matière conjoncturelle. Simultanément, le rôle social de l’État dépasse la question ouvrière et s’étend à la prévoyance vieillesse, à la santé, au chômage, au logement ou à la famille. On parle désormais d’économie sociale de marché (soziale Marktwirtschaft) ;

– l’apparition de positions dominantes sur les marchés et d’ententes privées. Les phénomènes de concentration sur les marchés menacent le fonctionnement de la concurrence par deux phénomènes. Lorsque le nombre des compétiteurs est petit, le danger d’ententes sous forme de cartels est fréquent. De plus, les concen- trations font apparaître des positions dominantes, qui peuvent inciter leurs déten- teurs à abuser de leur pouvoir de marché. C’est pourquoi, dans toutes les économies de marché, la politique de la concurrence a mis en place des organes régulateurs, pour lutter contre les abus de positions dominantes et les ententes.

Enfin, le cinquième passage est celui des unités techniques nationales aux constructions financières internationales. Par les progrès de la technique et par la libé- ralisation des échanges au niveau régional (UE, NAFTA) et mondial (OMC), le rayon d’action des entreprises s’est élargi et les possibilités de combinaisons et de répartition des risques se sont accrues. Dans le contexte de la globalisation des marchés, la base d’une entreprise multinationale n’est plus l’unité technique de production avec ancrage national, mais la construction financière permettant les formes les plus variées de con- centrations horizontales, verticales et diagonales. Deux types d’entreprises coexistent : celles actives à l’échelle globale, celles orientées vers les marchés domestiques. Simul- tanément, on assiste à la démocratisation du capital (actions avec de très petites valeurs nominales) et à l’éclosion de nouvelles formes de concentrations de fortunes.

2.2 LES ACTEURS

2

2.2.1 L’État

L’État est l’expression fondamentale de la formation de volonté collective ou nationale.

Le plus souvent, l’organisation des États démocratiques se fonde sur la séparation des pouvoirs. Les instances étatiques sont intégrées de manière formelle dans le processus

2 La section 2.2 reprend le contenu des sections 4 et 6 du chapitre 1 de Deiss, 1998, pp. 16-22, assorti d’adap- tations et de mises à jour.

(35)

de décision, dans la mesure où la loi leur attribue expressément certaines compétences exclusives. Les niveaux de prise de décision sont nombreux. Certaines politiques, telles que la politique de la concurrence ainsi que des régulations sectorielles (notamment dans les industries de réseaux telles que les télécommunications, les transports et l’élec- tricité), peuvent être régies par des instances indépendantes. Comme le signalent Bénassy-Quéré et al. (2009, p. 73), « cette diffraction horizontale de la puissance publique limite la responsabilité du politique et fait obstacle à l’arbitrage entre diffé- rents objectifs ». L’articulation des États modernes, notamment lorsque s’y ajoute une structure fédérative, est complexe :

– les électeurs décident a priori des politiques économiques. Toutefois, il s’agit le plus souvent de problématiques générales ou de l’élection de représentants dans les parlements ou les gouvernements. Ce n’est que dans les démocraties directes que des votes thématiques plus précis sont possibles.

– le parlement détient en général le pouvoir politique suprême sur le plan légis- latif. Il décide des lois, des impôts et des dépenses de l’État.

– le gouvernement assume les fonctions exécutives, mais prend aussi de nom- breuses décisions dans les domaines de compétence qui lui sont délégués par la loi.

– les régulateurs indépendants ont, en règle générale, une compétence sectorielle, afin d’éviter des conflits d’intérêt, notamment lorsque l’État est actionnaire de certains opérateurs (dans les domaines des chemins de fer, de l’électricité et des télécommunications, par exemple).

– l’administration regroupe les organes de gestion qui ont pour rôle la préparation et l’exécution pratique des décisions prises par les autorités politiques.

– les tribunaux veillent au respect des lois et suppléent aux carences de la légis- lation.

– les pouvoirs régionaux et locaux assument des fonctions semblables à celles mentionnées pour l’échelon national. En général, on applique le principe de la primauté des législations édictées à un niveau supérieur : le droit interna- tional prime le droit national ; le droit national ou fédéral l’emporte sur le droit régional (cantonal, par exemple). Cette délégation de pouvoirs par éta- ges fonctionne sur la base du principe de subsidiarité. Une particularité de la Suisse, en raison du droit de référendum, est de ne pas avoir de Cour consti- tutionnelle. Aux États-Unis, en revanche, la particularité est que le droit national prime.

2.2.2 Les groupes de pression

L’intervention des groupes de pression dans la formation de volonté n’est pas forma- lisée, mais existe de fait. Le lobbying est une action qui permet à des intérêts particu- liers d’influer sur les politiques économiques (OCDE, 2008). Les représentants des intérêts particuliers interviennent tout au long des processus de décision et tentent de

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