)
^
LE
MONT BLANC,
ou
DESCRIPTION DE LA VIE El DES PHÉNOMÈNES
QUE L'ON PEUT APERCEVOIR
DU
SOMMET DU MONT BLANC;
par
]fl.A. Bravais
9LIEUTENANTDE VAISSEAU.
PRÉSIDENT DE LA SOCIÉTÉ MÉTÉOROLOGIQUEDE FRANCE, ETC.
PARIS,
ARTHUS BERTRAND, EDITEUR
LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DE GÉOGRAPHIE, RUE HAUTEFEUILLE, 21.
SOMMET DU MONT BLANC.
LE
MONT BLANC
ou
DESCRIPTION" DE LA VUE ET DES PHÉNOMÈNES
QUE L'ON PEUT APERCEVOIR
DU
SOMMET DU MONT BLANC;
par M*
A.'Bravai^i;
I.ir.LlENAM DE VAISSEAU,
PR^:5[DF.>T DE LA S0( lÉTÉMÉT^OUOLOCIQUEDE FRANCE, ETC.
PARIS,
ARTHUS BERTRAND, ÉDITEUR,
LIBRAIREDE LA SOCIÉTÉ DE Gl'.OnRAPHIE
,
RUE HAUTEFEUILLE, 21,
S03IMET DU MONT BLANC.
Le sommet du mont
Blanc formeune
arête entiè-rement
neigeuse, d'une largeur de 5 à 6 mètres, et qui se dirige de Test-nord-est à l'onest-sud-ouest; ilest élevé de
4,810
mètres au-dessusdu
niveau de lamer. Cette arête, peu saillante au-dessus des neiges ambiantes, se fond insensiblement, sur son côté
mé-
rallèle à l'arête; sa largeur est d'une centaine de
mè-
tres, et il estincliné d'environ
une
dizaine de degrés vers le sud ; peut-êtremême
cette valeur estimée est- elle trop considérable, car, en général, c'est parune
erreur en plusque
pèchentlesappréciations despentes pourun
œil dépourvu d'instruments de mesure.On
peut se
demander
si celte formedu sommet
est con- stante et si elle ne varie pas par l'action continue de la neige et des vents. Consultons , à ce sujet, la descriptiondonnée
par de Saussure. L'illustre obser- vateur parle, lui aussi, d'une arête allongée dirigéedu
levant au couchant, et sensiblement horizontale dans sa partie la plus élevée; mais il ajouteque
cette arête est très-étroite, presque tranchante à sonsom- met,
et que deux personnes ne pourraient ymarcher
de front, ce qui ne suppose pasune
largeur supé- rieure à l mètre. Ainsi cette largeur est variable sui- vant les années, et ilest probableque ce sontlesflancs de l'arête qui se sont élevés, depuis de Saussure, par l'amoncellement latéral de la neige, etnon
l'arêleelle-même
qui en aurait perdu à sonsommet.
Du
côtédu
nord ou plutôtdu
nord-nord-ouest, l'arête est bordée parune immense
pente de neige dont l'inclinaison diffèrepeu
de40
à45
degrés; elle vient aboutir et se relier par des courbes plus doucesavec le grand plateau du
mont
Blanc, situé à environ i,000 mètres au-dessus de la mer.Du
côtédu
sud, après le petit plateau dont j'ai parlé, la pente devient tout d'un couptrès-rapide, etil pourrait être dangereux de trop s'avancer vers le
bord; car la pente aboutit, de ce côté, aux précipices
immenses
quicommandent
l'Alléeblanche.Du
côté de l'est, î'arêtedu sommet
se bifurqueet fournit deux branches descendantes : Tune, au nord-est, vers le glacier de Taléfre, l'un des bras de la
mer
de glace; l'autre dirigée vers le sud 40° est : cette dernière va aboutir à
un
secondsommet
séparédu
premierpar une faibledépression del'arête. Cesecondsommet
estordinairementconnu
souslenom
demont
Blanc deCormaycur;
pourtoute la vallée de cenom,
il remplace le véritable
mont
Blanc, dont il dérobe lesommet
à la vue.A
partir d'un point voisin de sonsommet,
lamontagne,
en s'abaissant vers Cormayeur, formeun immense
triangle dont lesommet
est dirigé vers le haut, et dont l'aire est presque dépourvue de neige: d'immenses rochers escarpés la remplacent;leur inclinaison très-abrupte et leurexposition méri- dionale ne permettent pas qu'elle persiste, au
moins
l'été, sur leurs flancs.
Le mont
Blanc deCormayeur
peut avoir50
àGO
mètres d'élévation demoins
que le vraisommet
,de dépression angulaire, pris
du sommet du mont
Blanc, a été trouvé égal à 5° 20'. Je pense
que
l'on peut aller facilement deTun
à l'autre enune
demi-heure
et parune
pente assezdouce.A peu
près vers le milieu de Taréte de jonction de cesdeux sommets,
on trouveun
gros rocher qui s'é- lèveau-dessus delaneigeetqui faitfaceau
sud-ouest;il estdésigné par les guides sous le
nom
deRocher
de la Tourette. Il est, sans contredit, le plus haut de ceuxqui avoisinent lesommet;
l'on doit le considérercomme
étant le point rocheux visible le plus élevé de l'Europe; vu de loin, il se projette en noir sur la neige et peut êtreaperçu à de très-grandes distances.De
l'observatoire deLyon, on
le distingue très-bien avecune bonne
lunette, sous l'apparence d'un petit pointobscur placé sur le contour apparent delamon-
tagne. Il est situé à environ
80
mètres au-dessous de lacime
la plus haute, et l'on peut, de là, s'y rendre en dix minutes; mais, à cause de la pente de l'arête de jonction, il fautplus d'un quart d'heurepour re- venir de là ausommet
de lamontagne.
Sur le versant nord
du
cône terminaldu mont
Blanc, à environ100
mètres sous lesommet, on
trouveun
autre rocher,peu
saillant,nommé
lepetitMulet
supérieur, rocherque nous n'avons point visitéetqui a été laissé sur la droitedans notreroute.
A 50 ou
100 mètres plus bas, on trouve le petit Mulet in- férieur, qui est probablement lemême que
le rocher, récemment fracassépar
lafoudre^ dont parle de Saus- sure dans la relation de son ascension.Enfin, à
350
mètres en dessousdu sommet, on
trouve le rocherRouge
supérieur, qui formeau-des- sus de la neige une assez forte saillie. Tous ces ro- chers ont, vus d'unpeu
loin,un
aspect jaunâtre, et ilen est de
même
des aiguilles situées au norddu mont
Blanc, par exemple, de l'aiguille
du
midi etdu mont
Maudit.Le
coup d'œildont onjouitdu sommet dumontBlanc
est d'une grande beauté;
malheureusement
les objets sont trop éloignés pour qu'on puisse enreconnaîtreles détails, et ce qui frappe le plus levoyageur, c'est lamagnificence de l'ensemble.
De
Saussure a déjà re-marqué
quele spectacle estbeaucoup
plusbeauetplus intéressantdu
côtédel'Italie.Au
nord, dansla partie suisse, la ligne de faîtedu
Jura termine l'horizon par des zones bleuesque
la vapeur de l'atmosphère rend peu distinctes; l'aiguille des Fiz, le Buet, les Diable- rets, et surtout cettemontagne
grandiose de la dentdu
midi de Bex, qui a près de3,500
mètres de hau- teur,donnent un
aspect assez imposant à cettepartie de lavue. Mais, au midi, lenombre
des grandesmon-
—
tagnes aperçues n'est pins calculable, et les formes
les plus variées se déploient devant l'observateur.
PaiRoi*asiia
du moiit Blanc.
Voulant utiliser
mon
court séjour sur lesommet,
et
me
trouvantmuni
d'un théodolitedonnant
à la fois les angles et les hauteurs des objets, je n'hésitai pas à relever lepanorama
de la partie sud de l'hori- zon, enmesurant
ces deux sortes d'éléments pour les principauxsommets
et traçant le dessin général de leur contour. Je fus, en cela, biengrandement
aidé parmon ami
etcompagnon
de routeM.
Lepileur, qui voulut bien se charger de transcrire tous les angles obtenus. La première partiedu temps que
nousavions à dépenser sur lesommet
avait été déjà consacrée à des observations météorologiques ; nous nepûmes
ainsi arriver qu'à passer en revue environ
190
degrésdu
tour de l'horizon, mais, il est vrai, dans la partie la plus intéressante et la plus riche enmontagnes
eten formes variées.
Nous
prîmesainsiles relèvementset les angles de hauteur de trente-septsommets;
les li-gnes d'horizon intermédiaires furent dessinées à la vue, de
manière
à conserver, autantque
possible, les rapports desdimensions de leurs contours.Le temps
nous amanqué pour
dessiner les plans—
11—
lesplus rapprochés, très-nombreux et très-diverspar leurs détails; ainsi notre travail n'est encore qu'une ébauche peu complète deV
immense panorama
qu'offre l'horizondu mont
Blanc. iNéanmoins il m'a paru in- téressant d'en publier les résultats; des observations futurespourrontles compléter, eny ajoutantlapartiedu
nord ainsique
lesmontagnes
intermédiaires ap- partenant aux planslesmoinséloignés, dansla région australe visibledu sommet.
Je vais maintenant donner quelques détails sur la
vue
panoramique que
je joins à cette note, encom- mençant
parla zoneorientale.On remarquera
d'abordque
toute la chaînedu mont
Rose et de ses contre- forts méridionaux était, surun
espace de50%
entiè-rement
cachée par les nuages, ce qui nous a fait per- dre la vue de cetteportiondu
paysage si intéressante par sa hauteur, rivale de celle dumont
Blanc lui-même.
Surla gauchedu
lieu qu'occupe cette chaîne,on
voit, entre dessommets
élevés,une
profonde dé- pression qui correspondévidemment
au passagedu
grand Saint-Bernard; cependant il est assez difficilede dire si ce passage est sur la droiteou surla gauche de la
montagne
cotée 77° 36'; les données géogra- phiques m'ontmanqué
pour fixer d'une manière cer- tainelesnoms
dessommets
voisins de cepassage, i!me
paraît cependantprobable queles trois
sommets
poin-—
tus situés sur ladroite sont leYélan, le
Combin
et lemont
Cervin.Le
plus élevédecessommets
n'a qu'une dépression angulaire de 0° 49', ce qui, pourune
dis- tance de54
minutes terrestres, supposeune
éléva- tion de4,100
mètres. C'est donc làévidemment
legroupe
formé
par ces troismontagnes
, groupe qui relie lachaînedu mont
Blancà celledu mont
Rose, entre le passagedu
Saint-Bernard et le col de Saint- Théodule. La position relativeque
lepanorama
in-dique à ces
montagnes
n'est point d'accord avec leur position sur les cartes; les données géodésiques exactesm'ont manqué
pour trancher cette question.Les
montagnes
cotées 70° 46' et 79° oo' sont desmontagnes
nécessairement très-élevées, d'après leur cote dehauteur.Il résulte des calculs de la note qui termine cette notice
que
la hautemontagne
cotée 0° 49' doit avoir aumoins une
hauteur de4,100
mètres au-dessus dela
mer;
ainsi ce ne peut êtreque
lemont
Cervinou
le Breithorn,
montagnes
qui ne diffèrent pas beau- coup, ni en altitude ni en distance, aumont
Blanc. Il est presque évident, d'après cela,que
cettemontagne
est le
mont
Cervin, dont la distanceau mont
Blancest à
peu
près égale à34
minutes terrestres.La
grande dépression qui s'observe sur la droite corres-pond
au col de Saint-Théodule, élevé de3,300 mè-
_ 13 ^
très au-dessus
du
niveau de la mer, et les nuages doivent être la cause qui nous a privés de la vuedu
Breithorn, point de départ, dans l'ouest, de la chaînedu mont
Rose. Les deuxmontagnes
placées sur le dessin à gauchedu
Cervin ne peuvent êtreque
leCombin
et leVélan.La montagne
à contour arrondi cotée 77° 56' est probablement la pointe de Dronaz^à laquelle
M. Joanne
accorde2,900
mètres dans son Itinéraire,de la Suisse, et qui est ainsimoins
hauteque
leVélan.Le
col placé àgauche
par 74"* d'ampli- tude serait le col Ferrex, et la grandemontagne
cotée 70^ 46' seraitprobablement, à cause de sa hau- teur qui ne peut être inférieure à3,700
mètres, l'ai- guille d'Argentière, qui n'était qu'àune
distance de10
minutes de degré de notresommet.
Cettemontagne
et les
deux
qui l'avoisinentsurla gauche seraient donclesderniers contre-forts
du mont
Blancdu
côtéoù
sa chaîne, contournantl'Arve, pénètre dansle Valais.Par delà les nuagesqui interceptaient la vue de la chaîne
du mont
Rose,on
trouveune
sériedesommets
presquetousconiques,et qui s'étendent jusqu'aumont
delaLevanna
; ce sont lesmontagnes
de la grande valléed'Aoste.La
premièreme
paraît être celleque
la carte piémontaise
nomme
Becco di ^'onna (1);^1) Dans cettepartiedu panoramajusqu'àlaLevauua, les ren^
2
— 14
je n'ai
pu
déterminer lenom
de ladeuxième
(116°10'), qui paraît cependant
Tune
des plus élevées de toute cette région ; puis vient le pic de la grande AIp (123° 57') etPunta
di Lavinna (127° 7'), puisla
montagne
inconnuemarquée
(130° 26'), puisune
autre fort élevée qui doit être Ghiaccia di 3Ionei.Encore plus au sud,
on
aperçoitune montagne
for-mant un
cône aplati ausommet,
située derrière lemont
Blanc deCourmayeur,
et cotée 141° 36' surmon
dessin.De
cettemontagne
semble partirune
chaîne qui se dirigerait àpeu
près vers le sud, etqui comprendrait le bec de Tossi et lamontagne
deNu-
volé. Plus au sud
on
voitla Levanna, hautesommité
à partir de laquelle la série des
montagnes du
pano-rama abandonne
la ligne de faite de la vallée d'Aoste pour suivre la ligne de séparation de lavalléedu Pô
et de la voilée de l'Arc, qui est,
comme Ton
sait, le principal affluent de l'Isère.Après les nuages qui interrompent la vue de l'ho- rizon, on aperçoit Roche-Melon,
montagne
coniquefort élevée, et qui est l'un des points de la grande triangulation piémontaise; sa hauteur,
mesurée
géo- désiquement, est de3,542
mètres.On
voit ensuite, àseiguements gcod-siquesexactsin'outfait défaut. Jemesuis servi, danscette partie, de lacartepicmoutaiseiatilulée, « Caria degli Stali di SuaMajesta Sarda, 1841. »
—
15—
une
prodigieuse dislance de 150 kilomètres, lemont
Viso, si remarquable par sa forme conique, et dont la
coupe supérieure otTre, sur la droite,
une
petite émi- nence latérale moins élevée de O'' 5' que leprincipalsommet.
Le profil de l'horizon suit alors, surune
dizaine de degrés, la chaînedu mont
Viso; en avant d'elle l'on voit se dessiner la chaîne qui, partant de Roche-Melon, borde, sur son côté nord-est, la routedu mont
Cenis, route qui traverse cette chaîne entreRoche-Melon
et lemont Àmbin. La montagne
qui se voiten avantdu
Visome
paraît être la pointedu mont
Cenis. Plus à droite, et dans l'ouest
du mont Ambin,
on aperçoitlapointedu
Grand-Vallon,montagne
qui, d'après lamesure
de la dépression, doit avoirune
hauteur égale à5,100
mètres ou5,300
mètres.Un sommet
placéàgauche, et donton nevoitquel'extré- mitésupérieure, estsansdoute leChaberton, point ap- partenant à lagrande triangulationpiémontaise.Une
grande dépression à droitede cettemontagne
indiquela vallée où coule la rivière d'Arc. La
montagne
en forme de tente, à droite de cette coupée,me
paraît être la dent Parassée, quidomine
Lans-le-Bourg à l'ouest.A
partir decettemontagne,
la forme dessommets
qui, dans la partie orientale
du
paysage, avaient plus oumoins
l'apparence d'un cône, change d'unema-
—
16—
nière très-sensible. Jusqu'à ce que nous atteignions les
montagnes
calcaires dela Savoie etdu Dauphiné
nous ne trouvons plusque
des formes découpées et très 'irrégulières.En
première ligne se présentent desmontagnes
dentelées (166° 33' et 165° 45'), dontune
partie seulement reste découverte pour notre œil.
Pour
trouver sur la carte lenom
decette chaîne, jeremarque que
son azimut est compris entre celui de Roche-Chevrière (169° 29') et celuidu mont Tabor
(163° 5o'), qui sont dessommets
de la grande trian- gulation piémontaise; les nuages nous ont précisé-ment
caché le lieu de cesdeux
sommets.Or
les ingé- nieurspiémontais nous ontdonné
despanoramas
pris de cesdeux
stations.Le panorama du
Tabormontre
que, dans la chaîne qui se dirige vers l'Ambin (n° 1du panorama du
Tabor), il n'y aaucune montagne
assez élevée et qui, à cette distance
du mont
Blanc, puisse avoir seulement 1° 17' de dépression; car sa hauteur devrait être d'environ3,400
mètres , et iln'est pas probable
que
lamontagne
quidomine
le col de laRoue
aitune
pareille élévation. Il en est demême
dans la directiondu
Chaberton etdu
Viso; de- puis leViso jusqu'au Pelvoux,aucune montagne
n'at- teint l'horizondu mont
Tabor, dont l'élévation n'est cependantque
de3,130
mètres : ainsi ces hautesmontagnes
doiventêtreau nordde laligne dejonction—
17—
du mont
Tabor à Roche-Chcvrière. La pointede Massaet les
monts
de laRamée
offrent seuls les conditions que nous venons d'indiquer; ainsi 166° 55' représente probablement la pointe de Massa, et la chaîne, à sa droite, est celle desmonts
delaRamée. On
voit aussique
la pointe de Massa est plus élevée queRoche-
Chevrière, etque
sa hauteur doitpeu
différer de5,400
mètres.L'œil, se portant toujours de gauche à droite,
com- mence
à découvrir desmontagnes
françaises, le Pel- vouxd'abord,quidomine
la valléedelaDurance, par- dessus les glaciers d'Alefroide; puis l'Arsine (ou Our- sine), quidomine
la vallée dela Guisane à l'ouestdu
Monetier de Briançon ; plusà droite enfin, la Meidge, qui, par les glaciers dela Grave,communique
avec la vallée de laRomanche,
qui sort de son sein. Toute cette chaîneformeun
massifénorme, séparédu
reste des Alpes par le coldu
Lautaret et par la route qui joint lebourg
d'Oysans à Briançon. Cette sorte d'îlemontagneuse
s'élève de2,000
mètres au-dessus de ce col, quilaséparedelagrande chaîne des Alpes. Toutesles crêtes sont ici fort dentelées, ce qui suffirait seul
pour
les faire reconnaître à l'observateur dans l'en- sembledu
panorama.La Meidge
(1) est formée de(1) Je reucoolre ici uû résultat assezsingulier: lerelèvement
deux sommets
d'égale hauteur; cettemontagne
est souvent désignée sous lenom
depic delaGrave
dansles carteset
documents
des ingénieurs de Fétat-major français. Lesommet
de droite est très-probablement celuique
l'on aperçoitdu
village dela Grave.La montagne
conique cotée 149'' 4'me
paraît être celle dela Muselle,montagne
situéedans les environs du bourg d'Oysans etdécrite, dansles travauxlesplus récents et encore inéditsdes officiers français,comme
ayant les éléments suivants :
Latitude =: 49^",
9245;
longitude=
4^^ ,1905;z\ltitude
= 3459
mètres.Cetazimut et cette hauteur s'accordent très-bien avec
mon
observation.Plus à droite encore , nous trouvons la chaîne des Rousses, dont le plus haut point est par 143'' 17' et à
—
l'' 13' d'élévation angulaire. LesRousses, appelées aussi Challanches, ontétérécemment
relevéesdanslagrandetriangulationfrançaise, et, grâceàl'obligeance
(le l'Arsine est 158*^26', ce quis'accorde, à 0 ou 7 iijiuiites près, avec les données géodésiques. Maisquantà laMeidge,que mon
théodolite medonne comme étant placée 4 degrés plusà droite, les calculsgéodésiques donnentunedifférence angulaire de6 de- grés.Je ne puis expliquer cette différence qu'en admettant une erreur de 2 degrésdansla lecture.11ne peut y avoireu de rota- tiondanslelimbehorizontaldemon théodolite; car,versla findes observations, j'ai repris
ma
premièrelecture, qui s'estretrouvée parfaitement d'accord avecsavaleurinitiale.—
19—
(lu
commandant
Hossard, j'ai pume
procurer leurs coordonnées; on y trouve trois principauxsommets,
dont le principal, la Rousse n*'2
, offre les éléments suivants :Latitude
=
50§^-,1557; longitude= 4s^2232;
Altitude
= 3479
mètres.Ces éléments s'accordent aussi très-bien avec
mes
nombres.Dans le voisinage de la Muselle et des Rousses, la crête de l'horizon offre un aspect très-dentelé, et cet aspect continue au nord de Belledonne.
La montagne
pointue, comprise entre les Rousses et Belledonne, doit être le Taillefer,montagne
quidomine
rentrée delavalléedeTOysans, et qui se voitentrelesRousses etBelledonne; les coordonnées déduites des éléments géodésiques sont :Azimut =
159^54'4; dépression= — V
29'3.Cellesde Belledonnesont :
Azimut
=: 136° 57'0; dépression= — V
26' 8,Ainsi les élévations apparentes de ces
deux monta-
gnes, vuesdu mont
Blanc, sontpresque égales.Belledonne
domine
le confluent de l'Isère etdu
Drac-Un
signal géodésique en pierres m'a paruplacé sur sonsommet. La
cime qui se voit à sadroite pour- raitêtre le«rocheràl'ouestdes septlacs, » delatrian- gulation françaisedesenvirons d'Allevard , ou lamom
—
tagne d'Arguille (altitude
2887
mètres; dépression calculée= V
59'; latitude=
45^ 16' 40''; longitude=r 3*" 47' 18").
Le
petitsommet,
à gauche, pourrait être le rocher Blanc (ou rocherBadon
) (altitude2925
mètres; dépression=
1^ 34'; latitude 45" 14' 30"; longitude 3^ 46' 17").De
Belledonnejusqu'aumont
Granier,l'horizonap- parent offreune
dépression angulaire sensiblement constante et d'environ2\
La montagne
ayant 120° S6' pour azimut doit être, d'après lesélémentsobservés, le grandSom,
quidomine
la grande Chartreuse.Le
Granierme
paraît être cettemontagne
assez large dontj'ai relevé l'extrémité la plus boréale, etdont l'azimut est coté 118° 39'
; la hauteur angulaire est
—
2° 19'; ce qui s'accorde assez bien avec la dé- pression calculée. Enfin, parmi les
montagnes
situées à l'extrémité droitedu
panorama,on
peut reconnaître, maisnon
d'unemanière
bien sûre, lemont
Grelle (113°30
), la dent de Nivolet (109° 33'), enfinle Tré- lod, qui serait lamontagne
située précisément au-des- sous de celle cotée 106°59', et à laquelle les données géodésiques assignentun
azimut égal à 106° 27' etune
dépression de 5° 1'.On
ademandé
sidu mont
Blanc on pouvait aperce- voir le golfe deGênes
et lamer
; en jetant les yeux—
21—
sur la carte, on voit déjà que c'est lerivagede Savone quioffre le point le plus rapproché de la
montagne,
etquelà ladistanceà lacôteitalienneestinférieureau rayon d'unarcde
2M1
ya,enoutre,danscettedirection,
une
dépression assezconsidérabledu
contour del'hori-zon
vudumontBlanc.
Entre lebecdeTossi etlaLevanna, on voit, sur lepanorama
ci-joint, cette partie dépri- mée, dont la hauteur ne paraît pas dépasser, sur 5 ou6
degrés d'étendue, lesnombres —
2° 1/2ou — 3^
Ce serait
donc
entre Allassio et Noli que lamer du
golfepourrait être le plus facilement aperçue, à
une
distanced'environ2^
Il estfacilede
montrer
que, dans toute autre direc- tion, la vue de la Méditerranée serait impossible; car,si l'on cherche l'inclinaison de latrajectoire tangente à la mer, ainsi
que
son point decontact avec elle, ilfaudra faire /i
=
o dans les formules (2) et (5) de lanote qui termine cette notice, formules qui
donnent
cT^et Ao» et l'on trouvera, pour la dépression angu- laire, 0^0=:2^6', et pour la distance de ce point au
mont
BlancAo=2'^
21' 6.Il en résulte que, dans toutes les parties
du
pano-rama où
la hauteurdessommets
est supérieureàcelle quicorrespondà—
2^ 6', lamer
doit rester cachée; or c'est ce qui a lieu dans tout le contour de l'horizon, excepté au lieuque
nous venons d'indiquer.—
Je dis maintenant que,
même
dans celte direction, d'Allassioet deNoli, lamer
nese verrait probablement pas : car la chaîne des Alpes maritimes borde au nordlacôted'AUassioetdeNoli,et,en
comptant
l°55'pour
sadistance au
mont
Blanc, cettechaîne ne serait éloi-gnée
que
de 27'du
petit cercleque
traceraient sur lamer
les trajectoires lumineuses tangentes à lamer
et partiesdu sommet du mont
Blanc. Or, à cette distance, la formule a^^—
2,042s/E —
/i, en y faisanth=
o,donnerait, pour l'altitude de la trajectoire, la faible hauteur de
180
mètres. Il faudraitdonc que
la chaîne des Alpes maritimes, entre Allassio et Noli, s'abaissât, surune
certaine étendue, à celte faible hauteur; ce qui paraîtra, sans doute, fortpeu
vraisemblable. Je conclusdonc
qu'ilme
semble impossibleque du mont
Blanc on puisse apercevoir la mer, et réciproquement
que
de lamer
de Gêneson
puisse voir sonsommet.
Mais il ne faudrait pas étendre celle conclusion aux
montagnes
qui bordentla côtedu
golfe; car leur dis- tanceaumont
Blancn'estque
del"*55' .Or,enFrance, on peut voir celte dernièremontagne
à des distances encoreplusgrandes; par exemple,on
lavoit très-bien de Dijon, ainsique du sommet du mont
Mézenc, qui sont placés àune
distance aumoins
égaleà 2 degrés:on dit
même
qu'on la voit aussidu
hautdu
plateau de la ville de Langres; mais c'est làun
point sur le-— 23 —
quel je n'ai
pu
obtenir de renseignements officiels.Je ferai remarquer que, pendant la journée
du 28
août1844, outrelesnuages fixés surcertains points des montagnes,un
haie blanchâtre régnait dans l'air, et principalementà l'horizon; ce haie , qui interceptela vue des objets très-éloignés, est l'accompagnateur habitueldesvents
du
nordou
del'est, qui sontlesseuls aveclesquelson peut tenterl'ascensiondu mont
Blanc avec chance de succès, à moins, toutefois, quel'on nemonte
aumont
Blancpoursoutenirun
défi, etquel'on ne consented'avanceà sacrifier la vueque
l'on devrait avoirdusommet. Quand
leventdesud-ouestrègnedansla saison d'été, il ne se passe guère
une
seulejournée sans pluieou dumoins
sans nuages; mais le ciel, étant alors beaucoup plus humide, est aussi d'une transpa- rencebien plus complète,d'un bleu plus pur.Lesterres sont aussimieux
visibles,pourvu que
les nuagesvien- nent de se retirer, parexemple, aprèsune
pluie qui aaugmenté
l'humidité de l'air et qui aabattu toutes ses poussières. Souvent alors, pour l'observateur placé dansla plaineetàune
distance médiocre d'unechaîne demontagnes,
celle-ci ne devient nettement visiblequ'aux époques que nous venons d'indiquer : il peut arriver aussi quele vent d'ouests'établisse dansles ré- gions supérieures de l'air, le nord-est coniinuarit à soufflerprès
du
sol, el cela peiKÎant un, deux oumême
deton et
une
nettetédedétails quine
leur sont pasha- bituelles : cet état particulierannonce
auxhabitantsdu
pays l'arrivéeprochaine dela pluie. J'aipu moi-même m'en
convaincre en observantlemont
Blancdu
haut dela tour de l'observatoire de Lyon.Il résulte de là qu'il sera toujours très-difficile d'a- voir, sur le
sommet du mont
Blanc,une
vueparfaite-ment
nette des objets éloignés. Les meilleures condi- tions de cette netteté sont lesdeux
suivantes :que
l'objet soit brillant
comme
l'est, par exemple,une montagne
couverte de neige;que
le soleil se lève derrièrel'objetet parun
ciel pur. Alors,un
peu avantle lever de l'astre, le contour apparent de l'horizon se projette avec
une
grande netteté surun
ciel bril- lant.Un
effet analogue a lieu aussiimmédiatement
après le coucher de l'astre; maisla netteté des con- tours estalors presquetoujoursmoins
grande que dansle cas
du
lever, sans doute à causedu
refroidissement considérable qui se produit alors et troublel'équilibre des couches, etdu
calme plusgrand
qui a régné dansl'air pendantlapériode nocturne.
Outreles
montagnes
quibordent l'horizondu mont
Blanc, on en voitune
multitude demoins
éloignées qui se projettent les unessurlesautres, et qu'il eûtété bien long de dessiner. J'aiexaminé
assez attentive*— 25 —
ment
cellesdu
nord, qui semblaient secoordonner en divers chaînons; mais, au midi, le désordre est tel, qu'il aurait falluun
œil plus exercé que lemien
pours'y reconnaître.
Voici l'ordredans lequel paraissent se succéder,
du
côté du nord, leschaînesde
montagnes
delaSavoieetde la Suisse : le Brévent et les Aiguilles rouges; la
chaîne des Fiz et
du
Buet, à laquelle se rattache laDent
du
midi parune
vallée dontla direction est diffé- rente; plus cinqautres chaînons, dont le dernier con- tient lamontagne
des Voirons.Tous ces chaînons sont sensiblement parallèles, et courent à peu près nord-nord-est
—
sud-sud-ouestou
nord-est—
sud-ouest;audelàest leJura,dontladirec- tion générale est encore lamême.
On
aperçoit aussi très-bien les trois chaînes sui- vantes : celle des Diablerets, lachaînedu Simmenthal
et celledes Alpes bernoises; elles paraissent aussi pa- rallèles entre elles, mais courent plus vers l'est que
les précédentes.
La
chaîne entre 31artigny et Saint-3iaurice paraît obéiràune
autreloi. Enfin, aumont
Blancluimême,
la direction des cimes qui raccompagnent, en conser- vant unetrès-grande hautenr,est celledel'Aiguille
du
midi; cette chaînecomprend
lesommet
sansnom
qui figure, sous le n° oo, dans lepanorama
de YItinéraire3
— 26
de la Suissey par
M. Joanne,
etque
nous avons cru devoir, dans nos relations, désigner souslenom
d'Ai- guillede Saussure, puis lemont
Blancdu
Tacul ou lemont
Maudit, enfin l'Aiguilledu
midi; la directiongé- nérale est àpeu
prèsdu
nord au sud.Pliéuomèiies
iiiétéorolo|s;^i€|ue)i.Je terminerai cettenoteparquelquesconsidérations sur l'état physique
du sommet du mont
Blanc et des parties les plus voisines, parexemple
des parties si-tuéesentre
5,500
et4,800
mètres dehauteur. Cescon- sidérations seront enpartieempruntées
aurapportque
nous avons adressé (l),M. Martins etmoi, au ministre de l'instruction publique, le15
septembre1844,
en partie àmes
notes personnelleset en partieaucompte rendu
de nos observations météorologiques (2). Jedé- crirai d'abordun phénomène
optique qui doit tous lesjours s'y reproduire, au coucher et aulever du so- leil , lorsque le ciel est pur; je veux parler de la pro- jection de l'ombre de lamontagne
sur l'atmosphère.Le 28
août1844,
à six heures quarante minutes, jourdenotre ascension, lesoleil approchant del'heure1,1)MonUeurdu 18scplcjiibre iSii.
(2^Ann. wch'or., auiKC 18r>U, p. 13i;observations nictioiolo- giques, parMM. Druvais clMurliiis.
(le son coucher, nousjetâmes les yeux du côté opposé
h l'astre, et nous aperçûmes, non sans quelque éton- nement, l'ombre
dumont
Blancqui se de^sinait surlesmontagnes
couvertes de neige de lapartieest de notrepanorama;
je relevai lesommet
de cetteombre
au théodolite, etj'obtins la dépression—
1°.Une
minute après, elle était à—
0''48'; nousrestâmes encore en- viron dixminutessurlesommet,
occupésàserrernotre petit bagage et un peu pressés de descendre à cause de la brièvetédu
crépuscule sur leshautes montagnes, brièveté qui nous étaitdéjà bien connue, et nousdési- rionsatteindrele grandPlateau avant la nuit complè- tement close. J'ai dessiné, dansle panorama, la forme que pritalorsTombre
dumont
Blanc. Elle s'éleva gra- duellement dansl'atmosphère, la prenant pour un ta- bleau sur lequel elle venait se peindre. La séparation de l'ombre et de la lumière était fort tranchée dans^escontours; elle continua à s'élever ainsi, dépassant
les
montagnes
de la vallée d'Aoste, et elle atteignit !ahauteur de 1% restant encore parfaitement visible.
L'air, au-dessus
du
cône d'ombre, était teint de ce rose pourpre que l'on voit, dans les beaux couchers du soleil, colorer les hautes sommités; le bord de cette teinte, tout le long de la ligne de séparationdu
cône d'ombre, offraitun
rose plus intense, et cette bordure continue rehaussait Téclatdu phénomène.
Que
l'on imagine maintenant lesmontagnes
de lagrandevalléed'Aoste, projetantellesaussi, à ce
même moment,
leursombres
dans l'atmosphère, les bords de ces grands cylindres visibles à l'œil, leur partie inférieuresombre
avecun
peu de verdàtre, et au- dessus de chacune de cesombres
lanappe
rose pur- purine, avec la ceinture rose foncée qui la séparait d'elles;que
l'on ajoute à cela la rectitude des con- tours des cônes d'ombre, et principalement du con- tour de leur arête supérieure, et enfin les lois de laperspective faisant converger toutes ces lignes l'ime vers l'autre, vers le
sommet même
de i'ornbredu mont
Blanc, c'est-à-dire au pointdu
ciel où nous sentionsque
lesombres
de nos corps devaient être placées, et l'on n'aura encore qu'une idée incomplète delarichessedu phénomène
météorologiquequi sedé- ploya pour nous pendant ces quelques instants. Ilsemblait qu'un être invisible était placé sur
un
trône bordé de feu, et que, à genoux, des anges aux ailes étincelantes l'adoraient, tous inclinés vers lui.A
lavuede tant de magnificence, nos bras et ceux de nos guides restèrent inactifs, et des cris d'enthousiasme s'échappèrent de nos poitrines. J'ai vu les belles au- rores boréales
du
nord avec leurs couronnes zéni- thalesaux
colonnes diaprées et mobiles, et que nos plus beaux feux d'artifice ne sauraient égaler parleurseffets; ehbien! !avacdel'ombre
du mont
Blanc sur le cielme
paraît plusgrandiose encore.Après dix minutes de contemplation, il fallut son- ger au départ;
heureusement
la pleine lune, qui se levait brillante au-dessus de l'horizon oriental, devait protégerla courseque
nous avions à faire pour rega- gner notre tente,où
nousarrivâmes après cinquante- cinq minutes d'unedescente très-rapide.Dans
ce laps de temps, nous parcourûmesune
route qui, le matin, avait exigéune
ascension de trois heures et trente- cinq minutes.La
neigetombe
parfoistrès-abondamment
sur lemont
Blanc; c'est ainsi que, dans l'espace de trois heures,une
chute de6 décimètres eutlieu, le 8 août, au grand plateau. Il est probableque
la quantité de neige estplus grandeenété qu'enhiver; car, en été, des nuages humides, enarrivant, par exemple,du
sud- ouest sur cesommet,
toujours très-refroidi par lerayonnement
nocturne, s'y condensent enune
quan-tité d'eau glacée très-considérable, et, en hiver, le froid beaucoup plus grand de l'air ne permettant pas à l'humidité absolue d'être aussi considérable, les
chutes totales doivent alors être
évidemment
moins importantes.Le rayonnement du sommet du mont
Blanc se faitavec
une
énergie extrême; de sorteque
satempéra-—
lure, parles
temps
clairs, est bien plus basseque
celle de l'air ambiant.Un thermomètre
placé à 2 décimè- tres dans la neige y marquait—
14'*; à cette profon- deur, et pourun
corps aussi mauvais conducteur, cenombre
doitpeu
différer de la températuremoyenne du
sol dansune
journée à l'époquedu
mois d'août.J'estime
que
la températuremoyenne
de l'air, ausommet même du mont
Blanc, doit être d'environ—
10° dans cemême
mois. Ainsi lamoyenne tempé-
rature de la neige y est très-probablement inférieure à celle de l'air. iSous avons vu au grand Plateau, par un ciel serein, lethermomètre
sur la neige se tenir, la nuit, à 15° plus basque
la température de l'air.La
formationdu
givre pendant les nuits sereines esttrès-évidente : lesplusgrandscristauxquej'aieob- servés au grand Plateau, etqui étaient dus à cemode
de formation, avaient environ2
millimètres de dia- mètre; ils formaient des lamelles hexagonales qui, vues à la loupe, montraient des stries formantune
série d'hexagones graduellement croissants, et ayant tous
un sommet commun,
point d'attache du cristal sur les neigesvoisines.Dans
leslieux ombragés,moins
élevésque
le grand Plateau et, d'ailleurs, exposés au nord etun
peu à l'abridu
vent, nous avonspu
rencontrer des cristaux bien plusbeauxencore: Surun
pointainsi disposé, j'aivu (Je belles aiguilles pri>uiali(jU(s de 1 à 2 centi- mètres de longueur, et
un
peu à coté, dansune
sorte depetite cavité, des cristauxhexagonaux
en lamelles minces,très-bien conformées,etde1à2centimètresde diamètre.Malheureusement
nousétionslàdominés
par\\n blocsupérieurdeglace,etnosguides jugèrentqu'il étaitprudent d'y rester le moins longtemps possible.
Les
phénomènes
optiques particuliers à ces régions sont surtout lescolorationsrelatives desombres
et des parties éclairées, celles-là en rose, celles-ci en bleu verdàtre;même
enplein midi, on peut apercevoir lesombres
de pics très-pointus, qui se projettent sur la î^eige. Cet effet a été plus d'une fois visible au grandl'iateau, maispar
un
soleil assez bas.Au
Vignemaleetdans l'ombre de ce coneescarpé qui se projetait surle glacier qui est au nord du pic, j'ai vu ce
phénomène
d'une manièretrès-évidente etparune
hauteurconsi- dérabledu
soleil.Certainesteintes crépusculaires sontaussi beaucoup mieux visibles dans ces hauteurs; là, on voit souvent après le coucher
du
soleil, et peu après la findu
cré- puscule civil (I), une teinte rose bienmarquée,
illu •minant
le ciel occidental vers2o
à 40 degrés de hau- teur angulaire , et cette teinte n'est presque jamais aperçue dela plaine.(1)VoyezAyin. météor,, p.34 destomesI.U, \\\etIV.
L'illuminationdelapartiezénithalede
Fatmosphère
est
moins marquée
dans ces hautes régions : à l'om- bre, on a delapeineà voirdistinctement desdivisionsun
peu fines.La
nuit, la lune éclaire très-faiblement l'atmosphère; c'est à peine si l'éclat dela pleine lunefait disparaître quelques étoiles de sixième grandeur, dans la région
du
ciel opposée à cet astre.Enfin voici
un phénomène
optiqueassezcurieux.Le
31 aoûtau matin,du
grand Plateaudu mont
Blanc,peu
avant le leverdu
soleil , et derrière l'aiguilleque
nous avons appelée aiguille de de Saussure, levent étantdu
nord et balayant la neigededessus les crêtes dessommets, M.
Martins a aperçu sur cette neigeune
couronne solaire avec les teintes bleue et rouge, concentriques, qui les distinguent.On
a soutenu quelquefoisque
la foudre était tou- jours assez rapprochée de la terre. Horace, qui a dit:« Feriunt
summos
fulmina montes, » n'étaitpas sans doute decet avis, et ila eucertainementraison. Pen- dant noire séjour au grand plateau, nouseûmes, pen- dant la nuitdu
7 au 8août,un
oragequigronda avec force; la neige, qui tombait, avait la forme de grésil;les éclairs furent
nombreux,
et, chose remarquable,les éclats
du
tonnerreassez faibles, et cependant l'in- tervalle entre la lumière et le bruitnousprouvaitque
nousétions au centremême
de Porage, etque
lesdé-—
33—
tonalions se formaient à moins
d\m
kilomètre de dis- tance.Le nombre
des rochers foudroyés, que l'on ren- contre sur le rocher dela Tourette, surles petitsmu-
lets supérieur et inférieur est considérable; sur
un
rocherfaisantsaillie surle gradin le plus norddel'ai- guilledu
Goûté, à150
mètres au-dessusdu
grand Plateau, nosguides en ontramasséun
grandnombre.
Moi-même,
en passant prèsdu
petit mulet inférieur,il m'arriva d'y prendre auhasard, et,
comme
souvenir demon
excursion, trois échantillons des roches bri- sées qui l'entouraient; l'un des troisaoffert lestraces visibles delafoudre, quiconsistent,comme
l'on sait,en lignes
ou
sillons devenus plus oumoins
vitreux, et qui quelquefoismôme
prennent la forme d'un demi- canal.On
verra, je l'espère, par cette courte notice, quelle est àpeu
près la partdu
prévu dans les obser- vations à faire sur lemont
Blanc : reste la part de l'imprévu, qui peut nous direjusqu'où cettedernière peutaller?—
IVOTE REIiATlVE
au calculdes dépressions angulairesdes sommets de mon- tagnes au-dessous duplan de Vhorizon.
Lorsqu'un
sommet
demontagne
est vu d'un antresommet
pins élevéque
lui, lesdeux
altitudes étant supposées connues, la dépression angulairedu
pre- miersommet
variera, si l'on supposeque
la distance ausommet
fixe occupé par l'observateurvienne à aug- menter. Ce qu'il importebeaucoup
de remarquer,c'est
que
cette dépression passe parune
valeur mini-mum,
audelà delaquelle ladépression va denouveau
en augmentant.Pour
le faire voir, jenommerai
H, l'altitude, en mètres,
du sommet
le plus élevé, sur lequel est placé l'observateur;h, l'altitude, en mètres, de l'autre
sommet;
D. la dislance horizontale, en mètres, desdeux som- mets ;
A, lavaleur decettedistance en minutesterrestres;
cT, la dépression observée pareillement en minutes angulaires;
C, le coefficient de la réfraction terrestre, estimé ordinairement à0,08.
On
aura, parune
formule connue,H =
A+ Dtang. [J^—
(0,50—
C] a].Si roii pose 0,50
— G =
c/., et si l'onremarque
quecT
—
(0,50—
G)A
estun
petitangle, on auraH —
A=
Dtang. 1'[^T—
«6AJ, etposantD
1852"^A,H —
A= 0^5388 A (^—c.
a;.On
tiredelàlavaleur suivantedeladépression cTen fonction del'écartement horizontal A, sous la forme.
H —
A i ,.^Les deux termes
du
secondmembre
étant positifs, S est susceptible d'une valeurminimum
correspon- dantàH —
A 1_
0'",5388 A
"
Pour
celte position relative des deuxsomme!
s, la trajectoire partiedu
pointH
sousl'angle cf devient ho- rizontaleen atteignantlesecondsommet,
et là elle e^t tangente à la couche atmosphérique de hauteur h.Donc, si sontlesvaleursdecTet A qui corres- pondent àce
minimum,
on aura—
36—
et, dansle cas général
^
0,5388'
On
acoutume
de supposerC = 0^08
; mais, dansle cas où il s'agit devoir,
du mont
Blanc, desmon-
tagnes de 3 à
4,000
mètres d'élévation, la densité del'air traversé n'est guère
que
les 0,65 de celle del'air de la plaine, et l'on peut réduire C à la valeur
C =
0,055, d'où c;.=
0,415.Dans
cettesupposition, quime
paraît devoir, dans le cas actuel, peu s'écarter de la vérité, je trouvePartout ailleurs qu'au point
minimum,
on a donccf>
l',818v/h^^ A>H —
0,302Tcf'2;ce qui assigne
une
limite inférieure à la hauteur /i,lorsque
H
et cT sont connus.Par exemple, en faisant
H == 4,808
mètres, ce qui était la hauteur de notre théodolite,on
trouve :pour
cr=
50' A>
4050"^cT^- 60' À
>
3717°^cr=:70'. . . . , .
/?>
3324'^^^=80'
A>
2871^0^