ÉTUDE DU BESOIN AZOTÉ
CHEZ LE PORC EN CROISSANCE
II. — UTILISATION DE LA FARINE DE POISSON A DES DOSES EXCESSIVES
PAR RAPPORT AU BESOIN AZOTÉ
A. RÉRAT Y. HENRY
E. ENGRAND H. BOUSQUET
Station de Recherches sur
l’Élevage
des Porcs,Centre national de Recherches
zootechniques,
78 -Jouy-en-,%osas
Institut national de la Recherche
agronovnique
SOMMAIRE
Au cours de deux
expériences
portantrespectivement
sur 45et 28 porcs de raceLarge
White,entre 20et 90
kg
depoids
vif, on a étudié l’utilisation de la farine dehareng
deNorvège
comme seulesource de
protéines
dans desrégimes semi-synthétiques
renfermant environ 35oo kcaldigestibles/kg.
L’introduction de
protéines
depoisson
à un tauxsupérieur
à 16 p. ioo, si elle n’entraîne aucune amé- liorationsupplémentaire
de la croissance ni de l’efficacité alimentaire, provoque par contre chez les femelles uneaugmentation
du pourcentage de morceauxmaigres
et une diminution du pourcentage de morceaux gras dans la carcassejusqu’aux
taux de 20 p. ioo, alorsqu’elle
est sans effet sur lacomposition corporelle
des mâles castrés.D’après
les résultats moyens, ilapparaît
que le besoin azoté pour la croissance estégal
à 16, 14et 12p. ioo de matières azotées totales dans les intervalles depoids respectifs
zo-I5kg,
45-68kg
et 68-gokg, correspondant
à 40, 35et 3o g de matières azotéesdigestibles
pour i ooo kcaldigestibles,
dans les conditions d’alimentation semi-ad libitum.INTRODUCTION
Dans une étude antérieure
(RÉ RA T
etHENRY, 19 6 4 ) portant
sur l’influence du taux d’introduction d’uneprotéine
de référence(farine
dehareng
deNorvège)
dansle
régime
du porc au cours des différents stadesphysiologiques
de lacroissance,
nous avions montré que le besoin azoté pour une croissance et une rétention azotée maxi-mum était de 16 p. 100 de matières azotées entre 20 et 4!
kg
depoids vif,
14 p. 100 entre 45 et 68kg
et 12 p. ioo entre 6S et gokg,
pour desrégimes
semisynthétiques
à base d’amidon de maïs et dont la valeur
fourragère
était de l’ordre de 1,2 UF. Il convientcependant
depréciser
que les taux deprotéines
utilisés dans cette étude nedépassaient
pas 16 p. 100et onpeut
se demander dans ces conditions si l’utilisation d’un tauxsupérieur
n’aurait paspermis
d’obtenir une améliorationsupplémentaire
des
performances
au cours de lapremière phase
de la croissance. Parailleurs,
lestaux
optimum
deprotéines
dans les intervalles depoids
considérés avaient été déter- minés àpartir
de lots d’animauxqui
avaient subiauparavant
des traitements différents et n’étaient pas de ce faitrigoureusement comparables
au début dechaque période. Compte
tenu de cesobservations,
deux nouvellesexpériences
ont été effec-tuées dans le but :
1
0 d’étudier les effets de l’introduction de taux azotés élevés dans le
régime
surla
croissance,
l’efficacité alimentaire et lacomposition corporelle,
2
° de contrôler dans
quelle
mesure les normes établies antérieurementpermettent
d’obtenir lesperformances optimum
selon le critèreenvisagé.
MATÉRIEL
ETMÉTHODES
Au cours de deux
expériences
successives (A et B), des porcs de race Large Il’hitereçoivent,
entre 20 et 90
kg
depoids
vif, desrégimes
renfermant desproportions
variables d’une farine dehareng
de Norvège, cette dernière étant utilisée comme source azotéeuniquc
dans les mêmes condi- tions que celles décritesprécédemment
lors de l’étude du besoin azoté aux différents stades de la croissance(12ÉR!T
et HENRY, 1963).Expérience
,4Trois lots de i5
porcelets après
sevrage (8 mâles et 7 femelles), d’un poids moyen initial de 24kg,sont constitués à
partir
de blocs de 3 animaux de mêmeportée,
de même sexe et de même poids.On leur distribue des
régimes
renfermantrespectivement
16, 20et 24 p. ioo deprotéines
depoisson
dont la
composition
estrapportée
dans le tableau i. Les animaux, élevés enloges
individuelles, sontalimentés selon la méthode semi-ad Libitum, soit trois repas courts de 20à 30minutes par jour, ces
derniers étant distribués à l’état humide à raison de 3parties d’eau environ pour une partie d’aliment
sec. Ils sont
pesés
tous les 14jours
et les consommations de nourriture sont enregistréesquotidienne-
ment.
Après abattage,
vers 90kg de poids vif, l’examen des carcasses est effectué selon les modalités décrites par ailleurs(RÉxnT
et IIrVxY,r 9 6 3 ),
En outre, onprocède
à la pesée du foie, des reins etde la rate.
1?.xpe!ience
13Deux lots de 14
porcelets ( 10
mâles et 4femelles) sont formés àpartir
decouples
d’animauxchoisis dans une même portée, de même sexe, de
poids
initialcomparable (en
moyenne zj kg) etreçoivent jusqu’à
90kg depoids
vif :- soit un
régime
dont le taux deprotéines
est maintenuégal
à 16 p. joapendant
toute lacroissance
(lot
IB),- soit un
régime
renfermant un taux décroissant deprotéines, correspondant
aux normes éta- blies antérieurement : respectivement 16, 14 et 12 p. ioo dans les intervalles depoids
25-45kg,
45-68
kg
et 68-90kg (lot Ha).
Comme dans
l’expérience
A, les animaux sont élevés et nourris individuellement suivant la méthode semi-ad libitum. Ils sontpesés
une fois par semaine et, à partir de 60kg
depoids
vif, onprocède
tous les 14jours
à la mesure del’épaisseur
du lard au dos et au rein à l’aide des ultrasons,selon une
technique
décrite par Du:!orr2 et FÉVRIER( 1957 ).
Al’abattage,
les mêmes mesures queprécédemment
sont effectuées sur les carcasses.RESULTATS Expévience
AAfin de
permettre
unecomparaison
avecl’expérience B,
les résultatsgénéraux
de
l’expérience
A sont donnés pour les troispériodes
24-45,45 -68
et68-go kg
depoids
vif(tabl. 2 ). Quel
que soit l’intervalle depoids considéré,
l’élévation du taux de matières azotées de 16 à 24 p. 100 n’exerce aucune influencesignificative
sur lavitesse de
croissance,
la consommation de nourriture et l’indice de consommation.De même en ce
qui
concerne le sexe, lesperformances
observées ne sont passignifi-
cativement
différentes ; cependant,
l’indice de consommation a tendance à êtreplus
faible chez les femelles que chez les mâles castrés
(seuil o,io).
Pas
plus
que pour lacroissance,
la variation du taux azoté ne provoque de modi- fication de lacomposition corporelle quel
que soit le critèreenvisagé (tabl. 3 ).
Tou-tefois,
si l’on considère l’effet propre du sexe, on constate que non seulement les femelles sontplus maigres
que les mâlescastrés,
maisqu’elles réagissent
différem-ment de ces derniers à l’élévation du taux azoté.
Ainsi,
dans le cas des mâlescastrés,
les
pourcentages
de «jambon
-f-longe
» et de « bardière -i- panne » ne varient pra-tiquement
paslorsque
s’élève le taux azoté. Par contre, chez lesfemelles,
le pour-centage
de «jambon
-!-longe
» suit une évolutionparabolique
en fonction du taux azoté avec un maximum pour 20 p. 100 deprotéines,
tandis que lepourcentage
de« bardière -f- panne » décroît d’une
façon quasi
linéairelorsque
le taux deprotéines augmente.
Remarquons
enfinqu’au
niveau des organes l’élévation du taux deprotéines
de 16 à 24 p. 100 se traduit par une
hypertrophie significative
dufoie,
tandis que les reins sontégalement
affectés.Quant
à la rate, sonpoids
n’est pas modifié par leniveau
azoté,
mais elleapparaît plus développée
chez les femelles que chez les mâles.Expérience
BL’examen des résultats de
l’expérience
B(tabl. 4 )
faitapparaître
unegrande
similitude entre les deux
lots, quels
que soient le stade de la croissance et le critèreenvisagé.
Il en est ainsi de la vitesse decroissance,
de l’indice de consommation et de laqualité
des carcasses. En raison du faible nombre de femelles parrapport
auxmâles,
il n’a pas étépossible
deprendre
en considération le sexe dans l’étude de l’in- teraction entre ce facteur et le taux azoté.Afin d’étudier l’évolution de
l’adiposité
en fonction du taux azoté ou du sexe au cours de lacroissance,
il a étéprocédé
àl’analyse
de larégression
del’épaisseur
du lard dorsal mesurée aux ultrasons sur le
logarithme
dupoids
vif moyen par animalet par
quinzaine, puisque
cette transformationpermet
d’obtenir une relation linéaire entre les deuxparamètres
considérés(O LLIVIER , i 9 6 5 ).
Comme le montre le tableau6,
lespentes
des droites derégression
ne sont passignificativement
différentes entreelles,
selon que l’on considère le taux azoté ou le sexe.Cependant
la vitesse d’accrois- sement del’épaisseur
du lard chez les femelles a tendance à êtreplus
faible que chez les mâles castrés. Il est intéressant de noterégalement
quel’épaisseur
du lard ainsi estimée à l’aide des ultrasons est en relation étroite avec celle mesurée directementsur la carcasse, le coefficient de corrélation étant
égal
à0 ,8 7 .
DISCUSSION
Les résultats obtenus au cours de ces deux
expériences
sont enparfait
accordavec les conclusions de notre
première
étude sur le besoin azoté du Porc en croissance(RÉ RA
T
etHENRY, ig6 4 ),
à savoir que le tauxoptimum
deprotéines
depoisson
pourla croissance est de 16 p. 100 entre 20 et 45
kg
depoids vif,
14 p. 100 entre 45 et 68kg
et 12p. 100entre 68 et gokg.
Cette constatation doit êtrecependant tempérée compte
tenu de la vitesse de croissance réduite des animaux(6 00 g/j
entre 2o etgo
kg
depoids
vif dansl’expérience
A et 660 g dansl’expérience B,
contre 70o g dans l’étudeantérieure).
Les raisons de cette différence nouséchappent.
Parmicelles-ci on
pourrait invoquer
laqualité
du lot de farine depoisson qui,
dans le casconsidéré, provenait
d’une fabrication différente.La valeur
énergétique
durégime
utilisé est relativementélevée ;
si l’on se réfèreà des résultats
publiés
par ailleurs(HENRY, 19 66),
ce dernier renferme 394o kcaldigestibles
parkg
de matièresèche,
soit 350o kcaldigestibles
environ parkg
d’ali-ment. Dans ces
conditions,
étant donné que le coefficient d’utilisationdigestive
desprotéines
depoisson
a été trouvéégal
à8 7
p. 100 dans notreprécédente étude,
lebesoin
azoté, rapporté
à une farine depoisson
deréférence, peut
être estimé à 40
, 35 et 30 g de matières azotées
digestibles
pour i ooo kcaldigestibles
au coursdes trois
périodes
considérées et ceci dans les conditions d’alimentation semi-ad libitum.Par
ailleurs,
si l’onprend
en considération lescaractéristiques
decomposition corporelle,
ons’aperçoit
que l’élévation du taux deprotéines
au-delà du besoin pourune croissance maximum
n’apporte pratiquement
aucune améliorationsupplémen-
taire de la
qualité
des carcasses, les matières azotéesingérées
en excès parrapport
aux
possibilités
deprotéinogenèse
étant utilisées à des finsénergétiques.
Il convientcependant
de nuancer cette observationcompte
tenu de l’interaction entre le sexeet le taux azoté. En
effet,
les normes trouvées pour le besoin azotés’appliquent
àun nombre
égal
de mâles castrés et de femelles parlot,
tandis que les valeurs de réten- tion azotée ont été obtenuesuniquement
sur des mâles castrés. Or, il est établi que les femellesprésentent
une rétention azotéesupérieure
à celle observée chez les mâles castrés(Woonwnrr
etal., zg3!),
cequi
se traduit par unpourcentage plus
élevé demorceaux
maigres
dans la carcasse. Il en résulte que, sur leplan pratique,
ilpeut
être avantageux d’utiliser desrégimes
riches enprotéines,
mais seulement chez lesfemelles,
si l’on désire une amélioration de laqualité
des carcasses. Dans un même ordred’idée,
il conviendraitd’adopter
des normes azotées différentes pour les mâles castrés et les femelles comme cela a étéproposé
par d’autres auteurs(Rol3i!Nso!N, ig66). Etant
donné par ailleurs que les mâles entiersprésentent
uneadiposité
com-parable
à celle des femelles(W AGNER
etal., 19 ( 3 ),
ilapparaît
que les différences observées dans la conformation des carcasses sont laconséquence
directe de la cas-tration,
et onpeut
se demander si une telleopération
estbénéfique
pour l’obtention d’un rendementoptimum
en viande.Un deuxième
point
mérite d’êtresignalé :
il a souvent été fait état de désordresprovoqués
par l’administration au porc derégimes
riches à l’excès de matières azo- tées.Ainsi,
un certain nombred’auteurs,
dont WooDM.!x etal., ( 193 6),
KElTH etMWt,ER
( 1940 ),
ROBISON( 1940 ),
TERRII,I, etal., ( 1952 ),
ontobservé,
au-delà d’un certain taux deprotéines (par exemple
25 p. 100 d’unrégime composé
de maïs etde tourteau de
soja),
unedépression
sensible de la vitesse de croissance et de l’effi- cacitéalimentaire ;
cettedépression
estaccompagnée
de diarrhéespersistantes,
d’autant
plus
graves que le taux azoté estplus élevé,
en mêmetemps qu’apparaît
une
hypertrophie
desreins,
du foie et de la rate. I>ans le casprésent,
il n’a pas été constaté d’effet défavorable sur la croissance ni sur l’indice deconsommation ;
cepen-dant, l’hypertrophie
du foie observée dans le lot renfermant 24 p. 100 deprotéines
semble
indiquer
une action néfaste d’un taux azoté excessif.Quoi qu’il
ensoit,
dans la limite des tauxutilisés,
on nepeut
pas conclure à une toxicité éventuelle des ma- tières azotées fournies en excès.Reçu pour
pu6licatiorc
en mars i9G7.SUMMARY
NITROGEN REQUIREMENT OF TIIE GROBB’ING PIG.
2
. UTILIZATION OF FISHMEAL IN AMOUNTS IN EXCESS OF PROTEIN REQUIREMENT Two successive
experiments
were done on the variation of the amount ofherringmeal
in dietsfor
growing pigs
between 20and gokg liveweight.
In the firstexperiment (A)
3 groups of 15pigs
were
given
diets with 16, 20 or z4per cent total crudeprotein,
and in the second(B)
2 groupsof 14were
compared ;
for one theprotein
content was maintained at1 6 per cent during the
wholeperiod
ofgrowth
and for the other it was reduced from r6 per cent to 14per cent between 45 and 68kg
and to 12 per cent from 68 to go kg,according
to the standardspreviously
established forprotein requirement.
Thepigs
wereLarge
White.They
were reared in individual pens andgiven
as much as
they
would eat in 3 feeds of 20 minutesdaily.
Results of
experiment
A showed that increase of fishprotein
above 16 per cent did notgive
any
improvement
in growth orefficiency
of feed utilisation. However, if bodycomposition
is consi- dered, it can be seen that theprotein
content necessary to give lean carcases ishigher
in femalesthan in castrated males. From the mean results in
experiment
B it seemed that theprotein requi-
rement for
growth
was 16, 14and 12per cent in therespective
intervals from 20to 45, from 45to 68 and from 68 to go kg,corresponding
to 45, 35 and 3o gdigestible
crudeprotein
from fish per i ooo kcaldigestible
energy, in the conditions of ad libitumfeeding
as in thisexperiment.
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