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La déqualification professionnelle à genève : quelle intégration socioprofessionnelle pour les migrant-es hautement qualifié-es ?

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Academic year: 2022

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Master

Reference

La déqualification professionnelle à genève : quelle intégration socioprofessionnelle pour les migrant-es hautement qualifié-es ?

EL BAHJA, Reda

Abstract

Depuis la fin du XXème siècle, nous assistons en Suisse et dans les pays membres de l'OCDE à une évolution de l'immigration. En effet le secteur tertiaire a pris une grande ampleur dans l'économie, ce qui a provoqué une modification de l'immigration de travail. Les besoins en main d'œuvre peu qualifiée ont diminué et pour répondre aux nouveaux besoins de son économie, la Suisse fait désormais appel à une main d'œuvre étrangère hautement qualifiée. Parmi ces immigrant-es, certain-es ont du mal à s'insérer dans le marché du travail et subissent une déqualification professionnelle. Quelles sont les causes de la déqualification professionnelle ? Quelles sont les stratégies mises en place par les immigrant-es pour se sortir de cette situation ? Ce travail tente de répondre à ces questions en se basant sur le témoignage de dix personnes résidant à Genève.

EL BAHJA, Reda. La déqualification professionnelle à genève : quelle intégration socioprofessionnelle pour les migrant-es hautement qualifié-es ?. Master : Univ.

Genève, 2021

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:147176

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LA DÉQUALIFICATION PROFESSIONNELLE À GENÈVE : QUELLE INTÉGRATION SOCIOPROFESSIONNELLE POUR LES MIGRANT-ES

HAUTEMENT QUALIFIÉ-ES ?

Mémoire de Maîtrise Universitaire en Socioéconomie

Reda El Bahja

Sous la direction du Pr. Philippe Wanner

Janvier 2021

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REMERCIEMENTS

Je tiens tout d’abord à remercier le Pr. Philippe Wanner pour sa disponibilité et ses précieux conseils qui m’ont permis de réaliser ce travail.

Je souhaite également remercier Mme. Sarah Gamblin de l’association Découvrir, Mr. Yann Grand de l’association Genèveroule, ainsi que mon ami Didier Ngabonziza, pour leur aide et leur disponibilité. Je remercie aussi infiniment les personnes qui ont accepté de s’entretenir avec moi, sans qui ce travail n’aurait pu aboutir. Je leur souhaite beaucoup de réussite pour la suite.

Pour finir, je remercie ma famille et mes amis pour leur soutien et leur patience tout le long du master.

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TABLE DES MATIÈRES

INTRODUCTION ... 4

1. CADRE THÉORIQUE ... 6

1.1. DÉFINITIONS ... 6

1.1.1. LA NOTION DE COMPÉTENCE ... 6

1.1.2. L’ÉVALUATION DES COMPÉTENCES ... 7

1.1.3. LE PROCESSUS D’ADAPTATION ... 7

1.1.4. LE MÉCANISME DE DEQUALIFICATION/QUALIFICATION ... 8

1.2. L’INTEGRATION SOCIOPROFESSIONNELLE ... 9

1.3. QUELQUES ÉTUDES DE CAS ... 11

1.4. LA POLITIQUE D’INTÉGRATION EN SUISSE ... 15

1.4.1. BREF HISTORIQUE ... 15

1.4.2. LA POLITIQUE D’INTÉGRATION AUJOURD’HUI ... 19

1.4.3. LE CAS DE GENÈVE ... 21

2. PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE ... 24

3. CADRE MÉTHODOLOGIQUE ... 26

3.1. LES ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFS ... 26

3.2. LE DÉROULEMENT DE L’ENQUÊTE ... 27

3.3. LE PROFIL DES PARTICIPANT-ES ... 28

4. ANALYSE ... 34

4.1 LES CAUSES ... 34

4.1.1. LE STATUT JURIDIQUE ... 34

4.1.2. LE MODE D’ENTRÉE À GENÈVE ... 37

4.1.3. LA NON-RECONNAISSANCE DU DIPLÔME... 38

4.1.4. LE MANQUE DE RÉSEAU PROFESSIONNEL ... 41

4.2. LES STRATÉGIES D’INTÉGRATION ... 43

4.2.1. L’AMÉLIORATION DES COMPÉTENCES OU LA REQUALIFICATION ... 43

4.2.2. L’ENTREPRENARIAT ... 44

4.2.3. LE TRAVAIL ASSOCIATIF ET LE BÉNÉVOLAT ... 46

4.2.4. ACCEPTATION DE LA DÉQUALIFICATION ET RELATIVISATION ... 47

4.3. SYNTHÈSE DE L’ANALYSE ... 49

CONCLUSION ... 52

BIBLIOGRAPHIE ... 54

ANNEXE ... 59

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INTRODUCTION

Depuis la fin du XXème siècle, nous assistons en Suisse et dans les pays membres de l’OCDE à une évolution de l’immigration. En effet le secteur tertiaire a pris une grande ampleur dans l’économie, ce qui a provoqué une modification de l’immigration de travail. Les besoins en main d’œuvre peu qualifiée ont diminué et pour répondre aux nouveaux besoins de son économie, la Suisse a fait appel à une main d’œuvre étrangère hautement qualifiée (Wanner et Steiner, 2018).

D’après l’étude de Wanner et Steiner (2018), nous sommes passés d’un effectif de 30'000 personnes étrangères hautement qualifiées en 1991, à 70'000 en 2008.

Parmi ces immigrant-es hautement qualifié-es, certain-es ont du mal à s’insérer dans le marché du travail et subissent une déqualification professionnelle. Cette dernière se définit par une inadéquation entre l’emploi occupé et le niveau de formation, l’emploi étant à un niveau inférieur aux compétences acquises. Ce gaspillage de cerveaux est non seulement dommage pour la personne déqualifiée, mais également pour la société dans laquelle elle réside car elle ne profite pas de son expertise. Les individus venant de pays hors OCDE ont plus de risque d’être touchés par ce phénomène et ce pour plusieurs raisons.

Cette recherche se base sur dix entretiens menés avec des immigrant-es hautement qualifié-es et résidant à Genève. L’échantillon étant petit, l’étude n’a pas pour but d’être représentative de la situation des personnes déqualifiées. Il s’agit ici d’avoir une idée des difficultés que rencontrent ces personnes au niveau de leur intégration socioprofessionnelle et les mettre en lumière avec le contexte suisse et genevois en particulier. Nous tenterons de comprendre les causes qui conduisent à une déqualification professionnelle, ainsi que les stratégies mises en place par les personnes interrogées pour sortir de cette situation. Le premier chapitre sera consacré au cadre théorique, présentant différentes études sur le sujet, ainsi que la politique d’intégration en Suisse et à Genève. Le second chapitre présentera la problématique et les questions que nous nous posons, que nous tenterons de répondre à travers l’analyse (chapitre 4). Dans le troisième chapitre, nous présenterons la méthodologie en expliquant comment nous avons préparé nos entretiens, le déroulement de l’enquête ainsi que le profil des individus constituant notre

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échantillon. S’en suivra l’analyse des entretiens, en nous basant sur les thèmes clés qui en sont ressortis, et ainsi répondre à nos questions de recherche. Nous conclurons cette étude en revenant sur la question générale et en proposant quelques mesures d’aide à l’intégration professionnelle.

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1. CADRE THÉORIQUE

1.1. DÉFINITIONS

Afin de mieux saisir le phénomène de déqualification, nous allons tout d’abord poser quelques éléments théoriques. Pour cela, nous mobiliserons certaines notions liées aux compétences professionnelles en prenant pour cible les personnes immigrantes. En effet c’est dans le contexte de la migration, et tout ce que cela engendre comme changement chez les migrant-es, que la déqualification professionnelle nous intéresse.

1.1.1. LA NOTION DE COMPÉTENCE

La compétence est une notion difficilement définissable tant elle est utilisée dans différentes disciplines et pas toujours avec le même sens (Berset et al., 1999). Il est donc important d’en donner une signification bien précise afin de comprendre de quoi nous allons discuter et ainsi voire comment ces compétences sont reconnues.

Le sociologue Guy Le Boterf (1995) propose une définition intéressante de la compétence : « La compétence est la mobilisation ou l’activation de plusieurs savoirs, dans une situation et un contexte données ». Il s’agit donc d’un acte se déroulant dans un lieu et une période spécifique.

De ce fait, le capital humain, c’est-à-dire les connaissances acquises, le savoir-faire ou encore l’expérience, ne suffisent pas pour définir une personne compétente. Le contexte est une dimension nécessaire de la compétence. En effet ce capital humain doit pouvoir être activé de manière adéquate dans une situation donnée (Berset et al., 1999).

Nous pouvons ainsi soutenir que la compétence n’est pas un simple assemblage de tous les savoirs qu’individu acquiert au cours de sa formation et de ses expériences. Il faut également avoir la capacité de les mobiliser de manière adaptée au contexte.

Maintenant que nous avons donné une définition des compétences, nous comprenons que ces dernières ont tendance à s’associer avec des performances, observées et mises en œuvre (Berset

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et al., 1999). Cependant les compétences ne s’arrêtent pas à ce cadre, elles dépendent également d’une reconnaissance ou jugement de celles-ci (Eymard, 1997). Il est donc important de se poser la question sur l’évaluation des compétences, comment elles sont jugées.

1.1.2. L’ÉVALUATION DES COMPÉTENCES

Si ces compétences sont jugées par l’employeur, il ne faut pas oublier qu’elles le sont en premier lieu par le-a potentiel-le futur-e employé-e. En effet ce-tte dernier-ère procède à son auto- évaluation et met en avant les qualités qu’il-elle va fournir à son futur employeur. Autrement dit, il-elle s’autocrédite de compétences avant de les offrir (Berset et al., 1999).

Enfin, étant donné que les compétences ne peuvent être validées qu’à travers les actes, les individus en charge du jugement ne sont pas toujours présents pour attester directement des performances d’un-e employé-e. Berset et al. (1999) évoquent une discrimination dans la manière dont les critères de jugement vont être sélectionnés car il n’est pas possible d’en mobiliser une quantité infinie. C’est d’autant plus préjudiciable car nous savons désormais que les compétences sont un amalgame complexe de connaissances et qualités.

Concernant les travailleur-ses immigrant-es, Berset et al. (1999) supposent que cette reconnaissance est liée au processus d’adaptation entre ces personnes et leur environnement de travail. Ce processus peut être de différentes natures : sociale, culturelle, économique et/ou occupationnelle, c’est-à-dire la reconnaissance et la réalisation des compétences professionnelles (Bolzman, 1996).

1.1.3. LE PROCESSUS D’ADAPTATION

L’adaptation occupationnelle, décrite comme un « processus de production de réponses aux attentes et aux caractéristiques du travailleur immigrant et du contexte de travail » (Berset et al.

1999, p.90), montre une aptitude des individus à exporter des compétences acquises dans le marché du travail du nouveau pays de résidence. Cela dit, le processus d’adaptation ne peut pas venir uniquement d’un côté. Il ne suffit pas d’accepter tout ce qu’on leur demande. Les travailleur-es immigrant-es doivent être capable de négocier et amener la partie demandeuse

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d’emploi à faire également des efforts nécessaires pour les intégrer et pour que tous les acteurs y trouvent leur compte.

En d’autres termes, le processus d’adaptation va dépendre d’un côté de l’entreprise, de ses besoins et de ses contraintes économiques, et de l’autre, le-a travaillleur-se immigrant-e, de son identité, de ses compétences et de ses objectifs professionnels (Berset et al., 1999). Ces deux parties vont entrer dans un jeu de négociation qui résultera sur une reconnaissance ou non des compétences (et de sa mise en pratique) du travailleur-se immigrant-e. Cette reconnaissance sera, comme dit précédemment, remise à jour régulièrement.

1.1.4. LE MÉCANISME DE DEQUALIFICATION/QUALIFICATION

Si la déqualification professionnelle est définie comme le fait d’occuper un emploi qui ne correspond pas aux compétences acquises, nous pouvons également la voir comme un mécanisme qui se met en place progressivement. Le sociologue François Dubet (1994) dépeint le- a travailleur-se immigrant-e sous différentes dimensions. Tout d’abord l’identité personnelle, qui est l’image qu’il-elle se fait de lui-elle-même en fonction de l’âge, le sexe et la nationalité, puis de manière plus approfondie, sa personnalité, sa culture ou encore son parcours de vie. Arrive ensuite son projet et comment il-elle va le réaliser. Et finalement entre en jeu sa capacité à mettre en valeur son identité et à défendre son projet.

Si nous faisons le lien avec ce que disent Berset et al. (1999), l’identité et le projet sont deux dimensions qui interviennent dans l’offre de compétences professionnelles, alors que la faculté à promouvoir un projet entre en action lors du processus d’adaptation et de la négociation.

Comme le-a futur-e employé-e reconnaît en lui-même des compétences avant de les offrir, il est important de voir comment un changement de pays et tout ce que cela implique (professionnellement et culturellement), va influencer le-a travailleur-se immigrant-e dans cette

« auto-reconnaissance ». En effet la migration peut être qualifiante ou déqualifiante en fonction de la capacité à mobiliser les compétences que le-a travailleur-se immigrant-e se reconnaît, mais aussi la capacité à prendre conscience de certaines qualités qui n’étaient jusque-là pas

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considérées comme des compétences dans le pays d’origine car à priori non pertinentes, mais que la migration a permis de modifier cela (ex : connaissances linguistiques). Certaines connaissances peuvent donc, de par leur rareté dans le pays d’accueil, entrer dans la sphère économique et devenir des compétences professionnelles (Berset et al., 1999).

Ces connaissances sont à l’origine une partie intégrante de l’identité du travailleur-se immigrant- e. Il peut donc être difficile pour certain-nes de les mobiliser et d’en faire une ressource à exploiter afin de défendre son projet professionnel post immigration. Berset et al. (1999) parlent ici d’une mise à distance nécessaire de l’identité culturelle pour que cette dernière puisse être transformée en ressource professionnelle. Ils expliquent également que plus une identité culturelle est forte, moins elle est mobilisée sur le marché du travail. Cela signifie aussi que plus un-e immirgrant-e est détaché-e de ses racines, plus il sera apte à mettre ses dernières en valeur et à les instrumentaliser à des fins professionnelles. Nous comprenons donc que de cette mise à distance de l’identité culturelle, dépend en partie la réussite ou non du projet du travailleur-se immigrant- e. Le processus d’immigration peut souvent être une source de discrimination de l’identité culturelle du migrant-e si celle-ci n’est pas mise en valeur sur le marché du travail.

1.2. L’INTEGRATION SOCIOPROFESSIONNELLE

Dans la théorie du développement de l’adulte que Levinson et al. (1978) ont présenté, la perspective adaptative des individus prend une grande place car nous sommes tous amenés à interagir avec notre environnement. En d’autres termes, les comportements humains sont régis en partie par des facteurs externes. Ces interactions avec le monde extérieur permettent le développement personnel des individus pour arriver progressivement à maturation. C’est sur ce processus de maturation que Levinson et al. (1978) focalisent leur analyse.

Pour ces chercheurs, de ce processus progressif en découle la notion de transition. L’être humain passe par des étapes de transition et de stabilité. Durant les phases de transition, il se décompose en quelque sorte car il vit une période trouble avec beaucoup de changement. Ces différentes expériences d’instabilité poussent l’individu à s’adapter à la nouvelle situation. C’est en faisant

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des concessions avec ce qui le caractérise (âge, sexe, culture, personnalité etc.) qu’il-elle fait face aux pressions extérieures.

Sachant que le travail offre un statut et un rôle social au quotidien, et une certaine qualité de vie, la théorie du développement de Levinson et al. (1978) en fait un point central d’analyse. Il nous est expliqué que l’intégration socioprofessionnelle se situe dans une phase de transition où l’individu procède à des modifications personnelles pour faire face au marché du travail et s’y ajuster. Cette période de transition commence par des choix et/ou expériences professionnels non satisfaisantes, et se poursuivent par des remises en question et une réadaptation face à la réalité extérieure. En résumé, l’individu passe par cette période trouble durant laquelle il opère des choix, les teste en occupant des emplois avec des contrats à durées déterminées, puis arrive le moment où il réussit à trouver un emploi stable. Nous pouvons en conclure que l’intégration socioprofessionnelle est réussie une fois que la dernière étape est accomplie et que l’individu ait obtenu un emploi qui lui correspond. Par contre cet état peut ne pas être définitif. En effet les entretiens menés ont montré que certaines personnes avaient réussi à trouver un emploi correspondant au domaine étudié mais n’ont pas pu y perdurer. Mais l’idée est que l’intégration socioprofessionnelle, au même titre que l’intégration au sens large, est un long processus durant lequel l’individu procède à des ajustements en fonction de ce que lui offre la société d’accueil (Wanner et al., 2002).

Ce qui nous intéresse dans ce travail, c’est l’intégration socioprofessionnelle des immigrant-es qualifié-es dans les pays développés telles que la Suisse et Genève. En plus de pouvoir subvenir à ses besoins, le travail permet le développement et la réalisation de soi. Elle a aussi un caractère social car elle permet de se sentir intégré auprès des collègues et dans la société. Fournier et al.

(1992) nous expliquent qu’un individu terminant ses études et entrant dans le marché du travail, peut connaître une suite de faux départ jusqu’à trouver ce qui lui convient après un réajustement personnel. Cette évolution peut en réalité être continuelle pour différentes raisons : des changements dans la vie personnelle, dans le travail ou encore des formations continues qui interviennent tout au long de la carrière (Gauthier, 2016).

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Concernant les personnes immigrantes, l’intégration socioprofessionnelle commence en réalité avant d’immigrer, lors de sa préparation. Elles vont émettre des attentes quant à leur nouvelle vie et ce processus d’intégration va se poursuivre lorsqu’elles se seront établies dans le pays d’accueil (Béji et Pellerin, 2015). La langue, les premières interactions avec les personnes de même origine et la communauté d’accueil, et la recherche d’un logement auront une influence sur ces attentes et les stratégies optées pour une intégration sociale et professionnelle réussie (Gauthier, 2016). Dans cette étude, nous nous intéresseront justement aux stratégies d’intégration élaborées par les personnes immigrantes qualifiées car elles jouent un rôle essentiel dans leur insertion socioprofessionnelle.

Ce processus d’intégration aboutit dans le meilleur des cas sur une participation des personnes immigrantes à des cadres autres que professionnels de manière à ce qu’elles se sentent appartenir à la société d’accueil (Béji et Pellerin, 2010). Cela peut concerner la vie sociale, politique et culturelle. Les personnes immigrantes vont créer des liens avec les membres de la société d’accueil et développer et ainsi la diversité des relations sociales sera encouragée (Bérry et al., 2011). Cela signifie également que tous ces efforts d’ajustement à la société d’accueil sont possibles parce que ce nouveau milieu incorpore les personnes immigrantes en son sein (Gauthier, 2016). L’intégration socioprofessionnelle demande donc des efforts à la fois des personnes immigrantes et de la société dans laquelle elles se sont établies (Schnapper, 2007).

1.3. QUELQUES ÉTUDES DE CAS

A la lumière des études menées sur la question de l’intégration socioprofessionnelle, nous pouvons constater que l’aspect économique est intimement lié au social (Chicha et Charest, 2008). La dimension professionnelle joue un rôle essentiel dans la vie sociale des personnes immigrantes (Fortin, 2002). Nous voyons donc que le travail n’a pas uniquement une fonction rémunératrice, mais permet l’existence dans la sphère sociale et une certaine reconnaissance (Lallement, 2007 ; Misiorowska, 2011).

L’étude menée par la chercheure Marie-Jeanne Blain (2005) trace le parcours d’immigrants-es colombien-nes dans les Laurentides (Québec) ayant vécu une déqualification professionnelle. Elle

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s’intéresse notamment à l’agentivité de ces personnes face à la déqualification et met en avant l’existence d’une multitude d’expériences diverses. L’auteure analyse également les stratégies identitaires mises en place. Elle remarque que certain-nes vont redéfinir l’image qu’ils-elles avaient d’eux-elles-même afin de donner un sens à leur présence au Canada et l’accès à un emploi. Cela va se traduire par de nouvelles sources de valorisation de soi. D’autres vont tenter de maintenir leur image en ne côtoyant que des personnes avec qui leur statut initial demeure inchangé.

Cet article nous aide donc à réaliser que la déqualification professionnelle n’est pas toujours vécue de manière négative car elle permet à ceux qui la vivent de mettre en place une stratégie afin de vaincre cette difficulté. Cette agentivité leur permet de prendre du recul sur cette expérience et d’en saisir les raisons. Après un travail introspectif et une compréhension du contexte (social, économique, culturel, politique etc.), les personnes immigrantes vont chercher des solutions adaptées. Il s’agit bien ici de la « mise à distance » développée par Berset et al.

(1999), et que nous avons tenté d’expliquer précédemment. Pour conclure, Blain (2005) remarque que la période de déqualification professionnelle peut être vécue de bien des manières selon les valeurs des personnes immigrantes, leurs attentes ou encore le parcours migratoire.

Célia Rojas-Viger, médecin généraliste et anthropologue, a mené une enquête en 2006 portant sur les femmes sud-américaines qui ont immigré à Montréal et qui ont tentées de s’insérer dans le milieu académique. Cette étude se basant sur l’expérience subjective de ces femmes, se concentre sur la perception qu’elles ont de leurs conditions d’insertion. Elles avaient de grandes attentes quant à leur intégration socioprofessionnelle, pensant qu’elles allaient pouvoir trouver relativement vite un emploi dans la recherche ou dans un autre domaine, tant que cela leur correspondait. Malheureusement beaucoup d’entre elles n’ont pas réussi à trouver une place qui les satisfaisait, notamment à cause de leurs diplômes non reconnus. Leurs récits montrent également que malgré un réseau crée et une détermination, cela ne porte pas ces fruits. Cette réalité montre que tous les facteurs d’intégration ne dépendent pas uniquement des acteurs concernés.

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L’étude de Myriam Hachimi Alaoui (2006) sur des migrant-es algérien-nes à Montréal met en lumière la perception que se font ses dernier-ères sur la déqualification professionnelle vécue. Il y a ceux qui la vivent positivement et ceux qui la voient de façon négative. La première catégorie accepte son sort la considère comme une étape normale de l’immigration, tandis que pour la seconde, la déqualification professionnelle provoque une profonde désillusion. Elle est vécue selon l’interprétation que chacun-e se fait de cette expérience, en fonction de quatre dimensions : « la signification du départ et le rapport à l’Algérie, l’intégration professionnelle, le rapport aux installés et le rapport à soi » (Hachimi Alaoui, 2006, p.112).

Riaño et Baghdadi (2007) ont également mené une enquête sur 57 femmes immigrantes en Suisse possédant des qualifications du niveau tertiaire. Malgré une volonté de la Suisse de favoriser une immigration qualifiée en pensant qu’elle s’intégrerait plus facilement, Riaño et Baghdadi démontrent que cette idée est infondée. À travers une enquête empirique, elles découvrent ce que ces femmes font pour améliorer leur situation tout en élaborant des recommandations en direction des différentes institutions concernées par la question de l’intégration, afin de soutenir ces immigrantes qualifiées.

Ces études que nous avons résumées ont été sélectionnées parce qu’elles sont d’ordre qualitative. Elles redonnent une place centrale aux récits des travailleur-ses immigrant-es afin de comprendre réellement les obstacles auxquels ils-elles font face et quelles sont les actions stratégiques employées dans ce processus d’intégration socioprofessionnelle. Malgré tout, définir une intégration socioprofessionnelle réussie à partir des récits des acteurs reste une tâche difficile. À travers la prochaine étude comment une intégration réussie peut être définie à partir d’avis subjectifs différents.

Selon McAll (1996), spécialiste des inégalités sociales, il existe une différence entre la perception d’une intégration réussie chez les personnes immigrantes et la société d’accueil. Les deux n’ont généralement pas la même vision et il est important de le souligner. En effet, McAll remarque dans son étude que pour les personnes immigrantes, une réussite professionnelle correspond à l’obtention d’un emploi satisfaisant leurs attentes. La société d’accueil est moins « exigeante » en définissant cette réussite par l’obtention d’un emploi rémunéré. McAll note également qu’il y a

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deux types de migrant-es dans son échantillon : ceux et celles qui ont fait de longues études pour augmenter les chances de s’intégrer, et les autres qui ont beaucoup travaillé sans faire d’études.

Dans les deux cas les personnes immigrantes goûtent au sentiment d’échec lorsqu’ils ne trouvent pas un emploi correspondant à leur projet initial. Cela dit, juger d’une intégration socioprofessionnelle, réussie ou non, à court terme serait une erreur. Comme nous l’avons mentionné plus haut, passer par une situation professionnelle précaire peut être une étape pour un meilleur avenir. L’inverse existe également.

Nous constatons ici qu’il est difficile de répondre à la question : « Qu’est-ce qu’une intégration socioprofessionnelle réussie ? ». La réponse dépendra de la vision subjective de chacun, probablement influencée par le contexte socioéconomique, la santé et le cadre de vie (ex : célibataire, regroupement familial etc.).

L’étude de Sophie Vause (2011), portant sur la mobilité des immigrant-es congolais-ses en Belgique confirme ce que McAll (1996) nous dit. En effet pour beaucoup de congolais-ses, tant qu’ils-elles obtiennent un travail, même s’il exige un niveau de qualification inférieur au leur, voire précaire, est toujours mieux que d’être sans emploi. Pour ces personnes immigrantes, le plus important dans un premier temps est de pouvoir subvenir à leurs besoins et ceux de la famille, et de montrer aussi une volonté de s’insérer.

Pour terminer, ces études montrent qu’une intégration socioprofessionnelle réussie est définie par les acteurs-rices selon le projet personnel et professionnel qu’ils-elles ont mis en place avant l’immigration (Misiorowska, 2011). De ce projet en découle donc des objectifs, des attentes et des valeurs qui vont déteindre sur la perception de leur situation et leur donner un niveau de satisfaction. Nous voyons donc l’importance de la subjectivité dans la définition d’une intégration socioprofessionnelle réussie. Il est donc très difficile d’en sortir une définition claire et qui fasse consensus. De plus, si nous prenons en compte également les attentes de la société d’accueil, il peut y avoir une différence non négligeable.

Il existe d’autres études autour du thème la déqualification professionnelle. Nous remarquons ici que beaucoup de recherches ont été menées au Canada. En effet depuis une quinzaine d’années,

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l’intérêt pour ce thème a pris une grande ampleur et cela peut être expliqué par l’évolution des besoins en mains d’œuvre hautement qualifiée dans les pays à forte immigration. En Suisse nous pouvons souligner les travaux de Chicha et Deraedt (2009) traitant des migrantes déqualifiées à Genève et les causes menant à cette situation. Berthoud (2012) a également travaillé sur le sujet dans le but de mieux comprendre le processus de déqualification à travers des entretiens. Nous pouvons également évoquer les nombreux travaux d’ordre quantitatif de Wanner et al. (2002), Wanner (2004), Gerber et Wanner (2019), Bolzman (2007), Piguet et Besson (2005) ou encore Bertrand (2017). Cette recherche a pour but de comprendre les causes de la déqualification et à travers d’entretiens, et voir ce que font les individus pour améliorer leur situation.

1.4. LA POLITIQUE D’INTÉGRATION EN SUISSE

La Suisse est connue pour être une terre d’accueil pour les migrant-es et pour avoir une longue tradition humanitaire. Cette réputation est fortement liée aux actions de la Croix Rouge notamment (Parini, 1997). Bien que cela soit vrai, la Suisse n’a commencé à mettre en place une politique d’intégration qu’à partir des années 2000. Si nous reprenons brièvement l’histoire de l’immigration en Suisse depuis la seconde moitié du XXème siècle, nous pouvons remarquer la mise en œuvre de deux systèmes, à savoir une politique de rotation suivie d’une politique de quotas, avant de voir la naissance d’une réelle politique accordant de l’importance à l’intégration des étrangers. Nous allons donc faire dans ce chapitre un bref historique de la politique d’intégration suisse, pour ainsi voir son évolution et où se situe la Suisse aujourd’hui à ce sujet.

1.4.1. BREF HISTORIQUE

À partir de 1945 des négociations avec les États voisins sont entamées et en 1948 un accord fut trouvé avec l’Italie sur une gestion du flux des migrant-es et permettant un retour au pays en tout temps (Niederberger, 2005). Nous assistons là à la naissance d’une politique migratoire de rotation qui autorise l’arrivée de travailleurs saisonniers étrangers. Cette politique se base donc sur une migration temporaire. Les migrant-es obtiennent un permis de séjour annuel renouvelable et après dix années passées sur le sol suisse un permis d’établissement peut leur être accordé (D’Amato, 2008).

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Durant les années 1960, de fortes tensions vont se faire ressentir en Suisse à différents niveaux.

L’Italie montrera son mécontentement quant au statut de séjour de ses ressortissants et mettra des pressions pour améliorer leur condition. La surchauffe économique sera mise sur le dos de la main d’œuvre étrangère de la part de l’opinion publique et des mouvements populaires xénophobes verront le jour (Piguet, 2013). La Suisse commencera par céder face aux revendications de l’État italien. Parmi les améliorations à l’égards des étrangers, nous pouvons noter un regroupement familial favorisé, un meilleur statut de séjour avec un droit d’établissement après cinq ans (et non plus dix ans), ou encore une mobilité géographique et professionnelle facilitée (Niederberger, 2005). Mais la Suisse devait également apaiser les tensions grandissantes au sein de la société qui craignait une surpopulation étrangère (Steiner, 2007). Après plusieurs initiatives1, une commission consultative2 voit le jour et devait se focaliser sur « l’étude des problèmes sociaux de la main-d’œuvre étrangère en Suisse, et en particulier sur leur encadrement social, leur adaptation à nos conditions de vie et de travail, leur assimilation et leur naturalisation » (Steiner, 2007). Cette commission fût invitée également à prendre part la révision de la loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE) de 1931 et au développement de la politique suisse d’immigration (Steiner, 2007). Les objectifs étaient de ne pas augmenter le taux d’étranger-ères et de faciliter la cohabitation avec les suisses et le pays avait besoin de cette main-d’œuvre (Steiner, 2007). Il y avait donc un double objectif, à la fois social et économique, qu’il fallait harmoniser. Malgré tout, la politique d’intégration fédérale reste pauvre (Niederberger, 2005).

L’initiative Schwarzenbach du 7 juin 1970 va être un tournant pour la Suisse dans sa gestion du flux migratoire. Malgré l’échec de cette initiative, la Suisse n’est pas passé loin d’une crise politique de grande envergure (Piguet et Mahnig, 2000). C’est à partir de ce moment qu’elle a adopté une politique de quota pour limiter l’arrivée de nouveaux étranger-ères. Ainsi, la Suisse

1 La « première initiative populaire contre l’emprise étrangère » en 1965 fût retirée par le Conseil fédéral. Une seconde initiative nommée « Initiative Schwarzenbach » fût retenue mais rejetée par le peuple et les États en 1970 (Steiner, 2007).

2 Commission fédérale consultative pour le problème des étrangers.

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tentait de trouver le bon compromis entre les intérêts économiques et une partie de l’opinion publique (Piguet et Mahnig, 2000).

Malgré cette nouvelle politique et une diminution de l’immigration annuelle de travailleur-es, où l’on passe de 70'000 en 1970 à environ 50'000 de 1971 à 1973, les chiffres sont en hausse (Piguet et Mahnig, 2000). Cela s’explique pour différentes raisons. Tout d’abord l’augmentation des travailleur-ses saisonnier-ères. Malgré un plafond annuel situé à 152'000, leur nombre est largement au-dessus avec plus de 200'000 sur la même période car il n’y a pas de véritable contrôle au niveau des cantons (Piguet et Mahnig, 2000). Le regroupement familial et certains domaines économiques, non soumis au quota, participent également à cette augmentation du flux migratoire, allant à l’encontre d’une volonté de stabilisation (Piguet et Mahnig, 2000).

À la fin des années 1970, les difficultés économiques dues au choc pétrolier provoquent le retour de travailleur-ses étranger-ères dans leurs pays d’origine (Piguet, 2013). La Suisse voit sa population étrangère diminuer fortement3 car pour pouvoir renouveler le droit de séjour, il faut avoir un emploi (Niederberger, 2005). Avec cette politique, la Suisse a pu « exporter » une bonne partie de son chômage et satisfaire les mouvements xénophobes (Piguet et Mahnig, 2000).

À partir des années 1990, la politique suisse de quota va perdre son efficacité et être sérieusement remise en question. En effet plusieurs facteurs empêchent ce système de remplir son objectif de stabilisation de la population étrangère (Piguet et Mahnig, 2000). Les conditions favorables4 que la communauté italienne avait réussie à obtenir va se généraliser aux autres populations étrangères telles que les ressortissant-es espagnol-es, portugais-es ou encore yougoslaves. Le contexte international va également jouer un rôle important, notamment avec la volonté de la Suisse de se rapprocher de l’Europe5 et la question des requérants d’asile, car les motifs d’immigration vont changer et échapper au contingentement (Piguet et Mahnig, 2000).

3 100'000 personnes avec permis d’établissement avec leurs familles, 50'000 saisonniers et 25'000 frontaliers vont quitter la Suisse (Piguet 2013).

4 Les permis annuels étaient automatiquement transformés en permis d’établissement (Piguet et Mahnig, 2000).

5 La Suisse adhère à l’Association européenne de libre-échange (AELE) (Mahnig, 2005).

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Le Conseil fédéral propose en 1991 un modèle dit « des trois cercles » dans le but de prendre en considération les intérêts économiques et l’identité nationale (Mahnig, 2005). Ce modèle consiste en une classification de l’immigration étrangère en trois catégories selon des considérations géographiques, culturelles et économiques. Dans le premier cercle, on y retrouve les pays de l’UE et de l’AELE, avec qui la Suisse souhaite la libre circulation des personnes (Mahnig, 2005). Le deuxième cercle englobe les pays dits « culturellement proches » comme les États-Unis, le Canada et les pays d’Europe de l’Est et le troisième cercle regroupe tous les autres États dont les ressortissant-es ne sont en principe pas autorisé-es à s’installer dans le territoire suisse, sauf s’il s’agit de personnes hautement qualifiées (Piguet, 2013). Le modèle des trois cercles va cependant être critiqué pour son caractère discriminatoire, mais comme le souligne Mahnig (2005), ce système est en réalité semblable à la politique de quota existante jusqu’alors.

En 1998 le gouvernement suisse remplace donc le modèle des trois cercles par le modèle des deux cercles, consistant à regrouper le deuxième et troisième cercle (Bolzman, 2002). Désormais le niveau de qualification devient un critère de sélection pour tous les membres des pays extra- européens (Piguet, 2013). Bolzman (2002) explique que l’admission de ces derniers dans le territoire suisse reste cependant difficile. L’idée est donc de répondre aux besoins de l’économie suisse en recrutant des travailleur-ses venant des pays du premier cercle (UE et AELE) sans engendrer de réaction hostile de la part de l’opinion suisse (Piguet et Mahnig, 2000). C’est ainsi que la politique de quota prend fin.

Nous avons que jusqu’à la fin des années 1990, la politique suisse concernant l’immigration était une politique centrée sur la gestion de la main-d’œuvre étrangère et non sur l’intégration de cette dernière. Le gouvernement suisse a jusqu’alors toujours considéré l’immigration comme temporaire et non durable (Bolzman, 2002). La politique de rotation s’oppose de fait à l’idée d’une intégration des travailleur-ses immigré-es car destiné-es à retourner dans leurs pays d’origine. De plus, la population étrangère venait principalement des pays limitrophes, avec un mode de vie qui était très proche des natifs et donc la question de l’intégration de ces personnes n’était pas jugée pertinente (Wanner et al., 2002). Bien que l’immigration ait commencé à se diversifier qu’à partir de la fin des années 1980 (Bertrand, 2017), la question de migratoire

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occupait déjà une place dans le débat politique durant les années 1960. Il existe donc une autre raison qui pourrait expliquer pourquoi il n’y a pas eu une véritable politique favorisant l’intégration de la population étrangère. Selon D’Amato et Suter (2012), tant que le taux de chômage en Suisse restait faible, l’intégration professionnelle ne posait pas de réel problème.

1.4.2. LA POLITIQUE D’INTÉGRATION AUJOURD’HUI

Bien que la notion d’intégration existait déjà dans certaines normes comme celle de 1952 sur l’octroi ou la perte de nationalité6, ce n’est qu’à partir de la fin des années 1990 qu’elle devient une affaire relevant de l’État, et non plus du privé et de la responsabilité direct des personnes immigrées (Facchinetti, 2012). Pour preuve l’introduction de l’article 25a de la Loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE), entré en vigueur le 1er octobre 1999, permettant à la Confédération d’octroyer des subventions pour l’intégration sociale des étrangers. Avec une base légale présente pour l’intégration, la Confédération va pouvoir développer des projets pour soutenir les migrant-es (Facchinetti, 2012).

Un an plus tard, c’est l’Ordonnance sur l’intégration (OIE) qui entre en vigueur, puis révisée en plusieurs fois entre 2005 et 2018. Si nous prenons l’exemple du champ d’application mentionné à l’article 2, nous remarquons que dans la première version, il est stipulé que l’ordonnance s’applique uniquement aux personnes ayant obtenu une autorisation de séjour durable ou d’établissement7, avant que l’on y ajoute les personnes ayant obtenu une admission provisoire8. Ce n’est qu’au bout de la troisième version, celle de 2007, où tout cela est remplacé par la notion d’égalité des chances entre suisses et étrangers9 et que tous les étrangers puissent bénéficier des mesures d’intégration (Bigler, 2012). Le processus d’intégration est officiellement présenté comme un devoir relevant des personnes étrangères, des autorités et diverses structures privées (art.2 OIE et art 53 LEtr). Selon Bigler (2012), la Confédération a alloué en 2001 un budget de 10

6 Loi sur la nationalité (LN) du 29 septembre 1952.

7 Ordonnance du 13 septembre 2000 sur l’intégration des étrangers (OIE ; RS 142.205).

8 Ordonnance du 25 octobre 2005 sur l’intégration des étrangers (OIE ; RS 142.205).

9 Ordonnance du 24 octobre 2007 sur l’intégration des étrangers (OIE ; RS 142.205).

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millions de francs dans divers projets tels que l’aide à la formation, l’intégration dans le travail, la promotion au dialogue interculturel ou encore la santé.

En 2008, c’est la loi fédérale sur les étrangers (LEtr) qui entre en vigueur et remplace la loi sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE) de 1931 (Bertrand, 2017). L’article 4 nous donne une idée de ce qu’est la politique d’intégration suisse :

Art. 4 Intégration

1. L’intégration des étrangers vise à favoriser la coexistence des populations suisse et étrangère sur la base des valeurs constitutionnelles ainsi que le respect et la tolérance mutuels.

2. Elle doit permettre aux étrangers dont le séjour est légal et durable de participer à la vie économique, sociale et culturelle.

3. L’intégration suppose d’une part que les étrangers sont disposés à s’intégrer, d’autre part que la population suisse fait preuve d’ouverture à leur égard.

4. Il est indispensable que les étrangers se familiarisent avec la société et le mode de vie en Suisse et, en particulier, qu’ils apprennent une langue nationale.

L’intégration fonctionne autour de ces quatre principes, sans que l’article en donne une définition précise. C’était d’ailleurs une volonté de l’État, de peur qu’une définition empêche son évolution dans le temps (Bigler, 2012). La cohésion sociale dépend donc des efforts fournis par les étranger- ères des pays tiers10 en matière de respect des valeurs, de participation aux différentes sphères (économique, sociale et culturelle) et d’apprentissage d’une langue nationale, le tout combiné avec l’ouverture des natifs. Pour juger de la bonne intégration ou non d’une personne, La convention d’intégration est un outil permettant de planifier le processus d’intégration, conformément aux articles 5 (OIE) et 54 (LEtr). Il s’agit d’un contrat entre l’État et un individu pouvant exiger un suivi de cours de langue ou de cours d’intégration11. Les Cantons ont la

10 Ceux et celles venant d’un pays de l’UE ou membres de l’AELE ne sont pas soumis à la LEtr (Fibbi, 2012).

11 https://www.sem.admin.ch/sem/fr/home/themen/integration/foerderung/vereinbarungen.html

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possibilité d’accorder un renouvellement de séjour à un-e ressortissant-e étranger-ère s’il-elle respecte la convention.

À travers les conventions d’intégration, nous pouvons voir que la question de l’intégration est du ressort des Cantons. En effet la Confédération laisse une marge d’appréciation aux autorités cantonales (Fibbi, 2012), ce qui a pour conséquence une vision et des critères d’intégration qui diffèrent selon les Cantons. Wichmann et al. (2011) expliquent que ces conventions fonctionnent selon deux aspects, nommés « encouragement » et « exigence », et que selon les objectifs des Cantons, certains vont opter pour l’encouragement, et d’autres pour l’exigence. Certains Cantons peuvent opter pour les deux à la fois. L’encouragement consiste à accompagner et soutenir les personnes dans leur processus d’intégration, tandis que l’exigence est un moyen de pression qui les oblige à remplir certaines conditions, faute de quoi leur droit de séjour ne sera pas renouvelé (Wichmann et al., 2011).

1.4.3. LE CAS DE GENÈVE

Nous avons vu qu’il existe en Suisse plusieurs politiques d’intégration qui diffèrent selon les cantons. À l’origine, l’objectif de cette volonté d’autonomie cantonale était de faire profiter toutes les régions du pays d’un point de vue économique. Pour cela il fallait laisser les cantons évaluer leurs besoins (Piguet, 2013). Aujourd’hui, les politiques d’intégration ne se résument plus à une politique migratoire économique mais investissent différents domaines. Selon Cataccin et Kaya (2001), ces deux champs d’interventions sont d’ordre social et politique. Dans le domaine social, on y retrouve les questions liées à l’école, la santé et la culture (Cataccin et Kaya, 2001).

Au niveau de l’intégration politique, il s’agit de la participation des personnes immigrantes à la vie publique, de la naturalisation et du droit de vote (Cataccin et Kaya, 2001). Le Canton de Genève suit un modèle qui se veut plutôt pluraliste (Cataccin et Kaya, 2001). Étant une ville multiculturelle, les autorités genevoises considèrent que les différences culturelles doivent être reconnues et encouragées pour favoriser l’intégration des personnes immigrantes.

Nous pouvons ajouter un troisième domaine, qui nous intéresse particulièrement dans ce travail, qui est l’économie, dans lequel nous retrouvons toutes les questions en rapport avec

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l’employabilité et l’intégration socioprofessionnelle des migrant-es. Wichmann (2013) explique que c’est l’aspect de l’intégration le plus important en Suisse car tous les cantons mettent un fort accent sur l’intégration professionnelle. En 2002, Heiniger nous dit également que « la participation active au marché du travail est une condition nécessaire à l’intégration des immigrés, car le statut social et les ressources financières dépendent de l’exercice d’une activité professionnelle. » (Heiniger, 2002, pp.12-13).

Il est intéressant de regarder ce qui est mis en place à Genève pour soutenir les migrant-es dans leur processus d’intégration professionnelle. Le Bureau de l’intégration des étrangers (BIE) a rédigé un programme d’intégration cantonal (PIC) qui est un agenda avec différentes mesures à mettre en place, avec l’aide de partenaires associatifs, institutionnels et communaux, pour soutenir les personnes étrangères et dont le but et de garantir la cohésion sociale12. Depuis 2010, le BIE est en charge de la gestion opérationnelle et financière, permettant de donner des aides pour des projets individuels, notamment des aides sociales ou encore des cours de langue, et de développer des mesures d’évaluation professionnelle et d’obtention de place de stage. Les grands axes qui en ressortent pour l’aide aux étranger-ères hautement qualifié-es, quel que soit leur statut de séjour, sont présentés ci-dessous :

1) L’apprentissage du français. Il est indispensable d’avoir un minimum de maîtrise de la langue française pour accéder au marché du travail.

2) Des projets de mentoring, avec la participation des agences de placement par exemple, pour favoriser la connaissance du marché de l’emploi genevois et développer un réseau professionnel.

3) Une amélioration de l’information sur les démarches administratives concernant la validation des acquis et la reconnaissance des diplômes.

4) Un travail de sensibilisation auprès des employeurs, qui se fient souvent aux titres de séjour dans le recrutement, ce qui est problématique car des comportements discriminatoires peuvent en résulter. Le BIE parle en particulier des personnes avec un permis F, mais dans les entretiens menés, il a été constaté que les personnes avec un

12 PIC I (2014-2017) et PIC II (2018-2021).

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permis B se retrouvent également dans cette situation (nous y reviendrons plus tard, dans l’analyse des données récoltées).

Sur le site du Canton, un guide13 a été mis en ligne, donnant des informations nécessaires et des conseils pratiques pour aider les personnes immigrantes dans leur recherche d’emploi. Cette brochure est intéressante dans la mesure où elle met à disposition des liens de contact avec les différents partenaires sociaux et institutionnels pour les orienter, selon leur besoin (ex : comment faire reconnaître un diplôme, comment chercher un travail, où prendre des cours de français, etc.).

13 www.ge.ch/lc/publications-bie

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2. PROBLÉMATIQUE ET QUESTIONS DE RECHERCHE

Depuis la fin des années 1990, le secteur tertiaire de l’économie s’est beaucoup développé dans les pays de l’OCDE. Une des conséquences de ce changement est l’évolution du profil des migrant- es. En effet les besoins en main d’œuvre dans ces pays, dont la Suisse fait partie, sont de plus en plus axés sur une main d’œuvre qualifiée. La migration permet de répondre à cette demande.

Malheureusement il arrive que des personnes soient en proie à des difficultés dans leur insertion professionnelle. Les migrant-es venant de pays hors OCDE sont les plus touchés par ce phénomène. En Suisse ces derniers ont par exemple plus de mal à accéder au marché de l’emploi que les natifs ou les européens, ce qui va souvent se traduire par une déqualification professionnelle.

La déqualification professionnelle est définie par l’OCDE comme « le fait d’exercer un emploi moins qualifié ou moins bien rémunéré que le niveau d’instruction permettrait théoriquement de l’envisager ». Gerber (2008) va plus loin dans la description de ce phénomène en nous expliquant que cela renvoie non seulement aux personnes surqualifiées, mais également au fait de ne pas exercer d’emploi. Dans ce travail, nous allons prendre cette dernière définition, c’est-à-dire les personnes hautement qualifiées exerçant des professions moyennement/peu qualifiées ou n’exerçant aucune activité du fait qu’elles ne trouvent pas d’emploi en adéquation avec leurs qualifications.

Dans un pays comme la Suisse où la part d’étranger-ères a dépassé les 25%14, la déqualification provoque une réelle perte économique pour le pays. À Genève environ 40% de la population est étrangère, dont 10% provient des continents africain, américain et asiatique. Les raisons de cette déqualification sont multiples. Cela peut être dû à un déficit de la langue locale, une non- reconnaissance des diplômes obtenus, à de la discrimination (Fibbi et al., 2003). Ces raisons ne sont probablement pas les seules. Cela constitue évidemment une perte pour un-e migrant-e (professionnellement et socialement), mais aussi pour la région dans laquelle il-elle vit car elle ne

14 Office fédéral de la statistique (OFS), effectif de la population à la fin du 2ème trimestre 2020.

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profite pas des apports en termes économiques et d’innovation qu’elle pourrait potentiellement gagner.

À travers le parcours migratoire de chacune des personnes interrogées, nous allons tenter de comprendre les difficultés auxquelles elles font face, voir comment elles vivent leur situation analyser les stratégies mises en place pour s’insérer professionnellement.

Question générale : Comment les migrant-es hautement qualifié-es s’intègrent-ils-elles à Genève lorsque leur capital humain est sous-exploité ?

Sous-question 1 : Quelles sont les causes de leur déqualification professionnelle ?

Sous-question 2 : Quelles sont les réponses et les stratégies mises en place pour se sortir d’une situation de déqualification professionnelle ?

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3. CADRE MÉTHODOLOGIQUE

Ce travail est une étude qualitative. Nous avons décidé de mener cette enquête à partir d’entretiens semi-directifs. Nous tenterons ici d’expliquer en quoi ce type d’entretien nous paraît pertinent, ainsi que le déroulement de la recherche. Nous terminerons ce chapitre par la présentation du profil de chaque individu ayant accepté de participer à cette étude.

3.1. LES ENTRETIENS SEMI-DIRECTIFS

Concernant la méthode de recueil de données que nous avons sélectionné pour cette enquête, nous avons décidé de procéder à une récolte basée sur un questionnaire semi-directif. Ce format nous a permis d’analyser le discours des participant-es autour du thème de la déqualification professionnelle, sans forcément utiliser ce terme qui pouvait être parfois sensible. Notre grille d’entretien avait pour objectif de retracer le parcours migratoire et professionnel des individus afin d’avoir une compréhension approfondie de leur situation et de comment ils la vivent. Comme l’explique Lincoln (1995, p.276) : « l’entretien semi-directif est une technique de collecte de données qui contribue au développement de connaissances favorisant des approches qualitatives et interprétatives relevant en particulier des paradigmes constructiviste ». Kaufmann (1996) explique également que ce type d’approche est indispensable car les individus possèdent un savoir qu’il est important de relever de l’intérieur. Sur la base de questions ouvertes, nous voulions donc laisser la plus grande liberté d’expression aux acteur-rices, sans orientation de notre part, pour ainsi construire notre analyse à partir de leur point de vue.

Les entretiens en face à face nous ont permis d’avoir une meilleure compréhension de la psychologie des participant-es à travers leurs intonations, expressions du visage, et autres gestes.

En somme, le langage corporel était également une source d’information nous permettant une meilleure interprétation de leur discours. Malheureusement, à cause de la situation sanitaire, trois entretiens sur les dix menés ont dû être fait à distance. Nous avons pu récolter des données exploitables malgré tout, mais nous avons ressenti la différence entre ces entretiens téléphoniques et ceux que nous avons effectué en présence physique.

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Notre guide d’entretien (disponible en annexe) comprend des questions conçues afin de saisir certains aspects du parcours de vie des personnes interrogées. Nous avons réparti nos questions en fonctions de différents thèmes, retraçant tout leur cheminement dans un ordre chronologique, en commençant par leurs aspirations lors de leur jeunesse, leur parcours scolaire, leurs expériences professionnelles dans leur pays d’origine, leur projet migratoire et leur vécu à Genève. Voici les thèmes traités en détail :

1. Le profil

2. La situation pré-migratoire 3. Le projet migratoire

4. Le processus d’immigration 5. La recherche d’emploi

6. La situation personnelle lors du premier emploi 7. La situation professionnelle actuelle

8. Les difficultés d’intégration 9. La stratégie d’intégration

Le guide d’entretien a servi de fil conducteur. Nous ne sommes pas restés fermés aux questions que nous avions préparées. Il était nécessaire de s’adapter en fonction de la trajectoire que prenait la discussion, ouvrant la porte à d’autres thèmes que nous n’avions pas forcément prévu d’aborder. Pour finir, en mobilisant cette approche, nous avons pu avoir des témoignages riches en informations, nous permettant d’établir des liens entre les causes de la déqualification professionnelle et ce qui en a résulté, à savoir les stratégies d’intégration socioprofessionnelle.

3.2. LE DÉROULEMENT DE L’ENQUÊTE

Lorsque nous avons déterminé notre projet d’études et ses objectifs, nous avons cherché des personnes répondant aux critères de sélection. Pour cela, nous avons contacté différentes organisations qui sont en contact avec des migrant-es et/ou étant actives dans le milieu de l’insertion professionnelle. Nous avons également pu compter sur le réseau de notre directeur de thèse qui nous a mis en contact avec l’association Découvrir et avec qui nous avons pu nous

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entretenir. L’association Genèveroule a également eu la gentillesse de nous accueillir dans ses locaux et a pris le temps de contacter toutes les personnes inscrites dans leur base de données et répondant aux critères de sélection. Nous avons pu obtenir la moitié de notre échantillon grâce à Genèveroule. Certaines associations ne nous ont jamais répondu malgré les relances. Le confinement qui a débuté à la mi-mars 2020 a également constitué une difficulté car plus aucune association n’était joignable. Le reste de l’échantillon a été obtenu par le bouche-à-oreille, à l’aide de connaissances personnelles et des premières personnes interviewées qui connaissaient d’autres personnes dans le même cas. La majorité des personnes contactées ont accepté de partager leur parcours. Nous aurions aimé avoir deux ou trois témoignages supplémentaires, notamment des femmes car il n’y en a que trois dans notre échantillon.

Lors de la prise de contact avec les participant-es, notre objectif était de les mettre le plus à l’aise possible. Nous leur avons laisser le choix du lieu de l’entretien. Ce dernier s’est effectué sur le lieu de travail ou à UniMail. Comme il a été dit plus haut, certains entretiens ont dû être fait à distance.

Nous leur avons également garanti l’anonymat et laissé le choix d’être enregistré ou non.

Concernant le traitement des données, nous prenions des notes pendant les entretiens et avons retranscrits ces derniers par la suite. Une fois cela effectué, nous avons procédé à une analyse verticale, en surlignant les témoignages en fonction des thèmes qui ressortaient régulièrement, créant ainsi des liens entre les différent-es participant-es. Ces thèmes sont abordés dans le chapitre suivant, l’analyse. Nous n’avons par exemple jamais abordé de manière direct la question de la déqualification, ou encore demandé quelles étaient les causes de cette dernière. C’était à nous de faire ce travail et donc de déceler ces causes à travers leur discours. C’est à partir de tous ces éléments que nous avons pu conduire une analyse approfondie.

3.3. LE PROFIL DES PARTICIPANT-ES

Pour constituer notre échantillon, nous avons commencé par définir les critères de sélection.

Nous voulions avoir des hommes et des femmes possédant un ou plusieurs diplômes universitaires, ou jouissant d’une formation de niveau similaire. Ces personnes devaient être originaires de pays hors UE et AELE car elles ne sont pas soumises aux mêmes réglementations et

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les difficultés d’intégration socioprofessionnelles sont généralement plus grandes. Pour faciliter nos entretiens, nous souhaitions que les participant-es maîtrisent un minimum le français ou l’anglais. Dans la mesure du possible, les participant-es devaient avoir immigré à Genève depuis un temps suffisamment long pour amorcer un processus d’intégration. Notre candidat le plus récent est à Genève depuis trois ans, et la plus ancienne depuis trente-cinq ans. Cette différence est intéressante car elle montre que tout le monde n’est pas au même stade de leur intégration socioprofessionnelle et permet de voir par exemple ce qui va être mis en place comme stratégie et ce qui a déjà été mis en place, et les résultats.

PARTICIPANT 1 Sénégal

Homme de 32 ans, marié, un enfant Arrivé en 2014

Titre de séjour : Permis B (regroupement familial) Langues : Wolof, français et anglais

Formation universitaire (Sénégal) : Licence en droit immobilier

Profession au Sénégal : 5 ans d’expérience dans un cabinet d’avocat et dans une organisation internationale

Profession à Genève : Stage à l’OIT, stage dans une boîte de communication, collaborateur chez Genèveroule, actuellement à son compte

PARTICIPANT 2 Turquie

Homme de 33 ans, marié, une fille Arrivé en 2017

Titre de séjour : Permis N (requérant d’asile), processus d’asile en cours ne peut pas travailler

Langues : Turque, kurde, anglais et français

Formation universitaire (Turquie) : Bachelor en science de la sécurité (4 ans de formation)

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Profession en Turquie : Inspecteur de police (6ans) Profession à Genève : Collaborateur chez Genèveroule

PARTICIPANT 3 Brésil

Homme de 35 ans, marié, un enfant Arrivé en 2017

Titre de séjour : Nationalité suisse (arrière-petit-fils de suisses ayant émigré au Brésil) Langues : Portugais, espagnol, français, un peu anglais

Formation universitaire (Brésil) : Bachelor en administration et gestion d’entreprise Profession au Brésil : Plusieurs expériences dans le milieu bancaire et financier (back office, assistant de gestion), entreprise industrielle (gérant dans une usine de confiture).

Profession à Genève : Gérant d’une arcade chez Genèveroule.

PARTICIPANT 4 Syrie

Homme de 30 ans, célibataire Arrivé en 2015

Titre de séjour : Permis F

Langues : Arabe, anglais et français

Formation universitaire (Syrie) : Informatique (formation non terminée à cause de la situation en Syrie), certificat délivré par Microsoft.

Profession en Syrie : 5 ans d’expérience dans des sociétés informatiques, spécialisé dans les réseaux.

Profession à Genève : Gestionnaire IT chez Genèveroule.

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PARTICIPANT 5

République démocratique du Congo Homme de 63 ans

Arrivé en 1987

Titre de séjour : Permis B étudiant, naturalisé suisse depuis 2003

Langues : Kikongo, kidinga, lingala, swahili, tshiluba, français, allemand (appris au Congo), anglais, portugais (niveau moyen)

Formation universitaire : Licence animation culturelle (Congo), licence en ethnologie (Unine), master en formation d’adultes (Unige), doctorat en ethnologie (Unine)

Professions au Congo : Enseignant dans le secondaire (5 ans), et assistant à l’université.

Professions à Genève : Collaborateur scientifique au musée d’ethnographie (courte durée), actuellement chargé de projets de prévention et formation chez Groupe Sida Genève (50%) et intervenant de nuit dans un foyer pour mineurs non accompagnés (Hospice général), traducteur à la Croix Rouge genevoise (sur appel) et de manière indépendante.

PARTICIPANT 6 Burkina Faso

Homme de 53 ans, marié, deux enfants Arrivé en 1997

Titre de séjour : Permis B étudiant, naturalisé suisse

Langues : Plusieurs langues burkinabées, français, anglais, allemand (niveau moyen) Formation universitaire : Licence en archéologie (Burkina Faso), DEA (IUED), doctorat en anthropologie (Unil et Unine)

Profession au Burkina Faso : Recherche archéologique avec l’université locale.

Professions à Genève : Musée d’ethnographie (plusieurs mandats de quelques mois, puis engagé 2 ans entre 2000 et 2007) en parallèle avec sa thèse, deux semestres en tant que chargé de cours (Unine) et plusieurs mandats à l’Institut des sciences des religions (Unil), mandaté par un musée en Belgique pour préparer des expositions (2 ans environ), bénévole

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dans des associations africaines, actuellement conseiller en action communautaire pour le Service Sociale de la ville de Genève (depuis 10 ans).

PARTICIPANT 7 Algérie

Homme de 50 ans, marié avec enfants Arrivé en 2000

Titre de séjour : Permis B, et Naturalisé suisse Langues : Kabyle, arabe et français

Formation universitaire : Licence en éducation physique et sportive (Algérie), CFC Vente (Genève)

Profession en Algérie : Professeur d’éducation physique dans un lycée pendant 7 ans.

Professions à Genève : vendeur dans une station-service (env. 7 ans), et gérant d’une arcade chez Genèveroule (10 ans).

PARTICIPANTE 8 Yémen

Femme de 38 ans, mariée, 2 enfants Arrivée en 2008

Titre de séjour : Naturalisée suisse Langues : Arabe, français et anglais

Formation universitaire (Yémen) : Master en économie et commerce Profession au Yémen : un an dans une fiduciaire

Professions à Genève : Femme de ménage, assistante maternelle, sans emploi (2020)

PARTICIPANTE 9 Venezuela

Femme de 35 ans, mariée, pas d’enfant Arrivée en 2012

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Titre de séjour : Naturalisée suisse Langues : espagnol, français

Formation universitaire (Venezuela) : Graphisme (3 ans de formation) Professions au Venezuela : Plusieurs expériences à la radio et à télévision

Professions à Genève : Nettoyage, restauration et actuellement nounou (depuis 4 ans)

PARTICIPANTE 10 Maroc

Femme de 56 ans, mariée, deux enfants Arrivée 1985

Titre de séjour : Naturalisée suisse Langues : Arabe, français

Formation universitaire (Maroc) : Médecine dentaire Profession au Maroc : Dentiste

Profession à Genève : Assistante dentaire

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4. ANALYSE

Dans ce chapitre, nous allons commencer par passer en revue les différentes causes qui pourraient expliquer l’état de déqualification professionnelle des personnes interrogées. Le statut juridique, le mode d’entrée en Suisse, le lieu d’obtention d’un diplôme universitaire et les caractéristiques du marché de l’emploi genevois sont des facteurs susceptibles d’influencer sur la situation socioprofessionnelle des migrant-es hautement qualifié-es. Nous poursuivrons notre étude avec une analyse des différentes stratégies mises en place par ces dernier-ères.

À noter que nous ne parlerons pas ici du déficit de la langue ou de l’apprentissage de cette dernière comme stratégie, car tous-te les participant-es faisant l’objet de cette recherche la maîtrisent, ce qui nous a permis de faire tous les entretiens en français.

Concernant la discrimination et les préjugés liés aux origines, ils ne seront pas traités dans un sou- chapitre expressément dédié à ces thèmes, mais ils seront évoqués tout au long de la première partie de l’analyse, à savoir les causes, car ils sont étroitement liés à ces dernières. De plus, lors des entretiens, la discrimination est uniquement supposée et ne repose sur aucune preuve matérielle. Cependant nous évoquerons l’étude de Zschirnt et Fibbi (2019), qui ont démontré des comportements discriminatoires à l’embauche.

4.1 LES CAUSES

4.1.1. LE STATUT JURIDIQUE

« Le statut. Je crois que c’est l’origine de toutes les difficultés pour un migrant parce que pendant des années j’ai vécu dans l’incertitude absolue ».

La première difficulté que rencontrent les migrant-es dans leur recherche d’emploi est souvent liée au permis qu’ils-elles possèdent. Ce dernier, obtenu à l’arrivée en Suisse, est une barrière car instable ou ayant trop de restrictions légales, ne permettant pas d’accéder à un emploi qualifié.

C’est le cas du Permis N ou F par exemple. Les employeurs sont très réticents à engager une

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