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DES OUTILS POUR LA G´EOM´ETRIE `A L’ ˆAGE DU COLL`EGE : INVARIANTS, CAS D’ISOM´ETRIE ET DE SIMILITUDE, TRANSFORMATIONS

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Texte intégral

(1)

DES OUTILS POUR LA G´

EOM´

ETRIE

`

A L’ ˆ

AGE DU COLL`

EGE :

INVARIANTS, CAS D’ISOM´

ETRIE

ET DE SIMILITUDE, TRANSFORMATIONS

Daniel PERRIN

Professeur `a l’IUFM de Versailles et `a l’Universit´e Paris-Sud

R´esum´e :Apr`es avoir rappel´e quelques objectifs que l’on peut assigner `a l’enseignement de la g´eom´etrie (d´evelopper la vision g´eom´etrique, apprendre `a raisonner), nous examinons dans ce texte certains outils qui sont ou pourraient ˆetre `a la disposition des coll´egiens pour faire de la g´eom´etrie. Nous expliquons, en particulier, pourquoi il serait int´eressant d’associer `

a l’usage des transformations l’utilisation des invariants (longueurs, angles, aires) et des cas d’isom´etrie et de similitude.

0. INTRODUCTION.

Le texte qui suit s’inscrit dans le droit fil du rapport d’´etape sur la1 g´eom´etrie (cit´e [R] dans ce qui suit) de la commission de r´eflexion sur l’enseignement des math´ematiques (commission Kahane) et de plusieurs autres textes qui sont venus en compl´ement `a ce rapport, cf. [Perrin], cit´e [P] et [Duperret & Perrin & Richeton], cit´e [DPR].2 Le rapport d’´etape conclut `a la n´ecessit´e de conserver un enseignement

de g´eom´etrie au coll`ege et au lyc´ee et d´eveloppe plusieurs arguments en faveur de la g´eom´etrie. Il y est notamment question de son utilit´e et de son importance culturelle.

1

Je pr´ef`ere parler de la g´eom´etrie plutˆot que des g´eom´etries. Bien entendu, il existe de multiples facettes de la g´eom´etrie et c’est ce qui en fait le charme. Mais, outre qu’il me semble que nous ne puissions raisonnablement penser `a enseigner au coll`ege d’autres g´eom´etries que l’euclidienne, je crois plus important d’insister sur ce qui lie les diverses approches de la g´eom´etrie (la vision de l’espace, le raisonnement, et `a un niveau plus avanc´e l’id´ee fondamentale de groupe op´erant sur un ensemble, c’est-`a-dire la vision unificatrice du programme d’Erlangen), plutˆot que sur les diff´erences.

(2)

Je retiendrai plutˆot ici deux autres aspects qui sont `a mes yeux des objectifs essentiels de l’enseignement de la g´eom´etrie :

• d´evelopper la vision g´eom´etrique comme outil de pens´ee (en math´ematiques et ailleurs),

• promouvoir la g´eom´etrie comme lieu privil´egi´e de l’apprentissage du raisonnement. Ces objectifs ´etant d´efinis et explicit´es, il restera `a pr´eciser les outils qui permet-tront de les atteindre. Le mot “outil” est d’ailleurs le mot cl´e de ce texte. C’est sans doute une r´eminiscence de cette affiche, sur les murs des classes des ´ecoles primaires d’autrefois, qui proclamait : “les bons ouvriers ont toujours de bons outils”. Je pense que cela s’applique aussi aux math´ematiques.

Dans le cas de la g´eom´etrie du coll`ege3 je discuterai ci-dessous de la pertinence

de certains outils “pour voir” (figures, maquettes, logiciels) et d’autres outils “pour prouver”, parmi lesquels je distinguerai notamment :

• les invariants (longueurs, angles, aires), • les cas “d’´egalit´e” et de similitude, • le calcul,

• les transformations.

Depuis la r´eforme des math´ematiques modernes, les cas “d’´egalit´e” ont disparu de notre enseignement et le rˆole de certains invariants comme angle et aire a ´et´e largement minor´e. Je consid`ere qu’il s’agit d’une double erreur et je vais essayer d’en convaincre le lecteur. Pour autant, je ne souhaite pas la disparition des transfor-mations dans l’enseignement de la g´eom´etrie au coll`ege. Il me semble que l’objectif `

a poursuivre est plutˆot de trouver, `a terme, un nouvel ´equilibre entre ces diverses approches de la g´eom´etrie.

Pour conclure j’´evoquerai les conditions d’une ´evolution de l’enseignement de la g´eom´etrie au coll`ege dans le sens indiqu´e ci-dessus et notamment la question de la formation des maˆıtres.

1. LES OBJECTIFS.

1.1 Penser g´eom´etriquement.

Le premier point qui fait l’importance de la g´eom´etrie, c’est le fait, en math´emati-ques comme dans d’autres domaines, de voir et penser g´eom´etriquement. Il s’agit l`a de quelque chose qui est difficile `a formuler, mais qui est fondamental. Pour des illustrations de ce th`eme hors des math´ematiques je renverrai au rapport d’´etape ou `

a la conf´erence d’Anne Strauss. Pour ma part, je vais me contenter d’´evoquer ce point par rapport `a ce que je connais, c’est-`a-dire l’enseignement ... des math´ematiques.

Face `a une situation qui n’est pas a priori g´eom´etrique, penser g´eom´etriquement signifie d’abord ˆetre capable de faire un dessin. C’est une injonction que je r´ep`ete sans cesse `a mes ´el`eves de CAPES (et j’y enseigne l’analyse) : faites un dessin !

3 J’´etendrai ici le coll`ege `a la classe de seconde, derni`ere classe de la scolarit´e obligatoire, derni`ere

classe indiff´erenci´ee, derni`ere classe de la formation math´ematique (presque) universelle du citoyen. Parmi ces citoyens, je pense en particulier aux futurs professeurs des ´ecoles (pas n´ecessairement scientifiques, bien entendu) dont le rˆole est essentiel dans la formation, notamment math´ematique, des enfants.

(3)

Voici deux exemples o`u le dessin est d´ecisif pour comprendre (mais il y en a mille du mˆeme acabit).

• Pour montrer l’unicit´e de la limite d’une suite il suffit de faire le petit dessin suivant :

I J

] [ ] [

Figure 1

a b

et de dire : si (un) tend vers a les termes de la suite sont tous dans I (sauf un nombre

fini), si elle tend aussi vers b ils sont tous dans J (sauf un nombre fini). Comme I et J sont disjoints c’est impossible.

• Pour encadrer la somme des 1/n `a l’aide du logarithme de n :

y= 1/ x

Figure 2

0 1 2 3 4 5

1

L’exp´erience montre que la plupart des ´etudiants de CAPES n’ont pas spon-tan´ement ce r´eflexe du dessin dans ce genre de situations. J’attribue cela, au moins partiellement, `a un d´eficit de la pens´ee g´eom´etrique tout au long de leur scolarit´e.

1.2 G´eom´etrie et raisonnement.

Sur l’int´erˆet de la g´eom´etrie pour l’apprentissage du raisonnement (je pense l`a encore `a cet apprentissage pour tous les citoyens, pas seulement pour les futurs math´ematiciens, ni mˆeme pour les futurs scientifiques), je renvoie le lecteur au rapport d’´etape (notamment §1 b) et §3 c)). Je me contenterai de rappeler ce qui fait `a mes yeux l’importance du raisonnement g´eom´etrique :

• Il s’agit d’un domaine qui peut ˆetre abord´e d`es le coll`ege, o`u le raisonnement intervient d`es le d´ebut et dans lequel on per¸coit ais´ement les articulations logiques. • Il s’agit d’un domaine riche, vari´e, utile, avec un aspect visuel et esth´etique, voire ludique.

Il est essentiel cependant de ne pas sous-estimer deux difficult´es :

• L’apprentissage des math´ematiques en g´en´eral et de la g´eom´etrie en particulier, est difficile.

• Le raisonnement g´eom´etrique ne doit pas ˆetre r´eduit `a l’apprentissage formel de la d´emonstration.

Je n’insisterai pas sur le point de la difficult´e, sauf pour souligner que c’est aussi l’un des charmes de la g´eom´etrie que des exercices ´el´ementaires puissent faire s´echer

(4)

mˆeme les experts. Ainsi, voici deux petits probl`emes, juste pour le plaisir du lecteur. J’emprunte le premier `a [DPR] §4 (le probl`eme “des segments d´ecal´es”). Le jeu n’est pas tant de trouver une solution que d’en trouver une diff´erente de celles qui sont dans [DPR] (o`u il y en a d´ej`a 9).

Soit ABC un triangle.

Construire des points M ∈ [AB] et N ∈ [AC] de sorte que les droites (BC) et (M N ) soient parall`eles et qu’on ait l’´egalit´e AN = M B.

Figure 3 A M N B C

Le second est un probl`eme de g´eom´etrie dans l’espace4, un peu plus ardu.

Un delta`edre est un poly`edre convexe dont toutes les faces sont des triangles ´equilat´eraux. Pour d´eterminer tous les delta`edres `a similitude pr`es on tombe sur deux jolis probl`emes :

1) Montrer qu’un sommet d’ordre 3 (c’est-`a-dire un sommet o`u aboutissent 3 arˆetes) ne peut pas ˆetre voisin d’un sommet d’ordre 5.

2) Montrer qu’il n’y a pas de delta`edre avec 1 sommet d’ordre 4 et 10 sommets d’ordre 5.

La distinction raisonnement-d´emonstration me semble, en revanche, fondamentale et il me paraˆıtrait d´esastreusement r´educteur de les identifier. `A cet ´egard, le commentaire des programmes de coll`ege d´ecrit fort bien ce que devrait ˆetre une r´eelle activit´e math´ematique :

... identifier un probl`eme, conjecturer un r´esultat, exp´erimenter sur des exemples, bˆatir une argumentation, mettre en forme une solution, contrˆoler les r´esultats obtenus et ´evaluer leur pertinence en fonction du probl`eme ´etudi´e.

Dans cette optique, la preuve a deux fonctions essentielles. D’abord, lorsque le probl`eme ne donne pas d’avance le r´esultat, la preuve est souvent le seul moyen de trouver celui-ci. C’est le cas par exemple, pour le probl`eme des segments d´ecal´es ci-dessus o`u la construction n’est pas possible sans une amorce de d´emonstration.5 Ensuite, la d´emonstration permet d’assurer les r´esultats avec certitude. Voici, par

4 Si je parle essentiellement de g´eom´etrie plane dans ce texte, ce n’est pas que je n’accorde pas

d’importance `a la g´eom´etrie dans l’espace, bien au contraire !

5 Pour un autre exemple (dans le domaine num´erique et `a l’´ecole ´el´ementaire) d’une situation

dans laquelle les ´el`eves doivent argumenter et raisonner, mˆeme s’ils n’ont pas les moyens d’une d´emonstration formelle, voir par exemple [Ermel], la situation du plus grand produit, p. 102. Je ne saurais trop conseiller la lecture de ce texte `a tous les enseignants de math´ematiques comme ´el´ement du d´ebat entre preuve et argumentation.

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exemple, un petit probl`eme o`u la figure peut induire en erreur et o`u seul le raisonnement6 permet d’ˆetre sˆur de ce qu’on avance :

Soit ABCD un carr´e de cˆot´e 8

et soient E, F port´es par (AD) et (AB) avec DE = 5 et BF = 13, cf. figure 4.

Les points E, C, F sont-ils align´es ? 8

8 5 13 B D Figure 4 A C E F `

A l’oppos´e de cette conception de la preuve, il me semble qu’un usage trop pr´ecoce et trop rigide des r`egles de d´emonstration risque de faire que celle-ci perde les deux caract`eres ´evoqu´es ci-dessus pour n’ˆetre plus qu’un exercice de style st´er´eotyp´e, dans lequel les ´el`eves de coll`ege ne pourront rentrer que par une sorte de docilit´e qui n’est peut-ˆetre pas la chose la mieux partag´ee `a l’heure actuelle.7

Je sais bien que mener, au coll`ege, une r´eelle activit´e de recherche, dans la ligne de ce qui pr´ec`ede, n’est pas chose facile et que, dans certaines situations, l’existence d’un quelconque apprentissage est d´ej`a probl´ematique, mais cela demeure un objectif qui vaut la peine qu’on s’y attache. En tous cas, pour qu’une telle activit´e puisse vraiment avoir lieu, il y a un certain nombre de conditions :

• Il faut proposer aux ´el`eves des probl`emes ouverts, qui soient `a la fois `a leur port´ee, mais aussi suffisamment riches et complexes. En g´eom´etrie, les probl`emes de lieux g´eom´etriques ou de constructions sont souvent les plus pertinents.

• Les enseignants doivent ˆetre tr`es disponibles car certaines situations permettent de multiples approches qui conduisent parfois `a des solutions originales (c’est le cas du probl`eme des segments d´ecal´es ´evoqu´e ci-dessus) et il est important de ne pas brider l’imagination des ´el`eves.

• Enfin, et c’est le point sur lequel je veux insister ici, la possibilit´e de mener une r´eelle activit´e de recherche n’est pas ind´ependante des outils dont disposent les ´el`eves. De ce point de vue, il me semble que l’usage trop exclusif des transformations n’est pas le mieux adapt´e pour faire de la g´eom´etrie au coll`ege le lieu d’un apprentissage du raisonnement.

6 il y a au moins trois arguments qui permettent de conclure 7

Comme le dit Rudolf Bkouche, cf. [Bkouche 1997] : La d´emonstration risque d’apparaˆıtre comme une simple n´ecessit´e r´eglementaire du cours de math´ematiques, renforc´ee par des assertions autoritaires du type : “en math´ematiques, on ne s’appuie pas sur l’´evidence, il faut d´emontrer” ; la cons´equence en est que les math´ematiques apparaissent sous un angle purement juridique o`u la d´emonstration tient lieu de r`egle, moins pour des raisons de savoir que pour des raisons d’autorit´e institutionnelle, le professeur devenant le garant de cette autorit´e.

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2. LES OUTILS POUR VOIR.

Dans les premiers temps de la r´eforme des math´ematiques modernes, les figures ont ´et´e sinon totalement bannies des cours de g´eom´etrie, du moins regard´ees avec une forte suspicion. Sur cette question, Jean Dieudonn´e, l’un des promoteurs de la r´eforme, a le m´erite de dire les choses clairement (cf. [Dieudonn´e]) :

C’est ainsi qu’il serait d´esirable de lib´erer l’´el`eve d`es que possible de la camisole de force des “figures” traditionnelles, en en parlant le moins possible (point, droite et plan except´es, bien entendu), au profit de l’id´ee de transformation g´eom´etrique du plan et de l’espace tout entiers...

Mise en pratique au d´ebut des ann´ees 1970 (on consultera avec effarement les manuels de l’´epoque), cette doctrine s’est r´ev´el´ee d´esastreuse. Pour ma part, et comme beaucoup de math´ematiciens d’aujourd’hui, je pense tr`es exactement le contraire, `a savoir que les figures sont essentielles pour apprendre `a voir et `a penser g´eom´etriquement, ce qui constitue l’un des objectifs avanc´es ci-dessus.

Bien entendu, depuis cette ´epoque, les figures (ou configurations) sont r´eapparues dans les programmes, mais d’une certaine fa¸con, la suspicion `a leur encontre est rest´ee vive et nombre de professeurs r´epugnent `a s’en servir, souvent par souci de rigueur. La r´eflexion sur les liens entre figure, calcul, d´emonstration devrait en tous cas ˆetre une partie importante de la formation des maˆıtres.

J’ajouterai deux points encore sur ce sujet des outils pour voir.

Le premier est l’importance des logiciels de g´eom´etrie dynamique (je suis un utili-sateur convaincu de CABRI). La facilit´e avec laquelle on peut r´ealiser, `a volont´e, des figures correctes, dans de multiples cas particuliers, en faisant varier les param`etres, est une aide extraordinaire, notamment pour produire et tester des conjectures. Je renvoie le lecteur `a la conf´erence de Colette Laborde pour une ´etude de leur utilisation au coll`ege.

Le second concerne la g´eom´etrie dans l’espace. L`a, quelles que soient les qualit´es du dessinateur pour rendre la perspective (voir la conf´erence de Daniel Lehmann) ou les performances des logiciels, le plus efficace est encore souvent la construction de maquettes. J’utilise pour ma part syst´ematiquement des maquettes, des pliages, voire des objets familiers (ballon de football, globe terrestre, etc.) lorsque j’enseigne la g´eom´etrie dans l’espace. Ainsi, pour revenir `a un probl`eme pos´e ci-dessus, il me semble difficile de comprendre pourquoi les sommets d’ordre 3 et 5 d’un delta`edre ne peuvent ˆetre voisins tant que l’on n’a pas fabriqu´e une maquette.

3. LES OUTILS POUR PROUVER : LES INVARIANTS.

D’abord un mot d’explication sur ma position dans ce colloque et, plus g´ en´erale-ment, par rapport `a l’enseignement du second degr´e. Comme je n’y ai jamais enseign´e moi-mˆeme et que je ne suis pas didacticien (sauf par alliance, ce qui n’est pas rien), ma position est, avant tout, celle d’un math´ematicien dont la sp´ecificit´e, depuis plus de 25 ans, est la formation des maˆıtres. Ainsi, au d´epart, c’est en enseignant la g´eom´etrie aux s´evriennes que j’ai ´et´e amen´e `a r´efl´echir sur les fondements math´ematiques et ´epist´emologiques de la g´eom´etrie. Ma position didactique, en faveur de l’usage des

(7)

invariants et des cas d’isom´etrie au coll`ege est donc sous-tendue essentiellement par cette r´eflexion math´ematique, (avec quelques mots-cl´es comme groupes, transitivit´e, invariants). Cette r´eflexion peut sembler th´eorique, mais comme c’est mon seul apport au d´ebat, je vais la pr´esenter maintenant, en essayant d’ˆetre le plus bref et le moins technique possible.

3.1 Programme d’Erlangen et invariants.

Le discours dominant `a l’´epoque des math´ematiques modernes mettait en avant le programme d’Erlangen de Felix Klein (1872). Ce programme explique qu’une g´eom´etrie consiste essentiellement en la donn´ee d’un groupe (de transformations) op´erant sur un ensemble. Ce point de vue, `a mon avis, reste tout `a fait valable, mais, tel quel, il est insuffisant car il n’explique pas par quel proc´ed´e on obtient les th´eor`emes de la g´eom´etrie en question. Or, cette question est r´esolue aussi, `a peu pr`es `

a l’´epoque de Klein, par la th´eorie des invariants. Le principe c’est que tout th´eor`eme d’une g´eom´etrie donn´ee, relative `a un groupe donn´e, correspond `a une relation entre les invariants (polynomiaux) de cette g´eom´etrie. Mon opinion est que la th´eorie des invariants est ins´eparable du programme d’Erlangen. Or, et c’est l`a un contresens majeur de la r´eforme des math´ematiques modernes, ces invariants ont ´et´e largement occult´es `a l’´epoque et restent encore mal aim´es aujourd’hui.

J’ai d´evelopp´e ces id´ees dans l’annexe 1 du rapport [R] (disponible sur le site Internet de la SMF) et dans l’article [P] (dans le cas des aires) et j’y renvoie le lecteur qui souhaiterait plus de d´etails. Je voudrais seulement donner ici quelques exemples.

D’abord que sont les invariants pour la g´eom´etrie du coll`ege ? On peut les voir de deux fa¸cons. La premi`ere est g´eom´etrique : il s’agit de notions famili`eres, longueur, angle, aire. La seconde est plus alg´ebrique. En effet, si un vecteur −→OA (resp. −OB)−→ a pour coordonn´ees (a1, a2) (resp. (b1, b2)), les invariants pr´ec´edents correspondent

respectivement au carr´e scalaire (−→OA|−→OA) = a21 + a22 (c’est le carr´e de la longueur OA) ou au produit scalaire (−→OA|−−→OB) = a1b1+ a2b2, (qui correspond au cosinus de

l’angle AOB) ou encore au “produit vectoriel”8 −→OA∧ −−→OB = a

1b2 − a2b1 (le double

de l’aire orient´ee du triangle AOB, ou encore la quantit´e OA× OB sin AOB). Ces invariants apparaissent ainsi comme des polynˆomes en les coordonn´ees des points, et ces polynˆomes sont invariants sous l’action du groupe des rotations (l’aire ´etant, de plus, invariante par le groupe de toutes les transformations affines de d´eterminant 1).

Bien entendu, quiconque a fait de la g´eom´etrie sait qu’il est utile d’utiliser les invariants g´eom´etriques pour prouver les th´eor`emes. Ce que je vais expliquer maintenant c’est que ces d´emonstrations, comme Janus, ont deux faces : celle de la g´eom´etrie et celle de l’alg`ebre. Voici deux exemples tr`es simples : la concourance des m´edianes et celles des hauteurs dans un triangle.

3.2 Exemple 1 : les m´edianes.

Avant de parler de concourance des m´edianes, quelques d´etails techniques sur l’outil “aire”. L’un des lemmes qui devrait ˆetre, `a mon avis, un des r´esultats cl´es de

8

En fait, le scalairea1b2−a2b1 est plutˆot le d´eterminant des deux vecteurs sur la base canonique,

(8)

la g´eom´etrie du coll`ege est ce que je propose d’appeler le “lemme des proportions” : Si deux triangles ont un sommet commun et des bases port´ees par la mˆeme droite, le rapport de leurs aires est ´egal au rapport des bases, cf. figure 5.

Un cas particulier de ce lemme est le lemme “de la m´ediane” qui affirme qu’une m´ediane partage un triangle en deux triangles d’aires ´egales.

Ces lemmes r´esultent par exemple de la formule base×hauteur /2 (cf. [P] pour une discussion). Une cons´equence du lemme des proportions est le “lemme du chevron” (la figure 6 explique ce nom dans le cas o`u O est un point int´erieur du triangle) :

Soit ABC un triangle et O un point du plan. Si (OA) coupe (BC) en A, on a la

formule A(OBA) A(OCA) = AB AC. Figure 5 Figure 6 A B C A' A B A' C O

Ce lemme implique aussitˆot le r´esultat suivant9 :

Si ABC est un triangle, un point O (int´erieur au triangle) est sur la m´ediane AA si et seulement si on a l’´egalit´e d’aires :

(1) A(OAB) = A(OAC).

La formule (1) peut se traduire en termes de produit vectoriel grˆace `a la formule A(OAB) = 1

2 ||−→OA∧ −−→OB||. Plus pr´ecis´ement, on a une variante orient´ee de (1) : le

point O (quelconque) est sur la m´ediane si et seulement si on a :

(2) −→OA∧ (−−→OB + −OC) = 0.−→

(En effet, si on pose −−→OM = −OB + −−→ OC, la relation signifie que O, A, M sont align´es.−→ Or, OBM C est un parall´elogramme, de sorte que (OM ) passe par le milieu A de

9 Ce r´esultat peut se d´emontrer `a l’aide du seul lemme de la m´ediane et d’un petit raisonnement

par l’absurde. C’est d’ailleurs un bel exemple o`u les propri´et´es (de convexit´e essentiellement) sont ´

(9)

[BC] et on a bien le r´esultat.10)

On peut alors montrer la concourance des m´edianes, d’abord par la voie g´eom´etrique. Si on note AA, BB, CC les m´edianes et O le point d’intersection de (BB) et (CC) on a alors, par (1),A(OAB) = A(OBC) et A(OBC) = A(OAC), d’o`u A(OAB) = A(OAC) et le r´esultat.

Mais cette preuve se lit aussi de mani`ere alg´ebrique. En effet, on a la relation (∗) −→OA∧ (−−→OB + −OC) + −−→ OB−→∧ (−−→OC + −→OA) + −OC−→∧ (−→OA + −OB) = 0−→

qui traduit la bilin´earit´e et l’antisym´etrie du produit vectoriel. Si on prend l’origine O `a l’intersection de deux des m´edianes, la formule (2) montre que deux des produits vectoriels sont nuls, donc aussi le troisi`eme.

Ce qu’il faut retenir de cette fa¸con alg´ebrique de voir les choses c’est que le th´eor`eme correspond `a la relation (∗), d’ailleurs essentiellement triviale ici, entre les invariants.

3.3 Exemple 2 : les hauteurs.

Cette fois, le lemme de base est le suivant :

Soient ABC un triangle et O un point du plan. Alors O est sur la hauteur issue de A si et seulement si on a

(3) OB cos AOB = OC cos AOC.

(En effet, cette ´egalit´e traduit le fait que les projections de B et C sur la droite (OA) sont ´egales, et ceci, quel que soit le cas de figure.) En termes de produit scalaire, cette relation s’´ecrit

(4) (−→OA|−−→CB) = (−→OA|−−→OB− −−→OC) = 0.

On peut alors montrer la concourance des hauteurs, d’abord en termes de longueurs et (de cosinus) d’angles. On appelle O l’intersection des hauteurs issues de B et C. On a donc

OA cos AOB = OC cos BOC et OA cos AOC = OB cos BOC

dont on d´eduit aussitˆot la relation (3) ci-dessus, donc le fait que O est sur la troisi`eme hauteur.

Mais cette preuve a sa traduction alg´ebrique. En effet, on a la relation (essentielle-ment triviale l`a encore)

(∗∗) (−OB−→|−→OA− −−→OC) + (−OC−→|−−→OB− −→OA) + (−→OA|−−→OC − −−→OB) = 0

qui traduit la bilin´earit´e et la sym´etrie du produit scalaire, de sorte que si on prend pour origine l’intersection de deux des hauteurs elle est aussi sur la troisi`eme. L`a encore, le th´eor`eme se r´esume en la relation (∗∗).

10 On notera que l’´egalit´e d’aires A(OAB)=A(OAC) est ´equivalente `a OA−→∧(−→OB+−→OC)=0 ou `a

−→

OA∧(−→OB−−→OC)=0. Cette deuxi`eme ´egalit´e correspond au cas o`u (OA) est parall`ele `a (BC), cf. le lemme du “trap`eze” de [P] ou sa variante du “papillon”.

(10)

3.4 Bilan.

L’int´erˆet th´eorique11 de cette vision alg´ebrique des invariants r´eside alors dans les trois points suivants :

1) On peut montrer (cf. par exemple [P]) que tout th´eor`eme d’une g´eom´etrie s’interpr`ete comme une relation entre des invariants relatifs `a cette g´eom´etrie, comme il est apparu dans les exemples ci-desssus.

2) On a une sorte de th´eor`eme de compl´etude pour les invariants : on montre que pour la g´eom´etrie euclidienne du triangle (resp. pour la g´eom´etrie affine), il n’y a pas d’autres invariants que ceux vus ci-dessus (produits scalaires et vectoriels).

3) On a aussi un th´eor`eme de compl´etude pour les relations : l`a encore on les connaˆıt toutes, il n’y en a pas (de non triviale) en g´eom´etrie affine et, en g´eom´etrie euclidienne, elles se d´eduisent toutes de la relation

(∗∗∗) (−OB−→|−−→OC)2+ −−→OB∧ −−→OC 2 = (−OB−→|−−→OB) (−OC−→|−−→OC),

(dite identit´e de Lagrange) qui n’est autre que la relation cos2θ + sin2θ = 1.

Ce qu’affirme la th´eorie c’est donc qu’on peut, en principe, obtenir m´ecaniquement tous les th´eor`emes de g´eom´etrie `a partir de ces invariants et de leurs relations.

Par exemple, la relation fondamentale (∗∗∗) ci-dessus est exactement la traduction analytique, dans le cas du triangle O, B, C avec O = (0, 0), de la c´el`ebre propri´et´e de la droite d’Euler : le centre de gravit´e, le centre du cercle circonscrit et l’orthocentre du triangle O, B, C sont align´es. De mˆeme, le th´eor`eme affirmant que le sym´etrique de l’orthocentre du triangle par rapport `a un cˆot´e est sur le cercle circonscrit est lui aussi une traduction de la relation (∗∗∗).

3.5 Invariants et relations, encore un exemple.

Je propose au lecteur un petit d´etour en montrant un exemple, peut-ˆetre plus convaincant encore que ceux qui portent sur la g´eom´etrie euclidienne. Cet exemple est issu de la g´eom´etrie anallagmatique (celle de l’inversion) qui n’est plus enseign´ee `

a l’heure actuelle, encore que ce qui suit pourrait ais´ement ˆetre expliqu´e `a un ´el`eve de terminale S d’aujourd’hui.

Un invariant de cette g´eom´etrie, bien connu des tˆetes chenues, est le birapport : [a, b, c, d] = c− a c− b : d− a d− b = c− a c− b × d− b d− a.

Lorsque a, b, c, d sont 4 points distincts de C = C ∪ {∞}, il est facile de calculer l’argument de [a, b, c, d] en termes d’angles orient´es de vecteurs et on en d´eduit que les points a, b, c, d sont cocycliques ou align´es si et seulement si leur birapport est r´eel.

Mais, si on a 8 points a, b, c, d, p, q, r, s, on a une relation, ´evidente mais splendide, entre les birapports (“le th´eor`eme des six birapports”) :

(5) [abrs] [bcps] [caqs] [pqcd] [qrad] [rpbd] = 1.

11 et seulement th´eorique, car il n’est pas question de faire ce type de d´emonstrations calculatoires

(“en tournant la manivelle” aurait dit Jean-Jacques Rousseau, cf. ci-dessous §5 a) au coll`ege, ni mˆeme, `a mon sens, au lyc´ee, mais elles sont importantes pour saisir l’importance des invariants.

(11)

La traduction g´eom´etrique de cette condition est imm´ediate : si on a 8 points et si 5 des quadruplets ci-dessus sont cocycliques ou align´es, les birapports correspondants sont r´eels. Mais alors, le sixi`eme birapport est aussi r´eel et donc les 4 derniers points sont aussi cocycliques ou align´es.

Cette relation entre les invariants et ses variantes sont `a la source de nombreux th´eor`emes g´eom´etriques : le th´eor`eme de la droite de Simson, celui des 6 cercles de Miquel, etc. (cf. [Audin], exercice V.38) ; citons par exemple le suivant dans lequel on a pris s = ∞ :

Soient a, b, c trois points non align´es et p, q, r trois points distincts de a, b, c, situ´es sur les droites (bc), (ca), (ab). Alors les cercles circonscrits aux triangles cpq, brp, aqr ont un point commun

appel´e le “pivot”. Figure 7 a b c q r p d

3.6 Deux exemples encore pour conclure.

Comme on l’a vu, ce que dit la th´eorie c’est que les th´eor`emes d’une g´eom´etrie proviennent toujours de relations entre invariants relatifs `a cette g´eom´etrie. La cons´equence pratique de ce fait c’est que la constatation empirique que les invariants sont efficaces pour faire de la g´eom´etrie est pleinement justifi´ee par la th´eorie : tout probl`eme de g´eom´etrie affine (resp. euclidienne) doit pouvoir se r´esoudre par usage des aires (resp. des longueurs et des angles). C’est ce qui motive ma position en faveur d’un usage plus syst´ematique des invariants au coll`ege. Voici encore deux exemples pratiques pour achever de convaincre le lecteur de leur efficacit´e.

Le premier, qui utilise les aires, est le c´el`ebre th´eor`eme de M´en´ela¨us.

Soit ABC un triangle.

Une droite ∆ coupe respectivement (BC), (CA), (AB) en A, B, C. Montrer qu’on a : AB AC × BC BA × CA CB = 1. Figure 8 A B C B ' C ' A'

(12)

alg´ebriques (sur une mˆeme droite) et non comme des distances. Cela montre que le probl`eme est de nature affine. D’apr`es les principes ´enonc´es ci-dessus, on doit donc pouvoir le traiter au moyen des aires.

Pour cela, on interpr`ete les rapports comme des rapports d’aires (grˆace au lemme des proportions). Ainsi, on a A

B

AC =

A(ABC)

A(ACC). On notera qu’on a choisi le triangle

ABC car il fait intervenir deux des longueurs en jeu (AB et CB) et on r´eutilise ce triangle pour le troisi`eme rapport : C

A

CB =

A(AAC)

A(ABC). L’´egalit´e `a prouver devient

alors B

C

BA =

A(ACC)

A(AAC) : c’est le lemme du chevron !

Le second exemple, tr`es classique ´egalement, utilise les angles et il est aussi ´etudi´e dans [DPR] :

Soit ABCD un carr´e.

On construit `a l’int´erieur de ABCD (resp. `a l’ext´erieur)

le triangle ´equilat´eral ABE (resp. BCF ). Montrer que les points D, E, F sont align´es.

Figure 9

A B

D C

E

F

La solution en termes d’angles est tr`es simple : on calcule les angles en E. On a 

DEA = 75◦, AEB = 60◦, BEF = 45◦ et comme la somme vaut 180, les trois points D, E, F sont align´es.

Dans la pratique, pour que l’utilisation des invariants aire et angle soit efficace il est n´ecessaire de disposer d’un petit nombre d’outils. Pour les aires il s’agit essentiellement des “lemmes du coll`ege”, cf. [P] ; pour les angles, on peut citer en vrac la somme des angles d’un triangle, l’usage du compl´ementaire et du suppl´ementaire, les angles alternes-internes et correspondants, et enfin, le th´eor`eme de l’angle inscrit.

4. LES OUTILS POUR PROUVER : LES CAS D’“´

EGALIT´

E”.

4.1 La r´eforme des math´ematiques modernes.

Parmi les cibles pr´ef´er´ees des promoteurs de la r´eforme des math´ematiques modernes on trouve les cas d’´egalit´e et de similitude des triangles. Voil`a, par exemple, ce que dit Dieudonn´e `a ce sujet :

... tout s’obtient de la fa¸con la plus directe en quelques lignes de calculs triviaux, l`a o`u auparavant il fallait ´eriger au pr´ealable tout un ´echafaudage complexe et artificiel de constructions de triangles auxiliaires, afin de se ramener vaille que vaille aux sacro-saints “cas d’´egalit´e” ou “cas de similitude” des triangles ...

(13)

C’est un des points que je conteste le plus dans le discours de l’´epoque et dont les cons´equences demeurent importantes `a l’heure actuelle puisque les cas d’´egalit´e12 et de similitude ne font plus partie des outils des coll´egiens.13

4.2 Fondements th´eoriques de l’usage des cas d’isom´etrie comme outil. Un probl`eme crucial qu’on rencontre lorsqu’on travaille avec un groupe de trans-formations G d’un ensemble X est de dire si G est transitif, c’est-`a-dire si on peut transformer n’importe quel ´el´ement de X en n’importe quel autre par l’action du groupe. 14 Par exemple, dans le plan, le groupe des isom´etries op`ere transitivement sur l’ensemble des points ou sur celui des demi-droites. En revanche, il n’est pas transitif sur l’ensemble des segments, ou sur l’ensemble des couples de demi-droites de mˆeme sommet.

Lorsque le groupe n’est pas transitif, l’objectif est de d´ecrire ses orbites, c’est-` a-dire de donner un crit`ere commode pour savoir si deux ´el´ements peuvent ou non ˆetre transport´es l’un sur l’autre. Beaucoup d’invariants g´eom´etriques peuvent s’interpr´eter en ces termes de description d’orbites, en visant un th´eor`eme du genre :

Deux ´el´ements de X peuvent ˆetre ´echang´es par l’action de G (i.e. sont dans la mˆeme orbite) si et seulement si certains de leurs invariants sont les mˆemes.

Par exemple, deux segments peuvent ˆetre ´echang´es par le groupe des isom´etries si et seulement si ils ont mˆeme longueur. Deux couples de demi-droites peuvent ˆetre ´echang´es par le groupe des isom´etries si et seulement si ils ont mˆeme angle.

Or, que font les cas d’isom´etrie des triangles ? Ils d´ecrivent exactement les orbites du groupe des isom´etries dans son action sur les triangles en donnant des crit`eres commodes qui permettent d’affirmer l’existence d’une isom´etrie ´echangeant deux triangles (avec comme cons´equence l’´egalit´e des autres ´el´ements que ceux utilis´es) sans ˆetre oblig´e, comme c’est le cas actuellement, d’exhiber celle-ci. D’ailleurs leur d´emonstration est une parfaite illustration de ce principe de transitivit´e : on envoie un sommet sur un autre, puis une demi-droite sur une autre, etc. et peu importe qui est la transformation finale. Parodiant le c´el`ebre sketch de Pierre Dac et Francis Blanche on pourrait avoir ce dialogue :

— Votre s´er´enit´e, pouvez-vous envoyer ce triangle ABC sur cet autre triangle ABC ?

12 Contrairement `a certains, cf. [Cuppens], je pense vraiment qu’il faut ´eviter le mot “´egalit´e”. Bien

sˆur, toute relation d’´equivalence est une ´egalit´e dans l’ensemble quotient et je n’h´esite pas `a ´ecrire ´

egal quand je calcule dansZ/nZou dans des endroits bien pires encore. Bien sˆur, Euclide en faisait bien d’autres puisque l’´egalit´e des triangles pouvait signifier pour lui aussi bien l’isom´etrie que la seule ´egalit´e des aires. Cependant, si les math´ematiciens sont capables de se retrouver dans une telle jungle grˆace au contexte, je crois qu’il ne faut pas compliquer inutilement la tˆache de nos ´el`eves. Dans ce cas il me semble que cela ne coˆute pas tr`es cher de parler de triangles isom´etriques (ou congruents si l’on pr´ef`ere).

13

Ils ont fait leur r´eapparition en seconde dans les derniers programmes. Je m’en r´ejouis dans la mesure o`u cela suscite une r´eflexion sur le sujet, mais je pense que cette introduction est trop tardive et les arguments que je vais donner en leur faveur, tant du point de vue de l’efficacit´e de l’outil que de l’axiomatique, en t´emoignent.

14

On se reportera `a [DPR], §8 pour quelques illustrations de l’int´erˆet de ce type de r´esultat de transitivit´e.

(14)

— Oui

— Vous pouvez le faire ? — Oui

— Il peut le faire !

Nous allons donner ci-dessous des exemples de cette situation en esp´erant convain-cre le lecteur de l’efficacit´e des cas d’isom´etrie des triangles, par rapport `a l’usage direct des transformations. En v´erit´e, dans le plan, comme on connaˆıt toutes les isom´etries, il est souvent assez facile de rep´erer laquelle employer. En revanche, ce qui est plus d´elicat c’est de prouver qu’elle fait bien ce qu’on suppose. On y arrive, mais c’est souvent lourd et, presque toujours, inutile.

Le mˆeme argument vaut ´evidemment pour les similitudes, avec, dans ce cas, deux avantages suppl´ementaires :

• il y a un crit`ere (avec deux angles ´egaux) d’une simplicit´e enfantine,

• on connaˆıt encore toutes les similitudes planes mais il est nettement plus compliqu´e que dans le cas des isom´etries de rep´erer celle qui va faire le travail.

4.3 Des exemples.

Il y a dans [DPR] de nombreux exemples de cette utilisation des cas d’isom´etrie ou de similitude dans lesquels cette voie est plus simple que le recours aux trans-formations. `A la lumi`ere de ces exemples, je reprendrais volontiers la citation de Dieudonn´e, en la renversant :

... tout s’obtient de la fa¸con la plus directe en utilisant les “cas d’´egalit´e” ou “cas de similitude” des triangles, l`a o`u auparavant il fallait ´eriger au pr´ealable tout un ´

echafaudage complexe et artificiel de constructions, afin de se ramener vaille que vaille `a la transformation pertinente ...

Voici un exemple que j’emprunte `a la th`ese (en cours) de Sophie Gobert [Gobert] :

Soit ABCD un parall´elogramme. On construit, `a l’ext´erieur de ABCD les triangles ´equilat´eraux ADP et ABQ. Montrer que PQC est ´equilat´eral.

Figure 10

D C

A B

P

Q

On voit aussitˆot que les triangles BQC et DCP sont isom´etriques ce qui donne CP = CQ. Pour conclure, deux m´ethodes sont possibles. On peut montrer que l’angle en C de PQC vaut π/3 en notant que son suppl´ementaire est ´egal `a celui de QBA. On peut aussi montrer que le triangle AQP est isom´etrique `a l’un quelconque des pr´ec´edents (il faut un petit calcul d’angles pour montrer D = A ou D = B).

Bien entendu, on peut aussi montrer le r´esultat en utilisant les transformations. Il faut, soit montrer que la rotation de centre O (le centre de PQC) conserve ce triangle (mais cela ne semble pas ´evident), soit montrer que la rotation de centre

(15)

Q15 et d’angle −π/3 transforme C en P . Pour cela, on envoie C en P comme on peut, c’est-`a-dire en passant par D. Autrement dit, on consid`ere la compos´ee f = ρτ de la rotation de centre A et d’angle −π/3 et de la translation de vecteur −−→CD. La transformation f est une rotation de −π/3 et on a bien f(C) = ρ(D) = P . Il reste `a trouver le centre de f . Soit Q tel que τ (Q) = Q. Le triangle AQQ est ´equilat´eral. On a donc f (Q) = ρ(τ (Q)) = ρ(Q) = Q ce qui montre que f est de centre Q et que PQC est ´equilat´eral.

Je consid`ere que cette preuve est doublement plus compliqu´ee que l’autre. En effet, outre qu’il faut parfaitement maˆıtriser la composition des isom´etries16, il faut une

construction suppl´ementaire. Qui parlait d’un ´echafaudage complexe ?

Voici un autre exemple, qui concerne la similitude et qui est ´etudi´e dans [DPR] :

Soit ABC un triangle isoc`ele en A. Une droite passant par A

coupe le cˆot´e [BC] en D et le cercle circonscrit en E. Montrer qu’on a AD . AE = AB2. C Figure 11 B A D E

La relation est imm´ediate en montrant que les triangles ABD et AEB sont semblables, (il faut utiliser le th´eor`eme de l’angle inscrit). En revanche il n’est pas ´evident d’exhiber la transformation qui donne le r´esultat. Il s’agit en effet de la similitude indirecte, compos´ee de la sym´etrie d’axe la bissectrice de BAE et de l’homoth´etie de centre A et de rapport AB/AD, mais pour le voir il faut construire les points B et D sym´etriques de B et D par rapport `a la bissectrice et il n’est pas encore ´evident de montrer que (BD) est parall`ele `a (BE). ´Echafaudage, vous avez dit ´echafaudage ?

4.4 Cas d’isom´etrie et axiomatique.

Il y a un dernier argument en faveur des cas d’isom´etrie, c’est celui des fondements de notre enseignement de la g´eom´etrie. En effet, avant la r´eforme des math´ematiques modernes, le fondement de la g´eom´etrie, plus ou moins implicite, ´etait un syst`eme

15 En fait, le plus simple est d’utiliser la rotation de 60 degr´es de centre P. 16

Le fait que la compos´ee d’une rotation d’angle θ et d’une translation soit une autre rotation d’angle θ est trivial si l’on dispose de la transformation vectorielle associ´ee `a une transformation affine, ce qui est le cas `a l’Universit´e. C’est encore assez facile en terminale avec la d´ecomposition en produit de r´eflexions. En revanche, au coll`ege, cela n’est pas du tout ´evident !

(16)

d’axiomes inspir´e d’Euclide. Dans ce syst`eme, on “d´emontrait” les cas d’´egalit´e par la m´ethode de superposition qui, si elle est convaincante pour l’intuition, n’´etait pas vraiment rigoureuse sur le plan math´ematique. On sait, depuis Hilbert, qu’il faut au moins mettre le “premier cas d’´egalit´e” dans les axiomes. Mais, une fois qu’on disposait des cas d’´egalit´e, la suite pouvait ˆetre alors parfaitement justifi´ee.

La perspective des r´eformateurs des ann´ees 60-70 ´etait clairement de substituer `

a ce syst`eme d’axiomes celui issu de l’alg`ebre lin´eaire. Choquet parle d’une “route royale” et Dieudonn´e dit :

Il me semble qu’il y a int´erˆet `a familiariser le d´ebutant le plus tˆot possible avecles notions essentielles de cette discipline (l’alg`ebre lin´eaire), `a lui apprendre `a “penser lin´eairement” ...

Cette doctrine a d’ailleurs ´et´e mise en œuvre au lyc´ee, au d´ebut des ann´ees 70 avec le succ`es que l’on sait.

Dans la p´eriode suivante on a renonc´e `a cette id´ee du tout lin´eaire et propos´e une sorte de syst`eme interm´ediaire, fond´e sur l’introduction progressive des trans-formations, mais la base th´eorique n’en ´etait pas toujours tr`es claire (il y a bien eu des tentatives int´eressantes de ce point de vue, dont celle d’Annie Cousin-Fauconnet [Cousin-Fauconnet], mais elles ´etaient assez peu connues, mˆeme en formation des maˆıtres).

Tout bien pes´e, mon sentiment est que finalement, pour les ´el`eves de coll`ege, c’est encore Euclide, convenablement adapt´e, qui est le plus simple !

5. LES AUTRES OUTILS POUR PROUVER : LE CALCUL,

LES TRANSFORMATIONS.

5.1 Le calcul.

Je voudrais dire ici que le calcul aussi est un outil important pour faire de la g´eom´etrie. `A un stade plus avanc´e, il n’y a d’ailleurs pas de g´eom´etrie qui ne soit li´ee au calcul. Par exemple, on ne comprend la solution n´egative des probl`emes des grecs (duplication du cube, quadrature du cercle, etc.) qu’en traduisant les propri´et´es g´eom´etriques en propri´et´es des nombres. Voici ce que dit Descartes `a ce sujet dans un texte magnifique (cf. [Descartes]) :

Tous les probl`emes de g´eom´etrie se peuvent facilement r´eduire `a tels termes, qu’il n’est besoin par apr`es que de connoˆıtre la longueur de quelques lignes droites pour les construire.

Et comme toute l’arithm´etique n’est compos´ee que de quatre ou cinq op´erations, qui sont l’addition, la soustraction, la multiplication, la division et l’extraction des racines, qu’on peut prendre pour une esp`ece de division, ainsi n’a-t’on autre chose `a faire en g´eom´etrie touchant les lignes qu’on cherche pour les pr´eparer `a ˆetre connues, que de leur en ajouter d’autres, ou en ˆoter ; ou bien en ayant une, que je nommerai l’unit´e pour la rapporter d’autant mieux aux nombres, et qui peut ordinairement ˆ

etre prise `a discr´etion, puis en ayant encore deux autres, en trouver une quatri`eme qui soit `a l’une de ces deux comme l’autre est `a l’unit´e, ce qui est le mˆeme que la multiplication ; ou bien en trouver une quatri`eme qui soit `a l’une des deux comme l’unit´e est `a l’autre, ce qui est le mˆeme que la division ; ou enfin trouver une ou deux, ou plusieurs moyennes proportionnelles entre l’unit´e et quelque autre ligne, ce qui est

(17)

le mˆeme que tirer la racine carr´ee ou cubique, etc. Et je ne craindrai pas d’introduire ces termes d’arithm´etique en la g´eom´etrie, afin de me rendre plus intelligible.

De mˆeme, le probl`eme, anodin en apparence, de savoir combien de coniques du plan sont tangentes `a cinq coniques donn´ees17 rel`eve typiquement de ce qu’on appelle la g´eom´etrie alg´ebrique, qui, comme son nom l’indique, instaure un dialogue profond et difficile entre calcul et g´eom´etrie.

`

A un niveau plus ´el´ementaire il ne s’agit pas de calculer au lieu de faire de la g´eom´etrie, mais de calculer en faisant de la g´eom´etrie. La citation suivante de Jean-Jacques Rousseau (dans Les confessions) illustre bien ce point :

Je n’ai jamais ´et´e assez loin pour bien sentir l’application de l’alg`ebre `a la g´eom´etrie. Je n’aimais pas cette mani`ere d’op´erer sans voir ce qu’on fait, et il me semblait que r´esoudre un probl`eme de g´eom´etrie par les ´equations, c’´etait jouer un air en tournant une manivelle. La premi`ere fois que je trouvai par le calcul que le carr´e d’un binˆome ´etait compos´e du c arr´e de chacune de ses parties, et du double produit de l’une par l’autre, malgr´e la justesse de ma multiplication, je n’en voulus rien croire jusqu’`a ce que j’eusse fait la figure. Ce n’´etait pas que je n’eusse un grand goˆut pour l’alg`ebre en n’y consid´erant que la quantit´e abstraite ; mais appliqu´ee `a l’´etendue, je voulais voir l’op´eration sur les lignes ; autrement je n’y comprenais plus rien.

Je trouve que ce d´efaut de faire de la g´eom´etrie “en tournant une manivelle” est assez r´epandu, notamment parmi les ´etudiants de CAPES avec qui je dois souvent lutter pour qu’ils ne d´eroulent pas un calcul vectoriel `a grands coups de relations de Chasles, hors de toute intuition g´eom´etrique.

En revanche, l’apport du calcul, lorsqu’il est li´e `a la g´eom´etrie, est souvent d´ecisif, cf. par exemple [DPR], §4.

5.2 Les transformations.

Les arguments des paragraphes pr´ec´edents me conduisent `a critiquer un usage trop exclusif de l’outil “transformations” au coll`ege. En effet, ce choix pr´esente au moins deux d´efauts essentiels : il appauvrit et il complique.

• Il appauvrit

Les transformations ne constituent un outil r´eellement efficace que lorsqu’on dispose de toute la panoplie des isom´etries, voire des similitudes planes. Cela conduit, en attendant, `a n’utiliser que la transformation qui rel`eve du programme de la classe consid´er´ee (et, dans le meilleur des cas, de celui des classes pr´ec´edentes), ce qui appauvrit beaucoup les probl`emes que l’on peut poser. Ce d´efaut de complexit´e conduit, de plus, `a un autre effet pervers, qui est d’insister sur l’aspect formel des d´emonstrations dont j’ai d´ej`a dit qu’il n’est pas l’essentiel. Les invariants et les cas d’isom´etrie, en revanche, sont des outils qui, d`es qu’on en dispose, permettent de faire `a peu pr`es toute la g´eom´etrie du coll`ege et de poser d`es le d´ebut des probl`emes o`u une vraie r´eflexion, appuy´ee sur la figure, est possible.

• Il complique

Comme on l’a vu ci-dessus, il y a de nombreux cas o`u l’usage des transformations, en lieu et place des cas d’isom´etrie, conduit, au niveau du coll`ege, `a des contorsions

(18)

p´enibles, notamment lorsqu’il faut calculer explicitement des compos´ees de trans-formations, au lieu d’utiliser la transitivit´e. Une cons´equence in´eluctable de cette complication est la suivante : pour que les ´el`eves puissent r´esoudre les probl`emes on est oblig´e de leur donner beaucoup d’indications, de sorte que les tˆaches qui leur restent sont trop parcellaires et ne donnent pas lieu `a une v´eritable recherche. Comme les ´el`eves n’ont plus vraiment `a trouver quelque chose, ce qu’on leur demande est donc plutˆot de l’ordre de la mise en forme et cela ne fait que renforcer le d´efaut que je signalais plus haut : la d´emonstration r´eduite `a un exercice de style.

Attention, mˆeme si j’ai essay´e de vous convaincre que les transformations ne sont pas toujours le meilleur outil pour faire de la g´eom´etrie, notamment au coll`ege, il convient de se garder de retomber dans le travers que d´enon¸cait Choquet en 1961 (cf. [Choquet]) : On rencontre fr´equemment la situation paradoxale suivante : le pro-fesseur ´etudie avecses ´el`eves une figure dot´ee d’un axe de sym´etrie ´evident ; pour ´

etablir l’´egalit´e de deux segments, la tendance naturelle de l’´el`eve est d’utiliser cette sym´etrie ; son professeur le lui interdit, au profit d’un cas d’´egalit´e de triangles. Ne parlons pas de la faute p´edagogique ainsi commise ; mais, d’une part, le pro-fesseur oublie que sa d´emonstration des cas d’´egalit´e ´etait bas´ee implicitement sur la sym´etrie ; d’autre part, il pr´esente les math´ematiques comme un jeu vain, dans lequel des propri´et´es ´evidentes doivent ˆetre d´emontr´ees `a partir d’autres propri´et´es qui le sont beaucoup moins.

Les arguments contenus dans ce texte, qui sont tout `a fait recevables et expliquent en partie la position prise `a l’´epoque, doivent nous guider pour trouver une voie m´ediane entre le “tout transformations” et le “tout cas d’´egalit´e”.

Voici d’ailleurs un exemple, emprunt´e `a [DPR]§7 o`u les transformations sont l’outil le mieux adapt´e :

Construire un carr´e ABCD

dont le centre O est donn´e et tel que les points A et B soient respectivement sur deux droites donn´ees ∆A et ∆B.

Figure 12 ∆Α ∆Β ρ(∆Α) B A O H H'

Dans ce cas, la consid´eration de la rotation de centre O et d’angle−π

2 est d´ecisive, cf. figure 12 pour le cas indirect.

Pour conclure sur ce point, je retiendrais volontiers le principe suivant : il est naturel d’utiliser les transformations quand elles sont ´evidentes (c’est-`a-dire quand on les voit !). Sinon, si on ne les aper¸coit pas, ou si on ne sait pas montrer que leur effet

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est bien celui qu’on pense (et cela peut d´ependre des aptitudes et des connaissances de chacun), plutˆot que d’essayer `a toute force de les faire apparaˆıtre, il est toujours possible et souvent plus simple d’utiliser les invariants et les cas d’isom´etrie.

6. CONCLUSION.

6.1 Des propositions.

En ce qui concerne la g´eom´etrie du coll`ege, les deux orientations que j’ai envie de proposer (et qui sont sous-jacentes dans le rapport d’´etape) sont les suivantes : • une plus grande utilisation des invariants, notamment aires et angles,

• la r´eintroduction des cas d’isom´etrie au coll`ege.

Le premier point ne repr´esente pas un changement consid´erable. C’est plus un changement d’´etat d’esprit qu’autre chose. Le second point est plus cons´equent et, avant de passer `a sa r´ealisation, il y a tout un travail pr´ealable `a faire :

• Il faut mener une r´eflexion (collective) sur la coh´erence g´en´erale des programmes et l’ordre dans lequel les notions doivent ˆetre introduites, sur l’axiomatique (en un sens assez large) qui est sous-jacente et sur les cons´equences didactiques de tels choix et faire des propositions en ce sens (cf. par exemple [Bkouche 2000]). Il y a beaucoup de questions dont la r´eponse n’est pas ´evidente : quel ´equilibre transformations-cas d’isom´etrie ? quand introduire ces notions ?18

• Un grand effort est n´ecessaire pour convaincre les maˆıtres de l’int´erˆet de cette ´evolution et de ce qu’elle peut leur apporter, en tenant compte de l’exp´erience qu’ils ont accumul´ee au cours des ann´ees sur les transformations. C’est ce que j’essaie de faire ici. Mais je sais que ce n’est pas facile. Le proverbe russe qui dit : le plus court chemin est celui que tu connais est valable pour chacun de nous.

• Un effort important de formation initiale et continue est indispensable car, `a l’exception des anciens qui ont ´et´e form´es aux cas d’´egalit´e (mais qui, d’abord, ont oubli´e ces techniques qu’ils n’ont pas ou peu enseign´ees et qui, ensuite, vont bientˆot partir `a la retraite !), les autres n’en ont pratiquement jamais entendu parler. Je reviens sur ce point au paragraphe suivant.

6.2 La formation des maˆıtres en g´eom´etrie.

Il est clair que la formation des maˆıtres, `a l’heure actuelle, pr´esente de graves insuffisances en ce qui concerne la g´eom´etrie. Cela est dˆu notamment au fait que les cursus actuels de DEUG et de licence contiennent, en g´en´eral, tr`es peu de g´eom´etrie. Je recense ici quelques th`emes sur lesquels la formation devrait, `a mon avis, ˆetre compl´et´ee (cela pourrait ˆetre en licence, voire en maˆıtrise, afin que tout ne repose pas sur l’ann´ee de pr´eparation au CAPES).

• L’axiomatique : il faudrait montrer (bri`evement) aux futurs professeurs, `a cˆot´e de la pr´esentation par les espaces affines et vectoriels (essentiellement inutile pour

18 Une fa¸con de faire, pas trop brutale, consisterait `a partir du libell´e des actuels programmes qui

demandent : Construire un triangle connaissant la longueur d’un cˆot´e et les deux angles qui lui sont adjacents, etc.. En effet, cette construction s’appuie implicitement sur les cas d’isom´etrie. Il ne serait pas tr`es difficile de justifier alors les cons´equences de ce qu’on vient de faire, c’est-`a-dire l’´egalit´e des autres ´el´ements.

(20)

enseigner au coll`ege19), un syst`eme coh´erent d’axiomes du style Euclide-Hilbert, en explicitant au moins les axiomes d’incidence ´el´ementaires, les axiomes de congruence (le premier cas d’´egalit´e), le postulat des parall`eles et enfin les axiomes des aires. Il y a maintenant des r´ef´erences abordables, cf. [Arsac], [Hartshorne], [Lion]. Un compl´ement important de cette ´etude devrait ˆetre de montrer quelques rudiments d’une g´eom´etrie non euclidienne (par exemple la g´eom´etrie du demi-plan de Poincar´e, voir le livre de G. Lion [Lion]).

• Parmi les points qui devraient ˆetre approfondis figure certainement la notion d’angle, ou plutˆot les notions d’angles (orient´es ou non, de demi-droites, de droites, etc.), avec notamment le th´eor`eme de l’angle inscrit et ses applications.

• Il y a un travail important `a faire sur la figure, afin de donner aux futurs professeurs les moyens de maˆıtriser les difficult´es qui s’y rapportent. Je renvoie `a [R] §3 d) pour une analyse de ce travail n´ecessaire qui tourne surtout autour de la convexit´e. • Un autre point noir de notre enseignement universitaire concerne les notions de mesure des longueurs, des aires et des volumes. C’est un point qu’il faut corriger pour permettre aux futurs professeurs d’ˆetre au clair sur la mesure des angles, ou encore sur la limite de sin x/x en 0, ou enfin sur l’existence des primitives.

• Enfin, la g´eom´etrie dans l’espace est un point essentiel et redout´e des candidats au CAPES. Il devrait y avoir en licence ou en maˆıtrise un moment pour ´etudier les poly`edres, la formule d’Euler, les poly`edres r´eguliers, etc.

J’ai prononc´e ici, `a plusieurs reprises, le mot maˆıtrise. Je pense en effet que vouloir former en 3 ans (plus l’ann´ee de CAPES) des professeurs qui dominent `a la fois, la g´eom´etrie, l’alg`ebre, l’arithm´etique, l’analyse, les statistiques et les probabilit´es, qui aient des connaissances solides dans les disciplines voisines (pour les TPE), qui soient aussi form´es en informatique, que sais-je encore, c’est la quadrature du cercle, et ce d’autant plus qu’il va falloir former beaucoup de professeurs dans les ann´ees qui viennent. Je suis donc un partisan r´esolu de l’allongement d’un an des ´etudes pour les futurs professeurs de math´ematiques20, mais ceci est une autre histoire ...

7. R´

EF´

ERENCES.

[Arsac] Arsac G., L’axiomatique de Hilbert et l’enseignement de la g´eom´etrie au coll`ege et au lyc´ee, Al´eas, IREM de Lyon, 1998.

[Audin] Audin M., G´eom´etrie, Belin, 1998.

[Bkouche 1997] Bkouche R., Quelques remarques `a propos de l’enseignement de la g´eom´etrie, Rep`eres IREM 26, 1997.

[Bkouche 2000] Bkouche R., Quelques remarques autour des cas d’´egalit´e des triangles, Bull. APMEP 430, septembre 2000.

[Choquet] Choquet G., Recherche d’une axiomatique commode pour le premier enseignement de la g´eom´etrie ´el´ementaire, Brochure APM num´ero 3, 1961.

19

Comme le dit G. Arsac (cf. [Arsac]) : un enseignant est aussi bien arm´e avec cette axiomatique qu’une poule avec un couteau pour r´esoudre les probl`emes de l’enseignement de la g´eom´etrie.

20

et je le dis chaque fois que j’en ai l’occasion. Apr`es tout, `a force de r´ep´eter “il faut d´etruire Carthage”, elle a fini par ˆetre d´etruite !

(21)

[Cousin-Fauconnet] Cousin-Fauconnet A., Enseigner la g´eom´etrie au coll`ege, A. Colin, 1995.

[Cuppens] Cuppens R., Enseigner la g´eom´etrie avecun ordinateur ? Bull. APMEP 431, novembre 2000.

[Descartes] Descartes R., La g´eom´etrie, nouvelle ´edition, Hermann, 1886.

[Dieudonn´e] Dieudonn´e J., Alg`ebre lin´eaire et g´eom´etrie ´el´ementaire, Hermann, 1968.

[Duperret & Perrin & Richeton]= [DPR] Duperret J.-C., Perrin D., Richeton J.-P., Une illustration du rapport sur la g´eom´etrie de la commission Kahane : analyse de quelques exercices de g´eom´etrie, `a paraˆıtre au Bulletin de l’APMEP.

[Ermel] ERMEL, Vrai ? Faux ? On en d´ebat ! De l’argumentation vers la preuve en math´ematiques au cycle 3, INRP, 1999.

[Gobert] Gobert S., Th`ese, Universit´e Paris 7, en pr´eparation.

[Hartshorne] Hartshorne R., Geometry : Euclide and beyond, Undergraduate Texts in Mathematics, Springer, 2000.

[Lion] Lion G., G´eom´etrie du plan, Vuibert, 2001.

[Perrin]=[P] Perrin D., Une illustration du rapport sur la g´eom´etrie de la com-mission Kahane : l’exemple de la g´eom´etrie affine du coll`ege, Bull. APMEP 431, novembre 2000.

[Rapport]=[R] Rapport d’´etape de la commission de r´eflexion sur l’enseignement des math´ematiques, Bull. APMEP 430, septembre 2000.

Pour les annexes, voir le site Internet de la SMF :

Figure

Figure 3 AM N B C
Figure 12 ∆ Α∆Βρ(∆Α)B A OHH'

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