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Interprétation des réactions d'oxydation et de réduction de la chimie analytique par la théorie électronique
DUPARC, Louis, ROGOVINE, Eugénie, WENGER, Paul Eugène Etienne
DUPARC, Louis, ROGOVINE, Eugénie, WENGER, Paul Eugène Etienne. Interprétation des réactions d'oxydation et de réduction de la chimie analytique par la théorie électronique.
Helvetica Chimica Acta , 1928, vol. 11, no. 4, p. 577-583
DOI : 10.1002/hlca.19280110172
Available at:
http://archive-ouverte.unige.ch/unige:105161
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Volumen XI Fasciculu -Q'~~ o : - - - - · _ _ _ _
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Interprétation des réactions d'oxydation et de réduction de la chimie analytique par la théorie électronique
par L. Duparc, E. Rogovine et P. Wenger.
(30. IV. 28.)
D'après la théorie électronique et en se basant sur le modèle de Bohr·, la constitution des atomes peut être représentée de la façon suivante:
La presque totalité de la masse atomique est concentrée dans le noyau, très petit, dont le diamètre est de l'ordre de 3 xl0-13 cm. à :3 X 10-12 cm. et qui occupe le centre de l'atome. Ce noyau est composé
·de protons et d'électrons. Les protons sont porteurs des charges élec- -triques élémentaires positives en nombre ,N". Les électrons sont les particules d'électricité négative dont le nombre est voisin de , ~",
·dans un système atomique stable. Autour de ce noyau, à des distances Telativement très grandes, gravitent, sur des orbites déterminées, les
·électrons. La somme de leurs charges doit neutraliser la charge positive du noyau. Ces orbites sont en nombre variable, suivant les éléments.
La couche électronique externe, connue sous le nom de couche périphé- xique, est caractérisée par des électrons partiuulièremerit mobiles, susceptibles de quitter l'atome. C'est dans cette couche périphérique
·que semblent localisées les propriétés chimiques de l'élément, c'est d'elle que dépendent les phénomènes chimiques dont certains nous intéressent particulièrement. Tout d'abord, les électrons périphériques déterminent la valence des éléments et plus exactement leur valence positive maxima, le départ de ces électrons faisant apparaître la charge positive de l'atome
·qui, normalement, est électriquement neutre. Selon la classification pé'riodique des éléments, -le nombre des électrons-périphériques, ou valence positive de l'élément, est déterminé par le numéro d'ordre;
·comme l'orbite extérieur de l'atome ne peut avoir plus de 8 électrons, , la valence négative de l'élément (c'est-à-dire le nombre d'électrons que
~'atome peut encore fixer pour arriver à 8) est égale à 8 moins le numéro
·C"ordre.
Si le nombre d'électrons augmente encore, il se crée une nouvelle
·orl1ite qui devient périphérique et l'orbite précédente à 8 électrons de·rient interne. Ainsi on passe, par exemple, de l'atome de néon à
~ )lectrons externes à l'atome suivant, celui du sodium, possédant un ele)tron externe, mais une orbite de plus.
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Les éléments qui perdent :facilement leurs électrons sont électroposi- tifs et ceci d'autant plus que leur tendance à perdre les électrons est plus grande. Ceux, par contre, qui :fixent les électrons ont une nature électronégative. L'atome d'un élément quelconque étant électriquement neutre, c'est la nature plus ou moins électropositive ou électronégative de l'élément avec lequel il se combine qui déterminera sa valence. Avec un élément fortement électronégatif, comme le chlore ou l'oxygène, ce sont les valences électropositives de l'élément considéré qui sont en jeu, avec un élément :fortement électropositif, comme l'hydrogène ou les métaux alcalins, ce sont les valences électronégatives par contre qui entrent en ligne de compte. Prenons le carbone qui est tm élément · essentiellement passi:f appartenant au groupe IV du système périodique et tétravalent: Les 4 valences sont, soit électropositives, soit électro- négatives suivant le corps qu'il accroche. Dans le méthane, par exemple, les 4 valences du carbone sont négatives par suite de la :fi-xation de.
4 électrons, provenant des atomes d'hydrogène, tandis que dans l'anhy- dride carbonique, elles sont électropositives par suite du départ de 4 électrons de l'atome du carbone, allant se fixer sur les atomes d'oxygène électronégati:fs. Ce que nous représentons graphiqutment comme suît~
d'après Falk et Nelson:
H
t
H- C- H ' 1
H •
Cette variabilité de la valence des éléments permet de donner un sens plus général aux phénomènes d'oxydation et de réduction qui se produisent dans les réactions chimiques. Le phénomène d'oxydation peut être considéré comme une augmentation de la valence positive ( +)~
ou comme une diminution de la valence négative (-) du corps qui s'oxyde, tandis qu'inversement ce sera la diminution ou l'augmentation correspondante de la valence positive ou de la valence négative du.
corps oxydant. Il est bien entendu que nous comprenons par augmenta- tion de valence positive, le départ d'électrons et inversement, par diminution d.e valence positive, la :fixation d'électrons.
Lorsqu'il s'agit d'un corps composé, c'est-à-dire d'une réaction moléculaire, c'est la variabilité de la valence de l'atome central qui e t
~JW. r
Dans le· domaine de la chimie analytique, un grand nombre clr-' réactions repose sur les phénomènes d'oxydation et de réd~ction. r~n
interprétant ceux-ci comme il vient d'être dit, cela pei:·met de :fi,:er plus aisément les équivalents chimiques des divers corps qui réagiss1 nt et par conséquent de déterminer les valeurs numériques en préser:ce.
Il nous paraît utile de montrer, par des exemples, l'interprétation c.u&
nous donnons à ces phénomènes.
1) Oxydation pcm· dt~ permanganate de potassium- KMn04 • Le permanganate de potassium est un oxydant dans lequel l'atome central est le manganèse auquel il faut attribuer 7 valences positives et qni fixe l'élément oxygène, bivalent électronégatif
0 --~ ~ 0
~Mn/"
OÇ ~0-..-K
(7 +)
En effet, dans cette molécule, des 8 valences· négatives des atomes d'oxygène, une est fixée par l'alcalin potassium fortement électro- positif, et les 7 autres par le manganèse. Lorsque ce manganèse agit comme oxydant, en solution fortement acide, il se transforme en un corps clans lequel le manganèse devient bivalent positif, l'oxyde de manganèse, MnO, Mn==: 0, par conséquent dans chaque moléctùe de
(2 +)
permanganate, le manganèse diminue de 5 valences positives.
2KMn04 --~ K20 + 2Mn0 +50
(7 +) . (2 +)
En solution très faiblement acide ou neutre, le manganèse du permanganate de potassium passe de la valence 7 positive, à la valence 4 positive. Ce qui signifie que clans chaque molécule le manganèse diminue de 3 valences positives, clone le pouvoir oxydant du perman- ganate devient plus faible.
2 KtV.fn04 _ _ ,.._ K20 + 2 JYin02 + 3 0
(7+) (4+)
Cos équations permettent, avec notre interprétation, de calculer immédiatement l'équivalent de réducteur nécessaire à la réaction, puisque c'est lui qui fait passer la valence du manganèse de 7 positive à 2 positive ou 4 positive. Si le réducteur est le fer ferreux, Fe··, qui passe par oxydation à l'état ferrique, Fe···, par perte d'un électron, nous voyons immédiatement qu'il faut 5 Fe·· pour une molécule de permanganate, donc 10 Fe·· pour den.'< molécules.
Quant à la quantité d'ions H· nécessaire à la réaction, elle sera donnée par le nombre total d'atomes d'oxygène à fixer, en appliquant
l'équation.
.
2 K.lVIn01 = K20 + 2 MnO + 50
Si le réducteur employé e.st le fer (Fe .. ) qui ne fixe pas d'oxygène, il faudra 16 . atomes-grammes d'ions H·, donc 8 molécules-grammes cl' acide sulfurique.
2 Kl'VIn04_+ 10 FeS04 + S H2S04 = 2 1\fnSO~ + K2S04 + 5 Fe2(S0.)3 + S H20
Prenons maintenant comme réducteur l'acide oxalique, C204H2 •
Son équivalent sera déterminé après examen de la constitution intime de ce corps. L'un des carbones est tétravalent positif, donc il n'est plus
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susceptible de s'oxyder, tandis que le second est bivalent positif. Il peut encore augmenter de deux valences positives pour donner l'anhydride carbonique, C02 , par perte de deux électrons.
(4+)
O~C~O--H
o:::=c~o~H
(2 +)
Le pouvoir réducteur de l'acide oxalique correspond à l'augmenta- tion de deux valences positives (2 +), par molécule. Il faudra donc prendre 5 molécules d'acide oxalique pour deux molécules de permanga- nate. Quant à la quantité d'acide, elle correspond à 3 molécules d'acide sulfurique seulement, puisque le réducteur H2C204 fixe lui-même 5 atomes d'oxygène du permanganate.
2 KMnO~ + 5 H2C204 + 3 H2804 = K2804 + 2 Mn804 + 10 C02 + 8 H20
2. Oxydation par le bichromate de potassium - K2Cr207 • Dans la molécule de bichromate de potassium deux atomes de chrome fixent 7 atomes d'o:xygène. Deux valences négatives de ces atomes d'oxygène sont saturées par les deux valences positives du potassium et les douze autres négatives par les deux atomes de chrome, ce qui fait attribuer à chaque atome de chrome, 6 valences positives (par le départ de 6 électrons sur les atomes d'oxygène).
Lorsque le clu·ome ·du bichromate agit comme. oxydant, à la fin de la réaction il se transforme en oxyde de chrome, Cr203
0
Cr ~
( 3 + ) ..._______
..--
0 (3+)~ Cr 0où le chrome est trivalent positif, donc il y a une diminution de 3 valences positives pour chaque atome de chrome ou 6 valences posi- tives poui une molécule de biclu-omate de potassium, ce qu'exprime son pouvoir oxydant et Ge que nous présentons d'après l'équation:
K2Crp7 --~ K20 + Cr203 + 3 0
(6 +) (3 +)
Nous allons examiner également pour cet oxydant, deux réducteurs: le premier, l'iodure de potassium, KI, le second l'alcool éthylique, C2H50H.
Dans l'iodure de potassium, l'ion iode, I', est un réducteur parce que, par perte d'un électron, il passe à l'état élémentaire, électriquement neutre. Son oxydation s'exprime par la diminution d'une charge néga-
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tive et comme les chromes du bichromate diminuent de 6 valences positives, il :faut pour une molécule de bichromate de potassium (K2Cr207)
6 molécules d'iodure de potassium. La quantité des ions H· est donnée par la totalité des oxygènes à :fixer, c'est-à-dire 14 H· ou 1.4 moL-grammes d'acide chlorhydrique.
K2Cr207 + 6 KI + 14 HCl = 8 KCl + 2 CrC13 + 7 H20 + 3 12 .
Dans l'alcool éthylique, le pouvoir réducteur est déterminé par la structure de la molécule et la valence du carbone.
CH3
H~ c
t
- Ht
0 - H
Dans le groupement d'alcool primaire R -CH20H, le carbone est électriquement neutre, il peut augmenter sa valence de deux unités positives pour passer à l'état d'aldéhyde, ou de quatre unités positives pour donner l'acide.
CH3
•
1H - e ~H
~ neutre
0 - - H
+0
H~c===o --~ c===o (4 +)
t
(2 +) 0 - - H
Le bichromate de potassium oxyde l'alcool éthylique en aldéhyde acé- tique, donc la valence du carbone passe de 0 à 2 positive ce qui corres- pond au départ de deux électrons.
Pour réduire le bichromate, il :faut trans:former le chrome hexavalent positi:f en chrome trivalent positi:f. Pour une molécule de bichromate de potassium, il :faudra prendre 3 molécules d'alcool éthylique. La quantité d'acide qui intervient dans la réaction sera plus :faible que dans la réaction précédente, parce que trois oxygènes sont fixés par le réducteur.
K2Cr207 + 3 CH3CH20H + 8 HCl = 2 Cr013 + 2 KCl + 7 H20 + 3 CH3CHO
3. Oxydation pa1· l'iodate de potassium - KI03 •
Dans la réaction de l'iodate et de l'iodure de potassium nous trouvons, de la même :façon, le rapport numérique.
L'ion iodure (I'), par oxydation, donnera l'iode libre (I), par départ d'un électron.
L'iode de l'iodate I 03',
o : : : : = r - o -
HC5 +)
0
- ·582
se réduit et passe à l'état d'iodure I'. Dans la molécule d'iodate, l'iode a 5 valences positives et en passant à l'état d'iodure, il acquiert une valence négative, donc il doit fixer 6 électrons ou diminuer de 6 valences positives, d'où le rapport d'une molécule d'iodate pour 6 molécules d'iodure.
KI03 + 6 I{! + 6 HCl = KI + 6 KCl + 3 12 + 3 H20
Comme dernier exemple, nous prendrons une réaction assez compli- quée au point de vue de la grandeur du rapport numérique entre l'oxy- dant et le réducteur.
C'est l'oxydation du sulfure arsénieux par l'acide nitrique concentré et nous verrons à quel poü1t la tâche est facilitée par application de notre manière de raisonner.
Dans la molécule de trisulfure d'arsenic, As2S3 , les deux éléments constitutifs subissent une oxydation. L'arsenic donne l'acide arsénique, et le soufre, l'acide sulfurique.
L'arsenic du trisulfure est trivalent positif et par oxydation il devient pentavalent positif. Donc, pour une molécule de sulfure arsé- nieux qui contient 2 atomes d'arsenic, l'oxydation s'exprimera par l'augmentation de 4 valences positives, c'est-à-dire par le départ de 4 électrons.
'S 0
~-
( 5 + ) / As -;:::::-
( 3 + ) - - - 2As- O H
s
,...~0
~· H (3+)~ As
s
0 HLe soufre dans cette molécule de trisulfure, est bivalent négatif et en passant à l'état d'acide sulfurique il devient hexavalent positif, il doit augmenter ainsi de 8 valences positives.
_.----
As
s
~s
0 : : =
s
-~0 : : = - -·
(6 +)
0 - - -H 0 - - - H
Comme dans chaque molécule de trisulfure il y a trois atomes de soufre, pour leur oxydation, il faut fournir 24 valences ·positives, d'autre part pour les 2 arsenics il faut 4 valences positives, ce qui fait 28 valences positives pour une molécule de trisulfure d'arsenic.
L'acide nitrique,
par contre, se réduit et l'azote de pentavalent positif, devient bivalent
positif, NO, N - o
(2 +)
·donc jl diminue de 3 valences positives.
Pour 3 molécules de trisulfure d'arsenic, il faudra 28 molécules d'acide nitrique.
3 As2S3 + 28 HN03 + 4 H20 = 6 As04H3 + 9 H2S04 + 28 NO
Si maintenant nous remplaçons le trisulfure d'arsenic par le penta- sulfure, nous constatons immédiatement que la quantité d'oxydant, acide nitrique, ne dépendra que du nombre des atomes de soufre de la molécule du sulfure d'arsenic. En effet, dans ce composé l'arsenic penta- valent positif n'est plus oxydable, se trouvant à son maximum d'oxyda- tion. Pour les 5 atomes de soufre de la molécule il faudra fournir 40 va- lences positives, chacun d'eux augmentant, par oxydation, de 8 valences positives ( +). L'acide nitrique ne diminue que de trois valences par molécule, par conséquent pour 3 molécules de pentasulfure d'arsenic il faut 40 molécules d'acide nitrique.
3 As2S5 + 40 HN03 + 4 H20 = 6 As04H3 + 15 H2S04 + 40 NO
Nous estimons que ces quelques exemples suffisent à démontrer l'intérêt de l'application de l'interprétation électronique des réactions d'oxydation et de réduction si fréquentes en chimie analytique, par la grande simplification qu'elle introduit dans la recherche des équi-
valents. ·
Jusqu'à présent nous n'avons pas rencontré d'exemples infirmant cette interprétation.
Laboratoire de Chimie analytique de l'Université Genève, avril 1928.