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Psychologie de l'expertise médico-légale · BabordNum

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(1)

FACULTÉ DE MÉDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX

A-ISTISTÉE 1BB3-1900 No 69

PSYCHOLOGIE

DE

L'EXPERTISE MÉDICO-IÉGALE

« Ceuxqui vivent, vivent d'une idée; les

» autresce sontlesmorts.

» Michelet ».

THÈSE POU LE DOCTORAT EN MÉDECINE

présentée et soutenue publiquement le 9 Février 1900

Jean-Marc-Georges

BÉTOULIÈRES

Ancien interne des Asiles

Né à Massels(Lot-et-Garonne), le 25 avril 1873.

MM. MORACHE, professeur... Président.

RÉGIS, ch. decours

Le Candidat répondra aux questions qui lui seront faites sur les diverses parties de l'Enseignement médical.

BORDEAUX

IMPRIMERIE Y. CADORET

17 rue poquelin-molière 17 (ancienne rue montmejan)

1900

(2)

FACULTli DE MEDECINE ET DE PHARMACIE DE BORDEAUX

M. de NABIAS Doyen. | M. PITRES.... Doyen honoraire,

PROFESSEURS

MM. MICÉ )

DUPUY [ Professeurs honoraires.

MOUSSOUS

Cliniqueinterne.

Clinique externe Pathologieetthérapeu¬

tiquegénérales Thérapeutique

Médecineopératoire...

Clinique d'accouchements

Anatomiepathologique

Anatomie

Anatomie générale et histologie

Physiologie Hygiène

MM.

PICOT.

PITRES.

DEMONS.

LANELONGUE VERGELY.

ARNOZAN.

MASSE.

LEFOUR.

COYNE.

CANNIEU.

VIAULT.

JOLYET.

LAYET.

Médecinelégale Physique Chimie

Histoire naturelle Pharmacie Matière médicale Médecineexpérimentale.

Clinique ophtalmologique Clinique des maladieschirurgicales

Clinique gynécologique.

Clinique médicale des

maladies des enfants.

Chimiebiologique

mm.

morachç.

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blarez.

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figuier.

denabias.

ferre.

badal.

piéchaud.

boursier.

a.moussous deniges.

AGREGES EN EXERCICE :

section de médecine (Pathologie interneetMédecine légale).

MM. CASSAET.

AUCHÉ.

SABRAZES.

MM. Le DANTEC.

HOBBS.

section de chirurgie et accouchements

Pathologieexterne

MM.DENUCE.

VILLAR.

BRAQUEHAYE CHAYANNAZ.

Accouchements mm. chambrelent.

fieux.

section des sciences anatomiques et physiologiques

Anatomie

{ MM. PBINCETEAU.

Physiologie MM. PACHON.

Histoire naturelle BEILLE.

section des sciences physiques

Physique MM. SIGALAS. | Pharmacie

COURS COMPLÉMENTAIRES Clinique des maladies cutanéesetsyphilitiques

Clinique desmaladies desvoies urinaires Maladies dularynx, desoreilles etdunez Maladies mentales

Pathologie externe Pathologieinterne Accouchements Chimie

Physiologie Embryologie Ophtalmologie

Hydrologieetminéralogie

m. barthe.

MM.

Le Secrétaire de la Faculté

dubreuilh.

pousson.

moure.

régis. .

denuce.

rondot.

chambrelent.

dupouy.

pachon.

N.

lagrange.

carles.

lemaire.

Pardélibération du 5 août 1879, la Facultéaarrêté quelesopinionsémisesdansles 1hèses'Y

lui sont présentées doivent être considérées comme propres à leursauteurs, et qu'elle nen

leurdonner ni approbation ni improbation.

(3)
(4)
(5)

A mon Président de Thèse,

Monsieur le Docteur G. MORAGHE

Professeur de Médecinelégaleàla Faculté deMédecine de Bordeaux,

Commandeurde laLégiond'honneur, Officier de l'Instructionpublique, etc.,

Membrecorrespondant del'Académie demédecine.

(6)
(7)

Demain la séparation et l'adieu

Déjà bien des camarades nous ont

salué

à ce

carrefour

de l'existence. C'est toujours avec unepoignante

émotion

que, prenant des routes diverses, nous les

regardions

par¬

tir, s'éloigner, et disparaître dans la destinée.

Un coup d'œil en arrière, sur le chemin parcouru, sera

pour nous une vive satisfaction.

S'il nous laisse de profonds regrets, il nous permettra

au moins de voir encore une fois, serait-ce même à tra¬

vers les distances, ceux que l'on estime, et de

remercier

à jamais ceux qui furent pour nous des initiateurs et

des

maîtres.

Professeurs de la Faculté ou Chefs de service à l'Hôpital

ont droit à toute notre reconnaissance.

Leur dévouement, leur patience et leur

indulgence

n'eurent rien d'égal que leur science.

A profusion, ils ontjeté le grain à la volée ; le

meilleur

est moisson prête à cueillir ; les grains égarés germeront

à leur tour, car leur tâche ne peut rester infructueuse.

Les quelques rares amis, dont les affinités du cœur et

de la pensée formèrent les premiers liens entre nous, me

permettront de dire ici la sincérité à leur égard de ce profond sentiment qui se ressent et ne s'exprime jamais.

Leur nom serait de trop. Us trouveront dans ces pages le meilleur d'eux-mêmes : nos idées communes et des souvenirs réciproques.

Bordeaux, 7 février 1900.

(8)
(9)

PSYCHOLOGIE

DE

L'EXPERTISE MÉDICO-LÉGALE

«Ceuxquivivent,vivent d'uneidée;les

»autrescesontles morts.

»Miciielet».

INTRODUCTION

Deux procès retentissants attirèrent naguère notre

attention sur les questions de médecine

légale. L'opinion,

la presse, le monde médical étaient alors partagés en

avis différents sur la nature de ces procès.

Les idées de responsabilité médicale, alorsvagues pour

nous, nous amenèrent, inquiet, à grossir le

nombre des

élèves groupésautour du maîtrequi traitait ces

questions

:

M. le professeur Morache.

Nous netardâmes pas à être gagné par l'intérêt

de

ces

hauts problèmes.

Le charme de l'exposition, l'ampleur des sujets

traités,

et surtout l'idée large qui se dégageait

toujours de

ces conférences, firent de nous un disciple assidu.

Quelle

ne

fut pas notre joie lorsque nous vîmes ce

distingué maître,

entrer dans une voie nouvelle, élargir encore l'exposé

de

(10)

ses conceptions et ramener les questions médico-légales

à l'étude de la sociologie ?

Nous nous rappelions alors l'imposante classification d'Auguste Comte, où la sociologieestle résumé etl'abou¬

tissant de toutes les autres sciences. Malgré l'étendue

d'un sujet aussi vaste etaussi peu connu, M. leprofesseur

Morache ne diminua pas pour cela l'abondante ration

d'idées à laquelle ses élèves étaient accoutumés. La fré¬

quentation de sa parole a eu une large influence surnotre

évolution morale et intellectuelle. Elle nous a donné une direction que nous éviterons soigneusement d'abandonner.

Elle est caractérisée parcette idée, qu'il ne suffitpasclans

la vie d'être un bon praticien, mais qu'avant tout l'homme

ne vaut et ne s'élève que par la pensée et par l'effort.

En nous guidant dans le choix d'un sujet de thèse,

M. le professeur Morache a également accepté d'en pré¬

sider la soutenance.

Nous sommes heureux de couronner nos études avec le

concours de sa haute bienveillance.

(11)

HISTORIQUE

Une expertise

médico-légale

est

caractérisée

par

l'in¬

tervention de procédés

scientifiques

et

médicaux, dans

uneaffairejudiciaire.

Branchespéciale de la médecine,

la médecine légale

11 a

pu prendre vie en même temps que

les premiers essais

médicastres, qui correspondaientà

leur vrai But

:

l'art de

guérir.

Les questions de médecine

légale

supposent un

déve¬

loppement avancé de la médecine, tant par

la variété des

recherches auxquelles elle prête, que pour

les difficultés

qu'elles présentent.

Pour apporter une solution à un

problème de

respon¬

sabilité, une réponse à une tentative

de

meurtre ou d'empoisonnement, il ne suffit pas d'être bon

praticien,

il fautégalement posséder à fond les sciences

accessoires

qui expliquent etjustifient les données

de la pathologie.

Aussi l'antiquité ignora, à proprement

parler, l'expertise

médicale.

La Bible, les législations grecque et

romaine,

nous ont

laissé des traces de grossière expertise, où

les questions

importantes pour la sécurité d'une société sont

considé¬

rées surtout au point de vue de la peine.

Dans la législation mosaïque, nous trouvons

le premier

usage de la nécessité de deux témoins au moins pouréta¬

blir une preuve. « La déposition d'un

seul témoin

ne

suf¬

fira pas pour faire mourir quelqu'un ».

Gest probablement sur le témoignage de plusieurs

(12)

qu1est basée toute l'expertise des plus difficultueuses questions médico-légales.

L'avortement causé par voie de fait est punissable

d'une amende s'il n'y a pas mort de la femme; « si l'acci¬

dent est mortel, tu donneras vie pour vie, œil pour œil,

dent pour dent ».

Les signes de la virginité avaient une importance capi¬

tale, car si la jeune épouse n'était pas reconnue vierge,

les gens de la ville devaient la lapider à la porte de la

maison de son père.

Le viol était puni de mort ainsi que les crimes contre

nature.

Tout meurtre 011 tentative de meurtre méritait le sup¬

plice, et l'homicide par imprudence subissait la réléga¬

tion dans une ville de refuge, jusqu'à la mort du souve¬

rain sacrificateur.

L'énumération de cette terrible législation le motde

mort se trouve presque aussi souvent que dansla

lecture de notre code militaire, semble indiquer qu'il a toutefois exister un rudiment d'expertise pour des questions telles que la grossesse, l'avortement, le viol,

les signes de la virginité.

L'idée d'un examen probant semble se dégager decette réglementation de la peine, des détails et

des

conditions

dans lesquelles le crime a été commis. Le mot seul d'ex¬

pertise fait défaut, aussi peut-on mettre sa réalisation en doute.

Tous ces délits et crimes étaient peut-être aussi jugés

si sévèrement,parce qu'on les punissait comme uneinfrac¬

tion à une loi religieuse. Les prêtres étaient à la

fois

juges et détenteurs de la science médicale. Le Deutéro-

nome conseille de s'adresser aux prêtres pour juger une

affaire entre le sang et le sang. Ils jugeaient plutôt au

nom d'un principe religieux, car souvent la Bible

semble

indiquer que punir de mort, c'est purifier Israël du

mal

qu'il possédait.

(13)

La Grèce, malgré toute sa sagesse, porte encore moins

trace d'une intervention religieuse ou médicale dans les questions juridiques.

Toutefois c'est dans cette civilisation que naquit l'idée

de la docimasie pulmonaire, ainsi que le signale Galien

dans le « De usupartium ». On avait noté la différence de

couleur que présentent les poumons d'un animal né

vivant, ou qui naît après avoir succombé.

Remarque fort importante, mais qui ne rentra pas moins dans la pratique médico-légale que fort longtemps après, puisque son usage remonte à la fin du xvnB siècle.

ARome, la médecinetint un rangtoujours inférieur par rapport au développement juridique qui prit une grande

extension.

Entre l'art médical et l'artjuridique, il y eut dispropor¬

tion de moyens, aussi celui-ci ne jugea-t-il pas à propos de s'adresser au premier. Toutes les questions étaient

exclusivement considérées sous un point de vue légal.

Gela tient aussi à ce que les médecins étaient presque tous des étrangers ou des esclaves, et partousdépour¬

vus du titre de citoyen romain. Cette considération n'était

pas de nature à leur attirer confiance et à les mettre en

rapport avec les hauts dignitaires de la magistrature

romaine. L'influence chrétienne, en modifiant les idées et les mœurs, modifia les coutumes et par là la société

entière.

Lecode Théodosien etle code Justinien semblent avoir

plutôt subi l'influence de certaines pratiques médicales,

quils n'y font appel dans l'intérêt de la justice.

Gest avec la période du droit canon que se pose réel¬

lement la question d'expertise au sujet de l'examen des

cadavres soupçonnés de mort violente,

Plusieurs dispositions des Capitulaires jugent l'inter¬

vention de médecins nécessaire dans les attentats à la vie

d'autrui.

Ga loi Salique estime que les blessures et les meurtres

(14)

peuventêtre dommagés pardes amendesproportionnelles

à ces blessures ou à l'importance de la condition sociale de la victime. Elle indique même le mode d'appréciation

de ces blessures.

Il faut arriver à Ambroise Paré pour trouver des ques¬

tions médico-légales traitées dans un livre de médecine.

C'est dans son ouvrage sur les embaumements qu'il parle

des rapports de la médecine et de la justice et qu'il dit :

« Les magistrats jugent suivant qu'on leur rapporte ».

Enfin Zacchias fut le premier qui traita de la médecine légale comme science distincte. Depuis les moyensscien¬

tifiques qui ont permis à l'expertise plus de certitude ont progressé avec les sciences et les découvertes médicales.

Nul progrès de la médecine n'est indifférent au progrès

de la médecine légale. 11 est toutefois curieux cpie dans le

code français le mot de médecine légale ne soit pas pro¬

noncé, et même avant les articles de la loi du 30 novem¬

bre 1892 il n'était nullement question de l'expertise médico-légale en particulier.

(15)

CHAPITRE PREMIER

LE MÉDECIN EXPERT

« Que l'expertise ait lieu en matière criminelle, en

» matière civile, 011 qu'il s'agisse d'intérêts particuliers,

» clans tous les cas, elle engage gravement la réputation

» scientifique du médecin qui la pratique. Ellepeut même

» engager sa responsabilité civile » (Brouardel).

Ce jugement d'un des maîtres de la médecine légale

nous mènede suite au cœurde notresujet. L'état d'esprit

du médecin-expert est expliqué et justifié par cette dou¬

ble menace. Les développements suivants serontl'analyse

détaillée des situations ou des causes multiples qui font

varier cet état d'âme.

Un mot sur le médecin-expert lui même.

« Tout docteur en médecine est tenu de déférer aux

» réquisitions de la justice, sous les peines portées à i'ar-

» ticle précédent (25 à 100 fr. d'amende) ».

Tel est l'article 23 de la loi du 30 novembre 1892.

Sa laconique simplicité ne laisse aucun doute sur le devoir du médecin français.

Tout officier de police judiciaire peut requérir un

homme de l'art pour l'aider ou l'éclairer dans ses recher¬

ches criminelles ou civiles.

Le lait de pouvoir être requis dans n'importe quelle

circonstance confère au médecin un rôle social d'une bien hautegravité.

Hôlé bien délicat, tant pour la responsabilité qu'il lui

assume,il 1 quepourles difPicultueuses recherchesauxquelles

expose. Recherches pour lesquelles ajoutons-le

Bétou'ières 2

(16)

bien vite tout médecin est loin d'être muni pour les

affronter.

Cette nouvelle fonction, dont il peut être investi dujour

au lendemain, ne va pas également sans entraîner avec elle des obligations garanties par la force de ses droits.

Ces droits et ces devoirs comme le fait remarquer

M. Cliaudé— sont différents en théorie, et dans la prati¬

que.

Les droits en théorie sont imprescriptibles, comme les

devoirs ont tous une importace exagérée.

L'esprit aime ainsi à s'enserrer dans des conventions et

des convictions qu'il s'empresse d'adoucir ou de modifier

pour les adapter à leurs différentes applications.

Ainsi la réquisition d'un médecin-expert se fait en gé¬

néral parmi une liste déposéeauTribunal civil de première instance, toutefois on peut requérir à sa place un méde¬

cin étranger à cette liste en vertu de la loi de 1892.

Quelles peuvent être les conséquences de ces deux

dis¬

positions de la loi ?

Lorsqu'un crime a été commis dans une localité,

le

procureur peut requérird'urgencelemédecin de l'endroit,

comme cela arrive très souvent.

Pour plus de sécurité, et mu par un sentiment de jus¬

tice très louable, il peut, après le commencementde l'ex¬

pertise, adjoindre à ce médecin le médecin-expert qu'il a l'habitude de désigner dans sa liste.

Le premier médecin requis a-t-il le droit de se trouver

lésé dans sa considération scientifique ?

Peut-il abandonner l'expertise sous prétexte d'offense à

sa dignité ? Il manquerait aux convenances et au premier

de tous les devoirs, s'il l'abandonnait sous ce seul pré¬

texte.

Il ne peut en second lieu setrouverlésé en aucunesorte

par ce procédé judiciaire.

La loi n'a pas à ménager des susceptibilités personnel¬

les.

(17)

19

Si le magistratjuge utile la présence de plusieurs mé¬

decins pour l'exécution de

recherches

délicates, chaque

expert obéit individuellemént à une

réquisition

pour un travail commun et nepeut être frappé ni dans son amour- propre, ni dans sa considération.

De pareillesresponsabilités devraientêtre, au contraire, partagées avec empressement. Cette

obligation n'est

pas

seulement morale et professionnelle, elle est aussi lé- gale"

Le médecin est cité comme témoin, et par le fait même qu'il a commencé des recherches, qu'il a vu

des

faits qui

ne sont plus constatables, ou qui peuvent avoir varié,

il

doit son témoignage à la justice. Je ne citerai, comme exemple, qu'une autopsie commencée au même terminée,

le médecin qui l'a pratiquée, est puni par la

loi

s'il

refuse

de déposer après avoir prêté serment. Pour ce

motif, il

doit également aider son collègue jusqu'à

la fin des

re¬

cherches.

L'idée du législateurO en donnant ce droit au magistratO a été de faciliter le triomphe de la vérité, le médecin ne peut faillir au point de le compromettre par une

pareille

défaillance*

Nous avons déjà prononcé le mot de « témoignage » à

propos du médecin-expert. Nous verrons,

dans la suite,

qu'il est traité tantôt comme un simple témoin, tantôt

comme un expert.

Expliquons et définissons

d'abord

son

rôle durant

une expertise médico-légale.

Aux termes rigoureux de la loi, le médecin est

appelé

comme témoin dans un cas de flagrant délit. Le code est

muet sur une intervention qui serait motivéepar

la

garan¬

tie scientifique qu'offre le titre de

docteur

en

médecine.

C'est parce que le magistratjuge

qu'il

y a

flagrant délit,

qu'il peut faire appel à « des personnes

présumées

par

leur art ou profession capables

d'apprécier la

nature et

les circonstances du crime ou du délità constater » (art.43

du code d'instruction criminelle).

(18)

Ce texte peut s'appliquer à n'importequelle profession.

L'art. 23 de la loi du 30 novembre 1892nefait que con¬

firmer l'article précédent sans spécifier le rôle du méde¬

cin comme expert.

Malgré la loi, le médecin ne peut pas être que témoin.

Dans la nature des recherches que lui confie le magistrat enquêteur, il y a plus que la mission de constater. La justice attend de lui mieux que le fait de voir ce que le

premier venu pourrait aussi bien vérifier.

Si le parquet fait appel à ses lumières dans un crime,

ce n'est pas seulement pour constater que tel individu a été frappé dans telle région. L'intérêt de toute justice exige de lui une opinion, un avis, sur les circonstances qui ont pu amener la mort, la direction du projectile, la

nature de l'arme employée etc., etc.

M. Brouardel cite l'exemple du docteur H. d'A...,

médecin à P...

Commis pour examiner une tentative de viol sur une femme mariée, ce médecin se contenta de signaler une contusion à la partie interne et moyenne du bras droit et

une ecchymose à la partie interne et inférieure de la

cuisse du même côté.

Le ministère public s'efforça de prouver l'immoralité

de l'inculpé, qui était un jardinier. Le moindre bouquet qu'il offrait étaitun prétexte pour lui d'exiger desjeunes

filles une rançon de libertés dont il fixait lui-même le

taux. C'est ainsi que peu à peu le prévenu avait été à dépasser, non plus en usurier, mais en violeur, le taux légalement permis.

Malgré tout, le prévenu fut acquitté.

Dans une conversation après l'audience, le magistrat

demanda à l'expert quelle était son opinion sur le fond

de son réquisitoire : « Votre prévention est très fondée,

lui réplique le médecin, la contusion observée à la partie

interne et moyene du bras droit de la femme a du être

occasionnée par la pression du pouce gauche de l'agres-

(19)

seur, celle de la cuisse a été faite parlegenou gauche du prévenu, cpii avait déjà

relevé les

vêtements

lorsqu'il

entendit du bruit. Mais pourquoi n'avez-vous expliqué

tout cela à l'audience ? Par l'excellente raison que ma mission se bornait à rendre compte des faits, et que vous

ne m'avez pas interrogé sur leur

interprétation

».

Ce seul exemple montre que s'il existe une

difficulté

pour le médecin, ce n'est pas

de

se

considérer

et

d'agir

comme témoin.

Prendre un texte à la lettre, cen'estpas en comprendre

l'idée qui l'élargit.

Une pareille restriction peut amener un

résultat

con¬

traire au but visé par l'article aussi mal interprété.

Je dirai même que la vraie mission du médecin-expert,

la seule valable, est celle qui, pour n'être pas contenue

dans le texte de la loi, n'en est pas moinsexplicite parson

impérieuse nécessité.

On ne peut encore assimiler le

médecin

à un

simple

témoin, car un témoignage ne peut être ni récusé, ni remplacé, tandis qu'une expertise peut être

confiée

à n'importe quel docteur en

médecine.

Un témoin n'est appelé que pour rendre compte

d'un

fait particulier, personnel, limité

dans

sa

durée

et son

étendue.

L'expert, au contraire, émet une

opinion qui lui

est suggérée par ses constatations.

Cette opinion peut tenir lieu de

jugement

comme

cela

arrive quand l'avis du médecin occasionne un

arrêt de

non-lieu.

La déposition d'un seul témoin

durant l'instruction

ne peut jamais être suivie d'une

pareille décision.

Par ce côté si important de sa mission, le

médecin

se rapproche plutôt du juge, si on veut

le classer dans

une des fonctions de l'exercicejudiciaire, selon le vieil adage, mediciproprie11011 sunt testes

sed

est

magis judi-

cium quam testimonium. Ni juge, ni

témoin

à

vrai dire,

(20)

mais arbitre sur une question qui dépasse la compétence

du juge, et sur laquelle il apporte une opinion qui sort

du rôle de simple témoin.

Opinion ou avis lorsqu'ils sont émis par

le médecin-

expert prennent une importance de premier

ordre. Ils

seront le pivot du procès, peut-être le

motif exclusif d'un

verdict.

C'est pour cela que le médecin-expert n'est pas unjuge,

car il ne dispense ni peine, ni sanction. Il estun instru¬

ment de lumièredont l'éclat ferajaillir un rayonde justice.

La part est assez belle pour qu'il ne puisse l'accepter qu'en tremblant.

Mission redoutable que de s'éleveraurôle de providence

pourune destinée étrangère.

Défenseur de la vie humaine, il doit lui en coûter de la

livrer aux rigueurs de la justice, dut-elle payer la faute

ou racheter le crime.

Quelleest la responsabilité qui peut incomber à l'expert

dans une pareille tâche ?

Au point de vue légal, le médecin n'a aucune responsa¬

bilité. Par le fait même qu'un magistrat fait bon accueil à

ses conclusions, le médecin est à l'abri de toute respon¬

sabilité légale. Pour lui, comme pour le magistrat, il y a immunitéjudiciaire. Ce serait un procédé bien dangereux

s'il en était autrement, car il faut que le juge et l'expert

soient dépourvus de toute préoccupation de sécuritéper¬

sonnelle. Une épée de Damoclès au-dessus de leur tête

ne serait pas une grande garantie pour leur liberté de

penser et d'agir.

La responsabilité de l'expert est toute morale. Il s'ex¬

pose aux jugements les plus

divers,

soit

dans l'opinion

publique, soit dans le monde

médical.

Le

seul juge

pour lui, c'est la voix de sa conscience, dont les intimes repro¬

ches sont à l'abri de toute partialité,comme ses réconfor¬

tantes approbations sont même au-dessus de l'estime

des

hommes.

(21)

23

Pour mener à bonne fin une entreprise médico-légale,

le bon vouloir et l'empressement toujours clignes d'éloge ne suffisent pas. Le titre

de docteur n'est

pas équivalent de médecin expert.

Pour

une

application spé¬

ciale de la médecine, il faut des qualités bien déterminées

et des moyens particuliers au but proposé.

Ces moyens nous serviront

de motifs

pour notre con¬

clusion.

Les qualités d'un expert peuvent

faire suite

à

l'impor¬

tance de son rôle et expliquer les difficultés qu'il ne

pourra surmonter s'il

n'en

est pas pourvu.

L'espritde modérationest

inhérent

à

l'esprit de justice.

Quelque réputation que

l'opinion fasse

au

prévenu,

ce

n'est ni sur des racontars, ni sur des confidences parti¬

culières, qu'on devra déjà se

former

une

idée

préconçue.

Une autre qualité, véritable

bienfait

pour

celui qui la

possède : c'est le tact.

Mot vague, qui semble plutôt

définir

un

ensemble har¬

monieux de l'intelligence qu'une qualité

spéciale. 11 n'y

a

pas de tactparticulier, comme

il

y a

des

organes

des

sens

différenciés pour des fonctions distinctes.

Cette maîtresse qualité plane au-dessus

des dons de la

mémoire et des audaces du génie.

Elle donne une tournure d'esprit spéciale qui permet

de s'adapter aux différentes

occupations qui

peuvent surgir.

Pour le médecin expert, le tact consistera à

distinguer

très vite les choses importantes des détails à

négliger. Il

l'aidera à mettre au point une question qui, sans

elle,

l'entraînerait dans des digressions inutiles ou

dange¬

reuses.

Quoi qu'en ait dit Descartes,

le bon

sens

n'est

pas

la

chose du monde la mieux répartie; légion sont ceux

qui

en sont dépourvus.

11 est enfin pour tout médecin un

devoir dont il

ne

peut

jamais se départir; c'est le respect

du

secret

profession-

(22)

nël. Même clans un intérêt de vérité, son aveu dût-il sau¬

ver uninnocent, le médecin nepeut se départir du serment

dont il s'est imprégné dans l'exercice

de

son art.

Au magistrat instructeur qui

voudrait le surprendre

en

défaut de ce côté-là, il doit opposer le plus

louable

silence.

Aux insinuations de menace, il a droit de répondre par

un refus formel de ne rien dire, au nom de la confiance qu'on lui a accordée,

confiance garantie

par

l'obligation

du secret professionnel.

M. Brouardel cite l'exemple d'un médecin qui soigna

une petite fille qui avait été victime

d'une tentative de

viol. Quelque tempsaprès, sa famille se

décida

à

poursui¬

vre l'auteur présumé de l'attentat.

Commis pourexaminer l'état des parties

génitales de la

petite fille, le même

médecin

ne put que constater

l'inté¬

grité de ces organes qui ne

portaient plus de

traces

de

violence.

Et le coupable bénéficia d'un arrêt

de non-lieu.

Cet honorable praticien ne pouvait concilier son secret professionnel imprescriptible et

le

vœu

de justice qui

serait quetout coupable fût puni.

En agissant différemment, non seulement

il aurait dé¬

passé sa mission, mais encore

violé

son serment.

(23)

CHAPITRE II

RÉQUISITION. EXPERTISE. INSTRUCTION

La loi use du médecin français et se comporte

vis à-vis

de lui comme toute autorité dont l'exigence est

basée

sur l'obligation d'obéir. On

exige toujours davantage de celui

dont le concours est assuré par une

contrainte physique

ou morale.

En effet, malgré cette

obligation impérieuse,

«

tout

médecin est tenu de déférer aux réquisitions

de la jus¬

tice», celui-ci ne trouve pasde

grands

avantages

à sacri¬

fier ses propres intérêts pour

la

cause

de la vérité.

En pleine activité

professionnelle,

que

l'épidémie

l'oblige à se dépenser

au-dessus de

ses

moyens ou qu'une

bienveillante clientèle lui laisse de nombreux

loisirs, le

médecin est frappé, comme

paralysé dans l'exercice de sa

fonction.

La loi est absolue. Il n'est tenu nul compte

des exi¬

gences professionnelles ou

hygiéniques. Le motif de sa

réquisition, c'est la

constatation d'un flagrant délit.

« Comme le passant que l'on

invite à faire la chaîne en

cas d'incendie », un billet d'urgence adjoint à un

parquet

tel médecin pour l'aider et

l'éclairer dans

ses

recherches.

Cette petite note, émanant

d'un Tribunal, est toujours

une cause d'effarement dans la famille du

praticien.

Déjà l'on prévoit les

déplacements, les ennuis, les per¬

tes de temps, les

confrontations désagréables, les pro¬

miscuités des salles d'audience. Il faut bien

reconnaître

(24)

qu'une absence prolongée est de nature à porter tort au

praticien auprès de sa clientèle.

En plus des dommages matériels occasionnés par une affaire qui peut lui prendre beaucoup de temps, le méde¬

cin court encore de plus grands risques.

Sa considération, son amour-propre professionnel, la

confiance que lui accorde le public, ses intérêts moraux,

et ses rêves secrets, tout cela ne court-il pas un réel dan¬

ger, et même, considération et espérances ne peuvent-

elles pas sombrer dans une erreur occasionnée par son peu d'expérience dans des travaux minutieux et justicia¬

bles d'un spécialiste ?

Une contre-expertise peut également le mettre à même

de soutenir en public une controverse scientifique, pour

laquelle il n'avait reçu aucune préparation et dont il sor¬

tira peut-être, lui, praticien émérite, avec la réputation

d'un médecin peu consciencieux, ou de peu de valeur. Il

peut donc résulter que dans ses rapports avec la justice,

le médecin soit la première victime et la plus innocente,

par le fait même qu'il doit accepter sa mission.

La loi, il est vrai, ne l'oblige qu'à se rendre au service

de la justice, en cas de flagrant délit; c'est une obligation

toute physique, absolument matérielle.

Ellenepeutexigeruneréquisition cérébrale,elle nepeut

pas obliger le médecin d'être universellement versé dans

tous les détails de la science, aussi est-elle désarmée lorsque ce dernier lui oppose un aveu d'incompétence.

La loi n'oblige pas le magistrat à prendre tel médecin plutôt que tel autre. Si, malgré cet aveu qui dénonce

son incompétence sur le cas qu'on lui soumet, le magis¬

trat ordonne quand même au médecin d'exécuter une expertise, ce dernier est à l'abri de toute-responsabilité,

et le magistrat est responsable de toute erreur.

Il n'en est pas de même si le médecin ne motive pas

son refus, et refuse son concours matériel, c'est-à-dire

au moins sa présence.

(25)

_ 27 -

Il tombe sous le coup de la loi, et

c'est

ce

qui arriva

aux médecins de Rodez qui avaient

refusé d'obtempérer

à une réquisition

judiciaire, afin de faire l'autopsie d'un

noyé. 11 y eut une

véritable grève d'experts. Les médecins

de Rodez refusèrent, sous prétexte que pour

qu'il

y

ait

flagrant délit,

il faut

que

le fait soit contemporain de la

réquisition, et que pour

le cadavre,

pour

lequel ils étaient

requis, la mort

remontait à plusieurs jours, et qu'il n'y

avait plus, par conséquent,

flagrant délit.

Les médecins de Rodez furent condamnés par

le juge

de paix de cette

ville. Le Tribunal correctionnel cassa ce

jugement et acquitta

les médecins de Rodez. Ce nouveau

jugement fut cassé par

la Cour de cassation et renvoyé

devant le Tribunal correctionnel de Miihau.

L'expert est choisi sur une

liste présentée

au

commen¬

cement de chaque année

judiciaire

aux

Cours d'appel, en

Chambredeconseil, sur proposition

des Tribunaux de

pre¬

mière instance du ressort.

Tel est l'article Ier de la loi du 21

novembre 1893. Mais

l'article 3 annule presque

l'article précédent

en

autorisant

le magistrat à choisir

le médecin

en

dehors de la liste

dans tant de circonstances, qu'elles ne peuvent pas

être

considérées comme exceptions h la

règle.

Jusqu'ici le choix

de l'expert s'est

un peu

fait à l'aven¬

ture. Encore dans les grandes villes on a

de la ressource.

On peut dresser une

liste complète où

ne

peuvent entrer

que des personnes ayant

fait leurs

preuves.

Mais dans les

petites villes et surtout à

la

campagne,

le parquet n'a pas

grand choix. D'ailleurs les

influences locales et politiques,

les relations, peuvent

guider le parquet dans le choix du

médecin.

Ce travail, qui a été surtout

motivé

par

le projet de loi

présenté et soutenu par M.

Cruppi à la Chambre des dé¬

putés, dans les séances des

29

et

30 juin 1899, serait donc

incomplet, si au fur et à mesure

des détails de l'expertise

nous ne signalions les

réformes proposées par cet hono¬

rable député.

(26)

Jusqu'à présent la liste d'experts, composée d'après les règles formulées par le

décret du

21

novembre 1893,

est

une liste fermée. Elleestdresséechaque annéepar laCour d'appel, sur l'avis des Tribunaux civils.

M. Cruppi n'a pas voulu lui substituer la liste ouverte

avec laquelle l'accusé pourrait choisir n'importe quel mé¬

decin ou pharmacien.

11 a (ait valoir que, grâce à celte théorie, on verra t se former des corporations d'agents peu délicats, qui pour¬

raient dans les expertises « assumer avec trop d'ardeur et moyennant finances le rôle d'avocats peu scrupuleux ».

Il a voulu seulement, sans allerjusqu'à la liste ouverte,

substituer à la liste fermée un système plus large clans le

choix des experts et offrant plus de garanties à la défense

et à l'accusation.

Il a proposé une « liste de droit » composée demembres qui en feraient partie, grâce à leurs titres. C'est la cïéa-

tion de membres de droit.

Lesprofesseurs des Facultés de médecine, de

pharmacie

et de sciences auraientdroit à ce titre. Ces savants offrent les meilleures garanties, puisqu'ils ne se trouvent incor¬

porés dans une liste d'experts que comme conséquence

de leur compétence et de leurs aptitudes scientifiques.

De plus, ils seraient classés par catégories selon la na¬

ture de leur enseignement. Ils seraientscindés selon leurs spécialités.

Pour terminer l'étude du choix du médecin-expert tel q.u'ilestpratiqué aujourd'hui, pour en finir avec les incon¬

vénients qu'il présente, je ne signalerai que le dernier

pour nier son importance et son influence. Je veux parler

des honoraires dérisoires qu'on alloue à un médecin-

expert, et qu'un sénateur indigné qualifia « d'imperti¬

nents ».

Aussi longue est rénumération des ennuis qui guettent

le médecin-expert, aussi brève sera la liste des avantages qui vont lui échoir.

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