CHARLES GIDE
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DE
LA LIBERTÉ RELIGIEUSE
PAR
CHARLES GIDE
Agrégéà la Faculté de Droit de Bordeaux.
BORDEAUX
IMPRIMERIE G. GOUNOUILHOU
11, RUE GUIRAUDE, 11
1878
Ce rapport
était inscrit à l'ordre du jour de la Conférence
Nationale
Évangélique du Midi réunie à Montauban les 14 et
15 novembre 1877, mais en réalitéil n'a pas été
présenté.
Obligée de consacrer tout son temps
à des questions plus
urgentes, la Conférence a
décidé qu'il serait imprimé, mais
qu'il ne serait pas
lu. Comme il avait été fait, tout
au contraire, pour êtrelu
et nonpoint
pourêtre imprimé,
j'aurais peut-être
dû
enmodifier la forme; néanmoins j'ai
préféré
le laisser tel quel, et je
mesuis borné à
yajouter
quelques notes.
Je prie seulement de
ne pasoublier que c'est
par suite
d'une circonstance imprévue
queces pages sont
livrées à
l'impression, alors qu'elles n'avaient point été
écrites à cette intention.
DE
LA LIBERTÉ RELIGIEUSE
Messieurs,
La conférence réunie à Alais en 1875 avait mis à l'ordre
du
jour de saprochaine réunion le sujet suivant dont je restitue
le titre exact: de la défense légale de la liberté
religieuse,
etm'avait fait l'honneur très inattendu de me désigner comme rapporteur.
A cette époque, les
circonstances donnaient à cette question
une grande
actualité. Les lois qui exigent l'autorisation préa¬
lable en matière de réunions religieuses ou de colportage,
lois
qui semblaient êtretombées
endésuétude à la fin de l'Empire,
reprenaient une
vigueur nouvelle. L'Église nationale était
frappée aussi bien que
les Églises dissidentes. M. le pasteur
Lacheret était condamné à Douai, M. le pasteur
Perrenoud à
Auxerre. En présence de cette
hostilité qui semblait s'ériger
en système,d'opinion
publique protestante s'était émue. M. de
Pressensé venait de déposer à
l'Assemblée nationale
unprojet
de loi sur la liberté de réunion en matière religieuse. Il
avait
réussi à le faire voter une première fois à
l'aide d'une
rusede
guerre très
ingénieuse,
enle faisant mettre à l'ordre du jour à
la suite d'un autreprojet de loi qui
supprimait la nécessité de
l'autorisation préalable pour
l'enseignement ecclésiastique:
mais le projet de loi
n'avait
pudépasser la première lecture.
6
D'autre part, M. Westphal annonçait à cette même conférence
la constitution d'une Société chargée de la défense de la
liberté religieuse. C'est dans ces conditions que notre sujet
fut choisi.
Deux ans se sont passés depuis et la situation s'est modifiée.
Le Changement politique qui suivit les élections de février
1876 inaugura pour nous une période nouvelle; nous en
sommes revenus à un état de tranquillité au moins relative;
même les autorités administratives se sont montrées souvent bienveillantes. Dans ces conditions, le projet de Société dont je parlais tout à l'heure, a été abandonné; personne ne sent plus le besoin d'engager une campagne contre des lois qui
semblent pour le moment inoffensives, et les préoccupations
de
l'Église
se sonttournées d'un autre côté.Cependant il serait bien imprudent à elle de se fier à cette
sécurité d'un jour qu'un changement de ministère lui a
donnée et qu'un même changement peut lui retirer. Qu'il
me soit mêmepermis de dire que la campagne que nous avons
engagée depuis bien des années pour la défense de la liberté religieuse a été conduite avec si peu d'esprit de suite qu'elle
ne pouvait guère être menée à bonne fin. Toutes les fois, en effet, que nous avons eu affaire à un gouvernement hostile qui usait avec rigueur de tous les droits que la loi lui confère
contre nous, nous avons réclamé à grands cris l'abrogation de
la loi; mais sitôt que nous avons rencontré un gouvernement
bienveillant qui laissait dormir la loi, nous avons cessé toute
réclamation.
Étrange
politique, en vérité, qui, depuis undemi siècle demande toujours le désarmement quand les
armes sont entre les mains de nos ennemis et jamais quand
elles sont entre celles de nos amis! Changeons donc une bonne fois notre tactique et sachons profiter du moment où
l'Église
jouit d'une liberté provisoire pour assurer sa libertédéfinitive. Vingt fois, dans ces dernières années, nous en aurions trouvé l'occasion si nous avions su la saisir. Elle nous
a été offerte il ya bien peu
de
temps encore.L'Assemblée élue
enfévrier 1876 se serait montrée
probablement favorable à
la liberté du droit de réunion en
matière religieuse. On
s'occupa bien de
la demander, mais
sanstrop se hâter : une
proposition
avait été déposée à cet effet par un député catho¬
lique, M.
Bardoux (1), quand le 16 mai vint supprimer le
projet de
loi
ensupprimant l'Assemblée; cette fois encore,
nous arrivions trop tard.
Mais puisque la
majorité de l'Assemblée de 1876 vient de
reprendre son
poste, le moment est venu pour nous de
reprendre notre
proposition le plus tôt possible et sans attendre
cette fois l'échéance du mois de mai.
Ceci dit, j'entre en
matière; mais,
pourbien délimiter le
sujet, je tiens
à faire
remarquerque je ne m'occuperai ici que
de la liberté des cultes et non
point de
cequ'on pourrait
appeler
les libertés intérieures de l'Église, je veux dire son
droit de se gouverner
elle-même et
sonplus ou moins
d'indépendance
vis-à-vis du pouvoir civil; ceci appartient à un
ordre de choses tout différent.
Même en ce qui touche
la liberté des cultes, je me renfer¬
merai dans une seule question, le
droit de réunion et d'asso¬
ciation : ce sont là, d'ailleurs,
les libertés essentielles et
nécessaires, puisque c'est par
elles seules
quel'Église peut
s'affirmer etse répandre au
dehors. Néanmoins
cene sont pas
les seules qui
l'intéressent
:la police des cimetières, la liberté
du colportage,
le droit d'ouvrir des écoles la touchent de très
près. Je
les mentionne pour ne plus m'en occuper.
L'exposé que
je vais
vousprésenter des exigences de la loi
en ce qui
touche le droit de tenir des réunions ou d'ouvrir des
lieux de culte, intéresse d'une
façon plus particulière les pas¬
teurs qui se
consacrent à des oeuvres d'évangélisation, par
(') Actuellementministre del'instruction
publique et des cultes.
—La proposi¬
tion était signée aussi par MM. La Caze,Leblond,Seignobos,
Malézieux, Richard
Waddington.
8
exemple les agents de la Société centrale ou de la Société
évangélique de France. Aussi longtemps, en effet, que les pasteurs se renferment dans l'enceinte des locaux affectés officiellement à la célébration du culte, ils ne sentent point les rigueurs de la loi. L'administration ne pénètre point dans l'intérieur des temples et n'en a point le droit; mais elle se tient à la porte, et sitôt que le pasteur en franchit le seuil, elle
le guette, le suit pas à pas et netarde pas à lui mettre lamain
au collet. Les règles et les formalités dont je vais vous entre¬
tenir pourraient donc être intitulées le Manuel du Pasteur itinérant.
Cependant,Messieurs, il n'est guèrede pasteur, si sédentaire qu'il soit, quine soitexposé à tomber au moment où il y pense le moins sous le coupde nos lois, et à ce titre chacun de vous a intérêt à les connaître : la connaissance de ces textes ne sera pas inutile surtout à MM. les étudiants en théologie ici présents, et ils feront bien de s'en pénétrer s'ils tiennent à
éviter, dans le cours de leur futur ministère, le chemin de la
police correctionnelle. Peut-être dira-t-on que je force un peu la note et qu'en réalité nos lois ne sont pas si terribles. Peut-
être même parmi tous les pasteurs qui m'écoutent n'en trou¬
verait-on pas un seul qui ait eu à se plaindre de poursuites judiciaires à l'occasion de faits relatifs à son ministère. Cela est possible : il faut en féliciter en ce cas nos mœurs qui sont aimables et douces et non pas nos lois qui sont barbares. Je peux affirmer, en effet, qu'il n'y a personne ici qui ne soit coupable, coupable d'avoir transgressé au moins une fois en sa vie la loi qui nous régit. En voulez-vous la preuve? Nous n'aurons pas à la chercher bien loin. Yous tous qui êtes réunis
ici en ce moment, vous l'êtes contrairement à la loi, etle fait même de votre réunion constitue un délit des mieux caracté¬
risés. La Conférence pastorale du Midi constitue « une associa¬
tion ayant pour but de s'occuper de matières religieuses» (*);
(J) Art. 291 Cod. pén.
c'est une association, puisqu'elle se
réunit tous les ans à jour
fixe,qu'elle aune
caisse et
unsecrétaire permanent: elle tombe
donc directement sous le coup des
articles 291-293 du Code
pénal et
de la loi du 10 avril 1834. Au reste, une circulaire
du ministre des cultes, en date du
2 avril 1860, exige de la
façonla plusformelle, non
seulement l'autorisation du gouver¬
nement, mais encore
l'autorisation du consistoire dans la
circonscription
duquel la conférence
seréunit. Or, nous
n'avons pas
demandé l'autorisation du préfet (je m'en suis
informé) et j'imagineque nous
n'avons
pasdemandé davantage
celledu consistoire de Montauban.
Vous tous qui êtes ici, vous
êtesdonc passibles des
pénalités édictées par l'article 292 et
parl'article
2 de la loi de 1834 qui peuvent s'élever à 1,000 fr.
d'amende et un an de prison. Je
dis
vous,Messieurs, et non
pas nous, car
celui qui
vousparle n'ayant pas l'honneur de
faire partie de la
conférence
netombe pas, je crois, sous le
coup de la loi: encore
n'en suis-je pas bien sûr! Quant à
MM. les membres du Bureau, en leur
qualité de ((chefs et de
directeursdel'association»Q), ils
sont menacés de peines beau¬
coup plus graves.
Enfin,
en casde récidive, non seulement la
peine peut
être doublée, mais encore la surveillance de la
haute police peut
être prononcée
pourune durée de quatre
ans (2).
Cetétalage de
pénalités
vousfera peut-être sourire, Messieurs.
Félicitons-nous de vivre sous une
administration assez tolé¬
rante pour que nous
puissions rire impunément de la loi. Mais
vienne un gouvernement
hostile à notre Église,
—et vous
savez si les brusques
péripéties de notre politique sont de
nature à rendre improbable une
telle éventualité,
—et vous
verrez alors que ces armes que nous
aurons imprudemment
laissées entre les mains dupouvoir, pour
être
unpeu rouillées,
n'en feront pas moins
des blessures mortelles. Nous pouvons
(J) Art.292Cocl. pén,
H L,de im,art. 2, 2
10
voir du soir au lendemaintoute autorisation pour des réunions religieuses ou pour l'ouverture d'un nouveau lieu de culte refusée, les églises dissidentes ou les églises indépendantes fermées, les réunions de M. Mac-Ail ou de la rue Royale inter¬
dites. Demain ces conférences où nous parlons peuvent être
dissoutes et l'œuvre de la Société centrale et de la Société
évangélique arrêtée : demain l'évangélisation des minorités
dont vous vous préoccupez en ce moment peut devenir impos¬
sible, — et tout cela peut arriver sans qu'il soit nécessaire de
supposer ni une révolution, ni une loi, ni même un décret,
maisune simple circulaire du ministre de l'intérieur enjoignant
à ses agents de tenir la main à l'exécution des lois existantes.
Voyons donc en premier lieu en quoi consistent ces lois.
Nous chercherons ensuite quel est l'esprit qui les a inspirées
et qui les soutient encore. Et enfin nous nous demanderons quelles réformes elles réclament.
I
Examinons séparément, pour
plus de clarté, la situation des
pasteurs de notre
Église nationale (ou de l'Église luthérienne)
celle des pasteurs des
Églises dissidentes, et enfin celle des
simples laïques.
§ 1
Suivonsle pasteur dans sa
tournée et accompagnons-le dans
la commune où il veut tenir une réunion. En le voyant à
l'œuvre, il nous sera plus
aisé de
nousrendre bien compte de
la législation contre
laquelle il
va sedébattre.
En sa qualité de ministre
d'un culte
reconnu parl'État, il
n'a besoin d'aucune formalité pour exercer son
ministère:
l'investiture qu'il tient du
gouvernement le dispense de toute
autorisation administrative : il est nommé pour
prêcher, il
peutdoncprêcher partout. Le bon
sensle veut ainsi et la juris¬
prudence n'y
contredit
pas :elle
adéclaré en effet à plusieurs
reprises que les
articles 291-293 du Gode pénal qui exigent
l'autorisation administrative ne s'appliquent pas aux
cultes
reconnus. Mais ne vous hâtez pas de le croire
hors d'alTaire.
Le principe qui vient
d'être posé, est
cequ'on appelle un pur
principe,c'est-à-dire qu'il est dépourvu de toute valeur pra¬
tique. En effet, il ne
suffit
pasde reconnaître que vous avez le
droit de célébrer votre culte partout: en
fait
vous ne pouvezle faire si vous ne réussissez d'abord à trouverun
local. Or,
vous demandez à l'un de vos coreligionnaires
de
vousle louer
ou de vous le prêter? S'il
s'avise de le faire
sansavoir au
préalableobtenu l'autorisation municipale, il encourt une
peinede
16 à 200 fr. d'amende. S'il
y apoursuite, le pasteur
sera acquitté, il est vrai, pour
avoir agi dans l'exercice de
ses fonctions; mais lepropriétaire tropbienveillant seracondamné
et cela quand bien même il
n'aurait
pasassisté
auculte, et
quand bien mêmeil ne serait pas
protestant.
Si le pasteur, comme il arrive
quelquefois, veut réunir les
fidèles chez lui, qu'il prenne garde! Il
réunit
enlui
en ce casun double caractère : il est ministre du culte et il est proprié¬
taire; comme ministre du culte il continue à
échapper à toute
pénalité, mais commepropriétaire il est pris et condamné.
Voilà donc une situation assez piquante. Le législateur
déclare bien haut qu'en votre qualité de ministres
d'un culte
reconnu vous avez le droit, Messieurs, d'exercer votre minis¬
tère partout, mais il se
réserve
in pettole droit de
vousfermer toutes les portes.
Il y aurait bien en apparence une ressource, ce
serait de
tenir réunion dans la rue, à l'exemple de certains
prédicateurs
anglais. Mais celle-là même, celle-là surtout vousest refusée.
La loi de 1848 sur les attroupements est inexorable, et
le
moindre sergent de ville vous fera circuler. En vous
réfugiant
au désert, en célébrantvotre culte sous quelque
châtaigneraie
des Cévennes ou de l'Ardèche, vieil usage de nos pères qui
semble revenir à la mode dans nos fêtes religieuses, vous
n'échapperez pas à la loi. En effet, le terrain sur
lequel
vousvous réunirez, si désert qu'il soit, appartiendra biensans
doute
à quelqu'un, et il est
vraisemblable
que vous ne vous yinstallerez pas sans demander la permission au
propriétaire.
Ehbien! ce propriétaire du terrain doit être
assimilé
au pro¬priétaire du local, puisque comme
lui il
vousdonne l'hospita¬
lité etvous permet de célébrer votre
culte. Il
estdonc tenu de
mêmede se conformerà l'article 294, et d'obtenirl'autorisation municipale, et d'ailleurs les
réunions
enplein champ sont
défendues aussi bien que sur la place
publique. Que
noussommes loin dutemps où
l'Évangile
étaitannoncé
auxhommes
sur les montagnes et au bord des
lacs!
— Enrésumé,
vous nepouvez pas
célébrer votre culte sans trouver un local, et vous
ne pouvez trouver un
local
sans uneautorisation préalable.
Supposons
maintenant
quele propriétaire du local choisi
s'occupe de se mettre en
règle
avecla loi. C'est au maire de
la commune qu'il doit
s'adresser.
Le maire de la commune, en
France, est
unpersonnage
considérable, puisqu'il
tient
endéfinitive entre ses mains la
liberté de réunion en matière
religieuse. Or, les maires, en
France, peuvent se
classer
endeux catégories : le maire ami
et le maire ennemi du curé.
S'il est dans la première
catégorie, il est probable qu'il
refusera son autorisation. C'est un
premier
casà examiner.
C'est son droit de la refuser.
Remarquez qu'il
nes'agit pas en
effet, comme on
le croit et
commeon le pratique communé¬
ment, d'une simple
déclaration à faire; point du tout, il s'agit
d'une permission
à obtenir. Ce système d'une déclaration
préalable
quele maire devrait se borner à enregistrer sans
avoir à lajuger, a
existé autrefois dans notre législation, aussi
longtemps
qu'a été
envigueur la loi du 7 vendémiaire an IV,
et c'est celui qui aurait
été rétabli si les Chambres avaient
adopté le
projet de loi présenté par MM. Bardoux et de Pressensé;
c'est un système
qui est compatible en effet avec une certaine
liberté de réunion, et qui est
destiné simplement à assurer la
surveillance légitime de
l'autorité. Mais tel n'est point du tout
le système
qui
nousrégit. Actuellement, le droit de réunion
dépend
absolument du bon plaisir du maire. Il ne suffit donc
pas de
lui
envoyer unedéclaration indiquant le jour, l'heure
etle local; il faut encore
attendre
saréponse, et, je le répète,
cette réponse peut
être négative. Il est possible qu'il donne à
l'appui de son
refus des motifs absurdes, comme ce maire de
Metz, par
exemple qui alléguait que « la réunion pourrait
offusquer les
religions déjà établies (1) ». C'est l'intolérance
mutuelle des religions
érigée
enprincipe; n'importe, c'est
(')Affaire Oster,20 mai 1836.
14
son droit. Il peut aussi se dispenser de chercher des motifs
bons ou mauvais, et répondre par un refus pur et simple,
c'est encore son droit : la loi n'exige pas pour sa décision,
comme elle le fait pour les jugements des tribunaux, qu'elle
soit motivée. En présence du refus, il n'y a qu'une chose
à faire, se soumettre et avertir le maire qu'on va déférer
sa décision à ses supérieurs hiérarchiques, c'est-à-dire en
premier lieu au préfet, et en dernier lieu au ministre de l'intérieur. Cette menace pourra peut-être l'intimider; c'est,
à vrai dire, le seul résultat pratique qu'on puisse espérer; si
elle ne produit pas cet effet, il est très probable qu'elle n'en produira pas d'autres, et vous agirez sagement en ne poussant
pas l'affaire plus loin, le recours serait inutile. Si encore on pouvait aller devant le Conseil
d'État,
on pourrait avoir quelque chance. MaisceTribunal estincompétent dans l'espèce;le recours est purement administratifet nonpoint contentieux.
Arrivons à la seconde variété de maires que j'ai indiquée.
Ici, nous pouvons nous flatter d'obtenir facilement l'autorisa¬
tion : sa décision est souveraine; il n'y a qu'à en profiter, et
tout est dit. Je n'ai rien à ajouter sur ce cas.
Mais il y a encore une troisième catégorie de maires qu'il ne faut pas oublier : ce sont ceux qui, dans la crainte de se
compromettre, ne répondent rien. Un maire de village étonné, embarrassé, ignorant de ses droits, neveut dire ni oui ni non, ou, sivous insistez,vous renvoieau sous-préfetou au procureur de la République. C'est l'espèce la plus répandue, et je puis
dire la plus dangereuse. Si, vous fiant au dicton : « Qui ne dit
mot consent, » vous tenez votre réunion, vous tombez sous le coup de la loi : elle ne se contente pas en effet d'une autorisa¬
tion tacite et exige une autorisation expresse. En 1836, le sieur Lefèvre demanda au maire d'un petit village des environs d'Orléans l'autorisation de teniruneréunion religieuse. Silence
du maire. Alors, la réunion a lieu. A peine commencée, on voit apparaître M. le Maire, suivi de son garde-champêtre : le
magistrat ordonne
à
sonsubordonné de faire le compte des
fidèles pris en
flagrant délit. Déduction faite des enfants
au-dessous de quinze ans, le
recensement donne vingt-cinq
personnes.
Procès-verbal, poursuite, condamnation et pourvoi
en cassation. La Cour confirme l'arrêt «
considérant
quele
maire a usé de son droit dans la compétence que
lui accorde
l'article 294. » Il faut donc, coûte que
coûte, obtenir
une réponse et même,s'il
sepeut,
uneréponse écrite. Si le
maire s'obstine à ne rien dire et
qu'on veuille néanmoins
courir la chance de tenir la réunion,
je conseillerais,
commemesure de prudence,
de remettre
aumaire une clé du local
où la réunion doit avoir lieu, et de
l'inviter formellement à
yassister. Les tribunaux pourront
peut-être voir dans
cesfaits,
en ymettant unpeu
de bienveillance, unë présomption d'auto¬
risation. C'est ce qu'a décidé la
Cour de Rennes,
en1828, dans
un cas semblable : elle a acquitté les
prévenus.
Je me suis placé
successivement
enface de ces trois hypo¬
thèses : autorisation, refus et silence.
En
casde refus
oude
silenceéquivalant à un
refus, toute réunion religieuse est-elle
donc impossible?
Je lisais dernièrement qu'en Espagne,
où règne
unelégisla_
tion presque
identique à la nôtre,
onavait trouvé un moyen
ingénieux pour tourner
la loi. Au village de San Vincente,
l'alcade ayant refuséune
autorisation,
ondivisa les fidèles par
escouade de vingt personnes,
et
onles fit entrer successive¬
ment : quand l'une
sortait, l'autre était introduite; en sorte
que, tout
compte fait, il n'y avait jamais plus de vingt personnes
dansla salle. Cet expédientrepose sur
cette idée
quela réunion
ne devient illicite qu'au-dessus
du chiffre de 20 personnes, et
qu'autant qu'on
n'atteint
pas ouqu'on ne dépasse pas ce
nombre, on peut se dispenser
de toute autorisation. C'est une
idée très accréditée en France,
peut-être même parmi ceux
qui m'écoutent; onl'énonce vulgairement comme un axiome,
cela n'empêche pas
qu'elle
nesoit erronée. Elle procède d'une
confusion entre le droit d'association et le droit de réunion*
Quand il s'agit d'une association, c'est-à-dire d'une institution ayant un caractère plus ou moins permanent,
la loi exige
en effet, pour qu'il y ait délit, que l'association se compose au moins de vingt membres; mais, quand il s'agit de réunions religieuses ou de la célébration d'un culte, elle nedit
rien desemblable. Voici le texte de l'article 294 : « Toute personne
qui aura loué ou fourni l'usage de sa maison pour la
réunion
des membres d'une association même autorisée, ou pour l'exercice d'un culte, sera punie, etc... » Vous voyez que la
loi est muette sur la question du nombre plus ou moins consi¬
dérable des assistants : il n'y a pas ici de minimum. J'ajoute
que le silence de la loi est tout à fait rationnel. En effet, par cela seul quela réunion est publique, ce qui est toujours notre hypothèse, lenombredes assistants estnécessairementillimité;
peu importe qu'en fait les fidèles se soient trouvés rares ou nombreux; la porte a été ouverte à tous sans permission, voilà
où naît le délit. Maintenant, n'y aurait-il qu'un seul fidèle qui
eût
répondu
à l'appel, ce serait là une circonstance toute fortuite, extrinsèque, qui ne pourrait enlever à la réunion son caractère de réunion publique, et qui, par conséquent, nechangerait en rien la nature du délit. La Cour de cassation
n'a pas euà se prononcer sur ce point; mais la Cour deRennes
a rendu un arrêt conforme (*). J'ignore ce qu'ont fait les tribunaux.espagnols en présence des faits queje signalais tout
à l'heure, mais je n'engagerais pas en France à user d'un stratagème semblable : il serait sans succès.
Puisque cet expédient nous fait défaut, ne nous reste-t-il
aucun moyen de tenir notre réunion nonobstant le maire? Si,
nous avons une ressourcequi est toujours à notre portée :c'est
la réunion privée. Le propriétaire du local choisi a toujours la
faculté d'inviter chez lui telles personnes et en tel nombre
(') Arrêlde laCourde Rennes, 1eraoût 1828.
qu'il lui semble bon, et cela sans avoir à
demander
aucuneautorisation et même sans avoir à faire aucune déclaration.
Yous savez combien cette ressource est précieuse enmatière politique, et quel fréquent usage on en fait : elle
n'est
pas moins utile en matière religieuse, et les agents de la Société évangélique de Francey ont recours très fréquemment.Néan¬
moins ceprocédé n'estpas sansprésenter quelques dangers, et
il exige une surveillance soutenue et minutieuse pour ne pas tomber dans quelque contravention. Yoici en quelques mots
les précautions indispensables auxquelles le pasteur devra
tenir la main s'ilneveut pasexposer son hôte (car quant à lui, je le répète, il est couvertpar sa qualité de ministre
d'un culte
reconnu) à des poursuites.1° Il faut que chaque invitation soitnominative,
personnelle
à celui qui la reçoit, et signée du propriétaire du local
(ou
du locataire, si le local a été loué). Rien n'empêche cependantqueles lettres ne soient imprimées.
2° Il faut avoir soinde n'admettreque les porteursde lettres
à eux adressées, et ne pas souffrir l'entrée d'une seule per¬
sonne qui ne présenterait pas sa carte ou qui en
présenterait
une qui ne serait pas à son nom. M. le pasteur
Lacheret
aété
condamné à l'amende, il y a deux ou trois ans, pour une réunion tenue à Maubeuge, dans laquelle il avait
négligé de
veiller à cetteformalité. Je veux signaler un piège assez gros¬
sier qui ne laisse pas d'être assez souvent
employé dans les
petites communes; je ne veux pas que vous vous y
laissiez
prendre. Le commissaire de
police
seprésente à la porte
:si
on refuse de le laisser entrer, il exhibe ses qualités et affirme
son droit : si on cède et qu'on le laisse
pénétrer dans la salle,
il en résulte que par le seul fait de sa
présence,
sanslettre
d'invitation, la réunion cesse d'être
privée,
etil
ale droit de
dresser procès-verbal. En
pareil
casil n'y
a pasà hésiter
:le
seul moyen dese mettre en règle avec
la loi, c'est de mettre
franchement le commissaire à la porte.
3° Il faut prendre garde de ne pas
laisser la porte ouverte,
mais de la tenir soigneusement fermée pendant toute
la durée
de la réunion. Il faut que le public ne puisse rien
voir ni rien
entendre de ce qui se passe dans
la salle. Par exemple la
réunion cesserait d'être privée, si elle se tenait
dans
une coursur laquelle on aurait vue des
fenêtres des maisons voisines.
4° Enfin, il est prudent de faire
distribuer les lettres d'invi¬
tation par la poste et non pas par un
porteur
: onexposerait le
porteur à être
poursuivi
pourfait de colportage
sansautorisa¬
tion. Danstous les cas, il est absolument interdit de les distri¬
buer sur la voie publique ou à la porte des
lieux de réunion.
On voit que ces réunions
privées
sontloin d'être exemptes
de dangers, sans parler de la perte
de temps et des frais
queses préparatifs exigent.
Néanmoins c'est,
enfin de compte,
notre dernière ressource.
§ 2
Laissons pour le moment
de côté, sauf à
yrevenir tout à
l'heure,lespasteursde
l'Église nationale
etarrivons
auxÉglises
libres.
Jenepense pasqu'on
m'arrête
enmedisant
quececine regarde
plus la Conférence.
Sans parler de l'intérêt général
que vous portez tous, je pense,à la
causede l'évangélisation de la
France, vous avez un intérêt direct et
immédiat à connaître
la situation légale des
Églises
indépendantes et deleurs
pasteurs. En effet, ce n'est pasassurément à Montauban et
dans ce temple (*) que j'ai besoin
de rappeler l'existence de
cesminorités évangéliques qui se sont
constituées à l'état d'Églises
indépendantes : elles ne sont pas
très nombreuses, mais leur
nombre augmente tous les jours. Or, aupoint
de
vuelégal,
cesÉglises
ne diffèrent en riendes Églises dissidentes. Il est vrai
(2) La conférenceétaitréunie dans letemple de la Faculté,qui sert de lieu de
culte àl'Égliseindépendantede Montauban.
qu'elles professent le culte reconnu par
l'État,
maisl'État.qui
n'est pas théologien n'a d'autre moyende reconnaître les siens
quedes signes extérieurs : toutes les fois doncqu'un culten'est
pascélébré dans les locauxofficiellement consacrés à cet usage,
qu'il n'est pas dirigé par des ministres ayant un caractère
officiel et qu'il ne relève pas des autorités ecclésiastiques léga¬
lement constituées,
l'État
ne saurait lui attribuer aucun des privilèges qu'il accorie au culte reconnu et constitué confor¬mément à la loi organique. Ce queje vais dire s'applique donc
tout aussi bien à nos
Églises
indépendantes qu'auxÉglises
dissidentes.
Toutes les
Églises
sont des associations; ceci est vrai desÉglises
rattachées àl'État
comme de celles qui sonten dehorsde l'État: qui dit
Église,
eneffet, dit association. Mais voici où apparaît la différence entre les premières et les secondes. Les premières sont des associations qui ont par elles-mêmes l'exis¬tence légale et la capacité juridique; elles tiennent ce double
droit non pas d'une autorisation administrative,ni mêmed'une
autorisation législative, mais d'une loi constitutionnelle, la loi organique de l'an X qui les a constituées à l'état
d'Églises
éta¬blies etinscritesaubudget. Les secondesaucontraire, c'est-à-dire
les
Églises
séparéesdel'État,
nesont que des associations ordi¬naires, soumisescomme telles auxprincipes généraux de notre droit, qui veulent qu'aucune association ne puisse prendre
naissance sans autorisation. La règle est posée par un texte
de loi tout voisin de celui dont nous nous occupions tout à
l'heure. Les articles 291-292 du Code pénal, complété par une loi postérieure de 1834, décident que nulle association de plus
de vingtpersonnes dont le but sera de s'occuper d'objets poli¬
tiques, religieux ou littéraires, ne pourra se former sans
l'agrément du gouvernement... et en cas de contravention les
directeurs et même tous les membres sont punis de peines
assez sévères. — Cette autorisation que nous rencontrons ici
est absolument distincte de celle dont nous nous sommes
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occupés jusqu'à présent, et ilfaut se garder de les confondre,
bien qu'en fait cette confusion soit très fréquente. Pour bien
éclaircir cette règle, comparons la situation de l'agent de la
Société évangéliqueou de la Société méthodistequi veut établir
une congrégation dans une commune,à la situation,de l'agent
de la Société centrale.
Le pasteur de
l'Église
nationale n'a personnellement aucune autorisation à demander et parconséquent n'aaucune pénalitéà encourir; il faut seulement qu'il trouve un local; c'est le propriétaire de ce local qui aura à se procurer l'autorisation
du maire et quisera poursuivi s'il s'est mis en contravention.
Le pasteur de
l'Église
libre doit au préalable, et avant de semettre à la recherche d'un local, obtenir l'autorisation du préfet, et s'il néglige cette formalité, il sera personnellement responsable comme chef ou fondateur d'une association
illicite. En supposant qu'il l'ait obtenue, il se trouve alors,
mais alors seulement, dans une situation identique à celle du pasteur de
l'Église
reconnue; il n'a plus qu'à trouver quelqu'un qui, à ses risques et périls, lui fournisse le local.Donc il passera par la filière de deux autorisations successives
et parfaitement distinctes, et l'unenepeut dispenser del'autre.
Distinctes dans leur objet, car l'une a pour but de régle¬
menter le droit d'association et l'autre le droit de réunion.
Distinctes dans leurs formes, car l'une doitêtre demandée
au préfet ou au ministre de l'intérieur (et mêmequand il s'agit
d'une congrégation qui s'établit à poste fixe, c'est-à-dire de
l'ouverture d'un lieu du culte, elle doit être rendue sous la
forme d'un décret délibéré en Conseil d'État (*). Quant à l'autre, nous savons qu'elle est donnée par le maire.
Distinctes par les pénalités qu'elles comportent (au moins depuis la loi de 1834), car l'une a pour sanction la prison, et
l'autre simplement l'amende.
(*) Décretdu 19mars1859.—L'autorisation est d'ailleurstoujours révocable dans la forme où elleaété donnée.
Distinctes, enfin, par les personnes
auxquelles elles s'appli¬
quent; car l'une
s'applique
auxchefs et même à tous les
membres del'association, etl'autresimplementau
propriétaire
du local.
Il y a encore une différence
bonne à noter. L'une, l'autori¬
sation administrative, n'est nécessaire qu'autant que
l'associa¬
tion se compose de plus de
20 membres: l'article 291 est
formel à cet égard; au contraire,
quand il s'agit du droit de
réunion, nous avons dit que la
question du nombre était
indifférente et que l'autorisation
était nécessaire dans tous les
cas. Puisqu'il faut plus de
20 membres
pour quel'association
soit illicite, on pourrait être
tenté d'en conclure
quebeaucoup d'Églises
dissidentes sontenrègle
avecla loi et n'ont
pasà se
préoccuper dela nécessité d'une autorisation administrative.
Je crois, en effet, que le plus
grand nombre des Eglises
méthodistes ou de l'Union évangélique ne comptent pas vingt membres3 en
donnant à
cemot le
sens que cesÉglises
leur donnent elles-mêmes et qui est bien le sens
vrai,
carles
simples auditeurs nepeuvent être qualifiés de membres de
l'association, pas plus au point
de
vuelégal qu'au point de
vue ecclésiastique. Mais il
n'importe
:si petit
quesoit leur
troupeau, elles
tombent
sousle
coupde la loi;
eneffet, la loi
de 1834, que j'ai citée
plus haut,
aétendu la nécessité de
l'autorisation à toutes les associations, alors même
qu'elles
comptent moins devingt membres,
«si elles
serattachent à
une association plus
considérable dont elles peuvent être
considéréescommeles sections.» Or, cette
définition embrasse
précisémentles Églises dont il s'agit; elles peuvent être et
doivent être nécessairement considérées comme
les sections
d'une association plus générale
qui s'appelle la Société Métho¬
diste ou Y Union Évangélique. Même les
plus petites sectes,
celles des darbistes ou des quakers, par
exemple, doivent
tomber sous le coup de la loi en
vertu de la définition
ci-dessus, car en faisant le
compte de tous
ceuxqui sont
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disséminés sur divers points de la France, on arriverait probablement à un total de plus de 20.
En fait, toutes ces règles sont rarement observées; en fait,
la plupart des
Églises
libres qui existent en France sont dansune situation tout à fait irrégulière. On m'a affirmé que les
Églises
relevant de la Société Wesleyenne se contentaient d'une simple déclaration faite au maire. Quant auxÉglises
dela Société
Évangélique,
le directeur, M. Fisch, m'écrit quedepuis 1870 l'autorisation administrative ou à plus forte
raison l'autorisationduConseil d'Étata souvent été demandée,
mais n'a jamais été obtenue. Une seule
Église,
celle d'Aubus-son, aurait été autorisée par le préfet. Quant aux
Églises
ditesdes minorités de Montauban, Montpellier, Vauvert, etc., je crois pouvoir affirmer qu'elles n'ont demandé aucune autorisation ni au préfet, ni au Conseil d'État. Toutes ces
Églises
vivent donc hors la loi; leur existence est précaire et dépend du bon plaisir de l'administration. En 1851, toutes lesÉglises
de la SociétéÉvangélique
furent fermées, à l'exceptionde quatre,et cen'estque cinq ou sixans plus tard, sur l'initia¬
tive (j'ai quelque honte d'en faire l'aveu) du ministre d'Angle¬
terre lord Clarendon, qu'elles furent rouvertes. Le même fait peut se reproduire demain.
Ces
Églises
n'ayant pas même le droit d'exister, il va sans dire qu'elles ont encore moins la personnalité légale, c'est-à-dire le droit d'acquérir des biens et de les posséder. Ce privilège de la personnalitélégale dépend toujours de la volonté
de l'État et il n'a été, à ma connaissance, conféré à aucune
Église
en dehors desÉglises
reconnues qui le possèdent de plein droit. Quand donc cesÉglises
veulent posséder un localpour l'exercice de leur culte, elles sontobligées de recourir à des subterfuges plus ou moins ingénieux. Quelquefois elles
mettent la propriété du bâtiment sous le nom d'un de leurs membres qui, en fait, n'est qu'un propriétaire nominal, mais qui en droit estetdevientparlà même lepropriétaire véritable;
et s'il vient à mourir, ses héritiers
peuvent tout simplement
s'attribuer le bâtiment.
L'Église
nepeut le revendiquer
puisqu'elle ne peutinvoquer
enjustice aucun droit de pro¬
priété. Le fait
s'est produit plusieurs fois; il s'est produit, à
ma connaissance, à Bordeaux;
l'Église
aété spoliée ainsi du
local qu'elle occupait
jusqu'en 1872. On a recours plus géné¬
ralement à un autre expédient. Les
membres de l'Église
oucertains d'entre eux seulement se
constituent à l'état de
société civile. Elles ont un modèle
d'acte de société dans
lequel on s'est
efforcé autant
quepossible de parer aux
dangers que je
signalais tout à l'heure;
onn'y parvient jamais
entièrement. Letemps neme
permet
pasde donner
aucundéve¬
loppement à une
question aussi délicate et aussi technique; je
dépasserais
d'ailleurs les limites de
cesujet. Je me contenterai
de conseiller aux
Églises indépendantes qui cherchent les
moyens de vivre en
dehors de la loi, de se mettre à l'école des
congrégations
religieuses du catholicisme qui, dépourvues elles
aussi de toute capacité
juridique, n'en ont
pasmoins su se
faire leurplace au
soleil et devenir,
endépit de la loi et des
tribunaux, les plus riches
propriétaires et capitalistes de
Franceet de Belgique. La
situation légale de
cescongrégations
non autorisées est à peu de chose
près identique à celle de nos Églises séparées; les
uneset les autres vivent sans droit et en
conséquence
restent
sousle
coupd'une suppression toujours
possible.
Cependant il est
prudent d'avertir qu'entre les congrégations
non autorisées et les
Églises protestantes
nonreconnues il
existe une différence importante
et caractéristique. Celles-ci,
les
Églises
non reconnues, enleur qualité d'associations reli¬
gieuses non
autorisées, tombent, nous l'avons dit, sous le coup
des articles 291-293 du Code
pénal, c'est-à-dire
quenon
seulement leurs chapelles
peuvent être fermées, mais encore
qu'elles
peuvent être l'objet de poursuites judiciaires aboutis¬
sant à l'amende et à la prison.