aussi bien moins grandes sont les
chances d'erreur
oud'omissions.
Bétoulières
CHAPITRE IV
DÉBATS
Le médecin est informé du jour de l'ouverture des dé¬
bats, et invité à rendre compte oralement de l'exposé et
de la nature de ses recherches.
C'est le côté le plus délicat, sinon le plus difficile de
sa mission.
Le manque d'habitude de parlerenpublic, les questions
inattendues de la défenseou de l'accusation, l'impossibi¬
lité de se servir de notes ou d'un résumé, sont bien de
nature à troubler un esprit peu exercé à coordonner et à développer un sujet rigoureux d'exactitude et limpide
de
simplicité.Lors de sa réquisition, émanant du parquet, le médecin
a prêté serment comme expert; aussitôt appelé à la barre,
il doit de nouveau prêter serment et avec une termino¬
logie différente comme témoin, en vertu de l'art. 80
du
Code d'instruction criminelle.
Voici comment s'exprime M. Brouardel sur la compa¬
rution du médecin-expert devant les tribunaux.
« Quand l'expertest appelépar son rang à déposer,
il
pénètre dans la salle d'audience et se prépare à faire sa déposition, mais au moment où il va commencer,
le
Président l'arrête et lui dit : Levez la main droite, et
prêtez serment. Le serment prêté, il ouvre la bouche
pour déposer, mais il est de nouveau arrêté pour décli¬
ner ses nom, prénoms et domicile et pour dire qu'il n'est
— SI —
pas au service de l'inculpé et que celui-ci n'est pas au sien ».
Rien n'estplus déconcertant que d'être arrêté net lors¬
qu'on se dispose à commencer une déposition orale sui¬
vant un plan qui est votre idée fixe, et que des questions étrangères au sujet traité viennent apporter un dérivatif
à votre attention.
Il n'en faut pas parfois davantage pour troubler un
esprit déjà inquiet et jeter le désarroi dans une suite
d'idées cataloguées à l'avance.
L'expert peut fort bien ne pas en avoirencore fini avec les prestations de serment.
Supposons qu'un supplément d'enquête soit nécessaire
à la suite de dépositions précédentes ou à l'occasion d'un
lait nouveau qui surgit.
L'expert a déjà prêté serment comme expert d'abord et
comme témoin ; avant de commencer la moindre recher¬
che nouvelle, il faudra qu'il dépose encore sermentcomme expert, et sitôt son enquête terminée, revenir lever la
main comme témoin avant de s'exprimer sur ce qu'il a constaté.
L'expert inexpérimenté, qui se trouve dans de pareilles
conditions, finira par être inquiet poursa propre sécurité.
Sa responsabilité n'est-elle pasengagée à fond dans un lacis de serments où à la moindre incorrection on peut lui opposer le serment qu'il a prêté ?
L'expert habituel d'unTribunal, exercé àcesformalités,
sait se plier aux rites de la justice et ne se laisse pas im¬
pressionner par eux.
Durant les débats, le médecin n'estappeléqu'àson tour
comme les autres témoins.
C'est une situation fausse et un inconvénient pour le
médecin d'être ainsi traité comme un simple témoin.
Nous savons que témoigner ne consiste
qu'à
répéter ceque l'on a vu ou entendu, tandis que le médecin com¬
mente, explique et tire des conclusions
de
ce quil
aconstaté. De là, sa présence nécessaire à l'audition des
témoins.
Avec les assertions des différentes dépositions, il peut établir à lui tout seul le rapportqui existeentre lestémoi¬
gnages et les données scientifiques.
En Autriche, le président invite les médecins-experts à
rester dans le prétoire et à suivre la marche des débats.
Les experts, à leur tour, ne sont entendus qu'en l'absence
des autres experts.
En France, le médecin est donc enfermé dans la salle
commune aux autres témoins. Il est appelé suivant l'ordre
de son numéro de comparution, c'est-à-dire quelquefois aprèsplusieurs jours d'attente.
Les conditions défectueuses comme confortable et la
promiscuité de ces salles d'attente ne sont pas un des
moindres inconvénients du titre de témoin conféré à
l'expert.
En général, on ygrelotte de froid en hiver, on y étouffe
en été par manque d'air ou par saturation d'émanations biologiques.
Les témoinsentendus dans les affaires où l'intervention du médecin a été jugée nécessaire sont, en général, d'une
condition sociale inférieure à celle de l'expert, et l'on comprend l'ennui et même l'exaspération d'être traité
comme un prévenu, quelquefois durant de longues jour¬
nées.
On raconte quele professeur Lasègue, en attendantson
tour de comparution comme expert dans une affaire de
meurtre commis dans une maison publique, resta durant
trois heures sous lesverrous, en compagnie du nombreux personnel de cet établissement.
L'expert est enfin invité à s'expliquer par la formule
habituelle du président : « Dites ce que vous savez. » Le médecin-expert commence au milieu du recueille¬
ment de la salle le récit de ses investigations. Comme il
ne lit pas son rapport, il peut modifier les dispositions de
— 53 —
ses développements. Il peut commencer par
affirmer
son opinion, énoncer saconclusion
surle fait qu'il
a euà
examiner, pour la (aire valoir
ensuite
avecl'appui de
sesrésultats obtenus ou grâce à ses déductions
scientifiques.
L'exposition orale, dépourvue
le plus possible de
termes scientifiques, ne peut qu'y gagner enclarté.
En Courd'assises, c'est aux jurés surtout que s'adresse
le médecin, et ses explications sont plus précieuses pour
eux que la longue lecture
d'un
rapport.Le talent oratoire
est un don; aussi pour celui qui ne le
possède
pas,il
se peut que l'émotion du moment,l'inquiétude de paraître
et de parler en public, peuvent
le priver de
ses moyensde
lucidité.
Profiter de ces circonstances pour briller par un