Membres du jury
Madame le professeur GOHIER Bénédicte | Président Madame le docteur RIQUIN Elise | Directeur Monsieur le professeur DUVERGER Philippe | Membre Monsieur le professeur LEGENDRE Guillaume | Membre Monsieur le docteur GILLARD Philippe | Membre Madame le docteur DELAFOND Pascale | Membre
Soutenue publiquement le :
06 juillet 2020
2019-2020
THÈSE
pour le
DIPLÔME D’ÉTAT DE DOCTEUR EN MÉDECINE
Qualification en PSYCHIATRIE.
INTERRUPTION MEDICALE DE GROSSESSE POUR CAUSE PSYCHO-SOCIALE :
Étude rétrospective des demandes entre 2007 et 2018 au CHU d’Angers.
MALCOURONNE (Rousselot) Yenofa
Née le 07/07/1989 à Segré (49)
Sous la direction de Mme RIQUIN Elise
ENGAGEMENT DE NON PLAGIAT
Je, soussignée Yenofa MALCOURONNE
déclare être pleinement conscient(e) que le plagiat de documents ou d’une partie d’un document publiée sur toutes formes de support, y compris l’internet, constitue une violation des droits d’auteur ainsi qu’une fraude caractérisée.
En conséquence, je m’engage à citer toutes les sources que j’ai utilisées pour écrire ce rapport ou mémoire.
signé par l'étudiant(e) le 20/05/2020
LISTE DES ENSEIGNANTS DE LA FACULTÉ DE SANTÉ D’ANGERS
Doyen de la Faculté : Pr Nicolas Lerolle
Vice-Doyen de la Faculté et directeur du département de pharmacie : Pr Frédéric Lagarce
Directeur du département de médecine : Pr Cédric Annweiler PROFESSEURS DES UNIVERSITÉS
ABRAHAM Pierre Physiologie Médecine
ANNWEILER Cédric Gériatrie et biologie du
vieillissement Médecine
ASFAR Pierre Réanimation Médecine
AUBE Christophe Radiologie et imagerie médicale Médecine
AUGUSTO Jean-François Néphrologie Médecine
AZZOUZI Abdel Rahmène Urologie Médecine
BAUFRETON Christophe Chirurgie thoracique et
cardiovasculaire Médecine
BENOIT Jean-Pierre Pharmacotechnie Pharmacie
BEYDON Laurent Anesthésiologie-réanimation Médecine
BIGOT Pierre Urologie Médecine
BONNEAU Dominique Génétique Médecine
BOUCHARA Jean-Philippe Parasitologie et mycologie Médecine
BOUVARD Béatrice Rhumatologie Médecine
BOURSIER Jérôme Gastroentérologie ; hépatologie Médecine
BRIET Marie Pharmacologie Médecine
CAILLIEZ Eric Médecine générale Médecine
CALES Paul Gastroentérologe ; hépatologie Médecine CAMPONE Mario Cancérologie ; radiothérapie Médecine CAROLI-BOSC François-xavier Gastroentérologie ; hépatologie Médecine CHAPPARD Daniel Cytologie, embryologie et
cytogénétique Médecine
CONNAN Laurent Médecine générale Médecine
COUTANT Régis Pédiatrie Médecine
CUSTAUD Marc-Antoine Physiologie Médecine
DE CASABIANCA Catherine Médecine Générale Médecine DESCAMPS Philippe Gynécologie-obstétrique Médecine D’ESCATHA Alexis Médecine et santé au Travail Médecine DINOMAIS Mickaël Médecine physique et de
réadaptation Médecine
DIQUET Bertrand Pharmacologie Médecine
DUBEE Vincent Maladies Infectieuses et
Tropicales Médecine
DUCANCELLE Alexandra Bactériologie-virologie ; hygiène Médecine
DUVAL Olivier Chimie thérapeutique Pharmacie
DUVERGER Philippe Pédopsychiatrie Médecine
EVEILLARD Mathieu Bactériologie-virologie Pharmacie FAURE Sébastien Pharmacologie physiologie Pharmacie
FOURNIER Henri-Dominique Anatomie Médecine
FURBER Alain Cardiologie Médecine
GAGNADOUX Frédéric Pneumologie Médecine
GARNIER François Médecine générale Médecine
GASCOIN Géraldine Pédiatrie Médecine
GOHIER Bénédicte Psychiatrie d'adultes Médecine
GUARDIOLA Philippe Hématologie ; transfusion Médecine
GUILET David Chimie analytique Pharmacie
HAMY Antoine Chirurgie générale Médecine
HENNI Samir Chirurgie Vasculaire, médecine
vasculaire Médecine
HUNAULT-BERGER Mathilde Hématologie ; transfusion Médecine IFRAH Norbert Hématologie ; transfusion Médecine
JEANNIN Pascale Immunologie Médecine
KEMPF Marie Bactériologie-virologie ; hygiène
hospitalière Médecine
LACCOURREYE Laurent Oto-rhino-laryngologie Médecine
LAGARCE Frédéric Biopharmacie Pharmacie
LARCHER Gérald Biochimie et biologie moléculaires Pharmacie LASOCKI Sigismond
LEGENDRE Guillaume Anesthésiologie-réanimation
Gynécologie-obstétrique Médecine Médecine
LEGRAND Erick Rhumatologie Médecine
LERMITE Emilie Chirurgie générale Médecine
LEROLLE Nicolas Médecine Intensive-Réanimation Médecine LUNEL-FABIANI Françoise Bactériologie-virologie ; hygiène
hospitalière Médecine
MARCHAIS Véronique Bactériologie-virologie Pharmacie
MARTIN Ludovic Dermato-vénéréologie Médecine
MAY-PANLOUP Pascale Biologie et médecine du développement et De la reproduction
Médecine
MENEI Philippe Neurochirurgie Médecine
MERCAT Alain Réanimation Médecine
MERCIER Philippe Anatomie Médecine
PAPON Nicolas Parasitologie et mycologie
médicale Pharmacie
PASSIRANI Catherine Chimie générale Pharmacie
PELLIER Isabelle Pédiatrie Médecine
PETIT Audrey Médecine et Santé au Travail Médecine PICQUET Jean Chirurgie vasculaire ; médecine
vasculaire Médecine
PODEVIN Guillaume Chirurgie infantile Médecine
PROCACCIO Vincent Génétique Médecine
PRUNIER Delphine Biochimie et Biologie Moléculaire Médecine
PRUNIER Fabrice Cardiologie Médecine REYNIER Pascal Biochimie et biologie moléculaire Médecine RICHARD Isabelle Médecine physique et de
réadaptation Médecine
RICHOMME Pascal Pharmacognosie Pharmacie
RODIEN Patrice Endocrinologie, diabète et
maladies métaboliques Médecine ROQUELAURE Yves Médecine et santé au travail Médecine ROUGE-MAILLART Clotilde Médecine légale et droit de la
santé Médecine
ROUSSEAU Audrey Anatomie et cytologie
pathologiques Médecine
ROUSSEAU Pascal Chirurgie plastique,
reconstructrice et esthétique Médecine ROUSSELET Marie-Christine Anatomie et cytologie
pathologiques Médecine
ROY Pierre-Marie Thérapeutique Médecine
SAULNIER Patrick Biophysique et biostatistique Pharmacie
SERAPHIN Denis Chimie organique Pharmacie
TRZEPIZUR Wojciech Pneumologie Médecine
UGO Valérie Hématologie ; transfusion Médecine
URBAN Thierry Pneumologie Médecine
VAN BOGAERT Patrick Pédiatrie Médecine
VENIER-JULIENNE Marie-Claire Pharmacotechnie Pharmacie
VERNY Christophe Neurologie Médecine
WILLOTEAUX Serge Radiologie et imagerie médicale Médecine
MAÎTRES DE CONFÉRENCES
ANGOULVANT Cécile Médecine Générale Médecine
BAGLIN Isabelle Chimie thérapeutique Pharmacie
BASTIAT Guillaume Biophysique et biostatistique Pharmacie
BEAUVILLAIN Céline Immunologie Médecine
BELIZNA Cristina Médecine interne Médecine
BELLANGER William Médecine générale Médecine
BELONCLE François Réanimation Médecine
BENOIT Jacqueline Pharmacologie Pharmacie
BIERE Loïc Cardiologie Médecine
BLANCHET Odile Hématologie ; transfusion Médecine
BOISARD Séverine Chimie analytique Pharmacie
CAPITAIN Olivier Cancérologie ; radiothérapie Médecine
CASSEREAU Julien Neurologie Médecine
CHEVALIER Sylvie Biologie cellulaire Médecine CLERE Nicolas Pharmacologie / physiologie Pharmacie
COLIN Estelle Génétique Médecine
DERBRE Séverine Pharmacognosie Pharmacie
DESHAYES Caroline Bactériologie virologie Pharmacie
FERRE Marc Biologie moléculaire Médecine
FORTRAT Jacques-Olivier Physiologie Médecine
HAMEL Jean-François Biostatistiques, informatique médicale Médicale
HELESBEUX Jean-Jacques Chimie organique Pharmacie
HINDRE François Biophysique Médecine
KHIATI Salim Biochimie et biologie moléculaire Médecine JOUSSET-THULLIER Nathalie Médecine légale et droit de la santé Médecine JUDALET-ILLAND Ghislaine Médecine Générale Médecine KUN-DARBOIS Daniel Chirurgie Maxillo-Faciale et
Stomatologie Médecine
LACOEUILLE Franck Biophysique et médecine nucléaire Médecine
LEBDAI Souhil Urologie Médecine
LANDREAU Anne Botanique/ Mycologie Pharmacie
LEBDAI Souhil Urologie Médecine
LEGEAY Samuel Pharmacocinétique Pharmacie
LE RAY-RICHOMME Anne-
Marie Pharmacognosie Pharmacie
LEPELTIER Elise Chimie générale Pharmacie
LETOURNEL Franck Biologie cellulaire Médecine
LIBOUBAN Hélène Histologie Médecine
LUQUE PAZ Damien Hématologie; Transfusion Médecine
MABILLEAU Guillaume Histologie, embryologie et
cytogénétique Médecine
MALLET Sabine Chimie Analytique Pharmacie
MAROT Agnès Parasitologie et mycologie médicale Pharmacie
MESLIER Nicole Physiologie Médecine
MOUILLIE Jean-Marc Philosophie Médecine
NAIL BILLAUD Sandrine Immunologie Pharmacie
PAILHORIES Hélène Bactériologie-virologie Médecine
PAPON Xavier Anatomie Médecine
PASCO-PAPON Anne Radiologie et imagerie médicale Médecine
PECH Brigitte Pharmacotechnie Pharmacie
PENCHAUD Anne-Laurence Sociologie Médecine
PIHET Marc Parasitologie et mycologie Médecine
PY Thibaut Médecine Générale Médecine
RAMOND-ROQUIN Aline Médecine Générale Médecine
RINEAU Emmanuel Anesthésiologie réanimation Médecine
RIOU Jérémie Biostatistiques Pharmacie
ROGER Emilie Pharmacotechnie Pharmacie
SAVARY Camille Pharmacologie-Toxicologie Pharmacie
SCHMITT Françoise Chirurgie infantile Médecine
SCHINKOWITZ Andréas Pharmacognosie Pharmacie
SPIESSER-ROBELET
Laurence Pharmacie Clinique et Education
Thérapeutique Pharmacie
TANGUY-SCHMIDT Aline TESSIER-CAZENEUVE Christine
Hématologie ; transfusion
Médecine Générale Médecine
Médecine
VENARA Aurélien Chirurgie générale Médecine
VIAULT Guillaume Chimie organique Pharmacie
PROFESSEURS EMERITES
Philippe MERCIER Neurochirurgie Médecine
Dominique CHABASSE Parasitologie et Médecine Tropicale Médecine
Jean-François SUBRA Néphrologie Médecine
AUTRES ENSEIGNANTS
AUTRET Erwan Anglais Médecine
BARBEROUSSE Michel Informatique Médecine
BRUNOIS-DEBU Isabelle Anglais Pharmacie
CHIKH Yamina Économie-Gestion Médecine
FISBACH Martine Anglais Médecine
O’SULLIVAN Kayleigh Anglais Médecine
Mise à jour au 09/12/2019
REMERC IEMEN T S
A madame le professeur Bénédicte Gohier, merci d’avoir accepté de présider ce jury de thèse.Merci pour votre implication dans notre formation et pour votre attention à notre bien-être.
A monsieur le professeur Philippe Duverger, merci de m’avoir appris l’importance de la rencontre avec le patient. Merci pour vos échanges si riches avec le Dr Jean Malka le jeudi matin au CHU.
Je garderai particulièrement en souvenir comme l’examen clinique d’un bébé pouvait vous animer, j’en ai découvert sa richesse avec vous. Merci pour votre disponibilité. Merci à votre secrétaire Mathilde Sauvageot pour son implication pour retrouver les dossiers des patientes qui font l’objet de ce travail.
A monsieur le professeur Guillaume Legendre, à monsieur le docteur Philippe Gillard, merci d’avoir accepté d’évaluer cette thèse et merci d’avoir concouru à mon travail à travers les dossiers des patientes que j’ai pu étudiés dans votre service. Merci également à vos secrétaires d’avoir cherché ces dossiers archivés et à madame Sylvie Nordstrom-Schuler d’avoir sollicité sa mémoire pour retrouver ces patientes.
Aux Dr Hulo et Dr Delafond pour leur accueil si chaleureux dans leur service. Merci pour la confiance dont vous me témoignez. Merci à toi Nathalie pour tes enseignements si riches « au chevet du patient » notamment en thérapie Denver, toujours avec exigence et rigueur. Merci à toi Pascale pour l’équilibre dont tu es pour moi le symbole. Merci pour ton dynamisme à toute épreuve. Je me réjouis de travailler avec vous.
A madame le docteur Elise Riquin, un grand merci d’avoir dirigé cette thèse avec finesse et intelligence. Ton esprit de synthèse m’impressionne. Merci pour les consultations que j’ai pues partagé avec toi au CHU. Ton empathie avec les patients et ton analyse alliant cœur et rigueur médicale sont pour moi des modèles.
REMERC IEMEN T S
Merci au docteur Norah ANTHONY pour son aide pour réaliser les statistiques de ce travail.Merci aux médecins inspirants rencontrés pendant ces années. Merci en particulier au Dr Marianne Piron-Prunier pour sa capacité à soigner le patient dans sa globalité, pour son accueil si chaleureux dans son service de pédopsychiatrie et pour la confiance dont elle m’a témoignée.
Merci au Dr Schapira pour son exemple d’implication pour ses patients. Merci au Dr Charles Boyer qui m’a ouvert les yeux sur les patients souffrant d’addiction, merci pour sa grande finesse diagnostique qui a fait mon admiration. Merci au Dr Florence Lardeux et au Dr Brice Meunier de la PMI du Mans qui m’ont enseigné avec passion l’examen clinique du bébé et qui œuvrent tant pour la prévention des troubles psychiques chez l’enfant. Merci au Dr Sandrine Bertrand du CAMSP du Mans pour son exemple de grande rigueur médicale et pour la justesse de son approche de l’enfant et de sa famille.
Merci aux équipes IDE auprès de qui j’apprends la juste distance à avoir auprès des patients et qui ont été essentielles pour la bonne ambiance des stages hospitaliers. Merci particulièrement aux équipes du CSE Pierre Daguet, de l’UPAH, de l’USISEA et de la clinique Prémartine.
Merci au centre Laennec et aux médecins encadrant mes stages d’externat, décisifs dans ma formation (Urgences pédiatriques de Robert Debré, Médecine Interne de Lariboisière, pneumologie de Saint Louis et psychiatrie de Louis Mourier).
Merci à l’amitié fidèle partagée avec Laure, Guyonne et Pauline.
Merci à ma belle-famille pour la joie des vacances familiales si ressourçantes et pour votre exemple de sens de la famille. Merci particulièrement à mes beaux-parents pour votre si belle façon d’accompagner la maladie. Vous suscitez mon admiration.
Merci à mes grands-parents pour tout ce qu’ils m’ont transmis et particulièrement pour ce que je retiens pour l’exercice de ma profession : l’originalité et l’indépendance d’esprit d’Apère, le courage et la sensibilité d’Amatchi, la dignité et l’ouverture d’esprit d’Aitatchi. Mamita vous tenez une place particulière dans mon cœur en ce moment, je choisis de retenir votre gaieté mais vous m’avez aussi beaucoup fait réfléchir malgré vous sur la fragilité humaine.
Merci à toi ma Sissou pour ta joie et ton dynamisme qui me donnent envie d’être meilleure.
Merci pour la gaieté que vous dégagez ’Mic et toi.
Merci à mes parents de m’avoir appris à cultiver la liberté intérieure. Peut-on attendre plus beau cadeau pour être heureux ? Merci papa de vous être intéressé à mon travail et d’avoir pris « des cours du soir », merci maman pour votre présence discrète et affectueuse.
Merci à mes enfants Béryl et Colomban qui font ma grande joie chaque jour. C’est merveilleux de vous voir grandir tous les deux. Quand plus tard vous lirez peut-être ces lignes je veux que vous soyez sûrs que l’essentiel c’est vous.
Enfin merci à Thibaut mon mari. Merci pour toutes ces années vécues avec complicité depuis la P2. Merci pour la liberté que j’ai de tout partager avec toi. Merci pour ton courage. Merci pour ton esprit d’abnégation pour nous. Merci pour ta confiance, merci de tant vouloir mon bien et mon équilibre.
LISTE DES ABREVIATIONS
AG Age Gestationnel ASE Aide Sociale à l’Enfance
CCNE Comité Consultatif National d’Éthique CHU Centre Hospitalier Universitaire CMP Centre Médico Psychologique
CPDPN Centre Pluridisciplinaire de Diagnostic Prénatal HDJ Hôpital de Jour
IMG Interruption Médicale de Grossesse IVG Interruption Volontaire de Grossesse MDA Maison Départementale de l’Autonomie
MDPH Maison Départementale pour les Personnes Handicapées PMI Protection Maternelle et Infantile
SA Semaine d’Aménorrhée
T 1 Premier Trimestre de la grossesse T2 Deuxième Trimestre de la grossesse T3 Troisième Trimestre de la grossesse
UMPSP Unité Médico Psycho Sociale en Périnatalité
Plan RESUME
INTRODUCTION MÉTHODES RÉSULTATS
1. Caractéristiques de la population 1.1. Données générales
1.2. Antécédents gynéco-obstétricaux
1.3. Caractéristiques de la grossesse en cours 2. La demande
2.1. Les motifs de la demande
2.2. La place du géniteur dans la demande
2.3. Principaux éléments de l’examen psychiatrique 3. La réunion de concertation pluridisciplinaire
3.1. La réunion de concertation pluridisciplinaire : décision d'accord ou non de l'IMG 3.2. Suites de la réunion de concertation pluridisciplinaire
DISCUSSION
1. Caractéristiques de la population de l’étude
2. Savoir questionner et analyser la place du géniteur dans la demande 3. Femmes en demande d’IMG pour raison psycho-sociale, une gestation psychique impossible ?
4. La notion de souffrance psycho-sociale 5. L’évaluation psychiatrique
6. Envisager des alternatives à l’IMG 7. Méthodologie : les limites de l’étude 7.1. Points positifs
7.2. Points négatifs CONCLUSION
BIBLIOGRAPHIE LISTE DES FIGURES LISTE DES TABLEAUX TABLE DES MATIERES ANNEXES
1. Annexe 1 : Fiche utilisée pour l’analyse des dossiers de demande d’IMG pour motif psycho-social
2. Annexe 2 : Recueil des structures d’accueil des femmes enceintes en détresse sociale et psychologique dans les Pays de la Loire
RESUME
Introduction : Les demandes d’interruption médicale de grossesse (IMG) pour motif psycho- social sont rares mais soulèvent des enjeux marqués pour les professionnels de santé. Les décisions d’accord ou de refus sont prises dans le cadre légal de réunions pluridisciplinaires (RCP). La « mise en péril grave de la santé mentale » est difficile à évaluer. L’objectif principal de ce travail est de décrire une cohorte de patientes ayant fait une demande d’IMG pour ces raisons, et d’analyser leur parcours.
Méthode : Un recueil rétrospectif sur dossiers a été réalisé pour les demandes d’IMG pour raisons psycho sociales effectuées entre 2007 et 2018 au centre hospitalier universitaire d’Angers.
Résultats : Sur onze années, 15 demandes d’IMG pour motif psycho-social ont été reçues au CHU. L’âge des femmes s’étendait de 12 à 44 ans et les âges gestationnels de 15 semaines d’aménorrhée (SA) à 28 SA. Un déni de grossesse a été retrouvé chez 10 femmes (66,7%).
Quatre grossesses (26,7%) étaient issues de relations sexuelles non consenties. Quatre patientes (26,7%) ont fait une demande d’IMG du fait de l’existence d’un trouble psychiatrique.
Trois demandes (20,0 %) ont été formulées du fait du jeune âge de la patiente. Onze femmes (76.3%) présentaient un syndrome anxiodépressif. Après la RCP, 6 IMG (40,0%) ont été accordées. Les refus ont souvent été en lien avec un investissement de la grossesse ou la capacité de la femme à envisager d’autres alternatives à l’IMG.
Conclusion : Les patientes en situations de grande vulnérabilité (mineures, déficientes mentales ou victimes d’abus sexuel) ont obtenu un accord à leur demande. Le trouble psychiatrique seul n’a jamais été retenu comme indication à l’IMG chez les femmes de notre étude car une prise en charge adaptée a pu permettre de soulager leurs symptômes.
Les IMG pour raisons psycho sociales maternelles suscitent des tensions éthiques. Le statut du fœtus, l’évaluation psychiatrique de la détresse de la femme, la poursuite des soins sont en effet des aspects complexes de la réflexion. Il nous semble revenir aux psychiatres d'expliciter les symptômes de la patiente afin de permettre une décision collégiale ajustée et de limiter les mouvements projectifs des soignants.
INTRODUCTION
La première loi sur l’interruption médicale de grossesse (IMG) en France date de 1975 (loi Veil) (1). Cette loi distingue l’interruption volontaire de grossesse (IVG) pratiquée jusqu’à 12 semaines d’aménorrhée (SA) et l’interruption thérapeutique (qu’on appellera médicale plus tard) de grossesse pouvant être pratiquée à tout moment de la grossesse. Le terme de 12 SA est choisi car, dans ce délai, le risque de complications de l’interruption de la grossesse serait faible pour la femme. L’interruption thérapeutique de grossesse est alors encadrée par une procédure médico-judicaire. Deux médecins dont un expert auprès de la Cour de Cassation ou d’Appel doivent accepter la demande.
Le Code de la Santé Publique (CSP) distingue deux situations justifiant une interruption thérapeutique de grossesse :
• la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme sur le plan physique ou psychique.
• une forte probabilité que l’enfant à naître soit atteint d’une affection d’une particulière gravité reconnue comme incurable au moment du diagnostic.
Initialement en lien avec des causes maternelles, les indications d’interruption thérapeutique de grossesse deviennent majoritairement en lien avec des causes fœtales via le développement du diagnostic prénatal dans les années 80. La loi du 30 juillet 1994 crée des centres pluridisciplinaires de diagnostic prénatal (CPDPN). Dès 1999 la loi indique que l’un des deux signataires de l’autorisation d’interruption thérapeutique de grossesse doit être membre d’un de ces centres. L’indication doit donc faire l’objet de l’expertise d’un médecin spécialiste de la médecine fœtale. La loi du 27 juillet 1999 remplace le terme « thérapeutique » par « médical » dans l’article 16-3 du Code Civil (2).
Lors des travaux préparatoires à la loi de 2001 sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG), certains ont pu proposer d’élargir les indications de l’IMG plutôt que d’allonger le délai
de l’IVG. Le Comité Consultatif National d’Éthique (CCNE) ne s’y est pas montré favorable (avis n°66) considérant que rapprocher la détresse du motif médical conduirait à fausser les repères juridiques inscrits dans la loi de 1975. Cela entrainerait des confusions graves et dommageables pour la femme (3). Dans le cadre de l’IVG c’est la femme qui évalue son état de détresse contrairement à l’IMG où cette appréciation est médicale. La loi du 4 juillet 2001 étend l’autorisation de l’IVG de 12 à 14 SA (4).
Le cadre légal de l’IMG évolue avec le décret du 3 mai 2002. Lorsqu’une femme enceinte envisage de recourir à l’IMG au motif que sa grossesse met en péril grave sa santé, elle en fait la demande auprès d’un médecin spécialiste en gynécologie obstétrique exerçant son activité dans un établissement public de santé ou dans un établissement privé satisfaisant aux conditions de l’article L2322-1 du CSP. Le médecin saisi de cette demande constitue et réunit pour avis consultatif l’équipe pluridisciplinaire prévue par l’article L2213-1 du CSP (5).
Cette équipe pluridisciplinaire est composée :
• d’un médecin spécialisé en gynécologie obstétrique et membre d’un centre pluridisciplinaire de diagnostic prénatal.
• d’un médecin choisi par la femme
• d’un assistant social ou un psychologue
• d’un ou des médecins qualifiés pour donner leur avis sur la santé de la femme.
La femme, seule ou accompagnée de ceux qui font la demande, est entendue par une partie ou tous les membres de l’équipe pluridisciplinaire avant sa concertation. Si au terme de cette concertation il apparaît à au moins deux médecins que la poursuite de la grossesse met en péril grave la santé de la femme, ceux-ci établissent une attestation. C’est l’obstétricien qui assume la synthèse des différents avis des spécialistes sollicités et qui se constitue en tant que
« décideur final ». L’établissement de santé conserve pour chaque demande d’avis les éléments
du dossier médical transmis par le médecin traitant, l’attestation de l’équipe pluridisciplinaire, le procès-verbal de la réunion et, le cas échéant, les examens pratiqués (6).
Les IMG pour motif maternel, qui représentent environ 20% de l’ensemble des IMG (7), peuvent être classées en différentes catégories. Chaque catégorie relevant d’une situation où la poursuite de la grossesse mettrait en péril grave la santé de la femme tel que la décrit l’article L2213-1 :
• Les pathologies maternelles somatiques (pathologies malignes, VIH, maladies de système, pathologies neurologiques ou cardiovasculaires…)
• Les motifs psycho-sociaux (viols et incestes, poly toxicomanie, situations de très grande précarité ou situations irrégulières, patientes mineures...)
• Les pathologies psychiatriques (risque suicidaire, retards mentaux, psychoses chroniques, troubles dépressifs, traitements antipsychotiques lourds…)
• Les pathologies obstétricales (pré éclampsies, métrorragies sévères, risque de rupture utérine…)
Il existe peu d’études épidémiologiques concernant les IMG pour cause psychiatrique ou psycho-sociale maternelle. Une enquête portant sur 552 IMG entre 1982 et 1991 en France retrouvait 17% d’indications maternelles dont 4,3% pour cause psychiatrique (8). Une seconde étude menée sur 125 indications d’IMG entre 1992 et 1995 au centre de médecine fœtale de Tours a retrouvé quant à elle 3% d’indications maternelles dont une seule indication maternelle psychiatrique (9). Une étude menée de 2005 à 2009 à la clinique Jules Verne à Nantes a analysé 122 demandes d’IMG pour mise en péril grave de la santé de la femme. Elle excluait les demandes pour motif somatique ou obstétrical. Elle a retrouvé 45% de demandes pour précarité, 31% pour erreur de contraception, 12% pour violences, 8% pour motif psychologique, 3% pour addictions et 1% pour pathologies somatiques (qui ne relevaient pas
d’une IMG pour pathologie maternelle somatique en tant que telle mais qui étaient à l’origine d’un état de détresse psychologique chez la femme) (10).
Sur le plan médical la littérature est rare (11) (12) mais fait état de trois grands types d’indications psychiatriques :
• Un risque majeur de passage à l’acte auto-agressif lié à la grossesse
• Une maladie mentale sévère et/ou chronique aggravée par la grossesse
• Un risque pour la santé mentale de la femme en cas de poursuite de la grossesse Certains auteurs évoquent le fait que les demandes d’IMG pour souffrance psycho- sociale relèvent de demandes ne remplissant pas les critères de « péril psychiatrique ». (13) (14) Pour autant, la souffrance psycho-sociale caractérisée par Furtos (15) comme une
« douleur d’existence » soumise au travail psychique et en lien avec le système dans lequel il évolue, nous semble se différencier de la souffrance psychiatrique. Nous pourrions arguer que tout symptôme psychiatrique s’exprime en lien avec une histoire, une culture, un lien social mais dans la clinique psycho-sociale il nous semble que ce lien est direct, quasi causal. C’est le contexte social, qui en lien avec l’histoire actuelle, vient créer le symptôme.
Notre travail s’intéressera plus spécifiquement aux IMG pour motif psychiatrique et psycho-social. Au Centre Hospitalier Universitaire (CHU) d’Angers environ 60 IMG sont réalisées par an tout motif confondu. Entre 2007 et 2018, 15 femmes ont demandé une IMG pour motif psycho-social ou pathologie psychiatrique. Ces situations, très rares en pratique, soulèvent des enjeux capitaux pour les patients et pour les soignants. L’objectif de ce travail est de décrire précisément la population des femmes ayant eu recours à des demandes d’IMG pour motif psychiatrique ou psycho-social entre 2007 et 2018 au CHU d’Angers. L’objectif secondaire est de dégager le rôle du psychiatre, d’appréhender les concepts de souffrance et péril psycho-sociaux et de relever ce qui a été proposé aux patientes n’ayant pas obtenu une
MÉTHODES
Il s’agit d’une étude rétrospective uni centrique descriptive des demandes d’IMG pour raison psycho-sociale. Elle a été réalisée entre juillet 2018 et juillet 2019 au sein du CHU d’Angers.
Toutes les femmes ayant fait une demande d’IMG entre 2007 et 2018 ont été incluses dans l’étude. Les données quantitatives et qualitatives ont été recueillies sur place à partir des dossiers médicaux des patientes (dossiers papiers de pédopsychiatrie et dossiers gynéco- obstétricaux) par l’investigateur principal.
Le recueil s’est fait de façon anonyme avec les trois premières lettres du nom de chaque patiente. L’anonymat des personnes et des soignants a été respecté. Les informations pour chaque patiente comportaient (Annexe 1) :
• Les caractéristiques sociales
• L’année et le terme auxquels la demande était faite
• Les antécédents gynéco-obstétricaux
• Les caractéristiques de la grossesse en cours
• Les raisons de la demande et la place du père dans la demande
• Les principaux éléments de l’examen psychiatrique
• Le résultat de la réunion pluridisciplinaire (accord ou refus de l’IMG)
• Les suites (quand elles étaient connues)
Dans un premier temps, une analyse descriptive de l'échantillon a été réalisée : les variables quantitatives ont été décrites par moyennes et écart-type et les variables qualitatives par des pourcentages.
Dans un second temps, les associations entre l'accord ou refus de l'IMG et différentes variables ont été testées par un test exact de Fisher. Les odds-ratio (OR) issus de ces analyses ont été
exprimés avec un intervalle de confiance (IC) à 95%. Le seuil de significativité retenu était de 0.05. Les analyses ont été réalisées sur R.
RÉSULTATS
1. Caractéristiques de la population
1.1. Données générales
Entre 2007 et 2018 il y a eu 15 demandes d’IMG pour raison psychologique, psychiatrique ou sociale au CHU d’Angers. Une à deux demandes a été formulée chaque année, excepté en 2007 et 2015 où 3 demandes ont été reçues. L’âge moyen des femmes était de 29.9 ans +/- 10.6 ans avec un minimum à 12 ans et un maximum à 44 ans (tableau I). Trois patientes étaient mineures (deux patientes avaient 12 ans et 12ans1/2 et une patiente avait 16 ans) (Patientes n°6, 13 et 14).
Tableau I : Données générales
Légende : mean: moyenne ; sd: écart type ; med: médiane ; min: minimum ; max: maximum ; n: nombre d'observations sans donnée manquante.
Les grossesses ont été découvertes en moyenne tardivement (Tableau I). Dix femmes (66.7%) ont découvert leur grossesse au 2ème trimestre avec une moyenne de terme de découverte à 18.8 SA (+/- 6.2 SA). Quatre femmes (26.7%) l’ont découverte au 1er trimestre et une femme (6.7%) au 3ème trimestre (patiente n°10). Douze femmes (80.0%) ont fait leur demande d’IMG au 2ème trimestre et le reste des femmes l’a faite au 3ème trimestre.
Six femmes (40.0%) n’avaient pas de logement personnel (pour elle ou pour elle et leur conjoint). L’une d’elle était hébergée par une association caritative (Patiente n°1). Deux
mean sd median min max n
Age maternel (années) 29,93 10,66 34 12 44 15
Terme à la découverte de la grossesse (SA) 18,75 6,24 20,5 3 26 12 Terme au moment de la demande d'IMG (SA) 21,07 4,05 21,5 15 28 14
femmes vivaient chez leurs parents (Patiente n°11 et n°14). Une jeune femme vivait en famille d’accueil (Patiente n°13). Une était hébergée au sein d’un foyer (Patiente n°15) et une autre était interne dans un lycée (Patiente n°6).
Cinq femmes (33.3%) avaient un handicap mental ou psychiatrique reconnu par la Maison Départementale de l’Autonomie (MDA), anciennement Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) (déficience intellectuelle, trouble bipolaire, schizophrénie) et 3 femmes (20.0%) avaient un handicap physique (sclérose en plaques, myasthénie).
Les caractéristiques de la cohorte sont décrites dans le tableau V, figurant à la fin des résultats.
1.2. Antécédents gynéco-obstétricaux
Deux femmes (13.3%) avaient au moins un antécédent de fausse couche spontanée et deux femmes (13.3%) avaient au moins un antécédent d’interruption volontaire d’IVG. Une femme avait déjà un antécédent d’IMG (risque de malformation fœtale en raison d’une exposition à l’iode radioactif) (Patiente n°9). Une femme avait déjà vécu une mort fœtale in utero. Sept femmes (46.7%) avaient déjà accouché au moins une fois (Tableau II). Deux femmes avaient déjà chacune 4 enfants (Patientes n°4 et n°12).
Tableau II : Antécédents gynéco-chirurgicaux
n %
Antécédent d'accouchement 7 46,7
Antécédent de fausse couche spontanée 2 13,3
Antécédent d'IVG 2 13,3
1.3. Caractéristiques de la grossesse en cours
Quatre femmes (26.7%), étaient sous contraception ou pensaient l’être. Une femme pensait être stérile suite à un traitement (Patiente n°9). Une autre femme pensait être sous étonogestrel (Patiente n°4). Ce dispositif contraceptif n’aurait jamais été posé. Cette même patiente avait déjà 4 enfants et 4 antécédents de fausse couche spontanée, IVG ou IMG. Pour 4 femmes (26,7%), il s’agissait d’une grossesse issue d’un premier rapport sexuel. Pour une femme (6.7%), il s’agissait d’une grossesse initialement désirée (Patiente n°2). Pour une des femmes une anomalie fœtale a été diagnostiquée après la demande d’IMG (patiente n°10).
Trois grossesses (20.0%) étaient considérées à risque par les obstétriciens du fait des pathologies parentales (déficience mentale ou pathologie somatique).
2. La demande
2.1. Les motifs de la demande
La figure 1 présente la raison principale retenue qui avait motivé la demande d’IMG.
Plusieurs indications pouvant être intriquées pour une même patiente, nous avons classé les cas selon l’indication prédominante, c’est-à-dire celle qui justifiait en priorité la demande d’IMG selon la patiente.
Quatre femmes ont évoqué leur maladie psychiatrique comme raison de leur demande.
Une femme souffrait d’un trouble bipolaire avec de multiples décompensations itératives (la demande émanait alors de sa mère) (Patiente n°11), une autre d’une schizophrénie équilibrée depuis 8 ans (elle craignait une décompensation) (Patiente n°2), une autre d’un épisode
dépressif caractérisé en lien avec le décès de sa propre mère (Patiente n°7) et une autre
d’idées suicidaires en lien avec la grossesse (Patiente n°3).
Le jeune âge de la patiente a été la raison principale de la demande pour 3 patientes.
Les 3 étaient mineures (Deux de 12 ans 1/2 et une de 16 ans) et la grossesse aurait été issue, pour toutes, d’une agression sexuelle. Deux de ces patientes auraient été victimes d’inceste mais c’est leur jeune âge qui a été retenu comme motif principal de la demande (les révélations d’inceste ont eu lieu après l’IMG pour l’une d’elles (Patiente n°13)). La troisième aurait eu des relations sexuelles non consenties avec son petit ami alors qu’elle était alcoolisée (Patiente n°6).
Une détresse psychique liée à une pathologie somatique a été retrouvée chez 3 femmes. Une femme souffrait d’une sclérose en plaques invalidante (Patiente n°10) et 2 femmes craignaient une rechute de leur maladie bien stabilisée (myasthénie (Patiente n°8) et cancer de la thyroïde (Patiente n°9)).
La déficience mentale était la raison de la demande chez 2 femmes (Patientes n° 5 et
15).
Une seule femme a évoqué un contexte religieux ou culturel à l’origine de sa demande d’IMG (communauté Yesidis).
La précarité économique et sociale était la raison principale de la demande pour une des femmes. Celle-ci avait déjà 4 enfants bénéficiant d’une aide éducative et sa famille était en situation d’isolement social. Elle avait déjà un suivi en Centre Médico Psychologique (CMP) ; on ne notait pas de décompensation psychiatrique liée à l’annonce de cette cinquième grossesse (Patiente n°12).
La grossesse avait eu lieu dans un contexte conjugal complexe pour plusieurs situations.
On peut citer par exemple une grossesse issue d’adultère, une grossesse survenue au moment
de la découverte de l’infidélité du conjoint et quatre grossesses issues de relations sexuelles non consenties.
Pour une des patientes, la grossesse faisait suite à une « erreur de contraception » (Patiente n°4). Cette patiente pensait être sous contraceptif (étonogestrel) car selon elle, ce dispositif contraceptif aurait été posé après son dernier accouchement ; mais celui-ci n’avait pas été retrouvé.
Figure 1 : Raison principale de la demande d'IMG pour mise en péril grave de la santé mentale de la femme
2.2. La place du géniteur dans la demande
Dans 66.7% des cas, soit pour 10 situations, c’est la femme seule (sans le géniteur) qui a fait la demande d’IMG. Dix femmes étaient pourtant en couple avec le géniteur et 2 femmes sur les 10 signalaient que le géniteur était parti depuis l’annonce de la grossesse. Un des géniteurs a fait savoir qu’il souhaitait garder l’enfant et qu’il se préparait matériellement à
sa naissance (Patiente n°11). Quatre grossesses étaient issues de relations sexuelles non consenties. Sur ces 4 grossesses, un viol a été révélé après l’IMG (Tableau III).
Tableau III : Caractéristiques du géniteur
n %
Patiente en couple avec le géniteur 10 66,7
Demande conjointe du géniteur et de la patiente 5 33,3
Grossesse issue d'un viol 4 26,7
Handicap connu du géniteur 3 20,0
Rupture depuis l'annonce de la grossesse 2 13,3
2.3. Principaux éléments de l’examen psychiatrique
Six femmes (40.0%) avaient des antécédents psychiatriques connus (schizophrénie, bipolarité, deuil pathologique, état de stress post traumatique et deux femmes souffraient de dépression récidivante). Un risque auto-agressif a été décelé chez 3 femmes (20.0%). Un risque d’agressivité sur le fœtus a été mis en avant chez 3 femmes (20.0%). Dix femmes sur les 15 (66.7%) n’investissaient pas psychiquement leur grossesse, et ne pouvaient pas imaginer leur bébé. Un syndrome anxio-dépressif réactionnel à la grossesse a été retrouvé chez 11 femmes (76.3%). Un état de dissociation a été retrouvé chez 2 femmes (13.3%) (Patientes n°11 et 14). Deux femmes (13.3%) ont été estimées avec des capacités de discernement altérées (Patientes n°11 et 15). Six femmes (40.0%) n’étaient pas en capacité d’envisager une autre alternative à l’IMG. Une ambivalence dans la demande a été notée chez 8 femmes (53,3%). Cette ambivalence pouvait se manifester par des désirs de maternité présents malgré une mise en avant d’une impossibilité à accueillir l’enfant ou encore une préoccupation de la santé du bébé.
3. La réunion de concertation pluridisciplinaire
3.1. La réunion de concertation pluridisciplinaire : décision d'accord ou non de l'IMG
Les professionnels réunis dans les réunions pluridisciplinaires ont donné leur accord pour 40,0 % des demandes d’IMG c’est-à-dire pour 6 demandes sur les 15 formulées.
La moitié des femmes ayant fait un déni de grossesse ont vu leur demande acceptée.
Toutes les femmes (n=4, 100%) dont la grossesse résultait de relations sexuelles non consenties ont significativement vu leur demande d’IMG acceptées (p=0.01) par rapport aux femmes dont les grossesses résultaient d’un rapport sexuel consenti. (Patientes n°6, 13,14 et 15). Il s’agissait de 3 patientes mineures et une patiente souffrant d’une déficience mentale très sévère. Les demandes de toutes les femmes ayant une déficience mentale dans la cohorte ont aussi été acceptées. Les demandes d’IMG pour les grossesses survenues dans un contexte personnel instable voire violent (viol, relation adultère, contexte socio-culturel complexe…) étaient 13 fois plus susceptibles d’être acceptées. (OR=13.6, IC 95% 0.8-934.0).
Aucune des femmes qui investissaient psychiquement leur grossesse n’a obtenu l’accord pour une IMG et ceci de manière significative (p=0.04). Huit femmes soit 89.0% des femmes qui étaient en capacité d’envisager d’autres alternatives à l’IMG ont également vu leur demande refusée (p=0.01). Toutes les femmes qui ont manifesté une certaine ambivalence dans leur demande (qui se sont montrées investies lors des échographies, qui se sont inquiétées de la santé de leur bébé…) n’ont pas obtenu non plus une réponse favorable à leur demande (p<0.01). Enfin, toutes les femmes qui avaient des antécédents psychiatriques connus (et pris en charge dans notre étude) ont également vu leur demande refusée (p=0.03).
Les résultats sont décrits dans le tableau IV.
Tableau IV : Analyse de la décision d'accord ou non de l'IMG en RCP selon différentes caractéristiques Accord
IMG
non oui p (test de
Fischer) OR (IC95%) Contexte social
Logement personnel 8 (89) 1(11) 0,01 0,04 (0-0,7)
Antécédents maternels
Handicap mental maternel 2 (40) 3(60) ns Handicap physique maternel 3(100) 0(0) ns
Antécédents psychiatriques maternels 6(100) 0 (0) 0,03 0 (0,0-0,8)
Caractéristiques du géniteur
Couple parental constitué 7(70) 3(30) ns
Grossesse issue d'un viol 0(0) 4(100) 0,01
Géniteur avec handicap connu 1(33) 2(67) ns Motif principal de la demande d'IMG
Précarité sociale 3(75) 1(25) ns
Pathologie psychiatrique 4(100) 0 (0) ns Détresse psychologique liée à une pathologie
somatique 3(100) 0(0) ns
Déficience mentale 0(0) 2(100) ns Contexte religieux et culturel 0(0) 1(100) ns Erreur contraception 1(100) 0(0) ns Jeune âge de la patiente 1(25) 3(75) ns Caractéristiques de la grossesse
Déni de grossesse 5(50) 5(50) ns
Grossesse issue des premiers rapports sexuels 0(0) 4(100) 0,01
Contexte de survenue de la grossesse
traumatisant 2(29) 5(71) 0,04 13,6 (0,9-
934,0)
Investissement de la grossesse 5(100) 0(0) 0,04 0 (0,0-1,3)
Capacités à envisager d'autres alternatives 8 (89) 1(11) 0,01 0,04 (0,0-0,7)
Ambivalence dans la demande 8(89) 0(0) <0,01 0 (0,0-0,3)
Légende : ns: non significatif (>0,05); résultats exprimés en n(%).
3.2. Suites de la réunion de concertation pluridisciplinaire
Voici, représentées sur la figure 2, les suites connues des demandes d’IMG formulées.
Figure 2 : Suites connues des 15 demandes d'IMG formulées au CHU d'Angers entre 2007 et 2018
Neuf femmes (60.0%) n’ont pas obtenu l’IMG qu’elles avaient envisagée.
L’accouchement avec reconnaissance de l’enfant semble être l’alternative la plus organisée dans ces situations. Trois couples ont cependant évoqué leur impossibilité d’envisager cette alternative du fait d’un passé de placement pendant leur propre enfance.
Une femme a décidé d’accoucher sous le secret et de confier son enfant à l’adoption (Patiente n°10). Une femme a hésité à accoucher sous le secret ou faire une IVG aux Pays Bas ; elle a finalement choisi de mener à terme sa grossesse ; un bon lien a été établi avec son bébé en suites de couches (Patiente n°8). Une femme a choisi de mener à terme sa grossesse, a été hospitalisé 10 jours en unité Kangourou (mère-enfant) et a établi de bons liens avec son bébé (Patiente n°2). Une femme a réalisé une IVG à 20SA en Bulgarie (Patiente n°11). Une autre femme prévoyait d’aller réaliser une IVG à l’étranger mais a été perdue de vue (Patiente n°4).
Pour une des femmes était prévu un accompagnement très rapproché par l’unité Demandes au CHU
d’Angers de 2007 à 2018 N=15
Refus de la demande par la RCP
N=9
Accouchement sous le secret
N= 2
Accouchement avec reconnaissance de
l’enfant N=3 IVG à l’étranger
N=2
Perdues de vue après le refus
N=2 Accord de la demande
par la RCP N=6
médicopsychosociale en périnatalité (UMPSP) et la Protection maternelle et infantile (PMI).
Finalement cette femme a choisi d’accoucher sous le secret et de confier son bébé à l’adoption.
Elle a souhaité voir son bébé après l’accouchement. (Patiente n°12). Une femme qui avait des idées suicidaires envahissantes a retiré sa demande d’IMG après un séjour en service de psychiatrie (Patiente n°3).
Sept femmes (46.7%) ont poursuivi un suivi psychiatrique après la réunion pluridisciplinaire. Nous avons peu de retour sur les suites à distance de l’IMG. Une femme a bénéficié d’un suivi en psychiatrie suite à son IMG. Elle a pu exprimer à distance des idées suicidaires non scénarisées, parler de sa culpabilité et du « dialogue intérieur » qu’elle avait avec son bébé. Elle a été accompagnée pour prendre de la distance avec sa famille (contexte socio-culturel difficile) (Patiente n°1). Pour une autre des patientes revues à distance, l’IMG a été vécue comme un « non évènement ». Cette patiente mineure était heureuse de retrouver son « ventre plat » et ses activités sportives. Après l’accouchement elle s’est montrée très compliante au suivi psychiatrique. Néanmoins ses capacités de verbalisation sont restées pauvres. (Patiente n°14). En revanche sa mère a développé un état de stress post traumatique après l’IMG. Enfin pour une autre patiente mineure, les parents se sont manifestés à distance pour remercier l’équipe de ce geste qui semblait être la « moins mauvaise » des solutions malgré la « cicatrice à jamais » que cela laissera (Patiente n°6). Ils précisaient « on ne peut donner la vie à l’objet d’un crime mais nous comprenons les nombreuses interrogations éthiques, philosophiques et religieuses que cela pose ».
Nous avons résumé dans le tableau V les différentes vignettes anonymisées des patientes incluses dans notre étude afin d’avoir une vue d’ensemble sur ces différentes situations.
Tableau V : Vignettes résumant les 15 demandes d'IMG pour motif psycho-social au CHU d'Angers entre 2007 et 2018
Légende : AG : Age Gestationnel, SA : Semaine d’aménorrhée, T1 : Premier trimestre de grossesse (<14SA)
DISCUSSION
1. Caractéristiques de la population de l’étude
L’âge médian (34 ans) des femmes était plutôt élevé. Les « âges extrêmes » de possibilité de concevoir étaient particulièrement représentés avec 3 grossesses adolescentes et 3 grossesses survenues après 40 ans.
Les découvertes de grossesses étaient tardives. Onze grossesses sur les 15 ont été découvertes après le premier trimestre. 80 % des demandes d’IMG ont eu lieu au deuxième trimestre. Dans 6 cas sur 15 la demande a eu lieu au moment même de la découverte de la grossesse.
Plus de la moitié des femmes (8 femmes sur 15) avait un handicap reconnu par la MDA.
Les antécédents gynéco-chirurgicaux des femmes sont comparables à ceux de la population générale. La fréquence des antécédents de pertes fœtales est comparable à celle de la population générale. 13.3% des femmes de notre étude avaient au moins un antécédent de fausse couche spontanée précoce, ce qui est comparable à la population générale puisqu’environ 15% des femmes font une fausse couche spontanée dans leur vie (16). 13.3%
des femmes incluses dans notre étude avaient un antécédent d’IVG alors qu’une femme sur quatre (25%) a recours à l’IVG au moins une fois dans sa vie.
2. Savoir questionner et analyser la place du géniteur dans la demande
Dans 10 demandes sur 15 c’est la femme seule qui a fait la demande d’IMG. Pourtant 10
cette absence du géniteur dans la décision. Le couple avait pu être constitué seulement lors de l’acte sexuel. Le géniteur avait pu être agresseur. Le géniteur pouvait lui aussi souffrir de maladie psychiatrique ce qui a pu complexifier la demande. Il avait également pu se sentir démuni face à une éventuelle décompensation psychiatrique de leur compagne.
Pourtant la grossesse psychique et l’accès au statut de père sont également convoqués chez l’homme. Il nous semble important de porter une attention particulière à la place du géniteur dans ces demandes d’IMG maternelles, tant en tant que soutien potentiel que d’élément potentiellement déstabilisant. Le soin au géniteur peut limiter les risques de ressenti violent à l’égard d’une femme qui n’aurait pas pu poursuivre sa grossesse du fait de sa pathologie psychique. D’autres peuvent aussi soutenir leur compagne et constituer dans certaines situations un réel appui en rendant possible une grossesse impensable par la mère comme cela a été le cas pour toutes les femmes souffrant de pathologie psychiatrique ancienne et traitée dans notre étude.
Aucune règle ne peut être édictée concernant le rôle du père ou du géniteur tant les situations sont multiples. Il semble important d’analyser pour chaque situation en quoi son absence ou sa présence à un rôle à jouer dans la prise de décision.
3. Femmes en demande d’IMG pour raison psycho-sociale, une gestation psychique impossible ?
66,7% des femmes de notre étude ont fait un déni de grossesse (1/500 dans la population générale (17)). La gestation psychique de ces femmes était impossible. La femme était projetée dans une relation mère-enfant inconcevable parce que honteuse ou traumatique.
Les modifications psychiques de la grossesse normales, constructives et nécessaires ne se sont pas opérées. Pendant la grossesse, le psychisme de la femme est en relation avec un autre
que soi avec lequel elle a un dialogue interne, une sensorialité. Il existe donc vis-à-vis de ce fœtus une ambivalence inhérente à toute relation d’objet mêlant haine et amour. De cette ambivalence résulte un conflit entre le souhait raisonnable d’avoir un enfant vivant et sain et le désir insensé de le voir disparaître tant est puissante et durable la force des représentations qu’il incarne. Il semble que les femmes en souffrance psychique intense ne peuvent pas envisager la maternité, le choix n’existe presque plus tant la poursuite de la grossesse conduirait à un effondrement subjectif. Benoît Bayle expose le concept d’identité conceptionnelle qui explique cela. L’être en gestation est déjà porteur d’une subjectivité propre capable de transformer autrui dans sa subjectivité même par ce qu’il est. Dans le cas des grossesses issues de viol, l’identité particulière d’être conçu après un viol a un véritable pouvoir de transformation subjective de la femme qui devient mère d’un enfant conçu d’un viol. Le même pouvoir de transformation subjective a pu être remarqué dans notre étude pour les grossesses issues de relations adultérines.
Les psychiatres doivent peut-être permettre à ces femmes de retrouver accès à une ambivalence dans leur désir d’enfant car l’ambivalence est corollaire de tout choix, tout en comprenant et apaisant la souffrance. Mais retrouver accès à cette ambivalence et donc à leur désir ne viendrait-il pas bouleverser d’avantage ces femmes en situation de grande vulnérabilité psychique ?
4. La notion de souffrance psycho-sociale
Dans son ouvrage Malaise dans la culture, Freud évoque précisément la souffrance d’origine sociale comme le type de souffrance le plus difficile à accepter par le sujet humain et
hommes entre eux (18). Dans notre étude 4 patientes ont fait une demande d’IMG pour authentique trouble psychiatrique. Trois patientes ont fait une demande en lien avec une pathologie somatique ; le handicap au quotidien, la crainte de la réémergence de la maladie et l’anxiété anticipatoire de ne pas pouvoir s’occuper d’un bébé ont été à l’origine de la demande. Les 8 autres demandes relevaient donc d’un motif psycho-social :
• 3 demandes ont été faites en raison du jeune âge de la patiente. A la lecture des comptes rendus de RCP, le fait que ces grossesses surviennent à l’adolescence semblait être un motif psycho-social à part entière. Les synthèses des RCP de ces patientes évoquent des notions telles que le « paternalisme bienveillant » à avoir vis-à-vis de ces patientes. Les adolescentes enceintes doivent composer entre bouleversements physiologiques de l’adolescence et métamorphoses psychiques et physiques résultant de l’état de grossesse. Des manifestations psychotiques sont plus à risque d’apparaitre chez ces jeunes patientes (19). Les centres responsables des émotions sont particulièrement modifiés durant cette période. Les conduites à risques sont fréquentes du fait d’un système limbique en développement responsable d’un plaisir augmenté à prendre des risques et d’un cortex préfrontal qui mature plus lentement ; ce qui ne favorise pas les stratégies d’adaptation et de planification (20). Ainsi dans notre étude une des jeunes filles avait une attitude de repli manifeste avec des attitudes régressives.
On peut lire dans le dossier post IMG «…prend son doudou et son pouce ». Une autre de ces patientes semble vivre sa grossesse et l’IMG qui s’en suit comme des « non- événements » dans un état de dissociation. Elle exprimera seulement être pressée de retrouver son ventre plat et ses amis. Les adolescentes enceintes ont un risque suicidaire moindre par rapport à la population générale de la même tranche d’âge (19) mais plus important que chez les femmes enceintes majeures. Par ailleurs, il semble important de toujours questionner le consentement aux relations sexuelles voire
l’inceste chez ces jeunes filles enceintes. Près d’un tiers des grossesses adolescentes sont issues de relations sexuelles contraintes (21). Les trois grossesses adolescentes de notre étude se sont révélées être effectivement issues d’abus sexuels.
• 2 demandes étaient liées à une déficience mentale ce qui a été considéré comme un motif psycho-social à part entière.
• 2 demandes étaient liées à une grande précarité socio-économique plus ou moins associée à un contexte culturel ou religieux particulier. On peut penser pour une de ces deux grossesses, que si elle avait eu lieu dans cadre culturel favorable, les symptômes psychiques de dépression et d’anxiété associées à des idées suicidaires ne seraient pas apparus.
• 1 demande était liée à une erreur de contraception. Cette grossesse a été découverte à 22 SA. On peut donc supposer que ce déni de grossesse reflétait une souffrance psychique intense.
C’est ensuite le psychiatre au sein de la RCP qui a évalué si ces femmes étaient en situation de « péril » pour leur santé mentale.
5. L’évaluation psychiatrique
Qu’est-ce que le péril psychique et comment le démontrer cliniquement ? Est-ce un état
« insupportable » ? Un « blanc » de la représentation maternelle fœtale ?
Sur les 15 demandes adressées au CHU d’Angers, 4 femmes seulement évoquaient leur pathologie psychiatrique comme cause de leur demande d’IMG. Des symptomatologies bruyantes avec auto ou hétéro agressivité et idées délirants ont été très peu retrouvées. En
quarts des patientes. Des échelles d’évaluation n’ont pas été réalisées de façon systématique pour les patientes. Pour quelques patientes cependant, des échelles telles que celle de Hamilton, l’échelle MADRS ou l’échelle de désespoir de Beck ont été réalisées en pré et post- IMG. Elles sont probablement un outil à envisager de manière systématique pour le psychiatre confronté à ce type de situations.
Les séquelles psychiques possiblement engendrées par une éventuelle interruption de grossesse sont à prendre en compte afin de pouvoir donner un avis pronostique sur la santé mentale de la femme. Plusieurs études insistent sur la corrélation entre interruption de grossesse et suicide. Une étude finlandaise retrouve un taux de suicide trois fois supérieur chez les femmes ayant subi une interruption de grossesse, quel que soit le terme de cette interruption, par rapport à la moyenne annuelle chez des femmes d’âge comparable (22). Une étude californienne à très grande échelle retrouve un taux de mortalité dans les deux ans suivant l’interruption de grossesse qui fait plus que doubler (23). Ceci serait en lien avec une forte augmentation des comportements à risque (drogues, alcool, suicide).
On demande donc au psychiatre une évaluation diagnostique, psychopathologique, pronostique et thérapeutique. Nous proposons sur la figure 3 un récapitulatif des spécificités de cette évaluation :
Figure 3 : Proposition : Spécificités de l'évaluation par le psychiatre dans les demandes d'IMG pour motif psychiatrique ou psycho-sociale
6. Envisager des alternatives à l’IMG
Deux patientes de notre étude ont bénéficié de soins psychiatriques ambulatoires en CMP pour rééquilibration d’une pathologie préexistante. Une patiente a bénéficié d’une hospitalisation complète pour crise suicidaire. Deux de ces patientes ont accueilli leur enfant une fois la pathologie équilibrée. L’accompagnement des liens mère-bébé par la suite apparaît capital pour ces patientes car nous l’avons vu, l’investissement psycho-affectif d’une grossesse est un long processus qui peut être entravé par la demande d’IMG pour raison maternelle.
Parfois, proposer une prise en charge sociale peut soulager les symptômes psychiques de la patiente. Les patientes de notre étude capables d’envisager des alternatives à l’IMG n’ont d’ailleurs pas été estimées en péril psychique. Chez plusieurs de ces patientes ont été évoquées les possibilités d’accouchement sous le secret et de confier le bébé à l’adoption. Cette solution a été retenue pour deux patientes. Si le placement à la naissance peut paraître une bonne
Evaluation diagnostique
•Trouble psychiatrique constitué ?
•Nécessité de soins immédiats ? en hospitalisation?
•Souffrance psycho-sociale?
Evaluation psychopathologique
et pronostique
•Demande libre et éclairée? Ambivalence dans la demande?
•Retracer l'histoire de la patiente et la place de la grossesse dans celle-ci Représentation maternelle foetale?
Proposition de soins et rôle en RCP
•Patiente en péril ? Menace pour la santé mentale actuelle et future de la patiente?
•Soutien des autres professionnels et aide pour éviter les projections.
•Proposer dans tous les cas un suivi : post IMG ou soutien du lien mère-enfant
affectivement durant la grossesse. Nous n’avons retrouvé dans aucun dossier de synthèses de discussions sur la possibilité pour ces patientes d’être accueillies en maison maternelle.
Lorsque les précarités sociales ou économiques sont au premier plan ou que les patientes ont particulièrement besoin d’être accompagnées dans leur apprentissage de la parentalité, ces établissements nous semblent être une opportunité intéressante à envisager.
Nous nous sommes particulièrement intéressés à la maison maternelle de la Flèche (22) dans le département de la Sarthe. Cette maison qui accueille les mineures bénéficie de 10 places pour les départements de la Mayenne, de la Sarthe, du Maine et Loire et de l’Orne. Elle accueille des femmes avant et/ou après l’accouchement dans les deux ans de l’enfant. Elles assurent une mission de continuelle présence auprès de ces dyades mère-enfant blessées.
D’autres maisons de ce type existent dans notre région telles que les maisons Magnificat (23) ou Tom Pouce (24) et peuvent être une aide concrète face à des situations de précarité et d’isolement (Annexe 2).
Quatre femmes de notre étude ont échappé aux soins après leur demande d’IMG. Deux ont été perdues de vue et deux sont allées faire une IVG à l’étranger. Bien sûr la question de la souffrance des femmes, déjà en souffrance psycho-sociale intense, et décidant de se rendre à l’étranger pour subir une interruption de grossesse ne satisfait pas le soignant. La France se situe dans la moyenne du délai légal de l’IVG en Europe. Il est intéressant de se pencher sur le cadre légal de l’IVG dans les autres pays d’Europe car encore environ 5000 femmes françaises se rendent à l’étranger pour pratiquer une IVG, le délai légal étant dépassé en France. Voici un récapitulatif des délais d’autorisation de l’IVG dans les pays d’Europe où nos patientes sont susceptibles de se rendre (25) :
Figure 4 : Délai de l'autorisation de l'IVG en Europe
Beaucoup de patientes se rendent en Espagne pour des questions de proximité. L’IVG y est autorisée jusqu’à 16 SA voire 24SA si la grossesse met en jeu l’état psychique ou physique de la femme. Aucun certificat médical n’est nécessaire. La femme rencontre un psychologue qui atteste que la femme prend cette décision seule et éprouve le besoin d’interrompre sa grossesse (centre médical d’Aragon ou clinique de Gérone notamment).
Aucune législation commune n’existe en Europe et le recours à l’IVG en passant les frontières de la France est donc à la charge financière des patientes (700 euros en Espagne à titre d’exemple).
7. Méthodologie : les limites de l’étude
7.1. Points positifs
Le fait que cette étude soit uni-centrique a permis une uniformité dans le recueil des données. Les dossiers ont été remplis par des sages-femmes, des psychologues, des obstétriciens et des psychiatres de façon systématique.
L’établissement de santé conserve pour chaque demande d’avis les éléments du dossier médical transmis par le médecin traitant, l’attestation de l’équipe pluridisciplinaire, le procès- verbal de la réunion et, le cas échéant, les résultats des examens pratiqués (6). Cette obligation légale a permis une grande exhaustivité dans le recueil de données quantitatives et qualitatives malgré le fait que cette étude soit rétrospective.
7.2. Points négatifs
Un biais de sélection est possible du fait de données manquantes dans les dossiers. Ces données manquantes concernaient essentiellement les suites de la décision d’accord ou non de l’IMG particulièrement quand celle-ci avait été refusée. Ces données manquantes à propos des professions des patientes et des suites de la décision n’ont donc pas été paramétrées de façon précise.
Cette étude uni-centrique recueille les demandes parvenues au CHU d’Angers. Une étude multicentrique recueillant toutes les demandes réalisées auprès de tous les centres de diagnostic prénatal du Maine et Loire aurait permis d’avoir un échantillon plus large et donc d’augmenter la puissance de notre étude. La troisième révision de la loi bioéthique du 7 juillet 2011 exigeant que le médecin gynéco-obstétricien qui réunit la RCP soit membre d’un CPDPN
est survenue sur la période de notre étude et le nombre de patientes qui ont fait des demandes au CHU entre 2007 et 2011 n’est peut-être pas représentatif de la population qui a effectivement fait des demandes d’IMG sur tout le département du Maine et Loire. A titre de comparaison la clinique Jules Verne à Nantes a reçu 122 demandes pour mise en péril grave de la santé de la femme entre 2005 et 2009 pour un nombre d’accouchements annuels similaires à celui du CHU d’Angers (10). En revanche après 2011, on peut penser que le recrutement des patientes est tout à fait représentatif de la population du Maine et Loire puisque seuls 3 CPDPN existent en Pays de la Loire : le CHU d’Angers, le CHU de Nantes et le centre hospitalier du Mans.