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La gestion civile des crises : un outil politico-stratégique au service de l'Union européenne

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Academic year: 2022

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Thesis

Reference

La gestion civile des crises : un outil politico-stratégique au service de l'Union européenne

PFISTER, Stéphane

Abstract

L'Union européenne ambitionne de faire de la Politique européenne de sécurité et de défense un ensemble unique où les capacités civiles et militaires interviendraient en parfaite complémentarité dans les zones de crise. Faute de lentilles conceptuelles adéquates, le volet civil de la PESD demeure pourtant largement méconnu et sous-étudié. Cette recherche défend la thèse que c'est la rationalité stratégique qui est la plus à même d'appréhender les spécificités et les potentialités de la "gestion civile des crises" développée dans le cadre de la PESD. Seule la stratégie relie dans une chaîne logique les fins politiques et existentielles de l'Union aux aspects praxéologiques et opérationnels de la gestion civile des crises. La démarche stratégique permet enfin de cerner son essence qui a trait à l'action finalisée en milieu conflictuel. Au service de la politique étrangère de l'UE, la gestion civile des crises apparaît dès lors comme un outil politico-stratégique par excellence.

PFISTER, Stéphane. La gestion civile des crises : un outil politico-stratégique au service de l'Union européenne. Thèse de doctorat : Univ. Genève, 2008, no. SES 686

URN : urn:nbn:ch:unige-14070

DOI : 10.13097/archive-ouverte/unige:1407

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:1407

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(2)

L

A GESTION CIVILE DES CRISES

:

UN OUTIL POLITICO

-

STRATEGIQUE AU SERVICE DE L

’U

NION

E

UROPEENNE

Thèse présentée à la Faculté des sciences économiques et sociales de l’Université de Genève

Par Stéphane PFISTER

pour l’obtention du grade de

Docteur ès sciences économiques et sociales mention : science politique

Membres du jury de thèse :

Rémi BAUDOUI, Professeur ordinaire, Faculté des sciences économiques et sociales, président du jury

Jolyon HOWORTH, Professeur invité à l’Université de Yale et Professeur de politique européenne à l’Université de Bath, membre extérieur

Philippe BRAILLARD, Professeur ordinaire, Faculté des sciences économiques et sociales, co-directeur de thèse

René SCHWOK, Maître d’enseignement et de recherche, Faculté des sciences économiques et sociales, co-directeur de thèse

Thèse n° 686 Genève, 2008

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La Faculté des sciences économiques et sociales, sur préavis du jury, a autorisé l’impression de la présente thèse, sans entendre, par là, émettre aucune opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées et qui n’engagent que la responsabilité de leur auteur.

Genève, le 10 décembre 2008

Le doyen

Bernard MORARD

Impression d’après le manuscrit de l’auteur

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Remerciements

Nos remerciements sincères vont tout d’abord au Professeur Philippe Braillard et à René Schwok qui ont guidé avec patience et bienveillance notre recherche au cours de ces quatre dernières années. En nous faisant partager leur connaissance approfondie des relations internationales et du processus d’intégration européenne, ils nous ont assurément incité à aller toujours plus loin dans la réflexion et l’argumentation.

Nous exprimons également notre gratitude au Professeur Rémi Baudoui qui a bien voulu présider notre jury de thèse ainsi qu’au Professeur Jolyon Howorth qui a accepté d’officier en qualité d’expert reconnu de la Politique européenne de sécurité et de défense.

Nous remercions enfin les diplomates, les militaires et les collègues du monde académique avec lesquels nous avons pu échanger et débattre à de multiples occasions. Ils sont trop nombreux pour être cités nommément mais leurs apports féconds nous ont été d’une grande aide. De la même façon, notre reconnaissance va à celles et ceux qui nous ont fait l’amitié de participer au long travail de relecture. Bien entendu, toutes les erreurs ou imprécisions qui auraient pu se glisser dans cette recherche restent de notre seule responsabilité, tant sur le fond que sur la forme.

Plus généralement, cette recherche n’aurait pas pu être menée à son terme sans le soutien actif de l’Institut Européen de l’Université de Genève qui nous a fourni un cadre particulièrement propice pour l’étude et la réflexion.

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A mes parents A mon épouse

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SOMMAIRE

SOMMAIRE 1

SIGLES ET ABREVIATIONS 3

LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES 9

INTRODUCTION GENERALE 11

PREMIERE PARTIE : UNE AUTRE HISTOIRE DE LA PESD 21 CHAPITRE I : AUX ORIGINES DE LA PESD ET DE LA GESTION CIVILE DES CRISES - LES PREMIERES OPERATIONS EUROPEENNES DANS LES BALKANS (1991-1999) 25

CHAPITRE II : DU SOMMET DE COLOGNE A LA STRATEGIE EUROPEENNE DE SECURITE -

EMPIRISME ET PRAGMATISME (1999-2003) 49

CHAPITRE III : L’OBJECTIF GLOBAL CIVIL ET LA MONTEE EN PUISSANCE

DU VOLET CIVIL DE LA PESD (2004-2005) 75

CHAPITRE IV : DU PROCESSUS DE POST-HAMPTON A EULEX KOSOVO ET EUMM GEORGIE - MULTIPLICATION DES ENGAGEMENTS OPERATIONNELS ET CONSOLIDATION

DU VOLET CIVIL DE LA PESD 95

DEUXIEME PARTIE : ASPECTS IDEOLOGIQUES, POLITIQUES

ET INSTITUTIONNELS 121

CHAPITRE V : LA GESTION CIVILE DES CRISES - UN CONCEPT INTROUVABLE ? 123

CHAPITRE VI : LE VOLET CIVIL DE LA PESD - UN VECTEUR DE L’IRREAL POLITIK OU UN OUTIL DE PUISSANCE ? 153

CHAPITRE VII : LE VOLET CIVIL DE LA PESD DANS LA BOITE A OUTILS EUROPEENNE -

VERS UNE GESTION GLOBALE DES CRISES ? 181

CHAPITRE VIII : LA DIMENSION EXTERIEURE DU VOLET CIVIL DE LA PESD -

« INCLUSIVITE » OU SIMPLE REFLET DES RAPPORTS DE FORCE INTERNATIONAUX ? 213

(11)

TROISIEME PARTIE : LE VOLET CIVIL DE LA PESD REPLACE

DANS LE CADRE DU RAISONNEMENT STRATEGIQUE 235

CHAPITRE IX : ELEMENTS DE STRATEGIE FONDAMENTALE ET IMPLICATIONS POUR LA GESTION CIVILE DES CRISES MISE EN ŒUVRE PAR L’UNION EUROPEENNE 239

CHAPITRE X : ANALYSE DE LA GCC AUX NIVEAUX POLITICO-STRATEGIQUE

ET MILITARO-STRATEGIQUE 257

CHAPITRE XI : LA GESTION CIVILE DES CRISES ET LA STRATEGIE DES MOYENS 279

CHAPITRE XII : LA GESTION CIVILE DES CRISES ET LA STRATEGIE OPERATIONNELLE 305

CONCLUSION GENERALE 333

BIBLIOGRAPHIE 343

CHRONOLOGIE INDICATIVE 399

TABLE DES MATIERES 407

ANNEXES 417

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SIGLES ET ABREVIATIONS

Remarque : les abréviations et leur signification sont données en français et/ou en anglais selon l’usage le plus courant.

AED Agence Européenne de Défense (Agence pour l’armement)

AER Agence Européenne de Reconstruction

AFET Commission des affaires étrangères du Parlement européen ALTHEA Force militaire de l’UE en Bosnie

AMIS II Mission de l’Union africaine au Darfour

AMM Aceh Monitoring Mission

AMUE Administration de l’Union européenne à Mostar ARYM Ancienne République Yougoslave de Macédoine

ASCOPE Areas, Structures, Capabilites, Organizations, People, Events ASPR Austrian Study Center for Peace and Conflict Resolution BASIC British American Security Information Council

BERD Banque Européenne pour la Reconstruction et le Développement

BiH Bosnie-Herzégovine

CCIP Civilian Capabilities Improvement Plan

CEDEAO Communauté Economique des Etats de l’Afrique de l’Ouest CivCom Comité pour les aspects civils de la gestion des crises

CE Communauté européenne

CED Communauté Européenne de Défense

CEI Communauté des Etats Indépendants

CEPOL Collège Européen de Police

CESD Collège Européen de Sécurité et de Défense

CFSP voir PESC

CHG voir OGC

CIMIC Civil Military Cooperation CivMil Cell Cellule Civilo-Militaire

CivOpCdr Commandant des Opérations civiles

CJCE Cour de Justice des Communautés Européennes CMCO Civil Military Co-ordination

CMC Crisis Management Concept

CME Crisis Management Exercise

CMI Crisis Management Initiative

CMP Crisis Management Procedures

CMUE Comité Militaire de l’Union européenne COC Comité des Contributeurs

CONCORDIA Force militaire de l’UE en ARYM

CONOPS Concept d’Opérations

COPS Comité Politique et de Sécurité COREPER Comité des représentants permanents

(13)

COSAC Conférence des organes spécialisés dans les affaires communautaires et européennes (structure interparlementaire)

CPCC Civilian Planning and Conduct Capability

CPCMU Conflict Prevention and Crisis Management Unit (Commission)

CPX Exercice d’Etat-major

CRT Crisis Response Teams (Equipes d’intervention civiles ou EIC) CRTC Crisis Response Co-ordination Teams

CSCE Conférence pour la Coopération et la Sécurité en Europe

CSO Civilian Strategic Options

CSP Coopération Struturée Permanente

DDR Désarmement, Démobilisation, Réintégration (des combattants) DGE Direction Générale Extérieure (Conseil)

DG VIII Direction Générale VIII (Conseil, affaires militaires) DG IX Direction Générale IX (Conseil, gestion civile des crises) DG RELEX Direction Générale Relations Extérieures (Commission)

DIFEMIL voir MIDLIFE

DIME Diplomatic, Informational, Military, Economic DSACEUR Deputy Supreme Allied Commander Europe EBAO Effects Based Approach to Operations

EBO Effects Based Operations

ECAP Plan d’action européen pour les capacités ECHO European Community Humanitarian Office ECMM/EUMM EC/EU Monitoring Mission

EFR Etat Final Recherché

EIC voir CRT

EMCP Elément Multinational de Conseil en matière de Police (Albanie) EMUE Etat-major de l’Union européenne

END Expert national détaché

EPC European Policy Center

EPLO European Peacebuilding Liaison Office (collectif d’ONG)

ESDP voir PESD

EU voir UE

EUBAM EU Border Assistance Mission (Rafah, Moldova/Ukraine)

EU CCM Voir GCC

EU COPPS EU Coordinating Office for Palestinian Police Support EU FAST European First Aid Support Team

EUFOR EU Force

EUJUST -LEX Mission intégrée Police/Etat de droit en Irak EULEX Kosovo Mission d’Etat de droit au Kosovo

EUMM Géorgie Mission d’observation en Géorgie

EUPAT EU Police Advisory Team (ARYM)

EUPM voir MPUE

EUPT Kosovo EU Planning Team in Kosovo EUPOL AFGHA EU Police Mission in Afghanistan EUPOL Kinshasa EU Police Mission in Kinshasa EUPOL RDC EU Police Mission in RD Congo

EUPOL COPPS Mission d’assistance à la Police palestinienne

EUROGENDFOR voir FGE

EuropeAid Office communautaire pour l’aide au développement EUSEC RD Congo EU Security Sector Reform Mission in RD Congo

(14)

EUSSR Guinea-Bissau EU Security Sector Reform Mission in Guinea-Bissau

EUSR voir RSUE

FCdr Force Commander

FED Fonds Européen de Développement

FGE Force Européenne de Gendarmerie

FIAS Force Internationale d’Assistance à la Sécurité (OTAN, Afghanistan)

FOC Full Operational Capability

FORPRONU Force de Protection des Nations Unies en ex Yougoslavie

FPU Formed Police Units

FUPM Force de Police Unifiée de Mostar

GALILEO Système européen de positionnement par satellites

GCC Gestion civile des crises

GMES Global Monitoring for Environment and Security

HNS Host Nation Support

HoM Head of Mission

ICG International Crisis Group

ICO International Civilian Office (Kosovo)

IEDDH Instrument Européen pour la Démocratie et les Droits de l’Homme

IER Information Exhange Requirements

IES-UE Institut d’Etudes de Sécurité de l’Union européenne IFOR Implementation Force (OTAN, Bosnie)

IOC Initial Operational Capability

IPTF International Police Task Force

IPU voir UPI

ISAF voir FIAS

ISIS Europe International Security Information Service Europe JAI Justice et Affaires Intérieures

KFOR Kosovo Force (OTAN)

KVM voir MVK

LRRD Linking Relief, Rehabilitation and Development

LTV Long Term Vision

MADUEO Mission d’Assistance au Déminage de l’UEO (Croatie)

MIDLIFE Military, Intelligence, Diplomatic, Law, Enforcement, Information, Finance, Economic

MIC Monitoring and Information Centre (Commission, Protection civile) MINUAD Mission des Nations Unies et de l’Union Africaine au Darfour MINUK Mission des Nations Unies au Kosovo

MINURCAT Mission des Nations Unies en République Centrafricaine et au Tchad

MNE Multinational Experiments

MONUC Mission des Nations Unies en République Démocratique du Congo MPUE Mission de Police de l’Union européenne (Bosnie)

MRR Mécanisme de Réaction Rapide

MSO Military Strategic Options

MSU Multinational Specialized Units MVK Mission de Vérification au Kosovo

NCW Network Centric Warfare

NEC Network Enabled Capability

NETS Network on European and Transatlantic Security NRBC Nucléaire, Radiologique, Bactériologique, Chimique

OCDE Organisation pour la Coopération et le Développement Economiques

(15)

OCHA Office des Nations Unies pour les Affaires Humanitaires

OECD voir OCDE

OGC Objectif Global Civil (2008 puis 2010)

OIG Organisation intergouvernementale

ONG Organisation Non Gouvernementale

ONU Organisation des Nations Unies

OODA Observation, Orientation, Décision, Action

OpCdr Commandant d’Opération

OpCen Operational Centre

OPCOM Operational Command

OPCON Operational Control

OPLAN Plan d’opération

OSC Organisation issue de la société civile

OSCE Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe OSEM Office of the Special Envoy (Mostar)

OTAN Organisation du Traité de l’Atlantique Nord

PAMECA Progamme d’assistance de la Communauté européenne à la police albanaise

PECO Pays d’Europe Centrale et Orientale

PECSD Politique européenne commune de sécurité et de défense PESC Politique Etrangère et de Sécurité Commune

PESD Politique Européenne de Sécurité et de Défense

PEV Politique Européenne de Voisinage

PfP Partnership for Peace

PHARE Progamme communautaire d’aide aux pays d’Europe centrale et orientale

PROXIMA Mission de l’UE de Police en ARYM

PRT Provincial Reconstruction Team

PSA Processus de Stabilisation et d’Association (Balkans Occidentaux)

PSO Police Strategic Option

PSYOPS Psychological Operations

QG Quartier Général

RCA République Centrafricaine

RDC République Démocratique du Congo

RDPE Rapidly Deployable Police Elements

REACT Rapid Expert Assistance and Co-operation Teams (OSCE) RESEVAC Evacuation de ressortissants

RMA Revolution of Military Affairs RSS Réforme du secteur de la sécurité

RSUE Représentant spécial de l’Union européenne S/CRS US Coordinator for Stabilisation & Reconstruction

SEDE Sous-commission Sécurité et Défense du Parlement européen

SES Stratégie Européenne de Sécurité

SG/HR Secrétaire Général / Haut-Représentant pour la PESC SHAPE Supreme Headquarters Allied Powers Europe

SFOR Stabilization Force (OTAN, Bosnie) SITCENT Centre de Situation Conjoint

SOFA Status of Forces Agreement

SOMA Status of Mission Agreement

SRSG Special Representative of the UN Secretary General

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SSR voir RSS

START Stabilization & Reconstruction Task Force (Canada)

RSS Réforme du Secteur de la Sécurité

S&R Stabilisation & Reconstruction

TACIS Progamme d’assistance communautaire pour les pays de la Communauté des Etats Indépendants (CEI)

TLPS Targeted List of Priority Shortfalls

TUE Traité sur l’Union européenne

TCE Traité sur les Communautés européennes

TECE Traité Etablissant une Constitution pour l’Europe

UE Union européenne

UEO Union de l’Europe Occidentale

UA Union Africaine

UP Unité de Police (ex UPPAR)

UPI Unité de Police Intégrée

UPPAR Unité Politique de Planification et d’Alerte

USA United States of America

USJFCOM US Joint Forces Command

WKC Watchkeeping Capability 24/7 (Dispositif/Capacité de veille)

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LISTE DES TABLEAUX ET FIGURES

Table 1 : tableau synoptique de l’avancée des premiers domaines prioritaires

(juin 1999-décembre 2003) p.73

Table 2: récapitulatif des contributions des Etats membres dans les domaines

prioritaires (avant l’Objectif global civil 2008) p.84

Fig. 3: récapitulatif des missions civiles PESD (automne 2008) p.107

Fig 4 : la Coopération structurée permanente p.118

Fig. 5 : la rencontre de sphères autrefois différentes p.128

Fig. 6 : les principaux dilemmes de la gestion civile des crises p.130

Fig. 7 : les dilemmes propres à la GCC européenne p.131

Fig. 8 : le jeu des acteurs et leurs interactions p.137

Fig. 9 : les domaines d’action de la GCC p.147

Fig. 10 : les degrés de coercition et d’intrusion dans la société-hôte p.150

Fig. 11 : le Traité de Lisbonne et la nouvelle conceptualisation de l’action

extérieure de l’UE p.156

Fig. 12 : les trois modèles classiques de la puissance européenne p.165

Fig. 13 : GCC et géopolitique p.179

Fig. 14 : l’UE comme cadre et l’UE comme acteur (structure et agence) p.183

Fig. 15 : les différents modes d’action de la GCC p.185

Fig. 16 : les trois volets de la gestion globale des crises p.187 Fig. 17 : les outils et instruments de l’UE sur le cycle du conflit p.193

Fig. 18 : la boîte à outils européenne p.193

Fig. 19 : la Coordination civilo-militaire (CMCO) p.196

Fig. 20 : les institutions de la PESC/PESD et les organes spécialisés (été 2008) p.203

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Fig. 21 : les liens entre les chaînes de commandement civile et militaire p.206 Fig. 22 : une possible restructuration de la PESC/PESD p.208 Fig. 23 : la participation des Etats tiers aux opérations civiles PESD (juin 2008) p.217

Fig. 24 : les différents « étages » de la stratégie p.237

Fig. 25 : la stratégie des moyens, un édifice tourné vers l’opérationnel p.282

Fig. 26 : l’évolution du budget PESC/PESD (Titre V) p.294

Fig. 27 : la correspondance des niveaux de planification pour les deux volets

de la PESD p.315

Fig. 28 : les cinq cercles de Warden p.317

Fig. 29 : les lignes d’opérations et le spectre DIME p.318

Fig. 30 : la déclinaison des documents de planification p.328

(20)

INTRODUCTION GENERALE

Dix ans après le sommet de Saint-Malo (1998) et cinq ans après l’adoption de la Stratégie européenne de sécurité (2003), la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) continue à susciter débats et interrogations. Les Européens sont-ils sérieux dans leur volonté de faire de l’Union européenne (UE) un acteur international de sécurité à part entière ? Quelles sont les implications de la PESD sur le processus d’intégration ? Quelles sont enfin les conséquences sur le lien transatlantique ?

Jolyon HOWORTH a montré que la PESD est née avant tout des « chocs tectoniques » de l’après Guerre froide et de l’après 11 septembre1. Face au désengagement - relatif - des Américains du continent, les Européens devaient en effet se montrer capables de gérer seuls les crises dans la périphérie de l’Union. En ce sens, la PESD ne traduit pas un grand dessein qui viserait à construire une « armée européenne » ou une « Europe-puissance » capable de rivaliser avec les Etats-Unis. Elle est avant tout le produit de compromis successifs, négociés entre les Etats membres dans le cadre du labyrinthe institutionnel européen.

Limitée dans sa taille et dans ses ambitions, l’Europe de la défense ne s’est pourtant pas développée comme on aurait pu l’imaginer. Elle a ainsi émergé progressivement comme un ensemble civilo-militaire original, où les aspects civils et policiers sont devenus, de fait, prépondérants2. La grande majorité des actions PESD relève aujourd’hui de la « gestion civile des crises » (GCC) qui engage des policiers, des magistrats, des observateurs (…) dans les zones de crise et de conflit3. Ces capacités inédites ont la particularité d’être mises en œuvre dans le cadre intergouvernemental du « second pilier »4 (sur la notion de pilier, cf. Annexe I).

Longtemps ignorée, la montée en puissance des structures et des activités opérationnelles de la GCC est soulignée par tous les commentateurs qui peinent toutefois à l’analyser en profondeur, faute de lentilles conceptuelles adéquates. Le plus souvent, les capacités du volet civil de la PESD sont d’ailleurs considérées comme quantité négligeable : ne sont-elles pas l’illustration de l’incapacité des Européens à se départir de leur pusillanimité ? Comment prendre au sérieux une UE capable de projeter tout au plus quelques gendarmes, juristes et douaniers ? Les grands débats stratégiques sur la PESD semblent dès lors tourner autour des seuls aspects militaires,

1 Jolyon HOWORTH, The Security and Defence Policy in the European Union, Basingstoke, Palgrave Macmillan, 2007 ; Jolyon HOWORTH, « The European Security and Defence Policy : Neither Hard nor Soft Balancing - Just Policy- Making », American Political Science Association Annual Conference, Philadelphia, September 2006.

2 HOWORTH, 2007, op. cit.

3 A l’automne 2008, l’UE déployait dix missions civiles (mission en Géorgie inclue) et deux opérations militaires dans le cadre de la PESD. Ces différentes actions sont toutefois de taille et de nature très différentes. Cf. infra.

4Cette recherche utilise la notion de « pilier » qui est bien assimilée dans les études européennes. De plus, même si le Traité de Lisbonne entre en vigueur, la PESC/PESD constituera encore longtemps un champ spécifique dans l’édifice européen.

(21)

avec en filigrane, la question du « fossé transatlantique » en matière d’investissements et de capacités de défense5.

L’UE affiche pourtant son ambition à faire de la PESD un ensemble unique où les deux volets civil et militaire interviendraient en parfaite complémentarité. Cette dualité civilo-militaire marque assurément la spécificité de l’UE dans l’architecture internationale de la sécurité. Elle peut lui permettre de « faire la différence » par rapport aux acteurs de rang équivalent. Les Etats européens sont-ils prêts cependant à passer de la parole aux actes ?

Une des intuitions initiales était de développer des capacités « non militaires » pour prendre le relais des forces armées dans les situations de sortie de crise. Cette vision « séquentielle » s’est rapidement heurtée à la réalité et à la nature fragmentée de l’Union. La GCC a dès lors émergé tardivement tout en suivant une trajectoire relativement autonome6. Malgré les multiples obstacles (politiques, institutionnels, culturels, corporatistes), comment garder néanmoins le cap sur la voie d’une « intégration civilo-militaire » proprement européenne ? Le volet civil de la PESD doit-il être considéré seulement comme un « bruit de fond sans impact » sur l’Europe de la défense7 ? Ne risque-t-il pas de limiter de facto la PESD au rôle de « l’agence civile » de l’OTAN dans une logique d’externalisation et de subordination ?

Problématique

Malgré la somme des études publiées sur le sujet, la PESD reste à bien des égards une énigme : quelle est sa spécificité ? Surtout, quelles sont aujourd’hui ses finalités profondes dans un monde en pleine mutation ? A défaut de pouvoir résoudre l’équation de la PESD8, il semble en tout cas grand temps d’isoler la variable « gestion civile des crises ».

Fruit d’une ambiguïté constructive et de l’expérience des premières actions sur le terrain, le volet civil de la PESD est arrivé aujourd’hui à un certain degré de maturité. Le déploiement en 2008 de deux missions inédites au Kosovo et en Géorgie pourrait en outre annoncer des nouvelles évolutions lourdes de conséquences. Pourtant, quelle est l’intentionnalité des Etats ? Pourquoi développent-ils « en multinational » des capacités civiles d’intervention et pourquoi leur choix s’est-il porté sur l’UE plutôt que sur un autre cadre (ONU, OTAN, OSCE) ? Quelle est la véritable nature des tâches qui sont assignées à la GCC ? Quels sont ses inputs (internes et externes) et ses dilemmes ? Peut-on mesurer par ailleurs son influence sur le devenir de la PESD et sur la stature internationale de l’Union ? Enfin, dans quelle mesure participe-t-elle au processus de l’intégration européenne ? Autant d’interrogations qui ne sont pas abordées directement dans la littérature universitaire ou dans les publications des think tanks spécialisés.

Le volet civil de la PESD demeure en effet un objet mal identifié. L’expression imprécise de

« gestion civile des crises » employée par l’UE est elle-même source de confusion. Certes, le discours européen ne cesse de mettre en avant la dualité de la PESD. Pourtant, la GCC reste

5Alors que les dépenses de défense des Vingt-sept réunis représentent environ 50% du budget militaire américain, l’UE peut espérer engager tout au plus 10-15 % des forces alignées par le grand allié. Le fossé capacitaire est encore plus grand si on compare les investissements en recherche et développement.

6 La GCC est « rentrée tardivement sur le radar »: entretien avec un « expert national détaché », Secrétariat Général du Conseil, août 2008.

7 Entretien avec un militaire de haut rang, Secrétariat Général du Conseil, Bruxelles, juillet 2008.

8« This side of the ESDP equation is in some ways more important that the military side », HOWORTH, 2007, op.

cit, p. 15.

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paradoxalement une zone d’ombre parmi les nombreux moyens dont dispose l’Union pour agir sur la scène internationale. En quoi se distingue-t-elle des instruments civils actionnés par la Commission européenne ? Comment s’articule-t-elle avec les capacités militaires ? Quels sont les rôles respectifs des Etats membres et de l’échelon européen dans sa conception et dans sa mise en œuvre ?

Les travaux académiques sur le sujet sont rares et déficients. Parfois critiques, ils sont de façon générale plus prescriptifs qu’analytiques. Aveuglés par les prismes libéraux et/ou le discours

« post-national », il se contentent pour la plupart de traiter les aspects civils de la gestion des crises sous l’angle de la gouvernance, de la sécurité humaine, de la consolidation de la paix et du développement. Or, critiquer le tropisme « sécuritaire » des Etats et/ou vanter la GCC comme alternative au recours à la force ne suffit pas. Comment dès lors dissiper les rideaux de fumée qui entourent le volet civil de la PESD ? Comment faire tomber les coquilles qui obstruent la vue et qui empêchent d’atteindre sa signification profonde ? On se réfèrera ici à la célèbre citation de MACHIAVEL : « Etant mon intention d'écrire choses profitables à ceux qui les entendront, il m'a semblé plus convenable de suivre la vérité effective de la chose que son imagination »9.

Malgré la multitude des questions qui se posent, la problématique de cette recherche peut se résumer par conséquent en une seule interrogation : quelle est la rationalité qui éclaire le mieux la construction et la réalité du volet civil de la PESD ? S’il n’existe aucune « métathéorie », peut-on au moins proposer un cadre d’intelligibilité qui puisse dévoiler et dépolir les enjeux réels de la GCC européenne ?

Thèse principale

Cette recherche défend la thèse que c’est la rationalité stratégique qui est la plus à même d’appréhender les spécificités et les potentialités de « l’outil gestion civile des crises » en tant qu’objet complexe. En effet, seule la stratégie relie dans une chaîne logique les fins politiques et existentielles de l’Union aux aspects praxéologiques et opérationnels de la GCC. Surtout, la démarche stratégique permet de cerner l’essence de la GCC qui a trait à l’action finalisée en milieu conflictuel. Au service de la PESC10, la GCC ouvre le champ des possibles par la diversité de son champ d’action et par sa flexibilité. Engagée dans les zones de crise et d’instabilité, elle peut appuyer un processus de paix et/ou participer à la lutte contre les

« nouvelles menaces ». Le cas échéant, elle sera mobilisée comme substitut ou adjuvant à l’action militaire tout en s’inscrivant dans le cadre plus large d’une stratégie de basse intensité.

La GCC européenne apparaît dès lors comme un outil politico-stratégique par excellence. Usant tour à tour de la séduction, de la ruse et de la force, son rôle premier est de stabiliser les marges européennes et de renforcer les Etats/gouvernements amis. Ce faisant, elle participe à la préservation des intérêts collectifs des Etats membres et, in fine, à la protection et au bien-être des citoyens. Au-delà, elle concourt à la « pertinence stratégique » de l’Union qui cherche à se positionner comme un acteur de sécurité novateur et respecté. C’est effectivement la capacité à mobiliser des moyens toujours plus fins et diversifiés, en combinaison avec des capacités militaires crédibles, qui permet à l’UE d’être toujours plus sollicitée par les autres acteurs

9 Nicolas MACHIAVEL, Le Prince, Paris, LGF, 1962, p. 109 (Chapitre XV). Edition présentée par Raymond ARON.

10 Politique étrangère et de sécurité commune.

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internationaux. Présentée parfois comme le symbole d’une Europe vénusienne (lecture réaliste classique), elle est donc, tout au contraire, un outil de légitimation et de puissance.

« Plus petit dénominateur commun » de l’Europe de la défense, la GCC est utilisée par ailleurs pour dynamiser le second pilier, indépendamment des blocages actuels de l’Union (refus du Traité constitutionnel, incertitudes sur le Traité de Lisbonne). Sa nouvelle « chaîne de commandement civile » favorise ainsi l’institutionnalisation de la PESD malgré les désaccords sur l’opportunité de créer dans l’UE un état-major civilo-militaire de niveau stratégique. Il n’est pas sûr que cette « stratégie indirecte » soit le reflet d’un choix conscient. La GCC participe en tout cas à la construction progressive d’un centre de pouvoir européen transgouvernemental qui se distingue de la voie supranationale incarnée par la Commission.

Enfin, la pensée stratégique a le mérite de mettre les Européens et leurs dirigeants devant leurs responsabilités : construire un appareil de sécurité et de défense ne sert à rien si l’on ne s’interroge pas sur les finalités ultimes du projet. Si la téléologie n’aide pas à comprendre la PESD et son volet civil, rien n’interdit de se demander quelle vision du « nous » peuvent porter l’Union européenne et sa « gestion civile des crises » dans un monde globalisé en pleine mutation.

Hypothèses transversales

Trois hypothèses traversent l’ensemble de cette recherche. On peut les présenter comme suit :

a) Si la PESD est une équation, alors le volet civil constitue une variable décisive. Cela suppose de mieux identifier la GCC en essayant de relier dans un tout cohérent ses capacités qui recouvrent un vaste périmètre d’action : police, renforcement de l’Etat de droit, observation et surveillance… Considérer la GCC comme un « outil en soi », ce n’est pas non plus procéder à une « étude de cas » ou analyser un « sous-ensemble de la PESD ». C’est au contraire considérer sous un angle neuf la PESD dans sa globalité civilo-militaire. Celle-ci s’inscrit par ailleurs dans un dispositif plus large de traitement des crises et des conflits qui mobilise la totalité des ressources « communautaires » et « intergouvernementales » de l’Union (sur les différents acteurs de la dimension extérieure de l’UE, cf. Annexe II). Néanmoins, si les Etats ont créé la GCC dans le cadre du second pilier, c’est pour remplir des fonctions particulières qu’il faut encore préciser.

b) Si la GCC européenne est un outil de sécurité et de défense, alors elle est mise en oeuvre au service de finalités supérieures de nature politique. L’entendement stratégique suppose dès lors de privilégier les lectures verticales et le raisonnement en cascade. Il se démarque en cela clairement de « l’approche de la gouvernance » qui néglige les pesanteurs géopolitiques et les réalités d’un monde où les approches stato-centrées gardent leur validité. Cela permet aussi d’expliquer la démarche rationnelle des Etats qui construisent méthodiquement un édifice complet, de Bruxelles aux missions de terrain. Cette démarche s’inscrit dans une logique d’ensemble, ce qui n’empêche pas de s’interroger sur l’absence - et la possibilité - d’une authentique Grand strategy à l’échelle de l’Union. L’adoption de la Stratégie européenne de sécurité de 2003 (document intitulé « Une Europe sûre dans un monde meilleur ») est assurément un premier pas11. Il manque toutefois la vision et la détermination qui permettraient

11 Stratégie Européenne de Sécurité - Une Europe sûre dans un monde meilleur, Conseil européen, Bruxelles, 12-13

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aux Vingt-sept de rédiger en commun un Livre blanc de la sécurité et de la défense. Un document-cadre de ce type semble en effet une précondition indispensable pour intégrer la PESD et la GCC dans un corpus conceptuel et doctrinal cohérent. Se pose toutefois la question du rapport à l’Alliance atlantique et de la volonté des Européens de s’assumer stratégiquement.

Si l’UE et les Etats membres sont conséquents dans leur choix d’émancipation, la GCC peut- elle aider à imaginer une notion sui generis de la puissance européenne ?

c) Si la GCC est développée dans le cadre de l’Union, alors elle est intrinsèquement européenne.

Cette idiosyncrasie de la GCC suppose de porter une attention particulière aux approches culturalistes : identité, européanisation, culture stratégique et culture militaire, expérience coloniale… Dans quelle mesure le volet civil PESD reflète-t-il la diversité des Etats membres et de leur(s) vision(s) de l’Europe ? Peut-on opposer une vision britannique « pragmatique » à une vision française plus « cartésienne »12 ? La GCC est-elle un processus en perpétuel mouvement ou un projet qui se construit dans une belle ordonnance logique ? Quel est en outre l’apport spécifique des pays « post-neutres », la Finlande et la Suède notamment ? Enfin, si la GCC échappe en partie à ses initiateurs (les Etats membres), comment l’UE sert-elle de catalyseur et de creuset à quelque chose de nouveau ? La GCC européenne peut-elle constituer un modèle ? Si oui, en quoi ce modèle se distingue-t-il des efforts poursuivis par les Etats-Unis pour mieux intégrer les aspects civils et militaires ?

Originalité de la recherche

Nous l’avons dit, le volet civil de la PESD est peu abordé en tant que tel dans la littérature.

Certes, il existe de nombreuses études de cas qui analysent les différentes opérations/missions PESD ou tel ou tel aspect sectoriel (ex. Réforme du secteur de la sécurité13, implication de l’UE en Bosnie…). Aucun ouvrage ne traite cependant la GCC comme objet scientifique. Une exception notable est un Cahier de Chaillot publié en 2006 par l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’UE14. Dans sa préface, Nicole GNESOTTO annonçait toutefois qu’il s’agissait d’une

« première tentative d’explication et d’analyse des instruments, des enjeux et des problèmes rencontrés ou soulevés par l’Union lorsqu’il s’agit d’assumer les différentes dimensions de la gestion civile des crises »15. Limité aux aspects internes à l’UE, le Cahier de Chaillot cherchait surtout à définir des « critères objectifs pour délimiter les responsabilités propres du Conseil et de la Commission dans la gestion civile des crises »16.

Tout en analysant à de multiples reprises la querelle sur le partage de compétences entre le Conseil17 et la Commission18, notre recherche se distingue toutefois en tranchant une fois pour

décembre 2003.

12 Jolyon HOWORTH, The Future of the European Security Strategy: Towards a White Book on European Defence, Study, Policy Department External policies, Brussels, European Parliament, March 2008.

13 Remarque : nous employons dans cette recherche les majuscules pour les termes et les concepts qui font partie du vocabulaire courant de l’UE (ex. Réforme du secteur de la sécurité ou RSS) mais aussi pour les documents officiels (ex. Stratégie européenne de sécurité), les institutions (ex. la Présidence slovène) et les fonctions (ex. Commandant des opérations civiles). L’italique est réservé aux mots d’origine étrangère et aux mises en évidence (notamment lors de la première apparition d’un terme-clé).

14IES-UE (Paris).

15Agnieszka NOWAK, (Ed.), Civilian Crisis Management : the EU Way, Chaillot Paper, n°90, ISS-EU, Paris, 2006 (préface de Nicole GNESOTTO).

16 Ibid., p. 8.

17Conseil de l’UE ou Conseil des ministres. Nommé ci-après Conseil.

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toute la question. Elle identifie donc définitivement la « gestion civile des crises » avec le

« volet civil de la PESD » (capacités civiles d’intervention développées dans le cadre du second pilier)19. Les moyens mis en œuvre dans le cadre communautaire relèvent en effet de sphères de nature différente, ce qui ne diminue en rien leur apport et leur valeur ajoutée.

En analysant la dualité de la PESD sous l’angle original de son volet civil, cette recherche insiste par ailleurs sur les aspects conceptuels et doctrinaux. Une large attention est donc consacrée à l’étude des textes qui définissent les cadres d’emploi - évolutifs - de la GCC. Il s’agit notamment d’identifier ce qui constituerait les prémices d’une doctrine civilo-militaire européenne.

Enfin, en étudiant le volet civil de la PESD de façon exhaustive et systématique, la présente recherche a aussi une ambition didactique. Cela suppose d’insister sur l’analyse de discours mais aussi, sur la clarification du « jargon » de la PESC/PESD. La terminologie relative à la GCC est elle-même souvent assez technique. Elle emprunte volontiers au vocabulaire militaire, ce qui augmente singulièrement sa difficulté d’accès. Cela justifie une fois encore la mobilisation des concepts et des méthodes propres aux études stratégiques. Au-delà, il s’agit de créer des ponts entre les non spécialistes, les stratégistes et les stratèges-praticiens.

Aspects épistémologiques et méthodologiques

Entreprendre une recherche ciblée sur la GCC soulève de façon générale de nombreuses questions d’ordres épistémologique et méthodologique.

La première tient à la définition la GCC européenne comme objet d’étude. Philippe BRAILLARD dit ainsi que toute démarche scientifique se caractérise par « la délimitation précise de son objet, une certaine rupture avec les notions du sens commun, le contrôle intersubjectif auquel elle se soumet et non le recours à des procédures rigides » 20.

Nous l’avons dit plus haut, notre recherche porte exclusivement sur le volet civil de la PESD (identifié aussi sous le terme générique de gestion civile des crises ou GCC21). La GCC est donc étudiée comme un concept à part entière. L’indépassable disjonction entre la pensée et la réalité22 limite cependant ce concept à un rôle d’outil heuristique. Les capacités civiles de la PESD sont en effet objectivement trop diverses et trop inscrites dans l’expérience pour être réifiées en un tout unique.

L’exigence épistémologique suppose par ailleurs de rattacher notre recherche à un champ d’étude clairement identifié. Or les Etudes européennes ont du mal à appréhender les questions stratégiques et de sécurité. Inversement, les Etudes stratégiques et la théorie militaire peinent à

18 Commission européenne. Nommée ci-après Commission.

19 A contrario, un ouvrage récent a choisi de considérer une fois de plus la gestion civile des crises comme rentrant également dans le champ communautaire : cf. Barbara DELCOURT, Marta MARTINELLI et Emmanuel KLIMIS, L’Union européenne et la gestion des crises, Bruxelles, ULB, 2008. Cette publication donne néanmoins un panorama intéressant des différents acteurs et instruments de l’UE en matière de traitement des crises et des conflits.

20Philippe BRAILLARD, « Les sciences sociales et l'étude des relations internationales », Revue internationale des sciences sociales, Vol. 36, n° 4, 1984, p. 661-676.

21 L’UE utilise l’abréviation EU CCM (EU Civilian crisis management). L’abréviation GCC est créée ici à des fins didactiques.

22BRAILLARD, op. cit.

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cerner la PESD et ses spécificités. La gestion civile des crises suppose enfin de prendre en compte certains apports de la Peace Research et des Etudes sur la résolution des conflits. Cette pluralité des voies possibles est un réel obstacle pour le chercheur. Mais elle apporte aussi une dimension supplémentaire à la singularité de notre démarche. Cette dernière vise en effet plus largement à ouvrir des pistes pour imaginer une pensée stratégique proprement européenne.

Celle-ci pourrait naître d’une synthèse originale entre des approches qui ne peuvent pas être appliquées arbitrairement à l’UE et à la PESD.

Lier la GCC aux études stratégiques n’est évidemment pas sans écueil. Nous assumons toutefois les présupposés rationalistes de la stratégie, sa parenté avec l’école réaliste des relations internationales et son ethnocentrisme supposé (il faudrait parler ici d’européanocentrisme).

Cette recherche porte sur le volet civil de la PESD et sur ce qu’il signifie pour l’Union et ses Etats membres. Le point de vue des populations et des sociétés des pays où sont déployées les missions civiles européennes n’est donc pas étudié directement (il doit être néanmoins pris en compte pour une meilleure efficacité opérationnelle). Ne pas aborder cette question ne signifie pas qu’elle est secondaire. Elle nous semble au contraire trop importante pour ne pas donner lieu à une analyse à part entière. Nous laissons cependant à des auteurs plus qualifiés que nous le soin d’entreprendre une telle étude.

Sur le plan de la méthodologie, cette recherche recourt largement à la méthode inductive, en

« partant du réel »23 : comment procéder autrement alors que la PESD et la GCC ont à peine une décennie d’existence ? Il ne s’agit pourtant pas de présenter un rapport d’étape ou une synthèse sur le sujet. De la même façon, les différentes missions civiles PESD ne sont pas étudiées dans leur détail. L’ambition réside dès lors dans la mise en relief et dans la mise en cohérence d’isolats dispersés parmi une grande masse d’information. C’est la raison pour laquelle il faut tout d’abord multiplier les perspectives pour comprendre la réalité mouvante et plurielle de la GCC.

A chaque fois que possible, il conviendra pourtant de réfléchir aussi sur un mode déductif. En effet, une idée-force de cette recherche est de « remettre de la verticalité ». Les débats futurs sur la GCC européenne ne pourront se structurer qu’à cette condition. C’est en ce sens que nous mobilisons la logique stratégique. Son raisonnement en cascade est particulièrement fécond pour étudier les différents niveaux d’analyse (et d’emploi) du volet civil de la PESD. La stratégie est néanmoins utilisée ici comme cadre de compréhension plutôt que comme cadre explicatif rigide.

Concernant les aspects méthodologiques, on soulignera enfin les apports de l’approche systémique pour étudier tel ou tel aspect particulier du volet civil de la PESD, notamment dans sa dimension opérationnelle : liens avec la théorie militaire, modélisation, simulation, utilisation du langage graphique, etc. Ces perspectives ne pourront toutefois pas être développées en détail dans cette recherche qui se concentre sur les deux dimensions principales de la GCC : l’interface politique/stratégie et l’interface civilo-militaire.

23 HOWORTH, 2007, op. cit., pp. 22-32.

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Sources

Ce travail académique repose sur des sources multiples. Nous avons étudié tout d’abord minutieusement l’ensemble de la documentation de l’Union sur le sujet : déclarations officielles et actions conjointes, documents de planification opérationnelle, rapports, textes à valeur doctrinale. Ces documents émanent pour la plupart de la présidence tournante et des organes du Secrétariat Général du Conseil de l’UE. Les points de vue de la Commission, des Parlementaires24 et des principaux Etats concernés ont été également analysés en détail. Enfin, les travaux de l’Agence européenne de défense, la doctrine OTAN et les publications ou règlements des armées ont servi d’éclairage utile quant à l’étude des synergies civilo-militaires.

La plupart de ces sources primaires sont ouvertes au public25 et aux chercheurs mais nous avons eu également accès à des documents internes. De façon générale, on notera que l’UE tend de plus en plus à classifier sa documentation sur le volet civil de la PESD (publications partiellement consultables, mises en ligne souvent plusieurs mois après leur discussion dans les enceintes du Conseil). Cela renforce notre argument d’un ancrage toujours plus grand de la GCC européenne dans le champ des affaires politico-stratégiques et militaires. Rechercher et décrypter cette documentation « cachée » est en tout cas plus instructif et éclairant que de se laisser noyer par le flot des textes traitant du rôle de la PESD dans la promotion des droits de l’homme et des thématiques associées (gender issues, etc.). L’inclusion de ces thématiques participe assurément à l’originalité de la PESD. Elle ne doit cependant pas masquer la réalité de ses finalités profondes.

Concernant les sources secondaires, nous avons par ailleurs consulté avec profit la littérature sur la PESC/PESD dans ses nombreuses dimensions historiques, (géo)politiques, juridiques et institutionnelles mais aussi, empiriques et opérationnelles : monographies et articles universitaires, publications de l’Institut d’Etudes de Sécurité de l’UE, études financées par les grandes fondations et les think tanks (en Europe et outre-atlantique). Les travaux publiés par les ONG de paix (centres de recherche, organisations issues de la société civile) ont aussi servi à clarifier le jeu des acteurs et les actions de lobbying dont la GCC fait l’objet. La bibliographie fournie à la fin de ce travail témoigne en tout cas de la diversité des sources concernées.

La recherche a été complétée par des entretiens26 avec des diplomates et des militaires impliqués dans la PESD et les questions stratégiques : experts du Secrétariat Général du Conseil, membres des représentations françaises et américaines auprès de l’UE et de l’OTAN, officiels en charge de la PESC, fonctionnaires en poste dans les structures de l’Alliance atlantique. Les analyses de ces praticiens ont permis de vérifier un certain nombre d’hypothèses tout en croisant les points de vue sur un sujet protéiforme.

Les publications et les entretiens accordés à la presse par Robert COOPER méritent enfin une mention particulière. Ce proche conseiller du SG/HR Javier SOLANA est en effet une figure inclassable. Ancien diplomate britannique et aujourd’hui Directeur en charge de la PESC/PESD au sein du Secrétariat Général du Conseil, il est l’auteur de La fracture des nations27 et de nombreux articles. Par ailleurs inspirateur de la Stratégie européenne de sécurité de 2003, il

24Parlement européen, Assemblée de l’UEO, Chambre des Lords, Sénat français etc.

25Nous avons aussi eu accès aux services de l’Agence Europe (Bruxelles), référence incontournable pour suivre au quotidien l’actualité européenne.

26Entretiens semi-structurés ou informels sur la période 2006-2008 (à Bruxelles et Genève). Certaines interviews ont aussi été menées par téléphone.

27 Robert COOPER, La fracture des nations - Ordre et chaos au XXI° siècle, Paris, Denoël, 2004.

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mêle de façon originale l’action et la réflexion. L’étude de sa pensée évolutive semble en tout cas incontournable pour analyser les grandes orientations de la PESC/PESD sous l’angle de la stratégie.

Limites temporelles et cadre juridique

La présente recherche couvre l’histoire de la GCC européenne du sommet de Cologne (qui

« lance » officiellement la PESD en juin 1999) aux débuts de la Présidence française du second semestre 2008. De fait, l’analyse aborde aussi la période des années 1990 qui correspond à l’émergence difficile de la PESC après le Traité de Maastricht. C’est en effet à cette période que l’on peut situer les véritables origines de la gestion civile des crises, dans les Balkans en particulier.

La recherche se place par ailleurs dans le cadre des Traités existants (TUE et TCE28 modifiés par le Traité de Nice). Cela n’empêche pas d’évoquer à de nombreuses reprises les innovations prévues par la Convention européenne, le projet (avorté) de Traité constitutionnel et le Traité modificatif (Traité de Lisbonne, en suspens depuis le « non irlandais » du 12 juin 2008). De fait, ces grands cadres juridiques n’ont eu qu’une influence marginale sur le volet civil de la PESD, au moins dans ses développements institutionnels. Les organes bruxellois de la GCC et les missions civiles fonctionnent largement sur la base du soft law et des procédures intergouvernementales. Nous verrons toutefois les répercussions concrètes de la crise politique profonde que traverse l’Union depuis plusieurs années. Paradoxalement, il semblerait pourtant que cette crise ait dynamisé la PESD. Celle-ci est en effet mise en avant dans le cadre d’une stratégie visant à gagner une « légitimité par l’action ». C’est en tout cas l’une des raisons de l’accélération rapide des activités opérationnelles de la GCC, tant sur le plan quantitatif que sur le plan géographique.

Structure de la recherche

La recherche est structurée en trois parties principales. Chacune est divisée en quatre chapitres.

La première partie relève essentiellement de la démarche historique. Comme l’UE et la PESD tout entières, la GCC est une réalité en perpétuel mouvement. Il faut en étudier les origines, les cheminements et, surtout, les dynamiques propres (notamment par rapport au volet militaire).

Chaque chapitre correspond à une étape particulière du développement de la GCC. Pour autant, ce développement n’est aucunement monolinéaire. Il est au contraire diachronique du fait de la pluralité des influences internes et externes. Les différents domaines sectoriels de la GCC (police, Etat de droit…) n’ont ainsi pas évolué au même rythme, les priorités données évoluant en fonction du contexte international, des enjeux/blocages intra-institutionnels, sans oublier les leçons tirées des premières missions. L’analyse montre cependant que c’est à partir de 2003, et de l’adoption de la Stratégie européenne de sécurité, que les Etats membres ont adopté une démarche méthodique pour se doter d’un outil complet et cohérent (processus de l’Objectif global civil 2008 prolongé aujourd’hui par l’Objectif global civil 2010). Sur le plan des missions, on notera par ailleurs un « durcissement » de la GCC qui pourrait être de plus en plus

28 Traité sur l’Union européenne et Traité sur les Communautés européennes.

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orientée sur des tâches « robustes » dans des environnements dits « non permissifs ». Dans cette première partie, il s’agit enfin de relire l’histoire de l’Europe de la défense sous un angle nouveau. Le volet civil a servi en effet à forger graduellement un consensus minimal sur la PESD jusqu’à devenir aujourd’hui un moteur utile pour l’ensemble du second pilier.

La deuxième partie étudie ensuite les enjeux idéologiques, politiques et institutionnels de la GCC. Elle présente ses structures, le jeu de ses acteurs et ses dilemmes. A chaque fois que cela est possible, il s’agit d’insister sur les aspects théoriques et conceptuels. Une large part est consacrée également à l’analyse de discours (discours de l’UE, discours des différents acteurs institutionnels). En variant les approches et les grilles de lecture, les différents chapitres permettent en tout cas de cerner progressivement la spécificité du volet civil de la PESD. Celui- ci est identifié comme un outil destiné à intervenir prioritairement dans le champ des high politics. Il est en ce sens un outil de puissance. Un chapitre entier est consacré enfin à la dimension extérieure de la GCC : liens avec les Etats tiers, l’ONU, l’OSCE mais aussi avec les Etats-Unis et l’OTAN. La GCC est en effet de plus en plus souvent déployée aux côtés de l’OTAN. Est-elle de nature à favoriser un rapprochement entre la PESD et l’organisation militaire transatlantique ? Des partenariats type « Berlin plus à l’envers » sont-ils envisageables et/ou souhaitables ?

Enfin, la troisième partie replace « à froid » la gestion civile des crises dans le cadre rigoureux et implacable de la logique stratégique. Les quatre derniers chapitres de la recherche explorent donc les richesses du raisonnement stratégique pour analyser de façon systématique la GCC sous ses aspects théoriques et pratiques. Le triptyque fins-voies-moyens permet en outre de relier entre eux les différents étages conceptuels et opérationnels de la GCC. Cette troisième partie est dès lors l’occasion d’étudier en détail l’édifice doctrinal du volet civil de la PESD ainsi que ses liens - explicites ou implicites - avec la théorie militaire. Cette dernière est mobilisée dans ses interrogations les plus actuelles (par exemple sur la « stabilisation » comme nouvelle « fonction stratégique ») mais aussi dans ses permanences. Il faut ainsi puiser dans la bibliothèque stratégique en revisitant la pensée des auteurs classiques, CLAUSEWITZ en particulier. Relier la GCC à une réflexion sur la guerre (ou plus exactement sur la petite guerre) ne manquera pas de surprendre tant la GCC européenne est communément associée à d’autres thématiques (y compris par ceux qui la mettent en œuvre au quotidien) : bonne gouvernance, transition démocratique... Il semble toutefois grand temps de faire tomber les murs conceptuels qui empêchent de « penser la GCC » à partir de sa nature profonde.

L’Union européenne est en quête d’une nouvelle pensée stratégique29. Celle-ci doit prendre en compte les intérêts partagés des Etats membres ainsi que les spécificités de l’entité politique qu’ils sont en train de construire en commun. Mais elle doit également exploiter les potentialités de la « boîte à outils » de l’UE en matière de gestion des crises et des conflits.

La PESD joue un rôle particulier dans la panoplie stratégique de l’Union. Les débats sur sa dualité civilo-militaire peinent cependant à éclore. Combien de temps ces questions resteront- elles étouffées ? Surtout, combien de temps la littérature pourra-t-elle continuer à négliger l’étude du volet civil de la PESD, de ses spécificités et de ses répercussions internes et externes ? Puisse cette recherche académique mettre en lumière les enjeux réels de la GCC européenne et lui donner le socle conceptuel qui lui fait défaut.

29 Jolyon HOWORTH « Une nouvelle pensée stratégique pour l'Europe ? », Défense Nationale, juillet 2008.

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PREMIERE PARTIE :

UNE AUTRE HISTOIRE DE LA PESD

Tout semble avoir été dit et écrit sur l’histoire et les rebondissements de l’Europe de la défense, depuis le Traité de Bruxelles et la CED30 jusqu’au sommet de Saint-Malo, sans oublier les développements les plus actuels de la PESD : institutionnalisation du second pilier, premières opérations, avancées prévues par les nouveaux Traités… Dans ce foisonnement empirique, on s’étonnera néanmoins du peu d’attention portée à la genèse des aspects civils de la gestion des crise. Cette première partie propose par conséquent un autre regard sur la PESD en insistant sur la dimension « sécurité », trop souvent occultée par les débats sur le volet « défense ».

La GCC européenne a en effet son propre cheminement et ses propres dynamiques, notamment par rapport au volet militaire. Il convient de les mettre en perspective pour mesurer l’étendue du chemin parcouru tout en identifiant les éléments déterminants et les principales lignes de continuité/discontinuité. Mais cette première partie offre aussi plus généralement une relecture inédite de la PESD telle qu’elle a été négociée puis mise en oeuvre par l’UE et les Etats membres. Revisiter l’histoire de l’Europe de la défense sous l’angle spécifique de son volet civil n’est cependant pas sans écueil.

Le premier écueil est certainement le manque de recul. La PESD stricto sensu est un champ très récent. Comment distinguer l’histoire immédiate de l’analyse « à chaud » d’un sujet en mutation rapide ? Que retenir dans la masse d’informations déjà connues pour annoncer et éclairer avec profit ce qui sera analysé plus en détail dans la suite de la recherche ? Comment éviter enfin le cumul fastidieux des faits, des dates et des chiffres ?

Le deuxième écueil est de se laisser aveugler par nos lunettes contemporaines. La dualité civilo- militaire de la PESD et la prédominance actuelle des missions civiles ne vont pas de soi. S’il est important de cerner autant que possible l’intentionnalité profonde des Européens, il ne faut pas pour autant céder à un historicisme trop déterminé. La PESD telle qu’elle existe aujourd’hui est largement le fruit des circonstances et de développements inattendus. Ses objectifs ultimes demeurent par ailleurs indéchiffrables (ce qui n’empêche nullement de s’interroger sur les finalités possibles).

Comme l’UE et la PESD tout entières, la GCC est en tout cas une réalité en perpétuel mouvement. Son développement est fondamentalement itératif et incrémental. Enfin, sa dynamique d’évolution est peu propice aux interprétations monolinéaires. Elle est au contraire diachronique du fait de la pluralité des influences internes et externes. Les différentes dimensions du volet civil de la PESD n’ont ainsi pas progressé au même rythme. Les priorités données ont varié en fonction du contexte international, des avancées et des blocages intra- institutionnels, sans oublier les leçons tirées de l’expérience.

30Communauté Européenne de Défense.

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L’enchevêtrement des enjeux et des thématiques suppose de distinguer différents niveaux de lecture qui sont aussi des pistes à suivre comme autant de fils rouges.

Cette première partie insiste en premier lieu sur les contextes interne et externe qui ont accompagné et influencé le développement de la GCC (notions de inputs et outputs). Le façonnement du volet civil de la PESD a été conditionné par les grandes évolutions internationales des vingt dernières années : fin de la Guerre froide et illusions du « Nouvel ordre mondial », impuissance de l’ONU et de l’UE face à l’éclatement de l’ex-Yougoslavie, attaques du 11 septembre, tournures prises par les interventions en Irak et Afghanistan. Nous verrons ainsi comment la GCC européenne illustre plus généralement le passage de « l’agenda du Peacebuilding » des années 1990 à « l’agenda de la stabilisation » qui prédomine aujourd’hui sur fond de « Guerre globale contre le terrorisme ». En parallèle, la genèse de la GCC est le reflet des aléas politiques et institutionnels d’une Union européenne en profond bouleversement : effets des élargissements successifs, difficultés à concrétiser la PESC, désaccords sur la PESD, tentatives répétées pour réformer les Traités, etc.

Le deuxième fil rouge de cette première partie a trait aux aspects capacitaires et à la dualité civilo-militaire. Le volet civil a émergé à l’ombre et en parallèle du volet militaire. Ce n’est que progressivement que le décalage a pu être réduit, au moins partiellement (décalage entre les deux volets, mais aussi, entre le discours et la réalité des efforts fournis sur le plan civil). L’UE ambitionne en tout cas de créer de véritables synergies entre les différents aspects de la gestion des crises, en lien avec la Commission. Cela dynamise le caractère opérationnel de la PESD, concrétisé par un accroissement thématique et géographique des missions et opérations. Cet accroissement génère à son tour des besoins nouveaux, d’où un effet d’entraînement qui touche l’ensemble de la PESC/PESD.

Une troisième piste est d’étudier par ailleurs comment la GCC a favorisé les compromis et, plus profondément, les phénomènes de convergence malgré des approches et des visions différentes entre les Etats et dans l’UE elle-même. L’approche minimaliste initiale - utiliser le cadre de la PESD pour mieux coordonner les capacités nationales existantes - s’est rapidement révélée insuffisante. Les structures du Conseil ont ainsi été renforcées sur un mode centralisateur de façon à impulser, par le haut, de nouvelles dynamiques. Plus largement, il est intéressant de voir comment le volet civil a aidé à forger un consensus minimal sur la PESD jusqu’à devenir aujourd’hui un moteur utile pour l’ensemble du second pilier.

Cette première partie montre pour finir que la GCC européenne est tout autant un processus qu’un projet. Toutefois, ce projet s’affine progressivement d’un point de vue politique, conceptuel et capacitaire. Deux idées maîtresses doivent être ainsi gardées à l’esprit.

La GCC est tout d’abord le fruit d’un lent processus d’apprentissage initié dès les années 1990 dans les Balkans et complété ensuite au fil des opérations. Les Etats européens se sont inspirés des pratiques optimales acquises dans d’autres cadres (ONU, OSCE), mais aussi, de leurs premières expériences en commun sur les théâtres de crise (interventions de l’UEO puis de l’UE en tant que telle). Cette maturation intellectuelle a été accompagnée par ailleurs de négociations permanentes au niveau politique et institutionnel. La GCC est par conséquent aussi un processus politique, en lien étroit avec les débats sur la PESD.

La seconde idée-force est que les années 2003-2004 représentent un tournant dans la jeune histoire de la GCC européenne. Les premières missions et l’adoption de la Stratégie européenne

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