Ministère du Développement social Gouvernement du Nouveau-Brunswick
Fredericton, N.-B.
Page 1
Jouer, découvrir
et
s’émerveiller
Un cadeau pour la vie
Ministère du Développement social Gouvernement du Nouveau-Brunswick
Fredericton, N.-B.
Juin 2011
Page 2
GROUPE DE RECHERCHE EN PETITE ENFANCE (GRPE) Faculté des sciences de l’éducation
Université de Moncton
Rose‐Marie Duguay, Ph. D., direction Leona Bernard, M. Ps.F
Gilberte Couturier LeBlanc, M.A., M.Ps(O), M. ED., Professeure émérite en éducation
Recherche Léona Bernard
Assistanat
Mélanie LeBreton Venessa Austin
Révision linguistique
Yolande Castonguay‐LeBlanc Réjean Paulin
Conception graphique, montage, recherche de photos et révision finale Calixte Duguay
Photos
www.istockphoto.com (avec autorisation).
Photo de la page 107 (jeux de doigts)
http://www.kaboodle.com/reviews/80‐comptines‐mimer‐et‐jeux‐de‐doigts
Droits liés à l’utilisation des photos
Toutes les démarches ont été effectuées pour libérer les droits rattachés à la reproduction des photos et illustrations utilisées dans ce guide. S’il arrivait cependant qu’un auteur ou son représentant se considère lésé dans ses droits, il est prié de communiquer avec nous et nous prendrons les mesures pour en assurer le respect.
Remerciements
Nous désirons remercier très sincèrement la direction et les éducatrices de la garderie Petit monde de Franco (Fredericton, N.‐B.) qui ont bien voulu nous faire part de leurs principaux besoins
pédagogiques susceptibles de favoriser le développement du bébé et du trottineur.
Imprimeur
Imprimerie Maritime 1160, rue Champlain Dieppe, N.‐B.
Jouer, découvrir et s’émerveiller
Un cadeau pour la vie
PRÉFACE...5
INTRODUCTION...7
PREMIÈRE PARTIE : Fondements de l’intervention pédagogique auprès du bébé et du trottineur ...9
DÉVELOPPEMENT DU BÉBÉ ET DU TROTTINEUR : QUE DIT LA RECHERCHE...9
Développement du cerveau ... 9
Importance des relations et des interactions avec le bébé ou le trottineur ... 10
Périodes « sensibles » ou « critiques » de développement ... 10
Effets des soins et de la stimulation sur la santé mentale et physique... 12
IMPORTANCE D’UNE RELATION D’ATTACHEMENT POSITIVE ...14
CONSTRUCTION IDENTITAIRE ET SENTIMENT D’APPARTENANCE DANS UN MILIEU MINORITAIRE FRANCOPHONE...15
Rôle de l’éducatrice... 16
Interventions exemplaires en développement langagier... 21
Autres interventions de nature plus générale... 22
Sentiment d’appartenance linguistique et culturelle... 23
GESTION DU COMPORTEMENT...25
Le bébé ou le trottineur qui pleure ... 26
Le bébé ou le trottineur qui a des comportements agressifs... 28
Rôle de l’éducatrice... 29
Pistes d’interventions pédagogiques pour diminuer l’agression ... 30
Interventions pédagogiques de nature plus générale... 32
Le bébé ou le trottineur qui mord... 34
Le bébé ou le trottineur qui continue à mordre... 35
Le bébé ou le trottineur qui pique des crises de colère ... 35
Quoi faire ?... 35
Mesures à prendre ... 36
Renseignements utiles ... 37
ROUTINE POUR LE BÉBÉ...38
ENTRAÎNEMENT À LA PROPRETÉ ...40
JEUX ET STIMULATION DES SENS...43
Suggestions de jeux pour le bébé de la naissance à 12 mois ... 44
Suggestions de jeux pour le bébé ou le trottineur de 12 mois à 2 ans... 46
Suggestions de jeux pour le trottineur de 2 à 3 ans ... 48
Table des matières
NOUVEAU‐VENU À LA GARDERIE...49
Avantages d’une rentrée progressive... 50
Accompagnement du parent... 51
PARENT ET ÉDUCATRICE : PARTENAIRES POUR LE BIEN‐ÊTRE DU BÉBÉ OU DU TROTTINEUR ...52
Suggestions pour mieux communiquer avec le parent ... 54
Grille d’autoévaluation... 55
DEUXIÈME PARTIE : Domaines de développement holistique incontournables ...57
DÉVELOPPEMENT PHYSIQUE ...58
Volet 1 – Grande motricité ... 59
Volet 2 – Motricité fine ... 63
Volet 3 – Saines habitudes alimentaires... 66
Volet 4 – Autonomie... 69
Volet 5 – Habitudes favorables à la santé ... 71
DÉVELOPPEMENT SOCIOAFFECTIF...74
Volet 1 – Relations sociales ... 75
Volet 2 – Concept de soi... 77
Volet 3 – Autorégulation ... 79
DÉVELOPPEMENT COGNITIF ET CONNAISSANCES GÉNÉRALES ...81
Volet 1 – Initiative et curiosité ... 82
Volet 2 – Exploration sensorielle et résolution de problèmes ... 84
Volet 3 – Éveil à la numératie... 87
Section 1 – Nombres et opérations... 88
Section 2 ‐ Orientation spatiale... 91
Section 3 – Suites logiques et mesures ... 93
Volet 4 – Éveil scientifique ... 96
Section 1 – Méthodes et habiletés scientifiques... 97
Section 2 – Connaissances scientifiques ... 100
DÉVELOPPEMENT DU LANGAGE ET ÉVEIL À LA LITTÉRATIE...104
Volet 1 – Écoute et compréhension ... 105
Volet 2 ‐ Langue parlée et communication ... 108
Volet 3 – Connaissance et appréciation de la langue écrite... 110
Volet 4 – Éveil à l’écrit ... 113
ÉVEIL AUX ARTS CRÉATIFS ...116
Volet 1 ‐ Éveil musical... 117
Volet 2 ‐ Éveil aux arts visuels ... 119
Volet 3 ‐ Mouvement et danse... 121
Volet 4 – Jeux de rôles... 124
L’enfant a cent langages, cent mains, cent idées Il a cent manières de penser, de jouer et de communiquer Cent manières d’écouter, de s’émerveiller, d’aimer, d’exprimer sa joie Il a cent façons de chanter et de comprendre Il a cent mondes à découvrir, à inventer, à rêver…
(Loris Malaguzzi, traduction libre)
Le présent guide pédagogique Jouer, découvrir et s’émerveiller : un cadeau pour la vie prend son point de départ dans la première partie de trois différents chapitres du Curriculum éducatif :
« Interventions pédagogiques exemplaires » (p. 1117)
« Développement holistique » (p. 1‐21)
« Gestion du comportement » (p. 2‐12)
Ce guide pédagogique doit obligatoirement être accompagné du Curriculum éducatif pour les services de garde francophones (2008). Il ne peut être utilisé de façon autonome.
PRÉFACE
Pour découvrir, apprendre et créer, l’enfant a besoin des langages que lui font
découvrir les différents domaines de la connaissance : les arts visuels, l’éveil
musical, la littératie, la numératie, l’activité physique et d’autres domaines.
Les différentes formes de langage qui proviennent de ces domaines aident
l’enfant à s’exprimer clairement, à s’épanouir et à comprendre le monde qui
l’entoure.
Pour découvrir, apprendre et créer, l’enfant a besoin des langages que lui font
découvrir les différents domaines de la connaissance : les arts visuels, l’éveil
musical, la littératie, la numératie, l’activité physique et d’autres domaines.
Les différentes formes de langage qui
proviennent de ces domaines aident l’enfant à s’exprimer clairement, à s’épanouir et à comprendre le monde qui
l’entoure.
Faire découvrir à l’enfant les différents langages qui découlent des domaines de la connaissance favorise l’atteinte des objectifs généraux du Curriculum éducatif
pour les services de garde francophones (2008).
INTRODUCTION
Le guide pédagogique Jouer, découvrir et s’émerveiller : Un cadeau pour la vie s’adresse aux éducatrices qui travaillent auprès des bébés et des trottineurs en service de garde. Le guide accompagne le Développement holis‐
tique du bébé et du trottineur. Il s’inspire du Curriculum éducatif pour les services de garde francophones mis en vigueur au Nouveau‐Brunswick en septembre 2009.
L’éducatrice se référera régulièrement au Curriculum éducatif afin d’approfondir ses connaissances du déve‐
loppement du bébé et du trottineur et des interventions pédagogiques exemplaires propres à cet âge. Le contenu du Curriculum éducatif lui permettra d’enrichir les suggestions présentées dans le présent guide.
Le guide est divisé en deux grandes parties :
1. La première partie comprend les fondements de l’intervention pédagogique auprès du bébé et du trottineur.
2. La deuxième partie comprend les domaines de développement incontournables lorsqu’il s’agit du développement holistique du bébé et du trottineur. Ces domaines sont le
développement physique, le développement socioaffectif, le développement cognitif (incluant les connaissances générales, l’éveil à la numératie et l’éveil scientifique), le développement du langage et l’éveil à l’écrit. À ceux‐là viennent s’ajouter l’éveil aux arts créatifs, domaine qui touche à tous les autres.
PREMIÈRE PARTIE :
Fondements de l’intervention pédagogique auprès du bébé et du trottineur1
D
ÉVELOPPEMENT DU BÉBÉ ET DU TROTTINEUR:
Que dit la rechercheLa recherche s’intéresse de plus en plus au développement du bébé et du trottineur. L’encadré ci‐dessous énumère les principaux objets de recherche.
Objets de recherche les plus pertinents au développe‐
ment du bébé et du trottineur :
Développement du cerveau;
Importance des relations et des interactions avec le bébé ou le trottineur;
Périodes « sensibles » ou « critiques » de dévelop‐
pement;
Effets des soins et de la stimulation sur la santé mentale et physique.
Développement du cerveau
Les premières années de vie offrent de grandes possibilités.
Paradoxalement, elles comportent de grands risques. Les pre‐
mières expériences de vie ont un effet déterminant sur les manifestations de l’hérédité génétique et sur la construction des synapses, c’est‐à‐dire les connexions du cerveau. Donc, la qualité de la vie d’un individu dépend en majeure partie de la qualité de ses premières années. Parce que les premières années ont un effet à long terme, l’éducatrice doit absolument tenir compte :
de sa relation et de ses interactions avec le bébé ou le trottineur;
de la qualité des soins et de la stimulation qu’elle leur apporte.
1 Dans le présent guide, «bébé» renvoie à l'enfant de la naissance à 18 mois et «trottineur», de 18 mois à 3 ans.
Importance des relations et des interactions avec le bébé ou le trottineur
À la naissance, les structures du cerveau du bébé sont pleinementdéveloppées. Cependant, les différents circuits continuent à se déve‐
lopper longtemps après la naissance. Pendant les premières années, les circuits se développent rapidement. Tout ce qui entoure le bébé et les expériences que son milieu lui permet de vivre contribuent au développement des circuits de son cerveau : les sons, les lumières, les changements dans la température ambiante, l’alimentation, les touchers, la voix, les comportements et même l’odeur des personnes qui prennent soin de lui. La qualité des relations et des interactions avec l’éducatrice est à la base du développement du cerveau du bébé et du trottineur et de ses systèmes biologiques. La qualité des relations et des interactions influence sa santé mentale et physique.
La relation avec l’éducatrice qui en prend soin joue un rôle central dans le déve‐
loppement de la capacité
du bébé ou du trottineur à interagir avec les autres. Cette même relation influence également le développement du langage et des fonctions cognitives supérieures, lesquelles régularisent la mémoire, l’attention et le comportement2.
Périodes « sensibles » ou « critiques »
de développement
Pendant les premières années de vie, les voies neu‐
ronales sont très sensibles aux influences de l’environnement. On parle de « périodes critiques » pour désigner l’intervalle durant lequel un véritable remodelage des voies cérébrales est possible.
2 Veuillez consulter le guide pédagogique « Je joue, je réfléchis et je comprends », page 12, pour de plus amples
renseignements sur les fonctions cognitives supérieures.
Dès la naissance et pendant les premières années de vie, certaines parties du cerveau, par exemple, celles qui sous-tendent la vision et l’audition,
sont très sensibles à la stimulation.
C’est pendant cette période qu’une stimulation adéquate est plus susceptible d’exercer un effet bénéfique
sur le développement des capacités du bébé ou du trottineur. C’est ce qu’on
appelle les « périodes sensibles » ou
« périodes critiques ».
La qualité des relations et des interactions avec l’éducatrice est à la base du
développement du cerveau du bébé et du trottineur et de
ses systèmes biologiques.
Le graphique3 ci‐contre démontre que la plupart des périodes sensibles pour les différentes habiletés se situent en bas âge. Plusieurs se situent même avant l’âge de trois ans. Pendant les
« périodes sensibles », le bébé ou le trottineur est plus apte à être influencé par les expériences qu’il vit. Si, pendant cette période, les conditions sont favorables au développement de ses habiletés, son développement progressera. Si elles sont défavorables, son développement sera compromis.
Les effets négatifs qui en résulteront pourraient se faire sentir tout au long de sa vie. On en trouvera deux exemples dans l’encadré suivant :
1. Les façons habituelles de réagir : Chez le bébé ou le trottineur, la régulation ou la gestion du comportement se développe graduellement durant les premières années de vie. La période sensible pour le développement de cette capacité se situe à peu près entre les âges de six mois et trois ans. Si les relations et les interactions avec l’éducatrice sont inadéquates, inadaptées ou instables, le bébé ou le trottineur apprend à réagir aux situations nouvelles avec peur et stress.
Cela deviendra sa façon habituelle de réagir à toute nouvelle situation. On peut imaginer les effets néfastes d’un tel apprentissage sur sa santé physique et mentale.
2. Le langage : Si le développement langagier du bébé ou du trottineur n’est pas stimulé de façon adéquate, s’il n’a pas l’occasion
d’entendre une variété de sons, de mots et de
structures de phrase, ses habiletés
langagières en seront beaucoup
diminuées.
Par conséquent,
l’éducatrice apportera un soin particulier à la gestion du
comportement et au développement langagier du bébé ou du trottineur dont elle est responsable.
3 Le graphique provient du rapport final de McCain, M.N. et Mustard, J. F. (1999). Inverser la véritable fuite des cerveaux : Étude sur la petite enfance. Toronto : Publication Ontario Bookstore.
Bébé
Maman
Effets des soins et de la stimulation sur la santé mentale et physique
Les soins donnés à la mère pendant la grossesse et au bébé dès sa naissance et surtout pendant les trois
premières années de vie, ont un effet déterminant sur le développement de son cerveau, de même que
sur sa santé physique et mentale.
Les soins physiques comprennent, entre autres, l’alimentation, le sommeil, la sécurité physique et la protection contre les éléments. Les soins psychologiques, qui doivent être chaleureux et authentiques, ont une influence déterminante
sur le développement de l’attachement, la sécurité psychologique, de même que l’identité
culturelle et linguistique.
Jusqu’à maintenant, les recherches les plus importantes indiquent que les
soins et la stimulation pendant les premières années de vie ont un effet
important sur la santé, sur l’apprentissage et sur le comportement
futur du bébé ou du trottineur.
Effets des soins et de la stimulation sur la santé mentale et physique
La santé
Les recherches scientifiques démontrent que l’hypothalamus4 a un effet important sur la santé et sur la vulnérabilité à différentes maladies. Or, l’hypothalamus et son système de connexion se développent dès les premières années de vie. Deux études majeures5 démontrent que les bébés et les trottineurs victimes de négligence ou d’abus :
1. sont sept fois plus susceptibles de développer des problèmes cardiovasculaires à l’âge adulte que ceux qui ont profité de conditions de vie saines;
2. sont à haut risque de développer des
problèmes de consommation (drogue, alcool…).
La recherche lie d’autres problèmes de santé aux conditions
négatives vécues pendant les premières années de vie : les maladies coronariennes, l’hypertension, le diabète de type II et les maladies mentales.
L’apprentissage
De plus en plus, la recherche démontre que les premières expériences vécues par le bébé dès le début de sa vie ont un effet sur son apprentissage futur.
Par exemple, la stimulation langagière dès les premiers mois a un effet sur les habiletés verbales. L’habileté du bébé à distinguer les phonèmes est à son meilleur pendant les sept premiers mois de vie. Après cette période, il devient plus difficile pour lui de distinguer et de prononcer différents phonèmes. La qualité de la stimulation langagière exercera donc un impact sur le développement langagier et, conséquemment, sur l’éveil à la littératie.
Le comportement
Des chercheurs ont étudié les comportements de bébés et de trottineurs orphelins provenant de la Roumanie. Lorsque ces enfants avaient atteint l’âge de onze ans, un suivi démontrait que ceux qui avaient passé plus de temps en institution faisaient preuve d’un développement anormal du cerveau : cerveau plus petit, métabolisme ralenti, EEG (électro‐encéphalogramme) anormal, problèmes sociaux et cognitifs (QI sous la norme) et d’une plus grande vulnérabilité à des problèmes de comportement (THADA, agression, autisme)6.
4 L’hypothalamus est une petite région située au cœur du cerveau, qui sert de pont entre le système nerveux autonome et le système endocrinien. Il participe en effet à la régulation de grandes fonctions comme la faim, la soif, le sommeil ou la température corporelle. Il joue également un rôle dans le comportement sexuel et les émotions.
5 Les deux études proviennent du Programme Kaiser Permanente en Californie. « Adverse Childhood Experiences (ACE) Study » cité dans l'article : Felitti, V.J., et al. (1998). Relationship of Childhood Abuse and Household Dysfunction to Many of the Leading Causes of Death in Adults: The Adverse Childhood Experiences (ACE) Study.
American Journal of Preventive Medecine, 14(4), 245‐258.
6 The Science of Early Child Development, article publié sur le site Web de « Council for Early Child Development » à l’adresse : www.councilecd.ca/files/CECD_ScienceBrief_April2010.pdf, consulté le 27 mai 2010.
Il est de plus en plus évident que les premières années du bébé et du trottineur sous‐tendent l’ensemble de leur développement. Plusieurs recherches le démontrent. La qualité des interventions pédagogiques de l’éducatrice auprès du bébé ou du trottineur est donc primor‐
diale et mérite toute notre attention.
I
MPORTANCE D’
UNE RELATION D’
ATTACHEMENT POSITIVE7 Le bébé naît avec le besoin de former des relations étroites avec des adultes aimants et réceptifs : les experts de l’en‐fance appellent ce phénomène « l’attachement ».
Le bébé forme des liens d’attachement solides avec l’édu‐
catrice qui est le plus souvent avec lui. La qualité de ces liens conditionne la perception du monde du bébé de même que sa perception de sa place dans ce monde.
Si, durant les premières années de sa vie, le bébé n’a pas l’occasion de former des liens d’attachement positifs avec une éducatrice signifiante pour lui, il aura davantage de difficultés à avoir con‐
fiance en lui, à faire confiance aux autres, à découvrir, à apprendre et à créer8.
L’éducatrice doit investir le temps et l’énergie nécessaires pour comprendre les signaux que donne le bébé ou le trottineur et y réagir. Ces signaux communiquent des besoins auxquels elle doit répondre.
Par sa façon de s’occuper du bébé ou du trottineur, l’éducatrice l’aide à développer des liens d’attachement sécurisants et sains, par exemple, en le prenant dans ses bras et en le réconfortant quand il pleure.
7 Consultez les p. 4 à 7, chapitre « Fondements théoriques » dans le Curriculum éducatif pour les services de garde francophones, 2008.
8 Découvrir, apprendre et créer est le leitmotiv du Curriculum éducatif pour les services de garde francophones (2008).
Un attachement solide et sécurisant à une éducatrice aimante et accueillante
aidera le bébé ou le trottineur à s’adapter plus facilement aux circonstances dans lesquelles il grandit
et à surmonter les situations difficiles.
Cela le disposera à concevoir le monde comme un endroit amical et sans
danger.
Cependant, l’éducatrice n’a pas à s’inquiéter si elle ne réussit pas à répondre immédiatement aux besoins du bébé ou du trottineur. Celui‐ci a déjà une certaine rési‐
lience. Il est préférable pour l’éducatrice de se détendre et de ne pas trop s’inquiéter des erreurs qu’elle pourrait faire. Il faut toujours un peu de temps pour connaître un nouveau bébé ou trottineur et comprendre les manières de communiquer qui lui sont propres. Lorsque le bébé ou le trottineur sait qu’il peut compter sur l’éducatrice pour assurer sa sécurité physique et affective, il lui fera con‐
fiance et les liens d’attachement qu’il développera avec elle demeureront solides, même si parfois, il lui faut attendre.
C
ONSTRUCTION IDENTITAIRE ET SENTIMENT D’
APPARTENANCE DANS UN MILIEU MINORITAIRE FRANCOPHONE
Dans plusieurs communautés francophones du Nouveau‐
Brunswick, la langue française fait face à des défis particuliers.
Le bébé ou le trottineur et sa famille vivent souvent dans une communauté où la présence de la langue anglaise exerce une grande influence, souvent plus grande que celle de la langue française. Plusieurs services ne sont offerts qu’en anglais. Les médias écoutés sont souvent de langue anglaise. Les panneaux publicitaires que le bébé ou le trottineur voit tous les jours sont surtout écrits en anglais. Cela influe sur la construction identitaire9. Pour grandir avec confiance et sen‐
tir qu’il fait partie d’un groupe, le bébé ou le trottineur doit développer un sentiment d’appartenance à ce groupe et en valoriser la langue et la culture.
9 Pour plus de renseignements sur la construction identitaire, veuillez consulter le Curriculum éducatif, chapitre
« Approche pédagogique éclectique », section sur l’identité culturelle et linguistique, p. 21 à 26.
Il n’y a aucune place pour l’impatience, la froideur, la
rudesse ou l’indifférence dans les relations et les interactions de l’éducatrice avec le bébé et le trottineur.
Rôle de l’éducatrice
L’éducatrice joue un rôle clé dans la construction identitaire du bébé et du trottineur ainsi que dans leur sentiment d’appartenance à sa langue et à sa culture. Étant donné le langage expressif encore limité du bébé et du trottineur, on pourrait croire qu’un modèle de langage simple avec un vocabulaire restreint est suffisant. Mais, il en est tout
autrement. Pour que les bonnes connexions s’établissent dans le cerveau dès les premières années10, le bébé ou le trottineur doit être exposé à un
vocabulaire riche et à des structures langagières variées. Puisqu’à cet âge, il apprend par imitation et par immersion, l’éducatrice doit elle‐même lui fournir un modèle :
d’un vocabulaire riche;
de structures de phrases à la fois correctes, variées et allant du simple au plus complexe.
Le vocabulaire expressif de l’éducatrice doit inclure non seulement des mots pour nommer les objets (camion, hélicoptère), mais aussi des mots pour nommer les actions (sauter, voler…), les relations (sur, dans…), les déterminants (sa bicyclette, ses jouets…) et les qualificatifs (balle rouge, grosse voiture…). Le bébé ou le trottineur doit également entendre différentes façons de dire les choses, c’est‐à‐dire différentes structures de phrases :
phrase d’affirmation : Le camion est un jouet.
phrase de négation : Marie ne peut pas aller dehors.
phrase d’interrogation : Les jouets sont‐ils dans la boîte rouge ?
Le bébé ou le trottineur doit entendre des phrases avec des propositions et des phrases qui utilisent différents temps de conjugaison. En d’autres mots, il doit profiter d’un véritable
« bain de langage ». De cette façon, les connexions qui favorisent la littératie et le développement du langage s’établissent dans son cerveau dès les premières années de sa vie.
10 Se référer à la section sur les périodes critiques au début de la première partie du présent guide pédagogique.
Le développement du langage est étroitement lié au développement cognitif et au développement socioaffectif11. Le bébé ou le trottineur sera motivé à parler des sujets qui l’intéressent et qui sont dans son environnement immédiat. Il voudra connaître les mots pour exprimer ses obser‐
vations, ses idées et ses besoins. Le langage est un outil de communication. Il sera motivé à parler si l’éducatrice l’écoute et si elle démontre un intérêt dans ce qu’il dit. Il sera également motivé lorsque l’éducatrice discutera avec lui des sujets qui l’intéressent.
11 Voir le Curriculum éducatif pour les services de garde francophones (2008) : « Le but du Curriculum éducatif est de favoriser le développement dynamique, holistique et harmonieux des enfants de la naissance à quatre ans, en tenant compte à la fois de leurs besoins comme êtres uniques et comme êtres sociaux » p. 1, chapitre
« Orientation du Curriculum éducatif ». Le lien entre les domaines de développement et l’impact d’un domaine sur les autres constitue l’aspect dynamique du développement.
Cependant…
Il faut cependant bien s’entendre. Il ne s’agit pas pour l’éducatrice de parler sans arrêt. Elle doit parler au bébé ou au trottineur à des moments appropriés, avec un débit assez lent et agréable, en laissant des pauses pendant lesquelles il peut réagir, même s’il ne parle pas encore.
Grandes étapes du développement langagier
Dès la naissance
Le bébé s’exprime par des pleurs et des cris. L’éducatrice reconnaît rapidement les besoins du bébé selon l’intensité et la tonalité de ses pleurs. Lorsque l’éducatrice répond aux besoins du bébé, elle soutient à la fois ses efforts de communication et son besoin de sécurité et d’attachement.
Le bébé reconnaît que ce qu’il veut com‐
muniquer a été compris. Il se sent rassuré parce que l’éducatrice à répondu à ses besoins. Lorsqu’elle parle au bébé, l’éducatrice nomme les objets de l’envi‐
ronnement. Elle décrit ce qu’elle fait lorsqu’elle prend soin de lui.
À partir de
deux mois
Le bébé gazouille. Il émet des sons avec sa gorge et sa bouche.
L’éducatrice peut alors l’imiter et chacun gazouille à tour de rôle. Elle peut aussi lui présenter des sons différents, sans exiger que le bébé l’imite avec exactitude. Le bébé apprend à faire différents sons (qui deviendront plus tard des mots) et à prendre son tour dans un échange verbal.
Vers six mois
Le bébé commence à former des syllabes simples comme « mama »,
« baba », « dada ». C’est la période du babillage. Au début, ces sons n’ont pas de signification précise. L’éducatrice peut aider le bébé à leur donner une signification en lui montrant les objets dans son entourage et en les nommant. Le bébé finira par associer certains sons à des objets précis.
«Bou » deviendra bientôt « bouteille ».
Entre six et 12
mois
Le bébé passe graduellement du babillage à un langage qui lui est propre.
Il produit des sons et des suites de sons, lesquels ne sont souvent compris que par ses proches. L’éducatrice stimule le langage en portant attention aux productions verbales du bébé et en y répondant. Elle fournit le vocabulaire précis et les structures de phrases correctes.
Vers un an
La plupart des bébés peuvent reproduire les sons‐voyelles12. Ils peuvent déjà articuler plusieurs mots. Ils associent ces mots à un sens. Le bébé comprend le sens des mots (vocabulaire réceptif) avant de pouvoir les prononcer (vocabulaire expressif). Il peut suivre des directives simples : « Donne‐moi le camion ». L’éducatrice peut soutenir le développement langagier en nommant les objets de l’entourage, en les décrivant (le camion rouge, la grosse pomme) et en commentant les actions du bébé et des autres personnes. Elle utilisera des phrases claires et naturelles. Elle aura soin de ne pas entrecouper ses phrases de façon artificielle. (Dire :
« Regarde la grosse pomme rouge. », plutôt que : « C’est une pomme. La pomme est grosse. La pomme est rouge. »).
Vers 18 mois
Vers 18 mois, le bébé reproduit les sons‐consonnes :
« p », « b », « m ». À partir de ce moment, il se produit une période intense de développement langagier. Le bébé ou le trottineur veut apprendre les mots et il veut communiquer. L’éducatrice en profite pour l’exposer à du vocabulaire dans un cadre authentique et signifiant. Elle lui parle de ce qu’il fait, de ce qu’il voit, de ce qu’il entend, de ce qu’il goûte et de ce qu’il sent. Elle lui décrit le monde qui l’entoure. Sans le reprendre ou le corriger, elle reformule et complète ce qu’il dit. S’il dit : « Lait » elle répond :
« Tu veux du lait ? ». Il se peut parfois qu’elle ne comprenne pas bien ce qu’il dit. Ce n’est pas grave. Il aura tôt fait de corriger le tir. Au moyen de tous les échanges verbaux qui ont lieu, l’éducatrice aide le bébé ou le trottineur à construire sa pensée, son langage et sa compréhension du monde.
12 Les sons‐voyelles sont : a, o, u, i, ou, é, è. La progression des sons‐voyelles et des sons‐consonnes citée dans le tableau provient deToupin‐Rochon, C. (1980). Parlécoute. Université de Moncton : Centre de ressources
pédagogiques.
P B M
Vers deux ans
Le bébé ou le trottineur peut reproduire les sons‐consonnes : « l », « t », « n »,
« k », « g », « gn ». Il apprend de nouveaux mots et maîtrise progres‐
sivement les conventions13 du langage.
L’éducatrice soutient le développement langagier lorsqu’elle :
précise et formule le message du bébé ou du trottineur dans un contexte naturel et authen‐
tique;
lui fournit des mots nouveaux et des structures de phrases un peu plus complexes;
se sert de livres pour lui présenter des mots, des idées et des expériences nouvelles.
Vers trois ans
Le trottineur peut reproduire les sons‐consonnes
« f » et « v ». Il découvre le plaisir d’employer des mots dans le bon contexte. Il s’aperçoit de plus en plus qu’en parlant, il peut tout faire exister, même des histoires invraisemblables. À trois ans, il com‐
prend les questions : Qui ? Où ? Comment ? Il sait différencier les couleurs les unes des autres, le grand du petit, le près du loin, etc. Il utilise le pronom personnel « moi » et conjugue des verbes.
13 Les conventions du langage comprennent les habiletés suivantes : attendre chacun son tour pour parler, laisser celui qui parle terminer sa phrase, regarder souvent la personne à qui l’on parle…
L T N K G GN
F v
Interventions exemplaires en développement langagier
L’éducatrice peut soutenir le développement langagier par des interventions telles que celles‐ci :
L’éducatrice est un modèle langagier pour le bébé ou le trottineur. Elle lui raconte ou lui lit des histoires. Ces activités éducatives facilitent l’apprentissage de nouveaux mots, lui procurent l’occasion de se familiariser avec les sonorités et les structures de la langue française et enrichissent son bagage d’expériences.
L’éducatrice connaît et reconnaît les étapes du développement du langage13. Elle sait enrichir le vocabulaire du bébé ou du trottineur et elle lui fournit le matériel et les activités d'enca‐
drement nécessaires pour assurer ses progrès.
L’éducatrice profite des occasions naturelles et spon‐
tanées qui se présentent au cours de la journée pour exposer le bébé ou le trottineur à des formules langagières de circonstance. Par exemple :
– l’arrivée le matin : pour lui montrer comment accueillir les personnes et comment entrer en communication avec elles;
– la période de la collation : pour lui montrer comment poser des questions et comment décrire un aliment ou un objet;
– une activité éducative : pour l’habituer à faire connaître ses préférences et ses besoins.
L’éducatrice répond au message du bébé ou du trottineur plutôt que de corriger sa prononciation ou sa grammaire. Sa réponse constitue un modèle langagier approprié. Par exemple, si le bébé ou le trottineur dit :
« C’est comme ça qu’on fait pas une étoile ». L’éducatrice répondra tout naturellement : « Tu as raison. Ce n’est pas comme ça qu’on fait une étoile ».
13 Voir la section précédente sur les Grandes étapes du développement langagier.
Autres interventions de nature plus générale
De façon générale :
Parlez avec le bébé ou le trottineur, même très jeune ! Un bébé ou un trottineur qui grandit dans un environnement riche en langage maîtrisera plus aisément le vocabulaire et
les règles de sa langue maternelle.
Ne monopolisez pas toute la conversation lorsque vous parlez avec le bébé ou le trottineur. Laissez des pauses et des temps pour qu’il « réponde » même
s’il ne parle pas encore.
Lorsque le bébé babille, répétez ce qu’il dit. Puis faites une pause pour lui per‐
mettre de réagir. Cela lui fait
prendre conscience du rythme d’une conversation.
Pour piquer la curiosité du bébé ou du trottineur, parlez‐lui de temps en temps à voix chuchotée ou à grosse voix « comme l’ours dans l’his‐
toire ».
Parlez‐lui de ce qu'il fait ou racontez‐lui ce que vous êtes en train de faire.
Chantez‐lui des chansons ou racontez‐lui des histoires. S’il le désire, reprenez la même chanson ou la même histoire plusieurs fois.
Ne corrigez pas systématiquement le bébé ou le trottineur lorsqu'il prononce incorrectement certains mots. Mais, dans votre réponse, reprenez naturellement la forme correcte des mots prononcés incorrectement.
En étant consciente des besoins langagiers du bébé ou du trottineur du Nouveau‐Brunswick ou de parent
ayant droit, l’éducatrice reconnaît l’importance de son propre rôle dans le développement du langage14 et dans le choix des interventions pédagogiques les plus exemplaires dans ce domaine.
14 L’éducatrice pourra trouver d’autres informations dans le Curriculum éducatif des services de garde
francophones du Nouveau‐Brunswick (2008), chapitre « Interventions pédagogiques exemplaires », pages 14 à 17.
Ah ! Moi, j’ai beaucoup de peine, Car j’ai percé ma mitaine Je demande à ma marraine S’il lui reste un bout de laine.
Sentiment d’appartenance linguistique et culturelle
Voici quelques suggestions pour développer un sentiment d’appartenance linguistique et culturelle chez le bébé et le trottineur. L’éducatrice peut :
Démontrer sa propre fierté de sa langue en faisant un effort pour la parler le plus correctement possible.
Souligner les progrès langagiers du bébé ou du trottineur et les célébrer avec lui.
Choisir des berceuses, des chansons et des comptines traditionnelles appartenant à la culture francophone du Nouveau‐Brunswick.
Je fais un bonhomme de neige, Son nez, c’est une carotte.
Ah! Mon pauvre chien grelotte!
Mettons‐lui une carotte15.
15 Les comptines citées proviennent du livre Saute, saute, c’est la fête de l’auteure Claudette Bourgeois‐Richard.
Éditions Boucle d’or Acadie, 2001.
Chat, Chat, Moustacha Maman est dans sa cachette
Qui tricote des chaussettes Pour tous ses enfants chats.
Chat, Chat, Moustacha Bois du lait, mange ta soupe,
Si tu lèches la soucoupe Tu deviendras grand
Suggestions pour développer un sentiment d’appartenance linguistique et culturelle (suite)
Faire écouter des chansons, des comptines et de la musique instrumentale contem‐
poraine interprétées par des artistes francophones du Nouveau‐Brunswick et d’ailleurs.
Ajouter des éléments de la culture francophone et acadienne dans le décor de la garderie (l’étoile de mer, des images de la mer ou de la forêt, des animaux de chez nous, des peintures ou des sculptures d’artistes locaux).
Organiser des activités spéciales pour souligner des évènements qui se rapportent à la culture et à la langue (Exemples : Afficher quelques images des Noël d’antan pendant la période des fêtes, faire flotter le drapeau acadien devant la garderie pendant le mois d’août, expliquer les affiches du festival d’été ou du carnaval d’hiver de la communauté francophone…).
Participer aux activités communautaires qui se déroulent en français. Inviter le parent à accom‐
pagner son bébé ou son trottineur à ces activités.
Du 14 au 20 février Parc municipal Fête des neiges
de St‐André
G ESTION DU COMPORTEMENT
Chez le bébé et le trottineur, les comportements indésirables résul‐
tent :
d’un malaise ressenti : fatigue, frustration, stress, peur…
d’un manque de moyens pour s’exprimer
d’un manque de moyens pour gérer ses sentiments
Le bébé ou le trottineur exprime ses malaises par des cris, des pleurs ou de
l’agitation. C’est en interprétant ses actions et ses réactions et en y répondant de manière positive que l’éducatrice l’aide à les contrôler. Cela
fait partie de l’acquisition de l’autorégulation.
Quatre situations retiennent surtout l’attention de l’éducatrice en matière de gestion du comportement :
• le bébé ou le trottineur qui pleure;
• celui qui a des comportements agressifs;
• celui qui mord;
• celui qui pique des crises de colère.
L’éducatrice guide graduellement le bébé ou le trottineur dans l’acquisition de com‐
portements acceptables par une approche positive lorsqu’elle :
a des attentes réalistes par rapport à son comportement
l’aide à s’autocontrôler de façon respectueuse en s’assurant de ne pas le blesser dans son estime de soi
Le b é b é ou le trottineur qui pleure
Pleurer est un moyen de communiquer. Le bébé ou le trottineur pleure pour différentes raisons. Il pleure parce qu’il a faim ou parce qu’il a soif, parce qu’il est fatigué ou parce qu’il a besoin d’être changé, parce qu’il a trop froid ou trop chaud. En résumé, il pleure pour dire qu’il a besoin de quelqu’un ou de quelque chose.
Par le passé, l’éducatrice hésitait à s’occuper trop vite d’un bébé ou d’un trottineur en pleurs. Elle avait peur de le « gâter ».
Cependant, c’est plutôt le contraire qui se produit. Quand l’éducatrice répond aux besoins du bébé ou du trottineur qui pleure, ce dernier pleure moins longtemps et moins souvent16. De plus, lorsque l’éducatrice répond promptement aux besoins et de façon prévisible, le bébé ou le trottineur développe un lien de confiance avec elle. À son tour, la confiance facilite le
développement d’un schème d’attachement sécurisé18 qui invite le
bébé ou le trottineur à explorer son monde en toute sécurité. En résumé, la meilleure réponse aux pleurs du bébé ou du trottineur est de le prendre dans ses bras, de le consoler et de répondre à ses besoins19.
16 Bell, S.M. et M.D.S. Ainsworth (1972). Infant crying and maternal responsiveness. Child Development, p. 43, 1171‐1190.
18 Consultez le chapitre sur les « Fondements théoriques du Curriculum éducatif », p. 5, Curriculum éducatif (2008).
Consultez également toute la section sur l’attachement, p. 4 à 11 dans ce même chapitre.
19 Jones, S. (1992). Crying baby, sleepless night. New York : Warner.
Parfois, l’éducatrice ne peut pas répondre immédiatement aux besoins du bébé ou du trottineur. Les quelques suggestions qui suivent peuvent
contribuer à le faire patienter.
Une tâche empêche l’éducatrice de répondre immédiatement aux besoins du bébé ou du trottineur. Dans cette situation, elle s’approche de lui et lui parle doucement.
Le fait de voir le visage de l’éducatrice et d’entendre sa voix le rassure. L’éducatrice lui explique pourquoi il lui faut attendre. Elle le rassure en lui disant qu’elle s’occu‐
pera bientôt de lui. « J’ai presque fini de donner le biberon à Joanne. Ensuite, ce sera ton tour ».
Parfois, pour un trottineur qui peut se déplacer seul, la simple présence de l’éducatrice est rassurante. Le trot‐
tineur peut toucher l’éducatrice, la tenir par la main, par la jambe ou simplement par ses vêtements en attendant que celle‐ci soit disponible pour l’aider.
Un jouet préféré ou un objet favori peut aider le bébé ou le trottineur à se calmer, à se sécuriser et à attendre son tour pour obtenir l’attention et l’aide de l’éducatrice.
Le parent peut faire part à l’éducatrice des « trucs » qu’il utilise avec succès à la maison pour calmer et rassurer le bébé ou le trottineur. Il peut aussi informer l’éducatrice des comportements que le bébé ou le trottineur utilise pour gérer ses propres émotions.
L’éducatrice doit garder son calme. Quand elle devient stressée ou inquiète, sa voix et ses gestes trahissent son état émotif et le bébé ou le trottineur est porté à se troubler davantage.
Pleurer est une réaction normale. Les larmes seront bientôt chose du passé en autant que l’éducatrice réponde aux besoins du bébé ou du trottineur sans trop de délai.
L’éducatrice doit garder son calme.
Quand elle devient stressée ou inquiète, sa voix et ses gestes trahissent son état émotif et le bébé ou le trottineur est porté à se troubler
davantage.
Le bébé ou le trottineur qui a des comportements agressifs
Le bébé ou le trottineur ne choisit pas d’être agressif. D’après les recherches les plus récentes, l’agressivité peut être liée à des facteurs d’ordre génétique, physio‐
logique ou neurologique, présents dès la petite enfance et même pendant la grossesse. Par exemple, les complications à la naissance et le tabagisme pendant la grossesse constituent un plus grand risque de comportements agressifs chez le bébé ou le trottineur. D’autres facteurs d’ordre social peuvent aussi entrer en jeu telles les pratiques
disciplinaires parentales20. Par conséquent, l’éducatrice devra interpréter l’agressivité du bébé ou du trottineur dans son contexte.
Une étude démontre que « les enfants à risque peuvent davantage contrôler leur agression physique en vieillissant s’ils ont bénéficié de services de garde avant l’âge de neuf mois, plutôt qu’uniquement de soins maternels21».
Ces réactions sont tout à fait naturelles. Elles font partie de l’arsenal des moyens dont dispose le bébé ou le trottineur pour se défendre. D’ailleurs, la recherche démontre que les comportements
agressifs diminuent au fur et à mesure que le bébé ou le trottineur acquiert une plus grande maturité sociale et une plus grande maîtrise du langage21. Cela, à condition qu’il se rende compte
que ses comportements inappropriés ne donnent pas les résultats voulus et que d’autres comportements plus appropriés lui permettent d’atteindre ses objectifs.
« Les (bébés) expriment violemment leur colère très tôt après la naissance. Avant l’âge d’un an, leur coordination est suffisamment bien développée pour leur permettre de frapper, mordre et donner des coups de pied. Dès l’âge de trois ans, ils sont capables de commettre un large éventail d’agressions physiques. Chez la plupart, le recours à l’agression commence à diminuer vers deux ou trois ans, soit à partir du moment où ils apprennent à maîtriser leurs émotions,
à communiquer par le langage et à exprimer leurs frustrations de manière plus constructive »23.
20 « Synthèse sur l’agressivité », page i. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants. Révisée le 6 octobre 2009. Consulté en ligne le 11 octobre 2010.
21 « Les services de garde forment la jeunesse ». Article paru dans le Bulletin du Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants, Volume 7, no 2, décembre 2008. Cette étude de cinq ans à été réalisée au Québec.
21 Idem.
23 Tremblay, R. E., Gervais, J. et Petitclerc, A. (2008). « Prévenir la violence par l’apprentissage à la petite enfance ».
Montréal, (QC). Centre d’excellence pour le développement des jeunes enfants, 2008; 32 pages.
Le bébé ou le trottineur utilise parfois des moyens agressifs (mordre, frapper…) pour exprimer son inconfort ou son désaccord. Il les utilise à défaut d’autres moyens plus
socialement acceptables qu’il n’a pas encore maîtrisés, par exemple le langage.
Frapper
donner des coups de pied, mordre, pousser, tirer, bousculer, lancer des objets… sont toutes des
formes d’agression physique.
Rôle de l’éducatrice
Il est important pour l’éducatrice d’intervenir de façon appropriée dès les premières apparitions de comportements agressifs pour les diminuer et les remplacer par des compor‐
tements prosociaux24. Toutefois, elle doit le faire sans juger ou étiqueter le bébé ou le trottineur. La diminution des compor‐
tements agressifs est proportionnelle :
à la maîtrise des émotions;
au développement du langage;
à l’apprentissage de moyens d’expression de la frustration appropriés.
Les premières années sont d’une importance capitale pour le développement des bases de la socialisation telles que le partage, le compromis, la collaboration et la communication. Ces habiletés diminuent les comportements agressifs. C’est donc au dévelop‐
pement de ces habiletés que l’éducatrice consacrera davantage de temps.
« La période de la petite enfance (incluant celle des nourrissons25 et des trottineurs) semble être
la meilleure période pour apprendre les alternatives à l’agressivité physique26 ».
24 Consultez l’objectif 4, page 18, chapitre « Développement holistique » dans le Curriculum éducatif pour les services de garde francophones (2008).
25 « Nourrissons » est synonyme de « bébés » dans le présent texte.
26 Synthèse sur l’agressivité, page ii. Encyclopédie sur le développement des jeunes enfants. Révisée le 6 octobre 2009. Consulté en ligne le 11 octobre 2010.
Pistes d’interventions pédagogiques pour diminuer l’agression
Deux pistes d’interventions pédagogiques sont conseillées pour diminuer l’agression chez le bébé ou le trottineur : le développement du langage et le développement des habiletés sociales.
Développement du langage
Les expériences vécues par le bébé ou le trottineur suscitent chez lui des émo‐
tions. Il est parfois excité, parfois triste, parfois frustré, etc. Il peut avoir peur ou être en colère. Il peut ressentir la faim, la fatigue, un besoin d’atten‐
tion, de sécurité ou d’affection…
Ses moyens d’expression sont res‐
treints par sa maîtrise limitée du langage. Il s’en remet donc à une expression plus physique qui est souvent agressive. Il doit apprendre d’autres manières d’exprimer ses besoins, ses sentiments ou sa frustration, par exemple :
• nommer ce qu’il ressent
• faire comprendre ses besoins
• verbaliser sa frustration
L’éducatrice soutient le développement langagier par différents moyens (voir la section sur les interventions exemplaires en développement langagier26). Elle fournit le vocabulaire nécessaire pour que le bébé ou le trottineur puisse exprimer ses besoins et ses émotions. Elle l’encourage à s’exprimer verbalement plutôt que physiquement en écoutant attenti‐
vement ses efforts de communication même si, au début, ceux‐ci peuvent être limités et incohérents. Elle le félicite d’en parler lorsqu’il dit qu’il n’aime plus son ami parce que celui‐ci a pris son camion, plutôt que de le frapper ou de lui enlever le camion de force.
26 Dans le présent guide, la section sur les « Interventions exemplaires en développement langagier » fait suite à celle portant sur les « Grandes étapes du développement langagier ». Vous trouverez d’autres interventions pour le bébé et le trottineur dans le Curriculum éducatif, p. 14 à 17, chapitre sur les « Interventions pédagogiques exemplaires ».