A NNALES MATHÉMATIQUES B LAISE P ASCAL
A NNE -M ARIE T RÉGUIER
Modélisation numérique pour l’océanographie physique
Annales mathématiques Blaise Pascal, tome 9, no2 (2002), p. 345-361
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Modélisation numérique pour l’océanographie physique
Anne Marie Tréguier
ANNALES MATHEMATIQUES BLAISE PASCAL 9, 345-361 (2002)
Résumé
Cet article est une très brève revue de la modélisation
océanique.
Les différentes classes de modèles sont
évoquées
dans un contextehistorique.
En ce qui concerne les modèlesquasi-bidimensionnels,
. une évolution s’est
produite
au niveau des conceptsqui
a conduit audéveloppement
d’une nouvelle classe de modèles(dynamique
des con-tours).
En cequi
concerne les modèles tri-dimensionnels auxequations
primitives, seul leproblème particulier
desparamétrisations
est abordéici. Les nouvelles
paramétrisations
des tourbillons sontprésentées
demanière
synthétique
à l’aide du formalisme du tenseur demélange
local.
1
Introduction
Cet
exposé
est uneprésentation
trèspartielle
de la modélisationocéanique,
dont le but est de donner au lecteur non familier avec ce domaine
quelques
clés et références pour aborder les avancées
scientifiques
récentes.1.1
Rappels historiques
En ce
qui
concerne la modélisationnumérique,
tout comme pourbeaucoup d’aspects
de laphysique,
lesdéveloppements
enmétéorologie
ontprécédé
ceux en
océanographie.
On attribue aumétéorologue V.Bjerknes
l’idée de laprévision
météo(dès 1904) :
connaissant l’état du fluide(masse
etvitesses)
à l’instant t, on peut déterminer les états suivants en résolvant les
équations hydrodynamiques.
L’histoire de la modélisation enmétéorologie
commenceavec L. F.
Richardson, qui
tenta lepremier
deprévoir
un état ultérieur del’atmosphère
àpartir
d’observations de l’état actuel et deséquations
de ladynamique
des fluides.Richardson réalisa sa
première prévision
alorsqu’il
se trouvait en Eu-rope
pendant
lapremière
guerre mondiale. Le résultat fut désastreux: uneprévision
d’unchangement
depression
de surface de 145 hPa en 6heures,
complètement impossible.
Richardsonpublia cependant
ce résultat dans unlivre
plein
d’intuitions[25], qui
fut hélaslongtemps ignoré compte
tenu de la mauvaisequalité
de lapremière application numérique. Lynch [18]
a récem-ment refait le calcul de Richardson en utilisant les mêmes données de base
(et
unordinateur!);
il a montré que l’erreur deprévision
était dûe à la combi- naison de la mauvaisequalité
des données et de l’existence dansl’atmosphère
de modes
rapides (les
ondes degravité). Aujourd’hui,
les donnéesqui
serventà la
prévision
météo sont filtrées par uneprocédure
que l’onappelle
"initiali- sation" pour contrôler la dérivéetemporelle
des modesrapides
audémarrage
du modèle. En
appliquant
cetteprocédure
aux données deRichardson,
P.Lynch
trouve des résultats tout à fait réalistes[18], http://www.maths.tcd.ie/ plynch/.
Dans les années 30 et
40,
desprogrès
essentiels furentaccomplis
d’unepart
en
analyse numérique
et d’autrepart
dans lacompréhension
de ladynamique
des
grandes
échellesatmosphériques (introduction
parRossby
dusystème d’équations quasi-géostrophiques).
Cesprogrès
ont rendupossible
le succèsde la
première prévision météorologique numérique
effectuée en 1950 parCharney, Fjortoft
et Von Neumann à l’aide de l’ordinateur ENIAC installé à l’université de Princeton. Laprévision
fut réalisée enintégrant
dans le tempsl’équation quasigéostrophique
de la vorticitébarotrope,
afin dereprésenter
l’évolution du
champ
depression
à 500 millibars.Le
premier
modèleocéanique
de circulationgénérale,
utilisant leséqua-
tions
primitives,
a été écrit en 1969 par K.Bryan (Geophysical
FluidDy-
namics
Laboratory,
à l’université dePrinceton).
Du fait despossibilités
limitées des
ordinateurs,
lespremières
simulations ontporté
sur des por- tions de bassinsocéaniques uniquement.
Unexemple
est l’étude du courantAntarctique Circumpolaire
dans unegéométrie
idéalisée[11].
La résolutiondu modèle était de l’ordre de 1° de latitude et de
longitude
et le nombre depoints
degrille
20 x 30 x 8 niveaux. Puis lespremières
simulations de l’océan mondial à faible résolution ont été réalisées. Le modèle de K.Bryan
était re-marquable
à bien deségards,
et presque tous les modèles utilisés actuellement dans le cadre de laprévision climatique
sont basés sur les mêmeséquations,
etle même type
d’approximations
en différences finies respectant despropriétés
essentielles de conservation de la masse, de la
quantité
de mouvement et del’énergie.
Un"petit-fils"
du modèle deBryan
est actuellement utilisé pourcalculer la circulation de l’océan mondial sur une
grille
de 3600 x 2440 x 45points.
Ceprojet
Américain utilise 500 processeurs sur une machine scalaireparallèle.
1.2
Difficulté du problème
Le recours à la modélisation
numérique
est nécessaire enmécanique
des flu-ides en
général,
car leséquations
sont non linéaires et les interactions en- tre échellesimportantes.
Ce dernierpoint
estparticulièrement
crucial dans l’océanpuisque
les circulations à l’échelleplanétaire (des
milliers de kilo-mètres) intéragissent
fortement avec lemélange
vertical(échelles
dequelques centimètres).
Bien quenon-linéaire,
l’océan est avant tout unsystème
forcépar
l’atmosphère. Cependant
cela nesimplifie
pas le calcul des solutions car lesforçages (vent,
flux dechaleur, glace, évaporation-précipitation)
sont trèsvariables dans le temps et dans
l’espace,
et des non-linéaritésapparaissent
dans
l’expression
des flux des surface.Enfin,
lagéométrie
des côtes et de latopographie (bathymétrie)
du fond de l’océan sont trèscomplexes.
Malgré
les similarités entre lesenveloppes
fluides de notreplanète,
deuxéléments rendent la modélisation de l’océan
beaucoup plus complexe
et coû-teuse que celle de
l’atmosphère. Premièrement,
le caractère fermé des bassinsocéaniques
rendpossible
l’existence de courants de bord.Deuxièmement,
l’océan est très
grand
par rapport à l’échellespatiale
fondamentalequ’est
lerayon de déformation
(1000
km dansl’atmosphère,
et 30 km environ dansl’océan).
Or les mouvements à l’échelle du rayon de déformation sont ceuxqui
contiennent leplus d’énergie,
et leur effet sur l’écoulementgrande
échelleest difficilement
paramétrisable. Donc,
lesprogrès
leplus importants
desmodèles d’océan ces 30 dernières années sont dûs à
l’augmentation
de lapuissance
des calculateursqui
a renduepossible
des modèles degrande
em-prise (globaux
ou debassin)
à une résolution deplus
enplus
élevée.1.3
Classes de modèles
Les modèles se
distinguent
d’abord par leursystème d’équations, puis
leurdiscrétisation. Les
équations quasi-géostrophiques
ontpermis
lespremières
études de la turbulence
océanique
d’échelle moyenne dans les années 1970.Ces
équations
sonttoujours
la base de la modélisation de la turbulencegéostrophique, quoique
dessystèmes d’équations plus précis ("Modèles
in-termédiaires" )
soientdéveloppés [6].
La
plupart
des modèles d’océan utilisent comme[5]
leséquations primi-
tives
(Equations
de Navier-Stokes en fluidestratifié,
avecapproximation hy- drostatique
et deBoussinesq).
Les variantes lesplus importantes (en
termed’utilisation au sein de la
communauté)
concernent lesystème
de coordonnées verticales. Onpeut
classer les modèles en trois familles:1. Modèles en coordonnée verticale "z"
[5].
2. Modèles en
coordonnée "sigma"
telle que latopographie
du fond con-stitue une
ligne
de coordonnées[4] ; [14].
Cette deuxième famille est laplus répandue
dans les modèles côtiers.3. Modèles en coordonnées
isopycnes [3],
etplus
récemmenthybrides
entrecoordonnées
isopycnes
et "z"[2].
Il n’est pas
possible
de décrire ici en détail ces différentescatégories
demodèles. Des
présentations complètes
sontdisponibles
dans le livre de Haid-vogel
et Beckmann[14]
ou un article de revue duWorking Group
on OceanModel
Development [13].
Dans la suite del’exposé,
nous aborderons la mod- élisationbidimensionnelle, qui
a été source dedéveloppements algorithmiques originaux,
et laparamétrisation
des échelles sous mailles dans les midèles declimat, qui
est un domaine de recherche très actif.2
Modélisation quasi-bidimensionnelle
Dans les années
1970,
les ressourcesinformatiques
nepermettaient
pas d’étud-ier
numériquement
la turbulenceocéanique
d’échelle moyenne en trois dimen- sions. Lesocéanographes
ont donc tiréparti
de l’essencequasi-bidimensionnelle
de cette
turbulence,
endéveloppant
des modèlesidéalisés,
lesplus
courantsétant basés sur les
équations quasigéostrophiques.
ceséquations (et
mod-èles
correspondants)
constituent un laboratoireremarquable
pour l’étude desphénomènes
non linéaires et le test de nouvellesapproches (notamment
lesmodèles
stochastiques [12].
2.1
Turbulence bidimensionnelle
etcascade inverse L’équation
de la continuité est dans le cas bidimensionnel~u ~x + ~v ~y = 0,
c’est à dire que l’écoulement est non
divergent.
Il existe une fonction couranttelle que u = et v =
~03C8/~x (u
et v sont les vitesseshorizontales).
L’équation
d’évolution est:at
+J(~~~+f) = F
~( 2.1 )
où
f
=f o + (3y
est leparamètre
de Coriolis et(3
sa variation en fonction de la latitudey, ( =
est la vorticitérelative,
J lejacobien
et F les forces deforçage
et de frottement. L’étude peut se situer dans un domainepériodique.
La conservation de
l’enstrophie
Z(carré
de la vorticitéintégré
sur lesomaine)
entraîne pour l’écoulement bidimensionnel despropriétés
très dif-férentes de celles de la turbulence tridimensionnelle
[15], [1].
Dans la tur-bulence tridimensionnelle
l’énergie
tend à allersystématiquement
vers lespetites échelles, jusqu’à
l’échelle moléculaire oùl’énergie
estdissipée.
Dansla turbulence bidimensionnelle une telle cascade est
impossible,
car le trans-fert d’une
quantité d’énergie
bE du nombre d’onde K =ko
à un nombred’onde
supérieur,
parexemple K
=2ko,
conduit à uneaugmentation
del’enstrophie
d’un facteur 4. La conservation del’enstrophie exige
donc que tout transfertd’energie
vers lespetites
échelles soitaccompagné
d’un trans-fert
plus grand
en sens inverse. Le résultat est une cascaded’énergie
vers lesgrandes échelles,
dite aussi "cascade inverse" car elle s’effectue dans le sensopposé
de la cascade turbulente en trois dimensions.Les
premières
modélisationsnumériques
d’un océanquasi-géostrophique
ont été rendues
possibles
par ledéveloppement
du modèlenumérique pseudo- spectral [21].
Ce modèle à rendupossible
l’illustration par Rhines[24]
dela cascade vers les
grandes
échelles et de son arrêt par l’effet(3.
L’étudenumérique
de cesystème
sepoursuit
enatteignant
des résolutionsspatiales beaucoup plus
fines[20].
2.2
Modélisation numérique des
structurescohérentes.
Depuis
les années 1990l’emphase
passe de la cascade(espace spectral)
àl’espace physique (dynamique
des tourbillons cohérents et de leursfilaments).
Les méthodes
numériques spectrales
ne sont pas les mieuxadaptées
à cesétudes
[17].
Une famille de méthodes a étéproposée
par Dritschel[8]:
ils’agit
de la méthode dedynamique
de contours. Dans cetteméthode,
on nediscrétise pas un
champ
tourbillonnaire sur unegrille
mais par des contours de vorticité. Ces contours sont advectés par lechamp
de vitesse à l’instant t;on en déduit un nouveau
champ
de vitesse à l’instantt + dt;
d’où un nouveauchamp
de fonction courant(par
résolution dusystème elliptique qui
relie lafonction courant à la
vorticité)
et devitesse,
et lapossibilité
de continuerl’intégration.
L’inconvénient de la méthode est que comme les contours de vorticité tendent à
s’allonger
pour former des filaments trèsminces,
un nombre depoints
croissant est nécessaire pour continuerl’intégration
du modèle avecune bonne résolution. Pour résoudre ce
problème
Dristchel introduit la"chirurgie" qui
consiste à éliminer les filaments minces et à reconnecter les contours de vorticité. Lachirurgie
est une forme dedissipation.
L’applicabilité
de la méthode repose sur l’invertibilité de lavorticité,
c’està dire la
possibilité
de retrouver lechamp
de vitesse connaissant la vorticité.Pour une extension de ce
problème
en fluide stratifié en trois dimensions il faut considérer la vorticitépotentielle,
dont l’invertibilité est unproblème plus complexe [19].
2.3
Effets de la bathymétrie
Dans le cas
quasi-bidimensionnel
deséquations quasi-géostrophiques,
l’effetde la
bathymétrie (montagnes sous-marines)
est inclus dans le terme non-linéaire
jacobien qui
s’écrit enprésence
detopographie J(03C8,03B6
+f
+f0h/H).
où H est
l’épaisseur
totale de la couched’eau, h(x, y)
la hauteur de labathymétrie,
etf o
lafréquence
de Coriolis.L’introduction de l’effet
topographique
dans un modèlequasigéostrophique
ne
présente
donc aucune difficulténumérique,
mais par contre unegrande
difficulté
mathématique.
L’interaction avec latopographie
a despropriétés
similaires à l’advection non linéaire en ce
qui
concerne la structurespatiale.
Ainsi la
topographie génère
depetites
échelles dans un écoulement initiale- ment àgrande
échelle. Par contre, latopographie
étant constante dans le temps, elle ne peut pasgénérer
de courants moyens(dans
letemps)
àpartir
de fluctuations. Un tel
phénomène, appelé
"rectification" est pourtant trèsimportant
dans l’océan et dans les modèlesnumériques
enprésence
de to-pographie.
C’est un effet indirect de latopographie,
dû en fait à l’advectionnon linéaire de vorticité.
3
Paramétrisations dans les modèles de climat
Du fait de la
disparité
des échellesspatiales
actives dansl’océan,
tous lesmodèles nécessitent des
paramétrisations
sous-maille élaborées. Les solutions sontdépendantes
de cesparamétrisations:
or lesparamétrisations
sont im-parfaites
et mal calibrées du fait de l’insuffisance des mesures dephénomènes
à moyenne et
petite
échelle dans l’océanprofond.
L’amélioration desparamé-
trisations est donc cruciale pour rendre
plus
fiable les modèles declimat, qui
servent notamment à
prédire
l’effet del’augmentation
de la concentration des gaz à effet de serre dansl’atmosphère (problème
du réchauffementglobal).
A la base des
paramétrisations,
il y atoujours
uneprise
en compte del’anisotropie
fondamentale de l’océan. A des échelles dequelques
dizainesde kilomètres et
plus,
les effets de la rotation sontimportants
et rendentl’écoulement
quasi-bidimensionnel.
Les effets de la stratification entempéra-
ture sont sensiblesjusqu’à
des échelles verticales inférieures au mètre. On neretrouve
l’isotropie qu’aux
trèspetites
échelles. Celles ci sontempiriquement
reliées à la diffusivité moléculaire par la relation de
Kolmogorov (étendue
par Batchelor à un traceurpassif) ;
pour latempérature,
cette échelle est de 1 cmet pour la salinité de
quelques
millimètres.L N
203C0(D203BD/~)1/4
où V =
0(10-6)m2s-1
est la viscosité et D =0(10-7)m2s-1
est la diffusion detempérature (la
diffusion de sel est 100 foisplus petite),
et E est le tauxde
dissipation
del’énergie
turbulente(0(10-g)W/kg).
Nous passons en revue ci-dessous
quelques problèmes particuliers
liés auxparamétrisations.
Le lecteur intéressé est invité à consulterl’ouvrage
éditépar
Chassignet
et Verron[7]
3.1
Le mélange vertical dans l’intérieur
La dérivation des
paramétrisations
est basée sur unedécomposition
deReyn-
olds des variables. On définit une moyenne, en
principe
moyenne d’ensemblesur
plusieurs
réalisations de l’écoulementturbulent,
et on pose parexemple
pour la
température
T:T =T +8’.
Il convient de noter que l’on
applique
abusivement ce genre de raison- nement aux mouvements non résolus par la maille des modèlesnumériques
d’océan;
eneffet,
la moyennespatiale
n’est pas un bonopérateur
de moyenne pour unedécomposition
deReynolds
du fait des interactions non-linéaires entre échelles.Les
paramétrisations
sont souvent basées sur unehypothèse
de relation locale entre les flux turbulents et lesgradients
des variables moyennes. Onexprime
parexemple
le flux vertical de fluctuation detempérature:
w8 == -03BA
~T ~z
.
Dans ce cas
l’équation
d’évolution duprofil
moyen detempérature
est:~T ~ ~T
ât 8z
°Lorsque 11,
est constant cetteéquation
est unesimple équation
de diffusion de la chaleur. L’ordre degrandeur
du coefficient r~ est de10-6
à10-4m2s-1
dans l’intérieur de l’océan.Une variation
spatiale
de K estéquivalente
à l’indroduction d’une advec- tion avec une vitessewx =
-~03BA/~z.
Lorsque
r~ est une fonction nonlinéaire décroissante deT,
le terme dediffusion peut
générer
des discontinuités et des "marches" dans leprofil
detempérature .
Dansl’exemple
de lafigure 1,
le coefficient de diffusion estproportionnel
àexp(-(dT/dz)2).
Cet effet a étéremarqué
parPhillips [22],
ou
plus
récemment[26].
Dans les
paramétrisations
courantes, 11, est non seulement une fonction nonlinéaire desgradients
mais mêmeparfois
discontinue(" à seuil" ).
Parexemple
~
Mélange
dans l’intérieurdépendant
du nombre de Richardson: il existeun nombre de Richardson
critique
de 0.25 en dessousduquel
lemélange
devient
important,
alors que lemélange
turbulent n’existe pas pour des nombre de richardsonplus
élevés..
Mélange
par convection:lorsque
de l’eau dense se trouve au dessus d’eaulégère,
parexemple
sous l’action d’un refroidissement ensurface,
des cellules de convection se mettent en
place
ethomogénéisent rapi-
dement le fluide. Ce mécanisme doit être
paramétrisé
dans les modèleshydrostatiques.
Onpeut
le faire enaugmentant
considérablement leEvolution of a tracer
by
the diffusionequation
Figure
1: Profil initial et final pour un traceur solution del’équation
dediffusion en une
dimension,
avec conditions de flux nul en surface et au fond.Le coefficient de diffusion est une fonction
gaussienne
dugradient
de traceur.coefficient de
mélange r~
dès que legradient
vertical de densitéchange
de
signe.
.
Mélange
par double diffusion: cephénomène
seproduit
du fait desdiffusions moléculaires différentes du sel et de la chaleur. Il se
produit
au dela d’un rapport de densité
critique.
3.2
Les couches limites de surface
etde fond
La couche limite de
surface,
ou couchemélangée océanique, joue
un rôlefondamental dans le
couplage
océanatmosphère.
Le modèleclassique
estcelui
d’Ekman, qui représente
la turbulence par une viscosité constante etprédit
une structure enspirale
des courants. Enfait,
la turbulence dans lacouche
mélangée
de surface estcomplexe
et intermittente: saparamétrisation
est
l’objet
d’une recherche trèsactive, trop
riche pour êtreévoquée
ici. Unerevue récente a éé réalisée par W.
Large [16].
Le frottement au fond
joue
un rôle trèsimportant
dans ladissipation
del’énergie cinétique
desgrands
courants. Onreprésente parfois
le frottementau fond par un
opérateur
linéaire: la couche de fond est alorsanalogue
àune couche d’Ekman
classique.
Ilsemble, d’après
les mesures delaboratoire, qu’une
formulationquadratique
soitplus
réaliste. Le choix de l’une ou l’autrene semble pas avoir d’effet
majeur
sur ladynamique.
Dans les modèles tridi- mensionnels le frottement au fond entre sous la forme d’un flux dequantité
de mouvement. La viscosité turbulente est faible dans
l’intérieur,
et la couched’Ekman de fond est très rarement résolue par les
grilles
verticales des mod- èles : il en résulte que les formulations de frottement au fonds’apparentent
en
pratique
à laprescription
d’une forceagissant
dans la dernière couche du modèle.Dans certaines
régions
de l’océan unedynamique particulière
seproduit
au
voisinage
du fond: c’est ladynamique
de l’écoulement des eaux denses forcés dans une mer intérieure ou sur unplateau
continental. Unexemple
est celui de l’eau
méditerranéenne, qui
sort par le détroit de Gibraltar etplonge (car
elle estplus
dense que l’eauAtlantique,
du fait de sa salinitéélevée) jusqu’à
uneprofondeur
de l’ordre de 1000 m. Ce processus est très malreprésenté
dans les modèles actuels[7].
3.3
La paramétrisation du mélange isopycnal
3.3.1
Mélange
des anomalies detempérature
et de selLes
océanographes
saventdepuis longtemps
que lemélange
de masses d’eaupar les tourbillons d’échelle moyennes se fait le
long
de surfacesisopycnes.
Les
premiers
modèles d’océan avaient unmélange
horizontal despropriétés (température
etsalinité).
Dans ce casl’équation
pour latempérature
est~T ~t +
... =
~~
z03BA
03BD~T ~z
+ ~h03BA h~hTKh étant le coefficient de diffusion horizontal et ~v le coefficient de diffusion verticale. On note E =
L’opérateur
de diffusion peut s’écrire~KS~T
avec:
100
avec:
KS = 03BAh
1 0 0
0 0 ~0 1 0 e Î .
On a
rapidement
réalisé que cetype d’opérateur
était une source d’erreurimportante
dans lareprésentation
de l’océan mondial.Depuis
les années 1980[23]
onapplique
donc une rotation locale àl’opérateur
demélange
latéral pour l’orienter lelong
desisopycnes
locaux.p(x,
y, z,t)
étant la densitépotentielle locale,
le nouvelopérateur
s’écrit:03C12z + 03C12y + 03C12x ( - 1)03C1x03C1y ( - 1)03C1x03C1z
Kg =
03BAh 03C12x + 03C12y + 03C12z [(-1)03C1x03C1y 03C12z+03C12x+03C12y (-1)03C1y03C1z].
( - 1)03C1x03C1z ( - 1)03C1y03C1z 03C12x + 03C12y + 03C12z
Il reste dans ce cas à
prescrire
le coefficient de cemélange
Kh; les estima- tions basées sur les observations vont de 100 àplus
de 1000m2s-1 (noter qu’il
y a 7 ordres de
grandeur
de différence avec le coefficient verticalKv!) .
Dansle cas du climat actuel on
peut imaginer
de donner à ce coefficient une struc- turespatiale correspondant
àl’énergie cinétique
mésoéchelle observée par satellite. Onpeut
aussi essayer de relier ce coefficient à descaractéristiques
du
champ
moyensusceptibles,
dans laréalité,
de conditionner l’existence de la turbulence d’échelle moyenne(par exemple,
le cisaillement verticalqui engendre
de l’instabilitébarocline).
.3.3.2 Effet
dynamique
des tourbillons d’échelle moyenneDans les années
1990,
Gent et Mc Williams[9]
ont fait la remarquequ’il
nesuffit pas d’introduire un
mélange ispycne
pourreprésenter
l’effet des tourbil- lons d’échelle moyenne. Prenons pourexemple
un courant degrande
échellebarocliniquement
instable. Le cisaillement vertical de courant estassocié,
pargéostrophie,
à ungradient
horizontal de densité.Or,
ledéveloppement
de laturbulence va avoir pour effet de diminuer le
cisaillement,
et donc"d’aplatir"
le front de densité: cet effet pas
représenté
si lemélange agit uniquement
lelong
desisopycnes.
En se basant sur les
équations moyennées
en coordonnéesisopycnes,
Gentet Mc Williams proposent
d’ajouter
une nouvelleparamétrisation, qui
est for-mulée comme une vitesse d’advection
supplémentaire dépendant
de la pente desisopycnes "moyennes" [10].
Une manière de voir cette nouvelle
paramétrisation
est de considérer le casgénéral
d’un tenseur demélange
local(ici
en deux dimensions y et z poursimplifier;
on suppose donc que la moyenne deReynolds
est une moyenne zonale selon x. Cette situations’applique
dansl’atmosphère
ou dans le casd’un canal
périodique.
La relation locale entre le flux turbulent F et legradient
d’unequantité q
s’écrit:F = ==
-K~q.
En deux
dimensions,
K est une matrice 2 x 2.K =
[ [ Kzy Kyz]. Kzz J
L’approximation classique
consiste à ne conserver que les deux com-posantes
diagonales (coefficient
demélange horizontal)
etKzz (coefficient
de
mélange vertical).
Le cas dumélange isopycnal
consiste en unerotation,
et le tenseur demeure
symétrique.
L’introduction de la
paramétrisation
de Gent et McWilliams,
vue dansce
cadre,
consiste àajouter
unepartie antisymétrique
L au tenseur K:L = [ 0 03B3].
-03B3 0
La relation
flux-gradient
s’écrit pour cettecomposante:
=
-03B3~q ~z
03C9’q’ = 03B3
~q ~y
Donc la
divergence
du flux turbulent Fqui
entre dansl’équation
pour le traceur qmoyenne
est:ce terme
représente
clairement l’advection par unchamp
de vitesse non di-vergent
v* =~03B3/~z
and w* = ~03B3/~y. La composante 03B3 de lapartie
anti-symétrique
du tenseur demélange
est une fonction courant pour la vitesse d’advection.En trois
dimensions,
laparamétrisation proposée
par Gent et Mc Williamspour les vitesses
générées
par les tourbillons s’écrit en fonction desgradients
de la densité
potentielle
moyennep:
u*
= -~ ~z
(03BA~03C1/~x ~03C1/~x)
;v* = -~ ~z(03BA~03C1/~y ~03C1/~z) ;
w * =
- a
+- a (03BA~03C1/~x ~03C1/~z)
.(3.2)
L’introduction de cette
paramétrisation
dans lesmodèles
de climat à basserésolution semble tout à fait nécessaire dans la
région
du courant Antarc-tique circumpolaire;
les effets sontmitigés
dans les autresrégions
de l’océanmondial. En
particulier,
cetteparamétrisation
étant basée sur la théoriede l’instabilité barocline aux latitudes moyennes, il n’est pas nécessairement fondé de
l’appliquer
àl’équateur.
Deplus, l’amplitude
du coefficient ~ associé à cette nouvelleparamétrisation
est encore mal connu. En termesphysiques,
il
représente
le coefficient demélange
de la vorticitépotentielle.
3.4
La viscosité turbulente (mélange de quantité de
mouvement
La viscosité turbulente horizontale est souvent
supposée
avoir la même formeque la viscosité moléculaire. On
ajoute
ainsi unlaplacien
àl’équation
dequantité
de mouvement, parexemple
pour une composante u:~u ~t + ... = 03BDh~2u.
Dans les modèles à basse
résolution,
le coefficient 03BDh est dicté par une con-trainte purement
numérique qui
est celle de résoudre la couche limite de bord ouest. Ainsi pour une résolutionspatiale
8x = 100km, vh
>(8X)3 (3
=18000
m2s-1.
On voit que ce coefficient est au moins d’un ordre degrandeur supérieur
aux estimations dumélange
de traceurs par les tourbillons d’échelle moyenne(plutôt
d’ordre 100 à 1000m2s-1 ).
Les modèles basse résolution sont doncimplémentés
avec un nombre de Prandtl trèsgrand,
que rien nejustifie physiquement.
Il faut noter que dans un modèle en coordonnéessphériques,
pour des raisons desymmétrie l’opérateur
de viscosité devrait avoir une forme différente d’unsimple laplacien [29].
Dans les modèles
quasigéostrophiques,
laparamétrisation
de la viscositése base sur les
propriétés
de la turbulence bidimensionnelle. Dans ce cas, le mécanisme àreprésenter
est celui de la cascaded’enstrophie
vers lespetites
échelles. Pour
représenter
ladissipation d’enstrophie
à l’extrémité du spectresans trop
dissiper d’énergie
aux échelles moyennes, desopérateurs
d’ordreélevé
(laplacien
itéré nfois)
ont été introduits. Il est commode d’utiliser des valeurs élevées de n dans les modèles spectraux, mais on se contente del’opérateur bilaplacien (aussi appelé biharmonique)
dans les modèles aux dif-férences finies. Des formes
plus sophistiquées ayant
lapropriété
de conserverl’énergie
ont étéproposées [28].
Dans le formalisme
quasi-géostrophique
il est aisé de rassembler viscosité et diffusivité sous les forme d’une diffusion de vorticitépotentielle (puisque
l’équation
de base est celle de la vorticitépotentielle).
Diverses études réal- isées à l’aide de modèlesnumériques suggèrent
que les tourbillons d’échelle moyennemélangent
la vorticitépotentielle [27]. Cependant,
on nedispose
pas dans le
système d’équations primitives
d’uneparamétrisation permettant
de simuler cet effet(ce problème
est abordé dansplusieurs
articles du livre édité parChassignet
etVerron, [7].
4
Conclusion
Nous n’avons pas abordé les
algorithmes
et méthodesnumériques
utiliséspour les modèles tridimensionnels d’océan. En
effet,
lesocéanographes
ontjusqu’à présent préféré
des méthodessimples
et peu coûteuses(différences
finies du second
ordre).
La raison fondamentale en estqu’à
coûtégal,
onobtient une solution de meilleure
qualité
en raffinant la mailleplutôt qu’en
utilisant un schéma
plus précis
sur unegrille grossière.
Ceci est vrailorsqu’on
passe de modèles de maille
grossière (100 km)
à des modèles résolvant la turbulence d’échelle moyenne; c’est encore vrailorsqu’on
évolue vers desmodèles de maille fine
( 1 km) qui
permettent dereprésenter
les veines d’eau intenses dans les détroits.Rappelons
que la veine d’eauméditerranéenne, qui
affecte la salinité del’Atlantique
Nord sur des milliers dekilomètres,
ne fait que
quelques
kilomètres delarge
au sortir du détroit de Gibraltar!Le
développement
de méthodesnumériques plus sophistiquées
s’accélèreraprobablement
avec ladisponibilité
de moyens de calculsplus puissants [14].
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treguier@ifremer.fr