Quelques rappels sur la polarisation lin´ eaire
Dans ce chapitre nous rappelons bri` evement le formalisme math´ ematique inh´ erent ` a l’´ etude de la polarisation, en se focalisant plus particuli` erement sur le cas de la polarisation lin´ eaire. Nous pr´ esentons ensuite les diff´ erentes sources de polarisation de la lumi` ere en astrophysique. Dans la derni` ere section, nous revoyons la proc´ edure utilis´ ee afin d’obtenir des mesures po- larim´ etriques ` a partir de donn´ ees observationnelles. Nous avons utilis´ e ces techniques afin de r´ eduire des donn´ ees polarim´ etriques que nous avons obte- nues lors d’une mission d’observation au VLT (Chili) en Mai 2008 et effectu´ ee
`
a l’aide de l’instrument FORS1 (PI : D. Hutsem´ ekers). Ces techniques ont
´ egalement ´ et´ e utilis´ ees afin de pr´ eparer et r´ eduire les donn´ ees obtenues lors d’observations men´ ees au VLT au cours du mois d’octobre 2008 suite ` a une autre demande (PI : B. Borguet) soumise au mois d’avril 2008 (voir Cha- pitre 6).
4.1 Polarisation d’une onde et param` etres de Stokes
Consid´ erons une onde ´ electromagn´ etique transversale se propageant selon une direction donn´ ee (ici − → z ). En g´ en´ eral cette onde est d´ ecrite par l’oscilla- tion de son champ ´ electrique ( − →
E ) dans le plan perpendiculaire ` a la direction de propagation. On d´ ecompose ainsi le champ ´ electrique en :
−
→ E = E
0xcos(ωt − 2πz
λ + δ
x) − → e
x+ E
0ycos(ωt − 2πz
λ + δ
y) − → e
y(4.1)
47
Fig. 4.1 – Ces deux figures repr´ esentent un ´ etat de polarisation donn´ e. La
repr´ esentation de gauche correspond ` a un faisceau polaris´ e lin´ eairement et celle
de droite ` a un faisceau polaris´ e circulairement. On parle de polarisation elliptique
lorsqu’il y a une composition de ces deux ´ etats de polarisation.
o` u t est le temps, ω la pulsation, λ la longueur d’onde et δ
xet δ
yles phases ` a l’origine. On dira ainsi que le champ − →
E a une polarisation lin´ eaire s’il d´ ecrit une droite dans le plan x-y, circulaire s’il d´ ecrit un cercle, et plus g´ en´ eralement elliptique dans le cas d’une composition des deux cas pr´ ec´ edents (Fig. 4.1).
L’´ etat de polarisation d’un faisceau lumineux donn´ e pet ˆ etre exprim´ e sous la forme d’un vecteur de Stokes :
I Q U V
=
E
0x2+ E
0y2E
0x2− E
0y22 E
0xE
0ycos(δ
y− δ
x) 2 E
0xE
0ysin(δ
y− δ
x)
.
Le premier param` etre de Stokes I repr´ esente l’intensit´ e totale de l’onde, les second et troisi` eme param` etres (Q et U ) caract´ erisent sa polarisation lin´ eaire et le dernier param` etre V sa polarisation circulaire. Etant donn´ e que nous nous int´ eressons uniquement ` a la polarisation lin´ eaire, nous supposerons dans la suite que V = 0. Notons ´ egalement qu’on normalise g´ en´ eralement ces param` etres au cas d’une intensit´ e unitaire re¸cue, on d´ efinit ainsi les quantit´ es suivantes :
q = Q/I
u = U/I
`
a partir desquels on peut facilement exprimer des quantit´ es au sens plus physique telles que le degr´ e de polarisation lin´ eaire :
P = (q
2+ u
2)
1/2(4.2)
et l’angle de polarisation (orientation de l’´ elongation maximale du vecteur
´ electrique − →
E dans le plan perpendiculaire ` a la direction de propagation (Fig. 4.1)) :
θ
P ola= 1
2 arctan u q
!
. (4.3)
4.2 Origine de la polarisation en astrophy- sique
Plusieurs m´ ecanismes peuvent ˆ etre ` a l’origine de la polarisation observ´ ee dans les AGNs. Habituellement on distingue la polarisation intrins` eque, pro- duite lors du processus d’´ emission du photon, de la polarisation extrins` eque produite par diffusion des photons dans des milieux particuliers. En astro- physique, on consid` ere ainsi trois grandes sources de polarisation (e.a. Lamy [1995], Zakamska et al. [2005]) : une intrins` eque, la radiation synchrotron et deux extrins` eques, l’absorption s´ elective par des poussi` eres align´ ees dans un champ magn´ etique et la r´ eflexion (diffusion) sur un “miroir” d’´ electrons ou de poussi` eres. Chacun de ces m´ ecanismes produit une polarisation poss´ edant des caract´ eristiques d´ etermin´ ees (d´ ependance en longueur d’onde, angle et degr´ e de polarisation, etc.). Dans les paragraphes suivants, nous discutons succinctement ces trois m´ ecanismes et pr´ esentons les caract´ eristiques pola- rim´ etriques g´ en´ erales de la lumi` ere qu’ils produisent.
4.2.1 Radiation synchrotron
Les lois de l’´ electromagn´ etisme nous apprennent que toute particule char- g´ ee plac´ ee dans un champ magn´ etique − →
B (consid´ erons-le uniforme dans un premier temps) subit une force de Lorentz lui communiquant un mouvement h´ elico¨ıdal autour des lignes de champ. Or une particule charg´ ee subissant des acc´ el´ erations ´ emet un rayonnement ´ electromagn´ etique, dit “synchrotron”
dans le cas de particules se d´ epla¸cant ` a des vitesses relativistes. L’efficacit´ e de ce processus d’´ emission, inversement proportionnel ` a la masse de la particule consid´ er´ ee, est plus ´ elev´ ee pour les particules les moins massives, comme les
´ electrons, qui vont dominer l’´ emission synchrotron. Le rayonnement synchro-
tron est donc d’origine non thermique, tr` es intense dans le domaine radio,
Fig. 4.2 – Une particule charg´ ee plac´ ee dans un champ magn´ etique − → B (ici
consid´ er´ e uniforme) va subir une force de Lorentz l’obligeant ` a suivre une tra-
jectoire h´ elico¨ıdale le long des lignes de champs. La particule ainsi acc´ el´ er´ ee va
´ emettre une radiation ´ electromagn´ etique qui ne prendra une valeur significative
dans le rep` ere d’un observateur au repos que dans un tr` es fin cˆ one d’ouverture
p (1 − v
2/c
2) le long de la vitesse instantan´ ee de la particule. L’´ emission produite,
fortement directionnelle (“beaming”), est ` a l’origine, lorsque l’on consid` ere un en-
semble d’´ electrons, de la variabilit´ e de la luminosit´ e et de la haute polarisation
observ´ ee dans les blazars.
mais peut ´ egalement ˆ etre observ´ e jusque dans le domaine optique pour cer- tains AGNs.
La radiation ´ emise est, au vu de la sym´ etrie du processus d’´ emission, pola- ris´ ee elliptiquement, la polarisation maximale ´ etant perpendiculaire ` a la pro- jection du champ magn´ etique sur le plan du ciel. La seconde caract´ eristique de ce rayonnement est que la polarisation produite est ind´ ependante de la fr´ equence et peut ˆ etre, du moins en th´ eorie, particuli` erement ´ elev´ ee (de l’ordre de 70 %).
Ce m´ ecanisme de polarisation ne constitue probablement pas, au vu de ses propri´ et´ es particuli` eres, la source de polarisation principale dans la plupart des quasars, o` u la faible polarisation mesur´ ee ne montre g´ en´ eralement pas de variabilit´ e excessive (` a l’exception des blazars, Urry & Padovani [1995]).
De plus, les ´ etudes spectropolarim´ etriques montrent que les raies larges et
´ etroites en ´ emission sont g´ en´ eralement polaris´ ees, ce qui n’est pas expliqu´ e
par ce type de m´ ecanisme o` u seul le continuum est affect´ e. Notons finalement
que ce processus conduirait ` a l’observation d’une polarisation nulle dans le
cas des AGNs de Type 2, les r´ egions centrales ´ emettant le continuum ´ etant
masqu´ ees par le tore de poussi` ere (Zakamska et al. [2005]).
Fig. 4.3 – La poussi` ere interstellaire, quand elle est align´ ee par un champ
magn´ etique galactique − →
B
gal, peut ˆ etre une source de polarisation. L’onde inci-
dente (ici d´ ej` a polaris´ ee lin´ eairement ` a 45
◦) va subir une extinction s´ elective en
traversant ce milieu, de sorte que la composante perpendiculaire aux poussi` eres,
moins affect´ ee, dominera ` a la sortie du nuage de poussi` eres.
4.2.2 Extinction par des poussi` eres align´ ees
La poussi` ere interstellaire pr´ esente dans les galaxies peut ˆ etre une source de polarisation. En effet lorsque la lumi` ere traverse un milieu contenant des poussi` eres, celle-ci va ˆ etre att´ enu´ ee par deux processus : l’absorption – le photon est absorb´ e par la particule qui accroˆıt son ´ energie interne – et la diffusion – la particule absorbe le photon et en r´ e´ emet un dans une direc- tion diff´ erente. Nous discutons ici le cas d’un faisceau de lumi` ere dirig´ e vers l’observateur. Dans ce cas, il peut y avoir polarisation (partielle) du fais- ceau incident par “dichro¨ısme lin´ eaire”, c’est-` a-dire une extinction s´ elective r´ esultant de la pr´ esence de grains de poussi` eres dissym´ etriques align´ es
1par le champ magn´ etique galactique − →
B
gal.
En effet, consid´ erons un ensemble de grains allong´ es de forme cylindrique, orient´ es de la mˆ eme fa¸con, avec leur grand axe perpendiculaire ` a la direction de propagation du faisceau lumineux (cf. Fig. 4.3). On peut alors d´ efinir les coefficients d’extinction A
ket A
⊥correspondant au cas o` u le vecteur
´ electrique ( − →
E ) est respectivement parall` ele ou perpendiculaire au grand axe des grains. On a bien sˆ ur A
k≥ A
⊥. Ainsi, l’extinction ´ etant plus forte dans
1