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Responsabilité civile et contrôle de la société

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Academic year: 2021

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Texte intégral

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HAL Id: tel-00821471

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Submitted on 10 May 2013

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Etienne Grosbois

To cite this version:

Etienne Grosbois. Responsabilité civile et contrôle de la société. Droit. Université de Caen, 2012.

Français. �NNT : 2012CAEN0100�. �tel-00821471�

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CAEN BASSE-NORMANDIE

U.F.R. DE DROIT ET DES SCIENCES POLITIQUES ECOLE DOCTORALE DROIT-NORMANDIE ED-98

THESE

présentée par

M. Etienne GROSBOIS

et soutenue Le 4 décembre 2012 en vue de l’obtention du

DOCTORAT DE L’UNIVERSITE DE CAEN BASSE-NORMANDIE Spécialité : droit privé et sciences criminelles

Arrêté du 7 août 2006

R ESPONSABILITE CIVILE ET

CONTROLE DE LA SOCIETE

MEMBRES DU JURY

M. François-Guy TREBULLE, Professeur à l'Université Paris I, Panthéon-Sorbonne (directeur de thèse)

Mme Mireille BACACHE-GIBEILI, Professeur à l’Université Paris-Descartes (rapporteur)

M. Thierry BONNEAU, Professeur à l’Université Paris II, Panthéon-Assas (rapporteur) Mme Corinne REGNAUT-MOUTIER, Professeur à l’Université de Caen Basse- Normandie

Mme Jocelyne VALLANSAN, Professeur à l’Université de Caen Basse-Normandie

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A la mémoire de ma Grand-Mère,

pour Jean-Baptiste-Jacques Élie de Beaumont

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Je remercie très sincèrement Monsieur le Professeur François-Guy Trébulle pour sa disponibilité, la patience dont il a toujours su faire preuve et l’attention qu’il porta à mes travaux. Je ne peux que louer ses nombreux et judicieux conseils ainsi que ses qualités humaines d'écoute, de compréhension et ses encouragements sans lesquels cette thèse n’aurait jamais vue le jour.

Je remercie tous les enseignants de la faculté de droit de Caen ainsi que mes collègues

« doctorant », qui sont devenus pour beaucoup des amis, et avec qui nous avons partagé tant de si bons moments que nous en avons oublié les moins bons. Je pense surtout à Alexandrine, Fanny, Géraldine, Loïc, Marie, Mathieu, Olivier et Thibault.

Je remercie encore tous les étudiants que j’ai eu la chance et le plaisir d’avoir dans mes TD.

Ils ne se douteront sans doute jamais combien ils ont pu parfois inspirer ce travail.

Je remercie enfin ma famille pour son indéfectible soutien et surtout mon Thomas envers qui ma dette de Lego va se compter en semaines voire en mois.

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Act. proc. coll. Actualité des procédures collectives Actes prat. ing. sociétaire Actes pratiques et ingénierie sociétaire

Administrer Revue Administrer

AFEP Association française des entreprises privées

AJ Actualité jurisprudence

AJDA Actualité juridique de droit administratif

AJF Actualité juridique famille

AJP Actualité juridique pénale

ALD Actualité législative Dalloz

AMF Autorité des marchés financiers

AN Assemblée nationale

Ann. Univ. Annales de l’Université de…

Annonces Seine Les Annonces de la Seine

Argus Argus de l’assurance

art. article

Banque et droit Revue banque et droit

Banque mag. Banque magazine

BDEI Bulletin du droit de l'environnement industriel BF Lefebvre Bulletin fiscal Francis Lefebvre

BRDA Bulletin rapide de droit des affaires Francis Lefebvre Bull. civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambres civiles) Bull. CNCC Bulletin de la Compagnie national des commissaires aux comptes

Bull. COB Bulletin mensuel de la COB

Bull. crim. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambre criminelle) Bull. Joly Bourse Bulletin Joly Bourse et produits financiers

Bull. Joly Entr. Diff. Bulletin Joly Entreprises en Difficulté Bull. Joly Sociétés Bulletin Joly Sociétés

CA Cour d’appel

Cah. Dr. entr. Les Cahiers de droit de l’entreprise Cah. Soc. barreau Paris Cahiers sociaux du barreau de Paris Cass. 1re civ. 1ère chambre civile de la Cour de cassation Cass. 2e civ. 2ème chambre civile de la Cour de cassation Cass. 3e civ. 3ème chambre civile de la Cour de cassation Cass. ass. plén. Assemblée plénière de la Cour de cassation Cass. civ. Chambre civile de la Cour de cassation Cass. com. Chambre commerciale de la Cour de cassation Cass. req. Chambre des requêtes de la Cour de cassation

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CDE Cahier de droit de l’entreprise

CE Conseil d’Etat

Chron. Chronique

CJCE Cour de justice des Communautés européennes

CNCC Compagnie national des commissaires aux comptes

CNPF Conseil national du patronat français

COB Commission des opérations de bourse

Comm. Commentaire

Contrats conc. consom. Contrats, concurrence, consommation

CPC Code de procédure civile

D. Recueil Dalloz

D. affaires Dalloz affaires

Defrénois Répertoire du notariat Defrénois

dir. sous la direction de

Doc. fr. Documentation française

Doctr. Doctrine

DP Dalloz périodique

Dr. adm. Droit administratif

Dr. env. Droit de l’environnement

Dr. et société Droit et société

Dr. ouvrier Droit ouvrier

Dr. social Droit social

Dr. sociétés Droit des sociétés

Droit et patrimoine Revue Droit et patrimoine

Droits Revue Droits

Eco. et compt. Economie et comptabilité

Ed. Edition

Gaz. Pal. La Gazette du Palais

inf. rap. Informations rapides

JCl. JurisClasseur

JCP A La semaine juridique, édition administration et collectivités territoriales JCP CI La semaine juridique édition commerce et industrie

JCP E La semaine juridique, édition entreprise

JCP G La semaine juridique, édition générale

JCP N La semaine juridique, édition notariale

JCP S La semaine juridique, édition sociale

JO Journal officiel

JOCE Journal officiel des Communautés européennes

Journ. not. Journal des notaires et des avocats

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Journée soc. législ. comp. Journées de la société de législation comparée

JSL Jurisprudence sociale Lamy

Jurispr. Jurisprudence

Jurisp. soc. UIMM Jurisprudence sociale de l’UIMM

Liaisons soc. Liaisons sociales

LPA Les petites affiches

n° spéc. numéro spécial

MEDEF Mouvement des entreprises de France

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques ONIAM Office national d’indemnisation des accidents médicaux

Option fin. Option finance

PCG Plan comptable général

prat. pratique

préc. précité

Propr. intell. Propriété intellectuelle

Quot. jur. Quotidien juridique

RCS Registre du commerce et des sociétés

RD aff. int. Revue de droit des affaires internationales RD bancaire et bourse Revue de droit bancaire et de la bourse RD bancaire et fin. Revue de droit bancaire et financier

RDC Revue des contrats

RDP Revue du droit public et de la science politique

Rec. Recueil Lebon

Rép. Répertoire

Rép. civ. Dalloz Répertoire civil Dalloz Rép. com. Dalloz Répertoire commercial Dalloz

Rep. Min. Réponse ministérielle

Resp. civ. et assur. Responsabilité civile et assurance

Rev. AMF Revue mensuelle de l’AMF

Rev. crit. DIP Revue critique de droit international privé Rev. huissiers Revue des huissiers de justice

Rev. jur. env. Revue juridique de l’environnement Rev. Lamy dr. aff. Revue Lamy droit des affaires Rev. Lamy dr. civ. Revue Lamy droit civil

Rev. Lamy dr. conc. Revue Lamy droit de la concurrence

Rev. loyers Revue des loyers

Rev. proc. coll. Revue des procédures collectives

Rev. sociétés Revue des sociétés

RFDA Revue française de droit administratif

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RID comp. Revue internationale de droit comparé

RID éco. Revue internationale de droit économique

RJ com. Revue de jurisprudence commerciale

Rev. jur. env Revue juridique de l’environnement

RJIF Revue juridique d’Ile de France

RJDA Revue de jurisprudence de droit des affaires

RJPF Revue juridique personnes et famille

RJS Revue de jurisprudence sociale

RPDS Revue pratique de droit social

RRJ Revue de la recherche juridique

RSC Revue de sciences criminelle

RT CA Versailles Revue trimestrielle de la Cour d’appel de Versailles

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

RTD com. Revue trimestrielle de droit commercial

RTDE Revue trimestrielle de droit européen

RTDF Revue trimestrielle de droit financier

S. Recueil Sirey

SA Société anonyme

SARL Société à responsabilité limitée

SAS Société par actions simplifiée

SCS Société en commandite simple

SCA Société en commandite par actions

SNC Société en nom collectif

somm. sommaire

spéc. spécialement

TGI Tribunal de grande instance

T. com. Tribunal de commerce

V. Voir

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« Mon attitude à l’égard de mes fonctions est très différente selon que je suis le trustee d’une institution ou l’agent des investisseurs. Si je suis un trustee, qui sont les bénéficiaires du trust ? A qui dois-je mes obligations ? Ma conception est la suivante. Trois groupes de personnes ont un intérêt dans l’institution. L’un d’eux se compose de quelque cinquante mille personnes qui ont apporté leur capital à la société : il s’agit des actionnaires. Un autre groupe est formé de près de cent mille personnes qui consacrent à la société leur travail et leurs vies. Le troisième groupe est celui des consommateurs et du public en général. Les consommateurs ont le droit de demander qu’une entreprise aussi importante que la notre ne conduise pas simplement ses affaires honnêtement et correctement, mais que, de plus, elle soit à la hauteur de ses obligations publiques et satisfasse à ses devoirs publics – qu’en un mot, lourd de sens, elle soit un bon citoyen… »1.

1. Le contrôle-surveillance de la société. En 1929, Young avait déjà bien conscience du rôle Social de l’entreprise. L’activité économique n’est pas une fin en soi, elle est guidée par l’idée de service rendu à un intérêt qui lui est supérieur : l’intérêt général.

Le législateur autorise les entrepreneurs, pour mutualiser les moyens et pour organiser leur entreprise, à constituer des sociétés. Ces dernières, sauf le cas de la société en participation , seront dotées de la personnalité morale. Cette notion est apparue en droit romain mais n’a véritablement fait l’objet d’une discussion doctrinale qu’au moment de la Révolution française puis de la rédaction du Code civil2. Les auteurs se sont alors opposés, entre tenant de la théorie de la fiction et théorie de la réalité. Le député Thouret, partisan de la première, soutenait que la personnalité morale ne pouvait qu’être une création de la loi, tandis que Savigny militait pour une reconnaissance de la personnalité morale indépendamment de toute consécration législative. Le premier l’a emporté. Aujourd’hui, il n’existe pas en principe de personne morale sans qu’une inscription ou un enregistrement soit nécessaire : la personne morale n’existe que par la volonté de l’autorité étatique3.

Dès lors que la personnalisation du groupement n’est qu’une autorisation particulière de la loi, on se doit d’admettre que la personnalité morale existe dans un but autre que le simple intérêt propre de ses membres. L’entreprise qui accède au statut de personne joue un rôle Social. Son existence se justifie par la place qu’elle tient dans l’ordonnancement économique.

1 O.D.YOUNG, Président de la General Electric, 1929. Cité par A.TUNC, « La société anonyme et l’intérêt général », in Droit et liberté à la fin du XXe siècle, influence des données économiques et technologiques – Etudes offertes à Claude-Albert Colliard, Ed. Pedone 1984, p. 607, spéc. p. 612

2 A.-M.PATAULT, introduction historique ou droit des biens, PUF 1986, n° 170 et s.

3 par exception, la jurisprudence admet pourtant parfois la théorie de la réalité pour permette à des groupements d’accèder au juridiction

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Elle est source de richesse tant pour ceux qui l’ont constituée que pour ceux qui l’ont autorisée. Les sociétés ont en effet une importance capitale dans l’économie nationale et mondiale. Il suffit pour s’en convaincre de constater l’inquiétude partagée des citoyens et de l’autorité face à la crise financière et aux difficultés des entreprises nationales et internationales. Le gouvernement est aujourd’hui au chevet de ces « malades ». Le gouvernement français actuel en a même créé un ministère : le redressement productif. Que ce soit par le Président de la République, Monsieur Hollande, ou Monsieur Montebourg, son ministre, l’Etat est représenté au côté des salariés et des représentants des collectivités locales dans la lutte pour la sauvegarde de l’outil de production. On peut penser tout particulièrement à l’usine ArcelorMittal de Florange ou encore au site d’Aulnay-sous-Bois de PSA4.

La société se trouvant au cœur d’un système économique internationalisé, elle n’est plus la chose des associés. Elle doit être reconnue comme une entité propre dotée d’un intérêt personnel distinct de celui de ses membres et dont la conduite, comme tout citoyen, doit aussi être guidée par le bien commun. Dès lors, le pouvoir de décision quant aux affaires sociales ne doit pas être confié aveuglément à une poignée de dirigeants car cela présente un risque trop important. La succession de crises économiques mondiales5 a conduit la doctrine puis le législateur à s’intéresser aux théories relatives à la corporate governance6.

Les décisions des dirigeants, et plus largement l’ensemble du fonctionnement social, doivent faire l’objet d’un contrôle. Le contrôle s’entend ici dans son sens premier : il s’agit de l’idée de vérifier, surveiller, voir s’informer. A côté des dirigeants sociaux, la loi a instauré des organes de contrôle de la société. Il s’agit du conseil d’administration, du conseil de surveillance, du commissaire aux comptes et surtout de l’assemblée générale. Ils ont pour mission principale de surveiller la gestion des dirigeants. Ce pouvoir, ou ce devoir, n’est pas un simple droit à l’information. Il est beaucoup plus efficace que cela car il est sanctionné : il confère au contrôleur des droits et des obligations en fonction de son résultat. Nous verrons que les organes de contrôle peuvent notamment révoquer le dirigeant indélicat ou au contraire augmenter la rémunération de celui faisant preuve de compétences exceptionnelles. La sanction de ce contrôle peut également être sanctionnée par le devoir d’en rendre compte dans un rapport, soit aux autres organes de contrôle, soit même à un tiers.

4 Cet intérêt n’est pas nouveau, le Président Nicolas Sarkozy avait lui même tenté d’empécher la fermeture de l’usine d’ArcelorMittal à Gandrange, sans y parvenir.

5 A. REBERIOUX, « Gouvernance d’entreprise et contrôle des dirigeants : 1932-2008, d’une crise à l’autre », in La gouvernance des sociétés cotées face à la crise - Pour une meilleur protection de l’intérêt social, V.MAGNIER (dir.), LGDJ 2010, p. 3

6 V. infra n° 54 et s.

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Si le développement de la corporate governance a renforcé ce contrôle organique garantissant la compétence et l’autonomie de ces contrôleurs, il n’en reste pas moins que cette surveillance reste interne à la société. Il s’agit d’une forme d’autocontrôle de la société par ses organes sur ses organes. Or nous avons montré que l’entreprise ne pouvait plus être considérée à sa seule échelle mais que sa place dans le système économique conduit les autorités publiques et les tiers, partenaires ou simples voisins, à s’intéresser de plus en plus aux actes de ces dirigeants. Ces tiers intéressés constituent la masse des stackeholders7. Le risque que la société constitue pour eux impose qu’il dispose également d’un droit de regard sur les affaires sociales et les décisions directoriales. Ils vont donc également disposer d’un pouvoir de contrôle sur la société, soit par l’intermédiaire d’institutions publiques (AMF, ACP, Autorité de la concurrence, juridictions, préfet…), soit par l’intermédiaire d’un contrôle contractuel (audit, notation…). Tout comme pour les organes sociaux, leur contrôle sera finalisé et donc sanctionné.

2. Le contrôle-direction de la société. L’objet du contrôle-surveillance exercé par les organes sociaux et les tiers est l’action directoriale. Ce sont les actes du dirigeant qui vont faire l’objet d’une attention particulière et d’une appréciation. Ces dirigeants sont généralement eux-mêmes des organes sociaux. Sont ainsi qualifiés de dirigeants les gérants de sociétés, les directeurs généraux et directeurs généraux délégués, les administrateurs, les membres du directoire et le président de la SAS8. Ces organes de direction ne sont pas les seuls à disposer d’un pouvoir de décision au sein de la société. Le pouvoir directorial peut avoir été contractuellement délégué à un délégataire qui exercera les prérogatives normalement dévolues à un dirigeant de droit. Le pouvoir de direction de la société peut également avoir été investi judiciairement à un tiers en cas de dysfonctionnement des organes légaux : c’est le cas en cas de paralysie des organes de direction mais également lorsque la société se trouve en difficultés financières et qu’elle est placée en procédure collective. Enfin, une personne peut, par son seul comportement s’arroger les pouvoirs de direction : on parlera de dirigeant de fait.

Dans tous les cas, ces personnes titulaires, de droit ou de fait, du pouvoir de décision quant à la direction de l’entreprise se voient dotées d’un pouvoir de contrôle sur la société. Le terme contrôle doit alors s’entendre au sens de maitrise, direction. Le même mot peut en effet recouvrer deux significations : au sens commun, contrôler c’est tout autant surveiller que

7 F.G.TREBULLE, « Stakeholders Theory et droitdes sociétés (1ère partie) », Bull. Joly Sociétés, 2006 n° 123, p. 1337, et

« Stakeholder theory et droit des sociétés (2ème partie) », Bull. Joly Sociétés 2007, n° 1, p. 7 8 V. infra n° 10

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diriger : le contrôle que subit l’étudiant à vocation à surveiller son apprentissage, le contrôle que perd le conducteur d’un véhicule avait pour but d’en assurer la direction.

Le contrôle, qu’il soit surveillance ou direction, fait peser sur son titulaire un risque : celui de voir engagée sa responsabilité.

3. La notion de responsabilité. Si le mot « responsabilité » n’apparaît en Europe que vers la fin du XVIIIe siècle, le terme « responsable » semble plus ancien et remonter au XIIIe siècle9. Le responsable est celui qui, originellement, doit assumer certaines obligations. Ce sens nous est resté encore aujourd’hui, par exemple lorsqu’on accède « à un poste à responsabilité ».

C’est encore ce sens qu’il convient de donner à l’obligation aux dettes sociales qui pèse sur les associés de sociétés à responsabilité illimitée. C’est au second sens du mot responsable, celui plus communément admis par les juristes, que nous ferons référence dans la suite des développements : la responsabilité au sens de répondre de ses actes. Cette responsabilité peut tout à la fois être civile, et dans ce cas elle a vocation réparatrice, ou être pénale ou disciplinaire, et dans ce cas elle à vocation sanctionnatrice.

La présente étude n’entend se consacrer qu’à la responsabilité civile du fait du contrôle.

Cette responsabilité est définie en droit commun par l’article 1382 du Code civil : « Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ». Les rédacteurs du Code civil considéraient qu’il s’agissait là d’un principe fondamental10. L’évolution de la société, et notamment ses avancées techniques, ainsi que le développement de l’assurance a profondément bouleversé le dogme initial de responsabilité pour faute. On assiste depuis la fin du XIXe siècle à un recul de la faute sous la pression des tenants des théories du risque ou de la garantie. L’exemple absolu en est la responsabilité des pères et mères du fait de leur enfant mineur qui a vu disparaître la nécessité d’une faute tant des parents que de l’enfant lui-même.

Ce recul de la faute n’a pas encore atteint le droit des affaires où, nous le verrons, elle reste une condition sine qua non de l’engagement de la responsabilité tant des dirigeants sociaux que des personnes chargées de les surveiller. La responsabilité du fait du contrôle reste donc traditionnellement et classiquement attachée à la faute, au dommage et au lien de causalité.

Le contrôle est source de responsabilité car il fait peser sur son titulaire au minimum une obligation de prudence et de diligence dans la réalisation de sa mission.

9 V. sur l’histoire de cette notion : M.VILLEY, « Esquisse historique sur le mot responsable », in La responsabilité, Archive de philosophie du droit, t. 22, Sirey 1977, p. 45 – J.HENRIOT, « Note sur la date et le sens du mot responsabilité », in La responsabilité, Archive de philosophie du droit, t. 22, Sirey 1977, p. 59

10 FENET, t. XIII, p. 474

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4. La responsabilité du fait du contrôle-direction. L’avènement du Code civil et de l’article 1382 n’a pas bouleversé la vie des dirigeants de société11. Ceux-ci ont conservé une relative immunité jusqu’à la seconde moitié du XXe siècle. Oeuvrant pour le progrès économique et social, membres de la classe aisée, ils sont peu inquiétés par le juge. A la fin du XIXe siècle, le développement de la mécanisation et la multiplication des accidents qui en résultèrent conduisirent néanmoins à instaurer une présomption de responsabilité de l’employeur en cas d’accident du travail. Mais ce n’est que dans les années soixante-dix que les magistrats prirent réellement leur indépendance et qu’ils commencèrent à contester l’impunité dont bénéficient ces capitaines d’industrie, généralement en qualité d’employeur, au détriment de leurs salariés. Les premières condamnations pénales tombent dans des affaires ou le défaut grave de sécurité à conduit à des blessures des employés.

La responsabilité des dirigeants sociaux telle qu’elle figure dans la loi et qu’elle est appréciée par la jurisprudence a considérablement évolué depuis le XIXe siècle12. Jusqu’en 1935, seul le dépassement de l’objet social pouvait donner lieu à sanction du dirigeant. Tant que ce dernier respectait le cadre statutaire de ses fonctions, il ne pouvait être inquiété. La jurisprudence se livrait à une analyse fonctionnelle de ses pouvoirs et non finaliste : peu importe qu’il ait agi dans son seul intérêt personnel dès lors qu’il pouvait légalement le faire.

Les décrets-lois de 1935 sont revenus sur cette impunité après quelques scandales financiers de la fin du XIXe siècle. Ces dispositions concernaient néanmoins essentiellement le cas de la société en difficulté : les sanctions pesant personnellement sur le dirigeant de la société débitrice furent renforcées et l’on vit apparaître la possibilité de mettre à sa charge le passif social. La volonté de responsabiliser les dirigeants sociaux s’est également traduite par une réforme du mode de gouvernement des entreprises d’inspiration germanique : la consécration d’un seul et unique dirigeant social pour éviter une dilution du pouvoir et donc de la responsabilité.

Cette réforme légale s’est accompagnée d’une évolution jurisprudentielle. Les magistrats ont, à partir des années quarante, adoptée une vision finaliste du pouvoir directorial.

Désormais, l’exercice d’un pouvoir attribué légalement ou statutairement ne doit plus être détourné au profit de son titulaire sous peine de sanctions, au moins civiles.

Les crises économiques qui se succédèrent à partir des années soixante-dix ont pourtant entrainé un retour en arrière et un recul de la responsabilisation des dirigeants qui s’est

11 A.CABANIS et M.-L.MARTIN, « Le juge et l’entrepreneur : perspective historique », in Tous responsable, J. Igalens (dir.), Ed. d’Organisation 2004, p. 9

12 J. BISSILA, L’évolution des conceptions relatives à la responsabilité des dirigeants de sociétés commerciales des codifications napoléoniennes à nos jours, thèse Orléan 1996

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traduite notamment par l’apparition de la notion de faute détachable au profit de ces derniers.

Paradoxalement, ces trente dernières années ont vu se développer la corporate governance, l’idée que l’action des dirigeants devait être étroitement encadrée et surveillée, et le sentiment général d’impunité des dirigeants sociaux que l’on voit sauter de l’entreprise en difficulté fermement accrochés à leur parachute doré. Cette déresponsabilisation croissante est d’autant plus contestable que dans le même temps, celui qui était chargé de surveiller la gestion sociale a vu la judiciarisation du contentieux relatif à sa mission exploser.

5. La responsabilité du fait du contrôle-surveillance. Si le conseil d’administration et le conseil de surveillance ont bénéficié de l’immunité qui profitait aux dirigeants sociaux, un autre organe de contrôle a vu sa responsabilité de plus en plus souvent mise en cause : c’est le commissaire aux comptes.

L’audit légal des comptes remonte au XVIIIe siècle avec le contrôle des livres de comptes de la Compagnie des Indes13. La loi de 1867, qui la première fixe véritablement le contour de la mission des commissaires aux comptes, calque leur responsabilité sur celle du mandataire.

Néanmoins, bénévoles, ne disposant ni de la compétence, ni des moyens nécessaires à l’accomplissement de leur mission, ils ne voient quasiment jamais leur responsabilité engagée. A partir des années trente, la mission va se professionnaliser. En 1927 est créé un brevet d’expert-comptable puis à partir de 1936 le commissariat aux comptes ne sera plus accessible qu’après un examen technique. Les mises en causes des commissaires restent pourtant très rares. La Loi de 1966 consacre pleinement la mission du contrôleur légal des comptes qui a désormais pour mission de certifier ces derniers mais aussi de surveiller et de dresser des rapports sur les actes des dirigeants les plus importants. Les années qui ont suivi ont vu se développer le contentieux relatif à la responsabilité des commissaires aux comptes à tel point que ces derniers ont soulevé les difficultés de l’exercice de leur mission et les risques que cette responsabilisation croissante faisait naitre.

Si l’audit légal est en première ligne pour affronter le retour de la responsabilisation des affaires, les autres contrôleurs ne sont pas loin derrière. Les dirigeants eux-mêmes voient leur

« immunité » s’effriter. Si depuis une trentaine d’années des voix s’élèvent pour réclamer un retour à une certaine moralisation des affaires, la crise économique mondiale que nous traversons depuis la crise des subprimes de 2007, a accéléré la cristallisation des questions de responsabilité du fait du contrôle.

13 sur l’histoire du commissariat aux comptes, V. Y.FOOS, Histoire et évolution du commissariat aux comptes dans la société anonyme française, thèse Nancy 2001

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6. Le renouveau de la responsabilité du fait du contrôle. La doctrine a été sans doute l’une des premières à s’émouvoir de ce recul de la responsabilité des dirigeants sociaux. Depuis une vingtaine d’années, elle appelle à un retour d’une certaine morale des affaires14. L’idée que la société n’est pas la chose des parties mais intéressait l’intérêt général faisait son chemin.

Certains auteurs ont alors milité pour « une réhabilitation de la responsabilité civile des dirigeants sociaux »15. A l’inverse, les commissaires aux comptes soulèvent aujourd’hui le risque que fait peser sur le monde des affaires la multiplication des contentieux les concernant. Dans le même temps, la crise de la dette publique a mis en avant le rôle majeur, et jusque-là discret, des agences de notation dans le système économique international : pouvoir grandissant non assorti de responsabilité. Enfin, les différents accidents industriels majeurs, AZF en France, Fukushima au Japon, ont fait prendre conscience de l’importance que revêtait aujourd’hui le contrôle environnemental.

Le renouveau de la question du contrôle et de la responsabilité des acteurs de la vie sociale est parfaitement illustré par les travaux récents de la Commission européenne. Depuis 2006, elle a lancé plusieurs consultations : « Responsabilités du conseil d’administration et amélioration de l’information en matière financière et de gouvernement d’entreprise »,

« Cadre de la gouvernance d’entreprise », « Responsabilité des contrôleurs des comptes »,

« Consultation sur la politique en matière d’audit ». Elle a également dressé plusieurs rapports sur « Le rôle des agences de notation de crédit », qui ont conduit à l’édiction de règlements et normes techniques. Elle a mis en place « un système communautaire de management environnemental et d’audit (EMAS) »… Le contrôle de la société, le cadre de sa réalisation et la responsabilité qui en découle sont donc au cœur des préoccupations de la Commission européenne et plus largement des institutions internationales.

7. Problématique. Devant ce renouveau de la question de la responsabilité des acteurs du monde des affaires, la question se pose de l’unité qui la traverse. Les différents intervenants dans la vie sociale, qu’ils dirigent ou qu’ils surveillent, répondent-ils à un même régime de responsabilité ? Assurément non si l’on s’arrête au droit positif, d’abord parce que le contrôle- direction et le contrôle-surveillance trouvent leur fondement soit dans la loi, soit dans un contrat, soit même dans un comportement de fait.

Pour dresser un état des lieux sommaires du contrôle social et de son encadrement légal, commençons par le cas des titulaires d’un contrôle-direction. Les organes légaux de direction

14 V. par exemple PH.LE TOURNEAU, L’éthique des affaires et du management au XXIe siècle, Dalloz 2000 – P.DIENER,

« Ethique et droit des affaires », D. 1993, p. 17 -

15 F.DESCORPS DECLERE, « Pour une réhabilitation de la responsabilité civile des dirigeants sociaux », RTD com. 2003, p. 25

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disposent d’un pouvoir de contrôle très étendu en vertu de la loi. Ils ont tout pouvoir pour agir au nom de la société. S’ils s’avèrent défaillants, la justice pourra leur substituer un éventuel administrateur provisoire, il en va de même si la société est en procédure collective16. Dans les deux cas, le pouvoir de direction va être encadré par la décision du juge : il peut n’être que partiel. Les organes de direction peuvent également décider de déléguer, à leur convenance, une partie de leur pouvoir à un salarié. Enfin, un tiers peut s’immiscer dans la gestion sociale et agir en qualité de dirigeant de fait. Pour une même décision fautive, la responsabilité de ces différents dirigeants, de droit ou de fait va pourtant reposer sur des fondements différents : soit sur un texte spécial du code de commerce, soit sur un texte spécial du Code civil, soit sur le droit commun de la responsabilité contractuelle, soit encore sur le droit commun de la responsabilité civile.

Le même problème se pose en matière de contrôle-surveillance. Les organes spécifiques de contrôles voient l’étendue de leur mission fixée par la loi. Il en va de même pour leur responsabilité qui repose sur plusieurs textes du Code de commerce. L’assemblée générale dispose également de prérogative de contrôle d’origine légale mais sa responsabilité sera engagée sur le fondement de l’article 1382 du Code civil. Les institutions publiques de contrôle (AMF, ACP, Autorité de la concurrence, Préfet…) agissent, elles aussi, en vertu de la loi. Leur responsabilité repose par contre sur les règles de la responsabilité administrative.

Enfin, les contrôleurs contractuels (auditeur, agence de notation, banque…) agissent en vertu d’un contrat passé soit avec la société, soit avec un tiers. C’est cet acte qui définit le cadre de leur mission et leurs moyens. C’est donc sur le fondement contractuel qu’ils engagent leur responsabilité à l’égard de leur cocontractant et sur le fondement délictuel qu’ils répondent de leur contrôle à l’égard des tiers.

Le contrôle trouve son fondement dans une grande variété de sources et la responsabilité qu’il fait naitre repose également sur de multiples fondements. A l’heure où la responsabilité du fait du contrôle social apparaît comme une question cruciale dans le monde des affaires, une telle complexité est-elle réellement justifiée ? N’est-il pas possible de réduire le contrôle à une seule et même opération ? Si oui, est-il envisageable de restituer un minimum de cohérence à la cacophonie qui règne au sein des différents régimes de responsabilité pesant sur les acteurs du contrôle ?

8. Annonce de plan. En nous livrant à une analyse détaillée des fonctions respectives des différents organes sociaux, nous verrons qu’en réalité le contrôle-direction et le contrôle-

16 on parlera alors d’administrateur judiciaire

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surveillance se rejoignent en une définition unitaire du contrôle. Nous constaterons alors que cette définition s’applique à tous les intervenants dans la vie sociale et permet d’écarter de toute responsabilité du fait du contrôle les personnes qui ne sont titulaires que d’un simple droit à l’information.

Si le contrôle doit être conçu comme une seule et même opération, la question se pose alors du bien fondée de la multitude de régimes de responsabilité qui pèse sur les titulaires d’une mission de contrôle. Il s’agira cette fois d’étudier en détail les conditions et le régime de leur responsabilité. Nous constaterons alors que par delà les divergences de régime, les conditions de mise en jeu de cette dernière : la faute, le dommage et le lien de causalité, sont identiques, quel que soit son fondement. Nous pourrons alors critiquer les inégalités de régimes de responsabilité pesant sur les dirigeants et les contrôleurs et proposer un retour à une certaine cohérence par une révision, somme toute peu difficile, de la responsabilité du fait du contrôle.

Partie 1 : La notion de contrôle

Partie 2 : La responsabilité du fait du contrôle

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P

ARTIE

1 :

L

A NOTION DE CONTROLE

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Le contrôle, en droit des sociétés, s’entend généralement du pouvoir dont dispose la société mère sur sa filiale ou de la mission d’audit légal du commissaire aux comptes. Pourtant, cette notion de contrôle au sens commun est plus riche. Elle désigne soit le pouvoir de maitrise et de direction qu’un individu peut exercer sur une chose ou une personne (voire soi-même), soit le pouvoir de surveillance du comportement de cette chose ou de cette personne. Il existe donc un pouvoir de contrôle-direction et un pouvoir de contrôle-surveillance.

En étudiant les droits et pouvoirs respectifs des organes sociaux, il est pourtant possible de constater que cette dichotomie n’en est pas une. En réalité, l’acte de contrôle-direction et l’acte de contrôle-surveillance ne sont pas si éloignés l’un de l’autre quand bien même l’un s’exercerait sur l’autre. Le contrôle peut être défini de façon unitaire et ne désigner qu’une seule et même opération. Les organes de direction et de surveillance exercent tous un contrôle social. Ce qui va les différencier, c’est le caractère actif ou passif de leur mission.

Après avoir défini la notion unitaire de contrôle, nous pourrons l’étendre aux différents intervenants dans la vie sociale. En effet, comme nous l’avons déjà dit, la société n’est pas isolée. Les interactions qu’elle a avec les tiers sont de plus en plus nombreuses et pour le bon fonctionnement social mais aussi Social17, le législateur et les cocontractants de la société disposent parfois d’un pouvoir de contrôle sur la société. D’autres s’arrogent parfois ce pouvoir en dehors de toute prescription légale. Ce contrôle de fait est essentiellement le contrôle du dirigeant de fait.

L’étude de l’application de la notion unitaire de contrôle aux tiers intéressés va également permettre de distinguer ceux qui disposent d’un véritable pouvoir de contrôle, finalisé, et ceux qui en réalité n’ont qu’un simple droit à l’information.

Chapitre 1 : La définition du contrôle au regard des attributions des organes sociaux : le contrôle organique

Chapitre 2 : L’application de la définition unitaire du contrôle

17 de la société civile dans son ensemble

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C

HAPITRE

1 :

D

EFINITION DU CONTROLE AU REGARD DES ATTRIBUTIONS DES ORGANES SOCIAUX

:

LE CONTROLE ORGANIQUE

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La dichotomie de la notion de contrôle se retrouve en droit des sociétés dans l’étude des organes sociaux. Certains organes de la société ont vocation à décider de ses actes : ils vont

« gérer », « diriger », « administrer » la société. Ce faisant, ils disposent de la maîtrise de la personne morale, parfois même sans la représenter. Il s’agit des dirigeants sociaux : les directeurs généraux, les gérants, les administrateurs… D’autres organes de la société n’ont été conçus que pour surveiller les actes des premiers. Ce sont des organes de surveillance : l’assemblée générale, le conseil de surveillance, le conseil d’administration et le commissaire aux comptes. L’étude des attributions de ces organes permettra de dégager les différents sens que la loi, la jurisprudence et la doctrine donnent au mot « contrôle » et le pouvoir qu’il confère à ses titulaires.

Nous reviendrons ensuite au mot « contrôle » lui-même. L’étude sémantique de cette notion nous permettra d’en donner une définition unitaire. Le contrôle est la recherche de l’adéquation d’un « rôle » et d’un « contre-rôle ». Nous transposerons cette définition aux différents organes sociaux précédemment étudiés pour qualifier ce que seront en droit des affaires ce « rôle » et ce « contre-rôle ». Cela confirmera que le contrôle est bien une notion unitaire qui s’affranchit aisément de la distinction « direction » - « surveillance ». Nous verrons alors que la différence entre les dirigeants, que nous qualifierons de « contrôlaires » et les surveillants, les « contrôleurs », ne se situe pas dans le type de mission de contrôle qui leur est confiée mais sur le caractère actif ou passif de leur contrôle. Enfin, nous constaterons que le contrôle a pour particularité d’être finalisé, sanctionné. Il entraine au profit ou à la charge de celui qui l’exerce des droits ou des obligations. C’est ce qui le distingue du simple droit à l’information.

Section 1 : Les différentes acceptions juridiques de la notion de « contrôle » Section 2 : La notion unitaire de « contrôle »

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S

ECTION

1 : L

ES DIFFERENTES ACCEPTIONS JURIDIQUES DE LA NOTION DE

«

CONTROLE

»

Le mot « contrôle » peut être utilisé pour désigner soit l’action des dirigeants, soit le pouvoir des associés sur la société, soit encore la mission ou le droit de surveillance exercé par les organes de contrôle de la société sur les actes des dirigeants. Nous ne pouvons pas ignorer ces différents sens donnés au mot « contrôle ».

Le contrôle des dirigeants est un contrôle actif. Ils ont pour mission principale de conduire l’action sociale, de prendre toutes les décisions de gestion et d’administration utiles à la réalisation de l’objet social. Il s’agira donc dans un premier temps d’étudier l’étendue exacte de cette mission afin d’établir qu’elles sont les éléments caractéristiques du contrôle- directoral. Qu’entend-on par direction de la société ?

Dans un deuxième temps, nous nous intéresserons au rôle tenu par les associés. A première vue, la société est leur bien. Il semblerait donc évident qu’ils disposent de prérogatives particulières quant à l’orientation qu’ils souhaitent donner à la gestion sociale. Nous verrons pourtant que les associés ne disposent que de droits très limités en ce domaine, voire inexistants. Ils n’ont que le pouvoir de définir le cadre du contrôle-direction. L’essentiel de leurs droits leur permet surtout d’être les premiers contrôleurs de la société : d’exercer un contrôle-surveillance sur l’action des dirigeants. Dans certaines formes sociales, ils sont parfois secondés dans cette mission des organes spécifiques de contrôle-surveillance que nous étudierons dans un troisième temps.

Sous-section 1 : Le contrôle-direction par les dirigeants Sous-section 2 : Le contrôle-surveillance par les associés

Sous-section 3 : Le contrôle-surveillance par les organes de surveillance

SOUS-SECTION 1 :LE CONTROLE-DIRECTION PAR LES DIRIGEANTS

9. L’usage du mot « contrôle » au sens de direction. Le mot « contrôle » au sens de direction de la société n’est pas employé par le législateur ni même par la jurisprudence. Il est utilisé par la doctrine, mais son usage reste très rare en ce sens. Vanhaecke fait partie de ses rares auteurs à l’employer. Il utilise la notion de « contrôle directorial » pour désigner

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l’action des directeurs et administrateurs de sociétés18. On peut également penser que c’est dans ce sens que Monsieur Champaud utilise ce terme lorsqu’il écrit : « L’administration de la société anonyme, qui incombe théoriquement à la collectivité des actionnaires égaux en droit, a échu en fait à un petit nombre d’entre eux, à ceux qui la contrôlent et qui siègent, ou qui sont représentés, au conseil d’administration »19.

D’un point de vue purement sémantique, rien ne semble néanmoins s’opposer à ce que le terme « contrôle » soit utilisé pour désigner le pouvoir de gestion des dirigeants de sociétés20. L’étude du contrôle-direction doit donc se faire en exploitant les travaux réalisés sur la direction de société.

10. La notion de dirigeant. Au contraire, le terme dirigeant est très fréquemment utilisé en droit des sociétés21 sans pour autant faire l’objet d’une véritable définition légale22. Selon Monsieur Gibirila, il existe plusieurs conceptions doctrinales possibles, plus ou moins extensives, de la notion de dirigeant23. Dans le sens le plus étroit, seront considérées comme dirigeants uniquement les personnes investies du pouvoir de direction de la société, par opposition au pouvoir d’administration. Est dirigeant celui qui dispose de « la faculté de prendre une décision et de la faire exécuter par le personnel subalterne ». On peut ensuite adopter une vision plus large de la qualité de dirigeant en l’appliquant « à tout représentant de la personne morale investi d’un quelconque pouvoir d’administration24, de gestion ou de direction dans une entreprise »25. Enfin, dans une conception plus extensive, le terme de dirigeant peut s’appliquer « à toute personne qui détient ou exerce officiellement, donc légalement, de manière continue ou temporaire, tout ou partie des pouvoirs d’administration,

18 M. VANHAECKE,Les groupes de sociétés, LGDJ 1959, spéc. p. 115

19 CL.CHAMPAUD, Le pouvoir de concentration de la société par actions, Sirey 1962, spéc. n° 26 p. 25 20 V. infra n° 98

21 V. par ex. pour la doctrine : M.COZIAN,A.VIANDIER etF.DEBOISSY, Droit des sociétés, Litec, 24e éd., 2011, spéc. p. 129 - D. VIDAL, Droit des sociétés, LGDJ, 7e éd. 2010, spéc. p. 203 : ces auteurs utilisent le terme de dirigeant comme intitulé de section ou de chapitre – Pour le droit positif : à propos du RCS, article L. 123-5-1 al. 1er du Code de commerce : « A la demande de tout intéressé ou du ministère public, le président du tribunal, statuant en référé, peut enjoindre sous astreinte au dirigeant de toute personne morale de procéder au dépôt des pièces et actes au registre du commerce et des sociétés auquel celle-ci est tenue par des dispositions législatives ou réglementaires » - ou encore pour la procédure d’alerte, article L. 234-2 al. 1er du Code de commerce : « Dans les autres sociétés que les sociétés anonymes, le commissaire aux comptes demande au dirigeant, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat, des explications sur les faits visés au premier alinéa de l’article L. 234-1. Le dirigeant est tenu de lui répondre sous quinze jours… » – Enfin, pour la jurisprudence : Cass. ass. plén., 31 mars 1995, n° 92-15077 : Bull. Joly Sociétés 1995, p. 780, note M.JEANTIN : « Mais attendu que, le jugement ordonnant la cession totale des actifs des sociétés ayant été prononcé le 13 mars 1987, l’article 1844-7.7° du Code civil, dans sa rédaction résultant de la loi du 5 janvier 1988, n’était pas applicable en la cause ; que, dès lors, les sociétés n’étaient pas dissoutes et que leurs dirigeants avaient le pouvoir de les représenter en justice ; que par ce motif de pur droit, substitué à celui de la cour d’appel, l’arrêt se trouve légalement justifié de ce chef »

22 A.PAUGET-BEYDON, La notion de dirigeant de groupement, thèse Toulouse I, 2004, spéc. n° 7 p. 17

23 D.GIBIRILA, Le dirigeant de société, Litec 1995, spéc. n° 7 et s. p. 8 et s. : pour cet auteur, le terme administration s’entend au sens organique : il s’agit de l’action des membres du conseil d’administration

24 Au sens fonctionnel

25 Pour une définition des termes « administration », « gestion » et « direction », V. infra n° 15

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de gestion ou de direction de la société ». Cela exclut les dirigeants de fait dont l’immixtion dans la direction de la société n’est pas justifiée légalement26.

Si l’on adopte cette vision extensive, laquelle repose sur la seule analyse de la loi, la notion de dirigeant de société désigne donc en pratique les gérants de sociétés civiles, de SNC, de SCS, de SCA et de SARL, les directeurs généraux, directeurs généraux délégués, membres du conseil d’administration et du directoire de SA et de sociétés européennes, ainsi que les présidents et directeurs généraux de SAS. S’agissant du conseil d’administration et du directoire, seuls leurs membres doivent être qualifiés de dirigeants, et non l’organe lui-même.

En effet, selon la jurisprudence, le conseil d’administration n’est pas doté de la personnalité morale27. Il n’y a pas d’écran entre l’organe et ses membres28. L’article 106, 3° de la loi NRE du 15 mai 2001 avait pourtant conféré à son président le pouvoir de représenter le conseil, ce qui lui conférait implicitement la personnalité morale. Il s’agissait d’une volonté expresse du gouvernement29. L’article 117-1 de la Loi de sécurité financière du 1er août 2003 est revenu sur cette disposition, consacrant le refus de conférer la personnalité juridique au conseil. En ce qui concerne le directoire, dans le silence des textes et en l’absence de jurisprudence, on ne peut que se fonder sur l’absence de représentation du directoire par son président, lequel représente la société, pour en déduire que, tout comme le conseil d’administration, il ne dispose pas de la personnalité morale

26 Il convient, à ce stade de la réflexion, d’exclure ce dirigeant de fait afin de n’étudier que le cadre de la direction légale de la société. Néanmoins, la substitution de fait des dirigeants sociaux fera l’objet d’une examen plus approfondi dans le chapitre 2 : V. infra n° 193 et s.

27 Cass. com., 3 oct. 2006, n° 05-12410 : RTD com. 2007, p. 164, note P. LE CANNU ; Rev. sociétés 2007, p. 117, note PH. MERLE ; RJDA 2007 n° 170 ; D. 2006, p. 2670, note A. LIENHARD ; Bull. Joly Sociétés 2007, p. 33, note J.-F.

BARBIERI : « le conseil d’administration, s’il a qualité, aux termes des articles L. 225-233 du Code de commerce et 188 du décret du 23 mars 1967, pour décider le relèvement des fonctions de commissaire aux comptes de la société, doit, en l’absence de personnalité morale, agir en justice par l’intermédiaire du représentant légal de la société »

28 V. par ex. Cass. com., 11 oct. 1988, n° 87-14116 : Bull. Joly Sociétés 1988, p. 953 : dans un jugement relatif aux dispositions fiscales sur les biens professionnels non pris en compte pour l’assiette de l’impôt sur les grandes fortunes, le tribunal avait « retenu que la qualité de membre du conseil d’administration ne peut à elle seule être considérée comme une fonction de direction, de gestion ou d’administration au sens de la loi fiscale et qu’un administrateur n’a pas de pouvoir personnel dans la société ». La Cour de cassation casse le jugement au motif que « les dispositions de l’article précité [885-0-4° ancien du CGI] s’appliquaient à Mme X... en qualité de membre du conseil d’administration appelée à participer sous sa responsabilité à l’exercice des fonctions d’administration attribuées par la loi à cet organisme social »

29 E.BESSON, Rapp. AN n° 2864, 2000-2001, sur le projet de loi relatif aux nouvelles régulations économiques, spéc. p. 156 :

« Ce dernier [le Sénat] a en effet supprimé la fonction de représentation du président du conseil d’administration, au motif qu’il est impossible de représenter un organe social, tel le conseil d’administration, qui n’a pas de personnalité morale. Le Gouvernement a donné un avis défavorable à cette suppression, car elle réduit trop le rôle du président du conseil d’administration. Votre Rapporteur partage cette analyse. Il ressort certainement du rôle du président du conseil d’administration de s’exprimer au nom de ce dernier. La fonction de représentation s’impose. Votre Rapporteur vous propose donc de réintroduire cet élément »

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