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Partie civile et responsabilité civile

AUBERT, Gabriel

AUBERT, Gabriel. Partie civile et responsabilité civile. La Semaine judiciaire , 1978, vol. 100, no. 39, p. 610-619

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:12181

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Un nouveau comité de la rédaction de la Semaine judiciaire a été constitué dont la composition est la suivante:

Monsieur Raymond FOEX, Procureur général.

Monsieur J"",ques PIERARD, Juge à la Cour de Justice.

Monsieur André SCHMIDT, Juge à la Cour de Justice.

Monsieur Jacques DRO/N, Docteur en droit, Juge â la Cour de Justice.

Monsieur Bernard BERTOSSA, Juge au Tribunal de 1ère Ins- tance.

Monsieur Gilles PETITPIERRE, avocat, Docteur en droit, Pro- fesseur à la Faculté de Droit.

Toutes communications concernant ['administration ou la rédac- tion doivent être adressées à M. Jacques Drain, Juge à la Cour de Justice, Palais de Justice, Place du Bourg-de-Four, Genève.

Pour le Comité de la Société de Droit et de Législation

Pierre Greber, Président

PARTIE CIVILE ET RESPONSABILITÉ CIVILE par Gabriel Au~ert, avocat

Qui est recevable à se constituer partie civile au pénal, en procé- dure genevoise? Bien. que cette question surgisse fréquemment, la jurisprudence et la pratique des juges d'instruction ne semblent pas encore y avoir apporté une solution systématique.

1

Relatons d'abord cinq ~pèces tranchées par la Chambre d'accu- sation.

L - Le Dr F_, employé d'une caisse d'assurance, affirme que cette dernière a été victime de malversations de la part de sa direc- trice. Le fait est que la caisse, en raison de difficultés financières,

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a dû le congédier. Le Dr F. entend se constituer partie civile au cours de l'infonnation ouverte contre la directrice. Il déclare avoir été lésé de par sa mise à pied.

Le juge d'instruction ayant rejeté sa constitution de partie civile, le Dr F. saisit la Chambre d'accusation. Invoquant les articles 17 et 76 du Code de procédure pénale de 1940, il soutient qu'il suffit de se prétendre lés~ par un crime ou un délit pour être recevable -à se constituer partie civile. A teneur de ces deux dispositions combinées, en effet, toute personne qui se prétend lésée par un crime ou un délit peut porter une plainte (art. 17) et tout plaignant peut se constituer partie civile (art. 76, al. 1). Le ministère public et le juge d'instruction, quant à eux, estiment que le Dr F. eût dû rendre vraisemblable l'existence d'un dommage personnel, actuel et déterminé, causé directement par l'infraction. Se défendant de pren·

dre position quant au principe, la Chambre donne raison au recou·

rant. Selon elle, il n'est pas -exclu que ce dernier ait souffert un dommage en relation de causalité adéquate avec les faits reprochés à la directrice. Au surplus, voulût·on admettre la thèse du- ministère public et du juge d'instruction, elle considère que le Dr F. aurait bel et bien subi un dommage personnel et direct (Ordonnance de la Chambre d'accusation, ci-après O.C.A., No 33, 1954).

2.- K. prétend avoir été espio·nné par P. II se constitue partie civile. P., qui a été inculpé d'infraction à l'article 272 C,P., s'y oppose.

La Chambre d'accusation admet la constitution de partie civile de K., au motif que l'article 272 du Code pénal protège non seu- lement rEtat, mais aussi les particuliers, et que le délit reproché à l'inculpé peut avoir causé un dommage il K. (O.C.A. No 128, 1961).

3.- B. est accusé d'avoir géré délictueusement un fonds de pla- cement. La société F., porteuse de parts, se constitue partie civile dans l'information ouverte contre lui. B. attaque cette constitution.

A son avis, la société F. aurait dû rendre vraisemblable _qu'elle a subi un dommage.

La Chambre d'accusation lui donne tort. Commentant les articles 17 et 76 du Code de procédure pénale de 1940, elle relève que ces deux textes n'imposent pas à celui qui entend se constituer partie civile d'établir ou de rendre vraisemblable son préjudice. Il doit en revanche énoncer de façon suffisamment précise et détaillée les

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actes dont il affirme avoir été victime, dire en quoi ces actes cons- tituent des infractions au Code pénal, indiquer son dommage et expliquer le lien de causalité qu'il estime exi5ter entre celui-ci et les actes commis (O.C.A. No 291, 1963).

4,- C. est inculpé de gestion déloyale d'une grande compagnie financière. Pour défendre leurs intérêts. un grand nombre de per- sonnes se prétendant lésées ont créé une association L, qui s'est constituée partie civile.

Sur recours de C., la Chambre d'accusation annule la décision du juge d'instruction qui admettait cette constitution de partie civile. Ayant posé que la partie civile est celle qui peut se prétendre directement et personnellement lésée, elle retient que l'association 1.

a été formée postérieurement à la réalisation des infractioI15 re- prochées à l'inculpé et n'a, de ce fait, éprom'é aucune atteinte per- sonnelle à son patrimoine. Elle ajoute que si l'on acceptait la cons- titution de partie civile de L, on violerait la règle « nul ne plaide par procureur" (O.C.A. No 176, 1973).

Quoique les attendus de la Chambre soient laconiques, il est possible d'en discerner les raisons dans l'argumentation de C. qui, se référant à l'histoire du Code de procédure pénale, recherche dans le droit français les conditions de recevabilité de la constitution de partie civile. En effet, les dispositions du Code de procédure pé- nale y relatives trouvent leur source dans le Code d'instruction pénale de 1884, lequel, à son tour, s'inspirait du Code dïnstruction criminelle français de 1808. Or, la jurisprudence appliquant ce denùer texte exigeait que le dommage allégué fût personnel et direct, exigence désormais consacrée par le Code de procédure pénale français de 1957, à son article 2 : « L'action civile en répa- ration du dommage causé par un crime, un délit ou une contraven- tion appartient à tous ceux qui ont personnellement souffert du dommage directement causé par l'infraction}) (cf. Jean Robert, Jurisclasseur de procédure pénale, art. 1 à 5, rase. II ] 974, p. 4).

5.- X., administrateur d'une société, se porte partie civile au nom de celle-ci contre M.

Bien que le problème posé ait été, avant tout, de savoir si X. avait le pouvoir de représenter la société, la Chambre examine les con- ditions de recevabilité de la constitution de partie dvile. Celui qui entend revêtir cette qualité n'est pas tenu de démontrer d'emblée qu'il est effectivement lésé par l'infraction. Se référant à l'ordon-

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nance C. (supra, ch. 4), la Chambre rappelle qu'elle reconnaît comme partie civile celle qui peut se prétendre directement et per- sonnellement lésée. Il suffit que les circonstances permettent de con- sidérer comme possible l'existence du préjudice allégué et la rela- tion directe de celui·ci avec une infraction pénale (O. C.A. No 48, 1978, rendue sous l'empire de l'ancien code).

II

l\oJalgré leur caractère disparate~ chacune de ces ordonnances apporte quelques éléments de réponse et de réflexion. Avant de ten- ter une synthèse, il faut cependant remonter aux principes. Notre propos, soulignons-le, est limité. Nous nous demandons seulement qui est recevable à se cOI15tituer partie civile, et non pas ce que la partie civile peut faire et demander dans le cadre du procès pénal.

Vinfraction donne naissance à deux actions : la publique, exer·

cée par la société qui demande la punition du délinquant; la civile, exercée par le lésé qui demande la réparation du dommage subi

(cf.~ au lieu de plusieurs, Garraud, Traité théorique et pratique d'instruction criminelle et de procédure pénale, t. l, Paris 1907, p. 149 ; Robert, op. cit., fasc. II 1974, p. 2). Le délit civil étant lié au délit pénal, on permet à la victime d'intenter l'action civile devant le juge pénal. Selon un principe général de procédure, qui vaut sur le plan pénal comme sur les plans civil et administratif,.

I~ recevabilité de l'action est subordonnée à l'existence d'un intérêt légitime ((( pas d'intérêt, pas d'action}) : cf. Solus-Pel'rot, Droit judiciaire privé, Paris 1961~ t. l, p. 198 ; Cornu-Foyer, Procédure civile, Paris 1958, p. 290-291 ; Habscheid, Droit judiciaire privé, Genève 1975, p. 234 ; Hélie, Code d'instruction criminelle, Paris 1951, t. l, p. III ; Chambon, Le juge d'instruction, Paris 1972, p. 154 et 162). La liste des personnes justifiant d'un intérêt légi- time est fort variable. Elle dépend «( de l'institution en cause, de sa nature et de la volonté du législateur d'élargir ou de restreindre le cercle de ceux qui en peuvent assurer la protection ou la défense»

(Vincent, Procédure civile, Paris 1974, p. 39).

Bien qu'elle s:inscrive dans le cadre d'une procédure pénale, l'action civile ne perd pas sa nature de droit privé (cf. art. 4 et 7 du Code de procédure pénale ; Exposé des motifs à l'appui du projet de Code de procédure pénale, Chancellerie d'Etat 1957, p. ·99). S'agissant d'une action en réparation du dommage, seul

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justifie d'un intérêt légitime celui qui, prima jade, semble à même d'obtenir cette réparation. L'examen de la recevabilité devra donc prendre en considération les règles du droit civil en la matiçre.

Voilà bien la démarche de la jurisprudence française. Si cette dernière a exigé (et la loi de procédure après elle) que le dommage invoqué lors de la constitution de partie civile fût personnel et direct, c'est que le droit de fond de la responsabilité civile fait de ces conditions celles de la réparation (cf. p. ex. Caroonnier, Droit civil, Les obligations, Paris 1975, t. IV, p. 306·307 ; Weill, Droit civil, Les obligations, Paris 1971, p. 619). Ainsi, dans la quatrième espèce résumée plus haut, la Chambre d'accusation ne nous paraît pas avoir tiré le meilleur parti de l'argument historique. Certes, les codes de procédure français et genevois ayant un ancêtre commun, il est naturel que nous cherchions notre inspiration chez nos voi- sins. Mais ce qui doit nous intéresser au premier chef, dans cette comparaison, ce n'est pas tant la qualification du préjudice comme personnel et direct que l'idée de nous référer au droit privé pour fixer, en procédure genevoise, les critères de recevabilité de la constitution de partie civile.

Cependant, parce qu'elle s'inscrit dans un cadre pénal, l'action civile voit son exerciœ limité pour des motifs tirés de la procédure.

L'alliance avec le-ministère publié ne saurait être accordée à n'im- porte qui, sauf à restaurer l'action populaire (Garraud, op" cit., p. 156). Elle doit, bien plutôt, être considérée comme exception- nelle, le principe demeurant de la séparation des juridictions péna- le et civile (Larguier, Remarques sur l'action civile exercée par une personne" autre que la victime, in La chambre criminelle et sa juris- prudence, Recueil d'études en hommage à la mémoire de Maurice Patin, Paris 1966, p. 386). Si l'on permet à la victime d'agir au pénal, c'est qu'on tient pour équitable de la faire profiter de rins- truction menée par le magistrat répressif. On regarde également comme utile l'aide qu'elle peut apporter dans la recherche de la vérité. Et, quelque discutable que ceci paraisse, on estime que l'in- tervention du lésé ne vise pas le seul dédommagement, mais ausSI la punition, en sorte que l'idée de vengeance ne lui est pas tota- lement étrangère (cf. A.T.F. 99 1 a 104 = Journ. des Trib. 1975 1 p. 496 ; Robert, op. cit., fasc. II 1974, p. 3 ; Falb, Die Berück·

sichtigung der Interessen des Verletzten im materiellen und for- mellen Strafrecht, insbesondere im bemischen Strafverfahrcn, in Lebendiges Stra/recht, Festgabe Sc/utltz, Berne 1977, p. 352·356).

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Ayant rappelé ces principes, nous voudrions répondre à la ques- tion posée au début de la présente note en examinant le cas de l'action civile en dommages-intérêts. L'examen de la recevabilité portera sur les faits, d'une part, et sur le droit, de l'autre.

III

A.~ Si, d'après les articles 17 et 76, alinéa 1 du Code deprocé·

dure pénale de 1940, il semble suffire de se prétendre lésé pour pouvoir se constituer partie civile, la jurisprudence de la Chambre d'accusation se montre plus restrictive. Dans la première espèce relatée plus haut, les magistrats ont indiqué que Je dommage allégué n'était pas exclu; dans la deuxième, qu'il était possible. Cependant, la troisième décision est laxiste: on se contente de la simple énon- ciation du préjudice. Cette dernière solution n'est pas satisfaisante, car elle ne permet pas d'écarter les constitutions abusives. Le.."1 ar·

ticles 12 et 25 du Code de procédure de 1977, reprenant le libellé de l'article 28 du Code pénal, donnent qualité pour déposer plainte et pour se constituer partie civile à «toute personne lését=: }}. Bien que cela paraisse fort strict, on estime que la preuve immédiate du dommage ne saurait être exigée et que la simple vraisemblance suffit (Poncet, Le nouveau code de procédure pénale genevois an·

rioté, Genève 1978, p. 89 et 104). En conséquence, comme dans les deux premières et dans la cinquième espècesl on ne devrait rejeter la constitution de partie civile que si le préjudice tel qu'allégué est si peu vraisemblable qu'il paraît exclu. On jaugera à la même mesure les autres allégations de fait.

B.- Nous avons dit que, pour être recevable, Paction civile doit être fondée prima fade. Cela signifie que, les faits supposés éta·

blis, les conditions générales de la responsabilité civile seraient remplies. Il y a donc lieu de se demander si l'on se trouverait en présence d'un acte illicite, d'un préjudice et d'un rapport -de causa- lité adéquate e:r:ttre l'acte illicite et le préjudice. Voilà pourquoi, dans la troisième des décisions résumées ci·dessus, la Chambre d'accusation requiert à cet égard que des indie.a,tions précises et détaillées soient fournies par le lésé.

Les deux conditions de l'acte illicite et du préjudice méritent une attention particulière.

1.- L'action civile tendant à la réparation du dommage causé par l'infraction, c'est cette dernière qui forme l'acte illicite au

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sens du droit civil (Hétie, op. cil, p. 101 ; Robert: op. cit., fase.

IV 1966, p. 3 ; Engel, TI"aité des obligations en droit sui"ise, Neu- châtel 1973, p. 307 j Dcschenaux-Tercier, La responsabilité civile, Berne 1975, p. 73 ; A.T.F. 78 IV 244 ' = !ourn. des Trib. 1953 IV p. 128 ; A.T.l'. 101 Il 77 = !ourn. des Trib. 1976 1 p. 170).

Cependant, toute victime d'un dommage résultant d'une infraction au Code pénal n'est pas habilitée il se prévaloir de cette infraction.

Encore faut-il que la norme violée ait été édictée pour la protéger en tant que particulier, et ne vise pas uniquement nntérét général (Engel et Deschenaux-Tercier, loe. cit). On s'interrogera donc, dans chaque cas, sur le but protecteur de la disposition pénale in- voquée. Telle était d'ailleurs la démarche de la Chambre d:accusa·

tion daru la deuxième des espèces relatées plus haut.

lci intervient la notion de rapport d'ilIicéité (Rechtswidrigkeit- zusammenhang), qui a été mise en lumière par la doctrine et par la jurisprudence récentes. On admet de plus en plus que la question de savoir si un dommage est direct ou indirect se confond avec celle de rillicéité (QU, plus précisément, du but protecteur de la norme), qui doit être distinguée de celle du rapport de causalité adéquate (Deschenaux, Norme et causalité en responsabilité civile;

in Stabilité et dynamisme du droit dans la jurisprudence du Tri- bunal fédéral, Bâle 1975, p. 399 58. ; Giovannoni, Le dommage indirect en droit suisse de la responsabilité civile, comparé aux droits allemand et français, R.D.S. 1976, p. 31 55. ; A.T.F. 101 1 b 252 55., 255.2562; 102 Il 85 55., 88.893; et, eritique envers ces deux arrêts, Tercier, La réparation du préjudice réfléchi en droit suisse de la responsabilité civile, Gediichtnisschrift Peler Jaeggi, Fribourg 1977, p. 239 ss). La première des ordonnances reprises ci-dessus nous semble illustrer la confusion des deux questions.

Le dommage invoqué par le Dr F. est certainement en relation de causalité adéquate avec l'infraction reprochée à la directrice. En revanche, on peut douter que la disposition pénale applicable (par hypothèse l'article 159 C.P.) protège non seulement la caisse d'as- surance mais aussi ses employés.

Il est frappant de constater que, en matière d'action civile au pé- nal, la jurisprudence et la doctrine françaises inclinent également à dissocier le problème du but protecteur de la norme d'avec celui de la causalité. Si Bouzat-Pinatel (Traité de droit pénal ct de crimi- nologie, Paris 1970: t. II, p. 940-941) qualifient encore d~indirect

le dommage subi par un particulier à la suite de la violation d'une

1 Sem. judo 1953, p. 469

2 Sem. judo 1976 p. 273 SS., m, 278 3 Sem. judo 19n p. 132 SS., 135, 136

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norme ne protégeant que la collectivité, Merle·Vitlt (Traité de droit criminel, Paris 1973, t. II, p. 75 et 77) et Robert (op. cit., fasc.

II, 1974, p. 5 et 15), font de la lésion d'un intérêt pénalement pro·

tégé une condition indépendante de la constitution de partie civile, condition qui s'ajoute à celle du dommage direct (examiné sous l'angle de la causalité).

L'interprétation d'une disposition pénale aux fins de délimiter le cercle des intérêts et des personnes protégés n'est pas insolite.

Elle s'impose lors de

r

application de l'article 28 du Code pénal sur la plainte (Huber, Die allgemeinen Regeln über den Strafantrag im schweizerischen Recht, Zurich 1967, p. 12) et d'autres règles de procédure fédérale ou cantonale sur la consLÎtlltion de partie civile (Bassegoda, L'action civile en procédure pénale bernoise, Berne 1943, p. 65; Hartmann, Die Stellung des Geschadigten sowie von Dritten im zürcherischen Strafprozess, Kriminalisûk 1970, p. 457). Jugé, par exemple, que l'article 307 du Code pénal protège tant l'Etat que la victime du faux témoignage (S.J.Z. 1964) p. 72) ; que l'arrêté du Conseil fédéral du 6 juillet 1948 sur la prise en charge des vins blancs protège la Confédération ef non les viticulteurs (A.T.F. 78 IV 244· 1 = Journ. des Trib. 1953 IV p. 128) ; que des lois ]ucemoise sur les médecins·dentistes et ber- noise sur les pharmaciens protègent ]a santé publique et non les médecins·dentistes ou les pharmaciens (R.S.J. 1961 p. 222;

R.S.J.B. 1975 p. 8l) ; que l'article 273 du Code pénal protège tant les particuliers que la collectivité (B.J.P. 1975 p. 93). On n'aurait guère de peine à multiplier les exemples (cf. A.T.F. 74 IV 6 ' = Journ. des Trib 1948 IV p. 64 ; 78 IV 21.3 = Jonrn. des Trib.

1953 IV p. 47; 36 IV 32; R.S.J. 1942·1943 p. 98 ; 1962 p. 27 ; R.S.J.B. 1931 p. 276 ; Falb, op. cit., p. 343·346).

2.~ S'agissant du dommage: on sait qu'il consiste dans ( la diminution du patrimoine d'une personne qui se produit sans la volonté de celle·ci >} (Deschenaux·Tercier, op. cit., p. <t9). Selon les règles du droit privé, la réparation du préjudice ne peut être obtenue que par la victime et non par un tiers. En ce sens, le dommage est dit personnel (Carbonnier, op. cit., p. 306·307).

Ainsi, selon cette définition du dommage, l'a-ssureur qui doit indem- niser la victime n'est pas lésé, dès lors que son obligation a été as- sumée volontairement. D'autre part, dans le quah'ième cas tranché par la Chambre d'accusation, l'association I. n'a pas subi de dom- mage, puisque son patrimoine n'a été en rien touché.

1 Sem. judo 1953 p. 469 2 Sem. iUd. 1948 p. 289

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IV

De la définition du dommage doit être distingué un tout autre problème. Selon les règles du droit privé, la victime peut céder la créance née en sa personne (sur la cessibilité du droit à la répara- tion du tort moral, cf. Tercier, Contribution à l'étude du tort moral et de sa réparation en droit suisse, Fribourg 1971, p. 174 55.).

Surgit dès lors le point de savoir si le cessionnaire ou l'assureur subrogé peuvent agir civilement au pénal.

Nous avons dit que le caractère même de l'instruction et du jugement pénaux veut que la coopération d'un particulier en tant que partie civile demeure exceptionnelle. La position du cession- naire et du tiers subrogé ne justifie pas qu'on fasse bénéficier ceux-ci des avantages accordés ft la victime, laquelle seule peut apporter l'aide souhaitable à l'instruction et reste animée d'un désir de vengeance. En conséquence: malgré l'opinion d'un auteur aussi important que Garraud (op. cil.~ p. 254-256), la jurispru·

dence française a fermement posé que ni le tiers subroge ni le ces·

sionnaire ne peuvent revêtir la qualité de partie civile (Granier, La partie civile au procès pénal, Revue de science criminelle et de droit- pénal comparé, 1958 p. 25 ; Stefani·Levasseur, Procédure pénale, Paris 1973, p. 148 ; Brière de l'Isle-Coglliard~ Procédure pénale, Paris 1971, t. l, p. 17]-172; Bouzat·Pinatel, op. cil., p.

932-933) .

Cette manière de voir est partagée en Suisse. Interprétant l'article 34 du Code de procédure pénale fédéral, le Tribunal fédéral déclare qu~ celui qui ne souffre pas d'une atteinte personnelle dans la sphère de ses droits privés ne saurait intervenir aux débats comme partie civile, même s'il s'est fait céder les droits du lésé (A.T.F.

78 IV 244 1 = Joum. des Trib. 1953 IV p. 128). La jurisprudence bernoise a eu l'occasion de préciser que, sauf disposition légale contraire, le cessionnaire ou l'assureur subrogé n'ont pas qualité pour intenter .l'action civile devant le juge pénal (R.S.J.B. ]960 p. 343 ss. ; 1974 p. 77 55., où l'application de ces principes conduit à une solution qui peut leur 5~mbler contraire; Clerc, Initiation à la justiœ pénale en Suisse, Neuchâtel 1975, p. 126-127 ; F alb, op. cit., p. 341-342).

A Genève~ l'ancien Code de procédure pénale n'admettait pas la constitution de partie civile des cessionnaires et des tiers subrogés.

1 Sem. judo 1953 p. 469

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Selon les articles 17 et 76 alinéa] de ce texte, seules les personnes lésées pouvaient revêtir cette qualité. L'article 7 était encore plus clair: l'action civile était exercée par ceux qui avaient souffert du dommage. Et

r

on a vu que les cessionnaires et les tiers subrogés ne subissent pas un véritable dommage, dès lors que la diminution du patrimoine résulte d'une obligation volontairement contractée.

Le code de 1977 ne reprend pas l'expression {( souffert (du) dom- mage ». Cependant, il réserve toujours l'exercice de l'action civile au lésé (art. 12 et 25). La règle n'a donc pas changé (Poncet~ op.

cit., p. 84). La référence du commentateur à l'article 28 du C(lde pénal renforce cette manière de voir (Poncet, op. cit., p. 89 et 104). On remarquera le cas particulier de l'article 12, alinéa 2, du Code de procédure pénale (Poncet, op. cil., p. 89 ; cf. Falb, op. cil., p. 342).

Quid de la transmissibilité de l'action civile par voie de suc- cession universelle? On admet que le droit d'intenter l'action civile au pénal se transmet aux héritiers, s'agissant en tous cas du dom- mage matériel (Merle-Vitu, op. cit., p. 81 ; Bouzat-Pinatel~ op. cit., p. 163 58. ; Clerc, op. cil., p. 126 ; Falb, op. cil., p. 342). La ré·

ponse est nuancée, en droit suisse, s'agissant de la réparation Ju lori moral (Tercier, op. cil., 1971, p. 167 88).

v

Pour clarifier la jurisprudence de la Chambre d'accusation, il sied d'applique~ les catégories du droit de la responsabilité civile suisse en vue de déterminer si les faits articulés peuvent fonder une action en dommages-intérêts. Même si elle aboutit à des résul·

tats analogues, l'application des concepts de préjudice personnel et direct est malaisée. Le caractère direct du dommage dépend à la fois du but protecteur de la norme et du lien de causalité. Son caractère personnel est lié à la définition même du dommage.

Il parait donc dogmatiquement plus exact et pratiquement plus judicieux de s'en tenir aux principes suivants. Justifie d'un intérêt légitime pour se constituer partie civile au pénal celui qui, alléguant des faiŒ simplement vraisemblables, serait à même, prima fade, d'obtenir, selon le droit de la responsabilité civile, réparation du dommage issu de l'infraction. Cependant, vu les fins de la procé- dure pénale, les droits résultant d'une cession ou d'une subrogation ne confèrent pas à leur titulaire un intérêt légitime pour agir devant le magistrat répressif.

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