S a i n t - T r o p e z
Presqu'île
Massif des Maures
par
Françoise Cachin
C O N S E R V A T E U R A U M U S É E D ' O R S A Y
S a i n t - T r o p e z : façades du port roses et dorées devant une eau « bleu waterman », sous un ciel d'azur ; un coucher de soleil rouge, derrière des montagnes violettes, siroté à la terrasse des cafés du port : autant de cartes postales trop vives pour être vraies. Pourtant, vraies, elles le sont ! Il y a dans Saint-Tropez et sa presqu'île une qualité de lumière, une violence de couleurs, qui précèdent tout ce que l'on peut dire du charme de son passé ou des multiples agréments de sa vie estivale. Ce caractère particulier de la lumière qui grise depuis un siècle tous les amoureux du lieu, vient de la position unique et paradoxale de Saint-Tropez sur toute la côte méditerranéenne française, comme de son climat singulier.
En effet, la presqu'île de Saint-Tropez fait partie d'un ensemble très individualisé en Provence, celui du Massif des Maures, pays montagneux délimité au nord par l'actuel tracé de l'autoroute, du Pujet au Muy, à l'ouest par une ligne qui va de Cuers à Hyères, à l'est par Fréjus et au sud par la mer, d'Hyères et de ses îles à
Un lieu géographique singulier
Les golfes de Saint-Tropez et de Saint-Raphaël, d'après une carte marine du début du XVIIle siècle. On remarque que le golfe était plus profond vers Cogolin et Grimaud. Ci-dessous, maison de vigneron
traditionnelle dans la plaine de Ramatuelle.
Fréjus. Cet ensemble est une sorte d'île géologique dans la Provence crayeuse : le sol cristallin et la végétation y sont analogues à ceux de la Corse. Le massif des Maures est couvert d'une végétation sombre — le mot de Maure ne vient pas comme on pourrait le croire de son passé sarrasin et mauresque
— mais du provençal mauro, bois de pins sombre, issu du grec amauros, sombre. Ces bois de pins, de frênes, de châtaigniers, sont parfois remplacés par un maquis odorant de genévriers, lentisques, myrte, etc., après un de ces incendies qui les ravagent périodiquement depuis toujours.
Le pin parasol était l'arbre roi de cette région ; les plus célèbres, à la Foux, ont été coupés pendant la dernière guerre. Il en reste encore de fort beaux près de la plage des Salins et au-dessus de la plage de Pampelonne.
De cette nature, toute la région tirait sa subsistance avant le tourisme, qu'il s'agisse des châtaigniers des Maures, des chênes-lièges, de la vigne, prospère sur ce sol cristallin, et naturellement de la pêche. Mais les gravures anciennes ou les cartes postales du début du siècle nous montrent que l'activité principale du port de Saint-Tropez était le transport, par
tartanes, des tonneaux de vin de la presqu'île vers les plus grands ports de Toulon ou de Marseille. On expédiait également des bouchons taillés dans les écorces des chênes-lièges, les châtaignes des Maures et du poisson, surtout du thon que l'on pêchait « à la madrague », mot et probablement pêche d'origine arabe, qui consiste en grands filets fixés sur de hauts-fonds pendant la belle saison, où les poissons viennent d'eux-mêmes s'enfermer.
Au cours du XIXe siècle, la flore dite d'agrément a changé : la presqu'île était plus aride et rocheuse qu'aujourd'hui, seuls les lauriers-roses et les géraniums se blottissaient dans les jardins protégés de murs de la vieille ville. Le géranium dit « rosa » était planté systématiquement près des fenêtres pour sa réputation de
Les forêts de pins maritimes et de pins parasols sont encore, malgré l'extension de la vigne et les incendies de forêt, une des beautés de la
région. Ici, pins près de la plage de Pampelonne.
Port-Cros est inhabité en dehors de cette anse abritée.
Des trois îles d'Hyères, c'est la plus sauvage et la plus romantique, romanesque même ! Melchior de Vogüé y a placé le décor d'un célèbre
roman 1900, Jean d'Agrève.
forts du XVIIe siècle témoignent de l'importance stratégique qu'eurent ces îles dans les combats divers contre les pirates, les Barbaresques, les Anglais ou les Espagnols : longtemps, qui prenait pied dans les îles menaçait Toulon.
La plus merveilleuse des trois îles est sans doute celle de Porquerolles. Bien qu'y soient établis un village, charmant et quasi colonial, et des exploitations agricoles (vignes, oliviers), l'île a gardé un caractère intact et tout visiteur qui s'écarte un tant soit peu du débarcadère éprouve une impression de découverte et d'appropriation. Le nom de l'île vient des porcs sauvages, ou sangliers, qui l'habitaient autrefois, comme tout le massif des
Maures. Tous les amoureux de Porquerolles vous chanteront ses chemins sous les eucalyptus qui invitent à d'bdorantes marches à l'ombre, au cœur de l'été, ses plages quasi désertes, ses criques secrètes qu'on atteint par des lieux aux noms magiques, Vallon de la solitude, Chemin de la repentance, le Brégançonnet, la
pointe de la Galère, le cap des Mèdes ou celui du Langoustier. ;
L e s c a p s . En revenant de Porquerolles vers
Saint-Tropez, si l'on reprend sa voiture à la T o u r Fondue, sur la presqu'île de Giens, on doit faire un léger crochet au-dessus du Lavandou pour aller admirer le grandiose cap Bénat, son château de Retz du XVIIIe siècle, son nouveau port de plaisance à la pointe du Tgourou et plonger un regard indiscret vers le fort de Brégançon, résidence de vacances des présidents de la
République. Le cap Bénat et le cap Nègre répondent aux trois hauts promontoires de la presqu'île de Saint-Tropez, les caps Lardier, Cartaya et Camarat, qui dominent la mer et les criques sauvages à atteindre par mer, où l'eau est d'une pureté « grecque ».
Fréjus fut fondée en 49 avant . - C . par Jules César, d'où son nom de Forum Julii.
L'amphithéâtre sert
aujourd'hui d'arènes tauromachiques. Il pouvait contenir à l'époque romaine 10 000 spectateurs.
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