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Sur une trombe d'eau ascendante: phénomènes très remarquables qu'elle présente
COLLADON, Daniel
COLLADON, Daniel. Sur une trombe d'eau ascendante: phénomènes très remarquables qu'elle présente. Archives des sciences physiques et naturelles, 1890, vol. 3e période, t. 24, p.
97-105
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UNE TROMBE D'EAU ASCENDANTE
PHENOMENES TRES REMARQUABLES QU'ELLE PRESENTE
PAR
M.
D.
COLLADONCommuniquéà la Société de Physique et d'Histoire naturelle de Genève dans sa séance du 3 juillet 1890.
Mon très honorable collègue M. Paye, membre de
l'Institut
et du Bureau des longitudes, a publié dans l'Annuairede j?S7o un mémoire de109
pages (pages407
à
516),
intitule« Défense
de la loi des tempêtes, »dans lequel
entrent
beaucoup de considérations impor- tantes.Parmi
celles-ci, un certain nombre nem'ont
pasparu
pouvoir sesoutenir
devant l'évidence des faits.En 1877,
dansun
article de 131 pages, qui a aussiparu
dansl'annuaire
de cette année, il a discuté le sou- venird'une
grêle terrible qui a traversé laFrance
du S.-O. au N.-E. en1788,
et il a appuyé sur la probabilitéque ce devait être
un courant d'air
descendant qui,venant
d'Amérique, avait
produit
cette grêle désastreuse.En 1879, j'ai
publié dans les Archivesun
mémoiremtitulé « Contributions à
l'étude
de la grêle et des trombes aspirantes, » etj'ai
cherché àdémontrer
que lesSUR
trombes
d'air
peuvent, dans certainscas, être ascendantes.Je rappelais d'abord
un
fait dont j'avais été témoin en1879, un
peu avant midi, à la sortie des fortifications, du côté de la Coulouvrenière. Ce jour-là, il y avait une les-sive abondante qui séchait, étendue sur le sol, au soleil
je vis
tout
à coup tous les menus objets de cette lessive se soulever par un tourbillon qui paraissait avoir au plus deux mètres de diamètre. Ces menus linges s'élevèrentpresque verticalement, avec une vitesse vertigineuse, et
ils passèrent au-dessus de la ville, à une grande
hauteur,
que j'estimai à environ600
mètres, en seséparant,
ilsallèrent tomber de
l'autre
côté de la ville, à mi-chemin environ de Cologny. Ces linges blancs, qu'éclairait lesoleil, étaient très visibles.
Je rédigeai le jour même un récit de cette espèce de trombe aspirante, et il fait partie
d'un
mémoire quej'ai
lu à la Société de Physique, et qui est intitulé « Contri- butions à l'étude de la grêle et des trombes aspirantes,
1879."
»Pendant
que je rédigeais mon mémoire sur les causesde la grêle, M. Raoul Pictet m'apporta un cahier
qu'il
avait écrit au Caire et dans lequel il s'occupait des expériences qu'il avait faites en Egypte, sur les trombes aspirantes de sable poussiéreux qui se forment à quelques lieues du Caire, à certaines saisons del'année,
et qui sont ordinai- rement ascendantes.M. Pictet porta sur le lieu observé du duvet et des
instruments,
surtout des thermomètres, et il a fait des expériences très curieuses et quej'ai
rédigées d'après lui.Ces expériences prouvent que ces trombes expérimentées par M. Pictet étaient bien ascendantes et qu'elles pou- vaient s'élever jusqu'à quelques centaines de mètres.
Huit
ans après,c'est-à-dire
le 7 février1887,
M. Mas-cart présenta
à l'Académie des sciences une noticeinti-
tulée « Trombes marines en plein
air,
x où il parlaitdes expériences tentées par M. Weyher
sur
les tourbillonsd'air
et où il crut pouvoir prouver qu'elles sont toujours ascendantes.M. Weyher a publié en
1889
un volumesur
ses nom- breuses expériences, faites toujours dansl'air,
et il croit même y trouver l'explication de plusieurs phénomènes qui se passent dans les astres.A cette même époque, je publiais à Genève mon expé- rience pour
produire une aspiration sur
de la sciure,un
peu plus dense que l'eau, en faisant
tourner
à lapartie supérieure d'un
vase pleind'eau contenant
de la sciure,des palettes placées
sur un arbre
vertical.En
1887,
M. Faye a pubhéun
livreSur
les tempêtes, les théories et les discussions nouvelles. Dans ce mémoire,page
24,
encitant
mes propres paroles, M. Faye dit« Le principe général que M. Colladon admet et qui lui
«
paraît
nouveau etimportant pour
la météorologie et«
pour
la constitution physique des trombes, peut se« résumer comme il suit «
Étant
donnée, dit M. Col-« ladon,
une
grande étendued'un
fluide liquide ouaéri-
« forme,
dont
une portion limitée est animéed'un
« mouvement de
rotation autour d'un
axe et forme une« espèce de fuseau rotatif, si
l'on
suppose ce fuseau« divisé en tranches parallèles, égales en épaisseurs et
« perpendiculaires à l'axe, il se développera dans cha-
« cune de ces tranches une force centrifuge moyenne,
«
tendant
à éloigner ses particules de leur axe derota-
« tion. Si les forces centrifuges moyennes les plus
rappro-
« chées du centre de longueur du fuseau
l'emportent
en« énergie, il se produira aux extrémités de ce fuseau et
<
ie
long de son axe un appel vers les parties centrales,« et il naîtra, le long de cet axe, à partir de ses extrémités,
« deux courants en sens contraires; en sorte que, si l'axe
« était vertical, le mouvement produit serait ascendant
« dans sa partie inférieure et descendant dans une partie
«
supérieure,
»J'ai
fait faire depuis, pour rendre ce principe évident, un appareil où une petite roue à palettes,tournant
hori- zontalement, aspire du fond du vase une petite trombe ascendante de sciure, dont le sommetatteint
la roue àpalettes, et l'expérience a été répétée à Paris, devant l'Académie des Sciences,
par
M. Mascart, avec un de mes appareils.M. Faye a répondu à cet article que les petites palettes élevaient du fond du vase l'eau et les poussières qui y sont accumulées, parce que c'est dans
un
vase fermé que cette eau est contenue, mais que dans lecourant d'un
fleuveles tourbillons qui se forment ont toujours la forme
d'un
entonnoir, dont la bouche est en haut.Il ajoute que, dans les fleuves et les rivières, toutes les trombes qui se forment
ont
toujours la bouche en haut, et que c'est la pointe opposée à cette bouche qui va affouiller le fond; il dit, de plus, qu'il en est de même pourl'air
dans ses mouvements rotatifs.
Dans un article spécial, il dit « Les tourbillons des
« cours d'eau sont descendants (p.
530).
Maintenant« que l'observation nous a révélé les caractères princi-
« paux des tourbillons descendants à axe vertical (ceux
« qui naissent dans nos cours
d'eau
sont toujours des-«
cendants), etc.
p.534).
»Or, il vient de se produire à Genève, le long du bar-
rage à rideaux que l'on a
construit
enamont
et le long du petit pont de la Machine, un fait excessivement curieux.On peut
reproduire àvolonté
ce fait, il suffitpour
celad'abaisser
un certain nombre de cesrideaux,
tandisqu'aux
extrémités ils sont relevés et quel'eau
s'y écoule librement.Il se produit alors à chaque extrémité ouverte une trombe, ou tourbillon, qui a sa bouche en bas. Un peu plus haut, elle prend la forme cylindrique horizontale, et
ces deux parties horizontales
tendent
à seréunir,
en for- mant, comme onl'a
baptisé à Genève, une espèce de serpentd'eau.
Cette partie cylindrique et horizontale, qui
aboutit
auxdeux rideaux ouverts, ondule dans
un
espaced'un
peuplus
d'un
mètre et a partout le mêmediamètre,
sa gros- seur peut varier dans toute sa longueur, depuis moinsd'un
centimètre jusqu'à plusd'un
décimètre de diamètre.M.
Turrettini, l'auteur
etl'organisateur
principal, avecM. G. Naville et M. Chappuis, de cette admirable organi- sation. qui
a tant
contribué aubien-être
de Genève, est venu me voir etm'annoncer
ce fait très curieux, et nous avons pris jour pour aller le visiter ensemble; malheureu- sement, ce jour-là, nous avons regardé lecourant pendant
plus
d'une heure
et le phénomène ne s'est pas produit.Quelques jours après,
passant
à la place J.-J.-Rousseau,par un
temps calme et pluvieux,j'ai
vuce
phénomène,qui se produisait énergiquement, et
j'ai
passé près de deux heures à l'examiner.J'ai
envoyé chercher M. Boissonnas, le photographe, quia reproduit
plusieurs exemplaires du phénomène, lesuns vus perpendiculairementau fleuve, et les autres vus depuis le quai et horizontalement.
J'examinai comment ce phénomène peut se produire
et je pensai à quelques expériences que je voulais faire sur
ses circonstances principales, afin de pouvoir résoudre les
questions suivantes
tn
question. Comment ce phénomène se produit-il, et que voit-on lorsqu'il se forme?Supposons un ou deux rideaux relevés du côté du quai et laissant écouler l'eau, puis six ou huit rideaux abaissés verticalement et formant barrage, et les rideaux suivants tous relevés. En d'autres termes, supposons six ou huit
rideaux formant un barrage partiel de l'eau du Rhône et
les rideaux des extrémités relevés pour laisser passer l'eau par des ouvertures de prés de deux mètres de hauteur et un mètre environ de largeur.
S'il y a sept rideaux baissés, cela fait un barrage d'à
peu près
8°yl2.
Tout à coup il part des deux extrémités ouvertes de ce barrage (quelquefois d'une seule de ces extrémités) une colonne cylindrique
d'air,
qui devient horizontale, ayantle même diamètre des deux côtés. Ces colonnes se re-
joignent en moins
d'une
seconde, en formant un très long fuseau continu, qui aboutit aux deux extrémités ouvertes, et là il descend et s'élargit dans l'eau qui s'écoule.La partie cylindrique sensiblement horizontale et con- tinue de cette veine grossit quelquefois sur toute sa longueur, et elle peut atteindre plus
d'un
décimètre dediamètre.
Cette partie horizontale
n'est
pas immobile, elle a unmouvement dans le sens horizontal qui tantôt la rapproche du barrage et tantôt l'en éloigne à plus
d'un
mètre. C'estlà ce que l'on désigne dans le peuple de Genève sous le
nom de « serpent d'eau, » et que nous désignerons par
le nom de « la partie cylindrique de la
veine.
»J'ai
voulu me rendre compte des faits suivants10 Quelle est la profondeur moyenne de cette partie cylindrique et horizontale ?`?
20 Si on
interrompt
cette partie cylindriquepar
unesurface plane plus ou moins large, le phénomène peut-il
se produire également?`?
3° Si
l'on
touche cette veinepar
un tube de métal,muni
à sa partie supérieured'un
manomètre àtrès
lon-gues branches, qu'indiqueront les oscillationsde ce mano-
mètre ?`.'
4° Enfin,
j'ai
voulu voir quelle serait la longueur maxima de la partie barrée, que l'on me disait ne pouvoirdépasser 8m,12, parce
qu'au
delà ellen'avait
pu se pro- duire.Premièrement. Quelle est la profondeur moyenne de la veine
horizontale?
2J'ai
fait plusieurs expériences pourobtenir
cette pro- fondeurmoyenne,
et j'ai trouvé environ Om,5O de profondeur. Cette profondeur peut varier de quelques centimètres en plus ou en moins.Secondement. Pour résoudre la seconde question,
j'ai
fait forger
une
pelle parfaitement plane et triangulaire, finissant en pointe, avec un manche de trois mètres. Cette pelle a dans la partie supérieureune
largeur d'environ33
centimètres et sa hauteur estd'environ 34
centimètres.Les deux côtés sont inclinés et se
réunissent
en pointe.La surface de cette pelle a été placée dans le sens du
courant, de manière à
interrompre
la veine.Si la veine ne frappait qu'une partie large de trois ou quatre centimètres, la partie cylindrique de la veine se déviait
un
peu etcontinuait
à subsister; mais si l'on abaissaitla pelle davantage, la veine cessaitd'être
continueet chaque partie s'écoulait lentement du côté des deux ouvertures qui terminaient le barrage.
Troisièmement. Expérience faite avec des tubes à gaz, longs de trois mètres et portant dans leur partie supérieure
un
manomètre dont les branches latérales avaient environ cinquante centimètres de longueur.On cherchait à atteindre avec l'extrémité inférieure du tube en fer la veine fluide qui oscillait horizontalement.
Lorsque l'extrémité inférieure du tube
pénétrait
dans la partie centrale de la veine, on voyait le manomètre quimontait
brusquement par une aspiration detrente
à qua-rante
centimètres d'eau.Quatrièmement.Quelle est la longueur maxima que peut atteindre le barrage?
J'ai
dit que le barrage avait, dans ces expériences, une longueur de 8m,12. En portant cette longueur àÎO™
le phénomène s'est montré presque aussi bien; en la
portant
à 12 m,lh, il s'est produit presque aussi facilement.En
portant
la longueurà
15m,08, le phénomène se pro-duisait,
un
peu plus difficilement, mais les deux extrémitésse rejoignaient et toutes les apparences étaient les mêmes.
Enfin, en portant la distance à 177 m,42, c'est-à-dire en abaissant quinze rideaux continus, il s'est fait deux
tron-
çons, mais ils ne se sont pas rejoints, et ces tronçons même ne
duraient
qu'un instant.Voilà donc un fait nouveau et bien extraordinaire. Ce
tube
d'air
parfaitement cylindrique, de1,500
centimètresde longueur horizontale et qui par moment
n'avait qu'un
centimètre, ou même moins, de diamètre.De plus, il était formé par deux tourbillons horizontaux qui tous deux avaient leurs bouches à un niveau inférieur,
dans la partie ouverte
par
laquelle l'eau s'écoulait.C'est surtout un
fait qui est évidemmentcontraire
àl'assertion de M. Faye, qui dit et répète dans le mémoire publié en
1877
(et plusrécemment
dans La loi des tem-pétes, qui a
paru
dansl'année 1887),
que les tourbillonsd'eau,
lorsqu'ils ne sont pas gênéspar
une enveloppe, ont toujours leur bouche enhaut
et leur axe à peu près vertical.On peut teindre cette veine horizontale avec des cou- leurs ou
une
poussière colorante.En
employantde petites boîtesd'aniline
attachées avec une ficelle, on voit cette boîte, lorsqu'elle est prise par lecourant
rotatif,tourner
avec rapidité,