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E Évaluation du risque de l’introductiondu myriophylle à épis surl’offre de pêche et la biodiversitédes eaux à touladi.

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8098-04-02

E Évaluation du risque de l’introduction du myriophylle à épis sur

l’offre de pêche et la biodiversité des eaux à touladi.

Revue de la littérature

8168-06-05

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ÉVALUATION DU RISQUE DE L’INTRODUCTION DU MYRIOPHYLLE À ÉPIS SUR L’OFFRE DE PÊCHE ET LA BIODIVERSITÉ DES EAUX À TOULADI

Revue de la littérature

par

Isabelle Auger

Ministère des Ressources naturelles et de la Faune

Québec, mai 2006

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Auger, I. 2006. Évaluation du risque de l’introduction du myriophylle à épis sur l’offre de pêche et la biodiversité des eaux à touladi. Revue de la littérature. Ministère des Ressources naturelles et de la Faune, Direction de la recherche sur la Faune, Québec. 88 p.

Dépôt légal – Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2006 ISBN : 2-550-47224-1

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ÉQUIPE DE RÉALISATION

Auteur Isabelle Auger

Coordination et révision des textes

Henri Fournier Direction de l’aménagement de la faune de l’Outaouais Pierre Bérubé Direction de la recherche sur la faune

Michel Legault Direction de la recherche sur la faune Annie Paquet Direction du développement de la faune

Correction des textes et mise en forme Jacinthe Bouchard Direction de la recherche sur la faune Doris Cooper Direction de la recherche sur la faune

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RÉSUMÉ

L’expansion de la distribution du myriophylle à épis (Myriophyllum spicatum) a été très rapide en Amérique du Nord. Effectivement, bien que la première mention de cette espèce exotique envahissante sur le continent américain ne date que du début des années 1940, de nos jours ce sont 47 États américains et trois provinces canadiennes – le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique – qui sont aux prises avec ce fléau.

Il s’agit d’une espèce qui peut croître dans une gamme variée d’habitats, atteignant même une biomasse importante en milieu oligotrophe, contrairement à la croyance populaire.

Effectivement, M. spicatum, grâce à ses racines, puise les nutriments dont il a besoin pour sa croissance dans le substrat. Ainsi, même lorsque les apports anthropiques en nutriments sont réduits, les teneurs en phosphore et en azote des sédiments sont souvent suffisantes pour favoriser la formation d’une canopée luxuriante.

Lorsque le myriophylle à épis envahit un plan d’eau, il le fait généralement au détriment des autres espèces de plantes aquatiques présentes. Ainsi, la diversité en macrophytes chute en présence de cette plante exotique. M. spicatum devient donc souvent la plante aquatique dominante dans la zone littorale, parfois même la seule espèce présente dans certaines régions. De plus, le myriophylle à épis colonise parfois des zones auparavant dépourvues de végétation aquatique. Tous ces changements, incluant l’atteinte d’une biomasse importante, occasionne des changements dans les paramètres chimiques et physiques des eaux environnantes. Ainsi, des apports importants de phosphore dans la colonne d’eau ont été notés près des bancs de cette plante exotique, en plus d’une augmentation de la productivité du phytoplancton.

Certaines recherches effectuées au Canada ont démontré les effets néfastes de cette plante sur certaines populations ichtyologiques, tels le saumon sockeye du lac Cultus (Oncorhynchus nerka), le méné d’herbe (Notropis bifrenatus) et le méné camus (Notropis anogenus). L’impact du myriophylle à épis sur le touladi (Salvelinus namaycush) est plus difficile à évaluer, compte tenu de la quasi-absence de publications scientifiques sur ce

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sujet. Cependant, divers impacts sont à appréhender, particulièrement lorsque S.

namaycush est retrouvé en zone littorale, c’est-à-dire, au moment de la fraie, lors de l’incubation des œufs et de l’émergence des alevins. À ce titre, notons l’augmentation possible des débris végétaux et des particules fines sur les frayères, l’accroissement des prédateurs potentiels des jeunes stades de vie et une diminution de la productivité des espèces-proies. Ces changements éventuels pourraient donc être en mesure de nuire au recrutement de certaines populations de touladi. De plus, une croissance plus lente, une diminution de la longévité et de la taille des individus pourront être observées.

Un déclin des prises de touladi pourrait être alors observé suite aux changements dans l’habitat de celui-ci. Également, une diminution de la productivité des populations pourrait engendrer une perte d’intérêt pour la pêche sportive à S. namaycush dans les lacs touchés.

De plus, la présence de myriophylle à épis en zone littorale, qui pourrait diminuer l’attrait visuel du lac et limiter les activités de canotage, ne devrait pas encourager l’attrait des pêcheurs sportifs pour ces plans d’eau.

Autant que possible, les écosystèmes abritant des populations de touladis devraient être protégés des effets potentiellement adverses causés par la présence de cette plante aquatique exotique envahissante.

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TABLE DES MATIÈRES

ÉQUIPE DE RÉALISATION ...iii

RÉSUMÉ ... iv

TABLE DES MATIÈRES... vi

LISTE DES FIGURES ...viii

1. INTRODUCTION ... 1

1.1 Problématique... 2

1.2 Objectifs spécifiques ... 3

2. BIOLOGIE DU TOULADI ET HABITATS UTILISÉS PAR L’ESPÈCE DANS LE SUD DU QUÉBEC ... 5

2.1 Reproduction ... 6

2.2 Juvéniles ... 8

2.3 Adultes... 10

3. MYRIOPHYLLE À ÉPIS (Myriophyllum spicatum L.) ...13

3.1 Origine en Amérique du Nord ... 14

3.2 Écologie ... 15

3.2.1 Habitat ... 15

3.2.2 Propagation et étalement ... 18

3.2.3 Impacts sur les activités humaines et moyens de contrôle ... 20

3.2.4 Déclin naturel ... 25

3.3 Distribution au Québec... 26

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4. MODIFICATIONS DES PARAMÈTRES PHYSIQUES ET CHIMIQUES ... 30

4.1 Intensité lumineuse ... 30

4.2 Circulation de l’eau et substrat ... 31

4.3 Gradient de pH... 32

4.4 Gradient de température ... 33

4.5 Nutriments ... 34

4.6 Gradient d’oxygène ... 37

5. MODIFICATIONS DES HABITATS ... 39

5.1 Plantes aquatiques indigènes ... 39

5.2 Phytoplancton et périphyton... 42

5.3 Invertébrés aquatiques ... 44

5.4 Espèces piscicoles... 47

6. DISCUSSION – RISQUE DE L’INTRODUCTION DU MYRIOPHYLLE À ÉPIS SUR L’OFFRE DE PÊCHE ET LA BIODIVERSITÉ DES EAUX À TOULADI ... 52

7. CONCLUSION ... 67

REMERCIEMENTS ... 69

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES ... 70

ANNEXE A : LISTE DES ABBRÉVIATIONS ... 85

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LISTE DES FIGURES

Figure 1 : États américains et les provinces canadiennes avec mention de myriophylle à épis………...16

Figure 2 : Lacs du Québec où la présence de Myriophyllum spicatum a été rapportée ou lacs où il y a des opérations de contrôle de Myriophyllum sp………28

Figure 3 : Impacts anticipés du myriophylle à épis sur Salvelinus namaycush……….…...62

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1. INTRODUCTION

Le myriophylle à épis (Myriophyllum spicatum L.) est une plante aquatique submergée originaire d’Europe et d’Asie. L’introduction de l’espèce en Amérique du Nord aurait eu lieu au 19ième siècle (Redd, 1977), vraisemblablement par des aquariophiles qui se seraient débarrassés du contenu de leur aquarium. Cependant, la première mention vérifiée de l’espèce sur le continent américain ne date que du début des années 1940 (Couch et Nelson, 1985). Depuis, le myriophylle à épis s’est grandement dispersé. De nos jours, il serait présent dans 47 états américains et trois provinces canadiennes, soit le Québec, l’Ontario et la Colombie-Britannique (Creed, 1998; U. S. Geological Survey, 2005; Gregory, 2005;

Environnement Canada, 2005a).

M. spicatum peut croître dans un environnement affichant une vaste gamme de conditions physiques et chimiques. Ainsi, bien que l’espèce soit généralement représentative des milieux mésotrophes à légèrement eutrophes, sa présence est rapportée de plus en plus fréquemment dans des lacs oligotrophes (Aiken et al., 1979; Truelson, 1985; Madsen et al., 1988; Boylen et al., 1996; Fournier et al., 2004). Au Québec, la distribution du myriophylle à épis semble surtout être concentrée dans les régions de l’Estrie et de l’Outaouais (Lesmerises, 1993), bien que des observations récentes de l’espèce aient été effectuées dans les lacs Saint-Charles et Delage situés dans la région de la Capitale- Nationale (Association pour la protection de l’environnement du lac Saint-Charles et des Marais du Nord, 2005).

Le myriophylle à épis est considéré, en Amérique du Nord, comme une plante exotique envahissante. Généralement, il déloge les plantes aquatiques indigènes (Aiken et al., 1979;

Madsen et al., 1991; Boylen et al., 1999) et colonise des zones auparavant dépourvues de macrophytes (Newroth, 1985; Gibbons et Gibbons, 1985), formant des bancs monotypiques. Sa présence en surabondance détériore l’esthétisme, interfère avec les activités récréatives, gêne la circulation nautique, réduit l’apport en eau dans les canaux d’irrigation et cause même des problèmes de goût et d’odeur dans les réserves d’eau potable (Aiken et al., 1979; Bates et al., 1985; Newroth, 1985; Gibbons et Gibbons, 1985;

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Chambers et al., 1999; Arsenault et Légaré, 2000; Sauvé, 2002). En termes de conséquences sur les écosystèmes, une production excessive de macrophytes peut causer des changements au niveau de l’intensité lumineuse (Carpenter et Lodge, 1986; Engel, 1995; Boylen et al., 1999), de la circulation de l’eau et de la sédimentation des particules (Petticrew et Kalff, 1991, 1992; James et Barko, 1994), des gradients de pH, de température et d’oxygène (Dale et Gillespie, 1977; Frodge et al., 1990; Frodge et al., 1995), de même que des modifications au niveau des concentrations en nutriments (Landers, 1982; Carignan et Kalff, 1982; Smith et Adams, 1986; Frodge et al., 1991). La variation de ces paramètres risque donc, à son tour, d’entraîner des modifications au sein des communautés de plantes aquatiques, de phytoplancton et de périphyton, d’invertébrés et de poissons. Globalement, ces perturbations qui peuvent survenir à différents niveaux trophiques risquent d’exercer des impacts négatifs sur la biodiversité des plans d’eau infestés.

1.1 Problématique

Depuis 2001, on note la présence et l’implantation progressive et rapide du myriophylle à épis dans des lacs à touladi typiquement oligotrophes de la région de l’Outaouais. En 2004, le myriophylle à épis était présent dans des lacs représentant au moins 30 % de la superficie en eau à touladi de la région (Fournier et al., 2004). Des plans d’eau à omble de fontaine et à omble chevalier sont probablement aussi affectés. Les effets du myriophylle sur le touladi sont méconnus et méritent d’être étudiés. Par exemple, le colmatage des frayères par des particules fines, emprisonnées par les macrophytes aquatiques ou générées par les macrophytes en décomposition, peut affecter les activités de reproduction du touladi (Sly, 1988; Bérubé et al., en préparation). Pratt et Smokorowski (2003) ont démontré que la diversité en espèces et la densité de poissons augmentaient en présence de végétation par rapport à un habitat présentant un fond rocheux ou un substrat dénudé. Parmi ces espèces, se trouvent des Centrarchidés susceptibles de devenir des prédateurs de jeunes touladis, ciscos et corégones, lorsque ces derniers occupent la zone littorale. De plus, Carignan et Kalff (1982), de même que Landers (1982), ont émis l’hypothèse que la présence du myriophylle à épis peut accélérer l’eutrophisation d’un plan d’eau due à la libération des

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nutriments par les macrophytes en croissance ou sénescents. Ceci risque donc d’engendrer des impacts sur l’écosystème, la biodiversité et l’habitat du touladi.

1.2 Objectifs spécifiques

La présente rétrospective de littérature vise à documenter les impacts de la présence du myriophylle à épis dans les lacs oligotrophes abritant des populations de touladi. De façon plus spécifique, cette recherche vise à répondre aux objectifs suivants :

x Documenter les effets de l’augmentation de production primaire liée au développement du myriophylle à épis sur l’habitat du touladi et les risques d’eutrophisation sur l’écosystème lacustre.

x Documenter les effets de l’introduction du myriophylle à épis sur l’expansion d’espèces compétitrices du touladi et de ses proies, les changements dans la communauté de poissons ainsi que l’impact appréhendé sur la population de touladi.

x Documenter les impacts de l’introduction du myriophylle à épis sur l’habitat de fraie du touladi et de ses principales proies.

x Intégrer l’ensemble de ces pressions et évaluer le risque que l’introduction du myriophylle à épis fait peser sur les milieux oligotrophes, le touladi et l’offre de pêche qui s’y rattache.

x Mettre en évidence les impacts de l’introduction du myriophylle à épis sur les autres espèces animales et végétales aquatiques et sur la biodiversité.

Sans être exhaustive, cette rétrospective de la littérature cible de façon préférentielle les effets potentiels de l’introduction de myriophylle à épis dans les habitats typiquement oligotrophes, peu ou pas dégradés, ou enrichis par les activités de nature anthropique. La

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recherche de la documentation scientifique pertinante à l’élaboration de ce document a été réalisée à l’aide des banques de données « Web of Science », « Current Content », de même que celle du « Sea Grant Nonindigenous Species Site » (www.sgnis.org). Celles-ci couvrent respectivement les années 1974 à 2006, 2000 à 2006 et des articles portant spécifiquement sur la problématique des espèces exotiques. Le catalogue « Ariane » de l’Université Laval, de même que celui de la bibliothèque du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs ont également été questionnés. Le moteur de recherche Google (www.google.ca et www.scholar.google.com) a aussi été employé.

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2. BIOLOGIE DU TOULADI ET HABITATS UTILISÉS PAR L’ESPÈCE DANS LE SUD DU QUÉBEC

Le touladi (Salvelinus namaycush), appelé communément truite grise ou truite de lac, est le plus gros représentant de la famille des Salmonidés (Bernatchez et Giroux, 2000). Il se distingue par sa nageoire caudale profondément fourchue, de même que par les taches crème sur fond grisâtre à noir, qui recouvrent tout son corps, à l’exception de l’abdomen qui est blanc (Pêches et Océans Canada, 2005a). La longueur moyenne est de 40 à 50 cm et son poids se situe entre 0,5 à 1,5 kg (Bernatchez et Giroux, 2000). Cependant, il peut facilement atteindre des tailles plus imposantes. Ainsi, le poids moyen des prises est de 4,54 kg (Pêches et Océans Canada, 2005b). Le plus gros spécimen enregistré a été capturé au filet maillant en Saskatchewan en 1961. Il pesait 46,3 kg (102 lbs) et mesurait 126 cm (Bernatchez et Giroux, 2000; Pêches et Océans Canada, 2005b). L’espèce peut vivre plus de 45 ans (Bernatchez et Giroux, 2000).

Le touladi est une espèce indigène à l’Amérique du Nord. Les limites naturelles de sa distribution correspondent à celles de la glaciation du Pléistocène (Scott et Crossman, 1974). Il est retrouvé, au Canada, des Maritimes et du Labrador à l’est, jusqu’à la Colombie-Britannique à l’ouest et des Grands Lacs au sud, jusqu’au Yukon, Territoires du Nord-Ouest, Nunavut et la région Nord-du-Québec, au nord. C’est une espèce qui préfère les eaux froides des profondeurs des lacs, mais qui est également retrouvée dans les grandes rivières profondes au nord de son aire de distribution (Bernatchez et Giroux, 2000; Pêches et Océans Canada, 2005a, b). Les lacs qui abritent des populations de touladis ont généralement une plus grande superficie, sont situés à une altitude plus élevée, ils sont plus profonds, plus clairs, plus froids, mieux oxygénés, plus acides et possèdent une alcalinité totale, une capacité tampon, une valeur de solides totaux dissous et un index morphoédaphique plus bas que les lacs qui ne contiennent pas de touladi. Ces caractéristiques décrivent bien les lacs oligotrophes où l’espèce abonde (Martin et Olver, 1980).

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Au Canada, le touladi est très prisé, tant comme poisson sportif que comme espèce commerciale. Autrefois, il était pêché commercialement dans les Grands Lacs, mais les populations ont été décimées par la lamproie marine (Petromyzon marinus). Aujourd’hui, la pêche commerciale au touladi est pratiquée principalement dans les lacs du nord de la Saskatchewan, des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavut (Pêches et Océans Canada, 2005a). C’est une espèce particulièrement recherchée par les pêcheurs sportifs comme poisson trophée à cause de la grande taille qu’elle peut atteindre (Bernatchez et Giroux, 2000). De plus, le goût délicieux et délicat de sa chair ne fait qu’ajouter à son succès (Pêches et Océans Canada, 2005b). Ainsi, en 1995, c’est près de 13 % des pêcheurs québécois qui recherchaient cette espèce. Les impacts économiques de la pêche au touladi auraient été de 61 millions de dollars cette année-là, avec une récolte de 541 000 poissons (Ministère des Ressources naturelles et de la Faune du Québec, 2005).

Le touladi est une espèce peu productive, dont la maturité sexuelle est atteinte relativement tardivement, soit vers l’âge de 6 à 7 ans pour les populations du sud du Québec (Bernatchez et Giroux, 2000). Au Québec, plusieurs facteurs ont contribué à la diminution des populations de touladi dont, entre autres, la dégradation de l’habitat et la surexploitation de l’espèce par les pêcheurs sportifs. L’introduction d’espèces exotiques, les variations excessives du niveau d’eau en lacs réservoirs et l’effet de divers types de pollution (pluies acides, pesticides, fertilisants, artificialisation des berges, rejet des eaux usées, etc.) peuvent également avoir un effet néfaste sur les populations de touladis. (Fondation de la faune du Québec, 1996).

2.1 Reproduction

De façon générale, la reproduction du touladi a lieu en lac, bien qu’il existe quelques cas documentés de reproduction en rivière au Québec et en Ontario (Legault et al., 2004). La fraie a lieu à l’automne, soit de la fin septembre à la mi-novembre, selon la latitude, la température ainsi que la taille et la topographie des lacs (Evans et al., 1991a; Pêches et Océans Canada, 2005a). Sur le Bouclier Précambrien, les touladis fraient habituellement

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en octobre (Legault et al., 2004). La fraie s’effectue sur les berges et les hauts-fonds exposés aux vents dominants et composés d’un substrat grossier dépourvu de particules fines (Evans et al., 1991a). Dans certains lacs, certains sites spécifiques sont utilisés par les populations reproductrices année après année, mais il est impossible de déterminer pour le moment si les touladis retournent sur leur lieu d’éclosion pour frayer (Legault et al., 2004).

Les touladis se rassemblent à partir du crépuscule et jusqu’à environ 23 h 00 sur les lieux de frai, les mâles précédant généralement les femelles (Scott et Crossman, 1974; Evans et al., 1991a). Les frayères sont habituellement situées à des profondeurs variant entre 0,5 et 12 m (Bernatchez et Giroux, 2000), sur une pente escarpée (> 20 %) et près d’une zone profonde (> 30 m) (Legault et al., 2004). Par contre, dans les Grands Lacs, la fraie a lieu à des profondeurs maximales de 360 m (Pêches et Océans Canada, 2005a). Le substrat se compose majoritairement de cailloux et de roches angulaires (30 à 150 mm de diamètre) espacés par des blocs rocheux plus gros. L’action du vent et des vagues permet de conserver le substrat exempt de sable, vase, détritus et végétation (Evans et al., 1991a;

Legaultet al., 2004). Les œufs sont libérés au-dessus du substrat où ils se logent dans les interstices et crevasses (Scott et Crossman, 1974; Evans et al., 1991a). L’incubation prend généralement 4 à 5 mois et l’éclosion se produit habituellement en mars ou en avril (Scott et Crossman, 1974). Juste après l’éclosion, les larves se déplacent dans et au-dessus du substrat (Legault et al., 2004). Puis, environ un mois après l’éclosion, ou juste après la résorption du sac vitellin, les jeunes touladis migrent vers les zones plus profondes où ils passeront leurs premières années en se nourrissant de plancton (Scott et Crossman, 1974;

Legaultet al., 2004; Pêches et Océans Canada, 2005a).

La structure du substrat rocheux servant pour la fraie est très importante. Effectivement, les espaces interstitiels et les crevasses présents doivent être capables de prendre au piège et de retenir les œufs, tout en excluant la possibilité de prédation sur ceux-ci. Les principaux prédateurs potentiels des oeufs de touladis sont les meuniers (Catostomidés), la barbotte brune (Ameiurus nebulosus), le grand corégone (Coregonus clupeaformis), le ménomini rond (Prosopium cylindraceum), la perchaude (Perca flavescens), le chabot visqueux (Cottus cognatus), la ouitouche (Semotilus corporalis), l’écrevisse (Orconectes rusticus) et

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le touladi (S. namaycush) lui-même. L’introduction d’espèce peut avoir un impact négatif lorsque celle-ci se nourrit d’œufs ou de larves de touladis. Lorsque le substrat rocheux est de bonne épaisseur et que les interstices sont de dimensions appropriées, la prédation sur les œufs n’est généralement pas un problème (Evans et al., 1991a).

Les habitats de fraie de qualité sont généralement limités en lac. La disponibilité de frayères convenables peut alors devenir le lien vulnérable du cycle de reproduction du touladi. Ainsi, la modification des berges, le déversement de produits chimiques létaux, l’ensablement des frayères par des particules fines en provenance de routes en construction, de travaux de draguage ou de remplissage, l’apport de nutriments, les variations du niveau d’eau, de même que la dégradation de matériaux organiques (algues, macrophytes) ont le potentiel de réduire la survie des œufs (Evans et al., 1991a,b). L’eutrophisation ou la croissance excessive de plantes aquatiques sont de premier intérêt puisqu’elles sont souvent accompagnées d’une diminution de l’oxygène dans l’eau interstitielle du substrat, due à la décomposition de la matière organique. Des concentrations en oxygène dissous de moins de 4,5 mg L-1 pouvant retarder le développement et l’éclosion ou causer des malformations aux embryons (Carlson et Sieffert, 1974; Evans et al., 1991a), il apparaît donc important de limiter les apports de nutriments aux plans d’eau contenant des populations de touladis.

2.2 Juvéniles

Martin (1952, in Evans et al., 1991a) a remarqué que les touladis juvéniles étaient, l’été, retrouvés dans des eaux plus profondes que les adultes. Le déplacement vers ces sites a lieu généralement un mois après l’éclosion ou au moment de la résorption du sac vitellin (Martin et Olver, 1980). Par contre, France et Steedman (1996) ont observé des touladis juvéniles qui se nourrissaient de poissons du littoral en absence de proies pélagiques. Il est fort probable que dans ce cas, les touladis suivent le patron d’ascension nocturne proposé par Sellers et al. (1998). Les touladis juvéniles se retrouveraient alors dans les eaux froides de l’hypolimnion profond le jour et ferait une migration verticale la nuit, afin de se nourrir sur les proies du littoral.

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Après avoir émergé des œufs, les touladis alternent entre la nage libre et le maintien d’une position au-dessus du substrat rocheux (Hudson et al., 1995; Baird et Krueger, 2000). Ce comportement à la fois benthique et planctonique semble caractéristique des touladis de moins de 30 mm. À Presque Isle Harbor au lac Supérieur (Michigan), Swedberg et Peck (1984) ont montré que 35 % de la diète des touladis d’âge 0+ était benthique et 65 % était planctonique (voir également Hudson et al., 1995). Les touladis dont la longueur se situait entre 30 et 50 mm, se nourrissaient principalement de pupes de chironomides et de copépodes. La diète, à ce moment, est presque exclusivement planctonique, confirmant les observations de Stauffer (1978, in Hudson et al., 1995) qui a remarqué que les jeunes touladis de cette grosseur étaient retrouvés à une distance de 75 à 100 mm du fond.

Lorsque les jeunes touladis atteignent une longueur de 50 mm, les poissons deviennent des proies plus importantes de la diète (Swedberg et Peck, 1984; Hudson et al., 1995).

Des pressions sont exercées sur les jeunes touladis vivant dans l’hypolimnion.

L’augmentation de la compétition entre les cohortes, la prédation par de plus gros piscivores et les limites imposées par la température et la concentration en oxygène sont au nombre des contraintes rencontrées (Evans et al., 1991a). Ainsi, une diminution de l’oxygène dans l’hypolimnion réduira non seulement l’habitat disponible pour les touladis juvéniles (Sellers et al., 1998), mais risque également de pousser les jeunes poissons vers des zones moins profondes, les exposant à la prédation et/ou au cannibalisme (Evans et al., 1991a, b). Dans les petits lacs sujets à l’eutrophisation, la perte de refuge pour les juvéniles suite à une diminution de l’oxygène dissous est reconnue pour causer un faible recrutement et une sénescence des populations de touladis (Sellers et al., 1998).

Les touladis juvéniles semblent habiter les eaux profondes de l’hypolimnion jusque vers l’âge de 3 à 4 ans. À cet âge ils deviennent susceptibles à l’exploitation par la pêche, suggérant un changement dans leur distribution ou leur diète, ou même dans les deux (Evanset al., 1991a).

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2.3 Adultes

La distribution verticale du touladi varie selon les saisons (Scott et Crossman, 1974) et possiblement selon la période de la journée (Sellers et al., 1998). Il est convenu que les frontières théoriques déterminant l’habitat optimal de cette espèce correspondent à une température de 10 °C et moins, pour la limite supérieure, et à un taux d’oxygène de 6 mg L-1 et plus pour la limite inférieure (Scott et Crossman, 1974; Fondation de la faune du Québec, 1996; Dillon et al., 2003). De plus, un pH supérieur à 5,4 semble essentiel à cette espèce (Fondation de la faune du Québec, 1996).

En été, le touladi se retrouve confiné sous la thermocline, dans les eaux froides de l’hypolimnion (Scott et Crossman, 1974; Fondation de la faune du Québec, 1996;

Bernatchez et Giroux, 2000; Dillon et al., 2003). Par contre, chez certaines populations, il existe un mouvement vertical nocturne (Martin et Olver, 1980; Sellers et al., 1998).

Effectivement, Sellers et al. (1998) ont remarqué la présence, dans l’épilimnion, de touladis à des températures de 19 à 20 °C. Cette migration est fort probablement due à une migration verticale des proies, ou encore à une alimentation sur les espèces fourrages du littoral qui se retrouvent à découvert la nuit. Il semblerait que la distribution des proies soit un facteur important de la distribution structurale des touladis, et ce, peu importe les températures de l’eau. À l’automne, généralement au début du mois d’octobre, les touladis se rassemblent dans les eaux peu profondes pour la fraie. Une fois celle-ci terminée, les poissons se dispersent et sont retrouvés à diverses profondeurs, et ce, durant tout l’hiver (Scott et Crossman, 1974; Fondation de la faune du Québec, 1996; Dillon et al., 2003). Au printemps, peu après la disparition des glaces, les touladis sont retrouvés près de la surface.

Puis à mesure que les eaux superficielles se réchauffent, les poissons se déplacent vers les profondeurs, pour se retrouver, à l’été, dans les eaux plus froides de l’hypolimnion (Scott et Crossman, 1974; Fondation de la faune du Québec, 1996; Bernatchez et Giroux, 2000;

Dillonet al., 2003).

Le touladi est un prédateur vorace, mais opportuniste qui se nourrit d’une grande variété de proies (Scott et Crossman, 1974; Fondation de la faune du Québec, 1996; Pêches et Océans

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Canada, 2005a). Les éponges d’eau douce, crustacés, insectes aquatiques et terrestres, poissons, incluant ceux de sa propre espèce, et petits mammifères sont au nombre des items entrant dans la composition de leur régime alimentaire. Il existe plusieurs populations essentiellement planctonophages. Cependant, lorsque disponibles, les proies icthyologiques pélagiques seront préférablement consommées. De façon générale les adultes de la plupart des populations semblent préférer le cisco de lac (Coregonus artedii).

Les autres poissons consommés sont, entres autres, le grand corégone (C. clupeaformis), l’éperlan arc-en-ciel (Osmerus mordax), la perchaude (P. flavescens), les chabots (Cottidés), le méné émeraude (Notropis atherinoides), l’épinoche à neuf épines (Pungitius pungitius), l’omisco (Percopsis omiscomaycus) et le meunier rouge (Catostomus catostomus) (Scott et Crossman, 1974). Il est intéressant de noter que les touladis se nourrissant principalement de petites proies ont une croissance moindre que les poissons s’alimentant de proies de bonne taille (Fondation de la faune du Québec, 1996).

Les individus essentiellement planctonophages ont une croissance plus lente, n’atteignent pas une taille aussi importante et ont une longévité moindre que ceux qui ont un régime alimentaire composé principalement de poissons (Scott et Crossman, 1974; Pazzia et al., 2002). En lac, lorsque les poissons proies pélagiques ne sont pas disponibles, les touladis peuvent se nourrir de cyprins et de d’autres petits poissons du littoral. Cependant, l’introduction de crapet de roche (Ambloplites rupestris) et d’achigan à petite bouche (Micropterus dolomieu), dans certains plans d’eau, a réduit les densités de poissons proies du littoral, conduisant les touladis à se nourrir presque exclusivement de zooplancton et d’invertébrés benthiques (Vander Zanden et al., 1999). Ceci peut expliquer la réduction abrupte et radicale dans la grosseur maximale, l’âge et la taille à maturité des touladis suivant l’introduction de crapet de roche et d’achigan à petite bouche dans plusieurs lacs de l’Amérique du Nord (Pazzia et al., 2002).

Dans les conditions naturelles, le touladi a peu d’ennemis, la prédation ayant lieu principalement sur les œufs (Scott et Crossman, 1974). Par contre, il faut noter le cas des pêcheries des Grands Lacs dont les populations ont été décimées par la lamproie marine (P.

marinus) et la pollution (Scott et Crossman, 1974; Pêches et Océans Canada, 2005a).

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Également, Sellers et al. (1998) ont émis l’hypothèse que des prédateurs, tels le grand brochet (Esox lucius) et le doré jaune (Sander vitreus), pourraient limiter la distribution thermale du touladi dans certains lacs, en confinant ces derniers dans les eaux plus froides de l’hypolimnion (voir également Evans et al., 1991a). De plus, la compétition et la prédation pourraient être assez fortes pour éliminer les populations de touladis des petits lacs aux assemblages ichtyologiques simples, au profit d’espèces tel le grand brochet.

Un taux d’oxygène élevé semble recherché par les touladis. Effectivement, dans leur étude réalisée dans trois petits lacs de l’Ontario, Sellers et al. (1998) ont remarqué que 75 à 90 % des poissons sont demeurés dans les eaux présentant une teneur en oxygène supérieure à 6 mg L-1. De plus, les touladis semblaient éviter les régions dont la valeur en oxygène dissous était inférieure à 5 mg L-1, et ce, même lorsqu’un habitat thermique approprié était présent. Une diminution de l’oxygène aura comme conséquence de restreindre l’habitat disponible pour l’espèce. Ainsi, une augmentation dans le niveau de nutriments (phosphore total), par exemple, augmentera le déficit en oxygène près du fond, résultant en un habitat optimal moindre (Dillon et al., 2003).

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3. MYRIOPHYLLE À ÉPIS (Myriophyllum spicatum L.)

Le myriophylle à épis, nom vernaculaire de Myriophyllum spicatum L., appartient à l’ordre des Hippuridales et à la famille des Haloragacées. Aiken et al. (1979) ont déterminé qu’il existe 13 espèces de Myriophyllum en Amérique du Nord dont neuf d’entre elles sont présentes au Québec (Couch et Nelson, 1985; Arsenault et Légaré, 2000). Ceska et al.

(1985, in Couch et Nelson, 1985) ont découvert une quatorzième espèce, M. ussuriense, en Colombie-Britannique. Il existerait 45 espèces appartenant à ce genre (Couch et Nelson, 1985) distribuées dans le monde.

M. spicatum a été décrit pour la première fois par Linné en 1753 (Aiken et al., 1979; Couch et Nelson, 1985). En 1919, Fernald (in Aiken et al., 1979) déterminait que le myriophylle américain était suffisamment différent du type eurasien pour être déterminé comme une nouvelle espèce. Il a donc nommé cette nouvelle espèce myriophylle blanchissant, M.

exalbescens (myriophylle de Sibérie ou M. sibiricum d’après Komarov). Malgré tout, les deux espèces ont longtemps été considérées comme une seule et même espèce, M.

exalbescens étant désigné comme une sous-espèce ou une variété de M. spicatum.

Aujourd’hui, M. exalbescens (M. sibiricum) et M. spicatum sont considérés comme deux espèces distinctes (Aiken et al., 1979; Couch et Nelson, 1985).

Le myriophylle à épis est une plante aquatique submergée, persistante et à racines originaire d’Europe, d’Asie et de d’Afrique du Nord (Couch et Nelson, 1985). L’espèce est plus abondante dans un à quatre mètres d’eau, mais peut être retrouvée jusqu’à une profondeur de dix mètres d’eau (Smith et Barko, 1990). La tige est longue, avec des feuilles de plus de 35 mm de longueur semblables à des plumeaux, et attachées en groupes de trois à cinq. Au fur et à mesure que la plante croît, les feuilles basses meurent et tombent en raison de l’ombrage créé par les nouvelles pousses (élagage naturel). La tige est ramifiée, glabre et mesure de 0,5 à 7 m de longueur. La floraison a lieu lorsque la plante atteint la surface de l’eau. L’épi floral (inflorescence) est terminal et situé au-dessus de l’eau, puis se retrouve à nouveau sous l’eau après la maturation des fruits. La partie supérieure de la tige, c'est-à-dire sur une longueur de cinq à vingt nœuds sous

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l’inflorescence, est environ le double de largeur du reste de la tige et s’avère très rigide et courbée. De façon générale, cette partie se retrouve donc parallèle à la surface de l’eau.

Ainsi, lorsque les bancs de myriophylle à épis sont très denses, l’enchevêtrement des branches situées près de la surface de l’eau peut supporter le poids des grenouilles et des canards (Aiken et al., 1979; Couch et Nelson, 1985).

3.1 Origine en Amérique du Nord

Le myriophylle à épis a fort probablement été introduit en Amérique du nord à partir de l’Europe (Couch et Nelson, 1985). Par contre, il existe peu d’indices pour déterminer l’endroit et le moment exacts de son introduction.

Redd (1977) mentionne que la première observation publiée d’un spécimen de M. spicatum en Amérique du Nord a été réalisée par Lester Ward en 1881 (in Redd, 1977). L’auteur avance que l’espèce aurait été introduite à la fin des années 1880. Par la suite, d’autres rapports font mention de la présence de myriophylle à épis aux États-Unis et au Canada.

Cependant, la distribution non uniforme des mentions de la plante aquatique laisse supposer plusieurs endroits d’introduction. Redd (1977) suggère que des aquariophiles ont pu se débarrasser des plantes, permettant ainsi la dissémination de M. spicatum dans différents plans d’eau.

Couch et Nelson (1985) mettent en doute l’hypothèse d’une introduction aussi hâtive, affirmant que les spécimens identifiés par Redd (1977) appartiennent probablement tous à l’espèce M. exalbescens. Selon ces auteurs, la première récolte de M. spicatum en Amérique du Nord aurait été effectuée dans le Belch Spring Pond, situé dans le District de Columbia aux États-Unis, et daterait du 29 octobre 1942. Par contre, Couch et Nelson appuient l’hypothèse voulant que le myriophylle à épis ait d’abord été introduit, en Amérique du Nord, comme plante d’aquarium. Les pêcheurs, les plaisanciers et la sauvagine elle-même ont probablement aussi aidé à la dispersion de la plante.

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Les premières observations de myriophylle à épis en Ontario et au Québec ont été rapportées dans les années 1960, tandis qu’en Colombie-Britannique, il aurait fait son apparition entre 1968 et 1970 (Aiken et al., 1979; Newroth, 1985; Environnement Canada, 2005a). La première récolte aurait eu lieu dans le Parc Rondeau, en Ontario, en 1961 (Aikenet al., 1979). En 1985, la présence du myriophylle à épi était devenu un problème majeur dans plusieurs régions des trois provinces canadiennes où sa présence était connue (Couch et Nelson, 1985).

En 2003, M. spicatum était présent dans tous les États américains, exception faite de cinq, soit le Maine, le Montana, le Wyoming, Hawaï et l’Alaska (U. S. Geological Survey, 2005). Puis, en 2004, une première mention de l’espèce fut faite dans le Maine (Gregory, 2005). Au Canada, la distribution du myriophylle à épis semble, pour le moment, être limitée à trois provinces, soit la Colombie-Britannique, l’Ontario et le Québec (Creed, 1998; Environnement Canada, 2005a). La figure 1 indique les États américains et les provinces canadiennes où il a y eu mention connue de myriophylle à épis.

3.2 Écologie

3.2.1 Habitat

Le myriophylle à épis colonise une vaste gamme d’habitats présentant des conditions physiques et chimiques très différentes. Ainsi, la plante peut croître à des profondeurs variant entre un et dix mètres, la profondeur maximale étant déterminée par la profondeur de pénétration de la lumière dans l’eau (Aiken et al., 1979). M. spicatum croît donc à de plus grandes profondeurs lorsque les eaux sont claires, tandis que dans les eaux turbides, il est confiné dans les zones peu profondes (Smith et Barko, 1990).

La température optimale de croissance est relativement élevée, la photosynthèse maximale se produisant à des températures de 30 à 35 °C. Par contre, le myriophylle à épis est capable d’effectuer une photosynthèse appréciable à une température de 10 °C. D’ailleurs

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Figure 1 : États américains et les provinces canadiennes avec mention de myriophylle à épis (en gris).

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la croissance débute au printemps lorsque la température de l’eau atteint environ 15 °C (Smith et Barko, 1990). Cependant, des températures près du point de congélation peuvent être fatales à la plante. D’ailleurs, cette sensibilité aux basses températures a été utilisée dans les réservoirs du Tennessee Valley Authority (TVA) pour contrôler la croissance de M. spicatum, le niveau d’eau des réservoirs étant abaissé quelques jours pendant la saison froide (Bates et al., 1985).

Bien que le myriophylle à épis soit généralement retrouvé dans des plans d’eau mésotrophes à légèrement eutrophes, il n’est pas rare de l’observer dans des endroits où les concentrations en phosphore dans l’eau sont relativement basses. C’est le cas notamment de la Baie Georgienne (phosphore total de 3 µg L-1) en Ontario (Aiken et al., 1979), du lac ultra-oligrotrophe Tahoe (phosphore total entre 2 et 5 µg L-1) situé dans les États américains du Nevada et de la Californie (Goldman, 1988; Eiswerth et al., 2000; Anderson, 2004;

Walter et al., 2005), de même que des lacs oligotrophes Cultus (phosphore total de 6 µg L-1) en Colombie-Britannique (Truelson, 1985) et George (phosphore total entre 5 et 10 µg L-1) dans l’État de New York (Madsen et al., 1988; Boylen et al., 1996; Boylen et al., 1999). Ainsi, il semble que la croissance de M. spicatum ne s’effectue probablement pas en fonction directe de la concentration en phosphore dans l’eau. En effet, des études ont démontré que le myriophylle à épis est généralement limité par la disponibilité en azote (Anderson et Kalff, 1985, 1986; Madsen, 1999) et que le phosphore nécessaire à la plante est d’origine majoritairement sédimentaire (Bottomley et Bayly, 1984; Madsen, 1999).

Ainsi, la croissance du myriophylle à épis peut être très rapide dans des lacs pauvres en nutriments lorsqu’il existe des zones où les sédiments sont enrichis (Smith et Barko, 1990).

De plus, une réduction des apports en substances nutritives ne conduira pas nécessairement à une croissance moindre de la plante, puisque la charge interne des sédiments peut demeurer suffisante pour permettre une croissance excessive (Bostrom et al., 1982, in Frodgeet al., 1991).

Le myriophylle à épis est retrouvé dans des tourbières acides (pH 5,4) aussi bien que dans des eaux au pH élevé (pH 9-10) (Aiken et al., 1979). Il préfère les eaux alcalines, mais peut croître dans des plans d’eau avec une alcalinité variant de 12,0 à

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102,5 mg CaCO3 L-1 (Arsenault et Légaré, 2000). De plus, il se développe bien dans des eaux présentant une salinité de 10 ‰, mais sa croissance est ralentie lorsque la salinité atteint 15 ‰ (Aiken et al., 1979; Nichols et Shaw, 1986).

La granulométrie du substrat semble être un facteur limitant pour le myriophylle à épis. La croissance de la plante est plus élevée dans les sédiments de texture fine et dont la portion en matière organique se situe entre 10 et 25 % (Nichols et Shaw, 1986; Smith et Barko, 1990). Elle est moindre dans les sédiments fortement organiques. Bates et al. (1985) mentionnent que M. spicatum est fréquemment présent dans des substrats grossiers. De plus, la qualité du substrat, aussi bien pour le myriophylle à épis que pour d’autres plantes aquatiques, augmente avec la déposition du silt et les apports de matière organique. En général, le myriophylle à épis crée lui-même un habitat favorable à l’expansion de la colonie (Bates et al., 1985; Barko et Smart, 1985).

3.2.2 Propagation et étalement

Il existe deux moyens de propagation pour le myriophylle à épis, soit par mode sexuel, par la formation de graines, soit végétatif, par la formation de bulbilles et de drageons ou par la fragmentation de la tige (Aiken et al., 1979; Smith et Barko, 1990; Arsenault et Légaré, 2000). Par contre, plusieurs auteurs s’entendent pour dire que la reproduction sexuée ne joue pas un rôle prépondérant dans la multiplication de la plante (Aiken et al., 1979;

Madsen et Boylen, 1989; Smith et Barko, 1990). Néanmoins, l’observation récente d’hybrides entre le myriophylle à épis et les myriophylles indigènes (Moody et Les, 2002) suggère que la reproduction sexuée a bel et bien lieu, même si elle n’a pas une implication majeure dans la propagation de l’espèce.

La fragmentation semble être le principal moyen de propagation utilisé par le myriophylle à épis. Les fragments sont créés de façon artificielle, lors du sectionnement de la tige par des activités humaines, ou de façon naturelle, après la floraison, ou encore par l’action des vents, des vagues et des palmes des canards. Ce mode de reproduction semble être

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responsable de la propagation rapide du myriophylle à épis dans un plan d’eau infesté, et même dans de nouveaux lacs, rivières et étangs (Aiken et al., 1979; Smith et Barko, 1990;

Arsenault et Légaré, 2000). Le passage d’une embarcation au travers d’une zone recouverte par le myriophylle à épis présente un risque élevé de fragmentation, que ce soit par les rames, la quille ou les hélices du moteur (Newroth, 1985; Smith et Barko, 1990;

Arsenault et Légaré, 2000). De plus, les fragments ainsi créés et rejetés à l’eau peuvent être transportés par les vents et les courants, d’une partie à l’autre du lac, et même à un autre plan d’eau par les tributaires. Les morceaux peuvent aussi demeurer accrochés à l’embarcation et rester en vie pendant des semaines s’ils sont gardés humides. Ils présentent alors un potentiel élevé de propagation à l’intérieur d’autres bassins versants.

L’utilisation d’embarcations dans des lacs infestés, lesquelles ont ensuite servi dans d’autres plans d’eau, fut probablement à l’origine de la colonisation rapide de la vallée de l’Okanagan en Colombie-Britannique, par M. spicatum, dans les années 1980 (Newroth, 1985; Arsenault et Légaré, 2000). De plus, Howard-Williams (1993) a noté qu’en Nouvelle Zélande, où près de 20 % de la flore est composée d’espèces introduites, les mouvements interlacs des embarcations seraient presque exclusivement à l’origine du transfert des plantes aquatiques envahissantes.

Une fois établi dans la communauté aquatique, le myriophylle à épis se reproduit par la fragmentation des pousses et par des stolons (ramification rampante de la base de la tige d'une plante). Étant une espèce opportuniste, M. spicatum est adapté pour une croissance rapide et précoce au printemps. Les stolons, les pousses basses et les racines persistent tout l’hiver et emmagasinent des hydrates de carbones (Aiken et al., 1979; Smith et Barko, 1990; Arsenault et Légaré, 2000). Ces derniers favorisent, entre autres, une croissance, une photosynthèse et une division accrue de la plante, d’où la formation hâtive d’une canopée au début du printemps. Il en résulte un ombrage plus important des plantes indigènes, réduisant ou empêchant leur croissance (Madsen et al., 1991; Boylen et al., 1999). Ces conditions permettent donc au myriophylle à épis de devenir l’espèce dominante, créant même des zones où elle devient la seule plante aquatique présente (Newroth, 1985;

Gibbons et Gibbons, 1985; Smith et Barko, 1990; Boylen et al., 1999).

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3.2.3 Impacts sur les activités humaines et moyens de contrôle

Les changements de l’écosystème lacustre qui peuvent survenir suite à l’invasion d’un plan d’eau par le myriophylle à épis passent souvent inaperçus aux yeux des utilisateurs.

Cependant, il en va autrement des problématiques engendrées par cette plante sur l’utilisation humaine du plan d’eau. Pourtant, les impacts sur les paramètres physico- chimiques, la flore et la faune ont lieu toute l’année durant, alors que les désagréments sur le plan humain ne se font sentir que lorsqu’il y a une surabondance de plante aquatique et/ou lorsque la biomasse maximale est atteinte, soit autours des mois de juillet – août. La croissance du myriophylle à épis en zone littorale, à la surface de l’eau, le rend souvent nuisible du point de vue des usagers du plan d’eau (Chambers et al., 1999;

Arsenault et Légaré, 2000; Sauvé, 2002). Cette section vise à faire un bref survol des problématiques rencontrées sur le plan humain suite à l’invasion par le myriophylle à épis de plans d’eau. De plus, une brève description des méthodes de gestion et de contrôle de cette plante exotique suivra.

De par sa biomasse importante, souvent concentrée juste sous la surface de l’eau, le myriophylle à épis altère bien souvent l’apparence visuelle des lacs qu’il envahit.

Effectivement, rien n’est plus loin de l’image de saine nature recherchée par les amants de villégiature que la croissance demesurée de plantes aquatiques. De plus, la croissance dense de la plante peut entraver la circulation maritime. Dans certains cas, le passage des embarcations à moteurs, à quille et même à rames devient ardu, voire irréalisable (Gibbons et Gibbons, 1985; Arsenault et Légaré, 2000). Le ski nautique devient également impraticable dans les zones infestées. Également, les activités de canotage risquent fort d’abîmer ou de fragmenter les tiges de la plante, favorisant alors la dispersion de M.

spicatum dans le plan d’eau (Newroth, 1985).

Après une tempête ou lors de la période de sénescence de la plante, les plages et les berges peuvent se trouver jonchées de débris végétaux en décomposition. Ceci rend ces emplacements peu attrayants aux yeux des utilisateurs du plan d’eau et augmentent les coûts d’entretien de ces endroits (Aiken et al., 1979). De plus, la présence de bancs denses

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de myriophylle à épis rend la baignade peu invitante et même à risque, les dangers de noyade se trouvant augmentés (Newroth, 1985; Arsenault et Légaré, 2000). En Colombie- Britannique, la croissance dense de populations de myriophylle à épis non traitées a été associée avec des problèmes de dermatites du baigneur (Newroth, 1985, voir également Eiswerthet al., 2000).

Les activités de pêche récréative et commerciale peuvent être affectées négativement par la présence de M. spicatum (Gibbons et Gibbons, 1985; Petr, 2000). Effectivement, la pêche à partir des berges devient plus difficile, les tiges de myriophylle se prenant dans les lignes et les leurres. Les pêcheurs à la trolle doivent également affronter cette problématique.

Bien que la croissance du myriophylle à épis soit limitée à la zone littorale, la production de fragments, peut être importante dans certains plans d’eau où la biomasse est élevée, conduisant à la formation de tapis en zone pélagique (Newroth, 1985).

Bien que les plantes aquatiques fassent partie intégrante de l’écosystème du plan d’eau, elles peuvent, dans certains cas, être perçues comme une nuisance par les utilisateurs. De façon générale, une croissance modérée de macrophytes immergés est souhaitable pour la qualité de l’eau et la faune aquatique. Malheureusement, le myriophylle à épis devient souvent surabondant dans les plans d’eau où il élit domicile, même dans les lacs peu productifs (Truelson, 1985; Newroth, 1985; Boylen et al., 1996; Eiswerth et al., 2000;

Anderson, 2004), entraînant sur le plan humain les désagréments mentionnés ci-dessus.

Ceci peut alors conduire, dans les pires cas, à une diminution de la valeur réelle des propriétés riveraines (Bates et al., 1985).

Les bancs denses de myriophylle à épis ne posent pas que des difficultés au niveau des usages récréatifs de l’eau. Effectivement, plusieurs auteurs ont rapporté des problèmes avec les usages domestiques et industriels de l’eau. Ainsi, Newroth (1985) mentionne que le Peachland Irrigation District, en Colombie-Britannique, a dû procéder au contrôle d’une population de M. spicatum. Les citoyens avaient fait connaître leurs inquiétudes sur la qualité de l’eau fournie pour la consommation domestique et l’irrigation. Cette crainte était fondée sur le goût et l’odeur de l’eau distribuée. De plus, Aiken et al. (1979) font la

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remarque de la possibilité d’obstruction des systèmes d’apport en eau potable par le myriophylle à épis. Il en va de même pour les systèmes d’apport en eau pour les industries (Aiken et al., 1979; Bates et al., 1985). Ainsi, Bates et al. (1985) mentionnent des incidents d’obstruction partielle aux prises des installations de la centrale électrique à la vapeur du Tennessee Valley Authority. Ceci a été attribué aux tapis flottants de myriophylles (Myriophyllum sp.), de naïade marine (Najas marina), de cornifle nageante (Ceratophyllum demersum) et d’autres macrophytes lors de la sénescence d’automne. De plus, Gibbons et Gibbons (1985), rapportent que la société qui possède et opère la centrale hydroélectrique de Box Canyon (Box Canyon Dam Hydroelectrique Power Plant) a estimé des coûts de 1000 $ par jour dus au retrait constant de la biomasse du myriophylle à épis de ces grilles à débris. Le coût estimé n’inclut pas la perte de production énergétique résultant de la diminution de la tête hydraulique au-dessus des turbines.

Le myriophylle à épis a démontré sa capacité de croître de façon luxuriante même dans les eaux au courant rapide (vitesse de plus de 2 m s-1, Nichols et Shaw, 1986) et peut ainsi créer une résistance hydraulique. Dans le système de lacs de la rivière Okanagan, qui est régulé par des barrages, le myriophylle à épis a interféré à la régulation et au contrôle des décharges en faussant les mesures des stations de jaugeages, en plus d’être la cause d’inondations mineures à Vaseux Lake (Newroth, 1985).

Depuis les 20 dernières années, des programmes de contrôle des macrophytes aquatiques ont été développés à travers le Canada. Il arrive parfois que les régions ciblées par ces programmes visent à limiter les pressions négatives sur l’écosystème (ex. : frayères à saumon sockeye (Oncorhynchus nerka) du lac Cultus, COSEWIC, 2003; Pêches et Océans Canada, 2005c), mais de façon générale, ces programmes sont typiquement dirigés afin de bonifier les ressources en eau prisées par les humains (Chambers et al., 1999). Le myriophylle à épis, étant considéré comme une espèce étrangère très envahissante au Canada (Environnement Canada, 2005a), plusieurs programmes de gestion des plans d’eau visent cette espèce (Newroth, 1985; Truelson et al., 1985; Chambers et al., 1999). De plus, il apparaît improbable, voire impossible, d’enrayer complètement cette plante aquatique d’un plan d’eau lorsqu’elle s’y est établie (Newroth, 1985; Sheldon et Creed, 1995; Parsons

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et al., 2001). Les différentes opérations de contrôle arrivent occasionnellement à ralentir son expansion, mais parviennent rarement à prévenir sa dispersion. Les efforts sont alors concentrés sur le contrôle de la biomasse dans les zones à forte vocation de villégiature.

Les mesures de contrôle existantes, bien que relativement diversifiées, sont généralement coûteuses et doivent être appliquées de façon récurrente.

Le myriophylle à épis couvre souvent de grandes étendues. Le traitement de la zone entière étant alors trop onéreux, les interventions sont alors ciblées à l’échelle locale (Aiken et al., 1979; Newroth, 1985; Bates et al., 1985; Environnement Canada, 2005a). Par exemple, les régions d’intérêts peuvent être des plages qui doivent être maintenues exemptes de matériel végétal, ou encore des rampes de mise à l’eau où des chenaux doivent être ouverts pour les bateaux jusqu’en zone pélagique. Les objectifs poursuivis détermineront le choix des techniques appropriées, ainsi que la nature et l’amplitude du mode de contrôle à instaurer (Newroth, 1985; Lesmerises, 1993; Environnement Canada, 2005a). Les moyens de contrôle du myriophylle à épis se divisent en trois catégories principales, à savoir les techniques physiques, chimiques et biologiques. Elles peuvent être utilisées seules ou en combinaison.

Les moyens physiques comprennent l’utilisation de récolteuses mécaniques, de motoculteurs, de cultivateurs sous-marins et de dragues commandées par plongeur.

L’abaissement du niveau de l’eau visant à faire sécher ou geler la plante, ainsi que l’emploi de barrières empêchant la dissémination des fragments, font aussi partie de ces techniques de contrôle (Bates et al., 1985; Newroth, 1985; Lesmerises, 1993; Environnement Canada, 2005a). Les récolteuses mécaniques permettent de réduire la biomasse initiale du myriophylle à épi assez rapidement, mais la plante repousse vite et la création artificielle d’une grande quantité de fragments peut favoriser sa dispersion (Aiken et al., 1979; Bates et al., 1985; Newroth, 1985; Environnement Canada, 2005a). La maîtrise de la propagation deM. spicatum nécessiterait entre trois et quatre récoltes par année. Dès que le processus est interrompu, la repousse s’effectue très rapidement (Truelson, 1985; Environnement Canada, 2005a). Les cultivateurs sous-marins sont plus efficaces que la récolte mécanisée (Environnement Canada, 2005a). Il s’agit toutefois d’un processus lent et coûteux qui

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entraîne le largage de nombreux fragments (Truelson, 1985). Il en est de même pour les dragues commandées par plongeur. Par conséquent, ces méthodes ne conviennent qu’à la répression de peuplements restreints (Newroth, 1985; Truelson, 1985; Environnement Canada, 2005a).

Les techniques fondées sur la manipulation du niveau de l’eau, comme le rabattement et l’inondation, se sont montrées efficaces dans des réservoirs du Tennessee Valley Authority (Bateset al., 1985). Le rabattement hivernal permet d’exposer la plante à des températures inférieures au point de congélation. D’après une étude, 96 heures d’exposition au froid glacial suffisent pour tuer le myriophylle à épi (Aiken et al., 1979; Environnement Canada, 2005a). Cependant, cette méthode requiert la présence d’un ouvrage régulateur afin de contrôler le niveau de l’eau. De plus, avant d’appliquer cette méthode de gestion, les impacts éventuels sur l’écosystème (ex. : exposition des œufs de touladi à la sécheresse, aux glaces et au froid) doivent être évalués et pris en considération.

L’installation de barrières physiques au fond de l’eau (moustiquaire, polyéthylène, etc.) sur les colonies de myriophylle à épi empêcherait la dissémination par fragmentation. Cette méthode s’est révélée efficace pour pallier aux petites infestations, mais elle est coûteuse et exige un entretien régulier (Maxnuk, 1985; Newroth, 1985; Environnement Canada, 2005a).

Les techniques chimiques consistent en l’utilisation d’herbicides afin de contrôler les populations de myriophylle à épis. Le produit le plus couramment employé semble être l’acide 2,4-dichlorophenoxyacétique (2,4-D). Ce produit possède une certaine sélectivité enversM. spicatum, à petites doses et lorsque les temps d’exposition sont courts (Miller et Trout, 1985; Roshon et al., 1999; Parsons et al., 2001; Environnement Canada, 2005a).

Cependant, bien que le 2,4-D réduise significativement la biomasse et la fréquence d’occurrence du myriophylle à épis dans un plan d’eau, du moins au cours de l’année suivant son application, ce produit n’empêche pas la reprise de la croissance de la plante lors des années subséquentes. Des activités de gestion continues sont alors nécessaires afin

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de limiter au minimum la croissance des populations de myriophylle à épis (Parsons et al., 2001).

Les programmes de lutte biologiques actuellement à l’étude comprennent une gamme d’organismes allant des bactéries aux poissons herbivores (Aiken et al., 1979; Bates et al., 1985; Arsenault et Légaré, 2000). L’utilisation d’un charançon, Euhrychiopsis lecontei semble, pour le moment, être la méthode la plus prometteuse pour le Québec. En effet, cet insecte est indigène dans quelques lacs de la province et ne nécessite donc pas l’introduction d’un organisme exotique (Arshoun, 2003). De plus, plusieurs auteurs ont relié le déclin des populations de myriophylle à épis dans des lacs américains, à la présence de cet insecte (Creed et al., 1992; Creed et Sheldon, 1995; Sheldon et Creed, 1995; Creed, 1998; Creed, 2000; Tamayo et al., 2000). Cependant, certaines populations de M. spicatum semblent résistantes à cet herbivore (Creed, 2000; Moody et Les, 2002; Roley et Newman, 2006). De plus, la présence d’hybrides du myriophylles à épis avec des myriophylles indigènes pourrait diminuer l’efficacité de E. lecontei envers les populations invasives (Moody et Les, 2002; Roley et Newman, 2006).

3.2.4 Déclin naturel

Il est commun pour M. spicatum de prendre rapidement de l’expansion lorsqu’il atteint un lac, de demeurer la plante la plus abondante de la zone littorale pendant un certain nombre d’années, puis de péricliter relativement rapidement (Trebitz et al., 1993). Des observations répétées de croissance en « boom and bust » ont été faites, mais on ignore toujours ce qui précipite le déclin. Les hypothèses émises incluent la déplétion des nutriments, l’ombrage provoqué par les nuages de phytoplancton et le périphyton, l’attaque par des parasites ou des organismes pathogènes, les effets à long terme de la récolte et/ou des herbicides, l’accumulation de toxines, les fluctuations climatiques, la compétition avec les autres macrophytes et la présence d’insectes herbivores. Dans plusieurs plans d’eau, les populations de myriophylle à épis ont augmenté jusqu’à atteindre un niveau élevé, ont

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maintennu leur dominance pendant cinq à vingt ans, dix ans étant typique, et puis ont décliné (Smith et Adams, 1986; Smith et Barko, 1990).

Au Lac Wingra (Wisconsin), comme ailleurs, le cycle naturel d’invasion par le myriophylle à épis semble avoir été une augmentation soudaine, jusqu’à devenir l’espèce dominante, suivi par un déclin prononcé. Cependant, cette diminution dans la population de M.

spicatum était caractérisée par un patron largement aléatoire autour du lac, certains endroits semblant être plus affectés que d’autres. Aucune des hypothèses émises sur les mécanismes ne peut donc être supportée clairement. Ainsi, le myriophylle à épis continue toujours à croître dans l’ensemble de la zone littorale. Néanmoins, même s’il n’a pas disparu totalement, sa persistance demeure faible, l’espèce s’étant plutôt intégrée dans une communauté floristique davantage diversifiée, au lieu de la dominer (Trebitz et al., 1993).

3.3 Distribution au Québec

Au Québec, à notre connaissance, il n’existe pas actuellement d’écrits faisant mention des lacs infestés par le myriophylle à épis. Pourtant, Lesmerises mentionnait en 1993 que M.

spicatum était retrouvé dans les régions de l’Estrie et de l’Outaouais et qu’il était déjà devenu problématique pour certains lacs du Québec. Ainsi, des actions ont déjà dû être posées dans certains plans d’eau afin de contrer cette plante envahissante (Mireille Sager, Direction de la politique de l'eau, MDDEP, comm. pers.). La présente section vise à établir sommairement la distribution connue du myriophylle à épis au Québec (figure 2).

Depuis 2001, M. spicatum a commencé à envahir les lacs à touladi (S. namaycush) typiquement oligotrophes de la région de l’Outaouais (Fournier et al., 2004). En 2004, cette plante était présente dans au moins 30 % de la superficie totale des eaux à touladi de cette région. Entre autres, les lacs de l’Argile, Blue Sea et des Trente-et-un-Milles sont touchés pour n’en citer que quelques-uns. Pourtant, il s’agit-là de lacs dont les eaux présentent de faibles concentrations en phosphore, soit 10,5, 8,0 et 4,5 µg L-1, respectivement. Du myriophylle à épis a été trouvé, ou des mesures de gestion sur des

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populations de Myriophyllum sp. ont dû être entreprises dans 19 autres lacs à touladi du Québec (Sauvé, 2002; Fournier et al., 2004; RAPPEL, 2004; Memphrémagog Conservation Incorporé, 2005; Association des Propriétaires du Lac Pemichangan, 2005; Les Amis du Lac Supérieur, 2005; Association Lac St-Pierre, 2005; Centre Saint-Laurent – Environnement Canada, 2005; Association pour la protection de l’environnement du lac Saint-Charles et des Marais du Nord, 2005).

Dans un bilan qui couvre la période de 1996 à 2003, le RAPPEL (2004) mentionne que le myriophylle à épis était présent dans 12 des 31 lacs étudiés. Cette plante aquatique compte donc pour 18 % des zones totales échantillonnées, soit la deuxième espèce d’importance en termes d’abondance relative après la vallisnérie américaine (Vallisneria americana).

Récemment, M. spicatum a étendu son aire de distribution, faisant son apparition dans les lacs Delage et Saint-Charles, situés non loin de la ville de Québec (Association pour la protection de l’environnement du lac Saint-Charles et des Marais du Nord, 2005). La distribution géographique du myriophylle à épis au Québec pourrait donc être beaucoup plus étendue que nous pouvons le penser.

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Figure 2 : Lacs du Québec où la présence de Myriophyllum spicatum a été rapportée ou lacs où il y a des opérations de contrôle de Myriophyllum sp.

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Numéro de référence LacNo MDDEPLac à touladiNuméro de référence LacNo MDDEPLac à touladi 1 Argent (Dudswell) (d’) 01824 27 Montjoie 01798 2 Argent (Eastman) (d’) 01786 28 Murray04534 X 3 Argile (de l’)00838 X 29 Notre-Dame 00361 4 Blue Sea 00325 X 30 Oxbow 00384 5 Brompton 01777 X 31 Pemichangan00364 X 6 Carré 01361 32 Petit-Cayamant 00939 X 7 Cayamant 00938 X 33 Petit lac Brompton 01778 X 8 Cerf (du) 00451 X 34 Philippe 00367 9 Champlain 23298 X 35 Pointe-Calumet (Baie) 02017 10 Connelly00754 X 36 Rose 03643 11 Danford 00335 X 37 Saint-Charles 01067 12 Delage 02411 38 Saint-François 02243 13 Dion 02475 39 Saint-Louis 02244 14 Duhamel 01375 X 40 Saint-Pierre 02142 15 Edja 26879 X 41 Saint-Pierre 00897 X 16 Est (de l’) 01817 42 Sainte-Marie 03963 17 Ferme (de la) 00957 43 Schryer 00900 18 Français (des) 00399 X 44 Selby01755 19 Grand 00621 X 45 Stoke 01782 20 Heney00345 X 46 Stukely01789 X 21 Îles (des) 00494 47 Supérieur 01448 X 22 La pêche 00975 48 Tortue (à la) 01603 23 Lucerne (de l’Écluse) 00350 X 49 Trente-et-un-Milles (des) 00581 X 24 Massawippi 01805 X 50 Truite (à la) 01530 25 Memphrémagog 01480 X 51 rivière des Outaouais aval Gatineau 04060000 26 Miroir 01814 52 rivière Gatineau municipalité de Low 04080000 (Les Amis du Lac Supérieur; 2005; Sauvé, 2002; Association Lac St-Pierre, 2005; Centre Saint-Laurent – Environnement Canada, 2005; RAPPEL, 2004; Fournier et al., 2004; Memphrémagog Conservation Incorporé, 2005; Association des Propriétaires du Lac Pemichangan, 2005; Association pour la protection de l’environnement du lac Saint-Charles et des Marais du Nord, 2005; Mireille Sager., Direction de la politique de l’eau, MDDEP, comm. pers., 2005)

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4. MODIFICATIONS DES PARAMÈTRES PHYSIQUES ET CHIMIQUES

La présence de plantes aquatiques dans un plan d’eau exerce une influence sur les paramètres physiques, chimiques et biologiques (Carpenter et Lodge, 1986). Un changement dans la communauté de macrophytes, de même qu’un rendement de croissance excessif des végétaux, risquent de modifier de façon non négligeable la valeur de ces descripteurs. Ainsi, l’envahissement d’un plan d’eau par le myriophylle à épis induirait d’abord des changements au niveau du patron de circulation de l’eau et de sédimentation des particules et, de ce fait, un changement au niveau du substrat, des gradients de pH, de température et d’oxygène, de même qu’un changement dans les concentrations en nutriments. L’altération des valeurs de ces paramètres pourrait ensuite entraîner des modifications au niveau des organismes planctoniques, des insectes aquatiques et des poissons (Chambers et al., 1999).

4.1 Intensité lumineuse

La présence de macrophytes dans la zone littorale des plans d’eau résulte en l’interception de la lumière avant qu’elle n’atteigne le fond (Dale et Gillespie, 1978; Lillie et Budd, 1992). La localisation de la biomasse du myriophylle à épis dans la partie supérieure de la colonne d’eau, de même que la formation d’une canopée dense pourrait s’avérer être un avantage compétitif pour la plante. Ainsi, l’interception de la lumière, par cette espèce, s’effectue près de la surface de l’eau, ombrageant les espèces plus petites situées sous l’épais tapis de feuilles et de tiges (Madsen et al., 1991; Boylen et al., 1999). L’atténuation lumineuse créée par la canopée altère significativement le profil de profondeur de la photosynthèse dans les bancs de macrophytes. De plus, l’interception de la lumière par cette espèce, dans la partie supérieure de la colonne d’eau, de même que l’étalement de sa canopée induisent un ombrage important dans les zones plus profondes, et ce peu importe l’angle du soleil (Carpenter et Lodge, 1986).

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