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Programmes de réparations, justice transitionnelle et droit international : analyse à la lumière du droit individuel à réparation

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Academic year: 2022

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Programmes de réparations, justice transitionnelle et droit international : analyse à la lumière du droit individuel à réparation

KOUASSI, Akossia Rachelle

KOUASSI, Akossia Rachelle. Programmes de réparations, justice transitionnelle et droit international : analyse à la lumière du droit individuel à réparation . Genève :

Schulthess éd. romandes, 2019, IX, 468 p.

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:144687

Disclaimer: layout of this document may differ from the published version.

(2)

On a parfois vite fait d’assimiler les programmes de réparations de justice transitionnelle (PRJT) à de simples arrangements politiques visant à évacuer rapidement la question de la prise en charge des victimes par la mise en place de procédures ad hoc. Cet ouvrage établit le lien entre le discours juridique international sur le droit individuel à réparation et les PRJT. Pour ce faire, il montre que ces programmes sont fondés en droit international, même si leur mise en œuvre se fait au niveau interne des États. Il montre également que la mise en œuvre du droit individuel à réparation dans les PRJT résulte de l’obligation correspondante de réparation de l’État en cas de violation de ses engagements internationaux. Contraire- ment au droit de la responsabilité de l’État pour fait internationa- lement illicite qui détaille les conséquences de la violation par l’État de ses engagements internationaux, le contenu du droit individuel à réparation est un domaine très peu exploré en droit international. L’ouvrage vient contribuer à la réflexion sur les répa- rations dans les contextes de violations de masse et sur le rôle que le droit international pourrait jouer dans de tels contextes. Il met en exergue la nécessité d’établir en droit international des prin- cipes clairs et précis en matière de réparations applicables dans les contextes de violations de masse. Après une première partie consacrée à l’arrière-plan normatif des PRJT, il aborde une seconde partie empirique basée sur les expériences de programmes de réparations en Allemagne, Afrique du Sud, Maroc, Turquie et Colombie.

www.schulthess.com

Akossia Rachelle Kouassi

Programmes de réparations, justice transitionnelle et droit international

Analyse à la lumière

du droit individuel à réparation

Droit international

C G

Collection Genevoise

Akossia R achelle Kouassi Pr og rammes de r épar ations , justic e tr ansitionnelle et dr oit in ter na tional

C G

Collection Genevoise

ISBN 978-3-7255-8709-4

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Akossia Rachelle Kouassi

Programmes de réparations,

justice transitionnelle et droit international

Analyse à la lumière du droit individuel à réparation

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C G

Collection Genevoise

Droit international Akossia Rachelle Kouassi

Programmes de réparations, justice transitionnelle et droit international

Analyse à la lumière

du droit individuel à réparation

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C G

Collection Genevoise

Droit international Akossia Rachelle Kouassi

Programmes de réparations, justice transitionnelle et droit international

Analyse à la lumière

du droit individuel à réparation

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Thèse n° 943 de la Faculté de droit de l’Université de Genève

La Faculté de droit autorise l’impression de la présente dissertation sans entendre émettre par là une opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées.

Les documents complémentaires suivants peuvent être téléchargés gratuitement à l’adresse https://archive-ouverte.unige.ch/unige:101299 :

Allemagne : Les lois sur les réparations individuelles et autres textes Afrique du Sud : Règlement de mise en œuvre des réparations individuelles Maroc : Statuts de l’IER

Turquie : Lois d’indemnisation 5233 & 5442

ISBN 978-3-7255-8709-4

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2019 www.schulthess.com

Diffusion en France : Lextenso Éditions, 70, rue du Gouverneur Général Éboué, 92131 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.lextenso-editions.com

Diffusion et distribution en Belgique et au Luxembourg : Patrimoine SPRL, Avenue Milcamps 119, B-1030 Bruxelles ; téléphone et télécopieur : +32 (0)2 736 68 47 ; courriel : patrimoine@

telenet.be

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont strictement interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

Information bibliographique de la Deutsche Nationalbibliothek : La Deutsche Nationalbi- bliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbibliografie ; les données bi- bliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l’adresse http://dnb.d-nb.de.

tionnelle et droit international – Analyse à la lumière du droit individuel à réparation, Collection Gene- voise, Genève / Zurich / Bâle 2019, Schulthess Éditions Romandes

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REMERCIEMENTS

La réalisation de ce projet aurait été impossible sans le soutien de plusieurs personnes que je tiens à remercier à travers ces lignes.

En premier lieu, je pense à mon directeur de thèse, Dr. Frank Haldemann, qui m’a guidée et accompagnée tout au long de cette aventure. Plus qu’un directeur, il a été comme un grand-frère, avec ce don rare de comprendre mieux que moi-même mes idées parfois confuses, et de m’aider à les exprimer de manière cohérente par écrit.

Travailler sous sa supervision a été un privilège et grand honneur. Merci pour tout Frank !

Je tiens également à remercier la Professeure Paola Gaeta, co-directrice de ma thèse, pour avoir cru en moi en m’ouvrant les portes de l’Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève, où j’ai eu l’avantage d’acquérir une belle expérience en matière d’enseignement et de recherche universitaire. Je remercie au passage cette prestigieuse institution qui m’a offert ce magnifique bureau inspirant, avec vue sur le lac Léman, et où une grande partie de la thèse a été rédigée.

Ma gratitude va également à l’endroit du Fonds national suisse pour la recherche scientifique (FNS) qui a financièrement soutenu le projet de recherche, ainsi que la Fondation Ernest et Lucie Schmidheiny à Genève, pour avoir financé la dernière année de sa réalisation.

J’aimerais remercier particulièrement mon collègue, ami et frère, Dr. Sâ Benjamin Traoré, qui a consacré gratuitement de son temps pour la relecture minutieuse du travail, et pour ses commentaires et analyses pertinentes qui ont considérablement permis d’en améliorer le contenu. Son soutien moral, nos fous rires, nos moments de solitude et de questionnements à la bibliothèque de l’Université de Genève, ainsi que son assiduité personnelle au travail, ont significativement contribué à me motiver jusqu’au bout. Dans le même sens, je viens également remercier mon amie et acolyte de thèse, Dr. Mélissa Fardel, pour les moments de partage oh combien enrichissants, et surtout pour ses encouragements alors que nous vivions les mêmes réalités que seuls des « thésards » peuvent comprendre !

Thèse n° 943 de la Faculté de droit de l’Université de Genève

La Faculté de droit autorise l’impression de la présente dissertation sans entendre émettre par là une opinion sur les propositions qui s’y trouvent énoncées.

Les documents complémentaires suivants peuvent être téléchargés gratuitement à l’adresse https://archive-ouverte.unige.ch/unige:101299 :

Allemagne : Les lois sur les réparations individuelles et autres textes Afrique du Sud : Règlement de mise en œuvre des réparations individuelles Maroc : Statuts de l’IER

Turquie : Lois d’indemnisation 5233 & 5442

ISBN 978-3-7255-8709-4

© Schulthess Médias Juridiques SA, Genève · Zurich · Bâle 2019 www.schulthess.com

Diffusion en France : Lextenso Éditions, 70, rue du Gouverneur Général Éboué, 92131 Issy-les-Moulineaux Cedex

www.lextenso-editions.com

Diffusion et distribution en Belgique et au Luxembourg : Patrimoine SPRL, Avenue Milcamps 119, B-1030 Bruxelles ; téléphone et télécopieur : +32 (0)2 736 68 47 ; courriel : patrimoine@

telenet.be

Tous droits réservés. Toute traduction, reproduction, représentation ou adaptation intégrale ou partielle de cette publication, par quelque procédé que ce soit (graphique, électronique ou mécanique, y compris photocopie et microfilm), et toutes formes d’enregistrement sont strictement interdites sans l’autorisation expresse et écrite de l’éditeur.

Information bibliographique de la Deutsche Nationalbibliothek : La Deutsche Nationalbi- bliothek a répertorié cette publication dans la Deutsche Nationalbibliografie ; les données bi- bliographiques détaillées peuvent être consultées sur Internet à l’adresse http://dnb.d-nb.de.

Citation suggérée de l’ouvrage : AKOSSIA RACHELLE KOUASSI, Programmes de réparations, justice transi- tionnelle et droit international – Analyse à la lumière du droit individuel à réparation, Collection Gene- voise, Genève / Zurich / Bâle 2019, Schulthess Éditions Romandes

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Je n’oublie pas les personnes chères à mon cœur qui ont contribué à mon bien-être émotionnel au cours de l’aventure : Roger, mon époux, mérite la palme d’or pour sa patience et sa gentillesse incommensurables ; mon fils Ethan Matthis, pour la source de joie intarissable qu’il est pour moi ; ma famille biologique, pour les prières, le soutien moral et le réconfort (ma mère Madeleine, et mes sœurs Julia et Nanan) ; ma

« famille de Genève », pour m’avoir entourée et apporté de la gaieté dans des moments improbables (Abdel, Théo, Liliane, Tabitha, André, Edwige, Marie-France, famille Dongui, famille Sangbana) ; ma « famille de London », en Ontario au Canada, pour son soutien inestimable au cours de la dernière phase du travail (Ruth et Reymond Kouamé, Lolita et Franck Tshunza, Nanette et Alain Kazadi, Yolande, Irène, Nadège, papa Gauthier).

Je remercie la Professeure Joanna Quinn, Directrice du Centre for Transitional Justice and Post-Conflict Reconstruction à Western University de London en Ontario (Canada), qui m’a accueillie dans ledit centre dans le cadre de mon postdoctorat au cours duquel j’ai terminé la révision du manuscrit. Enfin, un tout grand merci à toute l’équipe dudit centre, et en particulier à mon cher ami Isaac Bayor, pour sa présence et son écoute à chaque fois que j’en ai eu besoin !

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Je n’oublie pas les personnes chères à mon cœur qui ont contribué à mon bien-être émotionnel au cours de l’aventure : Roger, mon époux, mérite la palme d’or pour sa patience et sa gentillesse incommensurables ; mon fils Ethan Matthis, pour la source de joie intarissable qu’il est pour moi ; ma famille biologique, pour les prières, le soutien moral et le réconfort (ma mère Madeleine, et mes sœurs Julia et Nanan) ; ma

« famille de Genève », pour m’avoir entourée et apporté de la gaieté dans des moments improbables (Abdel, Théo, Liliane, Tabitha, André, Edwige, Marie-France, famille Dongui, famille Sangbana) ; ma « famille de London », en Ontario au Canada, pour son soutien inestimable au cours de la dernière phase du travail (Ruth et Reymond Kouamé, Lolita et Franck Tshunza, Nanette et Alain Kazadi, Yolande, Irène, Nadège, papa Gauthier).

Je remercie la Professeure Joanna Quinn, Directrice du Centre for Transitional Justice and Post-Conflict Reconstruction à Western University de London en Ontario (Canada), qui m’a accueillie dans ledit centre dans le cadre de mon postdoctorat au cours duquel j’ai terminé la révision du manuscrit. Enfin, un tout grand merci à toute l’équipe dudit centre, et en particulier à mon cher ami Isaac Bayor, pour sa présence et son écoute à chaque fois que j’en ai eu besoin !

PRÉFACE

« Rassembler ce qui a été démembré » : Le droit à réparation en question

Parfois, une œuvre d’art finit par inspirer tout un débat intellectuel. Il en est ainsi pour une toile de Paul Klee de 1920 intitulée « Angelus Novus », désormais devenue iconique. Aujourd’hui exposée au musée d’Israël à Jérusalem, cette œuvre à la taille modeste a remué les esprits philosophiques et autres tout au long du 20ème siècle et au-delà. Figure énigmatique, aux bras ouverts et au regard troublé, ce nouvel ange est devenu une source incontournable pour toute réflexion philosophico-culturelle sur l’histoire avec toutes ses blessures et péripéties. Si cette figure étrange occupe désormais une place centrale dans notre imaginaire intellectuel, c’est grâce à Walter Benjamin, cet inclassable et inépuisable penseur né en 1892 à Berlin qui, arrêté par la police franquiste, se donna la mort en septembre 1940 sur la frontière franco- espagnole dans la crainte d’être livré à la Gestapo. Ce fut Benjamin qui acquit la peinture de Klee en 1921 et en fit une allégorie aux multiples visages. L’Ange fera son apparition dans les Thèses sur le concept de l’Histoire, texte désormais célèbre que Benjamin rédigera en mars 1940, encore sous le choc du Pacte germano-soviétique conclu peu avant. C’est sa neuvième thèse qui place L’Ange au centre d’une histoire

« à contresens », une histoire de désastres et vaincus, à l’opposé d’une vision triomphaliste du progrès humain :

« Il existe un tableau de Klee qui s’intitule “Angelus Novus”. Il représente un ange qui semble sur le point de s’éloigner de quelque chose qu’il fixe de son regard.

Ses yeux sont écarquillés, sa bouche ouverte, ses ailes déployées. C’est à cela que doit ressembler l’Ange de l’Histoire. Son visage est tourné vers le passé. Là où nous apparaît une chaîne d’événements, il ne voit, lui, qu’une seule et unique catastrophe, qui sans cesse amoncelle ruines sur ruines et les précipite à ses pieds. Il voudrait bien s’attarder, réveiller les morts et rassembler ce qui a été démembré. Mais du paradis souffle une tempête qui s’est prise dans ses ailes, si violemment que l’ange ne peut plus les refermer. Cette tempête le pousse irrésistiblement vers l’avenir auquel il tourne le dos, tandis que le monceau de ruines devant lui s’élève jusqu’au

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ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès » (Walter Benjamin, Oeuvres III, Paris, Gallimard, 2000, p. 434).

Impénétrable, même énigmatique, ce passage ne cesse de soulever questionnements et débats. Comment comprendre cette « tempête qui souffle depuis le paradis » ? D’où vient cette force paradisiaque ? Pourquoi l’appeler « progrès », comme le suggère l’auteur ? L’Ange, serait-il une figure messianique, une figure salvatrice même, ou plutôt une figure tragique, vouée à l’échec ? Et le matérialisme historique en tout cela ? Autant de questions sans réponse certaine. En même temps, cet Ange à la posture étrange nous interpelle. Figé et bousculé à la fois, il nous touche dans sa fragilité, son impuissance face aux ruines de l’histoire. Le regard fixé sur le passé, l’Ange ne parvient pas à se détacher de ce qui se présente à lui comme

« une seule unique catastrophe », à la recherche de quelque chose, d’une justice définitive, ultime, impossible – une justice qui réveillerait les morts, qui réparerait ce qui a été brisé. L’Ange, nous dit-on, voudrait bien s’attarder mais une tempête le pousse violemment, à reculons, vers l’avenir, si violemment que ses ailes se déplient.

Malgré lui, l’Ange est ainsi aspiré à grande vitesse vers le futur dont il ne peut rien voir car son regard est fixé sur le passé. Un passé qui se présente à lui comme un champ dévasté, en ruines, une catastrophe sans fin.

Ce récit nous confronte inéluctablement à la question de la justice. Le regard tourné vers le passé, l’Ange voudrait bien faire halte et « rassembler ce qui a été démembré ». Il voudrait, lui, rendre une justice rétrospective aux vaincus de l’histoire. Une justice qui porterait remède à l’horreur subi, panserait les plaies, et restituerait une intégrité aux opprimés, aux morts, aux oubliés des temps passés.

Une justice qui réécrirait l’histoire, ou certains de ses chapitres, en donnant voix aux perdants. En même temps, L’Ange nous confronte à la question d’une justice à venir, une justice pour ceux qui ne sont pas encore là, au-delà du présent. Comment bâtir une société pacifiée et juste sur, ou par-dessus, les ruines du passé ? Peut-on

« réparer » une histoire, lointaine ou plus proche, marquée par des crimes affreux comme le génocide ou les crimes contre l’humanité ? Comment rendre justice au passé sans en devenir prisonnier ? Comment expurger les dettes du passé pour rendre un nouveau début possible ? Comment vivre avec l’irréparable ?

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ciel. Cette tempête est ce que nous appelons le progrès » (Walter Benjamin, Oeuvres III, Paris, Gallimard, 2000, p. 434).

Impénétrable, même énigmatique, ce passage ne cesse de soulever questionnements et débats. Comment comprendre cette « tempête qui souffle depuis le paradis » ? D’où vient cette force paradisiaque ? Pourquoi l’appeler « progrès », comme le suggère l’auteur ? L’Ange, serait-il une figure messianique, une figure salvatrice même, ou plutôt une figure tragique, vouée à l’échec ? Et le matérialisme historique en tout cela ? Autant de questions sans réponse certaine. En même temps, cet Ange à la posture étrange nous interpelle. Figé et bousculé à la fois, il nous touche dans sa fragilité, son impuissance face aux ruines de l’histoire. Le regard fixé sur le passé, l’Ange ne parvient pas à se détacher de ce qui se présente à lui comme

« une seule unique catastrophe », à la recherche de quelque chose, d’une justice définitive, ultime, impossible – une justice qui réveillerait les morts, qui réparerait ce qui a été brisé. L’Ange, nous dit-on, voudrait bien s’attarder mais une tempête le pousse violemment, à reculons, vers l’avenir, si violemment que ses ailes se déplient.

Malgré lui, l’Ange est ainsi aspiré à grande vitesse vers le futur dont il ne peut rien voir car son regard est fixé sur le passé. Un passé qui se présente à lui comme un champ dévasté, en ruines, une catastrophe sans fin.

Ce récit nous confronte inéluctablement à la question de la justice. Le regard tourné vers le passé, l’Ange voudrait bien faire halte et « rassembler ce qui a été démembré ». Il voudrait, lui, rendre une justice rétrospective aux vaincus de l’histoire. Une justice qui porterait remède à l’horreur subi, panserait les plaies, et restituerait une intégrité aux opprimés, aux morts, aux oubliés des temps passés.

Une justice qui réécrirait l’histoire, ou certains de ses chapitres, en donnant voix aux perdants. En même temps, L’Ange nous confronte à la question d’une justice à venir, une justice pour ceux qui ne sont pas encore là, au-delà du présent. Comment bâtir une société pacifiée et juste sur, ou par-dessus, les ruines du passé ? Peut-on

« réparer » une histoire, lointaine ou plus proche, marquée par des crimes affreux comme le génocide ou les crimes contre l’humanité ? Comment rendre justice au passé sans en devenir prisonnier ? Comment expurger les dettes du passé pour rendre un nouveau début possible ? Comment vivre avec l’irréparable ?

Ces questions sont au cœur du présent ouvrage. Se penchant sur la catégorie des programmes de réparation, l’ouvrage d’Akossia Rachelle Kouassi nous offre des riches réflexions sur comment rendre justice par le biais du droit à un passé de violences et de destructions. Le droit à réparation, individuel et universaliste, surgit ici comme une réponse possible au dilemme de l’Ange. Plutôt que de détourner le regard des victimes de l’histoire, l’auteure nous invite à prendre au sérieux leurs droits individuels à réparation et à réfléchir sur la mise en œuvre concrète de ces droits dans le cadre de programmes de réparations mis en place dans des contextes de justice transitionnelle. Fruit d’un projet de recherche doctorale soutenu par le Fonds national suisse de la recherche scientifique (FNS), le présent ouvrage comble un vide majeur en s’interrogeant sur la nature juridique de tels programmes ainsi que sur les défis, tant théoriques que pratiques, qui se posent dans leur mise en place.

En s’interrogeant sur le rapport entre « droit » et « programme », l’auteure adopte une position qui est à la fois subtile et de bon sens, une position que je qualifierais de

« juridico-réaliste ». D’une part, l’auteure plaide pour une interprétation

« juridique » des programmes des réparations, insistant sur le bien-fondé en droit international d’un droit individuel à réparation des victimes de violations flagrantes des droits humains. Plus que de simples arrangements politiques, elle considère ces programmes comme bel et bien une mise en œuvre d’un véritable droit garanti aux victimes violées dans leurs droits humains. D’autre part, l’auteure insiste sur la complexité politique de tels programmes de réparation, plaidant pour une approche flexible et réaliste ; une approche qui place le droit à réparation dans un contexte de contraintes : budgétaires, organisationnelles, sociales, politiques et autres. Dans la vision pratique et réaliste que l’auteure propose, l’appel à une éthique réparatrice reste pourtant essentiel. Une éthique intimement liée à l’espoir, nécessaire et impossible à la fois, de « rassembler ce qui a été démembré », malgré tout.

Frank Haldemann

Co-directeur du Master in Transitional Justice, Human Rights and the Rule of Law, Académie de droit international humanitaire et de droits humains à Genève.

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SOMMAIRE

SOMMAIRE 1

LISTE DES ABRÉVIATIONS 3

INTRODUCTION 5

I. ASPECTS GÉNÉRAUX 5

II. ASPECTS MÉTHODOLOGIQUES 26

1ERE PARTIE : LES PROGRAMMES DE REPARATIONS EN THÉORIE 49 CHAPITRE I :DU DROIT INDIVIDUEL À RÉPARATION AUX PRJT 51 I. LA "JURIDICISATION" DES PRJT PAR LES INSTRUMENTS DE SOFT LAW 52 II. L'OBLIGATION DE L'ETAT DE RÉPARER: FONDEMENT DU DROIT INDIVIDUEL À RÉPARATION 87 CHAPITRE II : MISE EN ŒUVRE DU DROIT INDIVIDUEL À RÉPARATION DANS LES PRJT 137 I. MISE EN ŒUVRE DU DROIT INDIVIDUEL À RÉPARATION DANS LES PRJT 138 II. LES PRJT COMME DE RECOURS EFFECTIF POUR LES VICTIMES? 193

2ÈME PARTIE : LES PROGRAMMES DE RÉPARATIONS EN PRATIQUE 229 CHAPITRE I:ANALYSE COMPARATIVE DES PROGRAMMES DE RÉPARATIONS 231

I. PIR ET PRJT : UNE CONFUSION DES DEUX NOTIONS 235

II. PIR ET PRJT :DEUX PROCÉDURES DISTINCTES 247

CHAPITRE II :ANALYSE DÉTAILLÉE DES PRJT 291

I. LES RÉPARATIONS ALLEMANDES A LA FIN DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE 292

II. L'AFRIQUE DU SUD 317

III.PROGRAMME DE RÉPARATIONS INDIVIDUEL ET COMMUNAUTAIRE DU MAROC 353 IV.TURQUIE:LA LOI D'INDEMNISATION POUR LES DOMMAGES RÉSULTANT DU TERRORISME 378 V. L'EXPÉRIENCE COLOMBIENNE EN MATIÈRE DE RÉPARATIONS INDIVIDUELLES 393

CONCLUSION GÉNÉRALE 421

BIBLIOGRAPHIE 431

TABLE DES MATIÈRES 463

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LISTE DES ABRÉVIATIONS

AGNU Assemblée générale des Nations Unies ANC African National Congress (Afrique du Sud) ATCA Alien Tort Claim Act

CADH Convention américaine des droits de l’homme CADHP Charte africaine des droits de l’homme et des peuples CDH Commission des droits de l’homme

CDI Commission du droit international

CEDH Convention européenne des droits de l’homme CIADH Cour interaméricaine des droits de l’homme CICR Comité international de la Croix-Rouge CIJ Cour internationale de justice

CPA Cour permanente d’arbitrage CPI Cour pénale internationale

CrADHP Cour africaine des droits de l’homme et des peuples CrEDH Cour européenne des droits de l’homme

CRR Comité des réparations et réhabilitations (Afrique du Sud) CVDT Convention de Vienne sur le droit des traités

CVR Commission vérité et réconciliation (Afrique du Sud) DUDH Déclaration universelle des droits de l’homme ECOSOC Conseil économique et social

FARC Forces armées révolutionnaires de Colombie

HCNUDH Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme IDI Institut de droit international

IER Instance équité et réconciliation (Maroc)

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LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence NSDAP Parti national-socialiste des travailleurs allemands ONU Organisation des Nations Unies

PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques

PIDESC Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels PIR Programmes internationaux de réparations

PKK Parti des travailleurs du Kurdistan

PRIU Programme de réparations intérimaires d’urgence PRJT Programme de réparations de justice transitionnelle PRM Procédure de réclamation en masse

PUF Presses universitaires de France

RCADI Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye RFA République fédérale d’Allemagne

TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

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LGDJ Librairie générale de droit et de jurisprudence NSDAP Parti national-socialiste des travailleurs allemands ONU Organisation des Nations Unies

PIDCP Pacte international relatif aux droits civils et politiques

PIDESC Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels PIR Programmes internationaux de réparations

PKK Parti des travailleurs du Kurdistan

PRIU Programme de réparations intérimaires d’urgence PRJT Programme de réparations de justice transitionnelle PRM Procédure de réclamation en masse

PUF Presses universitaires de France

RCADI Recueil des cours de l’Académie de droit international de la Haye RFA République fédérale d’Allemagne

TPIR Tribunal pénal international pour le Rwanda TPIY Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie

INTRODUCTION

I. Aspects généraux I.1. Mise en contexte

L'histoire mondiale contient d'innombrables chapitres d'atrocités commises par les hommes contre leurs semblables. Parmi les exemples de ce siècle figurent l'Holocauste de la Seconde Guerre mondiale, la répression et la torture sous le Chili de Pinochet, la « guerre sale » de l'Argentine, le renvoi forcé d'enfants autochtones de leurs familles en Australie ou encore la persécution généralisée et systématique du régime d'apartheid en Afrique du Sud. Afin de dépasser leur passé sombre, les Etats tentent de faire face aux violations des droits de l’homme en adoptant divers procédés parmi lesquels les programmes de réparations trouvent une place de choix.

Or,

[l]a question des réparations est difficile. Les indemnités octroyées à l’heure actuelle, qu’il s’agisse de paiements ad hoc, de versements de pensions ou de l’établissement de fonds destinés à la promotion d’objectifs de type communautaire, sont issues d’une pratique à la fois complexe et prolongée1.

Dans ce sens, les réparations présentent de multiples visages, revêtent des formes diverses, et leur mise en œuvre peut être envisagée sous plusieurs possibilités2. Les réparations dont il s’agit dans le cadre de cette étude sont celles qui sont mises en œuvre dans les contextes de justice transitionnelle, en réponse à des violations massives, graves et systématiques des droits de l’homme3. On parle dans de tels contextes de « programmes de réparations ». Ces programmes ne sortent pas du néant et les exemples ne manquent pas dans toutes les régions du monde4. Ils

1 BOISSON DE CHAZOURNES L. et HEATHCOTE S., « Mise en œuvre de la réparation des crimes de l’histoire: une possible (ré)conciliation des temps passés, présents et futurs? », in BOISSON DE

CHAZOURNES L.et AL (dir.), Crimes de l’histoire et réparations: les réponses du droit et de la justice, Bruxelles, Bruylant, 2004, p. 103.

2 Id., p. 100.

3 On reviendra plus tard sur la question. Voir Infra, pp. 17-19 et 26-28.

4 On peut citer entre autres, les exemples des programmes de réparations de l’Allemagne après la Seconde Guerre mondiale, de l’Argentine, du Chili, de la Hongrie, de l’Afrique du Sud, de l’Albanie, de l’Ouganda, du Rwanda, du Pérou, du Maroc, de la Colombie, de la Turquie, du Brésil, de l’Irlande du Nord, de la Sierra Leone, etc. Voir dans ce sens, SHELTON D., Remedies in International Human Rights Law, 2nd Ed., Oxford, Oxford University Press, 2005, pp. 412-422.

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s’inscrivent dans la mouvance des transformations qui, au fil du temps, contribuent à donner au droit international toute sa particularité. C’est en effet dans le cadre de la résolution des affaires relatives aux injustices historiques que la question des réparations en général, et plus spécifiquement dans les contextes de justice transitionnelle, a fait son apparition5. Entre la fin de la Guerre froide et le 11 septembre 2001, on a assisté à une prolifération de demandes de réparations à travers le monde6. Dans son ouvrage The Guilt of Nations, Elazar Barkan décrit ce phénomène comme un modèle d’émergence d’une nouvelle moralité internationale qui témoigne d’une nouvelle mondialisation prêtant plus d’attention aux droits de l’homme7.

Bien que d’aucuns voient la justification de cet intérêt croissant pour les réparations dans des motifs moraux et politiques plutôt que dans des considérations purement juridiques8, on peut dire que l’émergence de l’éthos de la réparation a été favorisée par une évolution du statut de l’individu sur la scène internationale, et se manifeste par un développement croissant en droit international d’une pratique de la réparation en sa faveur9. En effet, destiné à l’origine à ne régir que les relations interétatiques, le droit international a progressivement évolué au cours de son histoire pour laisser de plus en plus de place à l’individu, notamment en matière de réparations. Aussi, la fin de la Deuxième Guerre mondiale a marqué un tournant décisif dans les relations internationales.

Contrairement au droit secondaire à réparation de l’Etat développé par le droit de la responsabilité pour fait internationalement illicite, et dans le cadre duquel seul l’Etat a un droit à réparation (a priori), on pourrait définir le droit individuel à réparation comme un droit secondaire conféré directement aux individus par le droit international public (ci-après « droit international »), notamment par ses branches conférant directement des droits aux individus, lorsque leurs droits primaires (en

5 FALK R., « Reparations, International Law, and Global Justice: A New Frontier », in DE GREIFF P. (ed.), The Handbook of Reparations, New York, Oxford University Press, 2006, p. 479.

6 Voir par exemple BOISSON DE CHAZOURNES L. et HEATHCOTE S., « Mise en œuvre de la réparation des crimes de l’histoire…», op. cit., pp. 110-111.

7 BARKAN E., The Guilt of Nations. Restitution and Negociating Historical Injusticies, Johns Hopkins University Press, Baltimore, 2000, p. ix.

8 FALK R., « Reparations, International Law, and Global Justice…», op. cit., p. 480.

9 Ibid.

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s’inscrivent dans la mouvance des transformations qui, au fil du temps, contribuent à donner au droit international toute sa particularité. C’est en effet dans le cadre de la résolution des affaires relatives aux injustices historiques que la question des réparations en général, et plus spécifiquement dans les contextes de justice transitionnelle, a fait son apparition5. Entre la fin de la Guerre froide et le 11 septembre 2001, on a assisté à une prolifération de demandes de réparations à travers le monde6. Dans son ouvrage The Guilt of Nations, Elazar Barkan décrit ce phénomène comme un modèle d’émergence d’une nouvelle moralité internationale qui témoigne d’une nouvelle mondialisation prêtant plus d’attention aux droits de l’homme7.

Bien que d’aucuns voient la justification de cet intérêt croissant pour les réparations dans des motifs moraux et politiques plutôt que dans des considérations purement juridiques8, on peut dire que l’émergence de l’éthos de la réparation a été favorisée par une évolution du statut de l’individu sur la scène internationale, et se manifeste par un développement croissant en droit international d’une pratique de la réparation en sa faveur9. En effet, destiné à l’origine à ne régir que les relations interétatiques, le droit international a progressivement évolué au cours de son histoire pour laisser de plus en plus de place à l’individu, notamment en matière de réparations. Aussi, la fin de la Deuxième Guerre mondiale a marqué un tournant décisif dans les relations internationales.

Contrairement au droit secondaire à réparation de l’Etat développé par le droit de la responsabilité pour fait internationalement illicite, et dans le cadre duquel seul l’Etat a un droit à réparation (a priori), on pourrait définir le droit individuel à réparation comme un droit secondaire conféré directement aux individus par le droit international public (ci-après « droit international »), notamment par ses branches conférant directement des droits aux individus, lorsque leurs droits primaires (en

5 FALK R., « Reparations, International Law, and Global Justice: A New Frontier », in DE GREIFF P. (ed.), The Handbook of Reparations, New York, Oxford University Press, 2006, p. 479.

6 Voir par exemple BOISSON DE CHAZOURNES L. et HEATHCOTE S., « Mise en œuvre de la réparation des crimes de l’histoire…», op. cit., pp. 110-111.

7 BARKAN E., The Guilt of Nations. Restitution and Negociating Historical Injusticies, Johns Hopkins University Press, Baltimore, 2000, p. ix.

8 FALK R., « Reparations, International Law, and Global Justice…», op. cit., p. 480.

9 Ibid.

droit international) sont violés. Si en droit interne il apparaît évident que l’individu, du fait de sa place centrale, a droit à une réparation lorsque ses droits sont violés, une telle évidence n’est pas partagée en droit international. Aussi, avant d’aborder le vif du sujet, il convient de dire un mot sur la place (ou le statut) de l’individu dans une matière, le droit international, qui ne le concernait pas à l’origine, du moins, directement.

I.2. Evolution du statut de l’individu en droit international contemporain

Il n’est pas nécessaire de démontrer la subjectivité internationale de l’individu pour montrer que celui-ci a un droit à réparation en droit international. Il apparaît toutefois opportun de faire un bref retour en arrière sur l’évolution de la perception du statut de l’individu en droit international. Cette évolution joue un rôle fondamental dans la teneur du discours en droit international contemporain sur le droit individuel à réparation. On ne reviendra toutefois pas sur tout le débat qui a environné et qui continue encore aujourd’hui d’alimenter la question du statut de l’individu en droit international. On n’abordera que quelques aspects permettant une meilleure compréhension du propos. En effet, le statut de l’individu en droit international a toujours été difficile à définir.

Selon la conception traditionnelle du droit international, celui-ci était considéré comme un droit par et pour les Etats, et comme le soulignait Kelsen, le seul véritable sujet du droit international était l'État10. Dans son Traité sur le droit international, Oppenheim affirmait à ce propos que «[s]ince the Law of Nations is a law between States only, and since States are the sole exclusive subjects of international Law, Individuals are mere objects of International Law, and the latter is unable to confer rights and duties upon individuals 11».

Par conséquent, en matière de réparation, les individus, même lorsqu’ils subissaient directement le préjudice, n’étaient pris en compte que par le prisme de l’Etat, au moyen du mécanisme de la protection diplomatique. Lorsque l’Etat exerçait

10 RIGAUX F., « Kelsen et le droit international », Revue belge de droit international, Vol. 2, Bruxelles, Bruylant, 1996, pp. 382 et ss.

11 OPPENHEIM L., International Law: A Treatise, Volume I, London/New York/Bombay, Longmans, Green and co, 1905, p. 200.

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la protection diplomatique en faveur de l’un de ses ressortissants qui subissait un préjudice du fait de la violation par un autre Etat du droit international, l’Etat protecteur faisait valoir son propre droit et non celui de l’individu12. Selon Anzilotti,

« […] la conduite d’un Etat, toute contraire qu’elle soit au droit international, ne saurait jamais donner naissance à un droit de l’individu à la réparation du dommage souffert13».

Dans un tel contexte, les réparations de guerre étaient une affaire d’Etats même lorsqu’il était explicitement reconnu que les populations civiles avaient directement subi des dommages. L’exemple des réparations de guerre imposées à l’Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale en est une illustration14. Plus tard, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la formule employée par les puissances alliées dans le cadre des réparations de guerre indiquait encore le caractère classiquement interétatique des réclamations de guerre. Les prétentions des ressortissants des puissances alliées étaient en effet endossées par leurs Etats, par le mécanisme de la protection diplomatique15.

Toutefois, le droit international se caractérise par sa dynamique évolutive qui semble parfois remettre en cause ses propres notions classiques : « [le] droit international […] plus que toute autre branche du droit est inséparable de son histoire parce qu’il est un droit essentiellement évolutif16». Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, des transformations dans la structure du droit international ont entraîné sa conscientisation progressive. Bien que les Etats continuent d’être les acteurs prédominants de la sphère internationale, les individus y émergent de plus en plus et sont le centre de plusieurs traités internationaux, notamment en droit international humanitaire, droit international des droits de l’homme et droit international pénal. Comme le souligne Higgins, « (…) international law is not to be

12 CPJI, Concessions Mavrommatis en Palestine (compétence), 30 août 1924, Série A, n° 2, p. 12.

13 ANZILOTTI D., « La responsabilité internationale des Etats à raison des dommages soufferts par des étrangers », in Révue générale de droit international public 13, 1906, p. 5.

14 Voir le Traité de Versailles, 28 juin 1919, art. 231.

15D’ARGENT P., Les réparations de guerre en droit international public: la responsabilité internationale des Etats à l’épreuve de la guerre, Bruxelles/Paris, Brulyant/L.G.D.J., 2002, p. 139.

16DAILLIER P.et AL., Droit international public, Paris, L.G.D.J., 2009, 8ème éd., p. 51.

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la protection diplomatique en faveur de l’un de ses ressortissants qui subissait un préjudice du fait de la violation par un autre Etat du droit international, l’Etat protecteur faisait valoir son propre droit et non celui de l’individu12. Selon Anzilotti,

« […] la conduite d’un Etat, toute contraire qu’elle soit au droit international, ne saurait jamais donner naissance à un droit de l’individu à la réparation du dommage souffert13».

Dans un tel contexte, les réparations de guerre étaient une affaire d’Etats même lorsqu’il était explicitement reconnu que les populations civiles avaient directement subi des dommages. L’exemple des réparations de guerre imposées à l’Allemagne à la fin de la Première Guerre mondiale en est une illustration14. Plus tard, à l’issue de la Seconde Guerre mondiale, la formule employée par les puissances alliées dans le cadre des réparations de guerre indiquait encore le caractère classiquement interétatique des réclamations de guerre. Les prétentions des ressortissants des puissances alliées étaient en effet endossées par leurs Etats, par le mécanisme de la protection diplomatique15.

Toutefois, le droit international se caractérise par sa dynamique évolutive qui semble parfois remettre en cause ses propres notions classiques : « [le] droit international […] plus que toute autre branche du droit est inséparable de son histoire parce qu’il est un droit essentiellement évolutif16». Ainsi, après la Seconde Guerre mondiale, des transformations dans la structure du droit international ont entraîné sa conscientisation progressive. Bien que les Etats continuent d’être les acteurs prédominants de la sphère internationale, les individus y émergent de plus en plus et sont le centre de plusieurs traités internationaux, notamment en droit international humanitaire, droit international des droits de l’homme et droit international pénal. Comme le souligne Higgins, « (…) international law is not to be

12 CPJI, Concessions Mavrommatis en Palestine (compétence), 30 août 1924, Série A, n° 2, p. 12.

13 ANZILOTTI D., « La responsabilité internationale des Etats à raison des dommages soufferts par des étrangers », in Révue générale de droit international public 13, 1906, p. 5.

14 Voir le Traité de Versailles, 28 juin 1919, art. 231.

15D’ARGENT P., Les réparations de guerre en droit international public: la responsabilité internationale des Etats à l’épreuve de la guerre, Bruxelles/Paris, Brulyant/L.G.D.J., 2002, p. 139.

16DAILLIER P.et AL., Droit international public, Paris, L.G.D.J., 2009, 8ème éd., p. 51.

understood as a set of ‘rules’. First of all, international law is not only ‘rules’; moreover, its norms are not fixed indefinitely and are thus wholly responsive to the needs of the system17 ».

Les débats autour du statut de l’individu en droit international ont longtemps divisé les auteurs18. L’individu est ainsi passé du statut d’objet de droit international

« au même titre que les navires ou le territoire appartenant à un Etat19 », à celui de sujet actif20 (les auteurs s’appuyant sur des fondements différents les uns des autres21), et enfin à celui de sujet dérivé22. Face à ces discussions, d’aucuns ont suggéré de dire que les individus sont, en droit international, des sujets non formels ou sujets au sens matériel23. Cela exprime à la fois que « les individus ne rentrent pas, en principe, parmi les destinataires des normes internationales et ne sont donc pas des sujets internationaux au sens technique, […] que ces normes se réfèrent à eux de […] manière substantielle […]24 ». Vus dans ce sens, les individus peuvent être considérés comme des personnes en droit international et non comme des sujets25.

Les premiers pas du droit international pénal dans le cadre des premiers procès pénaux internationaux après la Seconde Guerre mondiale26, de même que le

17 HIGGINS R., Problems and Process, International Law and How We Use It, Oxford, Clarendon Press, 1994, p. 51.

18 Voir dans ce sens CHETAIL V., « Le droit d’avoir des droits en droit international public : réflexion sur la subjectivité internationale de l’individu », in CALOZ-TSCHOPP M.-C. (dir.), Lire Hanna Arendt aujourd’hui : pouvoir, guerre, pensée, jugement politique, Paris, L’Harmattan, 2008. L’auteur retrace les controverses entre juristes internationalistes durant le XXème siècle relativement aux affrontements doctrinaux sur la question du statut de l’individu en droit international. Voir également, dans le même sens, STEINER H.J.and ALSTON P., International Human Rights in Context, 2nd Ed., New York, Oxford University Press, 2000; ANDREOPOULOS G.J. (ed.), Concepts and Strategies in International Human Rights, New York, Peter Lang, 2000; FALK R., Human Rights Horizons: The Prospect of Justice in a Globalizing World, New York, Routledge, 2000; DONNELY J., Universal Human Rights: In Theory and Practice, New York, Cornell University Press, 2003.

19 MANNER G., « The Object Theory of the Individual in International Law », American Journal of International Law, Vol. 6, n°3, juillet 1952, pp. 428-449.

20 SCELLE G., Précis de droit des gens, Principes et systématique, Paris, Editiond du CNRS, 1934, pp. 42-44.

21 CHETAIL V., « Le droit d’avoir des droits en droit international public… », op. cit., p. 222-225 (pour plus de détails sur les arguments de ce courant de pensée).

22 Id., p. 225.

23 GIUSEPPE S., « La personne humaine et le droit international », in Annuaire français de droit international, volume 7, 1961, p. 146.

24 Ibid.

25 Ibid.

26 Les individus peuvent, à cet égard, engager leur responsabilité pénale internationale s’ils violent certaines règles du droit international. Après les premiers tribunaux pénaux internationaux militaires de Nuremberg et de Tokyo, cela s’est concrétisé avec l’élaboration des statuts des Tribunaux pénaux internationaux pour l’ex-Yougoslavie et le Rwanda, celui de Rome pour la Cour Pénale Internationale dont l’article 1er dispose : « Il est créé une Cour pénale internationale […] en tant qu’institution

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développement normatif fulgurant des droits de l’homme, figurent aux premières loges des transformations structurelles importantes du droit international qui ont favorisé l’ascension de l’individu sur la scène internationale. En s’appuyant sur les droits et obligations conférés à ce dernier par le droit international, on estime désormais que « [s]i la personnalité juridique se définit par l’aptitude à être destinataire des droits et obligations directement conférés par le droit international, l’individu doit être considéré aujourd’hui comme un sujet de droit international27 ».

Suivant cette conception large de la personnalité juridique qui la résume à la titularité de droits et à l’assujettissement à des obligations, on considère que les individus deviennent sujets de droit international lorsque deux conditions basiques sont remplies : d’une part, lorsqu’ils sont titulaires de droits qui leur sont conférés directement par le droit international et qu’ils peuvent exercer, et d’autre part, lorsqu’ils sont titulaires d’obligations directement sanctionnées par le droit international. Par conséquent, dès lors que l’individu se voit accorder un recours devant une instance de protection internationale et peut ainsi déclencher la procédure de protection, il devient sujet du droit international28. Une telle conception ne fait toutefois pas l’unanimité au sein de la doctrine. On considère par exemple qu’il n’est pas suffisant de se référer à l’existence des traités de droits de l’homme pour conclure à l’existence d’une personnalité juridique de l’individu en droit international29. On considère également que

[p]our être […] considéré comme sujet actif d’un ordre juridique, une entité doit certes d’abord être investie par cet ordre de droits et d’obligations clairement définis. Mais cela ne saurait suffire. Il faut aussi pouvoir agir directement par le moyen de procédures appropriées pour faire respecter l’exercice effectif des droits dont on bénéficie. La capacité d’agir est le critère déterminant de la personnalité juridique30.

permanente, qui peut exercer sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale […] ». On peut également mentionner les tribunaux pénaux dits internationalisés.

27 CHETAIL V., « Le droit d’avoir des droits en droit international public… », op. cit., p. 228.

28 REUTER P., Droit international public, 7ème Ed., Paris, PUF, 1993, pp. 235 et 238.

29 TOMUSCHAT C., « Individual Reparation claims in Instances of Grave Human Rights Violations: The Position under General International Law », in RANDELZHOFER A. and TOMUSCHAT C. (eds.), State Responsibility and the Individual: Reparation in Instances of Grave Violations of Human Rights, Martinus Nijhoff Publishers, 1999, p. 10.

30 DUPUY P.-M., Droit international public, 9ème Ed., Paris, Dalloz, 2008, p. 222, para. 195.

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développement normatif fulgurant des droits de l’homme, figurent aux premières loges des transformations structurelles importantes du droit international qui ont favorisé l’ascension de l’individu sur la scène internationale. En s’appuyant sur les droits et obligations conférés à ce dernier par le droit international, on estime désormais que « [s]i la personnalité juridique se définit par l’aptitude à être destinataire des droits et obligations directement conférés par le droit international, l’individu doit être considéré aujourd’hui comme un sujet de droit international27 ».

Suivant cette conception large de la personnalité juridique qui la résume à la titularité de droits et à l’assujettissement à des obligations, on considère que les individus deviennent sujets de droit international lorsque deux conditions basiques sont remplies : d’une part, lorsqu’ils sont titulaires de droits qui leur sont conférés directement par le droit international et qu’ils peuvent exercer, et d’autre part, lorsqu’ils sont titulaires d’obligations directement sanctionnées par le droit international. Par conséquent, dès lors que l’individu se voit accorder un recours devant une instance de protection internationale et peut ainsi déclencher la procédure de protection, il devient sujet du droit international28. Une telle conception ne fait toutefois pas l’unanimité au sein de la doctrine. On considère par exemple qu’il n’est pas suffisant de se référer à l’existence des traités de droits de l’homme pour conclure à l’existence d’une personnalité juridique de l’individu en droit international29. On considère également que

[p]our être […] considéré comme sujet actif d’un ordre juridique, une entité doit certes d’abord être investie par cet ordre de droits et d’obligations clairement définis. Mais cela ne saurait suffire. Il faut aussi pouvoir agir directement par le moyen de procédures appropriées pour faire respecter l’exercice effectif des droits dont on bénéficie. La capacité d’agir est le critère déterminant de la personnalité juridique30.

permanente, qui peut exercer sa compétence à l’égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale […] ». On peut également mentionner les tribunaux pénaux dits internationalisés.

27 CHETAIL V., « Le droit d’avoir des droits en droit international public… », op. cit., p. 228.

28 REUTER P., Droit international public, 7ème Ed., Paris, PUF, 1993, pp. 235 et 238.

29 TOMUSCHAT C., « Individual Reparation claims in Instances of Grave Human Rights Violations: The Position under General International Law », in RANDELZHOFER A. and TOMUSCHAT C. (eds.), State Responsibility and the Individual: Reparation in Instances of Grave Violations of Human Rights, Martinus Nijhoff Publishers, 1999, p. 10.

30 DUPUY P.-M., Droit international public, 9ème Ed., Paris, Dalloz, 2008, p. 222, para. 195.

Or, avec le développement du droit international des droits de l’homme, les individus ont la capacité d’agir directement par le moyen de procédures appropriées pour faire respecter les droits dont ils bénéficient. Ils ont certes peu d'accès aux instances internationales et dépendent encore de la règle de nationalité des revendications par laquelle une personne doit, de manière générale, poursuivre une réclamation au niveau international en obtenant de son gouvernement de prendre fait et cause en sa faveur31. Toutefois, malgré cette capacité d’action limitée sur le terrain international, les individus ont la possibilité d’agir devant les instances de protection des droits de l’homme, notamment devant les cours régionales des droits de l’homme32 et les organes de traités des droits de l’homme des Nations Unies qui leur permettent de porter individuellement plainte sous certaines conditions33.

Ainsi, même si aujourd’hui des doutes persistent encore du point de vue doctrinal sur la qualité subjective de l’individu en droit international, celui-ci est indéniablement titulaire de droits et d’obligations en droit international34. D’ailleurs, aucune règle du droit international n’empêche explicitement que l’individu soit considéré comme sujet de ce droit35. Dans son avis consultatif sur les réparations en

31 A titre d’illustration, les articles 35 et 65 du Statut de la CIJ permettent seulement aux Etats et aux organes et institutions dûment habilités à cet effet, conformément à la Charte des Nations unies, d’obtenir respectivement des arrêts et des avis consultatifs.

32 Mais l’action de ces systèmes de protection se limite à un niveau régional. De plus, dans certains systèmes, les individus n’ont pas la capacité de saisir directement la cour. C’est le cas de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Dans le modèle interaméricain, les plaintes des individus et des organisations ne peuvent être déposées qu’auprès de la Commission interaméricaine des droits de l’homme qui examine leur validité. C'est la Commission qui, au final, portera un cas devant la Cour.

Ainsi, contrairement à la Cour européenne des droits de l’homme, il n’est pas possible, pour un individu, de déposer une plainte directement auprès de la Cour interaméricaine des droits de l’homme. Voir dans ce sens, Convention américaine des droits de l’homme de 1969, art. 48-50 et art.

61.

33 La plupart des comités des Nations Unies peuvent examiner les plaintes de personnes qui estiment que leurs droits ont été violés. Pour qu'une personne puisse soumettre une plainte, les conditions générales suivantes doivent être remplies: (1) l'Etat doit avoir ratifié le traité en question; (2) l'Etat doit également avoir accepté d'être lié par la procédure de plaintes (souvent établie dans un protocole facultatif) ; (3) l'individu (ou groupe d'individus) doit avoir épuisé toutes les voies de recours dans son propre pays, la procédure de plaintes étant la dernière option possible. Des conditions plus spécifiques, appelées critères d'admissibilité, s'appliquent selon le traité concerné. Voir dans ce sens, le site du Haut-commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme disponible à l’adresse suivante:

http://www.ohchr.org/FR/HRBodies/Pages/TreatyBodies.aspx (consultée le 04. 09. 2019);

INTERNATIONAL SERVICE FOR HUMAN RIGHTS, Guide simple sur les organes de traité des Nations Unies, Genève, 2015.

34 CLAPHAM A., « The Role of the Individual in International Law », European Journal of International Law, Vol. 21, 2010, p. 30.

35 Id., p. 26.

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1949, la Cour internationale de justice (ci-après « CIJ ») a déclaré que « [l]es sujets de droit dans un système juridique ne sont pas nécessairement identiques quant à leur nature ou quant à l'étendue de leur droit et leur nature dépend des besoins de la communauté36 ». Si donc les sujets de droit international peuvent avoir des statuts différents, existerait-il alors une hiérarchisation parmi ces sujets en fonction de leur statut ?

Pour simplifier alors le sujet, il conviendrait d’abonder dans le sens de Higgins qui, tout en rejetant la dichotomie sujet-objet de droit international, fait la remarque suivante : « Finally, the whole notion of ‘subjects’ and ‘objects’ has no credible reality, and […] no functional purpose. We have erected an intellectual prison of our own choosing and then declared it to be an analterable constraint37». En accord avec le courant de pensée de l’Ecole de New Haven38, elle estime qu’il est plus utile et réaliste de regarder le droit international comme un processus particulier de prise de décisions. Dans ce processus dynamique et non statique, il n’existe ni objets ni sujets, mais seulement une variété de participants: les individus y sont des participants, tout comme les Etats, les Organisations internationales, les corporations multinationales et les groupes privés non gouvernementaux39.

C’est donc à juste titre que tout en considérant que la fonction essentielle du droit est de régler la conduite réciproque des hommes, Kelsen a écrit que « les individus sont sujets du droit international d’une manière spécifique, différente de la manière dont ils sont sujets d’un droit national 40 ». Ainsi, en matière de réparations et dans le sillage de la nouvelle moralité internationale, le droit international est de plus en plus tourné vers la situation de l’individu. On assiste aujourd’hui à une éclipse partielle de la souveraineté de l’Etat, avec l’avènement d’une nouvelle ère internationale plus favorable à la situation de l’individu, notamment en matière de réparations. Kolb le dit donc à juste titre,

36 CIJ, Réparation des dommages subis au service des Nations Unies, Avis consultatif du 11 avril 1949, CIJ Recueil 1949, p. 178.

37 HIGGINS R., Problems and Process, International Law and How We Use It, op. cit., p. 49.

38 Sur l’Ecole de pensée de New Haven, voir par exemple, MICHAEL REISMAN W., L’école de New Haven de droit international, Paris, Pedone, 2010.

39 HIGGINS R., Problems and Process, International Law and How We Use It, op. cit., p. 50.

40 KELSEN H., « Théorie du droit international public », RCADI, Vol. 84, n° 3, 1953, pp. 66-67.

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