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L'éducation physique des citoyens macédoniens selon la loi gymnasiarchique de Béroia

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L'éducation physique des citoyens macédoniens selon la loi gymnasiarchique de Béroia

GIOVANNINI, Adalberto

GIOVANNINI, Adalberto. L'éducation physique des citoyens macédoniens selon la loi

gymnasiarchique de Béroia. In: Cataldi, S. Poleis e politeiai . Allessandria : Ed. dell'Orso, 2004.

p. 473-490

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:93571

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ESPERIENZE POLITICHE, TRADIZIONI LETTERARIE, PROGETTI COSTITUZIONALI

Atti del Convegno Internazionale di Storia Greca Torino, 29 maggio -31 maggio 2002

a cura di.

SIL VIO CATALDI

Estratto

�[!i1RINA ET LITE�

-

1

� �

Edizioni dell'Orso · Alessandria

2004

(3)

L'éducation physique des citoyens macédoniens selon la loi gymnasiarchique de Béroia

La loi gymnasiarchique de Béroia est une des découvertes épigraphiques majeures du siècle dernier. Mise au jour en 1949, elle fut utilisée par M. P.

Nilsson dans son ouvrage Die hellenistische Schule paru en 1955, mais elle re­

sta inédite jusqu' à ce que J. M. R. Cormack en distribue le texte aux partici­

pants du 2ème congrès sur la Macédoine antique tenu à Thessalonique en 1973

(CORMACK 1977). M. M. Austin en donna une traduction anglaise dans son re­

cueil de sources sur l' époque hellénistique1, L. Moretti en fit une présentation commentée dans un article paru en 19822, et il fallut attendre jusqu' en 1993 pour en avoir enfin, grâce à Ph. Gauthier et M. Hatzopoulos, une véritable édi­

tion critique et un commentaire approfondi3•

La loi est inscrite sur une grande stèle opisthographe qui comportait sur sa face A 1 06 lignes dont la seconde moitié sont totalement illisibles, et sur sa fa­

ce B 1 10 lignes parfaitement conservées. Le texte de la loi proprement dite commence à la ligne 22 de la face A avec l' intitulé NÜJ..LO� YUJ..tvacnapxu(6�. ll est précédé d'un décret de la cité de Béroia exposant les raisons qui l' ont ame­

née à se donner cette loi, soit d' abord le fait que les autres cités ayant un gym­

nase ont aussi une loi gymnasiarchique, la volonté ensuite d' améliorer la disci­

pline des jeunes gens, notamment en exerçant un contrôle rigoureux de la ge­

stion des gymnasiarques. ll est suivi, à la dernière ligne de la face B, d' un bor­

dereau d' envoi par les politarques. La loi elle-même traite d'abord de l' élection, de l' assermentation et de l' entrée en charge des gymnasiarques annuels, ainsi que la désignation et l' assermentation de leurs adjoints (ll. 22-42). Des 20 li­

gnes suivantes on ne peut lire que quelques bribes, alors que les lignes 63 à 1 06 sont, comme je l' ai dit, totalement illisibles. Les premières lignes de la face B ( 1- 1 3) concernent l' âge limite pour l' accès au gymnase (30 ans), la discipline exigée des jeunes citoyens qui fréquentent le gymnase et les exercices auxquels sont astreints les éphèbes et les jeunes hommes de moins de 22 ans. Viennent ensuite: diverses clauses relatives aux garçons (1taÎÔE�) et à ceux qui doivent les entraîner (pédotribes) (ll. 1 3-26), un paragraphe sur les personnes interdites

1 AUSTIN 1977, n. 118, 203-207.

2 MüRETII 1982.

3 ÜAUTIDER-HATZOPOULOS 1993.

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d'accès au gymnase en raison de leur statut social ou pour cause de moralité (11.

26-39), un paragraphe interdisant les insultes ou voies de fait à l' encontre du gymnasiarque (11. 39-45), une série de dispositions sur l' organisation des con­

cours des Hermaia (11. 45-87), enfin des prescriptions aux gymnasiarques sur la gestion financière des revenus, en particulier de ceux qui proviennent des amendes (11. 87- 109). Comme je l'ai dit, le document se termine par un borde­

reau d' envoi mentionnant les politarques (1. 11 0).

Dans l' ensemble, le commentaire de Gauthier-Hatzopoulos est fait avec beaucoup de soin et de compétence; les parallèles connus, tant littéraires qu' épigraphiques, sont exploités au mieux, de sorte que le lecteur de cet ouvra­

ge a l' impression rassurante d'avoir compris pour l' essentiel ce qu' étaient à 1' époque hellénistique l' éducation physique et la préparation militaire des ci­

toy ens dans une cité hellénisée de Macédoine. C' est ce que j' ai cru aussi lors­

que j' ai pris conaissance de l' exemplaire que les deux auteurs ont eu l' amabilité de m' envoyer, et pendant des années, j' en ai recommandé la lecture à mes étudiants en épigraphie grecque comme un modèle à suivre pour l' édition, l' analyse et le commentaire critique d' une inscription. Mais il y a deux ans, l' étude minutieuse de cette loi dans le cadre d' un séminaire d' épigraphie grecque m' a convaincu que les éditeurs avaient traduit et inter­

prété de manière incorrecte un passage particulièrement important de la loi, et qu' ils en avaient tiré des conclusions erronées sur la place de l' éducation phy­

sique dans la vie quotidienne des jeunes citoyens macédoniens. Par ailleurs, des doutes que j' avais éprouvés dès le début sur l' attribution de cette loi à l' époque de la monarchie se sont trouvés confirmés: je suis maintenant tout à fait con­

vaincu que cette loi est postérieure à l' abolition de la monarchie macédonienne par les Romains en 168, ce qu' avaient déjà pensé Cormack, Austin et d' autres.

/. La place de l'éducation physique dans la vie quotidienne des citoyens

Le passage que Gauthier et Hatzopoulos me semblent avoir traduit et in­

terprété de manière incorrecte est celui qui concerne les âges limites pour l' accès au gymnase et la discipline exigée des jeunes citoyens qui fréquentent le gymnase, aux premières lignes de la face B. En voici le texte:

'Ercqùuecr8at ÙÈ J-LTt8ev1 1':/;Écr'tro 1:&v urco 1:à 'tpuxxov'ta E't11 'tOÛ O"Tjj.lElOU KEtj.lÉVOU, Éàv J-LTJ 6 Ù<pTjyOUJ-LEVOÇ O"UV/;IDplJO"Tjt V

Ü'tav ÙÈ 1:0 O"TjJ-LEÎov àp8fjt J-LTtÙÈ &Urot J-LTJ8evi, f.àv flTJ 6 à<pTjyOUflE- 4 voç cruvxropl]crn, f1TJOÈ f.v àUn naÂatcr'tpat àAeupÉcr8ro J-LTJ8El.ç èv T'fi

cx:Ù'tfjt 1tOAEt" Et OÈ fllJ, KffiÂUÉ'tro 6 Y'Df1Vacriapxoc; x:aî STJflto'D'tffi opa­

Xfl<V>aîç JtEV'tlJKOV'tU" ov &v oÈ KU'tUO"'tlJO"TI 6 YUJ-LVUO"tapxoc; à<pTtYEέ

cr8at, 'tOU'trot rcet8apxei'trocrav rcâv'tEÇ oi <pot't&V'tEÇ eiç 1:0 yuJ-Lvâ- 8 [cr]tov, x:a8ânep Kat 'tij) YUJ-LVUO"tâxn yqpârc'tat" 'tOV oÈ J-LTJ 1tEt8apxoûv­

'ta, 1:ov f1Èv urco 'tTJV pâ�oov J-Lacrn you'tro 6 yuf1 vacriapxoc;, 1:oùç v

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BÈ aÀÀOUÇ ÇTJJ.ltüU'tffi. vac. 'AKOV'ttÇEtV ÔÈ Kat 'tO�EUEtV J.lEÂE't<X'tmoav Ot 'tE E<pTJ�Ot Kat ol. u1to ,;à Buo Kat Ei:Koatv E'tTJ Ka8' ÉKUO'tTJV TJJ.lÉpav, éhav 12 oi 1taÎÔEÇ ÙÀEt\jlffiV'tat. OJ.lOtmç BÈ Kat èàv Ë'tEp6v 'tt &vayKaîov <patVTJ­

'tat 't<ÎlV J.la8TJJ.lU'tffiV

Et voici la traduction qu'ils proposent:

Nul parmi les moins de trente ans n'aura le droit de se mettre nu une fois le signal abaissé, sauf autorisation du chef. Lorsque le signal est levé, nul autre n'aura le droit de se mettre nu, sauf autorisation du chef, et nul ne s'oindra d'huile dans une autre palestre dans la même cité; sinon, que le gymnasiarque le réprime et lui inflige une amende de cinquante drachmes. À celui que le gymnasiarque aura é­

tabli pour être le chef, tous ceux qui fréquentent le gymnase devront obéir, com­

me il est prescrit pour le gymnasiarque. Celui qui n'obéit pas, s'il est passible des verges, que le gymnasiarque lui inflige le fouet; aux autres, qu'il inflige l'amende. Les éphèbes et les moins de vingt-deux ans s'entraîneront au tir au ja­

velot et à l'arc chaque jour, lorsque les garçons se sont oints, et de même si telle autre discipline apparru.î nécessaire.

Dans ce passage, les deux phrases importantes sont la première et la der­

nière. Dans leur commentaire, Gauthier et Hatzopoulos comprennent la premiè­

re de la manière suivante (pp. 57-61): à la p. 60, ils rapprochent l' expression 'tOÛ O"TJJlEtOU KEtJ..LÉvou, qu' ils traduisent par «une fois le signal abaissé», d' un passage très connu du Contre Timarque d'Eschine (1, 10), où l' orateur cite une loi interdisant aux maîtres d' école et aux pédotribes d' ouvrir les écoles et les palestres avant le lever du jour, et leur prescrivant de les fermer après le cou­

cher du soleil, «car», dit Eschine, «elle se défie au plus haut point de l' isolement et des ténèbres». Pour eux, le première partie de cette clause se ré­

férerait donc à la fermeture du gymnase à la fin de la journée, Je gymnase res­

tant par ailleurs ouvert du lever du jour à la nuit tombante. lls tirent de cette clause, telle qu'ils l' interprètent, la conclusion que «le gymnase, à dater de l' application de la loi, était réservé aux néoi», et que «les hommes plus âgés devaient soit s' abstenir des 'exercices du gymnase' , soit fréquenter des pales­

tres privées» (p. 58).

Dans la dernière phrase, ce sont les mots Kcx9' ÉKaO"'tTJV 'liJ..LÉpcxv, o'tcxv oi 1tCXÎÔEÇ aÂ.et\j/OOV'tCXt, que les deux auteurs traduisent par «Chaque jour, lorsque les garçons se sont oints», qui sont décisifs. Dans leur commentaire de cette clause, aux pp. 68-72, ils renvoient (p. 70) à la traduction de M. M. Austin (AUSTIN 1981, 204: «every day, when the boys have anointed themselves»), et rejettent celle de M. P. Nilsson, qui avait traduit aÀEt\j/OOV'tCXt par un présent (NILSSON 1955, 38: <<jeden Tag, wenn die Knaben turnen»). lls comprennent cette clause dans le sens que les éphèbes et les jeunes hommes de moins de 22 ans s' entraînaient au tir à 1' arc et au javelot «dès que les garçons avaient termi-

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né leurs exercices et quitté le gymnase» (p. 71). lls soulignent par ailleurs avec insistance l' importance de la précision «chaque jour», et ils en tirent la conclu­

sion «qu' il s' agissait de former des professionnels» et que «le gymnase ma­

cédonien formait ainsi de bons soldats et servait au recrutement de l' armée royale» (p. 70). lls y reviennent dans la conclusion générale (pp. 173-176), soulignant la particularité macédonienne du fait que «la Macédoine ... maintint jusqu' à la fin de son indépendance une primauté absolue à ses politikoi stra­

tiotai, à son armée nationale» (p. 176). En résumé, Gauthier et Hatzopoulos se représentent l' éducation physique et la préparation militaire des jeunes Ma­

cédoniens comme une activité à plein temps destinée à faire d' eux des soldats de métier comme l' étaient les Spartiates à l' époque de leur puissance; et ils se représentent le gymnase comme un établissement réservé exclusivement, jour après jour et du matin au soir, à la préparation physique des futurs soldats de l' armée royale.

L' interprétation des deux auteurs est incontestablement correcte sur un point essentiel: l' entraînement physique des jeunes Macédoniens était quoti­

dien. La loi stipule déjà dans la clause relative aux adjoints du gymnasiarque qu' ils devront accomplir leur tâche chaque jour (KaS' fJJ.LÉpav, à la 1. 39 de la face A), et elle ordonne par ailleurs aux pédotribes de se rendre au gymnase deux fois par jour (ÉKacr'tTJÇ iJJ.LÉpaç; ôiç;, à la 1. 16 de la face B). ll est entendu toutefois qu' en Macédoine, comme dans tous les États antiques, l' année comp­

tait plusieurs dizaines de jours fériés où les enfants et les jeune gens étaient dis­

pensés de l' école et du gymnase.

Mais je crois que pour le reste les deux auteurs se sont trompés du tout au tout, et je soupçonne qu' ils ont interprété les deux clauses qui nous intéressent à partir d' une idée préconçue. Je vais commencer par la première. En traduisant le génitif absolu 'toû C1TJj..UO:tou KEtJ.LÉvou par «une fois le signal abaissé», ce qui équivaut à «après que le signal eût été abaissé», il font violence au texte, car ils introduisent une relation de postériorité qui ne correspond pas au sens d' un génitif absolu avec un participe présent. Celui-ci exprime une relation de si­

multanéité et signifie «tant que», «aussi longtemps que». C' est ainsi que l' avait traduit et compris Austin: «when the signal is lowered» dans le sens «the gym­

nasium remains closed until the signal is raised» (AUSTIN 1981, 204 et 207, n.

6). Si l' on veut être fidèle au texte, il faut traduire la première partie de cette clause de la manière suivante: «Nul parmi les moins de trente ans n' aura le droit de se mettre nu (c' est-à-dire de s' entraîner) lorsque, c' est-à-dire tant que le signal sera abaissé». Mais l' interprétation d' Austin «the gymnasium remains closed until the signal is raised» n' est pas appropriée non plus et peut induire en erreur. Car le gymnase n'est en réalité ni ouvert ni fermé: lorsque le signal est levé il est réservé aux garçons et aux jeunes adultes de moins de trente ans, et il est interdit d' accès aux plus de trente ans sauf autorisation spéciale; lorsqu' il est abaissé, c' est l' inverse: il est interdit d' accès aux moins de trente ans sauf

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autorisation spéciale, ce qui implique que les hommes de plus de trente ans peuvent y accéder et même qu' il leur est réservé. Cette clause n' a donc nulle­

ment pour objectif de réserver aux garçons et aux hommes de moins de trente arts 1' accès exclusif au gymnase, comme le pensent Gauthier et Hatzopoulos, mais d' imposer une alternance: tantôt il est réservé aux garçons et aux hommes de moins de trente ans, et il est alors interdit d' accès aux hommes âgés de plus de trente ans, sauf autorisation spéciale; tantôt il est réservé aux hommes de plus de trente ans, et il est alors interdit d' accès aux garçons et aux hommes de moins de trente ans, sauf autorisation spéciale.

J' en viens maintenant à la clause des 11. 10 à 13. En traduisant les mots Ka8' ÉKa<J't11V iJJ..LÉpav, Û'tav oi 1taîôeç (û .. d'lfOOV'tat par «chaque jour, lorsque les garçons se sont oints» et en interprétant cette traduction dans le sens «dès que les garçons avaient terminé leurs exercices et quitté le gymnase», les deux auteurs font de la subordonnée introduite par o'tav une temporelle de postério­

rité «après que». Mais ce n' est pas ainsi que se construisent en grec les tempo­

relles de postériorité. En grec, les subordonnées temporelles de postériorité se construisent avec È1tEÎ ou È1tEtôt1 suivi de l' indicatif aoriste ou parfait lorsqu' il s' agit d' événements uniques dans le passé, avec È1tEtÔav suivi du subjonctif aoriste lorsqu' il s' agit d' événements qui se répètent; on en trouve de nombreux exemples chez Polybe, notamment dans la partie du livre VI consacrée aux in­

stitutions romaines4• Si nous voulions retraduire en grec le «when the boys have anointed themselves» de Austin ou le «lorsque les garçons se sont oints» de Gauthier-Hatzopoulos, nous devrions donc écrire non pas o'tav mais È1tEtôèxv oi 1taîôeç à.Â.d'lfOOV'tat. La conjonction o'tav suivie indifféremment du sub­

jonctif présent ou aoriste, ne signifie pas «après que», mais «chaque fois que»

et introduit une subordonnée à sens conditionnel qui établit une relation de cau­

salité entre l'action ou l' événement de la subordonnée et l' action ou l' événement de la principale. TI est presque synonyme de èav comme le mon­

trent deux exemples que j' ai trouvés chez Polybe:

- en XXIV, 8, 3, il fait dire à son père Lycortas, à propos des Romains, que ceux-ci se laissent convaincre par leurs alliés lorsqu' on leur explique que leurs exigences font du tort à ceux-ci (o'tav J..LÉV'tot ye ôtôal;n nç aù'touç), et que dans le cas présent ils feront de même si on leur dit que ce qu' ils de­

mandent est contraire aux intérêts des Achéens (ôtà Kat vûv, èav nç aù'toùç

<5t<5al;n);

4 Deux exemples suffiront. En VI, 15, 6, Polybe écrit à propos des compétences du Sénat:

'tOÛ yà.p È7t!X.1tOO"'tEÎÂ.a.t O"'tp!X.'t11YOV ihEpov, È1tEtBà.v ÈVt!X.UO"tOÇ BtéÂ9TI xp6voç ... EXEt 'tlJV Kupia.v a.Ü't11 («car c'est lui qui est souverain pour envoyer un nouveau général une fois qu'une année s'est écoulée»). En VI, 19, 1, à propos des élections, il dit: È7tEtBà.v à.1toBdl;rocrt 'to'Ùç i:Jmhouç, JlE'tà. 'ta.û'ta. XtÂ.tapxouç Ka.9unâcrt («après avoir désigné les consuls, on nomme en­

suite des tribuns militaires»).

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- en XXXIV, 11, 15-16, il dit à propos du volcan d' une des îles Lipari qu' à l' approche du vent du sud (èàv j.tÈV ouv NÔ'tOÇ j.tÉÂÀTI 1tVEÎv) toute l' île est entourée d' un brouillard opaque, alors que, quand il faut s' attendre au vent du nord (o'tav ôf: BopÉaç), des flammes très claires jaillissent de son cratère.

Dans les deux cas Ü'tav suivi une fois par le subjonctif aoriste et l' autre fois par le subjonctif présent, veut dire «lorsque», «chaque fois que», dans le sens conditionnel «Si»: si on explique ou chaque fois qu' on explique aux Ro­

mains . . . ils se laissent convaincre; si le vent ou chaque fois que le vent souffle . . . il s' ensuit que . . . . C' est ainsi que nous devons traduire Ü'tav oi 1taÎÔEÇ ÙÀEt\jlffiV'tat dans notre inscription: la loi veut que chaque fois que les garçons s' entraînent au gymnase, les éphèbes et les jeunes hommes de moins de 22 ans s' y rendent eux aussi pour s' exercer au tir à l' arc et au lancer du javelot. Pour ce qui est de la seconde partie de la clause (1. 12 sqq.) Üj.wimç ôf: Kat èàv È'tEp6v 'tt &vayKaîov q>aivrl'tat 'tWV j.tCX811j.tU'tffiV, «et de même si telle autre discipline apparaît nécessaire», l' interprétation proposée par les deux auteurs (p. 69) est certainement la bonne: les autres j.ta8l]j.ta'ta sont les divers exercices militaires auxquels pouvaient être astreints les éphèbes et les jeunes hommes de moins de 22 ans, soit notamment l' équitation, le tir à la fronde ou le lancer de pierre. Je traduis et je comprends donc la clause des 11. 10-13 de la manière sui­

vante: «Que les éphèbes et les moins de 22 ans s' entraînent au tir au javelot et à l' arc chaque jour, lorsque les garçons s' exercent au gymnase; et qu' ils fassent de même (c' est-à-dire qu' ils s' entraînent chaque jour, lorsque les garçons s' exercent au gymnase), si quelqu'autre discipline (que le tir à l' arc et le tir au javelot) apparaît nécessaire».

Les garçons d' une part, les éphèbes et les moins de 22 ans d' autre part, s' exerçaient donc au gymnase en même temps, comme l' avait compris Nilsson, mais évidemment pas au même endroit, puisque la loi veut interdire tout contact entre les uns et les autres. Comme chacun sait, le gymnase hel­

lénistique était constitué de deux parties, la palestre et le gymnase propre­

ment dit5. La palestre était un espace carré ou rectangulaire de quelques di­

zaines de mètres de côté, entièrement fermé par une enceinte (1tEpi�oÀoç);

comme son nom l' indique, la palestre était destinée à la lutte et au pancrace, et le sol de la piste d' entraînement en était recouverte de sable (Kovicr'tpa) pour amortir les chutes des lutteurs6• Le gymnase proprement dit était de di­

mensions nettement plus grandes que la palestre car il était destiné principa­

lement à la course à pied et aux disciplines qui exigeaient un certain espace.

C' est donc certainement dans le gymnase proprement dit, et non pas dans la palestre, que les éphèbes et les moins de 22 ans s' exerçaient au tir à l' arc et au lancer du javelot. Les garçons pouvaient donc s' adonner à la lutte et au

5 Pour le gymnase en général, cfr. surtout DELORME 1960, spécialement 260 sqq. pour la distinction entre palestre et gymnase proprement dit.

6 Cfr. surtout Eustath., 382, 32 sqq. et Suid. s. v. Kovicr1:pa.

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pancrace dans la palestre sans entrer en contact avec les jeunes gens, mais ils pouvaient tout aussi bien s' exercer à la course à pied ou à une autre discipline dans le gymnase proprement dit sans les rencontrer: nous savons tous par ex­

périence que dans un espace d' une certaine étendue, comme par exemple un stade, il est parfaitement possible de pratiquer simultanément différentes di­

sciplines athlétiques.

Dans la rubrique consacrée aux mXÎOEÇ, la loi ordonne aux pédotribes de se rendre au gymnase deux fois par jour, aux heures fixées par le gymnasiar­

que (B 15-2 1), ce qui implique que les garçons s' exerçaient au gymnase deux fois par jour. La loi ne nous apprend pas combien de temps duraient les deux séances quotidiennes d' exercice, mais il est bien clair que les garçons ne pouvaient passer qu' une partie de leur journée au gymnase, d' abord parce qu' en période de croissance l' entraînement physique doit rester modéré, en­

suite et surtout parce que ces garçons devaient fréquenter l' école pour y ap­

prendre à lire et à écrire et y acquérir les connaissances littéraires et musica­

les que devait posséder tout citoyen d' une cité grecque ou hellénisée. Pour les garçons, 1' entraînement physique au gymnase ne devait guère dépasser deux à trois heures par jour en tout, ce qui est déjà beaucoup.

Puisque la loi oblige les éphèbes et les moins de 22 ans à s' exercer au tir à l' ar et au javelot chaque jour lorsque les enfants s' entraînent, il en résulte que le début et la durée des exercices étaient les mêmes pour les uns que pour les autres, ce qui veut dire que les éphèbes et les moins de 22 ans ne consa­

craient pas plus de temps à leurs exercices que les enfants en âge de scolarité, soit deux à trois heures par jour au maximum. C' est le temps qu' aujourd' hui un jeune en formation peut consacrer à son sport ou à son hobby favori sans compromettre son avenir professionnel.

Il reste maintenant à essayer d' établir à quelle date et dans quel contexte historique la cité de Béroia a adopté cette loi. Cette question est d' une im­

portance capitale pour notre connaissance des institutions macédoniennes à l' époque royale et à l' époque romaine. Comme nous l' avons vu, Gauthier et Hatzopoulos tiennent pour acquis que la loi gymnasiarchique date de l' époque royale et ils l' interprètent tout entière en fonction de ce postulat. Et dans son ouvrage publié en 1996 sur les institutions macédoniennes (HATZOPOULOS 1996) Hatzopoulos se fonde essentiellement sur cette ins­

cription pour justifier l' idée qu' il se fait du statut des cités macédoniennes sous les Antigonides. Mais les premiers éditeurs et commentateurs de l' inscription, de Cormack à Moretti, l' attribuaient à l' époque républicaine, entre la suppression de la monarchie antigonide par les Romains en 167 et la création de la province de Macédoine en 148. Il faut donc reprendre un à un les arguments des uns et des autres en faveur de l' une et de l' autre datation.

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II. Date et contexte historique de la loi de Béroia

Dans les pages qu' ils consacrent à cette question (35-4 1), les deux au­

teurs observent d' abord que la gravure et la forme des lettres ne permettent qu' une datation très approximative entre 175 et 125 environ, alors que 1' absence de 1' ère de la province de Macédoine permet de la dater avant 148 . L' absence de datation par les années de règne du souverain ne serait en revanche pas significative parce que, font-ils valoir avec raison, la data­

tion par les années de règne n' est pas systématique à l' époque royale. On peut en dire autant de l' absence de 1' épis tate, dont on sait par plusieurs do­

cuments qu' il était chargé de servir d' intermédiaire entre le souverain et cette dernière7, car l' épistate n' est pas non plus systématiquement mention­

né dans les documents d' époque royale. Les deux auteurs s' étendent ensuite plus longuement sur la question délicate et controversée depuis longtemps des politarques mentionnés à la dernière ligne du document (B 1 10: napà 'twv noÀt'tapxmv) . Cette magistrature est largement attestée par de nom­

breuses inscriptions, principalement en Macédoine et notamment à Thes­

salonique, où elle est également mentionnée par les Actes des Apôtres ( 17, 6 sqq.), mais également en Thrace et ailleurs. La grande majorité de ces in­

scriptions datent certainement de l' époque romaine, et il n' y en a aucune qu' on puisse dater avec certitude de l' époque royale8• Inversement, on ne rencontre jamais, en Macédoine, de politarques dans les inscriptions, rela­

tivement nombreuses, datant certainement de l' époque royale. Il est donc a

7 Sur les épistates et leur statut, cfr. infra, 486.

8 Contrairement à GAUTHIER-HATZOPOULOS 1993, 38 sqq., je ne parviens pas à considérer comme datant 'certainement' de l'époque royale la dédicace faite à Artémis Tauropole par la cité d'Amphipolis en-dessous d'une dédicace faite à la même divinité par le roi Persée à la suite d'expéditions militaires en Thrace (publiée par KOUKOUU-CHRYSANTHAKI 1981). Comme l'avait déjà observé VOU'TIRAS 1986, 349, il s'agit de deux dédicaces distinctes, gravées par des mains différentes (le «fl» en particulier est très différent), le nom de la déesse est répété, ce qui prouve qu'il ne s' agit pas d'une dédicace commune mais «de deux textes indépendants qui n'ont en commun que leur présence sur une même pierre». Voutiras en a tiré la conclusion que la dédicace de la cité d'Amphipolis est postérieure à l' abolition de la monarchie par les Romains, et il a avan­

cé l'hypothèse qu' à ce moment les Amphipolitains recouvrirent la stèle d'un enduit pour cacher la dédicace de Persée (une sorte de damnatio memoriae) et gravèrent par-dessus leur propre dédica­

ce. Hatzopoulos a justement critiqué cette hypothèse assez aventureuse (BullEpigr 1988, 861 et GAUTHIER-HATZOPOULOS 1993, 38 sqq.), mais il n'en reste pas moins que les deux dédicaces sont totalement indépendantes l'une de l'autre et que la seconde ne peut être que postérieure à la pre­

mière. En fait, la troisième ligne de la dédicace de Persée, àno 'tOOV dr; epéxtK11V <J'tpa'tEtOOV, si­

gnifie que le monument sur lequel cette dédicace a été gravée a été érigé et financé par le souve­

rain avec le butin pris aux ennemis, c'est la fameuse ÙEKU'tll à laquelle nous devons une partie des temples et monuments grecs. Je ne parviens pas à croire que la cité d'Amphipolis, dont la dédica­

ce ne fait du reste aucune référence à ces campagnes thraces, ait pu s' approprier ainsi un monu­

ment financé et consacré à la divinité par le souverain tant que celui-ci fut sur son trône, et je suis donc convaincu qu'elle est postérieure à 167.

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priori probable qu' en Macédoine les politarques aient été institués après l' abolition de la monarchie en lieu et place des épistates de l' époque royale.

Mais ce n' est pas une certitude et le hasard d' une découverte épigraphique pourrait fort bien prouver le contraire.

Gauthier et Hatzopoulos ont également voulu tirer argument de la datation de la loi gymnasiarchique par un stratège ou épistratège éponyme (p. 44 sqq.)9•

Comme ils l' ont bien vu, ce stratège ou épistratège n' était certainement pas un magistrat de la cité et devait être un magistrat ou un gouverneur placé à la tête d' une circonscription administrative dont Béroia faisait partie; et pour étayer cette hypothèse, je rappellerai que les ethnè de Grèce septentrionale ainsi que les Achéens avaient à leur tête un magistrat annuel appelé O"'tpœt11y6c;, alors qu' on ne trouve jamais, du moins en Grèce continentale, de magistrat de ce nom comme magistrat éponyme d' une cité. On sait qu' en 167 les Romains dé­

mantelèrent la Macédoine en quatre républiques ayant chacune sa propre capi­

tale, son propre conseil et ses propres magistrats dont un président (Liv., XLV, 29, 10: eo concilia suae cuiusque regionis indici, pecuniam conferri, ibi magi­

stratus creari iussit, Diod., XXXI, 8, 9: Èv 't<XÛ'tc:xtc; [sc. dans les quatre capita­

les] <Xpxmol. 'tÉcrcrapec; K<X'tÉO"'t<X811crav Kat oi cp6pot 1l8po\.Çov'to. Dans son ouvrage récent sur les institutions macédoniennes10, Hatzopoulos a soutenu avec beaucoup de conviction que la Macédoine aurait été dès la seconde moitié du IVe s. divisée en circonscriptions administratives comparables aux tétrades thessaliennes. Philippe V aurait procédé vers la fin du ille s. à des réformes ac­

cordant à ces districts une plus grande autonomie, les dotant d' une assemblée probablement primaire et d' un magistrat élu par cette assemblée pour servir d' intermédiaire entre le pouvoir royal et les cités, et c' est avec ce magistrat élu par l' assemblée du district que Hatzopoulos a voulu identifier le stratège ou é­

pistratège de la loi gymnasiarchique.

9 A la lecture !mt cr'tp<X'tT]yoûvtoç retenue après d' autres par Gauthier et Hatzopoulos, je préfère lire Èrncr'tp<X'tTJYO'ÛV'tOÇ car je ne connais pas d'exemple d'une magistrature éponyme désignée par Èni suivi d'un participe. Les magistratures éponymes sont soit désignées par eni suivi d'un substantif qui peut être le nom de la fonction (p. ex. Ènt cr'tp<X'tT]yoû en /G IX, 2, 1040 b, 7 et Sylz3. 471 et 600) ou celui de la personne qui l'exerce (ce qui est la règle à Athènes), soit par le participe présent au génitif absolu, sans Èni, du verbe correspondant à la fonction. Cette seconde manière est notamment la règle en Grèce septentrionale ( O"'tpa'tayÉov'toç chez les Thes­

saliens, les Phocidiens et les Étoliens, 't<XYEUÔV'trov chez les Thessaliens etc.). L'inscription de Kalydon (/G IX2, 1, 138) que Gauthier-Hatzopoulos donnent comme parallèle à la p. 44, n.l n'est pas vraiment pertinente car la formule Ènt 'Avoxiùa Kat KEcpéû.ro ùaJ.uopyÉov'toç de l'inscrip­

tion de Kalydon n'est pas équivalente, du point de vue grammatical, à celle de l'inscription de Béroia È7tt cr'tp<X'tT]yoûv'toç 'InnoKpâ'tou: dans le premier cas, les mots qui dépendent de Èni sont les noms des personnes exerçant la fonction de demiourgoi, alors que dans le second le mot dé­

pendant de Èni est le participe du verbe correspondant à la fonction. Mais la question de la titu­

lature exacte de ce magistrat n'est pas importante ici.

10 HATZOPOULOS 1996, 231-360 et 484-486.

(12)

Ce n' est pas mon propos de discuter ici dans son ensemble la théorie de Hatzopoulos sur l' origine des 4 merides créées par Rome en 167, sinon pour dire qu'elle repose sur des bases assez fragiles11• Mais même en admettant que ces circonscriptions administratives aient vraiment existé à l' époque royale, cela ne signifie pas pour autant qu' elles aient eu à leur tête un gouverneur délé­

gué par le roi ou un magistrat élu par une assemblée, et encore moins que ce gouverneur ou magistrat ait porté le titre de strategos; et le fait bien établi que les rois de Macédoine aient confié à des gouverneurs l' administration de leur possessions extérieures, notamment de la Péonie et de la Thessalie, n' implique aucunement qu' ils aient fait de même en Macédoine. ll n' y en a aucune trace dans les textes littéraires, et pour justifier sa thèse Hatzopoulos ne peut invo­

quer en définitive que la loi gymnasiarchique dont la date est justement en cau­

se, un décret de Morrylos qu' il a publié en 1989 avec L. D. Loukopoulou, où deux événements sont datés par un stratège éponyme (Ènt 1:f1ç 1:oû èkîva O''tp<X'tYJ"(taç) et qu' il date de l' époque royale, et enfin le fait que Diodore ne dénomme pas O''tp<X'tYJ"(Ot mais àpXYJ"fOt les gouverneurs des merides créées par Rome en 16712•

Le fait que Diodore qualifie d' ÙPXYJ'YOt les magistrats supérieurs des me­

rides républicaines ne peut pas être invoqué comme argument parce que àpXYJ"fÛÇ est un terme littéraire qui signifie d' une manière générale 'initiateur' , 'leader' , 'chef' ou 'souverain' , et on ne le rencontre jamais, du moins à ma connaissance, pour désigner une magistrature spécifique. En fait, le sens du terme àpxm6ç utilisé par Diodore est aussi indéfini que celui de magistratus employé par Tite-Live, et il ne nous apprend rien sur le titre que portaient les présidents des quatre républiques macédoniennes.

Pour ce qui est de l' inscription de Morrylos, Hatzopoulos et Loukopoulou l' attribuent au règne de Philippe V en fonction de critères subjectifs, telles la gravure et la forme des lettres, dont aucun n' est déterminant. Dans son ardeur à défendre sa cause, Hatzopoulos a tendance à attribuer systématiquement à l' époque royale des inscriptions de date incertaine, et il lui arrive de se tromper.

C' est le cas en particulier d' un autre décret de Morrylos, publié par Hatzopou­

los et Loukopoulou dans le même ouvrage que le précédent, en l' honneur d' un certain Alkétas pour différents services rendus à la cité, notamment pour la for­

tification de celle-ci la 17e année d' une ère non définie13• Le premier des servi­

ces rendus par Alkétas, dans la partie conservée du document, est le fait d' avoir hébergé à grands frais ceux des ll"fOUJ.tEVot qui venaient résider dans la cité (ll.

11 Hatzopoulos me semble en particulier accorder une confiance et une importance bien excessives à la documentation numismatique (231 sqq.), que l'expérience m'a appris à traiter avec la plus grande prudence.

12 HATZOPOULOS 1996, 257 sqq. pour l'inscription de Morrylos (publiée par HATZOPOULOS­

LOUKOPOULOU 1989, 17-40), et GAUTHIER-HATZOPOULOS 1993, 37 pour les àpxmol.

13 HATZOPOULOS-LOUKOPOULOU 1989, 41-56.

•·

(13)

1-4: ÈV oana[vatc; J .. tEya]Àatc; È1ttXüP'Il'YWV 'tüÎÇ Ù[<ptKVOUf!]Évotc; Ëv 'tE 't[aî]c;

ÈVOTJf!tatc; -r&v i,[yo]Uf!Évmv). On sait que l' expression oi iJyoUf!EVot, «ceux qui commandent», était à l' époque romaine une manière élégante de désigner les représentants du pouvoir romain, qu' il s' agisse du Sénat ou de personnalités envoyées en mission par le Sénat dans les provinces à un titre quelconque14•

Hatzopoulos ne l' ignore pas15, mais considère néanmoins comme possible une datation à l' époque royale, en faisant valoir que l' expression oi iJyoUf!EVOt se rencontre déjà à l' époque pré-romaine, notamment chez Polybe, pour désigner

«les autorités». Ce qu' il considérait alors comme «possible» est devenu ensuite pour lui une certitude, et dans son ouvrage sur les institutions macédoniennes de 1996, il date sans hésitation le décret pour Alkétas de la 17e année du règne de Philippe V, c' est-à-dire de 205/416• Mais il se trompe certainement, car à l' époque pré-romaine, dans tous les cas que j' ai pu vérifier notamment chez Polybe, l' expression oi iJyoUJ.LEVot ne s' emploie que dans un contexte militaire, pour désigner les officiers d' un corps de troupe par opposition aux soldats. Des officiers peuvent certes être d' un rang social relativement élevé, comme le montre une lettre d' Antigonos Doson sur laquelle je reviendrai plus bas, mais ce ne sont certainement pas des personnalités qu' on reçoit à grands frais lors­

qu' elles viennent séjourner dans une cité. Le parallèle le plus proche à notre in­

scription est le célèbre décret de Gythion pour les frères Cloatii, de 71 av. J.-C.

(SylP. 748), les remerciant notamment d' avoir reçu à leurs frais deux éminents représentants du pouvoir romain, nommément désignés (1. 17: ouc; Kat une­

oÉS,av-ro -roîc; ioiotc; oanava�.tacrtv), et d' avoir reçu de même à de nombreuses reprises des iJyoUf!EVot, dont certains sont nommément désignés, pour le bien et le soulagement de la cité de Gythion (1. 2 1 sqq.: do-oeôqJ.LÉVot -rÉ do-tv de;

-ràv 'tÛÇ 1tOÀEWÇ xaptv Kat O"UVU1tOÀaV'Ift V K:at 1tÀEOVUK:tÇ 1tüÀÀoÙc; 'tWV

&youf!Évmv). C' est le même vocabulaire et le même contexte: comme les frères Cloatii à Gythion, Alkétas a rendu à sa patrie d' éminents services en hébergeant à ses frais des représentants de 1' autorité romaine, dont on sait par de trop nom­

breux textes qu' ils pouvaient être très exigeants. Et comme il est impensable qu'à l' époque de la monarchie une cité macédonienne ait pu qualifier les Ro­

mains de oi iJyouf!EVOt, «ceux qui commandent», le décret de Morrylos pour Alkétas doit être d' époque républicaine; l' ère utilisée pour dater la fortification de la cité aux frais d' Alkétas ne peut donc être que 1' ère de la province de Ma­

cédoine, ce qui nous mène à l' année 13110. Hatzopoulos et Loukopoulou ont donc daté de la fin du ille s. un document qui est de plus de 70 ans plus récent, et ils peuvent très bien avoir fait de même avec l' autre décret de la même cité utilisant les O"'tpa'tTJ'Ytat pour dater les événements. fl n' est pas possible, sur

14 Cfr. MASON 1974, 151.

15 HATZOPOULOS-LoUKOPOULOU 1989, 52, où les auteurs renvoient en note à L. Robert et à une lettre de Chr. Habicht.

16 HATZOPOULOS 1996, 1, 53 et Il, 71.

(14)

une telle base, de déterminer si les stratèges éponymes de cette inscription sont d' époque royale ou d' époque républicaine.

Gauthier et Hatzopoulos ont cru trouver enfin dans une autre inscription de Béroia, découverte voici une douzaine d' années, la preuve définitive que la loi gymnasiarchique date de l' époque royale (p. 40 sqq.). n s' agit d' une lettre adressée aux Bottaioi et à la cité de Béroia par Antigonos Doson et datée de la 7e année de son règne17, par laquelle le souverain accorde à un certain nombre d' officiers (ilYÉI.wvec;) ayant participé à une campagne militaire l' immunité fis­

cale dans leur cité d' origine. Deux de ces officiers, dénommés l' un Timoclès et l' autre Hippostratos, sont les fils d' un certain Kallippos, et Gauthier­

Hatzopoulos veulent voir dans le second le père de Kallippos, f. d'Hippostratos qui fut l' un des rogatores de la loi gymnasiarchique (A 4 sqq.), et ils proposent également de l' identifier avec le Callippus qui fut un des commandants de la flotte de Persée en 168 (Liv., XLIV, 28, 1). ll ne fait effectivement guère de doute que le Callippos f. d'Hippostratos de la loi gymnasiarchique ne soit le fils de l' Hippostratos qui reçut d' Antigonos Doson le privilège de l' amnistie fisca­

le, mais il n' en résulte pas pour autant que la loi gymnasiarchique date de l' époque royale. Les hommes récompensés par Doson étaient des officiers de l' armée de terre et devaient donc être normalement âgés d' une trentaine d'années au moins et d' une cinquantaine d'années au plus. La lettre datant de l' été 223, notre Hippostratos a dû naître par conséquent au plus tôt vers 270 et au plus tard vers 250. Comme l' âge normal pour fonder une famille et procréer se situe, pour un homme, entre trente et quarante ans, son fils Kallippos, qui d' après son nom devait être l' aîné, a dû naître vers 240 au plus tôt et vers 210 au plus tard. Dans le premier cas, il aurait été âgé d' un peu plus de 70 ans lors de l' abolition de la monarchie par Rome en 167, et dans le second cas il aurait eu à ce moment un peu plus de 40 ans. Comme il n' y a pas d' âge limite pour être actif en politique, Kallippos peut avoir encore été, dans tous les cas de fi­

gure, un homme politiquement actif et influent après 167. L' identification de ce Kallippos avec le Callippus préfet de la flotte de Persée en 168 est elle aussi très plausible, je la tiens même pour pratiquement certaine; en tout cas, rien ne s' y oppose parce qu' un homme de 60 voire même de 70 ans peut très bien commander une flotte pour autant qu' il soit en bonne santé. Si tel est le cas, il dut très certainement, comme tous les Macédoniens ayant assumé des respon­

sabilités sous le règne de Persée, se rendre à Rome avec ses fils de plus de 15 ans s' il en avait (Liv., XLV, 32, 3-6). Mais, contrairement à ce qu' affirment les deux auteurs, rien ne prouve que tous ces hommes aient été «condamnés à un exil perpétuel» (p. 41); Tite-Live, en tout cas, ne dit rien de tel et ne donne au­

cune indication sur ce qu' il advint d' eux par la suite. Ces hommes furent cer-

17 «SEG», XLVI, 1996, no 729. Le nom du souverain n'est pas conservé, mais il ressort avec certitude d' autres documents mis au jour depuis qu'il ne peut s'agir que de Doson: cfr.

HATZOPOULOS 2001b et HATZOPOULOS 200l a, ll0 5.

(15)

tail).ement soumis à un interrogatoire serré, bon nombre d' entre eux restèrent sans doute détenus en Italie; mais nous n' avons aucune preuve qu' il en ait été ainsi pour la totalité d' entre eux18. Kallippos semble avoir été d' un âge assez avancé et peut très bien avoir été autorisé à rentrer chez lui, quitte à laisser der­

rière lui son ou ses fils en otage. Ce n' est bien sûr qu' une hypothèse, mais c' est une hypothèse qui en vaut une autre et qui ne vise qu' à montrer que la lettre d' Antigonos Doson à la cité de Béroia n' est pas une preuve aussi décisive que le voudraient Hatzopoulos et Gauthier.

ll reste toutefois un indice qui devrait nous permettre de trancher la ques­

tion. Le passage de la loi que j' ai examiné dans la première partie de mon étude comporte une clause que j' ai intentionnellement laissée de côté jusqu' ici. Cette clause stipule que lorsque le signal est levé, «il est interdit à quiconque de s' entraîner dans une autre palestre de la même cité» (B 4 sqq.: J.!YJOÈ Èv ÙÂ.Â.TI naÂ.atcr'tpat ÙÂ.Et<pÉcr9ro J.!YJ9et\; Èv 'tft a'Ù'tflt nÔÀ.et). Gauthier er Hatzopoulos se sont étonnés avec raison de la spécification Èv 't'Ô a'Ù'tflt nÔÂ.Et, «dans la même cité», et le second a émis l' hypothèse que nous pourrions avoir ici

«l'écho d' un règlement global (un diagramma royal) pour les gymnases des villes de Macédoine, dont se seraient inspirés les rédacteurs de la loi de Béroia»

(p. 59). C' est bien dans cette direction qu' il faut chercher, car la spécification

«dans la même cité» n' a de sens que si le texte de la loi a été rédigé pour un en­

semble de cités par une autorité ayant la compétence d' imposer l' application de ladite loi à l' ensemble des cités concernées. Ceci explique du reste aussi la se­

conde phrase des considérants du décret de la cité de Béroia (A, 6-8): Ènei ... Èv ai\; n6Â.ecrtv yuJ..tvacrux ÈO''ttV K<Xt aÂ.EtJ.!J.!<X cruvÉO''tYJKEV oi YUJ.!V<XO't«pXtKot VÔJ..tot KEÎV't<Xt Èv 'tOÎ\; OYJJ.!ÔO'tot\; («attendu que . . . dans les cités où il y a des gymnases et où l' onction est pratiquée les lois gymnasiarchiques sont déposées dans les archives publiques»). La cité de Béroia n' a donc fait que se conformer à ce qu' on fait les autres cités ayant un gymnase, non pas les cités grecques en général mais plutôt, comme l' a interprété Austin (207, n. 2), les cités de Ma­

cédoine.

Gauthier et Hatzopoulos supposent qu' il s' agit d' un diagramma royal va­

lable pour l' ensemble de la Macédoine. Une inscription d' Amphipolis, partiel­

lement publiée en 1984 sous forme de photographie, semble leur donner rai­

son19. ll s' agit d' une ordonnance datée de la 39ème année d' une ère non définie sur l' accueil à réserver aux athlètes venant en Macédoine pour y participer à

18 La comparaison avec les Grecs qui furent envoyés à Rome après 168 et qui y restèrent exilés jusqu'en 150 n'est pas pertinente. Les Grecs avaient reçu de Rome en 196 la liberté et l'autonomie, et ils avaient été avertis par Flamininus de ne pas se montrer ingrats (Liv., XXXIV, 49, 11). Du point de vue de Rome, les Grecs qui, en 171, avaient pris le parti de la Macédoine ou étaient restés neutres avaient fait preuve d'une ingratitude qui méritait d'être punie, et on sait que les Romains étaient sans pitié pour ceux qui les «trahissaient». Ce n'était évidemment pas le cas des Macédoniens qui avaient servi sous le règne de Persée.

19 Cfr. la transcription chez HATZOPOULOS 1996, II, n° 16.

(16)

des concours. La partie publiée du texte ne donne aucune autre indication sur la date de ce document, mais les dernières lignes, que M. Hatzopoulos a pu voir, mentionnent les épistates, ce qui permet d' attribuer avec certitude l' ordonnance à 1' époque de la monarchie et plus précisément à Philippe V, seul souverain ayant eu un règne aussi long. Le texte de l' ordonnance proprement dite est pré­

cédé d' un bref praescriptum adressé aux épimélètes, leur enjoignant de graver cette ordonnance en-dessous du "{UJ..LV<X.O"uxpxu<:Ü<; VOJ.!O<; ; l' auteur de ce prae­

scriptum n' est pas nommé, mais il ne peut s' agir que de l' épistate de la cité d'Amphipolis, dont on sait par d' autres textes qu' une de ses fonctions princi­

pales était précisément de transmettre à la cité dont il avait la charge les ins­

tructions et ordonnances du souverain20• li existait donc déjà une loi gymnasiar­

chique à 1' époque royale, et comme 1' ordonnance de Philippe V sur la réception des athlètes étrangers valait pour l' ensemble de la Macédoine (1. 5 sqq.: Èv 'ta.Î<;

1tÛÀEO't v ·wî<; Ka.'tà Ma.KEoovia.v), tout porte à croire que la loi gymnasiarchi­

que en-dessous de laquelle cette ordonnance devait être gravée était elle aussi valable pour l' ensemble de la Macédoine. li est par ailleurs remarquable de constater que l' ordonnance de Philippe V s' appliquait en premier lieu à l' en­

semble de la Macédoine, mais que la fin du document concernait les cités où il n'y avait pas de gymnasiarques; or on retrouve sous une forme légèrement dif­

férente la même distinction dans le décret de Béroia instituant la loi gymnasiar­

chique qui est l' objet de notre étude: «dans les cités où il y a des gymnases» (A, 6 sqq.: Èv a.t<; 1tOÀEO'tV yuJ..Lvacrui Ècrnv), ce qui sous-entend qu' il existait des cités où il n' y en avait pas. li est donc très tentant de rapprocher les deux do­

cuments et de conclure que la loi gymnasiarchique dont il est fait mention dans 1' ordonnance de Philippe V de 183/2 et la loi gymnasiarchique de Béroia ne sont qu' une seule et même chose.

Mais il me paraît tout à fait exclu que le décret par lequel la cité de Béroia a décidé de se donner une loi gymnasiarchique puisse remonter à l' époque royale. Les cités qui faisaient partie intégrante du royaume de Macédoine dé­

pendaient directement du souverain et un diagramma royal avait pour elles for­

ce de loi, comme le montre sans aucune ambiguïté le diagramma de Philippe V adressé à la cité de Thessalonique interdisant l' aliénation à des fins profanes des biens de Sérapis (/G X, 2, 1, 3 = HATZOPOULOS 1996, Il, no 15): le roi 'or­

donne' en se servant de l' impératif (1. 12 sqq.: J..L118d<; à1ta.ÀÀo'tptou'tm J..L118Èv ... J..LTIOÈ U1tO'tt8É'tm ... etc) et menace de sanctions les contrevenants (ll. 16-21 et

2° Cfr. infra, 453. Contrairement à ce que pensent GAUTHIER-HATZOPOULOS 1993, 160 sqq., l'instruction donnée aux épimélètes de graver l'ordonnance royale en-dessous de la loi gymna­

siarchique ne peut pas émaner des magistrats de la cité d'Amphipolis. Dans une cité grecque ayant une ekklesia, c'est toujours celle-ci qui décide de la publication d'un document officiel, et c'est toujours elle qui donne directement aux magistrats concernés les instructions nécessaires. Si la décision de graver l'ordonnance de Philippe V avait été prise par la cité d'Amphipolis, c'est le décret de l' ekklesia de cette cité qui aurait dû être gravé sur la stèle.

..

(17)

26-28). Lorsque le roi veut faire connaître sa volonté à une cité faisant partie de son royaume, il le fait normalement par l' intermédiaire de l' épistate de cette cité, auquel il donne des ordres en se servant de l' impératif, comme l' illustre la lettre de Démétrios ll à Harpalos, épistate de Béroia, lui ordonnant de fairè re­

stituer au sanctuaire d'Héraclès des revenus sacrés que la cité avait utilisés à des fins profanes (Sylz3. 459 = HATZOPOUWS 1996, ll, no 8, 7 sqq.: È1ttJ-L11Â:rt- 8tt8t ouv onroç àtnoKœtacr'ta8&cnv naÂ.tv 'trot 8e&t). Ce mode impératif est celui qu' utilisent les souverains hellénistiques avec les fonctionnaires de leur administration, et il ne fait aucun doute, come on 1' admet généralement, que les épistates de Macédoine étaient des factionnaires royaux choisis par le souve­

rain21. L' épistate royal ne fait ensuite que transmettre à la cité concernée l' ordonnance du souverain et peut lui donner l' ordre, en utilisant lui aussi l' impératif, de la publier (Ka'taxroptcr8tt'tro dans le praescriptum de l' épistate anonyme de l' ordonnance de Philippe V sur la réception des athlètes étrangers, Ëyè>o'tE àtvœypÜt'lfCXt dans la lettre d' Andronicos à Thessalonique); et la cité concernée n' a alors rien d' autre à faire qu' à obéir et à publier l' ordonnance royale 22• Dans un tel système, il serait incompréhensible que la cité de Béroia adopte une loi gymnasiarchique conformément à un diagramma royal en igno­

rant complètement celui-ci dans son décret, en faisant comme si le roi n' existait pas et en laissant entendre qu'elle s' est donnée cette loi de sa propre initiative et en toute souveraineté23•

21 Sur les épistates royaux, connus par Polybe (V, 26, 5) et par plusieurs inscriptions, l'étude fondamentale reste celle de M. Holleaux, Études l/l, 216-220 , suivi notamment par WALBANK 1957-1979, ad Pol., V, 26, 5, et LE BOHEC 1993, 257-259. Dans son ouvrage sur les institutions macédoniennes (HATZOPOULOS 1996, 1, 372-429), Hatzopoulos a soutenu contre l' avis unanime des savants que les épistates étaient en réalité des magistrats élus par leurs cités respectives. Cela me paraît plus qu'improbable pour trois raisons: 1) lorsqu'un souverain s'adresse à une cité, il ne s' adresse jamais personnellement à un de ses magistrats ou à un collège de magistrats, mais toujours collectivement aux magistrats !<! à la cité toute entière; 2) il me parait exclu qu'un souverain puisse donner des ordres à un magistrat élu d'une cité comme le fait Dé­

métrios II avec Harpalos épistate de Béroia, et 3) il me paraît encore plus exclu qu'un magistrat élu par une cité puisse donner des ordres à ses concitoyens comme le fait Andronicos, épistate de Thessalonique, avec cette cité (cfr. note suivante). Voir aussi l'approbation prudente de GAUTHIER, BullEpigr 1997, 149 et les réserves de LÉVY, «Gnomon», 20 0 1, 269.

22 Comme il l' a fait pour l'ordonnance de Philippe V sur la réception des athlètes étrangers (cfr. supra, n. 20 ), Hatzopoulos affirme comme allant de soi, dans l'intitulé qu'il donne à ce do­

cument, que la lettre d' Andronicos ordonnant la publication du diagramma de Philippe sur les biens de Sérapis était adressé au sanctuaire. Rien n' autorise cette affirmation, car le contenu du diagramma, interdisant entre autres de proposer un décret contraire à ses instructions (1. 15 sqq.:

IL T]ÔÈ ypacpé1:ro 1tepi ,;ou,;rov ljli]cptaiLa IL 1]9eiç), montre à l'évidence qu'il était adressé à la cité de Thessalonique, et que c'est aussi à la cité de Thessalonique que l'épistate a donné l'ordre de publier le document.

23 Cette omission serait du reste tout aussi incompréhensible si les cités de Macédoine avaient été au bénéfice d'une large autonomie comme le voudrait HATZOPOULOS 1996, 1, 125-165.

Lorsqu'il s'adresse à une cité <<étrangère», le souverain recourt au langage diplomatique des rela­

tions entre États en général et entre souverains et cités grecques en particulier. Dans le décret

(18)

La formulation du décret de Béroia est en revanche tout à fait conforme à ce qu' on peut attendre d' une cité macédonienne après l' abolition de la monar­

chie par Rome en 167. En supprimant la monarchie, les Romains donnèrent aux Macédoniens la liberté, «en conservant les mêmes cités et les mêmes territoires, en ayant leurs propres lois et des magistratures annuelles» (Liv., XLV, 29, 4 : liberos esse iubere Macedonas habentis urbes easdem agrosque, utentes legi­

bus suis, annuos creantis magistratus; Iust., XXXill, 2, 7: magistratibus per singulas civitates constitutis libera Jacta est legesque, quibus adhuc utitur, a Paulo accepit/4• C' est exactement l' esprit que l' on trouve dans le décret de Bé­

roia: le début des considérants ènd Kat ai aÂ.Â.m àpxat nâcrm Kœtà VÛJ.!OV

&pxoucrtv (A, 5 sqq.) semble être «l' écho», pour reprendre l' expression utilisée par Gauthier-Hatzopoulos, de l' ordre nouveau instauré par Rome en 167; et l' on retrouve ce même «écho» dans la première clause de la loi proprement dite (A, 22 sqq.) , 1tOÂ.li; aipÉcr8ro "{UJ.!Vacriapxov O't<XV Kat 'tCxÇ aÂ.Â.<XÇ àpxâç.

J' en conclus que le décret par lequel Béroia s' est donnée une loi gymna­

siarchique n' est pas seulement postérieur à l'abolition de la monarchie par les Romains en 167, mais qu' il en est la conséquence logique. «Libérés» par Rome, les Macédoniens ont dû prendre en mains leurs destinées et assumer eux-mêmes l' organisation de leur pays, tant au niveau des merides qu' à celui des cités; et ils ont dû assumer la défense du territoire. À l' époque royale, c' est le souverain qui commandait et administrait directement l' armée macédonienne, comme le montrent à l' évidence les documents étudiés récemment par Hatzopoulos dans son ouvrage sur l' armée macédonienne sous les Antigonides (HATZOPOULOS

200 l a). C' est donc le souverain qui supervisait, d' une manière ou d'une autre, directement ou indirectement, la préparation physique des citoyens macédo­

niens, et il est donc tout à fait dans l' ordre des choses qu' il ait imposé aux cités macédoniennes une loi gymnasiarchique dont il devait certainement contrôler la mise en application. Avec l' abolition de la monarchie et la suppression de l' armée macédonienne par Rome, ce cadre général disparut avec le risque d' un relâchement voire de l' abandon complet de l' entraînement physique des jeunes Macédoniens. Mais les incursions barbares, qui avaient de tout temps menacé la Macédoine, restaient un danger permanent et c' est pourquoi les Romains, qui en étaient conscients, avaient autorisé les républiques macédoniennes à mainte­

nir des garnisons sur les frontières (Liv., XLV, 29, 14: regionibus, quae adfines barbaris essent - excepta autem tertia omnes erant -, permisit, ut praesidia armata in finibus extremis haberent). Mais cela ne suffisait pas, comme le

répondant à la lettre du souverain, la cité se conforme elle aussi à ces règles de la diplomatie grecque, elle ne manque jamais de faire référence à la demande du souverain et publie en général avec son décret le texte de la lettre qu'il lui a adressée, comme le fait notamment Larissa avec les lettres que lui a adressées Philippe V (SylP. 543).

24 Sur l'interprétation que fait HATZOPOULOS 1996, 1, 44-45 de ces textes, cfr. les objections pertinentes de LÉVY, «Gnomon», 2 0 0 1, 2 68.

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montre entre autres la fortification de Moryllos par Alkétas en 13 1/0, comme le montrent aussi des incursions barbares à l' intérieur du pays attestées par les sources littéraires. ll était donc indispensable de préparer les jeunes citoyens à défendre éventuellement leur cité contre des attaques barbares, d' entretenir leur esprit civique et de leur donner un entraînement physique et une formation mi­

litaire adéquats. Les républiques créées par Rome en 167 ont dû prendre très rapidement des mesures dans ce sens, et c' est dans ce contexte que je voudrais placer le <<règlement général» dont parle Hatzopoulos. ll est très possible, et même probable, que ce «règlement général» ait repris pour l' essentiel la loi gymnasiarchique de l' époque royale, mais il reste que la défense du territoire macédonien contre les barbares, jusqu' alors assumée par les souverains, in­

comba désormais aux cités et aux gouvernements des quatre républiques. C' est alors, et alors seulement, que les cités macédoniennes sont devenues de vérita­

bles poleis à part entière25•

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25 Je crois que Hatzopoulos (HATZOPOULOS 1996, 1, 12 5- 165) surestime très sérieusement l'autonomie des cités macédoniennes à l'époque royale . Outre le fait qu'il s'est certainement trompé en voulant faire des épistates des magistrats élus par leurs cités respectives (cfr. supra, n.

22 ), j ' aimerais rappeler que trois des ordonnances royales que nous connaissons concernent les finances publiques des cités , à savoir la lettre de Démétrios II à Harpalos exigeant que la cité de Béroia restitue au sanctuaire d'Héraclès les revenus sacrés qu'elle avait utilisés à des fins profa­

nes , la lettre d' Antigonos Dôsôn accordant la franchise des liturgies à des officiers de la cité de Béroia et le diagramma de Philippe V interdisant l'affectation à des fins profanes des biens de Sérapis. Des cités qui se voient interdire par le roi d'utiliser à des fins profanes les biens et les revenus de leurs sanctuaires (il s' agissait en fait d' «emprunts» , pratique très courante dans le monde grec ) , et qui plus encore ne peuvent pas imposer à leur gré des liturgies à leurs citoyens , ne peuvent pas être considérées comme des cités autonomes.

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