Miniprojet d’analyse num´erique (MAP 431) A la recherche du radiateur optimal `
Sujet propos´e par Jean-Marie Mirebeau1 mirebeau@ens.fr
R´esum´e
Le but de ce projet est d’exhiber et d’´etudier un cas de non existence de solution classique pour un probl`eme d’optimisation de forme. Le cadre physique est celui de la conduction (de la chaleur ou du courant ´electrique). On cherche `a r´epartir au mieux deux mat´eriaux, un bon et un mauvais conducteur, dans un domaine donn´e, de telle sorte que la configuration soit optimale pour un crit`ere donn´e. Par exemple on peut chercher `a r´epartir des radiateurs dans une pi`ece pour la chauffer le mieux possible. Il arrive que ce type de probl`eme n’admette pas de solution dite “classique” c’est-`a-dire correspondant `a une r´epartition pour laquelle on peut par exemple dessiner les interfaces entre les deux mat´eriaux. On peut dans certains cas montrer qu’il existe des solutions comportant des zones de m´elange fin (ayant lieu au niveau microscopique) des deux mat´eriaux initiaux. C’est un cas de ce genre que nous ´etudions dans ce projet.
Consid´erons un domaine ouvert Ω⊂R2born´e dont la fronti`ere∂Ω est assez r´eguli`ere.
Ce domaine est rempli de deux mat´eriaux conducteurs isotropes de conductivit´es β > α > 0. On utilise la fonction caract´eristique χ pour rep´erer le mat´eriau β, de sorte que la conductivit´e en tout point du domaine s’´ecrit
aχ(x) = α(1−χ(x)) +βχ(x).
On note L∞(Ω;{0,1}) l’ensemble des fonctions d´efinies sur Ω `a valeurs dans l’en- semble{0,1}. Pour toute fonctionχ∈L∞(Ω;{0,1}), on peut consid´erer le probl`eme de conduction suivant (uχ repr´esente la temp´erature, et uχ∇uχ le flux thermique.) :
−div(aχ∇uχ) = 0 dans Ω
aχ∇uχ.n = σ0.n sur ∂Ω , (1) dans lequelσ0d´esigne un vecteur constant parall`ele `a la deuxi`eme direction d’espace :
σ0 =|σ0|e2.
Question 1 : montrer que le probl`eme (1) a une solution unique dans H1(Ω) `a une constante additive pr`es.
On consid`ere maintenant une fonction J, d´ependant de la r´epartition des mat´eriaux conducteurs χ et de la solutionuχ du probl`eme (1) :
J(χ) = Z
∂Ω
(σ0.n)uχds+λ Z
Ω
χ(x)dx,
1Sujet original propos´e par Fran¸cois Jouve
o`u λ ≥ 0 est une constante donn´ee. Dans cette expression, le premier terme est l’´energie dissip´ee par le syst`eme et la seconde int´egrale est le volume de mat´eriau β. On va chercher `a minimiser J(χ) sur l’ensemble de toutes les fonctions caract´e- ristiques d´efinies sur le domaine Ω. La minimisation de cette fonction-coˆut revient
`a chercher un compromis entre l’efficacit´e globale du syst`eme et le volume de bon conducteur β disponible. Si λ= 0, on aura int´erˆet `a remplir totalement Ω de mat´e- riau β pour obtenir la meilleure conductivit´e globale possible. En revanche, si λ est grand, le prix `a payer pour am´eliorer la conductivit´e en ajoutant un peu de mat´eriau β sera trop important et la solution sera Ω enti`erement rempli deα. Entre les deux, il se passe des choses que l’on va ´etudier.
Question 2 : montrer que l’on peut ´ecrire l’´energie dissip´ee sous la forme du pro- bl`eme de minimisation suivant :
Z
∂Ω
(σ0.n)uχds= min
σ∈H
Z
Ω
1 aχ
σ.σdx,
o`u H d´esigne l’ensemble des flux admissibles d´efini par H =
σ∈L2(Ω)2,
divσ= 0 dans Ω σ.n=σ0.n sur ∂Ω
.
Question 3 : soit
Φ :R+×RN → R (a, σ) 7→ |σ|2
a Montrez que Φ est convexe et satisfait
Φ(a, σ) = Φ(a0, σ0) +DΦ(a0, σ0).(a−a0, σ−σ0) + Φ(a, σ− a a0
σ0), o`u la d´eriv´ee DΦ est donn´ee par
DΦ(a0, σ0).(b, τ) = − b
a20|σ0|2 + 2 a0
σ0.τ.
On d´efinit maintenant les moyennes θ = 1
|Ω|
Z
Ω
χ(x)dx et a0 = 1
|Ω|
Z
Ω
aχ(x)dx=α(1−θ) +βθ.
Question 4 :montrer que la moyenne de n’importe quel flux admissible est constante et vaut σ0. Autrement dit
∀σ ∈H, σ0 = 1
|Ω|
Z
Ω
σ(x)dx.
Question 5 :en utilisant les questions 3 et 4, montrer que l’on a pour toute fonction caract´eristique χ, et toute σ∈H, l’´egalit´e suivante :
Z
Ω
1 aχ
σ.σ+λχ
dx =|Ω|
1 a0
σ0.σ0+λθ
+ Z
Ω
1 aχ
σ− aχ
a0
σ0
2
. (2)
2
Question 6 : d´eduire des questions pr´ec´edentes que l’on peut ´ecrire
χ∈L∞inf(Ω;{0,1})J(χ) = inf
χ∈L∞(Ω;{0,1}) inf
σ∈H
Z
Ω
1 aχ
σ.σ+λχ
dx≥Iλ,
o`u Iλ est une quantit´e que l’on peut calculer explicitement. On discutera sa valeur en fonction des valeurs de λ, en distinguant plusieurs r´egimes suivant la position de λ par rapport `a deux valeurs λ−< λ+ que l’on pr´ecisera.
Question 7 :montrer que siλ−< λ < λ+, il n’existe pas de fonction caract´eristique χ telle que J(χ) =Iλ.
On va maintenant montrer que l’on peut approcher cette valeur minimale d’aussi pr`es que l’on veut par une suite de fonctions caract´eristiques bien choisies. On aura ainsi montr´e que la valeur Iλ est bien le minimum de la fonctionnelle J(χ), mais qu’il n’est atteint par aucune fonction caract´eristique.
Question 8 : montrer que le membre de droite de l’in´egalit´e (2) admet un unique minimiseur en θ que l’on peut calculer explicitement (on le note θ∗).
On consid`ere maintenant la fonction caract´eristique 1-p´eriodique suivante : ψ(t) =
1 si 0≤t < θ∗ 0 si θ∗ ≤t <1 , et on d´efinit une suite χn par
χn(x1, x2) =ψ(nx1).
On peut alors montrer (en utilisant des outils qui vont au del`a des connaissances acquises dans le cours), que J(χn) → Iλ lorsque n → ∞. Le mat´eriau converge alors (au sens de l’homog´en´eisation) vers un mat´eriau composite fait de couches successives infiniment fines de mat´eriaux α et β, empil´ees dans la direction e1. Ce type de mat´eriau est appel´e “lamin´e s´equentiel”.
Question 9 : Nous allons montrer le r´esultat ´evoqu´e ci dessus dans le cas d’un domaine carr´e. Nous choisissons donc Ω =]0,1[2, et posons
fn(T) = Z T
t=0
α(1−ψ(nt)) +βψ(nt) a0
dt.
Puis nous d´efinissons gn(x, y) =
(1−ny)x+nyfn(x) si 0≤y ≤1/n, fn(x) si 1/n≤y≤1−1/n, gn(x,1−y) si 1−1/n≤y ≤1.
Et enfin le champ de vecteurs σn=|σ0|(−∂ygn, ∂xgn).
Les ´etapes suivantes ´etablissent que J(χn)→Iλ :
3
0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
t
0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
f
3H t L
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
0.0 0.2 0.4 0.6 0.8 1.0
x
y
Fig. 1 – La fonction f3, les lignes de niveau de g3, et le champ de vecteurs σ3. Param`etres α= 1, β = 7 et θ= 1/3.
1. Montrer que kf−fnkL∞([0,1]) ≤ 1n(β−α)a
0 θ(1−θ), en d´eduire une majoration de k∂ygn−aaχ0kL∞(Ω).
2. Borner aussik∂xgnkL∞(Ω) ≤ aβ
0.
3. Montrer l’appartenanceσn∈H (espace introduit `a la question 2). En particu- lier, pourquoi a t’on divσ= 0 au sens des distributions ? (penser au th´eor`eme de Schwartz)
4. Trouver une constante C1 telle que R
Ω 1
aχ|σn− aa0σ0|2 ≤C1/n.
5. En d´eduire que J(χn)≤ Iλ+C1/n et donnerC2 telle que R
Ω|∇uχn − σa00|2 ≤ C2/n.
Ainsi, lorsque n augmente, le radiateur d´ecrit par χn se comporte comme un ra- diateur homog`ene pour lequel on aurait aχ = Cte = a0(θ∗) : son efficacit´e J(χn) se rapproche de l’efficacit´e id´eale Iλ, et le flux thermique ∇uχn tend vers celui du radiateur homog`ene σa00.
Partie num´erique :utiliser FreeFem++ pour r´esoudre num´eriquement le probl`eme (1) et essayer de v´erifier par des calculs num´eriques que l’on a bien la convergence J(χn) → Iλ lorsque n → ∞. Comparer avec les estimations de la question pr´e- c´edente. On utilisera diff´erentes finesses de discr´etisation pour tenter de faire la part entre les variations de fonction-coˆut dues aux approximations num´eriques et celles qui sont vraiment caus´ees par les modifications de la r´epartition des mat´e- riaux conducteurs.
Importance de la microstructure : Essayer, num´eriquement, des bandes de ma- t´eriau orient´ees transversalement `a σ0, avec χ =ψ(n(xcosφ−ysinφ)). Quelle est la meilleure orientation ? Que se passe t’il si les strates sont orthogonales `a σ0?
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