A NNALES DE L ’ UNIVERSITÉ DE G RENOBLE
A. F ORTIER
Sur quelques difficultés de mesures des pertes de charge dans les conduites
Annales de l’université de Grenoble, tome 22 (1946), p. 65-70
<http://www.numdam.org/item?id=AUG_1946__22__65_0>
© Annales de l’université de Grenoble, 1946, tous droits réservés.
L’accès aux archives de la revue « Annales de l’université de Grenoble » implique l’accord avec les conditions générales d’utilisation (http://www.
numdam.org/conditions). Toute utilisation commerciale ou impression sys- tématique est constitutive d’une infraction pénale. Toute copie ou impression de ce fichier doit contenir la présente mention de copyright.
Article numérisé dans le cadre du programme Numérisation de documents anciens mathématiques
http://www.numdam.org/
Sur quelques difficultés de mesures des pertes
decharge
dans lesconduites
par A. FORTIER.
Je voudrais
rappeler rapidement
la définition de laperte
decharge
dans une conduite pour montrer ensuite que la
grandeur
ainsidéfinie est souvent difficilement mesurable en
pratique.
Les difl’i- cultés de mesureproviennent
surtout de la non-permanence des écoulements dans les conduitesindustrielles ;
pour effectuer desmesures
précises
on est donc conduit àenregistrer
despressions
variables, je signalerai
pour terminer un manomètreenregistreur simple qui paraît
bienadapté
à ce genre de mesures.On avait coutume
autrefois,
dans les cours élémentaires d’électri-cité, d’employer
desanalogies hydrauliques
pourexpliquer
lesphé-
nomènes
électriques.
Notre connaissance des lois du courant élec-trique
étant actuellementbeaucoup plus
avancée que notre connaissance des lois des écoulements fluides il estpréférable aujourd’hui
de faire l’inverse. Considérons parexemple
deuxgrands
réservoirs entre
lesquels
existe une différence de niveau constante Het reliés par une conduite alimentant une turbine. Soit P le débit
en
poids
dans laconduite,
que nous supposerons constant,l’énergie mécanique perdue
par l’eau par seconde dans la conduite et la tur-bine est
égale
auproduit
H. P. L’installationélectrique analogue comprend
deux conducteurs entrelesquels
existe une différence depotentiel
V et reliés par un fil conducteur alimentant un moteur, si 1désigne
l’intensité de courant, lapuissance électrique dissipée
dans le fil conducteur et le moteur est
égale
à V. I. Soit maintenant deuxpoints quelconques
A et B du filconducteur,
siVA
-VB désigne
la différence de
potentiel
entre les deuxpoints
A et B lapuissance électrique perdue
entre lespoints
A et B estégale
à(VA
-V n)1.
5
66
Par
analogie,
nous pouvonstoujours
mettre lapuissance
méca-nique perdue
par l’eau entre deux sectionsquelconques
A et B dela conduite sous la l’orme du
produit
du débit enpoids
P dans laconduite par une
quantité homogène
à unelongueur
et que nousdésignerons
parHA - Il,,.
C’est lagrandeur
ainsi définie que nousappellerons perte
decharge
entre les sections A etB,
cette gran- deurpossède
lespropriétés
d’additivité des différences depotentiel
et nous pouvons dire que la
perte
decharge
entre les sections Aet B est
égale
à la différence descharges HA
etRB
dans les deux sections A et B.La
quantité
intéressante à connaître enpratique
est laperte
depuissance
de l’eau dans laconduite,
l’introduction de laperte
decharge
telle que nous venons de la définir n’a donc un intérêt pra-tique qu’à
condition depouvoir exprimer
cetteperte
decharge
enfonction de
quantités
directement mesurables :pressions,
cotes etvitesses aux divers
points
des sections A et B.Pour trouver cette
expression
de laperte
decharge
en fonctionde
grandeurs mesurables,
on suppose, dans les cours élémentairesd’hydraulique.
que le mouvement de l’eau dans la conduite estpermanent
et que la vitesse est constante engrandeur
et directiondans une même section. Une
application simple
du théorème des forces vives montre alors que lapuissance mécanique
Wperdue
par l’eau entre deux sections A et Bpeut
effectivement se mettre sousla forme W =
P(HA - HB)
lacharge
H dans une sectionquelconque
ayant l’expression classique :
p
désignant
lapression
aupoint
de cote z de la sectionconsidérée,
c7 le
poids spécifique
de l’eau, V la vitesse de l’eau dans la sectionet 9
l’accélération de lapesanteur.
On démontre par ailleurs que la
quantité -"--+-s
est constantedans toute la section et que cette
quantité
est mesurée par la cote du niveau de l’eau dans un tubepiézométrique
relié à uneprise
depression statique
située dans la section considérée.Dans cette
hypothèse simple,
la mesure de laperte
decharge
entre deux sections se ramène donc à la mesure d’une différence de niveau entre deux tubes
piézométriques,
les vitesses dans les deux sections étant par ailleurs connues si on connaît le débit et les aires67
des deux sections. Si la conduite est de section constante ou si les vitesses sont suffisamment faibles pourqu’on puisse négliger
leterme y-
la mesure de laperte
decharge
necomporte quune
2g
mesure d’une différence de
pression qu’on peut
elFectuer à l’aided’un manomètre différentiel exactement comme on mesure une
différence de
potentiel
à l’aide d’un voltmètre.Malheureusement
l’hypothèse
d’un mouvement bienpermanent
et d’une
répartition
uniforme des vitesses dans les diverses sections de la conduite est loin d’être conforme à la réalité. La vitesse esttoujours
nulle sur laparoi
et maximum au centre de la conduite.Si on suppose que les vitesses restent
parallèles
à une direction fixe mais varient engrandeur
d’unpoint
à une autre d’une même sec-tion,
on démontre facilement que lacharge
H conserve, pour unmouvement
permanent,
uneexpression identique
àl’expression (I),
le terme
V2/2g est simplement multiplié
par un coefficient Y-qui dépend
de la
répartition
des vitesses(V désignant
dans ce cas la vitesse‘
moyenne dans la section
quotient
du débit en volume par l’aire de lasection). Lorsque
le coefficient est peu différent de ï, cequi
seproduit
enparticulier
pour les conduitescylindriques longues,
onpeut prendre
enpremière approximation, x
=: i et on est ramené aucas de la
répartition
uniforme des vitesses. Les difficultésn’appa-
raissent donc que
lorsqu’on
veut tenircompte
de la non-perma-nence de l’écoulement.
Dans une conduite industrielle les vitesses varient dans le
temps
d’une
façon
incessante engrandeur
etdirection,
lespressions
varient elles aussi et tous ceux
qui
ont fait des mesures depression
savent que les manomètres reliés à des
prises
depression
sur desconduites industrielles oscillent sans arrêt. La non-permanence de l’écoulement est due soit à la turbulence, soit à des variations de
régime
desmachines,
soitplus généralement
à l’instabilité de l’écou- lement dans dessingularités
de l’installation :coudes, changements brusques
desection,
etc. Les fluctuations depression
dues à la tur-bulence sont en
général trop rapides
pour êtreenregistrées
par les manomètresusuels,
tandis que les fluctuations de débit et depression produites
par l’instabilité de l’écoulement dans lessingularités
sontplus
lentes et ce sont cellesqu’on
observegénéralement.
La non-permanence des écoulements industriels nous amène à
reprendre
la définition de laperte
decharge. Remarquons
tout68
d’abord que ce sont
uniquement
desgrandeurs moyennes qu’il
estintéressant de déterminer en
pratique.
Cequ’il importe
en effet deconnaître c’est
l’énergie mécanique perdue
par l’eau dans un tronçon de conduitependant
untemps
suffisammentlong.
Soit W lapuis-
sance instantanée
perdue
parl’eau, pendant
letemps
Tl’énergie mécanique perdue sera W . dl, ramenée à l’unité de temps
cette
énergie correspond
à une puissance
moyenne que nous noterons
Dans les cas usuels cette
puissance
moyenne W nedépend
pas dutemps,
pourvu que letemps
T soitlong
devant lapériode
des fluc-tuations,
nous dirons alors quel’écoulement
estpermanent
enmoyenne et nous raisonnerons
uniquement,
dans cequi suit,
surce cas
particulier.
Le débit de l’installation subit lui aussi des fluc- tuations dans letemps
et nous définirons un débit moyenP,
commenous avons défini la
puissance
moyenne W. Nousappellerons
alors
perte
decharge
moyenne, entre deux sections A et B, unequantité
que nous noterons H -H,
et telle que :HA
etHB désignent respectivement
lescharges
moyennes dans les sections A et B.Ces définitions étant
posées,
ils’agit d’exprimer
lacharge
moyennedans une section en fonction de
grandeurs
moyennes mesurables, à savoir :pressions
moyennes et vitesses moyennes aux diverspoints
de la section.
Or,
dans le cas d’un écoulement extrêmement per-turbé,
il n’est paspossible
de trouver de relationsimple
entre lacharge
moyenne et lesgrandeurs
moyennes que nous venons de citer.L’expression générale
de lacharge
moyenne est en effet de la forme :p et v
désignant
lapression
et la vitesse instantanées aupoint
decote z centre de l’élément de surface
d, u
lacomposante
de la vitesse instantanée suivant la normale à (1(7 etQ
le débit moyen en volume.69
L’intégrale
double est étendue à toute l’aire S de lasection,
et la barre surmontant leproduit
(
p/w + +
V2/2g)u
etindique qu’il
fautprendre
enchaque point
la valeur moyenne dans letemps
de ceproduit.
Pour calculer H, il faut donc en toute
rigueur enregistrer
lesvariations de la
pression
et de la vitesse en ungrand
nombre depoints
de la section S pourpouvoir
calculer enchaque point
lavaleur moyenne du
produit
(p/w + z +V2/2g)
u et on nepeut
pas secontenter de mesurer
séparément
despressions
moyennes et desvitesses moyennes.
Dans le cas
particulier
où larépartition
despressions
dans la sec-tion considérée est
hydrostatique
en moyenne, c’est-à-dire dans lecas où la valeur moyenne de p/w + z ne
dépend
pas dupoint
choisidans la
section, l’expression
de lacharge
moyennepeut
se mettresous la forme :
U
désignant
lequotient
du débit moyen en volume par l’aire de lasection,
x un coefficient derépartition
de vitesse peu différent de1 si la
répartition
des vitesses moyennes dans la sections’éloigne
peu de la
répartition
uniforme, et h unequantité
que nousn’explici-
terons pas, mais
qui
tend vers zéro,lorsque l’amplitude
des fluc-tuations de
pression
et de vitesse tend elle-même vers zéro.Nous retrouvons dans ce cas une
expression analogue
àl’expres-
sion
simple
de lacharge
dans unesection, lorsque
l’écoulement estpermanent,
et nous voyons que pourqu’il
soitpossible
de calculer lacharge
moyenne àpartir
despressions
et des vitesses moyennes, il faut que larépartition
despressions
moyennes soithydrostatique
et que
l’amplitude
des fluctuations depression
et de vitesse soit suffisamment faible pourqu’on puisse négliger
le terme h.L’aperçu qui précède
montre l’intérêtqu’il
y a à effectuer desenregistrements
depression
et de vitesse pour évaluer le terme het par suite l’erreur que l’on commet
lorsqu’on
calcule despertes
decharge uniquement
àpartir
despressions
et des vitesses moyennes. C’est dans ce but que nous avons mis aupoint
un70
manomètre
enregistreur
basé sur leprincipe classique
du mano-mètre à
condensateur,
maisqui comporte
unmontage électrique simple
queje
voudraissignaler.
La
capsule manométrique
est constituée par une membrane métal-lique
tendue formant l’armature mobile d’un condensateur C. Ce condensateur variable C est intercalé dans unpont comprenant
uncondensateur fixe C’ et deux résistances R et R’. Dans la
diagonale
AB du
pont
se trouvent deux diodes D et D’. Ungalvanomètre
enregistreur g
est intercalé entre lespoints
E etF,
et lepont
estalimenté par un
générateur
hautefréquence
G.Lorsque
lescapacités
C et C’ sontégales,
legalvanomètre g
resteau zéro,
lorsque
lacapacité
C varie, legalvanomètre
est parcouru par un courant dont l’intensité estégale
à la différence des inten- sités des courants redressés par les diodes D etD’,
et legalvano-
mètre suit les variations de la
capacité
C et par suite les variations de lapression qui
déforme la membrane constituant l’armature mobile du condensateur C.Ce
montage,
trèssimple,
estparfaitement stable,
et il estsusceptible
de
beaucoup
d’autresapplications, puisqu’il permet
en faitd’enregis-
trer les variations de la distance entre les deux armatures du conden- sateur C. Comme manomètre
enregistreur,
il est d’unemploi beaucoup plus
commodequ’un
manomètre àquartz,
ce dernier nes imposant
vraiment que pour
l’enregistrement
defréquences
très élevées.D’une réalisation
simple,
ce manomètrepeut
être exécuté en ungrand
nombred’exemplaires
etpermettre
une étudesystématique
des