A. T RANNOY
Théorie économique de la mesure de l’inégalité : un réexamen
Mathématiques et sciences humaines, tome 93 (1986), p. 53-60
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THEORIE
ECONOMIQUE
DE LA MESURE DEL’INEGALITE :
UNREEXAMEN*
A.
Trannoy **
Depuis l’article pionnier d’ATKINSON,
on constate un renouveau del’intérêt
porté
à la théorie de ls. mesure del’inégalité
des revenus. Cette théorie estagencée
autour des deuxpoints
suivants :1.
Quelles
sont lespropriétés
minimales àexiger d’un
indiced’inégalité ?
2. Existe-t-il un indice
d’inégalité
meilleur que les autres ?DALTON a
apporté
un début deréponse
à ces deuxquestions,
début deréponse qui
a donné lieu à des travaux(citons ATKINSON, SEN, KOLM) qui
constituent le coeur
même
de la théorie de la mesure del’inégalité.
Réponse
à lapremière question :
leprincipe des
transferts de PIGOU-DALTON. Une suite finie de transferts diminue la valeur del’indice
d’inégalité
si pourchaque transfert,
le revenu initial du donneur estplus
élevé que celui du receveur.
Réponse
à la deuxièmequestion :
la mesureéthique
del’inégalité.
DALTON se demande
quelle
est la différence entre mesurerl’inégalité
de ladistribution des revenus et mesurer
l’inégalité
de toute autre caractéris-tique ?
Saréponse
est lasuivante : "léconomiste
estintéressé
enpremier
lieu
nonpas à la distribution du
revenu en tant quetel, mais dans les
effets de la distribution du
revenu, surla distribution
etle
montanttotal de bZen-être ".
La mesure del’inégalité
doit donc refléter la variation de*Cette communication résume les idées et les résultats
originaux d’une
thèse de doctorat
d’Etat
soutenue en 1985 :Théorie économique de la
mesure
de l’inégalité.
* * Laboratoire
d’Economie Mathématique
et Econométrie(L.E.M.E.),
Universitéde
Rennes-I,
etGroupe
de Recherches en Economiequantitative
et Economé-trie
(G.R.E.Q.E.),
Marseille.i.
Le de PIGoU-VALTON :
unConsidérons les deux distributions
suivantes * : (10, 40, 50, 100),
(25, 25, 75, 75).
Avec leprincipe
des transferts dePIGOU-DALTON,
ladeuxième
distribution doit
être
déclarée moinsinégale
que lapremière.
Eneffet,
il ya deux
transferts, l’un
del’individu qui
avait 100 à celuiqui
avait50, l’autre
del’individu qui
avait40
à celuiqui
avait 10.Remarquons
que ce sont deux transfertsqui
font intervenir àchaque
fois un donneur et un rece-veur
qui
sont dumême côté
de la moyenne ; dans notreterminologie,
nousappelons
des individusqui
ont initialement des revenussupérieurs (respecti-
vement
inférieurs)
à la moyenne des"riches" (respectivement
des"pauvres ") .
Donc,
leprincipe
des transferts de DALTON demande que des transferts entre deux pauvres ou entre deux riches diminuentl’inégalité :
"untransfert
derevenu
d’un individus
avec un revenuà peine supérieur
au SMIC à un"smicard"
diminue
nous ne sommes pas intimementpersuadés
que tous lesFrançais (par exemple)
seraientd’accord
avec cette affirmation. Nous trouvons que leprincipe
des transferts de DALTON esttrop exigeant
en tant quepropri-
été minimale à
exiger
et nous proposons de leremplacer
parle principe
destransferts
deriche à
pauvre. L’indiced’inégalité
doit diminuersi, parmi
lasuite des transferts de
PIGOU-DALTON,
il y a au moins un transfert de riche à pauvre.Dans la
première partie
dupapier,
nous donnonsl’équivalence
enterme de courbes de LORENZ de ce nouveau
principe.
Nous montrons que
l’ensemble
des fonctions continuesqui
vérifientce nouveau
principe
sont les indicesd’inégalité
vérifiant leprincipe
dePIGOU-DALTON
plus
l’indice de redistribution(l’écart
relatif parrapport
à lamoyenne)
modulo une transformation monotone.~
Le mon tan t à
ré par ti r
es tidentiques
c ans I es ceux di s tri bu ti ons etégal
à 200 (mouenne :
50) .
2. La
me.6uJLede l’ inégalLté :
unea ache
en deATKINSON et DALTON
posent qu’il existe
une fonction debien-être
social sans chercher à la construire
explicitement.
Dans une visionpositive (cette
fonction reflètel’éthique d’un décideur),
cela sejustifie.
Mais dansune
optique normative,
la fonction debien-être
social doit refléter lespré-
férences des individus et
.l’on
se trouve donc confronté auproblème
de saconstruction :
eut-on a é er
lespréférences
des individus concernantla
distribution des revenus
en unepréférence
socialei puisse être repré-
sentée par un indice
d’ inégalité ?
La
théorie
du choix socialpeut apparaître
comme uncatalogue
derésultats
d’impossibilité.
Enréalité,
ces dix dernièresannées,
la théoriedu choix social est sortie de
l’impasse
desthéorèmes d’impossibilité
etl’on
comprend
mieux àprésent
lerôle
essentiel quejouent
les bases infor- mationnelles(voir SEN)
dans les résultatsd’impossibilité
du,type
decelui
d’ARROW.
Si nous ne
restreignons
pas apriori
le domaine despréférences individuelles,
nousn’aurons
riend’autre
que les résultatsgénéraux
de lathéorie du choix social.
Aussi,
nous avons choisi dereprendre
la distinction émise par ARROW et remise àl’honneur
par SEN entrepréférences
individuelles conçues commereprésentant purement l’intérêt
dechaque
individu etpréfé-
rences individuelles conçues comme
représentant
desjugements
devaleur,
chezARROW,
la distinction entre"tastes"
et"values"
et chezSEN,
la distinctionentre
"Interests"
etJtJudgments"’.
D’où
les deuxquestions posées :
- Est-ce que
l’on eut
voir un indiced’inégalité
comme uneagrégation d’uti-
lités
individuelles rocurées ar
la distribution desrevenus ? (ophelimites
pour
PARETO).
- Est-ce ue
l’on peut
voir un indiced’inégalité comme
uneagrégation
dejugements
de valeur concernant larépartition
du revenu ?Rn.
+Nos conclusions sont les suivantes :
En ce
qui
concernel’agrégation
desintérêts,
nous montrons que laprésentation
habituelle repose sur unehypothèse
locale ouglobale d’identité
et
d’homogénéité
despréférences,
cequi
est loind’apparaître
comme unehypothèse
satisfaisante.En ce
qui
concernel’agrégation des jugements,
les résultats sont dansl’ensemble négatifs
avec des bases informationnelles ordinales et noncomparables. Supposer
que les bases informationnelles soient cardinalessupposerait
quel’on
soitcapable
decaractériser
à une transformation affineprès
les indicesd’inégalité
lesplus
connus.Nous concluons donc que nos connaissances
théoriques
sont encoretrop
faibles pourêtre
en mesure de construired’une façon concrète
unindicateur social
d’inégalité.
Nous concluons par les deux
réflexions
suivantes:3. d’un d’aenégatité dayls
uneopt¡que de économique
Supposons qu’un
décideur veuille réduire le sentimentd’inégalité
d’une population
pour unepolitique
de transfert.Doit-il
connaître l’indicateur
sociald’inégalité
pourdéterminer
le programme redistributifoptimal ?
Non : si le
décideur
suppose quel’indice
sociald’inégalité
satisfaitle
principe
des transferts dePIGOU-DALTON,
ilpeut
déterminer le programme redistributifoptimal
sans aucune autre connaissance despropriétés
del’indice
social
d’inégalité ;
mais si le décideur suppose quel’indice
sociald’inégalité
satisfait
simplement
leprincipe
des transferts de riches à pauvres, il existeune infinité de programmes redistributifs
optimaux.
4. Va.n6 lu -t’indice de
L’indice
de redistribution donne lepourcentage
minimal du revenu totalqui
doitêtre transféré
pour arriver àl’égalité. C’est
le seul indiced’inégalité qui
a unesignification cardinale claire
pour unéconomiste.
Cet indiced’inégalité
a ététrès longtemps
utilisé(SCHUTZ, KUZNETZ)
maisdepuis
l’article d’ATKINSON,
iln’est plus
utilisé parcequ’il
nerespecte
pas leprincipe
des transferts de PIGOU-DALTON. Mais sil’on
admet lesobjections
quenous avons
formulées
contre ceprincipe,
iln’y
aplus
aucune raison de ne pasl’employer.
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