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JUSTICE: LA PEUR DU CRIME EN SUISSE ROMANDE - INTERVIEW: J'AI CRÉÉ MON ENTREPRISE POUR AVOIR DU TRAVAIL -ABORIGÈNES: DES PISTES SACRÉES AUX PISTES OLYMPIQUES

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(1)

J U S T I C E : L A P E U R D U C R I M E E N S U I S S E R O M A N D E - I N T E R V I E W :

J ' A I C R É É M O N E N T R E P R I S E P O U R A V O I R D U T R A V A I L -

A B O R I G È N E S : D E S P I S T E S S A C R É E S A U X P I S T E S O L Y M P I Q U E S

(2)

LA FACULTÉ DE CE C O L L A B O R A T E U R A S ' I M P O S E R

N O U S F R A P P E V R A I M E N T .

PATRICK POZZORINI, AUDIT ET CONSEIL ÉCONOMIQUE À LUGANO, EST UN VRAI BATTANT. QU'IL S'ADONNE À SON LOISIR FAVORI, LA BOXE, OU QU'IL TRAVAILLE, CETTE FACETTE DE SA PERSONNALITÉ RESSORT AVEC LA MÊME FORCE. OR EN TANT QUE NUMÉRO UN DU CONSEIL EN SYSTÈMES DE GESTION INTÉGRÉS, NOUS AVONS BESOIN DE COLLABORATEURS QUI EXPLOITENT PARFOIS DES IDÉES PEU CONVENTIONNELLES POUR ATTEINDRE LEUR OBJECTIF.

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CRIMINALITÉ : VOUS N'AVEZ PAS TELLEMENT PEUR LA NUIT

« L'ENQUÊTE SUISSE DE VICTIMISATION » ME­

NÉE PAR L'INSTITUT DE POLICE SCIENTIFIQUE ET DE CRIMINOLOGIE DE L'UNIVERSITÉ DE LAUSANNE PREND RÉGULIÈREMENT LA MESURE DU SENTIMENT D'INSÉCURITÉ QUI RÈGNE DANS LA POPULATION. ELLE MONTRE QUE LES SUISSES RESTENT ÉTONNAMMENT SEREINS FACE À LA CRIMINALITÉ QUI AUG­

MENTE DEPUIS LES ANNÉES 80.

Enquête

et édita à découvrir dè.i la page 2

L'ÉTÉ SERA AUSTRALIEN ET ABORIGÈNE

JEUX OLYMPIQUES DE SYDNEY OBLIGENT, L'AUSTRALIE MET (ENFIN) EN VALEUR CE PASSÉ ET CETTE CULTURE ABORIGÈNES QU'ELLE A LONGTEMPS MÉPRISÉS. EN ATTENDANT LE DÉBUT DES ÉPREUVES PRÉVU POUR SEP­

TEMBRE PROCHAIN, «ALLEZ SAVOIR!» VOUS PROPOSE UNE PLONGÉE DANS L'UNIVERS MYS­

TÉRIEUX DES «RÊVEURS DU DÉSERT».

Le voyage initiatique débute en page 42

IMPRESSUM

Allez savoir!

Magazine de l'Université de Lausanne

№17, juin 2000 Tirage 21 '000 ex.

44'000 lecteurs (Etude M I S Trend 1998) Internet: http://www.unil.ch/spul Rédaction:

Service de presse de l'UNIL

Axel-A. Broquet resp., Florence Klausfelder BRA, 1015 Lausanne-Dorigny

Tél. 021/692 20 71 Fax 021/692 20 75 uniscope@unil.ch Rédacteur responsable:

Axel-A. Broquet

Conception originale et coordination:

Jocelyn Rochat, journaliste à L'Hebdo Ont collaboré à ce numéro:

Sonia Arnal, Michel Beuret, Elizabeth Gilles, Jacques-Olivier Pldoux, et Jean-Luc Vonnez Photographe: Erling Mandelmann Correcteur: Albert Grun

Concept graphique: Richard Salvl, Chessel http://www.swlsscraft.ch/salvi/

Imprimerie et publicité:

Imprimerie Corbaz SA

Editions-Publicité: Philippe Beroud Av. des Planches 22, 1820 Montreux Tél. 021 /966 81 81

Fax 021/966 81 83 Photos de couverture:

«Gladiator»: UIP/ Dreamworks

Abeille: Musée cantonal de zoologie, Lausanne Maison-Blanche: Office du tourisme, Washington D.C.

S O M M A I R E

INTERVIEW

EDITO PAGE 2

Ces crimes qui font moitié peur aux Suisses romands

qu 'aux Alémaniques PAGE 3 RECHERCHÉS SUR INTERNET PAGE 4

«SURTOUT, PAS D'ANGÉLISME!» PAGE 8

Un faux venin d'abeille pour tromper l'allergie PAGE 10 CES INSECTES QUI NOUS EN VEULENT PAGE 12 LE BOURDON: JOLI, MAIS PIQUEUR PAGE 15 L'ABEILLE, LA KAMIKAZE PAGE 17 LA FOURMI INVENTE L'ARTILLERIE PAGE 18

Jeux de mains, jeux de Romains PAGE 19 CE QUE LES ROMAINS EN DISAIENT PAGE 21 LES STADES DU JEU EN SUISSE ROMAINE : AMPHITHÉÂTRES,

GLADIATEURS ET COURSES DE CHAR PAGE 26

«J'ai créé mon entreprise

pour avoir un travail intéressant» PAGE 28 L'INTERVIEW DE SYBIL ROMETSCH, ASSISTANTE À L'INSTITUT DE BOTANIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE LAUSANNE PAGE 28 POUR GOÛTER LE GRIFÓLA, LES RECETTES DE SYBIL ROMETSCH PAGE 34

L'opinion publique au pouvoir? PAGE 35 DES SONDAGES D'INFLUENCE PAGE 36 L'ILLUSION DE LA VÉRITÉ PAGE 37 L'OPINION AU CAFÉ DU COIN PAGE 39 16% D'ANTISÉMITES EN SUISSE? PAGE 40 AUX ORIGINES DE L'OPINION PUBLIQUE PAGE 41

Des pistes sacrées aux pistes du stade olympique PAGE 42 J0 DE SYDNEY: OUI MAIS PAGE 43 PEINTURE DU RÊVE FEMMES BÂTONS À FOUIR PAGE 47 LA TECHNOLOGIE AU SERVICE DES WARLPIRI PAGE 49

CE QU'ILS EN PENSENT

CLINIQUES ET LABOS : LA SANTÉ DU MALADE COMME PRIORITÉ COMMUNE, INTERVIEW DE JULIEN BOGOUSSLAVSKY,

CHEF DU SERVICE DE NEUROLOGIE DU CHUV PAGE 50

FORMATION CONTINUE

DEMANDEZ LE PROGRAMME PAGE 53

ABONNEZ-VOUS, C'EST GRATUIT! PAGE 56

(3)

È D I T O

E t vous, vous avez peur la nuit quand vous marchez dans une ruelle obscure?

Posez cette question aux Suisses et ils vous répondront non à 90 % (et à 70 % pour les femmes). De manière plus sur­

prenante encore, «l'enquête suisse de victimisation» menée régulièrement par des chercheurs de l'Université de Lau­

sanne montre que les angoisses noc­

turnes des Suisses n'ont pas augmenté durant ces vingt dernières années alors que les agressions et les cambriolages ont doublé dans le même temps (lire ci-contre)! Au comble de la sérénité, les victimes d'agression méritent une mention particulière, elles qui ne se disent pas plus désécurisées que la moyenne. Tout bien compté, les cher­

cheurs lausannois arrivent donc à la conclusion que les Helvètes figurent parmi les moins craintifs au monde, derrière les Suédois et les Indiens.

Q u e l q u ' u n parviendra-t-il à troubler cette approche sereine du danger généré par la criminalité? Certaine­

ment pas, et c'est une surprise, les interventions des médias et les com­

mentaires des politiciens populistes. A en croire les travaux lausannois pilo­

tés par le professeur Martin Killias, ces deux facteurs n'auraient aucun effet sur la conception que chacun se fait de sa propre sécurité. Il en faut plus que le récit sanglant d'une bagarre entre dealers dans le quartier pour inquiéter durablement un citoyen étranger au milieu de la drogue.

M a l g r é ces preuves multiples d'intel­

ligence données par les Suisses, l'appréciation de la montée du proxé­

nétisme et du trafic de drogue, notam­

ment du fait d'une criminalité «trans­

frontalière», reste monopolisée par l'aile zurichoise d'un parti politique de droite nationaliste. Une situation pré­

occupante, si l'on entend Martin Killias.

D' a b o r d parce que le tabou politique érigé autour de cette question fait des victimes indirectes : certains habitants des quartiers où la criminalité est plu­

sieurs fois supérieure à la moyenne de

la ville n'ont pas les moyens de démé­

nager. Ils doivent ainsi apprendre à souffrir en silence parce que les élites plus aisées croient préférable d'occul­

ter des événements politiquement incorrects.

E n s u i t e parce que les Suisses prouvent depuis deux décennies que l'on peut les traiter en adultes. Les travaux des cri- minologues lausannois montrent ainsi que le débat public sur les problèmes de sécurité a toujours contribué à ras­

surer la population. Et que cette trans­

parence explique en grande partie l'appréciation raisonnable des Suisses par rapport à l'augmentation de la cri­

minalité.

P e r s u a d é que l'on ne fait jamais assez confiance à l'intelligence des gens pour résoudre les problèmes, «Allez savoir! » consacre donc plusieurs pages aux tra­

vaux des criminologues lausannois.

Plongez-y sans arrière-pensée : il n'y a pas là matière à en faire des cauche­

mars. Au contraire, les solutions es­

quissées par le professeur Killias dans son interview (en page 8) méritent de trouver un écho bien au-delà des sphères universitaires.

Jocelyn Rochat

Led Subded n'ontpaj peur du noir

2 A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

J U S T I C E

Ces crimes

qui font moins peur aux Suisses romands qu'aux Alémaniques

Les agressions (ici, l'expéditeur présumé d'un colis piégé

qui a explo.ié en août 1999 dans le.i bureaux de l'usine Bobst) et les cambriolages ont doublé en Suisse entre 1980 et 2000.

Un phénomène qui a eu davantage d'écbo dans la partie alémanique du pays

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

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La peur du crime en Su Is s <• romande

JUSTICE

1^urprises : le sentimentd'insécurité

est en baisse au moment où La crimi- nalité prend l'ascenseur, et les Suisses allemands sont les plus inquiets. Ce ne sont pas les moindres des paradoxes révélés par une récente enquête conduite à l'Université de Lausanne.

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Depuis plusieurs semaines, le Minis- tère public de la Confédération diffuse des avis de recherche sur Internet. On y découvre ainsi des portraits de suspects recherchés dans diverses affaires...

et délits

Rech. de personnes Personnes disparues Crimes et délits Recherche d'objets

larmes Corps de police

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Contact

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es Suisses ont-ils p e u r d a n s les t r a n s p o r t s publics a p r è s 22 heu­

res ? Evitent-ils certaines r u e s ou cer­

tains q u a r t i e r s ? C r a i g n e n t - i l s les c a m b r i o l a g e s ? Se sentent-ils v u l n é ­ rables en cas d'agression p h y s i q u e ? L ' « E n q u ê t e suisse de victimisation", m e n é e r é g u l i è r e m e n t au niveau national sous la houlette de l'Institut de police scientifique et de c r i m i n o ­ logie de l'Université de L a u s a n n e et pilotée p a r le p r o f e s s e u r M a r t i n Killias, doit j u s t e m e n t p r e n d r e la m e s u r e du s e n t i m e n t d ' i n s é c u r i t é qui r è g n e d a n s la p o p u l a t i o n . Si certains résultats sont prévisibles, d'autres ont de quoi s u r p r e n d r e et b o u l e v e r s e n t les clichés. T o u r d ' h o r i z o n de la p e u r du crime.

L e s f e m m e s o n t p l u s p e u r q u e l e s h o m m e s

L ' « E n q u ê t e suisse de victimisa­

tion* signale environ 3 0 % de crain­

tifs chez les femmes et 1 0 % chez les h o m m e s . A cela u n e raison évidente : les violences sexuelles, causes de g r a v e s t r a u m a t i s m e s p h y s i q u e s et p s y c h o l o g i q u e s , t o u c h e n t a v a n t t o u t les femmes. Crainte encore attisée p a r les sifflets, les r e m a r q u e s t e n d a n ­ cieuses et la promiscuité d a n s les lieux

... ainsi que des photos d'objets volés : ici un bijou dérobé à la suite d'un assassinat à Mettlen (TG), un dessin d'Albert Anker qui a disparu à Zurich et une pendule de table subtilisée à Meilen (ZH)

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publics qui confinent parfois au har­

cèlement. D e plus, les femmes sont très v u l n é r a b l e s face à un a g r e s s e u r qui, d a n s 9 0 % des cas, est un j e u n e h o m m e . S a n s c o m p t e r q u e la m o d e féminine ne facilite pas l'autodéfense.

S u r le p l a n s t a t i s t i q u e , en r e v a n c h e , on o b s e r v e moins d ' a g r e s ­ sions c o n t r e les femmes q u e c o n t r e les h o m m e s . C e t t e d i f f é r e n c e s'explique p a r le fait qu'elles s'expo­

sent moins a u x r i s q u e s : elles s o r t e n t moins s o u v e n t le soir, ne s'impliquent p a s d a n s des b a g a r r e s , évitent cer­

taines r u e s la nuit, de m ê m e q u e les t r a n s p o r t s publics. M a l g r é ces mesu­

res de p r é v e n t i o n , elles sont s o u v e n t victimes d'actes de violence. Ce qui justifie a m p l e m e n t leur s e n t i m e n t d ' i n s é c u r i t é .

L e s c i t a d i n s s e s e n t e n t m o i n s e n s é c u r i t é

Les a g r e s s i o n s sont en effet p l u s n o m b r e u s e s en ville q u ' à la cam­

p a g n e , et la d é g r a d a t i o n de c e r t a i n s quartiers tend à accroître le sentiment d ' i n s é c u r i t é . Les m u r s c o u v e r t s de graffitis, les poubelles r e n v e r s é e s sur le sol, la p r é s e n c e de «gens louches»

d é g a g e n t u n e impression de «no m a n ' s land», m ê m e si la criminalité

effective reste d a n s les n o r m e s . P h é ­ n o m è n e identique d a n s les t r a n s p o r t s publics : d e v a n t le spectacle de sièges d é c h i r é s , de graffitis et de bouteilles cassées, on croit q u e les lieux sont laissés à l ' a b a n d o n , et d o n c p r o p i c e s au crime.

C o m m e le m o n t r e l ' e n q u ê t e lau­

sannoise, le sentiment d'insécurité est p a r t i c u l i è r e m e n t m a r q u é chez les citadins qui s o r t e n t r a r e m e n t la nuit, ou s'en t i e n n e n t a u x t h é â t r e s , ciné­

mas, galeries d'art, qui p r é s e n t e n t peu de r i s q u e s en c o m p a r a i s o n des b a r s et a u t r e s d i s c o t h è q u e s .

L e s d i f f é r e n c e s e n t r e R o m a n d s e t A l é m a n i q u e s

Les A l é m a n i q u e s ont plus p e u r du crime q u e les R o m a n d s . Trois h y p o ­ thèses p o u r r a i e n t e x p l i q u e r cette si­

t u a t i o n . Primo, la d é g r a d a t i o n du milieu u r b a i n est p l u s nette en Suisse a l é m a n i q u e où se t r o u v e n t les p l u s g r a n d e s a g g l o m é r a t i o n s d u p a y s . S e c u n d o , d a n s certains q u a r t i e r s des g r a n d e s villes a l é m a n i q u e s , les h a b i ­ t a n t s o n t dix fois plus de c h a n c e s de se faire a g r e s s e r q u e d a n s les q u a r ­ tiers résidentiels. Tertio, les scènes o u v e r t e s de la d r o g u e ont d u r a b l e ­ m e n t i n q u i é t é les A l é m a n i q u e s .

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La peur du crime en Suisse romande

[US TIC E

D ' a u t a n t qu'elles n'étaient pas l'apa­

nage de Z u r i c h ou Berne, mais aussi de petites villes comme Baden, Olten, Coire, Frauenfeld, St-Gall.

Côté r o m a n d , on se d é m a r q u e des A l é m a n i q u e s p a r u n e plus g r a n d e p e u r d e s c a m b r i o l a g e s . C e t t e varia­

tion laisse p e r p l e x e s les c h e r c h e u r s lausannois qui n ' a r r i v e n t pas à d o n ­ n e r d'explications plausibles.

Le sentiment d'insécurité n'a pas augmenté

Le p a r a d o x e ne m a n q u e pas de sel.

Les agressions et les cambriolages ont d o u b l é e n t r e 1980 et 2000, t a n d i s q u ' o n e n r e g i s t r e u n e baisse parallèle du sentiment d'insécurité lors de p r o ­ m e n a d e s n o c t u r n e s , t a n t chez les femmes q u e chez les h o m m e s .

Les c h e r c h e u r s lausannois esti­

m e n t q u e le d é b a t public sur les p r o ­ blèmes de criminalité a plutôt r a s s u r é la p o p u l a t i o n . Les Suisses s e r a i e n t d e v e n u s plus réalistes, plus ration­

nels. Ils ont d é s o r m a i s p e u r p o u r de

«bonnes raisons», p a r c e qu'ils se sen­

t e n t v u l n é r a b l e s (femmes, retraités) ou h a b i t e n t un q u a r t i e r difficile. Glo­

balement, ils se sont h a b i t u é s à vivre d a n s un m o n d e « d a n g e r e u x » . Ils ont apprivoisé les n o u v e a u x risques,

drogue, crimes, cambriolages, sida ou v a c h e folle. Ils sont plus n o m b r e u x à p r e n d r e des p r é c a u t i o n s — antivols, éviter c e r t a i n e s r u e s le soir, etc. — et bénéficient d ' u n e meilleure informa­

tion. Exemple : l'apparition du sida au d é b u t d e s a n n é e s 1980 avait p r o v o ­ q u é u n e véritable p a n i q u e , et le sida était d e v e n u u n e cause majeure d'insécurité. O n croyait q u ' o n p o u ­ vait l ' a t t r a p e r p a r u n e simple poignée de main. Rien de tel a u j o u r d ' h u i . Les c a m p a g n e s d'information ont désa­

m o r c é la c r a i n t e en m e t t a n t en

lumière les véritables voies de c o n t a ­ mination.

M ê m e p h é n o m è n e avec la v a c h e folle: on sait a u j o u r d ' h u i q u e les r i s q u e s de c o n t r a c t e r la maladie p a r la v i a n d e de b o e u f sont infimes et c o n c e n t r é s d a n s c e r t a i n s p r o d u i t s et o r g a n e s .

Les médias n'accentuent pas le sentiment d'insécurité

L'effet d e s m é d i a s est nul s u r la c o n c e p t i o n q u e c h a c u n se fait de sa

Les femmes craignent davantage le crime (30%

d'entre elles s'en inquiètent) que les hommes (10%).

Sur le plan statistique, en revanche, elles sont moins souvent agressées

s é c u r i t é p e r s o n n e l l e . Le «Blick»,

«Le M a t i n » ou les d i s c o u r s de C h r i s - t o p h B l o c h e r n ' i n f l u e n c e n t en rien la c r a i n t e s u b j e c t i v e au m o m e n t de t r a v e r s e r un p a r c p u b l i c la nuit, o b s e r v e n t les c h e r c h e u r s l a u s a n n o i s . Seul un c r i m e i n e x p l i q u é , ou d o n t la v i c t i m e r e s s e m b l e en t o u s p o i n t s à la p e r s o n n e i n t e r r o g é e , p e u t a c c r o î t r e le s e n t i m e n t subjectif d ' i n s é c u r i t é . Q u a n d le j o u r n a l relate l'assassinat d ' u n d e a l e r d a n s les r u e s q u e l'on e m p r u n t e h a b i t u e l l e m e n t , on ne se s e n t p a s p o u r a u t a n t

m e n a c é si l'on est é t r a n g e r au milieu d e la d r o g u e .

Les victimes d'une agression ne sont pas davantage

désécurisées

Les p e r s o n n e s a y a n t subi u n délit au c o u r s des cinq d e r n i è r e s a n n é e s ne se sentent pas plus désécurisées q u e les a u t r e s , m o n t r e l'enquête pilotée p a r M a r t i n Killias. Tout au plus les victimes de vols évitent-elles plus fré­

q u e m m e n t certaines r u e s le soir. Il se p e u t aussi q u e les victimes aient pris

davantage de risques qu'une personne

«moyenne», et q u ' a p r è s u n e expé­

rience m a l h e u r e u s e , leur sentiment d ' i n s é c u r i t é r e j o i g n e la n o r m e . D ' a u t r e s é t u d e s ont d'ailleurs m o n t r é que ce n'est qu'au bout de la deuxième ou de la troisième agression q u e la p a n i q u e c o m m e n c e à se manifester.

La confiance des Suisses

La Suisse, après la Suède et - bizar­

r e m e n t - l'Inde, est le pays où les gens se sentent le plus en sécurité lors de p r o m e n a d e s n o c t u r n e s . Suivent l'Au­

t r i c h e , la F r a n c e , la H o l l a n d e , l'Irlande, les E t a t s - U n i s , le C a n a d a , l'Ecosse, l ' O u g a n d a , la Géorgie, la G r a n d e - B r e t a g n e , et, tout en q u e u e de classement, la Yougoslavie, la Rou­

manie, la Bolivie, l'Afrique du sud, la Lettonie et la Russie. Les pays de l'Est sont les «moins sûrs» avec 7 0 % de personnes qui se sentent désécurisées, ce qui s'explique sans d o u t e p a r la forte a u g m e n t a t i o n de la criminalité depuis la fin du c o m m u n i s m e , et l'inexpérience de la population face à ces n o u v e a u x risques.

Jacques-Olivier Pidoux

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

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(6)

La peur du crime en Suidée romande

JUSTICE

«Surtout, pas

On entend de plus en plus de gens faire l'amalgame étranger égale criminel. Vrai ou faux?

Le point avec Martin Killias,

qui enseigne à l'Institut de criminologie de l'Université de Lausanne.

Lej étrangers commettent-ib davantage d'infràctbnà que led Suidded ?

Selon les statistiques et les sondages menés par notre institut, on constate en effet une participation dispropor­

tionnée des immigrés au crime. Cela provient notamment du fait que la majorité des requérants d'asile sont des hommes jeunes, soit la catégorie qui perpètre le plus de crimes, tous pays confondus. Un autre facteur est la mon­

dialisation de la criminalité consécutive à la mondialisation de l'économie. Les criminels sont devenus plus mobiles, à l'instar des hommes d'affaires, des intellectuels ou des universitaires. La Suisse fait aujourd'hui face à une cri­

minalité transfrontalière plutôt qu'à une criminalité «d'immigrés».

La débâcle économique en Europe de l'Edt joue-t-elle auddi un rôle?

Certainement. Beaucoup de ressor­

tissants de ces régions viennent cher­

cher un peu de prospérité dans la riche Europe de l'Ouest. Ne trouvant pas de travail chez nous, et sachant qu'ils n'ont aucune chance d'être admis à long terme, ils sont tentés par des activités illégales qui offrent des perspectives de gains extrêmement intéressantes.

Lejquellej ?

Proxénétisme et trafic de drogue.

L'Italie est une pépinière dans le domaine. Tout un pan de la prostitu­

tion se déroule dans les parcs publics et les forêts proches des grands axes routiers. Ce qui nécessite toute une logistique pour conduire les prostituées

a A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

d'angélisme!»

dans les bosquets, les surveiller, etc. Un immigré trouvera facilement un tel job, alors qu'il aura toutes les peines du monde à décrocher un emploi légal. Et avec un peu de chance, il peut rapide­

ment gagner beaucoup d'argent.

Edt-ce la même chode en Suidde ?

Il y a des nuances, mais l'économie illégale est devenue chez nous aussi relativement attractive, surtout pour des sans-papiers. Les immigrés com­

prennent vite qu'ils peuvent accumu­

ler de jolies sommes en un temps re­

cord. Et même s'ils finissent par se faire expulser, le jeu en vaut la chandelle.

Mais que l'on me comprenne bien : mon propos n'est pas de vilipender les étran­

gers ou de leur faire la morale. J e pense au contraire que leur comportement est parfaitement rationnel : dans les années 1960-1970, les travailleurs étrangers arrivaient en Suisse, trouvaient immé­

diatement un emploi, économisaient vingt ou trente ans, le temps de se constituer un capital, puis rentraient au pays mener une vie confortable. Cela valait la peine de s'investir à long terme.

Aujourd'hui, c'est fini. Les lois d'immi­

gration sont draconiennes partout en Europe, le marché du travail est bou­

ché, surtout p o u r les non-qualifiés, et ceci même p o u r du temporaire. Raison p o u r laquelle beaucoup d'étrangers entrent dans l'économie souterraine.

C'est un choix parfaitement rationnel.

Que faire pour combattre cette dituation ?

Egaliser les niveaux de vie entre l'Est et l'Ouest de l'Europe. Une anec­

dote illustre bien le p h é n o m è n e : der­

nièrement, des magasins de mode de la région lucernoise ont été cambriolés.

Des tonnes de vêtements et des kilo­

mètres de bas de femmes ont été déro­

bés. Cela semble absurde. Et pourtant, ce type d'articles possèdent une valeur marchande considérable dans les pays de l'Est. De la même manière, plusieurs cabinets de dentistes de Zurich ont été méticuleusement pillés, et sans doute revendus au détail à l'Est.

D'autre\i medured?

J e préconise une action policière plus énergique pour éviter que des quartiers entiers soient livrés à l'éco­

nomie souterraine et deviennent invi­

vables p o u r les habitants. Il convient aussi d'assurer une bonne intégration des immigrés qui s'installent en Suisse, afin qu'ils ne soient pas tentés par l'illé­

galité. Et surtout, ne nions pas le pro­

blème de la criminalité des étrangers.

Pas d'angélisme!

A cet égard, il edt frappant de remarquer que l'UDC ut la deule formation politique à aborder le

thème de la criminalité ded étrangère. Led autred partit ée taident...

Oui, et c'est très grave. Les élites perdent leur crédibilité en occultant une réalité qui préoccupe les gens. Il est urgent que les autres partis inter­

viennent dans ce débat qui recouvre un problème réel et affecte beaucoup de Suisses : les habitants de certains quar­

tiers urbains souffrent d'un taux de cri­

minalité plusieurs fois supérieur à la moyenne de la ville ! Les gens aisés s'en vont. Les autres restent par manque de

moyens financiers. Au bout du compte, ce sont les Suisses défavorisés qui souf­

frent le plus des problèmes pratiques liés à l'immigration. Pire, on les montre du doigt q u a n d ils votent U D C , alors que leur vote exprime peut-être le sen­

timent d'être délaissé par les Suisses aisés et bien pensants. Il faudrait plu­

tôt leur manifester de la solidarité.

Comment?

Par exemple, dans le cadre de l'école, en mélangeant les élèves des quartiers défavorisés avec ceux des quartiers résidentiels. Cela nécessite­

rait la mise en place de bus scolaires, comme on les connaît par exemple dans la campagne vaudoise, mais ainsi, chaque école accomplirait sa part du travail d'intégration des étrangers, et non plus exclusivement les écoles des quartiers pauvres.

Propos recueilli)

par Jacques-Olivier Pichux

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0 9

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S C I E N C E S И Н Н

Un faux venin d'abeille

pour tromper

A cause de leur venin qui provoque des allergies particulièrement virulentes, les abeilles, frelons et bourdons suisses

font chaque année plus de victimes que tous les serpents du pays

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

I / été d approche. Mille tendred poudded germent dand le décret du dol.

Hélad, guêped, abeilled etfrelond four- biddent auddi leur aiguillon, réel dan­

ger pour led allergiqued. Un danger combattu par ded chercheurd laudan­

noi) qui expérimentent un traitement prometteur.

T

rente milligrammes de vie! C'est l'ahurissante légèreté d'une abeil­

le. Avec l'ours et le loup, cette bête si menue fait partie des rares espèces ani­

males encore capables de faire fuir le brave mammifère que nous sommes.

Et encore est-elle insensible au fusil.

La situation serait cocasse si la dou­

loureuse piqûre n'était pas parfois mortelle. Et même plus souvent qu'on l'imagine.

Plus dangereux que les serpents

En Suisse, guêpes, abeilles et frelons font bien plus de victimes que les ser­

pents indigènes réunis. Ce n'est pas que le venin des hyménoptères soit si vio-

•> P-13

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Un faux venin d'abeille pour tromper l'allergie

SCIENCES

Ces insectes

qui nous en veulent

Daniel Cherix, conservateur du Musée de zoologie et pro­

fesseur extraordinaire à l'Institut d'écologie de l'Université de Lausanne, sait parler des insectes, même de ceux que nous détestons, avec l'affection du naturaliste et l'émerveillement du scientifique contemplatif. Nous l'avons suivi dans l'uni­

vers des bêtes piqueuses et suceuses.

Ils veulent du sang.

Guêpes et abeilles ne sont pas seules à nous harceler, explique

Daniel Cherix. «De nombreuses espèces parasites ont besoin du sang des m a m m i f è r e s pour se nour­

rir ou pour parachever une phase de l e u r développement. C'est le cas des taons, d e s m o u s t i q u e s , des punaises.» La punaise des lits, qui pullulait autrefois, est loin d'avoir disparu. «Grâce à son corps aplati, elle se faufile partout. O n la recon­

naît parce qu'elle pique indiffé­

remment sur tout le corps.»

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 Q O O

La guêpe : attaque rangée

Rien ne la pousse à s'en prendre à l'homme, raconte Daniel Cherix. La guêpe est chasseuse.

Elle utilise son aiguillon pour occire ses victimes, ou alors pour détendre son nid de carton, sus­

pendu ou souterrain. S'il est si dan­

gereux de déranger un nid, c'est que l e s g u ê p e s - c o m m e lesabeilles ou les fourmis - communiquent e n t r e elles p a r d e s o d e u r s .

Lorsqu'une guêpe pique, elle émet une substance d'alarme qui excite ses congénères. En quelques secondes, des milliers d'individus p e u v e n t se m o b i l i s e r c o n t r e l'intrus, et le poursuivre dans sa fuite jusqu'à une cinquantaine de mètres du nid. Mieux vaut courir vite : sans vent, la guêpe vole à quelque 30 km/heure!

Un seul moyen de délivrer

les personnes allergiques aux piqûres d'abeilles : la désensibilisation

lent. En temps normal, un animal de notre taille est capable de supporter bien des piqûres simultanées. Si les injections de ces insectes sont si redou­

tables, c'est qu'elles contiennent des substances qui p r o v o q u e n t des aller­

gies particulièrement méchantes. Pour les quelques pour-cent de la population qui ont développé cette sensibilité, une seule piqûre présente un risque.

La médecine n'a qu'une seule arme pour délivrer les infortunés du dard de Damoclès : la désensibilisation. Ce trai­

tement consiste à injecter les substances responsables de l'allergie (les allergè- nes) en quantités croissantes, jusqu'à ce que le corps s'y soit «habitué».

Ce remède de cheval, s'il permet à b e a u c o u p de profiter sans crainte des joies de l'été, n'est pas d é p o u r v u de

dangers. D e s statistiques américaines montrent que 30 % des patients suivant une cure de désensibilisation rapide au venin d'hyménoptère sont victimes d'un incident allergique! M ê m e les traitements plus doux - et p a r consé­

quent plus longs - connaissent 10 % de réactions plus ou moins graves au cours des injections.

Cob;

L y e s _ m m a i n s

Voilà qui d o n n e une idée de l'inté­

rêt des recherches menées p a r u n e équipe pluridisciplinaire du C H U V et de l'Université de Lausanne. Médecins et biochimistes ont mis au point un trai­

tement p r o m e t t e u r qui vient d'être administré p o u r la première fois sous cette forme à l'homme. Cette percée est

le fruit d'une collaboration voulue en 1994 entre l'Université de Lausanne, le C H U V et l ' E P F L . A cette époque où la transdisciplinarité s'impose de plus en plus, les trois institutions déci­

dent de lancer une série de projets de recherche communs.

Parmi ces derniers, l'étude de Fran­

çois Spertini, médecin adjoint de la Division d'immunologie du CHUV, et de son collègue Giampietro Corradin, maître d'enseignement et de recherche à l'Institut de biochimie de l'Univer-

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

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Un faux venin d'abeille pour tromper l'allergie

SCIENCES

Le frelon

s i t e de L a u s a n n e . Les d e u x scienti­

fiques se p r o p o s e n t de mettre à p r o ­ fit la chimie du vivant p o u r mieux comprendre le mécanisme de la désen­

sibilisation. Ils ont même l'espoir de mettre au point des injections qui ne risquent pas de p r o v o q u e r de réaction allergique.

«Les p r o d u i t s utilisés p o u r les cures classiques contiennent les aller- gènes natifs, tels qu'on les trouve dans le venin, explique François Spertini.

Le t r a i t e m e n t consiste à injecter ces substances en q u a n t i t é s juste assez faibles p o u r ne pas déclencher la réac­

tion allergique. N o t r e b u t était de t r o u v e r des s u b s t a n c e s p r o c h e s de l'allergène d'origine, capables de

désensibiliser, mais qui ne puissent pas p r o v o q u e r la crise allergique.»

Première piqûre :

l'allergique s'ignore encore

P o u r c o m p r e n d r e les essais des mé­

decins et biochimistes lausannois, il vaut la peine de suivre pas à pas le développement d'une allergie. Q u i dit désensibilisation s o u s - e n t e n d qu'il y a eu sensibilisation. C'est effective­

m e n t p a r cette p r e m i è r e réaction q u e c o m m e n c e t o u t e allergie. Elle a lieu lorsque la s u b s t a n c e responsable, l'allergène, p é n è t r e p o u r la p r e m i è r e fois d a n s le corps. P a r exemple la p r e m i è r e fois q u ' u n enfant se fait p i q u e r p a r u n e abeille.

Appelé «talène» dans le canton de Vaud, le frelon est une grosse guêpe. «Sa taille est respectable et ses glandes à venin sont forcément plus volumineuses que celles d'une guêpe, admet Daniel Cherix. O n dit que trois talènes tuent un che­

val, ce qui est probablement exa­

géré. Les frelons sont beaucoup moins agressifs que les guêpes. J e connais un paysan qui a laissé se développer un nid sur une poutre, à l'entrée de sa grange, jusqu'à ce qu'il devienne énorme: 3 0 0 0 0 indi­

vidus peut-être. L'agriculteur n'a jamais été attaqué, malgré toutes ses allées et venues.»

- <

François Spertini, médecin adjoint de la Division d'immunologie du CHUV

1 4 A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

En a p p a r e n c e , ce p r e m i e r contact ne déclenche a u c u n e réaction p a r t i ­ culière, hormis l'enflure et la d o u l e u r dues a u x toxines du venin. M a i s le système de défense du corps, ce fameux système immunitaire qui nous p r o t è g e des maladies, ne reste p a s inactif d e v a n t cette s u b s t a n c e à laquelle il va s'opposer.

Le ballet des cellules chargées de défendre le corps se met en m a r c h e . Les «macrophages», g o b e u r s d'intrus, les globules blancs du sang et a u t r e s

«lymphocytes» se m e t t e n t à décorti­

q u e r l'allergène, et à p r é p a r e r une défense p o u r le cas où ce même intrus se présentait à n o u v e a u a u x portes du corps. Ces préparatifs seraient salu­

taires si l'allergène était un virus d a n ­ g e r e u x . M a i s le corps de l'allergique

«exagère». Il lève u n e a r m é e p o u r chasser un m o u c h e r o n .

Deux semaines pour armer le mécanisme

La course à l'armement p r e n d un certain temps, p e n d a n t lequel l'orga­

nisme est encore incapable de réagir à une nouvelle piqûre. P o u r certaines allergies, ce délai de latence peut durer plusieurs années. Ce qui explique par exemple q u ' u n allergique aux poils de chat ne devienne sensible à son ani­

mal q u ' a p r è s bien des mois de collo- cation. P o u r les guêpes et abeilles, la latence est en principe c o u r t e : dix à

quinze jours après sa première abeille, notre allergique est déjà prêt à réagir à la moindre piqûre nouvelle.

Son organisme a fabriqué en quan­

tités anormales des petits «déclen­

cheurs» (l'Immunoglobuline E) prêts à réagir à la présence de l'allergène.

Q u e ce dernier montre le bout de son nez, et l'arsenal de défense est mis à feu. C'est alors la réaction allergique et ses manifestations plus ou moins graves: réactions cutanées loin de la zone de la piqûre, gonflements, crises d'asthme, chutes de pression sanguine, vertiges et évanouissements, ou même pertes de connaissance.

La désensibilisation consiste à «habi­

tuer» à l'allergène les cellules chargées

Le bourdon : joli, mais piqueur

Avec son corps velu et balourd, ce vagabond des champs fleuris est presque mignon, observe Daniel Cherix. O n le considère d'ailleurs comme inoffensif. A t o r t : les ou­

vrières bourdons possèdent un aiguillon. Cependant, «elles sont si pacifiques qu'il faut vraiment i n s i s ­

ter pour les décider à piquer».

Les nids de bourdons meurent à l'automne. Chaque printemps, comme chez les guêpes, les nou­

velles femelles fécondées qui ont passé l'hiver créent les nouvelles

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

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Un faux venin d'abeille pour tromper l'allergie S C I E N C E S

d'identifier les intrus. De guerre lasse, elles cessent peu à peu de sécréter l'Immunoglobuline déclencheuse. Le risque du traitement, c'est d'activer les déclencheurs restants par une trop grande quantité d'allergène. Nous voilà au cœur du problème qui a occupé les chercheurs lausannois pendant six ans : titiller les «détecteurs d'intrus» sans activer les «déclencheurs».

Phospholipase, qui es-tu?

Parmi les quatre allergènes impor­

tants du venin d'abeille, les scienti­

fiques lausannois en ont choisi un, déjà bien connu et r é p o n d a n t au nom bar­

bare de «phospholipase». La molécule de cette substance perfide est consti­

tuée d'un long filament entortillé en forme de pelote (voir illustrations, ci- contre).

D a n s un premier temps, François Spertini et G i a m p i e t r o C o r r a d i n recherchent les zones actives de ce fila­

ment, les fragments qui seraient res­

ponsables de la réaction allergique.

«Nous en avons découvert de mul­

tiples, commente l'immunologue. En plus d'être nombreuses, ces zones ne sont pas les mêmes d'un allergique à l'autre! » Autant dire que toute la lon-

Les scientifiques lausannois ont particulièrement travaillé

sur la phospholipase, l'un des quatre allergènes importants du venin d'abeille

g u e u r de cette «phospholipase» a son importance.

En laboratoire, les équipes lausan­

noises reproduisent alors trois portions du filament (peptides). Trois longs morceaux qui, mis bout à bout, repro­

duisent exactement le brin original complet (en bas sur l'illustration).

Seule différence: les molécules artifi­

cielles ne se pelotonnent plus. Elles res­

tent élégamment étendues. «Pour évi­

ter de d é c l e n c h e r u n e r é a c t i o n allergique, précise le médecin lausan­

nois, nous avons été amenés à utiliser de longs fragments d'allergène dépe­

lotonné. Là, nous avons dû perfec­

tionner les techniques de production et de purification de ces peptides, une

La phospholipase à l'état brut.

Cette molécule est l'une de celles qui provoquent l'allergie au venin d'abeille. En bas, les trois fragments dépelotonnés que les chercheurs lausannois ont injecté à l'homme

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

Le venin d'abeille n'est qu'un modèle pour les chercheurs. A l'avenir, leur méthode devrait également traiter d'autres allergies, par exemple

le rhume des foins

a p p r o c h e originale à Lausanne.» Les c h e r c h e u r s nourrissent alors l'espoir que leurs extraits artificiels n'activent pas les «déclencheurs» de l'allergie, mais qu'ils p r o v o q u e n t tout de même la désensibilisation.

Tests encourageants

Les premiers tests in vivo pratiqués chez des souris sensibilisées au venin d'abeille sont très encourageants. Non seulement les petits mustélidés sup­

portent très bien le traitement, mais ils montrent des signes évidents de désen­

sibilisation. Les pauvres bêtes qui reçoi­

vent en parallèle l'allergène original, comme dans une désensibilisation classique, n'en mènent pas large.

Chaque injection manque de les faire passer de vie à trépas. Plusieurs fois de suite, la seringue fait chuter leur tem­

pérature corporelle de 38 à 32 degrés!

L'innocuité et l'efficacité du produit lausannois une fois établies chez la sou­

ris, l'étude clinique peut démarrer.

L'abeille, la kamikaze

L'aiguillon de l'abeille domes­

tique a la forme d'un harpon, note Daniel Cherix. Lorsqu'elle l'utilise contre un autre insecte, ou même contre des individus d'autres ru­

ches, elle peut s'en servir à plusieurs reprises. En revanche, elle ne pour­

ra pas le retirer si elle l'a bien enfoncé dans de la peau humaine.

Si elle s'échappe, c'est pour aller mourir plus loin : elle laisse dans la plaie ses glandes à venin, son aiguil­

lon et une partie de son abdomen.

En cas de piqûre, il taut retirer d é l i c a t e m e n t l'aiguillon avec l'ongle, sans pincer, pour éviter de s'injecter le reste du venin. Cette courte opération terminée, un coup de langue à l'endroit de la piqûre fera d i s p a r a î t r e la s u b s t a n c e d'alarme déposée par l'abeille. His­

toire d'éviter d'exciter toutes ses congénères.

Selon François Spertini, un passage aussi rapide aux tests sur l'homme a été possible grâce à «la grande pureté des fragments d'allergène produits par l'Institut de biochimie, et la grande sécurité de la technique de fabrication mise au point».

U n e quinzaine de patients allergi­

ques d o n n e n t leur accord p o u r béné­

ficier du nouveau traitement. «Aucun n'a présenté la moindre réaction aller­

gique lors de l'augmentation des quan­

tités injectées, alors qu'ils ont reçu des doses dix fois plus fortes que lors d'une désensibilisation classique! s'enthou­

siasme François Spertini. La sécurité du traitement paraît excellente à ce stade.»

Des résultats réjouissants

Les résultats sont d ' a u t a n t plus réjouissants que la technique utilisée p o u r r a i t s'appliquer à d'autres cas, comme l'indique le c h e r c h e u r : «Le venin d'abeille n'est q u ' u n modèle. Ce qui nous intéresse, c'est de pouvoir nous a t t a q u e r à d'autres allergies en utilisant le même principe.» Au r h u m e des foins, par exemple, dont on connaît bien les principaux allergènes.

«Mais attention, ce n'est pas la pana­

cée, avertit le scientifique. Ce traite­

ment n'est applicable qu'à des aller­

gies bien définies, p o u r a u t a n t que les substances allergènes soient connues. » Reste à passer le cap de l'industria­

lisation du processus. Impossible de chiffrer pour le moment le prix d'une préparation comme celle de l'Institut de biochimie. François Spertini est à la recherche de partenaires «non aca-

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

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Un faux venin d'abeille pour tromper l'allergie S C I E N C E S

La fourmi invente l'artillerie

La fourmi qui pique n'est pas une légende. La moitié des quelque 130 espèces suisses possèdent un aiguillon. «D'autres ont encore per­

fectionné cet organe, ajoute Daniel Cherix, Elles en ont fait un système de projection qui permet aux four­

mis des bois de lancer des jets d'acide formique à p l u s i e u r s dizaines de centimètres. Par rapport à l'injection, qui nécessite un contact direct avec 1 ennemi, le sys­

tème est nettement plus sûr! » démiques» pour transformer l'expé­

rience en traitement, le produit expé­

rimental en vaccin industriel.

Bien des questions attendent encore des réponses. Les patients qui ont suivi le traitement l'ont bien toléré et leur système immunitaire a bien réagi. Mais sont-ils protégés contre un venin réel, qui contient d'autres allergènes? Fau- dra-t-il compléter la préparation par d'autres molécules? Pourra-t-elle être administrée sans injection, p a r la voie des muqueuses du nez ou de la bouche?

Des interrogations auxquelles François Spertini espère pouvoir répondre un jour. Sans sombrer dans l'obsession p o u r a u t a n t : le chercheur tient à res­

ter médecin. «Je ne considérerai jamais un patient comme un «cas intéressant».

J e tâche de concilier la recherche et la pratique de la médecine, deux activi­

tés qui s'enrichissent mutuellement.»

Jean-Luc Vonnez

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H I S T O I R E

Jeux de mains, jeux

de Romains

combatd danglantd ont été auàdi organisée dand Led amphithéâtres de la Suiddegallo-romaine, notamment à Ave ne h ed, Nyon et Martigny. Coup de buccin dur ce phénomène mal connu à l'occasion de la dortie du film « G Lad lato r» (photo ci-deddud).

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0 1 9

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Jeux de mains, jeux de Romains

HISTOIRE

Le film «Gladiator» reconstitue l'affrontement des gladiateurs dans la plus

célèbre des arènes : le Cotisée de Rome

| ême si les amphithéâtres étaient

| JL y JL nombreux dans la «Suisse ro-

™- mande» antique, le célèbre «Ave César, f ceux qui vont mourir te saluent» n y a

| jamais retenti. D'abord, parce que les

| combats de gladiateurs n'y étaient pas

5 aussi fréquents qu'à Rome, mais encore parce que cette formule qui fait le bon­

heur des B D et des péplums n'a pas connu le succès que l'on croit.

Les historiens estiment aujourd'hui que le quotidien des gladiateurs était moins mélodramatique et plus silen­

cieusement meurtrier. Le légendaire

«morituri te salutant» n'aurait ainsi été prononcé qu'une seule fois à Rome, et c'était à l'occasion d'une mise en scène exceptionnelle comportant une bataille navale organisée pour distraire l'empe­

reur Claude. «Les textes nous disent d'ailleurs de lui qu'il ne levait jamais le pouce pour épargner un rétiaire, parce qu'il adorait lire la peur dans les

y e u x du gladiateur», explique Pierre Ducrey, archéologue et professeur d'histoire ancienne à l'Université de Lausanne.

Sept arènes en Suisse

La B D comme les péplums (et notamment le dernier en date, «Gla­

diator», sur les écrans des cinémas romands dès la mi-juin) n'ont en revanche pas menti quant à la fasci­

nation que ces spectacles farouches exerçaient sur les foules de l'Antiquité, et notamment les 50'000 spectateurs qui s'agitaient sur les marches du Coli- sée de Rome. «Selon la formule «Panem et circenses», il faut offrir du pain et des divertissements au peuple, d'où les deux piliers du pouvoir romain : le ravi­

taillement en blé de la capitale Rome et l'organisation des jeux», commente Pierre Ducrey.

Ce «deuxième pilier», les habitués des sept a m p h i t h é â t r e s «suisses»

(voir encadré en page 26) en ont éga­

lement profité, même si les spectacles proposés étaient moins sophistiqués qu'à Rome. « Q u ' u n petit pays comme le nôtre compte a u t a n t d'amphi­

théâtres est déjà révélateur de l'impor­

tance q u ' a pu p r e n d r e ce p h é n o m è n e dans nos contrées», observe Daniel Paunier, professeur d'archéologie des provinces romaines à l'Université de L a u s a n n e .

Course à la surenchère

«Faute de témoignages antiques, nous ne savons pas précisément quels étaient les types de spectacles offerts par les magistrats de la région, explique Daniel Paunier. Mais il est certain que les sommes investies étaient beaucoup plus modestes qu'à Rome. A la place des combats à grand spectacle, des batailles rangées et des affrontements d'animaux exotiques, les Gallo-Romains assistaient plus probablement à des chasses d'ours, de sangliers, de cerfs

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0

Pierre Ducrey, archéologue et professeur d'histoire ancienne à l'Université de Lausanne

Ce que Led

Romain** en diraient

Jn p a y s a n à l ' a m p h i t h é â t r e

«J'ai vu monterjtuqu 'au ciel un

amphithéâtre de poutre*) assemblées ¿1 haut qu'il dominait presque le faîte du Capitale (...) Je me suis mis parmi le peuple en simple bure brune,

qui de presse autour des sièges des femmes (...) J'ai eu le spectacle de

veaux marins aux prises avec des ours, et d'animaux qu'on pourrait appeler chevaux, mais difformes et qui naissent dans un fleuve (réd.: des hippopotames). Ah! avec quelle peur, bien des fois, les yeux fixés sur les parties de l'arène qui s'affaissaient

(réd.: il y avait un système de trappes dans l'arène), j'ai vu du gouffre terrestre tantôt sortir des bêtes, tantôt grandir une forêt d'arbousiers à

l'écorce d'or.»

Calpurnius Slculus (VII, 25-72)

L e H e y s e l a v a n t l ' h e u r e

«A FIdènes (à 5 km au nord de Rome), un amphithéâtre avait été entrepris par un certain Atllliw, affranchi d'origine, qui avait dessein d y donner un spectacle de gladiateurs.

Il n'en assura pas les fondations (...) S'Il s'était chargé de cette affaire, c'était moins pour se rendre populaire que pour faire un gain sordide. Avides de ces spectacles et privés de plaisirs sous un prince comme Tibère (réd.:

comme II n aimait pas les jeux, Il réprimait ces dépenses), des gens de tous âges, hommes et femmes,

A L L E Z S A V O I R ! / № 1 7 J U I N 2 0 0 0 2 1

(13)

Jeux de mains, jeux de Romains

II ISTOIRI-:

ou de taureaux et à des affrontements de paires de gladiateurs.»

Les superproductions organisées dans la capitale pour les empereurs ont, quant à elles, pris des proportions qui dépassent l'entendement. Titus sacri­

fie ainsi 9000 bêtes au Colisée et Tra- jan organise des jeux d u r a n t 120 jours où il met en scène 11'000 animaux et ÎO'OOO gladiateurs pour célébrer son triomphe contre les Daces.

«Bien sûr, ces chiffres sont des maxi­

mums, observe l'archéologue lausan­

nois. Mais il suffit de les comparer aux spectacles donnés quelques décennies plus tôt pour mesurer une progression due à la surenchère: q u a n d Pompée organise des jeux spectaculaires pour l'époque, il programme 600 lions, 400 léopards et, nouveauté étonnante, un rhinocéros. César, quant à lui, se contente de 400 lions d'Afrique mais aussi d'une girafe, animal présenté pour la première fois au public, pour célé­

brer son triomphe sur la Gaule.»

Les combats de femmes et de nains

Cette prolifération des acteurs dans l'arène romaine se double d'une explo­

ration graduelle des méandres des per­

versions humaines. Pour rassasier un public vite blasé, les organisateurs mul­

tiplient les raffinements. Le bizarre côtoie le luxe, et l'exotisme se mesure

La course de chars, un des ingrédients indispensables

du peplum

Ces mosaïques d'animaux sauvages ont été découvertes

à Vallon (Fribourg).

L'ours, le taureau et le cerf attaqué ici par un chien

figuraient

régulièrement au programme des arènes suisses

^ ^ ^ ^ ^

'mLm

K l

au passé, comme le montrent ces ren­

contres improbables entre des gladia­

teurs armés à l'ancienne et des tigres ou des hippopotames. Sans oublier ces chasses mémorables où des femmes et des nains jouent les vedettes.

C'est que les femmes descendaient également dans l'arène. Le poète M a r ­ tial, Dion Cassius et Suétone évoquent ainsi les exploits de ces combattantes qui ont égorgé des lions, un acte de bra­

voure considéré comme digne d ' H e r ­ cule avant qu'il ne soit ainsi «banalisé»

dans un amphithéâtre. D'autres sour­

ces parlent de combattantes juchées sur

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des chars, et même de Romaines qui s'entraînaient avec les gladiateurs ou qui venaient s'encanailler nuitamment auprès de ces solides gaillards.

Pas de chrétiens dans les arènes suisses

En sus de ces combats plus ou moins équilibrés, l'amphithéâtre servait éga­

lement de décor à diverses exécutions (prisonniers de guerre ou criminels de droit commun obligés de s'entretuer jusqu'au dernier, ou encore chrétiens exécutés pour leur foi). Ce dernier spec­

tacle, fréquent à Rome, a très proba­

blement été épargné à nos ancêtres. Et pour cause: «Le christianisme n'ap­

paraît guère chez nous avant le I Ve siècle, à une époque où les jeux sont déjà

sur le déclin », explique Daniel Paunier.

Le seul martyre attesté non loin de nos frontières est celui de Blandine, qui fut livrée aux bêtes avec 47 autres compa­

gnons d'infortune en 177 à Lyon.

F a u t e de c h r é t i e n s et de j e u x m o n u m e n t a u x , les G a l l o - R o m a i n s ont plus p r o b a b l e m e n t assisté à des chasses, à des c o m b a t s h o m m e - a n i ­ mal et à des affrontements de gla­

d i a t e u r s . C'est du moins ce q u e sug­

g è r e n t u n e m o s a ï q u e r e t r o u v é e à Y v o n a n d (elle m o n t r e un venator, le g l a d i a t e u r - c h a s s e u r qui excite d e s bêtes s a u v a g e s avec u n e crécelle) et l'étude des o s s e m e n t s d é c o u v e r t s d a n s les a m p h i t h é â t r e s suisses.

A la n o t a b l e e x c e p t i o n d ' u n d r o ­ m a d a i r e , d o n t les restes ont été

Daniel Paunier, professeur d'archéologie des provinces romaines à l'Université de Lausanne

accourent avec empressement. Le désastre n'en fut que plus grave. La masse de La construction était bondée quand elle se disloqua (...) 50'000 individus furent estropiés ou écrasés dans cette catastrophe.»

Tacite, Annales, IV, LXII Cicéron avocat

des gladiateurs

«Les gladiateurs, c'est-à-dire des gens sans aveu ou des barbares, quels coups n'endurent-lbpas? (...) Même couverts de blessures, Ils envolent demander à leur maître quels sont leurs Intentions (réd.: à l'époque, l'entraîneur des gladiateurs, ou lanlste, décide de la sanction à Infliger au vaincu : une brûlure au fer, le fouet, les chaînes ou l'égorgement).

En est-Il qui aient eu une attitude honteuse, non seulement dans la lutte, mais lorsqu'ils allaient à terre; qui, une fols à terre, aient rentré le cou lorsqu'ils avaient reçu Tordre de tendre la gorge"! Telle est la puissance de l'entraînement, de l'étude, de l'habitude. Et si «un Samnite, un vil Individu bien digne d'un métier aussi misérable» (réd.: c'est un vers de Luclllus) a tant de courage, est-ce que l'homme né pour la gloire souffrira que le moindre point faible de son être moral ne soit pas fortifié par l'étude et la raison?»

Cicéron, Tusculanes, II, 41 La sanglante pause

de midi

«Le hasard m'a fait tomber en plein spectacle de midi (...) Finie

maintenant la bagatelle! C'est le pur et simple assassinat. Les combattants

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Jeux de main.), jeux de Romaind

HISTOIRE

Ce dompteur de lion (photo) comme le dresseur de fauves avec fouet ci-dessous à gauche

nous viennent de Vallon.

On y trouve encore un exemple rarissime de gladiateur à la hache (ci-dessous à droite).

Quant au combat de gladiateurs avec mise à mort d'un rétiaire (ci-dessous au

centre), il a e'te' retrouve' à Augst

r e t r o u v é s à Augst, les spectacles p r o ­ v i n c i a u x utilisaient l a r g e m e n t les espèces de la région ( t a u r e a u x , o u r s , cerfs, biches, a u r o c h s , lièvres...) plus faciles à c a p t u r e r et moins chères. U n m e n u parfois r e h a u s s é p a r l'élabora­

tion de d é c o r s d a n s l'arène (des col­

lines ou des forêts) qui p e r m e t t a i e n t de proposer un spectacle plus réaliste, voire de créer des effets de mise en scene.

Les spectacles non mortels

«La mort n'était pas toujours au me­

nu, ajoute Daniel Paunier. Les spec­

tacles pouvaient également comporter des aspects plus proches du music-hall ou du cirque d'aujourd'hui. Nous avons notamment retrouvé des images de dompteurs au sens moderne du terme, où l'un d'entre eux se laisse embrasser par un tigre.»

D a n s nos contrées, ces dompteurs peuvent devenir dresseurs d'ours. Une profession dont l'existence est attestée par une stèle mortuaire retrouvée à Zurich, qui fait référence à des ursa- rii, des dompteurs de plantigrades tra­

vaillant probablement à l'amphithéâtre de Vindonissa.

Ferox, Fulgur et Ursius

Il y a fort à parier que les habitués des amphithéâtres d'Avenches, de Nyon et de Martigny n'ont pas été pri­

vés de combats de gladiateurs. Ces der­

niers sont indirectement attestés par une mosaïque d'Augst qui présente un affrontement violent. Et par l'éton­

nante découverte d'Aubonne : un relief en pierre qui montre un combat entre

deux gladiateurs, probablement arra­

ché d'un mur des arènes de Nyon.

Pas trace, en revanche, de sépulture de gladiateur tombé dans une arène suisse. Les fouilles n'ont livré aucune de ces stèles funéraires découvertes ailleurs en Gaule et si riches en informations.

Elles nous rappellent ainsi que certains gladiateurs pouvaient remporter de nombreuses victoires - l'un d'entre eux en comptabilise 50 - , ce qui ne les empê­

chait pas de mourir jeunes. O n y découvre aussi que ces combattants por­

taient des surnoms qui les accompa­

gnaient jusque dans la tombe, tels Ferox, Fulgur (rapide comme l'éclair) ou Ursius (qui a la force de l'ours).

Des origines étrusques

Clou des jeux, les combats de gla­

diateurs en étaient également l'exercice fondateur, précise Pierre Ducrey : «On attribue généralement l'origine de ces affrontements aux Etrusques qui orga­

nisaient des cérémonies funéraires (les ludi) où l'on se battait à mort en mémoire d'un défunt. Ces pratiques sont très différentes des paisibles concours gymniques grecs dont les pre­

miers sont évoqués dans «L'Iliade»

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Certains empereurs romains comme Commode

étaient des inconditionnels des spectacles de gladiateurs

après la mort de Patrocle et où le meilleur doit l'emporter.»

De la pratique des ludi étrusques, on dérive lentement vers les munera romains, «des cérémonies que devaient

f i n a n c e r les édiles d'une communauté et qui impliquaient des combats de gla­

diateurs. Au début, les gladiateurs se battaient un contre un, puis par paires, avant que les jeux soient de plus en plus richement dotés.»

La fin des jeux

Ces origines religieuses étaient encore évoquées (en tout cas prétex­

tées) à l'époque où J u l e s César orga­

nisait un spectacle à la mort d'un parent. Elles expliquent sans doute que

les jeux du stade aient été très peu cri­

tiqués. «La sensibilité des gens est très différente à l'époque romaine, assure Pierre Ducrey. O n peut la comparer à celle qui prévalait au tournant du X I Xe siècle en Chine où l'on assistait volon­

tiers à l'agonie interminable de c r i m i ­

nels qui subissaient les fameux sup­

plices chinois. Les c r i t i q u e s ne débutent qu'avec le développement du christianisme.»

Et encore restent-elles étonnamment modérées, estime Daniel Paunier.

«Certains chrétiens ont bien dénoncé la lubricité et la dégénérescence pro­

gressive des spectacles. D'autres ont protesté parce que ces jeux détour­

naient l'homme de la nécessaire recher­

che de son salut.»

Ces critiques, doublées de l'arrivée de c h r é t i e n s au pouvoir, ont-elles eu la peau des j e u x ? «On l'a dit. M a i s ce s o n t des raisons é c o n o m i q u e s , d a v a n t a g e q u e la c o n d a m n a t i o n morale, qui ont c o n d u i t à la d i s p a r i ­ tion de ces spectacles violents, cruels, et p o u r t a n t très populaires. La n a t u r e h u m a i n e a-t-elle v r a i m e n t c h a n g é a u j o u r d ' h u i ? A voir l'état du m o n d e , le d o u t e et le pessimisme ne p e u v e n t q u e s'imposer.»

Jocelyn Rachat

Ce manche de couteau retrouvé à Avenches (VD) montre la fin du combat, lorsque le secutor lourdement armé met à mort le rétiaire qui n 'avait qu 'un trident et un filet pour se défendre

n 'ont plus rien pour se couvrir. (...) Ce genre de spectacle intéresse le grand public davantage que le<)

exhibitions de paires de gladiateurs ordinaires ou favoris. Et la préférence se comprend. Ici, pas de calque, pas de bouclier qui n 'arrêtent le fer. Pourquoi des pièces de protection? A quoi bon des passes savantes? Tout cela ne fait que retarder la mort. (...) Sur ordre de la foule, chaque condamné à mort est exposé à celui (réd.: un autre condamné à mort) qui le tuera. Et l'on garde le survivant pour un nouveau meurtre. (...) Voilà ce qui se fait pour occuper l'arène vide.»

Sénèque,

Lettre à Lucilius, 7, 3-4.

Une mise en scène mythologico-sanguinolente

«De même qu'en Scythie, enchaîné à son rocher, Prométhée nourrit jadis l'insatiable oiseau de sa poitrine trop puissante, ainsi Lauréolus (réd.: le

héros d'un mime créé à l'époque de Caligula; ce voleur joué par un comédien finissait sur une croix, livré aux bêtes; un véritable criminel remplaçait l'acteur au moment du supplice) a offert sa chair en pâture à un ours de Calédonte. Ils vivaient, ces membres déchirés dont les fibres muselaient de sang (...) Bref, il a subi le supplice qu 'il méritait car un père ou un maître, la gorge transpercée, avait succombé à l'épée de ce m'uérable. (...) Par sa scélératesse, il avait surpassé les atrocités relatées par l'antique légende, cet homme pour lequel ce qui n 'avait encore été qu 'une fiction est devenu un châtiment réel. »

Martial, Spectacles, VII.

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