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Academic year: 2022

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Texte intégral

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SAVOIR ALLEZ

POLITIQUE

Élections fédérales : qui vote pour qui 16

ARCHÉOLOGIE

Astérix et les véritables guerriers gaulois 54

NUMÉRO

73 SOCIÉTÉ

Pourquoi les ados pratiquent le sexting 28

CES ARBRES QUI ENVIRONNEMENT

PIÈGENT LE CO 2

Le magazine de l’UNIL | Septembre 2019 | Gratuit

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L’EXP VO US ÉRIEN CE

AVEZ DE

ASPIRATIO NS

ONT DES ILS

TandemPRO

Le service du réseau mettant en relation les alumni qui

pratiquent un métier avec celles et ceux qui souhaitent l’exercer.

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ISSN 1422-5220

IMPRESSUM Magazine de l’Université de Lausanne

No 73, septembre 2019 unil.ch/allezsavoir Éditeur responsable Université de Lausanne Une publication d’UNICOM, service de communication et d’audiovisuel

Quartier UNIL-Sorge Bâtiment Amphimax 1015 Lausanne Tél. 021 692 22 80 allezsavoir@unil.ch Rédaction en chef Jocelyn Rochat, David Spring ( UNICOM ) Création de la maquette Edy Ceppi ( UNICOM ) Rédacteurs Mélanie Affentranger Sonia Arnal Patricia Brambilla Lysiane Christen Mireille Descombes Élisabeth Gordon Virginie Jobé-Truffer Noémie Matos Sabine Pirolt Nadine Richon Correcteurs Albert Grun Fabienne Trivier Direction artistique COBRA : Communication

& Branding Photographie Nicole Chuard Infographie Stephanie Wauters Illustration Eric Pitteloud ( p. 3 ) Couverture

Cristaux d’oxalate de calcium dans le bois, en microscopie électronique. © FGSE / UNIL et Getty images. Création Raoul Ganty (UNICOM) Impression

Genoud Arts graphiques, Le Mont-sur-Lausanne Tirage

17 000 exemplaires Parution

Trois fois par an, en janvier, mai et septembre Abonnements allezsavoir@unil.ch ( p. 4 ) 021 692 22 80

AU SECOURS, UNE RÉUNION !

«N

e vous trouvez jamais dans la même pièce qu’une dé- cision. » Cet extrait de la bande dessinée Dilbert, une série d’un cynisme ra- fraîchissant consacrée à la vie de bureau, résume l’état d’esprit qui règne dans les séances. L’auteur, Scott Adams, révèle même dans un strip que ces dernières sont devenues des formes de vie autonomes, qui, à la manière d’Alien, se reproduisent grâce à leurs hôtes humains !

Face à l’absurde d’un interminable meeting sans but, l’employé n’est toute- fois pas sans défense. L’une des tactiques consiste à dessiner, sur des carnets, des îles aux trésors imaginaires à la manière de Jules Verne. Une autre option ? Tracer assez de petits carrés pour dégoûter un adolescent scotché à Minecraft. Cette ac- tivité donne l’impression que l’on prend des notes tout en faisant passer le temps.

Pour les gens modernes, les jeux sur smartphone représentent une échappa- toire bien commode aux mortelles pré- sentations Power Point. Dans le registre radical, la suppression des chaises dans les salles raccourcit efficacement les ren- contres, mais privilégie un peu trop les sportifs.

L’idée que les réunions sont des fléaux coûteux, à éradiquer d’urgence, est bien ancrée. Pourtant, une discussion avec la professeure Stéphanie Missonier, direc- trice du Département des systèmes d'in- formation à la Faculté des hautes études commerciales, fissure cette conviction. En se basant sur la recherche, notamment en psycholinguistique, cette spécialiste de

la gestion de projet a mis au point, avec des collègues, un outil collaboratif visuel (lire en p. 42).

Cette Team Alignment Map (c’est son petit nom) est utile à la fois pour lancer un projet et pour assurer son suivi. Elle met au jour, grâce à des post-it que remplissent les participants pendant les séances, les pe- tites incompréhensions et les malentendus qui finissent par former une avalanche de mauvaises surprises. Cet outil nous fait ad- mettre au passage que la capacité de coor- dination n’est pas un talent inné. Plus sub- tilement, le simple fait de laisser – ou non – les employés afficher les problèmes et les risques au mur est révélateur de la culture qui règne dans l’organisation.

L’un des intérêts de la Team Alignment Map vient de sa genèse. Cet outil a été testé dans des entreprises, des ONG, des admi- nistrations. Les retours récoltés ont per- mis de l’améliorer petit à petit. C’est un bon exemple de ce que la recherche peut apporter quand elle se nourrit du terrain.

La carte se classe dans la catégorie des vi- sual inquiry tools, qui nous aident à empoi- gner des problèmes complexes, mal définis, dans le contexte mouvant d’aujourd’hui. Le Business Model Canvas concocté par Alex Oster walder et Yves Pigneur (professeur à la Faculté des HEC et Prix de l’UNIL 2019) appartient à cette famille.

Ludique (dans une certaine mesure), l’outil proposé par Stéphanie Missonier constitue un début de gamification du quo- tidien des collaborateurs. Même si cette carte ne peut pas faire des miracles, elle dissipe l’inefficacité des réunions. C’est déjà beaucoup. 

UN OUTIL VISUEL, DESTINÉ À RENDRE LES SÉANCES PLUS EFFICACES, A ÉTÉ DÉVELOPPÉ

DAVID SPRING Rédaction en chef

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NOM / PRÉNOM ADRESSE

CODE POSTAL / LOCALITÉ

TÉLÉPHONE E-MAIL

DATE ET SIGNATURE

JE M’ABONNE À « ALLEZ SAVOIR ! »

Pour s’abonner gratuitement à la version imprimée, il suffit de remplir le coupon ci-dessous et de l’envoyer par courrier à : Université  de Lausanne, UNICOM, Amphimax, 1015 Lausanne. Par téléphone au 021 692 22 80. Ou par courrier électronique à allezsavoir@unil.ch

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SOMMAIRE

EN DIRECT DU CAMPUS L’actualité de l’UNIL : événements, recherche, prix.

PORTFOLIO Nature, Fête des Vignerons, géologie.

GÉOSCIENCES Ces arbres qui piègent le CO2.

IL Y A UNE VIE APRÈS L’UNIL La force de la conviction.

Avec Rebecca Ruiz.

LAUSANNE Promenade dans la ville aux 250 parcs.

LIVRES Poésie, interdisciplinarité, médecine.

POLITIQUE Élections fédérales : qui vote pour qui.

6 12 16 21 22 28 33 34 41 42 47

ENTREPRISE Bonne nouvelle, les réunions ne sont pas inutiles.

LIVRE Ressources humaines,

sortir du bricolage.

LITTÉRATURE (Re)découvrir Catherine Colomb, en gourmet.

SAVOIR

Le magazine de l’UNIL | Septembre 2019 | Gratuit

ALLEZ !

48 53 54 60 62 63 64 66

MOT COMPTE TRIPLE

Extime, avec Violeta Mitrovic.

HISTOIRE Impossible d’échapper au Moyen-Âge.

ARCHÉOLOGIE Astérix et

le véritable bouclier gaulois.

HISTOIRE DE LA MÉDECINE Pourquoi certains chiens ressemblent à leur maître.

ENTRETIEN La formation continue est plus nécessaire que jamais.

LIVRES Guides de voyage, urbanisme, corps, conte, alimentation et écologie.

RENDEZ-VOUS Événements, conférences, sorties et expositions.

CAFÉ GOURMAND La révolte en douceur.

Avec Sophie Swaton.

SOCIÉTÉ Ados et sexting : une pratique presque ordinaire.

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UNE PASSION POUR LA NATURE

Depuis son enfance, Quentin Wenger s’intéresse à la nature. Un goût familial, nourri par les sorties en forêt du côté d’Échallens et par la lecture de La Petite Salamandre.

À l’origine, cet étudiant de master en Lettres ( Sciences des religions et histoire ) se destinait même à devenir ornithologue : il connaît les noms de toutes les espèces vivant en Suisse. Aujourd’hui, avec son reflex, cet amateur autorevendiqué de 23 ans alimente un compte Instagram avec des images prises sur le site de Dorigny. « Je ne pars pas à la recherche d’un sujet en particulier, mais je me laisse surprendre par ce que la nature me donne. » Motivé par sa passion, Quentin Wenger souhaite sensibiliser à la beauté de la nature sur le site de l’UNIL, et inciter ses usagers « à en prendre soin. Nous avons beaucoup de chance d’avoir un tel campus ! ». DS

1) Lézard des murailles 2) Abeille et fleurs de pommier 3) Écureuil roux

4) Primevère commune 5) Petite tortue 6) Troglodyte mignon

7) Le Grand et le Petit Muveran depuis le chêne de Napoléon

8) La Chamberonne PHOTOS QUENTIN WENGER

À SUIVRE SUR INSTAGRAM @NATURE_UNIL

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L’UNIL À LA FÊTE

Les « Cent pour Cent » entrent dans l’arène lors de la Fête des Vignerons à Vevey. Membre de cette troupe, Cédric Cramatte est enthousiaste : « C’est un magni- fique spectacle et une ambiance unique. » Tout comme ce cher- cheur à l’Institut d’archéologie et des sciences de l’Antiquité, de nombreuses personnes liées à l’UNIL ont pris part à l’événe- ment, en tant que figurants, pour le plaisir.

De plus, certains en ont fait un objet d’étude. C’est le cas de Dominique Vinck, professeur à l’Institut des sciences sociales.

Dans un ouvrage récent, ce der- nier s’est intéressé aux coulisses de la Fête. Qui sont les bénévoles et les professionnels qui l’ont pré- parée et comment relèvent-ils les défis que suppose l’organisation de la FeVi ? De quelle manière s’organise ce chantier colossal ? Comment marie-t-on la tradition et l’innovation, ou recrute-t-on les figurants ? Loin de la lumière de l’écran géant, le livre du chercheur de l’UNIL nous présente le monde des travailleurs de l’ombre. DS PHOTO LAURENT GILLIÉRON / KEYSTONE

MÉTIERS DE L'OMBRE DE LA FÊTE DES VIGNERONS.

Par Dominique Vinck.

Antipodes (2019), 360 p.

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LA VIE D’UNE RIVIÈRE DE MONTAGNE

En mai, des étudiants de la Faculté des géosciences et de l’environnement ont suivi un cours d’une semaine en Valais, dans le but de mettre en pratique les méthodes apprises à l’UNIL.

« Nous avons travaillé sur la Borgne d’Arolla, principalement entre Pramousse et Satarma, où son lit est très large », explique Sébastien de Meris, étudiant de master et participant au camp. Dans le cadre de l’exercice, il s’agissait de proposer des mesures de gestion des sédiments charriés par la rivière. Celle-ci se trouve dans un mauvais état écologique. En amont, la prise d’eau de Bertol Inférieur redirige une partie de l’eau pour les besoins de l’hydroélectricité.

Les changements climatiques sont également en cause.

Le groupe de Sébastien de Meris a été chargé de modéliser une digue destinée à mieux canaliser la rivière. « Ainsi, la Borgne ne s’étalerait plus. Son débit plus élevé lui permettrait de transporter davantage de sédiments. Au passage, cela limiterait l’érosion des berges et revitaliserait la plaine proche de l’eau. » DS

1) Le glacier de Tsijore Nouve, l’une des sources qui alimentent la Borgne d’Arolla.

2) Analyse des macro-invertébrés afin d’avoir une idée de la qualité de l’eau.

3) La base du GPS. Des points ont été relevés sur cinq tronçons de la Borgne, tous les 20 à 30 cm.

Cela a permis de réaliser un profil du cours d’eau.

PHOTOS SÉBASTIEN DE MERIS À SUIVRE SUR INSTAGRAM @SEBDEMERIS

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BRÈVES

Chercheur FNS au Centre des littératures en Suisse romande, Bruno Pellegrino est égale- ment l’auteur d’un touchant roman sur Made- leine et Gustave Roud, Là-bas, août est un mois d’automne (Zoé, 2018). Allez savoir ! en a dit beau- coup de bien dans le n° 69 (mai 2018). Le prin- temps dernier, ce jeune écrivain a été distingué par le Prix des lecteurs de la Ville de Lausanne 2019. Nous lui devons également Les mystères de la peur, un livre publié à l’occasion des portes ouvertes de l’UNIL de cette année (voir en 3e de

couverture). Le temple antique de Baalshamîn à Palmyre (Syrie) a été détruit par l’EI en 2015. Sa reconstruction virtuelle en 3D a été lancée par l'UNIL (lire Allez savoir ! 62). Mené par Patrick Michel et ses collègues de l'Institut d'archéolo- gie et des sciences de l'Antiquité (Faculté des lettres), le projet Collart-Palmyre fait désormais partie des 14 projets soutenus par l'Alliance in- ternationale pour la protection du patrimoine dans les zones en conflit (ALIPH). (RÉD.)

unil.ch/collart-palmyre

DE LA SUITE DANS LES IDÉES

ALLEZ SAVOIR ! VOUS EN A DÉJÀ PARLÉ TÉLÉVISION

LE CHIFFRE

PRÉCISION

54,7

mio. En francs, le crédit d’ouvrage pour financer l’agrandis- sement et la mise en conformité de l’Unithèque. Ces transforma- tions sont en bonne voie. En effet, la commission parlementaire can- tonale ad hoc appuie à l’unanimité le projet soumis par le Conseil d’État. Mis en service en 1983, la « Banane », lieu préféré des étu- diants à l’heure des examens, abrite la Bibliothèque cantonale et universitaire – site de Dorigny, une cafétéria et un restaurant.

Or, ce bâtiment ne correspond plus aux besoins actuels. Le pro- jet soumis propose d’augmenter le nombre de place de travail de 863 à 2000, de doubler l’espace de stockage et de permettre de ser- vir davantage de repas par service.

Une mise en conformité, du point de vue de la sécurité incendie et de l’efficacité énergétique, est également au programme. (RÉD.)

RENDONS À CÉSAR

L’inspiration de l’illustration de couverture du numéro 72 d’Allez savoir ! (mai 2019) provient de Les rêves, un ouvrage à destination des enfants dès 6 ans. Les au- teures sont Astrid Dumontet et Violaine Leroy. Ce documentaire est paru dans la collection Mes p’tites questions, aux Éditions Milan (2012). (RÉD.)

© FH&V © RTS/Anne Kearney

50 BOUGIES, ET UN WEBDOC

L’émission de la RTS Temps présent a fêté un demi- siècle d’existence en avril 2019. Pour l’occasion, Jean-Philippe Ceppi, producteur du magazine, a mandaté l’UNIL pour la réalisation d’un webdo- cumentaire interactif dévoilant les coulisses et les temps forts du magazine, véritable miroir de la société suisse. Les étudiantes en Lettres Ga- brielle Duboux et Jessica Chautems (à g. et à dr.

sur la photo), aidées par la doctorante en histoire

Roxane Gray (au centre), ont épluché les archives de Temps présent et rencontré les anciens et actuels contributeurs de l’émission, comme son fondateur Claude Torracinta (sur la photo). Elles ont défini les thèmes abordés, comme la place des femmes ou encore les tournages à l’international. Deux étudiants de l’Université de Neuchâtel ont réalisé la partie journalistique du webdocumentaire. NM bonus.rts.ch/temps-present/50-ans

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GAME OF THRONES OCCUPE DANS LES ANNÉES 2010 LA PLACE QU’AVAIT EUE LOST DANS

LES ANNÉES 2000, CELLE D’UNE SÉRIE QUI RÉUNIT UNE COMMUNAUTÉ DE FANS TRÈS IMPORTANTE ET QUI CRISTALLISE UNE PRODUCTION PROLIFIQUE DE DISCOURS SAVANTS ET PROFANES.

Mireille Berton, maître d'enseignement et de recherche à la Section d'histoire et esthétique du cinéma,  dans Le Courrier du 3 mai.

lix Imhof © UNIL

Du 5 au 9 août dernier, 450 jeunes du mou- vement Fridays For Future se sont rassem- blés à l’UNIL. Venus de toute l’Europe, ils participaient au sommet SMILE For Future, destiné à définir leur stratégie d’action. Lors d’ateliers et de séances plénières, les parti- cipants ont traité de sujets comme le plas- tique dans les océans, le Green New Deal, l'anxiété climatique ou la manière de pré- senter leur mouvement par exemple. Parmi

les personnes présentes se trouvait Greta  Thunberg, au centre d’une forte attention médiatique : l’on n’avait jamais vu autant de journalistes sur le campus. La Suédoise a rencontré l’un de ses admirateurs, le Prix Nobel Jacques Dubochet.

Plusieurs autres chercheurs de l’UNIL ont participé aux discussions lors de cette semaine. DS

smileforfuture.eu

GRETA THUNBERG À L’UNIL

CLIMAT DIPLOMATIE SCIENTIFIQUE

Alexandre Roulin, professeur à la Faculté de biologie et de médecine de l’UNIL, a été reçu par le pape Fran- çois le 11 mai 2019 en compagnie de ses collègues du projet « Chouettes pour la paix » : le professeur israé- lien Yossi Leshem (Université de Tel-Aviv), le général jordanien Mansour Abu Rashid et un représentant pa- lestinien. Durant une audience privée de 40 minutes, le quatuor a présenté son initiative pour la paix et la bio- diversité menée depuis près de trente ans au Moyen- Orient. « Chouettes pour la paix » revêt une forte dimen- sion symbolique que le Saint-Père a saluée. La pose de 4000 nichoirs à chouettes effraies dans une région à cheval entre Israël, la Cisjordanie et la Jordanie a en ef- fet permis de lutter contre les rongeurs sans utiliser de pesticides mais, surtout, de faire dialoguer des popu- lations en conflit. MA

unil.ch/owlforpeace

Tous les deux ans, cinq bourses sont octroyées à des scientifiques par la Commission Pro-Femmes.

Elles encouragent le cursus académique des cher- cheuses employées par le CHUV, l’UNIL et Uni- santé. En juin dernier, le CHUV a mis 100 000 fr. à disposition de Sandra Asner (son projet est intitulé Mucoviscidose, virus respiratoires, bactéries intra- cellulaires), Jessica Bastiaansen (Water-fat separa- ted 3D MRI for highly specific identification and

quantification of myocardial scar and fat infiltra- tion) et Marzia De Lucia (Neural responses to car- dio-audio sequences in comatose patients). La Fa- culté de biologie et de médecine a mis 100 000 fr.

à disposition d’Isabel Lopez-Mejia (Modulation of brown adipose tissue function by SR proteins SRSF1 and SRSF2) et Yuko Ulrich (Experimental epidemio- logy in ant societies). (RÉD.)

unil.ch/fbm/egalite

SOUTIEN AUX CHERCHEUSES

FINANCEMENT

CINQ BOURSES POUR ENCOURAGER LES FEMMES

SCIENTIFIQUES

LA CHOUETTE EFFRAIE ENTRE AU VATICAN

© Archives de la ville de Lausanne

© Swen Sack © Vaticanmedia

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BRÈVES

LE SOLEIL, LA LUNE ET LE CLIMAT

L’UNIL DANS LES MÉDIAS

COMMENT LE RHÔNE TÉMOIGNE DE LA GLOBALISATION

PASSAGE EN REVUE

1952

Le nombre d’articles que les chercheurs de l’UNIL et du CHUV ont fait paraître dans des revues scientifiques évaluées par les pairs, en 2019 (d’après Serval, au 2 août).

Pour la première fois, des informations ont été recueillies sur l’évolution de la sédimentation dans le lac Léman et dans la vallée du Rhône depuis les années 60. Elles montrent l’im- pact du changement climatique, des activités de construction et de la production hydroélectrique. « Nous avons fait une sorte d’analyse du cycle de vie des sédiments dans un bas- sin hydrologique très étendu, ce qui constitue une première en Europe », note Stuart Lane, professeur à la Faculté des géosciences et de l’environnement et premier auteur de l’ar- ticle qui présente ces résul-

tats, publié dans Scientific Re- ports. Financé par le Fonds national suisse, ce travail a réuni des scientifiques des universités de Lausanne, Berne, Genève et de l’EPFZ.

Dans les années 80, les taux de sédimentation dans le Léman ont cessé de décroître pour virer à la hausse – ils ont depuis lors plus que doublé. Ce résultat est surprenant car les barrages bloquent le transport des sédiments. Le nombre croissant de centrales hydroélectriques dans les Alpes de- vrait réduire la vitesse d’accumulation des sédiments dans le Léman. Mais les particules empruntent également des ri- vières dont le flot n’est pas entravé ou circulent via des struc- tures qui leur permettent de contourner les barrages.

De plus, le retrait des glaciers induit une libération accrue de sédiments. « Ils se comportent comme de gigantesques réservoirs, mais leur fonte accélérée par le changement cli- matique apporte des sédiments additionnels dans les ruis- seaux et les rivières », explique Fritz Schlunegger, professeur à l’Université de Berne et directeur du projet.

Les scientifiques ont observé une hausse de l’apport de sédiments depuis 2008, un phénomène qu’ils ont relié à la réduction des activités de construction suite à la crise finan- cière. « En Valais, des entreprises extraient du sable et du gra- vier du Rhône pour produire des matériaux de construction tels que le béton, indique Stuart Lane. Lorsqu’elles réduisent leurs activités d’extraction, la quantité de sédiments qui at- teignent le lac augmente, ce qui est bien visible sur nos don- nées. » Ainsi, des phénomènes globaux et des facteurs locaux se lisent dans les eaux du fleuve. FNS, Allez savoir !

Making stratigraphy in the Anthropocene: climate change impacts and economic conditions controlling the supply of sediment to Lake Geneva. Scientific Reports, 2 juillet 2019. DOI: 10.1038/s41598-019- 44914-9. En accès libre.

GÉOLOGIE

DES MILLIONS D’ANNÉES À PIED

Une bonne paire de chaussures peut faire office de machine à voyager dans le temps.

Dans ce guide, Michel Marthaler nous invite à découvrir l’histoire des Alpes grâce à une ran- donnée géologique qui mène du barrage à la cabane de Moiry (val d’Anniviers).

Auteur de Le Cervin est- il africain ?, le profes- seur honoraire nous apprend à « lire » le pay- sage au fil de 15 étapes, en nous intéressant aux roches, aux mouvements de la croûte terrestre et à l’érosion. Grâce à des photos, des cartes, des dessins et des schémas, l’origine des formations géologiques découvertes en chemin devient claire.

Le parcours donne un peu le vertige, au sens figuré même si la pente est raide sur la fin, quand on découvre d’anciennes coulées de basaltes sous-marines ou des gneiss d’origine afri- caine, à plus de 2000 m d’altitude. Très riche en informations, non dénué d’une certaine poésie, cet ouvrage de moins de 100 pages est un compa- gnon de randonnée indis- pensable. DS

MOIRY : DE L’EUROPE  À L’AFRIQUE.

Par Michel Marthaler.  

Éditions Loisirs et Pédagogie (2019), 94 p.

5668

Le nombre d’articles et d’émissions qui ont mentionné l’UNIL ou le CHUV dans les médias romands en 2019 (d’après la revue de presse Argus au 2 août). Le 4 avril, le journaliste Edwy Plenel, cofondateur de Mediapart, a donné une conférence à l’UNIL à l’invitation de Payot et de COSPOL, une asso- ciation d’étudiants en science politique. Mis en ligne le 11 avril, le web documentaire consacré aux 50 ans de l’émis- sion Temps Présent a rencontré un certain écho dans les médias (lire en p. 12). Une doctorante et deux étudiantes en Lettres sont impliquées dans ce projet.

Mi-mai, une étude menée par David Vernez (Unisanté, le Centre universitaire de médecine générale et santé publique) a montré que le faible ensoleillement que nous connaissons en hiver ne permet pas aux Suisses de cou- vrir leurs besoins en vitamine D, ni même de s’approcher de la dose recommandée par l’OMS.

À l’approche du demi-siècle des premiers pas de l’Homme sur la Lune, les chercheurs de l’UNIL spécia- listes des théories du complot ont été mis à contribution par les médias (lire également Allez savoir ! 72, mai 2019).

Cheffe du service d’oncologie médicale au CHUV et professeure à l’UNIL, Solange Peters a été distinguée par le Prix Bonnie J. Addario 2019. Cette annonce a suscité beaucoup de réactions positives sur les réseaux sociaux.

Le portrait de la chercheuse a même été affiché sur l’un des écrans géants de Times Square, à New York !

Enfin, la venue de l’activiste climatique Greta Thun- berg à l’UNIL pendant la première semaine d’août, à l’oc- casion du sommet SMILE for Future, a occasionné de nom- breuses retombées médiatiques. DS

© Suart Lane

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À L’HONNEUR

LIVRE

Collaboratrice d’Allez savoir ! (lire en p. 34) et journaliste à Migros Magazine, Patricia Brambilla nous propose 28 ba- lades originales, dans un guide paru au printemps der- nier. À pieds ou en raquettes, à plat ou le long de pentes raides, en Suisse romande ou en France voisine, l’au- teure nous fait parcourir des itinéraires thématiques : histoire, gastronomie, spiritualité ou flore, entre autres.

Très souvent, Patricia Bram- billa s’est accompagnée d’une personnalité qui connaît les lieux comme sa poche, ce qui donne l’impression aux lec- teurs d’être aussi un peu du coin. DS

BALADES

SENSATIONNELLES.

Par Patricia Brambilla.

Favre (2019), 191 p.

L’AVENTURE

AU DÉTOUR DU CHEMIN

DISTINCTION

UN DOCTORAT POUR M. PALÉO

Syndic de Nyon, fondateur et président de Paléo, Daniel Rossellat est docteur ho- noris causa de l’Université de Lausanne. Un titre décerné lors du Dies academicus, le 24 mai dernier. C’est « l’entrepreneur enthousiaste, infatigable et fédérateur, créateur et animateur de l’un des plus grands festivals d’Europe » qui a été distin- gué, comme l’a dit la rectrice Nouria Hernandez lors de la cérémonie (ici avec le vice-recteur Giorgio Zanetti). Son « dévouement au rayonnement culturel » ainsi que son engagement à concilier de façon exemplaire la conduite d’un événement de portée internationale et un esprit communautaire convivial en tenant compte des enjeux sociaux et environnementaux » ont également été relevés. (RÉD.) Revoir la cérémonie : youtube.com/UNILTV

BIBLE, LITTÉRATURE, BIOLOGIE ET MANAGEMENT

Joli coup double pour Richard  Benton, professeur au Centre in- tégratif de génomique. Salué ce printemps par l’octroi d’un ERC Advanced Grant de l’European Re- search Council, une bourse dotée de plus de 2,3 millions d’euros, le professeur a également été élu le 11 juin membre de l’Organisation européenne de biologie molécu- laire, rejoignant ainsi plus de 1800 chercheurs hors pair dans le do- maine des sciences de la vie. Spé- cialiste de l’étude des systèmes sensoriels chez les drosophiles, Richard Benton a fait de l’étude de l’odorat sa marque de fabrique, avec comme organisme modèle, la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster.LC

Professeur au Département des systèmes d’information (Faculté des hautes études commerciales), Yves Pigneur a été distingué du Prix de l’Université lors du Dies academicus 2019. Apprécié de ses étudiants, ce chercheur inno- vant contribue au rayonnement de l’institution au niveau mon- dial. Il est notamment l’auteur, avec Alex Osterwalder, du best- seller Business Model Generation.

Près de 2 millions d’exemplaires de ce manuel, clair et bien illus- tré, ont été écoulés, en plus des 6 millions de téléchargements.

L’ouvrage existe dans une quaran- taine de langues. Une aventure racontée dans L’uniscope no 630 (2018). ( RÉD. )

Directrice de l’Institut littéraire suisse à Bienne (Haute école des arts de Berne), Marie Caffari a reçu le prix de l’État de Berne, lors du Dies academicus du 24 mai dernier. Diplômée en Lettres de l’UNIL, docteure de l’Univer- sité de Londres, la lauréate a été distinguée « pour son rôle majeur dans la formation de centaines d’auteurs sensibles à la question du bilinguisme et de la traduc- tion », quel que soit leur genre lit- téraire de prédilection. « Actrice importante de l’intercultura- lité, si propre à la Suisse », Marie Caffari a conservé des contacts avec l’UNIL, notamment avec la Faculté des lettres et le Centre de traduction littéraire.( RÉD. )

Bien connu des lecteurs d’Allez savoir !, Thomas Römer est désormais chevalier dans l'Ordre de la Légion d'honneur en France, par un décret du président signé le 11 mars dernier. Professeur à l’Institut des sciences bibliques (Faculté de théologie et de sciences des religions), profes- seur au Collège de France (dont il occupe la chaire Milieux bibliques), ce chercheur nous a récemment parlé, dans ces pages, des aïeules de Jésus (no 71, janvier 2019). Il a également décrypté les mystères de l’Arche d’alliance dans ce magazine (n°69, mai 2018), ainsi que sur les ondes de France Inter dans l’émission Affaires sensibles (7 mai 2019). ( RÉD. )

lix Imhof © UNIL © Berner Fachhochschule

Nicole Chuard © UNIL lix Imhof © UNIL

lix Imhof © UNIL

© Maurice Haas

(16)

EN 2015, LES ÉLECTEURS GAGNANT

4000 FRANCS OU

MOINS ONT ÉTÉ

32% À VOTER

POUR L’UDC, ET

22% POUR LE

PARTI SOCIALISTE.

(17)

POLITIQUE

FORS, Centre de compétences suisse en sciences sociales forscenter.ch

QUI VOTE

POUR QUI Le 20 octobre, les citoyens suisses éliront leur nouveau Parlement. Qui vote, avec quelle régularité, pour quel parti, sous l’influence de quels paramètres? L’analyse de Georg Lutz, directeur du Centre de compétences suisse en sciences sociales FORS et professeur associé à l’Institut d’études politiques de la Faculté des sciences sociales et politiques de l’UNIL.

TEXTE SONIA ARNAL

L

a politique suisse se caractérise par une stabi- lité rarement démentie, qui décrocherait presque des bâillements chez le citoyen le plus motivé :

« Chez nous, on ne connaît pas la crise, ironise Georg Lutz. Une variation de 2 ou 3 % dans les ré- sultats d’un parti s’apparente déjà à une révolution. Si vous regardez l’évolution des partis bourgeois de 1919

à 2015, c’est une ligne droite ! » Mais derrière cet encé- phalogramme plat se cachent des pépites d’informa- tions que les recherches menées régulièrement par le politologue sur les élections permettent d’extraire.

On sait par exemple qu’un peu moins de la moitié des Suisses qui ont le droit de vote l’exerceront le 20 octobre – ils étaient 48,5 % en 2015*. « C’est ainsi depuis longtemps,

PALAIS FÉDÉRAL

Les élections fédérales auront lieu le 20 octobre 2019. À cette occasion, les Suisses choisiront leurs conseillers aux États et leurs conseillers nationaux.

© Peter Klaunzer / Keystone

(18)

précise Georg Lutz. On sait aussi que les jeunes et les personnes qui ont un revenu dans la tranche inférieure de la population se déplaceront moins aux urnes que celles qui ont fait des études supérieures et gagnent bien leur vie. »

L’analyse des élections précédentes montre aussi que les femmes votent moins que les hommes (46 % contre 53 %). « Il y a un effet de cohorte : on constate surtout un écart dans la génération plus âgée. Les femmes qui ont grandi à une époque où elles n’avaient pas le droit de vote tendent à moins l’exercer que les femmes nées après », re- lève le politologue de l’UNIL. L’écart devrait donc se com- bler un peu au fil des ans.

Comme électrices, enfin, les femmes se distinguent des hommes en ceci qu’elles donnent globalement leur voix un peu plus à gauche. Alors que ces derniers sont par exemple 32 % à avoir choisi l’Union démocratique du centre (UDC) et 17 % le Parti socialiste (PS) aux élections de 2015, les femmes ont choisi ces deux partis respecti- vement à 26 % et à 21 %. Mais elles suivent les mêmes ten- dances : leur engouement pour le parti agrarien a, comme celui des hommes, doublé entre 1995 et 2015.

L’électeur moyen est

un universitaire de 60 ans environ

Si on veut caricaturer la réponse à la question « Qui élit le Parlement ? », le politologue a aussi des réponses : on dira que l’électeur suisse par excellence est un homme univer- sitaire d’une soixantaine d’années, au revenu confortable et né de parents eux-mêmes nés en Suisse.

La question des origines joue en effet un rôle : les se- condos ou les enfants nés suisses de parents étrangers votent un peu moins. « C’est un phénomène de socialisa- tion : plus la famille a l’habitude du vote, plus les enfants vont adopter cette habitude », souligne Georg Lutz. On note aussi qu’environ 20 % des citoyens votent ou élisent systé- matiquement, le même pourcentage ne participe jamais – les 60 % restants s’impliquent en fonction des enjeux, par- fois oui, parfois non.

Le Parlement serait-il différent si tout le monde votait ? Mais puisque plus de la moitié des gens n’élisent pas le Par- lement, doit-on en déduire qu’il n’est pas représentatif de la population et qu’il aurait un visage totalement différent si 100 % des citoyens suisses exprimaient leur avis ? « C’est une question difficile, souligne Georg Lutz. On a longtemps pensé que comme les gens moins scolarisés et aux revenus faibles, les ouvriers en résumé, votaient moins que les plus aisés, il y aurait bien plus de voix pour le Parti socialiste si l’entier des citoyens votait, et que le Parlement pencherait à gauche. Mais, en fait, les ouvriers ne donnent plus majoritai- rement leur voix au Parti socialiste, et on pense aujourd’hui que 50 % des gens qui votent, cela donne un résultat parfai- tement représentatif – à 100 %, on aurait sans doute un Par- lement très semblable. »

On ne saurait en déduire que les gens votent toujours pour le même parti. Au gré des élections, on voit des change- ments, mais le plus souvent au sein des mêmes blocs : les partisans de la gauche votent plus ou moins à gauche, ceux de la droite bougent aussi un peu, mais tous ces glisse- ments tendent à se compenser et donnent au final des rap- ports de force stables.

Une exception rare

La seule exception notable date du milieu des années 90 : là, en quelques années, l’UDC a doublé ses parts, passant de 15 % environ aux 30 % que l’on connaît aujourd’hui en- core. Le parti a surtout pris des voix au Parti libéral-ra- dical (PLR) et à la droite plus centriste, même s’il séduit aussi régulièrement des gens qui ne votent pas – ce fut le cas en 2015 par exemple, où il a récolté des voix parmi les citoyens s’étant abstenus en 2011.

POLITIQUE

GEORG LUTZ Directeur de FORS et professeur associé à l’Institut d’études politiques (Faculté des sciences sociales et politiques).

Nicole Chuard © UNIL

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Si, à la tête de ce parti qui naguère drainait des voix surtout dans les milieux agricoles, on trouve beaucoup d’universitaires et/ou de chefs d’entreprise, sa base est constituée de la part de la population aux revenus les plus faibles et à l’éducation la moins poussée – école obli- gatoire ou apprentissage constituent en général le ba- gage scolaire des sympathisants.

Les ouvriers votent UDC

Les petits employés et ouvriers naguère constitutifs des électeurs traditionnels du Parti socialiste sont donc au- jourd’hui plutôt partisans de l’UDC : « Les familles qui gagnent 5000 francs par mois et ont deux enfants sont confrontées à des problèmes concrets, par exemple trou- ver un logement dont ils peuvent assumer le loyer, ana- lyse Georg Lutz. Dans une ville comme Genève ou Lau- sanne, c’est devenu presque impossible : pour un 4 pièces, on arrive facilement à 2000 francs par mois. En outre, sans grandes qualifications, ils ont peur pour leur emploi, peur de ne pas en retrouver un s’ils le perdent. Ils ont le sentiment que l’UDC propose une solution à leurs soucis, à la globalisation qui les effraie, en rendant les étrangers responsables de tout ce qui ne va pas et en fer- mant les frontières. On peut estimer que ce sont de mau- vaises réponses à leurs vrais problèmes – on peut remar- quer aussi que le Parti socialiste ne leur propose pas de réponse convaincante. »

Les fonctionnaires votent socialiste

Le Parti socialiste recrute ainsi non plus tant dans les couches populaires, mais séduit beaucoup les fonction- naires, par exemple les enseignants, ou encore les ani- mateurs socioculturels, les éducateurs – des gens aux profils fort différents de l’ouvrier. Eux sont bien formés et bien payés : 21 % des personnes au bénéfice d’une for- mation tertiaire ont voté socialiste, contre 14 % des per- sonnes sans autre diplôme que la scolarité obligatoire et 15 % de celles qui ont une formation professionnelle. Les électeurs gagnant 4000 francs ou moins ont pour leur part été 32 % à voter pour l’UDC, et 22 % seulement pour le Parti socialiste.

On gagne une élection en étant associé à un thème L’UDC apparaît ainsi comme un parti très profilé sur les questions d’immigration – un capital sur lequel il surfe au gré des votations. « Être associé à un thème, apparaître comme celui qui a les compétences pour le traiter et réus- sir à l’imposer aux yeux des électeurs comme étant le plus important pour la Suisse au cours des 4 ans à venir : c’est en faisant cela qu’un parti gagne une élection », ré- sume Georg Lutz.

En 2015, l’immigration a été citée comme le problème le plus important par 44 % des électeurs, alors qu’ils n’étaient que 20 % à penser ainsi en 2011 (et 9 % en 1995). Autre

exemple qui montre la variabilité de ces thèmes au cours des ans : en 1995, la préoccupation majeure était le marché du travail (25 % des électeurs) alors qu’en 2015, ce même thème n’a été estimé prépondérant que par 3 % des élec- teurs. On retrouve dans la question des compétences at- tribuées aux partis quelques évidences : le PLR a réussi à s’imposer comme maîtrisant les problèmes économiques (49 % des électeurs estiment que c’est lui le plus capable – 18 % attribuent ce mérite à l’UDC et 7 % au Parti socialiste), l’UDC les questions de migration-asile-réfugiés (55 %, contre 16 % au Parti socialiste et 11 % au PLR).

L’actualité pèse dans l’élection

Pour l’emporter, il faut donc réussir à imposer son thème.

De ce point de vue, le Parti démocrate-chrétien (PDC) et le PBD sont à la peine : « Tout le monde identifie le Parti socialiste comme la formation qui se préoccupe des Pour la législation 2015-2019, les femmes constituaient environ 32 % du Conseil national et 13 % du Conseil des États. On est loin de la parité, alors pourtant que les femmes sont actives en politique au niveau fédéral depuis 1971, avec les premières douze représentantes du peuple. Comment comprendre une si lente progression en près de 50 ans ? « Dans une élection aux Chambres, il y a une forte prime au sortant : la personne qui se représente a de très bonnes chances d’être reconduite, grâce à sa notoriété, aux montants plus importants pour faire campagne, alors qu’au contraire y entrer est très difficile – cela explique la lenteur du renouvellement des élus », souligne Georg Lutz. Le chercheur de l’UNIL note qu’il n’y a pas de différence aujourd’hui parmi les nouveaux arrivés : selon les analyses réalisées après les élections de 2015, être une femme n’est plus un handicap et il n’y a pas de « malus » : les électeurs ne font pas de discrimination via leurs bulletins. Les femmes votent légèrement plus pour les candidates que les hommes, mais sans écart significatif.

Autre paramètre qui explique cette présence encore faible ? Les candidatures féminines sur certaines listes sont de l’ordre de l’anecdotique. La gauche (Verts, Parti socialiste) offre la parité, alors que dans le camp bourgeois, « c’est plus difficile, selon Georg Lutz. Il y a quelques figures fortes, régulièrement élues, mais globalement encore peu de candidates, notamment à l’UDC. » SA

OÙ SONT LES FEMMES ?

14 JUIN 2019

Sept conseillères nationales socialistes (Nadine Masshardt, Yvonne Feri, Laurence Fehlmann Rielle, Priska Seiler Graf, Barbara Gysi, Mattea Meyer et Jacqueline Badran).

© Peter Klaunzer / Keystone

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questions sociales et le Parti libéral-radical (PLR) de l’économie, mais le PDC, au fond, c’est quoi son thème ?, s’interroge le scientifique. La famille ? Mais quelle famille ? Il reste au parti son électorat traditionnel, catholique, mais il a du mal à exister vraiment ailleurs qu’en Valais ou à Fri- bourg. » Un thème donc – mais aussi un peu de chance. L’ac- tualité peut venir bouleverser la stratégie la mieux huilée.

« On l’a vu par exemple en 2011, lorsque, à la suite de l’in- cident nucléaire de Fukushima, les Verts ont fait un bond aux élections fédérales », se souvient Georg Lutz. Quatre ans plus tard, la crise migratoire a servi le programme de l’UDC et les écologistes ont perdu du terrain. Mais si le ré- chauffement climatique et les grèves estudiantines sont tou- jours aussi présents cet automne, on pourrait bien les voir revenir en force.

POLITIQUE

* Les chiffres cités dans cet article sont pour leur immense majorité tirés de Élections fédérales 2015 – Participation et choix électoral. Par Georg Lutz. Selects-FORS Lausanne (2016). Disponible sur forscenter.

ch/projects/selects puis Publications

« On observe d’ailleurs que des partis qui sont moins pro- filés sur ce thème, le Parti socialiste par exemple, essaient d’occuper le terrain pour convaincre que là aussi ils sont compétents, analyse le politologue. Roger Nordmann a ainsi sorti ce printemps un livre sur l’énergie solaire. » Des forma- tions politiques a priori encore plus éloignées de ce domaine, comme le PLR, ont fini, après consultation de leur base, par intégrer certaines préoccupations environnementales à leur programme. Sauf émergence d’une crise politique ou sociale de dernière minute, on peut donc a priori miser sur une sen- sibilité plus verte pour cette législature. 

CLIMAT

La militante suédoise Greta Thunberg à Lausanne, le 9 août 2019 (lire également en p. 13). Plusieurs milliers de jeunes ont participé à une manifestation en faveur de l’environnement.

© Jean-Christophe Bott / Keystone

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L

ire Tout Catherine Colomb est aujourd’hui possible. Plus besoin de se limiter à l’habi- tuelle – et par ailleurs remar- quable – trilogie romanesque constituée par Châteaux en enfance, Les esprits de la terre et Le temps des anges. Grâce au dépôt de ses archives par la famille au Centre des littéra- tures en Suisse romande de l’UNIL (CLSR) et au magnifique travail réa- lisé par celui-ci sous la direction de Daniel Maggetti, on peut désor- mais se plonger aussi bien dans ses articles de jeunesse parus dans la presse que dans « Les Malfilâtre / Vol de mouettes », un projet qui l’a occu- pée durant ses dernières années et qui, pour la première fois, est acces- sible dans son intégralité. Riche de 1680 pages réunies en un seul volume, cette édition critique paraît en novembre aux Éditions Zoé. Un événement pour gourmet littéraire !

Pour ceux qui la découvrent, pré- cisons que l’écrivaine, née en 1892 au château de Saint-Prex, s’appelait en réalité Marie Colomb – Marion pour ses proches – avant de devenir Marie Reymond par mariage. Orphe- line de mère à cinq ans, elle est éle- vée par sa grand-mère maternelle à Begnins puis à Lausanne où, élève brillante, elle fait des études de lettres puis se lance dans une thèse de doc- torat sur Béat-Louis de Muralt – un essai intégré à cette nouvelle édi- tion. On sait aujourd’hui qu’elle com- mence à écrire avant même l’âge de 20 ans. Elle ne cessera plus jusqu’à sa mort en 1965. Son premier roman, Pile ou Face, paraît en 1934 aux Édi- tions Attinger, signé Catherine Tissot.

Il lui faudra toutefois attendre la publi- cation du Temps des anges chez Galli- mard et l’obtention du Prix Rambert en 1962 pour être véritablement recon- nue. C’est que son écriture profondé- ment originale et libre avait de quoi surprendre et troubler. Et elle décon- certe encore : Catherine Colomb ne se lit pas comme un polar.

« C’est incontestablement l’un des écrivains les plus importants de la littérature romande du XXe siècle, notamment par sa capacité à inven- ter, ou réinventer, de nouvelles formes romanesques tout en les remet- tant en jeu à chaque fois, se réjouit Daniel Maggetti. Elle est en outre à la fois très vaudoise et complète- ment internationale. Parler allemand,

anglais puis utiliser le mot “ ruclon ” ne lui pose aucun problème. Elle réus- sit à utiliser des éléments fortement ancrés dans un contexte régional ou personnel sans jamais tomber dans le local et le pittoresque. C’est en cela que je la trouve particulièrement intéressante. »

Catherine Colomb aimait beaucoup Marcel Proust, partageant avec lui la capacité à suivre et restituer le mur- mure des mots. Comme lui, transcen- dant l’ordinaire, elle fait de la mémoire et du temps la colonne vertébrale de ses romans. De quoi parlent-ils ? De la bourgeoisie terrienne vaudoise, de ses jalousies, ses réussites et ses échecs.

Mais par-delà les intrigues, c’est le travail d’écriture qui est au premier plan. Très vite, le lecteur se retrouve ainsi saisi, comme envoûté, par son appropriation subtile et très person- nelle de la reprise, du motif, par l’uti- lisation récurrente d’une phrase ou d’une image qui ponctuent tout le récit comme un leitmotiv ou un refrain.

L’étude des archives a par ailleurs permis de mieux comprendre sa façon de travailler. « Catherine Colomb a tou- jours dit qu’elle écrivait au fil de la plume, et je crois que c’est vrai, relève Daniel Maggetti. Procédant par asso- ciations d’idées, par glissements, elle allait jusqu’au bout d’un récit avant de le reprendre de fond en comble, dans une sorte de palimpseste permanent.

Sans plan ni schéma préalable, elle aboutit ainsi à une marqueterie extrê- mement bien construite, où rien n’est laissé au hasard. Mais on ne s’en aper- çoit souvent qu’à la deuxième ou troi- sième lecture, et c’est totalement fasci- nant. » MIREILLE DESCOMBES TOUT CATHERINE

COLOMB.

Éd. dirigée, établie et annotée par Daniel Maggetti, avec la collab. de François Demont, Auguste Bertholet, Valérie Cossy, Claudine Gaetzi, José-Flore Tappy et Anne-Lise Delacrétaz.

Éditions Zoé, 1680 p. Parution en novembre 2019.

(RE)DÉCOUVRIR

CATHERINE COLOMB, EN GOURMET

LIVRE

Le Centre des littératures en Suisse romande publie chez Zoé une édition critique et annotée de « Tout Catherine Colomb ». À déguster par petites bouchées comme un mets rare.

CATHERINE COLOMB

Dans le jardin des Passiaux, sa maison à Prilly, début des années 60.

© Raymonde Chapuis

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GÉOSCIENCES

ARBRES

ON PEUT PIÉGER DU CO 2

DANS LE SOL GRÂCE AUX

Certaines espèces d’arbres ont l’étonnante capacité de permettre le stockage du gaz carbonique dans les sols sous forme de calcaire. Un chercheur de l’UNIL a été le premier à élucider le mécanisme de ce processus qui pourrait offrir une solution au piégeage d’une partie du CO

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présent dans l’atmosphère.

TEXTE ELISABETH GORDON

I

l y a urgence. Pour limiter le réchauffement climatique, il est nécessaire de réduire drastiquement et rapide- ment les émissions de gaz à effet de serre, au premier rang desquels figure le CO2. La priorité est de limiter l’usage des combustibles fossiles (pétrole, charbon et gaz) qui rejettent une grande quantité de gaz carbonique dans l’atmosphère. Mais parallèlement, on peut aussi ten- ter d’éliminer une partie du gaz carbonique qui s’y trouve déjà. Dans ce domaine, les arbres pourraient fournir une

aide efficace. Tout particulièrement ceux qualifiés d’oxalo- gènes, qui piègent le gaz et permettent son stockage, sous une forme minérale stable, dans les sols et les eaux.

Certains végétaux produisent un sel organique naturel

« L’existence de ces végétaux est connue depuis longtemps, précise Eric Verrecchia, professeur à l’Institut des dyna- miques de la surface terrestre (IDYST) de l’UNIL. En 1830, le chimiste français Henri Braconnot a découvert que

IROKO

Cet arbre tropical, photographié ici au Cameroun, est oxalogène.

C’est à dire qu’il stocke du CO2 sous forme minérale dans le sol.

© Laboratoire Biogéosciences UNIL

L’Institut des dynamiques de la surface terrestre unil.ch/idyst

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certains végétaux produisaient un sel organique natu- rel, l’oxalate de calcium. C’est un sous-produit de la photo- synthèse. » Les plantes synthétisent les matières organiques nécessaires à leur croissance à partir de CO2 et d’eau, avec l’aide de l’énergie lumineuse du soleil (voir en p. 26). Mais au cours de ce processus, les végétaux oxalogènes ont la parti- cularité de produire dans leur tronc, leurs branches ou leurs feuilles, des cristaux d’oxalate de calcium.

Les scientifiques ont d’abord considéré ce sel comme un simple déchet. Ils savent maintenant qu’il aide certaines plantes à optimiser la photosynthèse, car « il se présente sous forme de cristaux qui concentrent les rayons du soleil », pré- cise le biogéochimiste. En outre, il pourrait protéger les vé- gétaux contre les animaux herbivores « qui ont du mal à mâ- cher les cristaux, aux arêtes saillantes ». Certains chercheurs ont aussi émis l’hypothèse que cette forme de calcium natu- rel permettrait aux arbres de se consumer plus difficilement en cas d’incendie.

CO2 minéral stocké dans le sol

Actuellement, quelque deux cents espèces d’arbres oxa- logènes ont été identifiées. On y trouve certains bouleaux, peupliers et hêtres, mais la plupart pousse dans les régions tropicales.

Si ces arbres intéressent tant le chercheur de l’UNIL et les quelques équipes dans le monde qui les étudient, c’est avant tout parce qu’ils font mieux que les autres végétaux. Comme eux, ils conduisent à l’emmagasinement du CO2 dans le sol sous forme organique. Mais en plus, ils permettent son stoc- kage, toujours dans le sol, sous forme minérale. « La diffé- rence est énorme, souligne le biogéochimiste. En général, au bout de cent ou cent vingt ans, les forêts ont consommé autant de gaz carbonique qu’elles en ont relâché au cours de la décomposition des végétaux morts. Le bilan est donc pratiquement à l’équilibre. » Il en va tout autrement avec les arbres oxalogènes. L’oxalate qu’ils fabriquent « se trans- forme en carbonate de calcium qui peut soit rester à l’état soluble et passer dans les nappes phréatiques et les océans, soit précipiter à nouveau et se retrouver dans les sols sous forme de calcaire ».

Dans le premier cas, la totalité du CO2 transformé en oxa- late par l’arbre se retrouve piégée et dans le second, seule la moitié l’est (car du gaz carbonique est réémis lors du dépôt calcaire). Quoi qu’il en soit, une partie au moins du gaz est éliminée de l’atmosphère.

Une rencontre fructueuse

Eric Verrecchia a été le premier à décrire ce processus.

« Avant que je ne m’attaque à cette problématique, un seul ar- ticle avait été écrit sur le sujet, en 1997. Les auteurs, des écolo- gues, avaient constaté qu’il y avait des quantités importantes d’oxalates dans certaines litières des forêts de l’Oregon, aux États-Unis. Ils ont vu qu’une partie de ce sel disparaissait et qu’une autre s’accompagnait d’une modification chimique

qui se traduisait par la présence de carbonate. C’était une simple observation qu’ils n’avaient pas cherché à expliquer. »

Au cours de sa thèse de doctorat, le chercheur de l’UNIL a décidé de combler cette lacune. « J’ai compris comment le processus fonctionnait, mais je ne connaissais ni les acteurs fondamentaux, ni les bilans de CO2. Pour moi, l’affaire res- tait une boîte noire. »

Heureusement qu’en sciences comme dans d’autres do- maines, on peut parfois compter sur la chance. Lorsqu’il est arrivé à l’Université de Neuchâtel, en 2000, Eric Verrecchia a rencontré le professeur de microbiologie Michel Aragno à qui il a parlé de ses recherches. « Je lui ai dit que je pensais que des bactéries jouaient probablement un rôle dans l’histoire, car j’en avais repéré quelques-unes au microscope. Michel Aragno a alors éclaté de rire. Il m’a sorti un article qu’il avait publié en 1980 dans le Bulletin de la Société neuchâteloise des sciences naturelles dans lequel il montrait que les bac- téries pouvaient décomposer l’oxalate. » Eric Verrecchia n’en revient toujours pas de ce merveilleux coup du sort. « Par le ERIC VERRECCHIA

Professeur à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre (Faculté des géosciences et de l’environnement).

Nicole Chuard © UNIL

21 KG

LA MASSE DE CO

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QU’UN IROKO PEUT STOCKER CHAQUE ANNÉE.

GÉOSCIENCES

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plus grand des hasards, je suis tombé sur LA personne qui avait décrit ce processus. Cela a été le début d’une aventure scientifique et humaine extraordinaire. »

Le processus rend le sol moins acide

A partir de là, le biogéochimiste a pu élucider le mécanisme impliqué dans les transformations de l’oxalate. Produit par les arbres, il se retrouve ensuite dans le sol, soit par l’inter- médiaire des racines, soit à la suite de la chute des branches ou des feuilles. Là, il est décomposé par des bactéries, « avec l’aide de champignons qui les guident à trouver le sel » et il est transformé en calcaire ou dissous dans l’eau. « Ce pro- cessus a deux conséquences fantastiques, souligne Eric Ver- recchia : il permet de stocker du CO2, mais il modifie aussi le sol qui devient moins acide et peut emmagasiner ainsi plus de nutriments ».

Le chercheur de l’UNIL a participé à un important pro- gramme européen, CO2SolStock, qui a été mené de 2009 à 2012 et qui avait pour but de « trouver des méthodes douces pour emmagasiner du CO2 dans le sol ». Les experts ont éva- lué plusieurs pistes et finalement, ils ont estimé que « la plan- tation d’arbres oxalogènes était la plus prometteuse ».

Iroko et noyer maya

Au centre des recherches du professeur de l’UNIL se trouve l’iroko. Cet arbre tropical « est le champion africain de l’oxa- logénie : il produit de grandes quantités d’oxalates ». Tout comme le noyer maya, qui pousse en Amérique centrale. Ces espèces ont d’autres avantages aux yeux du scientifique qui se préoccupe aussi des populations qui seraient tentées par ce type d’agroforesterie. « L’iroko est certes un cauchemar pour les bûcherons qui y brisent leur scie, mais c’est aussi un bois semi-précieux qui a donc une forte valeur ajoutée. Quant au noyer maya, il produit une noix qui a de bonnes propriétés nutritives et qui est de surcroît prisée en Amérique du Sud pour ses vertus médicinales. »

Sur la base des travaux du professeur lausannois, l’asso- ciation Biomimicry Europa, qui se consacre à la promotion du biomimétisme, a lancé le programme « Arbres sauveurs » qui plante des arbres oxalogènes en Haïti, en Inde et en Co- lombie. De son côté, l’ONG Sadhana forest lance en Inde des plantations d’arbres natifs semblables aux noyers maya.

Éliminer du CO2 déjà présent dans l’atmosphère Certes, ce n’est pas la panacée, puisqu’un iroko ne peut stoc- ker que jusqu’à 21 kg de CO2 par an. Pour piéger les 4 mil- lions de tonnes de gaz carbonique qu’une centrale à char- bon émet en moyenne par an, il faudrait planter un million d’hectares d’irokos, soit l’équivalent de la forêt des Landes dans le sud-ouest de la France. Toutefois, précise Eric Verrec- chia, il faut aussi prendre en compte le fait que, comme tous les arbres, « les irokos stockent aussi du CO2 sous forme de biomasse ». Le biogéochimiste reconnaît toutefois que même des plantations à large échelle ne suffiront pas à résoudre le

problème du réchauffement climatique. Si l’on veut limiter à 2°C l’augmentation de la température à l’horizon 2100, il fau- dra réduire drastiquement les émissions mondiales de CO2 dues aux activités humaines. « Mais on ne pourra pas pour autant s’affranchir des méthodes visant à éliminer une partie du CO2 déjà présent dans l’atmosphère, y compris à l’aide de techniques de piégeage et stockage du carbone » qui visent à enfouir du gaz carbonique dans le sous-sol (voir en page 27).

Le professeur et ses collègues poursuivent donc leurs re- cherches, avec l’objectif de « déterminer les meilleures es- pèces oxalogènes et écosystèmes les mieux adaptés pour accueillir des plantations ». Ils ont aussi entrepris, en collabo- ration avec une équipe de l’Université de Neuchâtel, d’éluci- der le rôle exact des bactéries et des champignons, afin d’op- timiser le processus de piégeage du gaz carbonique, tout en cherchant « à améliorer la qualité des sols pour augmenter à la fois leur capacité à stocker le CO2 et leur fertilité ». Grâce à eux, les arbres pourraient devenir des auxiliaires précieux dans la lutte contre le réchauffement climatique. 

CÔTE D’IVOIRE

Sous cet iroko mort, on a trouvé 1,1 tonne de carbonate de calcium.

Son tronc contenait également beaucoup de CO2 sous forme minérale.

Les bûcherons y cassent leurs tronçonneuses !

© Laboratoire Biogéosciences UNIL

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CO 2

Charbon

Gaz naturel Roches sédimentaires

Phytoplancton Échanges

gazeux eau/air

Plancton mort Océan

profond Biomasse

Organismes en décomposition

Pétrole Pétrole

Cycle court Cycle long Activités humaines

Co m bu st ion s

Photosynthèse

Enfouissement STOCKS DE CARBONE

Enfouissement Extraction

Photosynthèse

Décomposition et respiration

Décomposition et respiration Respiration

Sédimentation

Les échanges du gaz carbonique entre l’atmos- phère, la terre et les océans s’effectuent selon deux cycles de durées différentes, qui sont im- briqués l’un dans l’autre.

Dans le cycle court, qui dure environ 4,5 ans, le CO2 présent dans l’atmosphère est absorbé en partie dans les eaux et en partie dans la ma- tière organique, c’est-à-dire dans les végétaux.

Lorsque ceux-ci se décomposent, le CO2 est li- béré et repart dans l’atmosphère.

Le cycle long s’étale sur des centaines, voire des millions d’années. Le CO2 de l’atmosphère est stocké dans des roches sédimentaires, via l’altération des silicates, les hydrocarbures, etc. « Au cours de l’histoire de la Terre, le taux de CO2 a fluctué en fonction des glaciations, de la tectonique des plaques, du volcanisme notamment », précise Eric Verrecchia, profes- seur à l’Institut des dynamiques de la surface terrestre de l’UNIL.

L’augmentation de la concentration du gaz car- bonique dans l’atmosphère à laquelle on as- siste actuellement vient du fait qu’en brûlant des hydrocarbures, « on consume de la matière organique et on libère dans l’atmosphère le gaz carbonique qui y était piégé depuis des temps anciens. On injecte donc du CO2 de cycle long dans le cycle court. »

INFOGRAPHIE STEPHANIE WAUTERS

LES CYCLES DU CARBONE

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CO 2

Charbon

Gaz naturel Roches sédimentaires

Phytoplancton Échanges

gazeux eau/air

Plancton mort Océan

profond Biomasse

Organismes en décomposition

Pétrole Pétrole

Cycle court Cycle long Activités humaines

Co m bu st ion s

Photosynthèse

Enfouissement STOCKS DE CARBONE

Enfouissement Extraction

Photosynthèse

Décomposition et respiration

Décomposition et respiration Respiration

Sédimentation

COMMENT SÉQUESTRER LE GAZ CARBONIQUE DANS LE SOUS-SOL

Parmi les nombreuses voies explorées pour séquestrer le CO

2

dans le sol figurent les techniques de piégeage et stockage du carbone, CCS (d’après l’acronyme anglais carbon capture and storage).

GÉOSCIENCES

L’

idée est de recueillir le dioxyde de carbone à sa sortie des usines et, après l’avoir séparé des autres gaz de combustion, de l’injecter dans des roches poreuses – gisements de pétrole ou de gaz naturel, aquifères sa- lins profonds ou gisements de charbon inexploitable.

Entre 2010 à 2012, l’entreprise Total a mené un projet pilote destiné à prou- ver la faisabilité de la méthode. L’expé- rience consistait à capter le CO2 issu d’une cheminée de l’ancienne usine de Lacq, dans le sud-ouest de la France, et de le réinjecter, sous pression, à 4,5 km de profondeur dans un gisement de gaz naturel désaffecté situé à quelques dizaines de kilomètres. En 2017, le groupe français s’est associé à d’autres compagnies pétrolières pour dévelop- per un projet commercial de CCS qui, dans sa première phase, devrait stoc- ker dans le sous-sol de la Norvège envi- ron 1,5 million de tonnes de gaz carbo- nique par an provenant des usines de plusieurs pays.

Ce procédé nécessite d’impor- tants investissements. En outre, sou- ligne Eric Verrecchia, biogéochimiste à l’UNIL, « on n’en a pas encore mesuré toutes les conséquences. Sans comp- ter que l’on est tributaire de la qualité géologique des zones de stockage qui doivent être complètement étanches pour éviter les fuites. »

En Norvège, des scientifiques testent un procédé CCS légèrement dif- férent du précédent. Ils récupèrent le CO2 émis par une usine et, après l’avoir dissous dans de l’eau, ils le réinjectent dans les roches basaltiques d’anciens puits de forage. Cela permet, par mi- néralisation, de transformer le gaz en

calcaire. Alors que le processus natu- rel prend généralement des centaines d’années, les auteurs de l’expérience affirment qu’ils ont pu accélérer le phé- nomène pour qu’il se fasse en deux ans seulement.

Eric Verrecchia est sceptique. « Mes collègues français, qui ont étudié le projet, ont constaté que les Norvégiens rencontraient un certain nombre de problèmes. Ils sont dubitatifs quant à l’avenir de ce genre de techniques. »

Modifier les pratiques agricoles Aux yeux du professeur de l’UNIL, la méthode qui offre le plus de promesses consiste à exploiter les capacités du sol à stocker le gaz carbonique sous forme de matière organique.

Une fois tombés à terre, les végétaux qui ont accumulé du CO2 au cours de la croissance sont partiellement trans- formés par des bactéries et autres mi- cro-organismes en humus, lequel se lie

alors aux argiles pour former la source essentielle de la fertilité et de la stabilité des sols. Toutefois, de nombreux sols sont actuellement déficitaires en car- bone et, pour que ce procédé soit effi- cace, il faut « maintenir un certain taux de carbone par rapport au taux d’ar- gile ». Concrètement, cela nécessite de changer les pratiques agricoles, notam- ment « de ne labourer la terre que là où c’est nécessaire, car cela oxyde toute la matière organique du sol. Cette forme d’agriculture n’est pas nouvelle, ajoute Eric Verrecchia, mais elle doit être pra- tiquée avec perspicacité, afin d’être réellement efficace et rentable. » Ses avantages seraient nombreux puisque, non seulement elle stockerait du CO2, mais en outre, « elle nous permettrait de conserver nos sols et d’obtenir une meilleure production alimentaire ». Le canton de Genève a déjà commencé à explorer cette voie et le canton de Vaud envisage de le faire. EG

ESSAI

A Tomakomai (ville portuaire au nord du Japon), le gouvernement teste la capture et le stockage de CO2 d’origine industrielle dans des aquifères salins, sous les fonds marins.

© Aaron Sheldrick / Reuters

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