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Article pp.7-14 du Vol.21 n°121 (2003)

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Texte intégral

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Alexandre MALLARD

Les études sur les petites entreprises occupent une place un peu particulière dans l’ensemble des recherches consacrées au monde du travail et des organisations par les sciences économiques, sociales et de gestion. Pour le sociologue, elles apparaîtront sans doute comme le parent pauvre de la discipline : même si cela n’est écrit nulle part, la sociologie des organisations, des entreprises, du travail traite massivement du contexte de la grande entreprise. Les principaux paradigmes de la sociologie (en France pour le moins) s’enracinent dans des enquêtes conduites depuis l’après- guerre dans les (très) grandes organisations, ce qui a peu contribué à mettre sur le devant de la scène des questions et des problèmes plus spécifiques aux PME. Pour l’économiste, les petites entreprises représentent une composante originale du système productif qui, depuis le début des années 1980, a concentré sur elle une bonne partie des espoirs de régénération d’un tissu industriel en situation de crise. Depuis cette époque, les PME ont progressivement acquis une notoriété et une visibilité liée à leur capacité à créer de l’emploi, à s’adapter aux marchés de façon flexible et réactive, et à soutenir l’innovation dans un contexte dans lequel la croissance économique semblait ne plus pouvoir venir principalement des grandes entreprises. Une lecture critique des statistiques industrielles disponibles sur l’évolution des populations d’entreprises relativise quelque peu ces espoirs, montrant notamment la part que prend la désagrégation des grandes entreprises dans la création des petites1. De façon plus générale, comme l’indiquent Philippe

1. MOATI, 2002.

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Trouvé et Bruno Courault2, le regard porté par les sociologues et les économistes sur la petite entreprise, notamment dans les liens qui l’unissent à la grande, reflète bien la conception que les pouvoirs publics, voire que la société toute entière, se sont fait de la dynamique de ce tandem dans l’ensemble productif au cours du siècle passé.

Dans ce contexte, c’est sans doute des sciences de gestion que la recherche sur les PME a le plus bénéficié. Un processus long d’une vingtaine d’année y aura en fait vu l’autonomisation progressive d’une réflexion et la construction d’un objet propre. La PME est en effet passée du statut de domaine au statut d’objet de recherche, un objet que circonscrit désormais un ensemble de travaux d’une grande richesse et d’une grande diversité. Elle possède aujourd’hui ses laboratoires de recherche attitrés, ses revues spécialisées (citons notamment la Revue internationale PME, International Small Business Journal, Small Business Economics) – et ses dossiers spéciaux dans les revues généralistes, comme celui consacré en 2001 par la revue Entreprises et Histoires ou, plus récemment encore, en 2003 par la Revue française de gestion, sans parler de celui qu’on présente ici même ! Dans un champ de réflexion marqué globalement par de multiples controverses et empruntant conjointement aux postures descriptives et normatives, les apports thématiques sont variés. Compte tenu du rôle qu’y joue la figure du dirigeant, la PME a été le support privilégié d’une réflexion sur la place de l’entrepreneuriat dans l’économie moderne3 ; la thématique de la stratégie et de son management a fait l’objet de nombreuses recherches4 ; les approches issues de la géographie économique se sont quant à elles intéressées à la capacité des PME à stimuler le développement économique à l’échelle des territoires5, autour notamment de la discussion sur le fonctionnement des districts industriels.

La position occupée par les petites entreprises dans ce triangle disciplinaire sociologie-économie-gestion éclaire sans doute les conditions dans lesquelles peut se faire le repérage des études consacrées aux usages des nouvelles technologies dans ce contexte. Elles adoptent en effet largement les questionnements et les approches des traditions économiste et gestionnaire dont elles sont issues. Sans chercher à faire le bilan de

2. TROUVE, COURAULT, 2000.

3. JULIEN, MARSCHENAY, 1996.

4. SAPORTA, 1986.

5. BAGNASCO, SABEL, 1994.

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recherches qui commencent d’ailleurs seulement à se multiplier, on peut donner des exemples des entrées problématiques qu’elles mobilisent sur le terrain de l’analyse du rôle des TIC dans les PME : ces études empruntent souvent à la théorie de l’avantage concurrentiel de Porter pour situer la place des TIC dans des stratégies de gestion des capacités organisationnelles6 ; elles combinent parfois le regard évolutionniste sur le fonctionnement de la firme et l’attention au personnage du dirigeant-propriétaire en tant qu’acteur décisionnaire majeur susceptible de bénéficier de nouveaux équipements informationnels7 ; elles peuvent encore mettre en perspective la nature des espaces industriels spécifiques dans lesquels s’inscrivent les PME, et le rôle potentiel d’autres intervenants – partenaires industriels qui engendrent des externalités, mais aussi pouvoirs publics ou autres personnes ressources – dans les dynamiques d’adoption de ces nouveaux outils8. L’ouvrage collectif publié sous la direction de Boutary9, qui fait l’objet d’une présentation en note de lecture dans ce numéro, fournit un panorama caractéristique des thématiques privilégiées par des approches de ce type : analyse de la prise de décision d’investissement en TIC par le dirigeant de la PME, impact des réseaux de proximité dans la perception des avantages concurrentiels liés aux TIC, recherche de typologie de comportement vis-à-vis des outils, modalités de leur intégration dans la stratégie commerciale…

Par rapport à ce contexte, les recherches qui sont présentées dans ce numéro introduisent un certain nombre de décalages10, que nous espérons constructifs.

Notons tout d’abord qu’une partie des articles de ce dossier traite plus précisément des petites entreprises, voire des Très Petites Entreprises11 (TPE).

6. AMABILE, GADILLE, 2003.

7. AMABILE et al., 2000

8. GADILLE, D’IRIBARNE, 2000.

9. BOUTARY, 2003.

10. Les 5 premiers articles de ce numéro sont issus d’études réalisées dans le cadre du projet Ecotic de France Télécom R&D. Ce projet s’intègre au programme « Vision E-human » qui a été conduit depuis 2001 par Dominique Cardon. Le dossier dans son ensemble est le fruit d’un séminaire qui s’est déroulé en 2002-2003 à France Télécom R&D. Nous tenons à remercier ici l’ensemble des intervenants au séminaire qui, par leur participation aux discussions, ont largement contribué à la préparation de ce dossier : Frank Cochoy, Bruno Courault, Jérôme Denis, Laurence Dhaleine, Sophie Dubuisson, Martine Gadille, Alain d’Iribarne et Béatrice Vacher.

11. Le terme de TPE est généralement utilisé pour désigner des entreprises comportant moins de 10 ou moins de 20 salariés. Dans ce numéro, on fera parfois un usage élargi du terme en incluant les petits professionnels eux-mêmes (indépendants, entreprise comportant une seule personne). Rappelons qu’avec une telle définition, la population des TPE représente en France environ 3 millions d’entreprises, dont environ 2 millions d’indépendants.

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On contribuera peut-être ici, comme y invite M. Marschenay12, à une meilleure connaissance de cette catégorie d’entreprises dont l’analyse ne recoupe que partiellement celle des moyennes entreprises En deuxième lieu, ce numéro réunit des études qui prennent comme point d’entrée des outils ou des pratiques particulières (le téléphone fixe, la mobilité, la communication électronique, la construction des sites web) et d’autres dont la problématique est plus transversale (le rapport au marché, le traitement de l’information au client), mais qui toutes restent très attentives à la texture des activités communicationnelles concernées. L’hypothèse sous-jacente à cette attention est que les usages des outils s’enracinent bien dans des pratiques économiques et socio-organisationnelles plus générales, mais que la prise en compte de la spécificité des médias et des modes de communication permet d’enrichir et de différencier les analyses, par-delà une appréhension des « TIC » ou de la notion d’« information » en toute généralité. Troisième point notable, ces études ont été réalisées pour la plupart par des sociologues, et traduiront donc sans doute une sensibilité analytique et des méthodologies légèrement différentes de celles des recherches en économie et en gestion. Plusieurs d’entre elles s’inscrivent dans un horizon de sociologie économique, et proposent peut-être à ce titre des lectures nouvelles de la situation de gestion de la PME dans son environnement économique.

C’est le cas de l’article proposé par Sophie Dubuisson, qui explore les modalités de réalisation du travail marchand chez les petits professionnels.

Dans ces structures organisationnelles, le rapport au marché relève d’un traitement relativement artisanal, fondé sur l’expérience des membres de l’entreprise et souvent lié à des relations de services de proximité. En examinant la façon dont ce travail marchand s’articule à l’activité professionnelle elle-même, on dispose d’une entrée intéressante pour caractériser les pratiques relationnelles et le recours aux outils de communication. L’article d’Alexandre Mallard s’interroge sur les usages, dans les TPE, du plus ancien et du plus simple outil de communication qui soit : le téléphone. L’étude adopte ici une méthodologie quantitative, à partir de données d’enquête qui combinent des informations sur les usages et des informations sur le trafic téléphonique lui-même. Cette approche permet de réfléchir à la nature de la « sphère relationnelle » dans l’univers des professionnels, et fait retour sur l’utilisation de la notion de réseau dans une sociologie des activités économiques.

12. MARSCHENAY, 2003.

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L’article de Jérôme Denis s’intéresse aux traitements informationnels de la relation-client dans les petites entreprises. Il s’efforce de suivre dans ces petites organisations l’articulation entre les situations de contact commercial (qui passent par le face à face, le téléphone, le fax, le courrier électronique…) et le traitement de l’information qui en est fait, au travers de systèmes d’information souvent hétérogènes et peu sophistiqués mais qui atteignent les impératifs d’efficacité pratique qu’ils visent. Il propose d’utiliser ici la notion de « chaîne technique » pour mettre en évidence des régimes d’engagement de l’information commerciale dans l’activité qui sont sous-jacent aux actes communicationnels, et dont la pluralité constitue un axe d’analyse fructueux des usages organisationnels.

Laurence Dhaleine et Alexandre Largier présentent dans leur article les résultats de plusieurs recherches qualitatives centrées sur les pratiques de mobilité dans les Très Petites Entreprises. La transformation, au cours du demi-siècle passé, des conditions de la mobilité géographique des personnes, une transformation qui doit en fait beaucoup au développement des technologies et des infrastructures de transports elles-mêmes, a de nombreux effets dans les univers professionnels. Chez les petits professionnels, elle est souvent un moyen d’augmenter leur présence sur les marchés locaux, et de développer des prestations qui améliorent la proximité vis-à-vis des clients et des partenaires. La révolution de la communication mobile que l’on a connue ces dernières années ouvre sur de nouveaux moyens de gérer l’activité relationnelle et informationnelle dans ce contexte. Il reste qu’on dispose de peu de moyens pour qualifier concrètement des pratiques de mobilité qui contribuent sans doute à structurer la communication elle- même. Les auteurs recherchent donc dans leur travail des grilles d’analyse de ces pratiques de mobilité, et les confrontent aux besoins en solutions de télécommunications que connaissent les Très Petites Entreprises.

Les deux dernières contributions de ce numéro portent sur les technologies de l’internet. Franck Cochoy s’est intéressé à la façon dont l’arrivée d’internet fait évoluer la capacité des petites entreprises à se développer à l’international.

L’accès au marché international reste traditionnellement difficile pour des acteurs économiques qui disposent de ressources organisationnelles, financières et partenariales limitées pour construire et entretenir une présence à l’étranger. Internet contribue-t-il à changer la donne ? Pour apporter des éléments de réponse à cette question, l’auteur examine les pratiques ordinaires de la communication sur internet, et pointe celles par lesquelles les petites

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entreprises parviennent à se rendre visible, à nouer des liens, à inaugurer de nouveaux modes de captation des clientèles, à prospecter, à voir sans être vues… C’est bien du côté de l’analyse des prises très multiples que donnent ces nouveaux dispositifs pour l’activité relationnelle (interface web suscitant la curiosité, dynamique de la navigation qui « crée du contexte », mise à distance des difficultés linguistiques, constitution des carnets d’adresse…) que l’on trouve une série de mécanismes susceptibles de renforcer la position des

« points faibles » dans les réseaux du commerce international.

Enfin, l’article d’Alain d’Iribarne et de Robert Tchobanian se donne pour objectif l’établissement de critères de différenciation dans les modes de mise en place de sites web dans des PME. Il s’agit de comprendre quelles sont les variables sur lesquelles on peut s’appuyer pour caractériser la diversité des dynamiques organisationnelles que l’on peut observer et des sites qui en résultent. Les auteurs proposent de prendre en compte dans l’analyse des éléments relatifs à la PME elle-même (son secteur, sa position dans la chaîne de valeur…), au lectorat visé et aux finalités assignées aux sites. Ce travail débouche sur des typologies qui combinent ces trois types de critère et permettent de situer la place dans cette perspective des variables que l’économie industrielle utilise classiquement pour différencier les PME.

L’intérêt que manifeste cette dernière étude pour la quête de typologies opératoires nous amène à revenir, pour conclure, sur la façon dont les petites entreprises peuvent être abordées dans cette réflexion sur les nouvelles technologies.

Un des bénéfices du processus d’institutionnalisation de l’objet « PME » que les sciences de gestion ont contribué à produire au cours des dernières années est sans doute de pouvoir périodiquement réinterroger les critères qui soutiennent cette démarche d’autonomisation elle-même. Comme le montre Torrès13, il convient de se montrer prudent quant à l’idée d’une « spécificité de gestion » des PME dont les recherches auraient peut-être un peu trop tendance à imposer l’évidence. Il est donc sans doute utile de remettre l’ouvrage sur le métier, et d’interroger, du point de vue de la problématique des usages des TIC, non seulement ce qui différencie les petites des grandes entreprises mais aussi ce qui justifie l’unité de traitement d’un ensemble d’acteurs économiques dont les recherches elles-mêmes ne cessent de rappeler l’hétérogénéité. Reconnaissons que par rapport à la première

13. TORRES, 1998.

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question, les contributions de ce numéro ont opté pour une attitude pragmatique, le critère de « petitesse » des entreprises ayant été utilisé en entrée pour délimiter des enquêtes et construire des échantillons. Il nous semble que cette approche est d’autant plus justifiée au regard du cas des TPE, qui témoignent d’une « épaisseur organisationnelle » très faible et d’une prégnance très forte des relations à leur environnement, ces deux points contribuant à structurer fortement les activités de communication.

Pour ce qui est de la deuxième question, on rejoint ici clairement le chemin tracé par les recherches en économie et en gestion : la recherche de catégories pertinentes, permettant d’ordonner la diversité que recèle le monde des petites entreprises, constitue une préoccupation qui traverse l’ensemble des contributions à ce numéro.

On trouvera en varia un article d’Alexandre Mathieu-Fritz qui s’intéresse à la compétence relationnelle que doivent déployer les huissiers de justice dans leur activité de recouvrement des créances. L’auteur observe l’équilibre qui s’établit entre quatre déterminants : le respect de la demande du créancier, celui des règles juridiques, l’attention à la situation et aux actions du débiteur et la préservation de leurs propres intérêts et en tire des figures idéal typiques.

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AMABILE S., GADILLE M. (2003), « Les NTIC dans les PME : stratégies, capacités organisationnelles et avantages concurrentiels », Revue française de gestion, vol. 29, n° 144, p. 43-63.

BAGNASCO A., SABEL C. (1994), Les PME et le développement économique en Europe, Paris, La Découverte, Collection Recherches.

BOUTARY M. (2003), TIC et PME : des usages aux stratégies, Paris, L’Harmattan.

GADILLE M., IRIBARNE A. (d’) (2000), « La diffusion d’internet dans les PME : motifs d’adoption, réseaux et ressources mobilisées », Réseaux, n° 104, p. 61-92.

JULIEN P.-A., MARCHESNAY M. (1996), L’entrepreneuriat, Paris, Economica.

MARSCHENAY M. (2003), « La petite entreprise : sortir de l’ignorance », Revue française de gestion, vol. 29, n° 144, p. 108-118.

MOATI Ph. (2002), L’entreprise du XXIe siècle, Paris, Editions de l’aube/Datar.

SAPORTA B. (1986), Stratégies pour la PME, Paris, Montchrestien.

TORRES O. (1998), PME – de nouvelles approches, Paris, Economica.

TROUVE Ph., COURAULT B. (sous la direction de) (2000), Les dynamiques des PME. Approches internationales, Paris.

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