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Article pp.7-12 du Vol.21 n°122 (2003)

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PRÉSENTATION

Michel CALLON Christian LICOPPE Fabian MUNIESA

L’intérêt pour la finance n’est pas nouveau en sociologie. Les marchés financiers fournissent une occasion de choix pour développer les vieilles ambitions de la sociologie économique (tantôt mettre en évidence de grandes logiques de domination, tantôt exemplifier des modes locaux de sociabilité marchande). Mais ils constituent aussi un terrain privilégié pour en cultiver de nouvelles : par exemple, conquérir le noyau « économique » des marchés sans pour autant renoncer à faire de la sociologie. Pour ce deuxième genre d’ambitions, la littérature disponible est moins abondante. Il s’agit en effet d’un projet difficile. Il demande de s’affranchir d’une hiérarchie des disciplines (le social pour la sociologie et l’économique pour la science économique) qui cantonne souvent l’approche sociologique aux marges de

« ce qui compte » en économie. Il exige également d’entrer dans la technicité des objets économiques, technicité dont les marchés financiers offrent sans doute les cas les plus extrêmes1.

Equations, algorithmes, ordinateurs… les marchés financiers sont peuplés de ces êtres. Les ignorer suppose ignorer la finance toute entière. De quels outils l’approche sociologique doit-elle se doter pour les prendre en compte ?

1. L’édition de ce numéro a été possible grâce au soutien du programme Moving Markets de la London School of Economics and Political Science.

Cet article des Editions Lavoisier est disponible en acces libre et gratuit sur reseaux.revuesonline.com

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Une circonstance particulièrement intéressante a caractérisé, à ce titre, le renouveau de la sociologie économique de ces dernières années : l’irruption de la sociologie des sciences et des techniques dans l’analyse des marchés financiers. En effet, il semblerait que plusieurs chercheurs et chercheuses en provenance des science & technology studies (ou du moins proches de ce domaine) se soient mis, de concert, à l’analyse du noyau dur des marchés financiers. Ils ont apporté, avec eux, leur obsession pour les dispositifs matériels. Ce que la sociologie des sciences et des techniques avait montré pour les faits scientifiques dans les années 1980 (sans dispositifs matériels, pas de sciences) vaut désormais aussi pour les faits marchands.

Nous avons regroupé dans ce numéro certaines des contributions les plus remarquables de ce nouveau courant. Ce regroupement n’est pas uniquement le fait de notre mise en forme éditoriale : les textes se citent et se répondent les uns les autres, leurs auteurs se sont rencontrés à l’occasion de plusieurs colloques2 au cours desquels cette approche, certes truffée d’hétérogénéités, s’est dotée d’une mise en perspective d’ensemble. Malgré leur regard obstiné sur le cas des marchés financiers, la portée des articles regroupés dans ce numéro va au-delà de cet objet empirique. Les marchés financiers constituent un cas extrême qui sert ainsi de laboratoire pour l’élaboration d’un regard nouveau en sociologie des marchés.

Le premier article s’attaque à l’un des exemples les plus féconds de mixtion entre les sciences des marchés et les marchés eux-mêmes : le cas des marchés de produits dérivés. La naissance et l’essor des dérivés financiers sont, en effet, intimement liés à l’histoire des outils mathématiques qui permettent d’estimer leur prix. Dans leur article, Donald MacKenzie et Yuval Millo étudient ainsi un épisode capital de l’histoire de la finance contemporaine : l’introduction de la célèbre formule de tarification d’options de Black & Scholes et la transformation des pratiques marchandes au CBOE (Chicago Board Options Exchange).

L’article de Daniel Beunza et de David Stark abandonne une perspective historique pour nous amener dans les entrailles d’une salle de marché. Ils se concentrent sur le cas de l’arbitrage. Ils montrent comment le succès de cette stratégie « associationniste » (l’arbitragiste base son profit sur l’exploitation

2. Notamment lors du colloque The Culture(s) of Financial Markets (Université de Bielefeld, novembre 2000) et à la New York Conference on the Social Studies of Finance (Université de Columbia, mai 2002).

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Présentation 11

des écarts entre les cours de deux produits censés être « corrélés ») est basé sur une mobilisation constante de dispositifs matériels (depuis les logiciels de négociation jusqu’à la distance physique entre les équipes de traders au sein de la salle de marché).

Le troisième article prolonge cette exploration des technologies qui fabriquent le marché à travers une anthropologie des écrans de négociation.

Karin Knorr Cetina et Urs Bruegger portent leur attention, cette fois-ci, sur les propriétés phénoménologiques de ce mode d’engagement dans le marché.

Comprendre le statut de « l’information » dans le monde de la haute finance passe en effet par une prise en compte de la forme que ces technologies en écran impriment au rapport marchand.

Dans le quatrième article de ce recueil, Alex Preda déploie un regard historique sur un outil qui a joué un rôle central dans le développement de la finance moderne : le téléscripteur ou ticker. Loin de se limiter à une simple apport de vitesse et d’exactitude dans la transmission des informations boursières, le ticker a radicalement modifié la forme de ce que l’on entend par « information » en finance et, partant, l’organisation même des activités financières ; et il l’a fait de manière bien différente à d’autres technologies concurrentes, telles que le pantélégraphe de la Bourse de Paris au XIXe siècle.

L’économiste et historien des sciences Philip Mirowski nous propose, quant à lui, un essai théorique sur la portée de ces nouvelles approches. Cette nouvelle sociologie des marchés, munie des outils et méthodes de la sociologie des sciences et des techniques, touche en effet au cœur de la nature économique des marchés et suppose donc un défi aux sciences économiques. L’existence d’une « nouvelle économie de l’information » a, certes, été bel et bien remarquée et commentée par de nombreux économistes ; mais l’impact des technologies de l’information dans l’organisation des marchés (et dans l’explicitation de leurs variétés) n’a pas été suffisamment élucidé.

Dans le dernier article de ce numéro, nous (Michel Callon et Fabian Muniesa) reprenons et prolongeons certains des résultats les plus remarquables de cette nouvelle approche. En combinant des exemples concernant les marchés financiers à d’autres travaux en sociologie des marchés (sur la grande distribution notamment), nous élaborons un cadre

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méthodologique qui permet de décrire et analyser la variété des formes de calcul marchand. La prise en compte du caractère équipé et distribué des pratiques de calcul permet en effet d’étudier empiriquement les marchés en ce qu’ils ont, précisément, d’économique.

On trouvera deux articles en Varia. Emmanuel Henry présente le résultat de ses recherches sur la question de l’amiante et les difficultés que les médias ont connues pour s’en emparer, « entre silence et scandale ». De son côté, Gilles Kraemer analyse la difficile création de sites web des quotidiens algériens. Malgré son caractère minimal, il souligne sa nécessité aux yeux de la diaspora comme image de la modernité.

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