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La représentation des genres comiques et tragiques dans les écritures surréalistes entre 1910 et 1940

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Academic year: 2021

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Submitted on 10 Apr 2018

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La représentation des genres comiques et tragiques dans

les écritures surréalistes entre 1910 et 1940

Julien Remy

To cite this version:

Julien Remy. La représentation des genres comiques et tragiques dans les écritures surréalistes entre 1910 et 1940. Littératures. Université Côte d’Azur, 2017. Français. �NNT : 2017AZUR2036�. �tel-01727010v2�

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École doctorale Sociétés, Humanités, Arts et Lettres (SHAL) ED86

Unité de recherche : Centre Transdisciplinaire d’Epistémologie de la Littérature et des arts vivants (CTEL)

Thèse de doctorat

Présentée en vue de l’obtention du

grade de docteur en Littérature Française & Francophone de

L’Université Côte d’Azur par

Julien Remy

La représentation

des genres comiques et tragiques

dans les écritures surréalistes entre 1919 et 1940.

Dirigée par Béatrice Bonhomme

Soutenue le 11 décembre 2017 Devant le jury composé de :

Béatrice Bonhomme Professeur, Université Côte d’Azur Directeur de thèse Marie Joqueviel- Maître de conférences HDR, Rapporteur

Bourjea Université Paul-Valéry Montpellier

Frédérique Malaval Maître de conférences HDR, Rapporteur

Université Paul-Valery Montpellier

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Remerciements :

Mes remerciements s‟adressent en premier lieu aux Professeurs qui m‟ont soutenu durant toute la durée de ce travail.

Mesdames les Maîtres de Conférences, Marie-Joqueviel Bourjea et Frédérique Malaval, ainsi que Monsieur le Professeur Serge Bourjea, m‟ont encouragé très tôt à m‟inscrire en thèse. Leur bienveillance et leur gentillesse m‟ont permis de gagner en confiance et de rencontrer ma Directrice de thèse Madame le Professeur Béatrice Bonhomme.

Je remercie ma Directrice, Madame Béatrice Bonhomme, d‟avoir accepté de m‟accueillir au CTEL afin de me permettre de poursuivre mes recherches dans la continuité de ce qui avait été développé dans mes précédents mémoires. Tout au long de ces cinq années, Madame Bonhomme m‟a conseillé pour la rédaction des mes chapitres et m‟a encouragé à persévérer dans mes efforts.

Mes remerciements s‟adressent également à tous mes proches qui m‟ont soutenu moralement. Je remercie tout particulièrement mes parents pour leur patience et leur aide généreuse. Leurs nombreuses relectures m‟ont permis de clarifier le contenu de mon travail. Ils ont toujours été à mes côtés et m‟ont permis d‟avoir la force nécessaire pour maintenir le cap vers mon objectif principal : l‟aboutissement de ce travail de thèse.

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« En premier lieu Ŕ il ne peut l‟éviter Ŕ l‟homme doit combattre, devant répondre à la volonté qu‟il a d‟être seul et lui-même tout. Tant qu‟il combat, l‟homme n‟est encore ni comique ni tragique et tout demeure en lui suspendu : il subordonne tout à l‟action par laquelle il lui faut traduire sa volonté (il lui faut donc être moral, impératif). Mais une échappée peut s‟ouvrir. »

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Sommaire ... p.9. Introduction ... p.11.

Partie I : L‟écriture surréaliste : une crise des sens

1/Un pessimisme annihilateur, une imagination constructive ... p.32. 2/L‟exploration de la réalité, de la vie et de la mort ... ….p.48. 3/Dynamique et temps du réel ... p.60. 4/La co-présence du corps et de la raison ... p.76. 5/Le signe comme fondement de l‟image et des mots ... p.84. 6/Le transport de la métaphore ... p.96. 7/Le rêve ... p.111.

Partie II : Le genre comique : le luxe du réflexe psychique

1/Le luxe du réflexe psychique ... p.124. 2/L‟imprégnation du Moi ... p.136. 3/Des insuffisances mélan Ŕ comiques ... p.148. 4/Une réalité étendue ... p.166. 5/Le sérieux : le masque de l‟incongruité comique ... p.176. 6/La répétition ... p.192. 7/L‟ennui ou le vide de toute pensée ... p.204.

Partie III : Le tragique : l’expression du réel

1/Le genre tragique comme héritage légitime du romantisme ... p.216. 2/De la conscience vers l‟inconscience : l‟écriture automatique et le mot d‟esprit ... p.232. 3/La joie surréaliste comme jaillissement d‟une écriture nouvelle ... p.244. 4/L‟humour chez les surréalistes : un possible révélateur de métamorphoses ... p.254. 5/Le rire comme produit de l‟humour surréaliste ... p.266. 6/Le sublime ... p.278. 7/La mort ... p.288.

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Partie IV : La rencontre tragi-comique : à la source de l’esprit

1/ L‟ouverture à un « double horizon » ... p.306. 2/Réalités intérieure et extérieure : un impossible mariage ... p.320. 3/L‟ironie surréaliste comme révélateur d‟une réalité intérieure ... p.330. 4/La conséquence de l‟ironie ; la réalité devenue simulacre ... p.342. 5/Le witz surréaliste comme révélateur d‟une réalité extérieure ... p.354. 6/La conséquence du witz surréaliste : une réalité intérieure devenue réelle ... p.366. 7/Le suicide ; l‟être déchargé de son moi ... p.378.

Conclusion ... p.391. Index des noms cités ... p.407. Bibliographie ... p.413. Iconographie ... p.423.

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La richesse des courants artistiques précédant le début du XXe siècle se compose principalement du réalisme, du symbolisme, du romantisme du super-naturalisme et du surnaturalisme. Tous concourent à l‟avènement du futurisme créé par le poète italien Filippo Tommaso Marinetti 1876-1944). Le futurisme représente à partir de 1909, le dernier courant artistique majeur avant que la Première Guerre Mondiale ne se produise et marque durablement la mémoire des populations d‟Europe. Après le chaos de la guerre, les peuples se réorganisent et pansent leurs plaies. Sur le plan artistique, un groupe d‟artistes apparaît et tente de poursuivre la volonté Rimbaldienne (1854-1891), de démystifier les choses cachées de la réalité1. Cette volonté d‟approcher et de comprendre les mystères de la vie, s‟appelle alors le surréalisme2

, et apparaît progressivement entre 1917 et 1924 comme le grand accumulateur et condensateur des précédents courants. Prenant le relais du dadaïsme de Tristan Tzara (1896-1963), le surréalisme continue à se jouer des conventions sociétales, en les détournant de manière satirique.

Présenté à partir de 1919 dans la revue « Littérature » puis officialisé en 1924 par la publication de son premier manifeste, le surréalisme affronte la prolongation inévitable du traumatisme engendré par la guerre. Très tôt cependant, le courant surréaliste tente de séduire le public par son aptitude à montrer la vie sous un autre angle et à tenter de transformer le sentiment de tristesse. Cette approche vient amorcer un nouvel espoir dès lors que la mort et les souffrances n‟ont cessé de hanter les esprits depuis plusieurs années. La nouveauté apportée par les écrits surréalistes, est, à l‟instar des écrits dadaïstes, issue de provocations. Le surréalisme se présente à ce moment précis de l‟Histoire comme une chance en même temps qu‟une nécessité pour ses contemporains. Les populations souhaitent effectivement que le passé soit effacé et laisse place à une quotidienneté plus empreinte de poésie. Le nationalisme et le patriotisme qui ont engendré la guerre et qui perdurent toujours à cette époque, doivent disparaître définitivement des mentalités.

1

Le dictionnaire abrégé du surréalisme définit la réalité selon le point de vue de plusieurs auteurs surréalistes dont les poètes et écrivains français, fondateurs du surréalisme, André Breton (1896-1966), René Char (1907-1988) et Paul Eluard (1895-1952) qui sont les co-auteurs de cet ouvrage : « Réalité : « la réalité est aux doigts de cette femme qui souffle à la première page des dictionnaires. » (A.B). « La réalité devient le paravent derrière quoi se cacher et mépriser, ignorer, nier la mouvante épaisseur des réalités, leur projection sur tous les plans Ŕ intellectuel, moral, scientifique, poétique, philosophique, etc. Ŕ Eux-mêmes tour à tour émetteurs et réflecteurs, en feu d‟astre à surprise ou en terre de planète habituelle. » (René Char) » (Dictionnaire abrégé

du surréalisme, Paris, José Corti, 1991, p. 23).

2

Le chercheur universitaire belge Paul Aron (1956) nous donne une première indication de ce qu‟est le surréalisme : « Le concept de surréalisme (le mot est inventé par Apollinaire) a été choisi pour se distinguer des notions de « supernaturalisme » (Nerval) et de « surrationnalisme » (Bachelard) qu'il englobe en sorte de « ruiner définitivement tous les autres mécanismes psychiques. » (« Manifeste », 1924) » (Les cent mots du

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Il faut donc éradiquer les souvenirs de cette guerre de la mémoire collective, afin d‟envisager un avenir plus radieux. Le surréalisme qui veut innover, propose alors d‟annihiler les valeurs existantes en politique, en art, et en tout ce qui touche le quotidien. Toutes les anciennes considérations seraient ainsi balayées permettant aux nouvelles idées de se répandre plus facilement.

Les surréalistes décident de transformer l‟influence exercée par les précédents courants artistiques. Pour créer la nouveauté en retraversant les courants du passé, il leur est nécessaire de créer un mouvement qui puisse imprégner leurs ambitions artistiques. Les caractéristiques indispensables à l‟identité de leur groupe, ne peuvent pas être inventées sur un coup de dés. C‟est de manière circonstanciée, qu‟ils apportent chacun une part de leur personnalité qui, additionnée à celle de tous les autres reflète finalement l‟état de la société. Partagés entre optimisme et pessimisme, entre réalisme et rêverie, entre frivolité et délires intérieurs, ils oscillent clairement pour les observateurs que nous sommes, entre des états de sérieux1 et de légèreté que nous assimilons par extension de leurs manifestations, aux dimensions comiques et tragiques de l‟existence humaine. L‟existence humaine devient, pour les rescapés du massacre de la Grande Guerre, synonyme de survie et de résistance à ce qui avait entravé la liberté. A l‟image de la liberté de la France qui fut ardemment défendue, les surréalistes prétendent faire survivre l‟art de la dérision et de l‟illusion que fut Dada. Dada va promouvoir l‟essor du groupe surréaliste, comme il fut durant toutes ces années de guerre, au front comme ailleurs, le témoin de la tragédie humaine. Cette quasi-continuité entre le dadaïsme et le surréalisme se remarque dès le début des années vingt avec l‟approche du nihilisme, de l‟humour noir, et des idées typiquement anarchistes.

Parallèlement à ce que va devenir le surréalisme que l‟on connaît aujourd‟hui, l‟histoire littéraire du début du XXe

siècle est aussi marquée par les écrits de la nouvelle science psychanalytique dirigée par le neurologue autrichien Sigmund Freud (1856-1939). Il fut l‟homme que l‟on pourrait qualifier de « providentiel » tant il influença la vision des artistes surréalistes. Avec un intérêt grandissant, ceux-ci se sont questionnés et se sont intéressés aux découvertes psychanalytiques freudiennes de leur époque. En phase avec ces

1 Le philosophe français Vladimir Jankélévitch (1903-1985) consacre une grande partie de ses réflexions au

caractère sérieux de la vie en société. Parmi ses nombreuses citations se rattachant au sérieux, nous retenons celle-ci : « Quand un discours est sérieux, il faut le prendre à la lettre, comme le Code civil : rien à lire entre les lignes, rien qui doive s'entendre à demi-mots ; le Sérieux, en cela, est à l'opposé de toute poésie. » (L'aventure, l'ennui, le sérieux, Paris, Montaigne, 1963, p. 212).

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découvertes, l‟écriture surréaliste naissante pourrait se comparer à un train circulant, dont la locomotive serait l‟imagination1

. Les voitures de ce convoi représenteraient alors les mots tractés par cette imagination dans laquelle tout bouge et rien ne se fixe, comme cela sera suggéré plus tard par le dramaturge roumain Eugène Ionesco (1909-1994) : « Ecrire c‟est découvrir2

». Cette volonté à inventer un autre monde que celui existant a été la priorité majeure des surréalistes. Pour ce faire, ils ont retraversé ce qui façonnait jusqu‟alors leur triste quotidien, avec le double objectif de vivre dans l‟instant présent et de marquer cet instant de leur empreinte. Le surréalisme bouscule ainsi très vite les habitudes d‟un monde dans lequel chacun s‟accordait à penser la même chose. « Penser » et « Etonner » constituent les pôles actifs du surréalisme, qui permettent l‟éclosion d‟un nouveau courant, celui d‟un mouvement qui s‟attache à découvrir les mystères3 de la réalité en nous invitant à une réflexion métaphysique.

Dès ses débuts, le courant surréaliste ambitionnait de reconquérir l‟unité oubliée de l‟homme, composée de corps et d‟esprit4

. Pour reconquérir cette unité abstraite, les surréalistes ne pouvaient pas partir de rien. L‟imaginaire, clé de voûte de la créativité surréaliste, permet de cultiver une harmonie faite de désenchantement et de merveilleux5,

1 L‟imagination est « la faculté de se représenter par l‟esprit des objets ou des faits irréels, ou jamais perçus,

de restituer à la mémoire des expériences antérieures » (Le Petit Larousse Illustré, op.cit.).

L‟écrivain français Pierre Naville (1904-1933) définit l‟imagination comme préexistant au langage. Il affirme notamment que : « L‟imagination est dans les choses avant d‟être dans le langage, dans les relations entre les choses avant d‟être dans les mots ou même dans les actes. » (Le temps du surréel, Galilée, Paris, 1977, p. 223)

2

E. Ionesco : Découvertes, Paris, Puf, 1953, p. 64.

3 L‟écrivain roumain Emil Cioran (1911-1995) écrivit autour de la notion de mystère qui caractérise selon

nous l‟une des caractéristiques du surréalisme : « Ce qui nous distingue de nos prédécesseurs, c'est notre sans-gêne à l'égard du Mystère. Nous l'avons même débaptisé : ainsi est né l'Absurde... » (Syllogisme de

l’amertume, Paris, Gallimard, 1980, p.23).

4 L‟esprit est synonyme de « principe immatériel, substance incorporelle, âme » (Le Petit Larousse Illustré,

op.cit.). Cependant nous ajouterons à cette définition trouvée dans le dictionnaire, que le corps et l‟esprit

forment un tout. Tout ce qui jaillit de l‟image vers l‟œil est rempli de sens, mais ne permet pas de voir totalement l‟image. La pensée s‟inscrit dans le voir.

Le poète français Pierre Reverdy (1889-1960) écrit plus précisément à propos de l‟esprit : « Et la réalité profonde Ŕ le réel Ŕ c'est ce que l'esprit seul est capable de saisir, de détacher, de modeler, tout ce qui dans tout, y compris la matière, obéit à sa sollicitation, accepte sa domination, évite, esquive l'emprise trompeuses des sens. Où les sens sont souverains la réalité s'efface, s'évanouit. » (La Révolution surréaliste, Paris, Gallimard, n°1, 1924, p.20).

5 D‟après L’Encyclopédie universalis en ligne : « Le merveilleux est un effet littéraire provoquant chez le

lecteur (ou le spectateur) une impression mêlée de surprise et d'admiration. Dans la pratique, on ne peut pas en rester là. La rhétorique classique limitait le merveilleux à l'intervention du surnaturel dans le récit et le décrivait comme un ensemble de procédés, ce qui a contribué à le rejeter hors du crédible et finalement hors de l'écriture. Une tendance plus récente l'identifie à cet éclair de ferveur qui est au cœur de toute expérience humaine : il en vient à désigner une qualité de présence de l'homme au monde et du monde à l'homme. » (http://www.universalis.fr/encyclopedie/merveilleux).

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de réflexion1 et de désinvolture2. La réflexion3 émanant de l‟âme4 renverse toutes les valeurs inhérentes à la réalité. Pour traverser l‟opacité de la réalité, la raison des artistes surréalistes se met en veille, offrant plusieurs ouvertures et possibilités à leur imagination. La non-réflexion, indispensable au jeu que leur offre l‟imagination justifie leur rupture avec la réalité. Le surréalisme ambitionne dès lors une « libération totale de l‟esprit » en cherchant constamment à conquérir une réalité plus élevée que celle existante. Cette réalité supérieure sera appelée « surréalité » conformément à l‟adjectif inventé par Guillaume Apollinaire (1880-1918) dans la préface du livre « Les Mamelles de Tirésias ». Cette surréalité, constamment en lien avec notre réalité de référence, participe à l‟ambivalence entre les choses raisonnées et imaginées, entre les choses perçues et désirées. Afin d‟obtenir cette réalité absolue, André Breton exprime le vœu d‟unir le réel à l‟imaginaire.

A partir de toutes ces observations préliminaires, il semble évident que le courant surréaliste se prête aujourd‟hui à une infinité d‟interprétations parce qu‟il est, entre autres, issu du champ psychanalytique freudien. L‟écriture surréaliste s‟efforce d‟être une cure de libération5. En littérature, elle nous offre des écrits, jusqu‟alors inédits, de ce que Freud et beaucoup d‟autres appelleront ensuite l‟inconscient6

. En établissant son propre désordre, en

1 Nous définissons la réflexion comme émanant de la raison active déployant une mise en logique rationnelle.

Le dictionnaire indique que le mot réflexion provient du terme latin « reflexio » qui signifie l‟action de tourner en arrière. Elle est une « action de réfléchir, d‟arrêter sa pensée sur quelque chose pour l‟examiner en détail ». (Le Petit Larousse Illustré, op.cit.).

2 Salvador Dali donne le ton dans l‟ouvrage qu‟il intitule « Oui » : « Le principe de réalité contre le principe

de plaisir ; la vraie position du vrai désespoir intellectuel est, précisément, la défense de tout ce qui, par le chemin du plaisir et des prisons mentales de toutes sortes, peut ruiner la réalité, cette réalité de plus en plus soumise à la réalité violente de notre esprit. La révolution surréaliste est avant tout une révolution d‟ordre moral. Cette révolution est un fait vivant, le seul ayant un contenu spirituel dans la pensée occidentale moderne »2 ( Oui, Paris, Denoël, p.150).

3

Pour le philosophe grec Aristote (384-322 avant J-C) l‟esprit est une puissance de réflexion et de non réflexion permettant d‟expérimenter toutes les possibilités permises par la vie. La philosophie occidentale a toujours défendu l‟idée de puissance, de l‟expérience du possible, incluant aussi l‟idée de non réalisation. Cette philosophie ne vise pas aux résultats, elle pose la puissance de l‟intellect.

4

Dans la plupart des cas et comme l‟écrivit Aristote : « l‟âme ne subit aucune passion et n‟accomplit aucune action qui n‟intéresse le corps : tels la colère, l‟audace, le désir, et d‟autres sensations… Par contre l‟intellection semble émaner de l‟âme, mais cette activité est elle-même un acte de l‟imagination ou ne peut s‟exercer sans le concours de l‟imagination. Elle ne pourra elle non plus, s‟accomplir ». (Aristote : Poétique, Paris, Les Belles Lettres, 2002, p. 42- 1451b.).

5 Emil Cioran répond d‟une certaine manière à ce que représente la libération de l‟homme pour les

surréalistes : « La « libération » de l'homme ? - Elle viendra le jour où, débarrassé de son pli finaliste, il aura compris l'accident de son apparition et la gratuité de ses épreuves, où chacun se trémoussera en supplicié sautillant et docte, et où, pour la populace elle-même, la « vie » sera réduite à ses justes proportions, à une « hypothèse de travail ».(E. Cioran : op.cit., p.160).

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En évoquant la conquête Dalinienne de l‟irrationnel, le peintre et essayiste français André Masson (1896-1987) définit succinctement le rôle que joue l‟inconscience dans les écritures surréalistes : « On trouve peut-être là le dénominateur commun du surréalisme : l‟acceptation, la recherche de tout ce qui est caché et généralement rejeté ; d‟une manière générale, tous les phénomènes de l‟inconscient. » (Le vagabond du

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brouillant la raison1 et les mots, et en maintenant à l‟intérieur du présent le passé et le futur, l‟in-intellection révèle une nudité du « Soi »2

freudien. Ce Soi représentera pour nous l‟inconscience tout au long de notre réflexion.

Nous entendons par ce terme de « Soi », et en des mots plus simples, le mouvement même de la conscience. Le sens caché des écrits surréalistes ou l‟aspect caché qu‟ils renferment constitue le fil conducteur de nos recherches. C‟est donc dans une lecture au second, voire au troisième degré, que ces écrits dévoilent un sens bien particulier. La part d‟imaginaire est omniprésente lorsque l‟écriture se transforme en évasion spirituelle. Débrider notre imagination et plonger dans la lecture à laquelle les auteurs nous invitent, voilà la plaisante immersion proposée par les surréalistes. Les auteurs et poètes surréalistes emploient différentes méthodes pour parvenir aux associations d‟idées nouvelles ainsi qu‟à certains effets de surprises. Pour atteindre ces objectifs, ils mettent au point le jeu du cadavre exquis3, le jeu des définitions4, le jeu de l‟un dans l‟autre5, le jeu des syllogismes6, ainsi que l‟écriture retranscrite depuis la pensée parlée sous l‟état d‟hypnose.

1 Afin de définir ce qu‟est la raison, l‟écrivain français René Crevel (1900-1935) cite André Breton :

« L‟auteur du « Manifeste du surréalisme » assigne à la raison son véritable rôle qui est de contrôle. Adjuvant de l‟intelligence, ses attributions l‟empêchent de voir large, d‟aller à l‟essentiel, mais parce qu‟il est trop facile de s‟absorber dans des détails, la lutte injuste entre elle et l‟esprit ne cesse de se poursuivre.» (L’esprit

contre la raison, Paris, Pauvert, 1986, p. 60).

A cette citation de Crevel l‟on peut ajouter celle-ci beaucoup plus courte : « Raison : nuage mangé par la lune. » (Dictionnaire abrégé du surréalisme, op.cit., p. 23).

2 Le terme psychanalytique de « Soi » est définit dans le dictionnaire Le Petit Robert à partir d‟une citation de

l‟écrivain et philosophe français Jean-Paul Sartre (1905-1980): « Le soi renvoie (...) précisément au sujet, il indique un rapport du sujet avec lui-même » (Nouveau Petit Robert, Paris, Le Robert, 1996).

Sigmund Freud interprète le Soi de la façon suivante : « Dans le « soi », pas de conflits ; les contradictions, les contraires voient leur termes voisiner sans en êtres troublés, des compromis viennent souvent accommoder les choses. » (…) « Tout ce qui se passe dans le « soi » est et demeure inconscient : voilà qui seul est certain, et que les processus se déroulant dans le « moi » « peuvent » devenir conscients, et eux seuls. » (La Révolution surréaliste, Paris, Gallimard, N°9-10, p.27-28).

3 Le principe du cadavre exquis repose sur une suite de mots écrits tour à tour au hasard par différentes

personnes suivant le modèle : adjectif Ŕ adverbe-verbe-nom. Le dictionnaire abrégé du surréalisme indique officiellement : « Cadavre exquis : Jeu de papier plié qui consiste à faire composer une phrase ou un dessin par plusieurs personnes, sans qu‟aucune d‟elles puissent tenir compte de la collaboration ou des collaborations précédentes. » (Dictionnaire abrégé du surréalisme, op.cit, p. 6).

4 Le jeu des définitions exige d‟être deux joueur dont un qui pose des questions commençant par « Qu‟est-ce

que ? » masquant la suite de la question et laissant à l‟autre joueur, le soin d‟y répondre librement au gré de son imagination.

5 Le jeu de l‟un dans l‟autre : André Breton indique que : « « Le grand intérêt de l‟un dans l‟autre » est

d‟entretenir une continuelle fermentation permettant la transformation de « toute » chose en « toute » autre, l‟agent spécifique de l‟opération Ŕ la levure mentale, dont la possession est bien tout ce que rêve de nous assurer la poésie Ŕ s‟y montrant à même de provoquer l‟effervescence commune des « sens » (autrement dit « percepts ») et des images, seuls éléments constitutifs de l‟esprit. » (Perspective cavalière, Paris, Gallimard, 1977, p.69).

6 Le jeu des syllogismes repose sur la trilogie des phrases démarrant chacune par : « Tous… » - « Or… » -

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Cette mouvance au sein même de l‟écriture surréaliste se concrétise par l‟écriture automatique1 d‟André Breton et le hasard objectif 2 qui en découle. Dans le surréalisme, l‟univers commun est bouleversé ou poussé à sa plus haute intellection, pour être ensuite réinventé. Judith Schlanger, philologue contemporaine, considère l‟intellection de la même manière que les surréalistes : en un jeu fabriqué depuis le sens courant de la langue afin de s‟approcher de son « surplus hyper-riche3

» annihilant les frontières entre créer et penser. Le déroulement d‟une telle mutation dans la création artistique du début du XXe

siècle passe dans un premier temps par le rejet de tout ce qui appartient à l‟aspect rationnel des choses. Les surréalistes affichent leur satisfaction de fouler au pied cette rationalité, manifestant ainsi leur engouement pour l‟irrationalité. Le peintre espagnol Salvador Dali (1904-1989) évoque cette période très faste des premiers balbutiements pour approcher « l‟irrationalité concrète4 » ou les méthodes d‟exploration systématique de l‟irrationnel.

Les peintres surréalistes, tels que Dali et De Chirico (1888-1978), utilisent également l‟écriture pour décrire la fiction permanente qu‟ils côtoient, leur permettant ainsi d‟exprimer d‟une façon littéraire et plastique l‟objet de leur imaginaire. L‟écriture de leur fiction voyage dans les méandres de la réalité, ou au contraire, s‟élève et se sublime. Le poète français Paul Eluard insiste sur le fait que : « L‟imagination n‟a pas l‟instinct d‟imitation5

. ». Pour Eluard, l‟imagination ne ment jamais et ne confond jamais la chose passée et le futur de la chose. L‟imagination peut donc comprendre soit la transgression soit la transcendance de la réalité. L‟irréalité transgresse notre perception des choses. Le réel serait l‟état convoité, mais jamais accessible, d‟une délivrance totale de la réalité. Le courant surréaliste ne cherche visiblement pas à mieux comprendre la réalité, mais cherche plutôt à la nier.

1 Le dictionnaire abrégé précise: « L‟écriture automatique et les récits de rêve présentent l‟avantage de fournir

des éléments d‟appréciation de grand style à une critique désemparée, de permettre un reclassement général des valeurs lyriques et de proposer une clé capable d‟ouvrir indéfiniment cette boîte à multiple fond qui s‟appelle l‟homme. Durant des années, j‟ai compté sur le débit torrentiel de l‟écriture automatique pour le nettoyage définitif de l‟écurie littéraire. A cet égard, la volonté d‟ouvrir toutes grandes les écluses restera sans nul doute l‟idée génératrice du surréalisme. » (Dictionnaire abrégé du surréalisme, op.cit, p. 4).

2

Le mot hasard : « Serait la forme de manifestation de la nécessité extérieure qui se fraie un chemin dans l‟inconscient humain » (A.B). « Le hasard est le maître de l‟humour. » (Max.Ernst) » (Ibid, p. 13).

A cette citation de Breton nous permettant de mieux comprendre ce que représente l‟écriture automatique, l‟on peut également citer Malcolm De Chazal qui écrit à ce propos : « Le « possédé », ici, écrit à la vitesse de l‟éclair, l‟esprit vide, et cependant il enfante le tonnerre de l‟éclair. » (La vie filtrée, Paris, Gallimard, 2003, p. 25)

3 J. Schlanger : Le Comique des idées, Paris, éditions Gallimard, 1977, p. 68. 4 S. Dali : op.cit., p. 260.

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Il faudra considérer et dissocier deux approches différentes pour appréhender l‟image et l‟écriture surréaliste. D‟une part, nous considérerons l‟image comme égale à une apparence captée dans le monde du visible et rattachée à notre propre perception1. D‟autre part, nous pourrons également entrevoir un autre type d‟image, moins perceptible, et plus difficile d‟accès, réel « poétique » tel qu‟il peut se manifester à travers notre vision de l‟œuvre surréaliste. A partir de ces deux manières de ressentir le monde tel qu‟il est ou tel qu‟il pourrait être, le groupe surréaliste ambitionne de confondre la réalité extérieure avec la réalité intérieure propre à chaque auteur. Ce postulat implique un geste, une action permettant d‟échapper aux contraintes et aux codes de la société comme l‟indique André Breton en définissant la ligne de conduite surréaliste comme une « libération sans condition de l’esprit », donnant carte blanche aux styles d‟écritures les plus variés qui soient. Breton offre également une définition très romantique concernant l‟objectif que s‟assigne le mouvement surréaliste, rappelant à certains égards le style du philosophe allemand Friedrich Nietzsche (1844-1900) :

« Rencontrant l‟Art, le surréalisme se devait de le rappeler à ses origines, de lui faire parcourir si possible un chemin dont il est clair (…) que l‟humanité ne s‟est écartée que pour son plus grand dommage : la « voie royale » où l‟introspection en profondeur du champ mental et la participation éperdue aux orages du cosmos et de la passion ne font qu‟un2

. »

La description de l‟origine du surréalisme est presque identique à celle du romantisme : elle s‟alimente du rapport de l‟homme avec la Nature et l‟Univers. Pour ce faire, le courant surréaliste suggère à partir de la réalité ordinaire, un éclairage, d‟une part, du réel et, d‟autre part, de l‟irréalité3

. Dans les œuvres surréalistes, le spectateur, ou le lecteur, découvre leur contenu comme une manifestation de l‟inconscience et de son pendant, la conscience. Ces manifestations de la conscience et de l‟inconscience se

1 La perception désigne, depuis sa base étymologique en latin, l‟action de récolter. Le verbe percipere signifie

prendre par, saisir, comprendre par les sens, cueillir les fruits de la connaissance. Les sens captent des choses. Le sens est l‟interprétation de ces sens. Autrement dit, voir c‟est penser (capter un sens, établir une connexion du signifiant au signifié).

André Breton estime que la perception et la représentation sont intimement liés : « La perception et la représentation Ŕ qui semblent au civilisé, à l‟adulte, s‟opposer d‟une manière radicale Ŕ doivent être tenues pour les produits de dissociation d‟une « faculté unique, originelle », dont l‟image eidétique rend compte et dont on retrouve trace chez le primitif et chez l‟enfant. » (A.B) » (Dictionnaire abrégé du surréalisme, op.cit,

p. 21).

2

Ibid., p. 275.

3 L‟étymologie du mot irréel apparaît dans la langue française dès 1794, à l‟intérieur du tome 10 du

« Vocabulaire des privatifs français » écrit par Pougens. Du point de vue lexicographique, le mot désigne à

partir de 1842, un manque de réalité. Ce mot est dérivé du mot réel et du préfixe « in ». L‟irréalité précède la réalité.

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20

trouvent intimement associées à l‟influence majeure du romantisme1 issue de la fin du XVIIIe siècle.

Malgré un intervalle de plusieurs décennies, le surréalisme semble avoir été influencé par le courant romantique. Faisant revivre la pensée Rimbaldienne qui voulait « changer la vie » et la pensée Marxiste (1818-1883) qui souhaitait « transformer le monde » le mouvement surréaliste se dirige ainsi, à partir de 1919, vers une nouvelle forme de réalité qui se situe aux limites de la perception et de la raison2, grâce aux forces psychiques du rêve3 et de l‟imagination. De même qu‟il est considéré comme un possible tiers4, l‟esprit est qualifié d‟« éperon » par André Breton, c'est-à-dire que l‟imagination oriente et stimule l‟esprit afin de sortir de la réalité. Grâce à l‟esprit « éperon », l‟homme pourrait se libérer des vicissitudes de la vie quotidienne.

Le jeu surréaliste consacre ainsi une grande part de ses écritures à l‟imaginaire. Désormais, il ne suffit plus de comprendre la réalité par la simple observation. Les auteurs surréalistes échafaudent leur propre monde et argumentent les raisons qui les poussent à se séparer de la réalité. La rupture des surréalistes avec la réalité est une caractéristique majeure. Mais cette rupture ne peut s‟expliquer ou s‟interpréter qu‟à partir d‟une lecture attentive de ses principaux auteurs. Lire les argumentations de chaque auteur nous permet sûrement de mieux cerner les motifs d‟une telle séparation. C‟est à partir de ces toutes premières impressions que nous livrent les écritures surréalistes que nous proposons comme intitulé à notre travail de recherche : La représentation des sens comiques et tragiques dans les écritures surréalistes entre 1910 et 1940. Le surréalisme, le comique5 et

René Char utilisa le terme d‟irréel afin de retranscrire un sentiment mélancolique de la vie : « De quoi souffres-tu ? De l'irréel intact dans le réel dévasté. De leurs détours aventureux cerclés d'appels et de sang. De ce qui fut choisi et ne fut pas touché, de la rive du bond au rivage gagné, du présent irréfléchi qui disparaît. » (Commune présence, Gallimard, Paris, 1978, p. 236).

1 Le surréalisme prolonge et achève le romantisme suite à une rupture de courants intellectuels.

2 L‟ethnologue et écrivain français Michel Leiris (1901-1990) nous offre une autre définition que celle que

nous avons déjà citée du mot « Raison ». Pour cet auteur ce mot équivaut à : « Raison : hors de saison. » (Langage, tangage, Paris, Gallimard, 1985, p. 53).

3

Plusieurs citations définissent le rêve dans le dictionnaire abrégé du surréalisme : « Rêve : « Le rêve est qu‟une seconde vie. Je n‟ai pu percer sans frémir ces portes d‟ivoire ou de corne qui nous séparent de la mort » (Nerval). « Rien ne vous appartient plus au propre que vos rêves. Sujet, forme, durée, acteur, spectateur Ŕdans ces comédies, vous êtes tout vous-mêmes ! (Nietzsche) « Il n‟y a plus de semblables dans cette solitude…Je suis cette vie infinie : un être dont les origines remontent au-delà de tout ce que je puis connaître, dont le sort dépasse les horizons où atteint mon regard… La solitude de la poésie et du rêve nous enlève à notre désolante solitude. » (A. Béguin) » (Dictionnaire abrégé du surréalisme, op.cit, p. 23).

4

Tiers : du latin « tertius » ; qui vient au troisième rang ; qui s‟ajoute à deux autres (Le Petit Larousse

Illustré, op.cit.).

5 Le glossaire établit par Leiris nous permet d‟obtenir une première indication quant au sens que reflète le

mot comique chez les surréalistes. En utilisant le langage inversé Leiris obtient cette définition : « Comique : qui moque. » (M.Leiris : op.cit., p. 19).

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le tragique ne partagent au premier abord rien de commun. Vouloir rapprocher ces trois registres aussi vastes et différents suppose une recherche des correspondances méconnues et cachées. Le philosophe français Henri Bergson (1859-1941) contemporain des surréalistes (et dont Breton fut l‟un de ses premiers lecteurs s‟intéressant aux manifestations irrationnelles du psychisme), a ainsi suscité notre curiosité. Dans son essai sur Le Rire1, le phénomène de non-éveil qui y est décrit, ainsi que les observations qui en découlent, révèlent certains éléments à l‟origine des liens que nous développons avec le surréalisme. Il a été nécessaire de rendre compte des raisons qui ont présidé à l‟émergence de ce nouveau groupe d‟artistes réunis autour de concepts communs. Une de ces raisons étant la vision d‟une conception de la réalité qui bouleverse les représentations de la perception classique et laisse présager un retour aux sources de l‟identité moïque2.

Notre travail de recherche s‟efforce donc d‟opérer la jonction et l‟articulation de ces hypothèses. L‟accent mis sur les citations nous offre la possibilité de mieux cerner ces enjeux. Parce que nous sommes convaincus qu‟il existe, à l‟intérieur du surréalisme, des dimensions comiques et tragiques encore trop peu connues du public, il nous semble légitime d‟y consacrer nos recherches. Afin de permettre une possible appréciation de ces composantes complexes au sein des écritures surréalistes, nous proposons donc une problématique préalable à nos recherches, formulée de la manière suivante :

1 Pour définir le rire, les surréalistes citent notamment le poète français Lautréamont (1846-1870) et « Les

chants de Maldoror ». Le rire est ressenti chez eux comme un phénomène de libération lorsque l‟on lit : « Rire : « Si l‟on riait de tout ce qui donne à rire, à commencer par celui qui survit à ce qu‟il aimait, - vraiment notre bouche serait comme une plaie toujours ouverte et saignante. » (Forneret). « Riez, mais pleurez en même temps. Si vous ne pouvez pleurer par les yeux, pleurez par la bouche. Est-ce encore impossible, urinez ; mais j‟avertis qu‟un liquide quelconque est ici nécessaire, pour atténuer la sécheresse que porte, dans ses flancs, le rire aux traits fendus en arrière. » (Lautréamont). » (Dictionnaire abrégé du

surréalisme, op.cit., p. 24).

2

Nous définissons l‟identité moïque comme étant superficielle, en résonnance avec le monde l‟environnant/extérieur (paraître). Le psychanalyste français Paul-Laurent Assoun (1948) définit l‟identité moïque en citant Lacan : « Ce dont témoigne l‟origine du « moi », en sa « capture imaginaire », c‟est de « la fonction de méconnaissance » (E,99) qui est à son fondement. C‟est ce qui place le moi dans une « ligne de fiction » (E,94) envers et contre toute illusion d‟autonomie » (E, 99). Le Discours de Rome souligne les fonctions irréalisantes » du moi soit « mirage et méconnaissance » (AE, 143). » (Lacan, Paris, éd. PUF, 2003, p. 34.).

Sigmund Freud définit quant à lui le « Moi » suivant ses propres intuitions : « Le « moi » serait la couche, - modifiée par l'influence du monde extérieur, de la réalité de l'appareil psychique, du « soi ». Vous voyez combien, dans la psychanalyse, nous prenons au sérieux les notions spatiales. Pour nous le « moi » est vraiment le plus superficiel, le « soi » le plus profond, bien entendu considérés du dehors. Le « moi » a une situation intermédiaire entre la réalité et le « soi », qui est proprement le psychique. » (…) « Le « moi » est une organisation qui se distingue par une remarquable tendance à l'unité, à la synthèse ; ce caractère manque au « soi », - celui-ci est, pour ainsi dire, incohérent, décousu, chacune de ses aspirations y poursuit son but propre et sans égard aux autres. » (La Révolution surréaliste : op.cit., p.27-28).

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- À partir de quelles similitudes peut-on établir des correspondances certaines entre le contenu des écritures surréalistes et celui des genres comiques et tragiques ? Pour répondre au mieux à cette problématique, nous organiserons nos investigations, en quatre grandes parties que nous nommerons par ordre d‟apparition : l‟écriture surréaliste, une crise des sens (1), le genre comique, le luxe du réflexe psychique (2), le genre tragique, l‟expression du réel (3), la rencontre tragi-comique, à la source de l‟esprit (4). Pour évoquer ce que sont le comique et le tragique de l‟époque moderne, il nous faudra d‟abord décrire le surréalisme tel qu‟il apparaît. Cette description du surréalisme une fois réalisée, nous pourrons tisser des liens de correspondances grâce aux références que nous emprunterons à la littérature du XXe siècle. C‟est à ce moment que d‟autres questions pourront se poser telles que : Existe-t-il un surréalisme d‟ordre comique ? Existe-t-il un surréalisme d‟ordre tragique ? Ou encore : comment délimite-t-on les espaces comiques et tragiques dans les écritures surréalistes ? A toutes ces questions secondaires, nous tenterons de répondre et essaierons d‟apporter de nouvelles interprétations. Le terme d‟ « écritures » comprendra toutefois une part indispensable d‟iconographie surréaliste. L‟exploration du champ mental comme l‟une (si ce n‟est l‟unique) des priorités du surréalisme, justifie que nous considérions à égale importance l‟image et l‟écriture surréaliste. Car de l‟image naît l‟écriture, ces deux modes opératoires étant toutes deux des résultantes de l‟esprit.

Ce travail développera, tout au long de ses quatre parties, une série de thématiques en lien avec le surréalisme. Le choix des thèmes sera guidé par notre problématique, laquelle nous permettra de déceler les traits communs entre les tonalités tragique et comique et le surréalisme. Point par point, nous démontrerons qu‟il existe des relations de cause à effet entre la veine tragique, la veine comique et le surréalisme. Par souci de clarté, nous profitons aussi de ce préambule pour énoncer les principales définitions rapportées à chacun des termes de notre intitulé de recherche. Chacune des parties de ce travail s‟attachera à éclairer les éléments essentiels de notre problématique. Les œuvres citées, page après page, nous éclaireront sur les notions du réel1 et du surréel1.

1

Réel : Il s‟agit de la réalité supérieure, sublimée. Paul-Laurent Assoun définit le réel toujours suivant les écrits Lacaniens : « Le réel apparaît enfin comme « le sens blanc », entendons qu‟il surgit, telle une « météorite, dans les « blancs » du sens (SXXII, 11 mars 1975 ; S XXIV, 1à mai 1977). Autrement dit : « L‟idée même de réel comporte l‟exclusion de tout sens. Ça n‟est que pour autant que le réel est vidé de tout

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23

Le contenu de chaque partie sera déterminé par le champ des préoccupations les plus courantes des auteurs surréalistes. Pour délimiter ce champ de préoccupations, nous nous sommes appuyés sur le vocabulaire le plus redondant et le plus signifiant chez ces auteurs. Ainsi, nous aurons l‟occasion de lire et d‟apprécier de nombreuses citations étayant notre problématique de départ issues d‟auteurs qui ont fait rayonner le courant surréaliste, même s‟ils ne s‟y rattachent pas directement, comme les poètes et écrivains français René Char, André Masson, René Crevel, André Breton, Max Jacob (1876-1944), Francis Ponge (1899-1988), Pierre Reverdy, Maurice Blanchot (1907-2003), Henri Michaux (1899-1984), Jean Tardieu (1903-1995), Paul Eluard, Tristan Tzara, l‟écrivain et ethnologue français Michel Leiris, l‟écrivain et critique français Jean Paulhan (1884-1968), le médecin et écrivain suisse Jean Starobinski (1920), le poète mauricien Malcolm de Chazal (1902-1981), l‟écrivain et dramaturge roumain Eugène Ionesco, le poète mexicain Octavio Paz (1914-1998), l‟écrivain et philosophe roumain Emil Cioran, et l‟écrivain belge Maurice Maeterlinck (1862-1911).

Nos références littéraires s‟appuieront également, sur les œuvres d‟anciens philosophes classiques romantiques tels que les philosophes allemands, Georg Wilhelm Friedrich Hegel (1770-1831), Johann Paul Friedrich Richter (1763-1825), Friedrich Nietzsche, complétées par les ouvrages du philosophe danois Sören Kierkegaard (1813-1855), du philosophe allemand Arthur Schopenhauer (1788-1860) ou d‟autres plus modernes tels que les philosophes français Gaston Bachelard (1884-1962), Deleuze (1925-1995), Camus (1913-1960), Jankélévitch, Henri Bergson (1859-1941), ou encore le psychanalyste autrichien Sigmund Freud. Nous nous sommes également référés à des penseurs plus contemporains de notre époque dont, notamment, la philosophe américaine Hannah Arendt (1906-1975), les philosophes et écrivains français Georges Bataille (1897-1962), Christian Bobin (1951), Jean-Luc Nancy (1940), Frédéric Paulhan (1856-1931), Bernard Salignon (1946), Clément Rosset (1939) et Yvonne Duplessis (1913).

sens que nous pouvons un peu l‟appréhender. » Ou encore : « Il n‟y a de vérité comme telle possible que d‟évider le réel. ». » (P-L. Assoun : op.cit., p. 58).

Chez les poètes surréalistes, Pierre Reverdy définit le réel comme une « réalité profonde » qui est le seul objet dont l‟esprit est capable d‟atteindre: « Et la réalité profonde Ŕ le réel Ŕ c'est ce que l'esprit seul est capable de saisir, de détacher, de modeler, tout ce qui dans tout, y compris la matière, obéit à sa sollicitation, accepte sa domination, évite, esquive l'emprise trompeuse des sens. Où les sens sont souverains la réalité s'efface, s'évanouit. » (La Révolution surréaliste N°1 : op.cit., p.20).

1

Surréel : Le centre national des ressources textuelles et lexicales (CNRTL) définit le surréel comme un adjectif : « Qui, dans sa bizarrerie, semble plus vrai que la réalité ordinaire, qui évoque un monde

mystérieux caché sous les apparences. Qui résulte de l'interpénétration du réel ordinaire et du rêve, de l'inconscient. » (source en ligne : http://www.cnrtl.fr/definition/surréel) Nous définissons quant à nous le

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Parallèlement à ces auteurs, nous avons retenu comme principaux modèles plastiques surréalistes des œuvres réalisées par René Magritte (1898- 1967), Max Ernst (1891-1976), Salvador Dali, Giorgio de Chirico et Yves Tanguy (1900-1955). Ces cinq figures majeures de la peinture surréaliste ont suivi, d‟une façon ou d‟une autre, le principe d‟abolition du contrôle de la raison. Dès 1909, les premières peintures de Giorgio De Chirico ont mis en lumière l‟atmosphère méta-physique, dont Breton et les surréalistes s‟inspirèrent ensuite. Dans le même temps, René Magritte développe en Belgique la technique du dépaysement en associant de manière absurde dans ses œuvres, des éléments figuratifs de la vie courante. Cette volonté de réunir les objets de manière aléatoire permet de faire ressurgir un sentiment d‟étrangeté (Magritte définissant sa méthode d‟ « affinités électives »). Inspiré très jeune par Magritte, Salvador Dali se laisse néanmoins guider par son instinct et met en pratique à partir de 1929, sa théorie de la « paranoïa critique » (qui comme le nom l‟indique suggère une forme de pensée délirante située au seuil de la folie). Préférant le caractère romantique à celui de la fougue et du délire, Max Ernst se fait principalement connaître par ses romans-collages dont les images sont puisées dans des périodiques et des romans du XIXe siècle. Sa méthodologie empreinte de coupure et d‟assemblage s‟inscrit totalement dans la direction que s‟étaient fixés les surréalistes. Enfin Yves Tanguy, est le peintre de « l‟indéterminé ». Alliant figuration et mélancolie, froideur des couleurs employées et profondeur de la perspective, Tanguy1 n‟introduit jamais d‟identité dans ses figures abstraites, préférant laisser comme seul indice possible, une minéralité omniprésente dans ses paysages énigmatiques. En complément à ces cinq piliers fondateurs de la première période surréaliste picturale, nous avons ajouté des dessins et des peintures d‟André Masson, ainsi que d‟autres œuvres moins représentatives du surréalisme mais s‟inscrivant néanmoins dans notre sujet d‟étude. Nous compléterons notre iconographie avec notamment quelques œuvres de l‟écrivain et humoriste français Alphonse Allais (1854-1905), du peintre belge Léon Spilliaert (1881-1946), du peintre et graveur allemand Otto Dix (1891-1969), des peintres belges Gustave de Smet (1877-1943), Marc Eemans (1907-1998) et Fritz Van Den Berghe (1883-1939), ainsi que du peintre italien Alberto Savinio (1891-1952).

1 Yves Tanguy tient une place à part dans l‟iconographie surréaliste. Sans nul doute, il sera pour nous, le

peintre surréaliste du genre tragique. Le poète français Robert Desnos (1900-1945) confirme notre impression première lorsque nous lisons l‟un de ses commentaires réservés à l‟artiste : « Impitoyablement, Tanguy exile de son domaine tout ce qui est séduction et joliesse. Tragiques sont ses ciels, tragiques les terres, tragiques les vestiges de la vie. Il y a là un nihilisme, une haine qui frappe, étonne et obsède. Une sauvage grandeur est conférée à cette œuvre par un pareil souci de la mort totale, celle qui ne s‟attache pas seulement aux matières organiques mais qui réunira dans un même tombeau le platine, l‟anthracite et les squelettes brisés des aigles et des hommes. » (Ecrits sur les peintres, Paris, Flammarion, 1984, p. 119).

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Cet ensemble d‟études thématiques construites sous forme de chapitres à partir d‟un corpus de textes variés est tributaire d‟une méthodologie propre à l‟histoire de l‟art pour mieux s‟ouvrir à une étude littéraire proche d‟une esthétique philosophique. Notre volonté ne consiste pas à comparer des textes issus de périodes historiques différentes, mais d‟entrevoir dans leur contenu respectif, des liens méconnus qui pourraient permettre une meilleure compréhension de ce que fut l‟atmosphère littéraire surréaliste à ses tout débuts. Nous considérons que le sens littéraire et esthétique de notre travail ne peut se restreindre à une chronologie partielle de l‟histoire entre 1910 et 1940. En conséquence, les chapitres s‟articuleront entre eux selon la pertinence des valeurs qu‟ils partagent ensemble, ainsi que du sens résultant de leur rapprochement.

Ainsi, nous commencerons dès la première partie de notre étude par analyser le surréalisme en tant que mouvement artistique majeur du début du XXe siècle. L‟écriture surréaliste laisse comme seule empreinte lisible la fluence des idées suivant un jeu d‟association et de dissociation de mots pris comme particules « fines » du langage1

. En cela, elle relate essentiellement l‟expression de la sensibilité de chaque auteur. Mais cette écriture peut aussi, en certaines circonstances, exprimer des sentiments que la raison pourrait considérer comme étranges, irraisonnables et ironiques. Ce caractère de l‟écriture surréaliste, c'est-à-dire sa capacité à être la conductrice possible des sens, montre qu‟elle ne se résume pas en une simple retranscription de la raison, mais qu‟au contraire, elle tente d‟épurer la vérité afin de communiquer sa propre vision.

La première partie de nos recherches éclairera ainsi sept chapitres prédominants du surréalisme que nous identifierons successivement comme ceux relatifs au pessimisme, au duel vie/mort, à l‟expérience du temps2

, à la coprésence du corps et de la raison, à la sémiotique, aux rêves et aux analogies qui en découlent. Notre premier chapitre intitulé « Un pessimisme annihilateur, une imagination constructive» abordera dans toute leur étendue les phénomènes de déconstruction et de construction présents dans le processus artistique surréaliste. S‟ensuivra, au deuxième chapitre, un passage en revue des concepts de réalité, de réel, de mort et d‟extase dont les allusions parsèment les écritures

1 Le mot langage est définit par Michel Leiris comme un étant un jeu : « Langage : engage au jeu, par élan. »

(M. Leiris : op.cit., p. 37)

2 Les définitions surréalistes concernant le temps sont certainement celles les plus empreintes de poésie :

« Temps Ŕ « Le temps, ce bien plus sacré, plus précieux que l‟or, est pour l‟homme un fardeau plus pesant et plus vil que le plomb. » (Young) « Le temps, vieille farce sinistre, train perpétuellement déraillant, pulsation folle, inextricable amas de bêtes crevantes et crevées. » (A.B). « Le temps est un aigle agile dans un temple. » (Robert Desnos). « Les explosions du temps Ŕ fruits toujours mûrs pour la mémoire. » (Paul Eluard) » (Dictionnaire abrégé du surréalisme, op.cit., p. 27).

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surréalistes. Le troisième chapitre dédié à l‟interprétation du temps mettra en évidence la manière dont les surréalistes envisagent les notions de durée à travers leurs propres sentiments. À l‟aide des références issues de notre corpus de lectures romantiques et surréalistes, nous verrons comment le surréalisme exprime la mélancolie du temps, sa brièveté et son écoulement continu. Le quatrième chapitre mettra en évidence, grâce à de nombreux exemples illustrés, les affinités existantes entre le corps et la raison et à établir l‟importance de l‟héritage romantique en ce qui concerne la dualité identitaire du « Je rimbaldien »1. Le cinquième chapitre dédié à la méta-sémiotique2 nous permettra d‟examiner comment les surréalistes tissent leur relation aux mots et aux images. Cette recherche se poursuivra au sixième chapitre par l‟étude de la métaphore3

, où la co-substantialisation4 des mots et des images joue un rôle clé dans l‟interprétation de l‟expression surréaliste. Enfin, le septième et dernier chapitre consacré au rêve, nous permettra de comprendre comment les surréalistes intègrent dans leur activité artistique, le fonctionnement psychique des rêves.

En seconde partie de ce travail, nous tenterons de décrire les manifestations comiques présentes dans les écritures surréalistes. L‟idée de rapprocher la notion de comique au courant surréaliste tire son origine d‟une de nos lectures d‟Henri Bergson, plus précisément dans l‟ouvrage intitulé Le Rire. Le rire n‟est pourtant pas ressenti comme spécifiquement comique en soi et nous différencierons son mécanisme à la conception du

1

Je rimbaldien : Le « Je » rimbaldien où « Je est un autre » énonce la problématique d‟une dualité entre Moi et Je ». Gilles Deleuze déclare dans l‟un de ses séminaires : « Je ne peux pas déterminer mon existence comme celle d‟un "je" car je suis un "moi" dans le temps mais je me représente nécessairement la spontanéité du "je" comme un autre sur moi en moi. "Moi" ne peut pas déterminer mon existence comme celle d‟un "je" mais moi me représente nécessairement le "je" comme un autre. En tant que "je" ».

2La méta-sémiotique est un concept métapsychologique qui désigne une recherche sémiotique à l'écoute des

manifestations et des mouvements de l'inconscient. Tout comme Sigmund Freud crée une métapsychologie qui n'est pas une psychologie, la méta-sémiotique n'est pas une sémiotique. L'une et l'autre sont des champs de recherche pratique et théorique de la psychanalyse..."La méta-sémiotique est l‟exploration psychanalytique des signes, symboles, images, représentations et paroles, dont se servent les mythes pour s‟exprimer et diffuser dans la société.» (Définition de l‟encyclopédie en ligne Wikipédia : https://fr.wikipedia.org/wiki/Saverio_Tomasella).

3

Paul-Laurent Assoun définit la métaphore de la manière suivante : « La métaphore se caractérise par la substitution d‟un signifiant à l‟autre qui fait surgir, à partir d‟une signification inconnue, une signification inédite. La « réussite » de la métaphore consiste dans cette création significative. » (P-L. Assoun : op.cit., p. 49).

Le philosophe français Paul Ricoeur (1913-2005), théoricien de la métaphore, soutient pour sa part que : « La métaphore est un emprunt, le sens emprunté s‟oppose au sens propre, c'est-à-dire appartenant à titre originaire à certains mots, l‟on recourt aux métaphores pour combler un vide sémantique, le mot emprunté tient lieu du mot propre absent si celui-ci existe. » (La métaphore vive, Paris, Du Seuil, 1975, p. 25).

4 Co-substantialisation : Qualité de ce qui est substantiel et existe par deux éléments différents (Définition du

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genre comique. Cherchant à définir les principaux constituants du genre comique, et à éclairer leurs sens cachés au sein du courant surréaliste, nous y consacrerons sept chapitres suivant un ordre thématique. Nous apprécions généralement le comique pour le plaisir qu‟il nous procure. Ce plaisir s‟appuie sur des descriptions de scènes de bouffonnerie, de stupidité, voire de grossièreté et de vilenie mais apparaît aussi comme la résultante d‟un déséquilibre entre l‟attitude de l‟individu et celle requise par les convenances sociales.

Nous interprétons ce manque d‟adaptation à la vie en société par une attitude dont la spécificité est celle d‟une conscience hyper-active et non conformiste. Au premier chapitre de notre seconde partie, nous appréhenderons donc le genre comique sous un angle littéraire en même temps que philosophique afin de cerner au mieux l‟approche comique surréaliste. Nous démontrerons que les notions d‟irréalité et de fiction peuvent y tenir une certaine importance. La notion de Moi succédera ensuite aux notions d‟irréalité et de fiction lors de notre second chapitre qui mettra en lumière la relation entre les poètes et leur inspiration poétique. Le troisième chapitre intitulé les insuffisances mélan-comiques comparera, à l‟aide d‟un mot-valise, les notions de mélancolie1

et de comique. Nous aborderons au quatrième chapitre un phénomène qui selon nous s‟applique aux illustrations du genre comique, puisque nous y observerons une étendue de la réalité jusque dans la personnalité des personnages. Au cinquième chapitre de notre seconde partie, nous regrouperons plusieurs de nos observations sur un sujet qui est souvent associé à la gravité ou à l‟importance, puisqu‟il s‟agira du sérieux. Nous verrons comment le caractère sérieux se prémunit contre ce qui l‟entoure. Le sixième chapitre se concentrera sur l‟aspect comique qu‟engendre la répétition. Enfin, pour clore cette partie, qui touche à la fois aux valeurs classiques et à de nombreux concepts plus modernes, nous évoquerons en dernier chapitre, un sujet tout aussi important : L‟ennui ou le vide de toute pensée, en démontrant que l‟ennui représente une forme de conscience repliée sur elle-même.

La seconde moitié de ce travail s‟organisera autour de deux autres parties dédiées respectivement au genre tragique et à la rencontre tragi-comique dans les écritures surréalistes. Notre troisième partie, construite autour du genre tragique, proposera une analyse détaillée de ce que représente le tragique à l‟intérieur même du surréalisme. Nous

1 Paul Eluard témoigne de cet état de mélancolie propre aux surréalistes, lorsqu‟il écrit : « Le moi ne peut être

qu'identique à l'infini. J'en arrive ainsi à nier l'individu. Je nie la vie. Le moi étant l'infini, l'infini est le moi. Il n'y a pas de place pour la personnalité. Ce n'est pas ma pensée qui m'apprendra quoi que ce soit. Le moi est en dehors de ma pensée. Des considérations de cet ordre nous amènent à rechercher les endroits où nous pourrions battre une brèche dans cette dure prison qui nous enferme. » (La Révolution surréaliste, Paris, Gallimard, n°7, p.30).

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exprimerons nos réflexions à partir de mots clés tels que la conscience, l‟inconscience, la joie, l‟humour1, le rire, le sublime, et la mort. Sous l‟intitulé « Le genre tragique comme

héritage légitime du romantisme», nous définirons au début de ce premier chapitre, ce que le tragique représente concrètement dans la vie de l‟homme, compte tenu du fait que le surréalisme essaie de transformer le ressenti de la vie. Une fois le genre tragique mieux cerné, nous verrons dans le second chapitre les phénomènes de l‟inconscience et à sa mise en œuvre pratique (cf. l‟écriture automatique). Nous verrons à quel point l‟écriture surréaliste, en tant que reflet de la psyché, parvient à décrire des impressions lointaines restées au plus profond de la conscience humaine. L‟inconscience, que nous essaierons de définir le mieux possible, deviendra le pivot central à partir duquel s‟articulera la suite de nos chapitres. Le troisième chapitre concernera la joie tragique où seront illustrés la légèreté et le caractère éphémère du tragique.

Le quatrième chapitre de notre troisième partie partagera de nombreux points communs avec l‟analyse du caractère joyeux. Nous décrirons effectivement comment la joie naît de l‟humour et stimule le sens intuitif. Ce sens intuitif pouvant provoquer, une forme de conduite imprévisible de l‟individu, et exprimer une mise entre parenthèse de sa raison. Le thème du rire qui sera l‟objet notre cinquième chapitre, tissera un lien avec l‟élan destructeur du tragique parce que détruisant toute certitude. Pour le sixième chapitre, voué à l‟analyse du sublime, nous examinerons son importance dans la représentation graphique surréaliste. Enfin nous refermerons cette troisième partie par le chapitre intitulé la mort, dont curieusement l‟idée ne semble effrayer aucun surréaliste2. Le tragique, pendant du comique tel le revers d‟une médaille, nous livrera la part d‟ombre et de mystère inhérente à l‟âme humaine. Le tragique représente le malheur et la fortune3 pour décrire la destinée humaine. Il est en quelque sorte un révélateur de la vie et de la destinée. Le tragique représente ce qui échappe à l‟homme, c'est-à-dire l‟impondérable qui détermine la

1 L‟humour est ainsi défini dans le dictionnaire abrégé du surréalisme : « Humour : « Je crois que c‟est une

sensation Ŕ J‟allais presque dire un sens Ŕ aussi Ŕ de l‟inutilité théâtrale (et sans joie) de tout. » (Jacques Vaché). « Si l‟esprit s‟absorbe dans la contemplation extérieure, et qu‟en même temps l‟humour, tout en conservant son caractère subjectif et réfléchi, se laisse captiver par l‟objet et sa forme réelle, nous obtenons dans cette pénétration intime un « humour » en quelque sorte « objectif ». (Hegel). « L‟humour a non seulement quelque chose de libérateur, mais encore quelque chose de sublime. » (Freud) » (Dictionnaire

abrégé du surréalisme, op.cit, p. 14).

2 Même si l‟implication d‟Emil Cioran au sein du groupe surréaliste reste marginale, son écriture à propos de

la vie et de la mort reflète l‟exact état d‟esprit des surréalistes. Notamment lorsqu‟il écrit : « La mort est trop exacte ; toutes les raisons se trouvent de son côté. Mystérieuse pour nos instincts, elle se dessine, devant notre réflexion, limpide, sans prestige, et sans les faux attraits de l‟inconnu. A force de cumuler des mystères nuls et de monopoliser le non-sens, la vie inspire plus d‟effroi que la mort : c‟est elle qui est le grand Inconnu. » (Exercices négatifs en marge du précis de décomposition, Paris, Gallimard, 2005, p. 123).

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destinée. Subir l‟impondérable, c‟est vivre pleinement dans le champ tragique dans lequel la vie est remise en jeu à chaque instant.

Nous terminerons l‟ensemble de nos recherches par une quatrième et dernière partie consacrée à la synthèse dramatique des contenus comiques et tragiques des écritures surréalistes. Cette partie résumera le mieux notre approche globale. Nous composerons donc à l‟intérieur de cette dernière partie, de manière un peu différente des trois précédentes, en prolongeant la logique de certains chapitres déjà évoqués. Cette dernière partie tentera de répondre à nos questions quant à la dualité tragi-comique présente dans le surréalisme. Cet éclairage du caractère tragi-comique des œuvres surréalistes s‟effectuera en sept chapitres distincts dont les sujets seront ceux d‟une ouverture à un double horizon (1), à une exploration de la vie et de la mort (2), à l‟ironie1 (3), aux conséquences de l‟ironie (4), au witz2

(5), aux conséquences du witz (6), et enfin au suicide3 (7).

Tout au long de cette dernière partie, nous verrons que l‟esprit, en tant qu‟entité abstraite mais régissant le fonctionnement de nos pensées, s‟oriente tantôt vers des préoccupations conscientes, tantôt vers des préoccupations inconscientes (1). Nous reviendrions sur le statut de la réalité (2), en reliant la définition déjà donnée à celle des écrivains surréalistes. Nous définirons également le rôle que joue l‟ironie (3) et nous observerons comment elle influe sur le ressenti psychique de la réalité. À partir de cette confrontation de l‟ironie avec le surréel, nous nous intéresserons aux conséquences (4) qui en découlent sur le sens des écritures surréalistes dans le quatrième chapitre. De même que pour l‟ironie, nous procéderons à la description du witz (5) et au sixième chapitre de notre quatrième partie, aux conséquences du witz (6) sur l‟écriture surréaliste. Nous terminerons enfin sur le thème incontournable du suicide (7). Ce septième et dernier chapitre de

1 Selon le philosophe français Georges Palante (1862-1925), l‟ironie trouve son origine dans le sentiment

romantique. Pour Palante l‟ironie est « un romantisme de la pensée et du sentiment » de même que « Si l'on cherche le principe générateur de l'ironie, il semble qu'on le rencontre dans une sorte de dualisme qui peut revêtir différentes formes et donner lieu à diverses antinomies. C'est tantôt le dualisme de la pensée et de l'action ; tantôt celui de l'idéal et du réel ; tantôt celui de l'intelligence et du sentiment ; tantôt celui de la pensée abstraite et de l'intuition. » (La sensibilité individualiste, Paris, éd. Felix Alcan, 1909, page 47).

2 Jean Paul Richter nous livre dans son introduction à l‟esthétique, l‟étymologie de ce mot allemand : « Le

mot « Witz » est dérivé de wissen, en tant qu'il est la faculté de savoir ; de là le mot « witzigen » (apprendre à quelqu'un la circonspection à ses dépens) ; c'est pourquoi encore le mot « esprit » signifiait autrefois le génie tout entier ; c'est enfin de là que se sont formées, dans la plupart des langues, les diverses dénominations subjectives comme « Geist, esprit, spirit, ingenious » (Poétique ou introduction à l’esthétique, Paris, Auguste Durand, 1862, p.372-373).

3 Les surréalistes choisissent une définition très philosophique sur ce qu‟implique le geste suicidaire :

« Suicide : « Le suicide est un mot mal fait : ce qui tue n‟est pas identique à ce qui est tué. » (Théodore Jouffroy) » (Dictionnaire abrégé du surréalisme, op.cit., p. 26).

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