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Submitted on 1 Jan 1986
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Les matériaux pour lasers
D. Vivien
To cite this version:
D. Vivien. Les matériaux pour lasers. Revue de Physique Appliquée, Société française de physique /
EDP, 1986, 21 (11), pp.709-716. �10.1051/rphysap:019860021011070900�. �jpa-00245491�
Les matériaux pour lasers
D. Vivien
U.A. 302
«Chimie de la Matière Condensée », Laboratoire de Chimie Appliquée de l’Etat Solide, ENSCP,
11 rue Pierre et Marie Curie, 75231 Paris Cedex 05, France (Reçu le 20 février 1986, accepté le 18 avril 1986)
Résumé.
2014Depuis la découverte de l’effet laser dans le rubis en 1960, un grand nombre de matériaux lasers ont été préparés. En se limitant aux monocristaux, on en recense actuellement environ 320 qui se partagent en
deux familles selon que leur émission laser est constituée d’une série de longueurs d’onde discrètes, ou qu’elle
est accordable continûment sur une certaine plage. Au premier type appartiennent les lasers activés à Nd3 + que le deuxième chapitre de l’article passe en revue, ainsi que ceux dopés à d’autres terres rares, notamment Pr3 +, Er3 +, Ho3 +, qui sont discutés au chapitre trois. Le chapitre quatre est consacré aux matériaux lasers accordables (aussi dénommés lasers vibroniques) qui peuvent être activés soit par des centres colorés, soit par des ions de transition (Cr3+ en particulier). En conclusion l’article suggère quelques axes de
recherche et développement dans le domaine des matériaux pour lasers.
Abstract.
2014Since the discovery, in 1960, of the laser effect in ruby, a number of other lasers materials have been identified. Currently one knows approximately 320 crystalline lasers which belong to two families depending on whether their laser emission is composed of several discret lines, or if it is continuously tunable
over a certain range of wavelengths. Neodymium lasers which belong to the first type are reviewed in the second chapter, and those activated by other rare earth ions, principally Pr3 + , Er3 + , Ho3 +, are presented in chapter three. Chapter four deals with tunable lasers (also called vibronic lasers) which can be activated either
by colour centres or by transition metal ions (mainly Cr3 +). In conclusion the paper suggest a few directions of research and development into field of laser materials.
Classification
Physics Abstracts
42.55
-42.60
-81.00
1. Introduction.
Dans les revues professionnelles d’optique, on
compare fréquemment l’évolution du marché des lasers à celui de l’informatique. Les chroniqueurs les plus modérés font état pour la prochaine décennie
d’un taux de croissance de 20 % par an. En effet,
dans le domaine de l’usinage industriel : découpe,
perçage, soudure, marquage, l’outil laser fait actuel- lement une percée remarquable. En médecine, le
laser intervient de plus en plus souvent, notamment
en microchirurgie et de nombreux autres secteurs
d’applications des lasers, tels que par exemple les
traitements de surface des matériaux, les mesures de
distances et de déformations, la reprographie, le
secteur militaire, les recherches sur la fusion thermo- nucléaire par confinement inertiel, l’instrumentation
scientifique, etc... se développent rapidement.
De nombreux systèmes minéraux ou organiques, à
l’état solide, liquide ou gazeux présentent l’effet
laser. Parmi ceux-ci
-de par la puissance qu’ils peuvent débiter sous un faible volume, la variété des
longueurs d’onde d’émission qu’ils présentent, etc.-
les matériaux lasers occupent une place de choix.
C’est d’ailleurs dans un matériau monocristallin,
le rubis a A1203 : Cr3 + ~ 1 %) qu’en 1960 l’effet laser fut observé expérimentalement pour la pre- mière fois (par Maiman). Dans les années qui
suivirent cette découverte, de nombreux résultats
importants sur les matériaux lasers furent publiés [1]. Citons par exemple :
-
1er laser activé aux ions de terres rares
(CaF2 : Sm2 +): 1961,
-
1 cr laser activé au néodyme (CaWO4 : Nd3+) :
1961,
-
observation de l’effet laser dans le grenat d’yttrium-aluminium activé au néodyme (YAG : Nd) : 1964 ; dans le fluorure de lithium et d’yttrium LiYF4 (YLF : Nd) : 1967 ; dans la pérovskite YAlO3 (YAP : Nd) : 1969,
-
1er cristal laser autoactivé (« matériau laser stoechiométrique ») : PrCl3 et PrBr3 1971, etc...
Actuellement, d’après une étude récente de Kaminskii [2], on connaît environ 320 cristaux lasers
Article published online by EDP Sciences and available at http://dx.doi.org/10.1051/rphysap:019860021011070900
710
obtenus par combinaison de plus de 200 matrices cristallines (surtout des solides ioniques : fluorures
ou composés oxygénés), et d’une vingtaine d’ions
activateurs. Mais la famille des matériaux lasers ne
se limite pas aux monocristaux, elle comprend aussi
une très grande variété de verres oxygénés ou fluorés, dopés notamment par des ions des lanthani- des. Quant aux activateurs, il faut aussi mentionner divers types de centres colorés, créés notamment
dans les halogénures alcalins, qui conduisirent aux
premiers lasers solides accordables sur une large plage de longueur d’onde.
Bien entendu, les solides ioniques n’ont pas l’exclusivité de l’effet laser. C’est ainsi que les semiconducteurs dopés permettent la fabrication de diodes laser de plus en plus variées, dont les applications sont en plein développement.
Il existe donc une très large gamme de matériaux lasers. Toutefois, revenant aux solides ioniques monocristallins, on s’aperçoit que certains ions acti- vateurs sont actuellement beaucoup plus utilisés que d’autres. Ainsi sur les 320 matériaux lasers recensés,
environ 290 sont activés aux terres rares et parmi
ceux-ci 143 aux ions Nd3 + et seulement 56 à Ho3 + ,
ion qui suit le néodyme par ordre de fréquence
d’utilisation. Le néodyme est donc de loin l’ion activateur le plus utilisé. C’est pourquoi le 2e chapitre de cet article sera consacré aux matériaux
lasers au néodyme. Après avoir brièvement évoqué
ensuite l’intérêt de quelques autres ions des lanthani-
des, nous discuterons dans le chapitre 4 des lasers accordables à centres colorés ou ions de transition
«
d ». Quant aux lasers à semiconducteur, qui
seront évoqués par ailleurs dans cet ouvrage, nous
ne ferons que les comparer aux autres lasers solides décrit précédemment. En conclusion, nous tenterons
de dégager quelques domaines dans lesquels, selon
nous, l’effort de recherche et de développement doit
être intensifié.
2. Les matériaux laser au néodyme.
Un matériau laser est le résultat d’une étroite
symbiose entre une matrice et un ion activateur.
2.1 L’ION ACTIVATEUR Nd3 + .
-Plusieurs facteurs
concourent à faire du néodyme le meilleur ion activateur laser [3] pour de nombreuses applications [4].
* Comme pour tous les ions terres rares, de
configuration électronique 4fn 5s2 5p6, la couche 4f
du néodyme est écrantée par les électrons externes
5s, 5p. L’effet du champ cristallin se fait donc
beaucoup moins sentir sur les « électrons optiques »
des lanthanides que sur les électrons d par exemple.
Il en résulte que la position des barycentres des niveaux 2S + 1 Lj de la configuration f3 de Nd3 + varie
peu d’une matrice à l’autre de sorte que la longueur
d’onde de l’émission laser principale de Nd3 + est toujours voisine de 1,06 03BCm.
De plus l’élargissement des niveaux électroniques,
par couplage avec les vibrations de réseau ainsi que par la distribution du champ cristallin de site à site,
est faible et les raies de fluorescence (auxquelles
sont associées l’effet laser) étroites.
*
Des 41 niveaux 2s + l Lj issus des 364 microétats de la configuration 4f3 du néodyme trivalent, il n’en
existe pratiquement qu’un seul qui soit fluorescent
[1], c’est le niveau 4 F3/2 (Fig. 1). De plus, l’une des
4 transitions de fluorescence possibles (selon le
niveau terminal), à partir de 4F3/2 est beaucoup plus
intense que les 3 autres. On dit que la transition
4F3/2
~4111/2 présente un rapport de branchement
(« Branching ratio ») élevé (Fig. 1). Notons toute-
fois qu’à côté de cette transition responsable des
Fig. 1.
-Schéma des principaux niveaux d’énergie de
l’ion Nd3 +. Celui-ci présente 5 transitions intenses en
absorption (figurées par des flèches verticales) et 3 transi-
tions en fluorescence à partir de l’état 4F3.2. Les nombres
entre parenthèses sont les rapports de branchement (pour
YAG :Nd) correspondant aux 4 niveaux terminaux possi-
bles pour la florescence. La transition figurée en pointillé correspond à un pseudosystème laser à 3 niveaux.
[Sketch of the first energy levels of Nd3 + ion. Nd3 + présent five strong absorption transitions (depicted by
vertical arrows) and 3 fluorescence transitions from the
4F3,2 level. Numbers between brackets are the branching
ratio (for YAG :Nd) corresponding to the four possible
terminal levels for fluorescence. Transition depicted by a
dotted line corresponds to a pseudo-three-level-laser sys-
tem.] ]
émissions laser des matériaux dopés au néodyme
autour de 1,06 03BCm, on peut aussi observer l’effet laser associé à la transition 4F312
-4113/2 centrée vers
1,32 itm. Celle-ci correspond à un maximum de transparence des fibres optiques de silice ce qui a pu faire penser à l’utilisation des lasers au néodyme
dans le domaine des télécommunications. Cependant
l’intensité de l’émission laser à 1,32 03BCm n’est environ que le cinquième de celle à 1,06 jim.
*
Tant à 1,06 qu’à 1,32 03BCm, les lasers au néodyme
fonctionnent selon le principe dit à 4 niveaux
(Fig. 2), ainsi dénommé parce que les niveaux Concernés par le pompage optique du matériau, et
par l’émission laser sont différents. Rappelons que par rapport au laser à 3 niveaux (type rubis, Fig. 2),
les lasers à 4 niveaux présentent un rendement et
une puissance beaucoup plus élevés ainsi qu’un seuil
de pompage inférieur. Ils peuvent en outre aussi bien fonctionner en régime continu que pulsé [5].
* L’ion néodyme présente 5 massifs d’absorption
relativement intenses, dans le visible et le proche infrarouge (Tableau I), domaine dans lequel l’émis-
sion des lampes xénon utilisées pour le pompage
optique des lasers est intense. Le niveau métastable
4F3/2 à une durée de vie de 100-500 03BCs, valeur élevée pour un niveau d’ions des lanthanides. Les phénomè-
nes d’autoextinction [5] et de réabsorption dans
l’état excité sont moins sévères pour le néodyme que pour d’autres terres rares. L’existence d’une forte
absorption du néodyme vers 750 nm permet la coactivation de certains matériaux lasers au néodyme
par le chrome trivalent (cf. § 2.3). Enfin la valence 3 du néodyme est la seule stable. Il n’y a donc pas de
problèmes de variation du degré d’oxydation de
l’activateur au cours de l’élaboration des matériaux lasers.
2.2 LA MATRICE LASER.
-Les matériaux lasers au
néodyme se distinguent les uns des autres par la nature de leur matrice. Celle-ci doit présenter un
certain nombre de caractéristiques :
* Posséder un cation partiellement substituable par le néodyme (même taille, et de préférence même charge).
* Etre propice à l’élaboration sous forme mono-
cristalline (fusion congruente) ou vitreuse.
Fig. 2.
-Schéma des transitions électroniques a) dans un système laser à 3 niveaux A1203:Cr3 + ; b) dans un système
laser à 4 niveaux, YAG:Nd3 + . En a) l’inversion de
population requiert l’excitation d’au moins la moitié des ions Cr3 +. En b) celle-ci est obtenue beaucoup plus
facilement puisque le niveau terminal 4111/2 n’est pas
peuplé.
[Sketch of the electronic transitions, a) for a three levels laser : A1203:Cr3 + , b) for a four levels laser : YAG:Nd3 + . In case a) population inversion requires excitation of at least one half of the Cr3 + ions. In case b) it is much more
easy to obtain since the terminal level 4111/2 is not
populated].
* Ne pas contenir d’éléments susceptibles de jouer le rôle de piège pour l’excitation, ou d’éteindre
la fluorescence du néodyme ; ce qui se produit fréquemment en présence d’ions à couches d ou f
incomplètes.
Tableau 1.
-Principales bandes d’absorption du néodyme trivalent dans le visible et le proche LR., et forces
d’oscillateur correspondantes pour NdPs04.
[Main absorption bands of neodymium ion in the visible and rear infrared regions, and corresponding oscillator
strength for NdP5O4.]
712
*
Avoir une conductivité thermique élevée ainsi qu’une variation dn/di de l’indice de réfraction avec la température aussi faible que possible.
* Offrir au néodyme un site ne présentant pas de
centre d’inversion pour que les transitions optiques,
de type dipolaire électrique, soient aussi intenses que possible grâce au mélange des configurations 4f
et 5d, de parité opposée.
* Soumettre l’ion Nd 3, à un champ cristallin pas trop fort de manière à limiter les phénomènes
d’autoextinction de la fluorescence par interactions entre 2 ions néodyme (S) et (A) voisins [5] selon le
schéma :
et autoriser un fort dopage de la matrice.
2.3 AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DE QUELQUES MATÉRIAUX LASERS ACTIVÉS AU NÉODYME.
* Le grenat d’yttrium aluminium Y3Al5O12 (YAG :Nd)
C’est actuellement pratiquement le seul matériau laser monocristallin activé au néodyme utilisé dans les dispositifs commerciaux [1, 3]. Ce quasi-mono- pole provient notamment de ce qu’il présente une
conductivité thermique et une section efficace
d’émission stimulée élevée, une structure cubique,
et que sa cristallogénèse est maintenant bien maîtri- sée. Il présente cependant certains inconvénients :
ségrégation du néodyme importante ;
«effets de
coeur » à la cristallogénèse ; forte autoextinction par concentration.
*
La pérovskite d’yttrium YAlO3 (YAP :Nd)
Ce matériau est plus facile à élaborer sous forme
monocristalline que le YAG ; son émission laser est
polarisée (structure orthorhombique), mais sa sec-
tion efficace d’émission laser est 2 fois plus faible
que celle du YAG et ses propriétés thermiques sont anisotropes.
* L’hexaaluminate de lanthane-néodyme
Ce matériau de structure type magnétoplombite
découvert dans notre Laboratoire [6] présente des performances laser [7, 8] comparables à celles du
YAG :Nd. En outre, par rapport à ce dernier, le
LNA présente un certain nombre d’avantages : pas de ségrégation du néodyme ; température de fusion plus basse (1 810 °C au lieu de 1 940 °C) d’où une
moindre usure des creusets d’iridium utilisés pour le
tirage des monocristaux par la méthode Czochral-
ski ; produits de départ meilleur marché ; faible
autoextinction de la fluorescence donc possibilité
d’atteindre des taux de dopage élevés.
En outre le LNA présente une plage d’accordabi- lité significative autour de ses deux longueurs
d’ondes d’émission laser associées à la transition :
4F3/2 -+ 4I11/2 : 1,054 et 1,082 ktm [8] qui encadrent
la longueur d’onde laser principale : 1,064 ktm du YAG :Nd. L’émission laser principale du LNA à 1,054 03BCm est particulièrement bien adaptée au
déclenchement de l’effet laser dans les verres phos- phates et fluorophosphates : Nd 3, utilisés dans les chaînes lasers pour l’étude de la fusion thermonu- cléaire contrôlée. Quant à l’émission laser à
1,082 03BCm, elle permet
-compte tenu de son accordabilité
-de réaliser la polarisation nucléaire
de l’hélium 3, ce qui peut avoir de nombreuses
applications notamment en physique nucléaire [8].
Les inconvénients du LNA résident surtout dans
sa structure anisotrope (hexagonale) ; et dans ses caractéristiques thermiques moins favorables que celles du YAG.
* Le fluorure de lithium et d’yttrium LiYF4 (YLF :Nd)
Il fond à 820 °C, température plus basse que celle des oxydes, ce qui facilite son élaboration sous
forme monocristalline (malgré l’absence de
congruence à la fusion). Il se caractérise aussi [9] par
un dn/dt particulièrement faible et par des longueurs
d’onde d’émission laser : 1,047 et 1,053 03BCm, légère-
ment différentes de celles du YAG. En revanche, il
est fragile, tendre, son inertie chimique est faible et
ses performances laser sont sensiblement moins élevées que celles du YAG.
*
Les verres lasers
Ils présentent l’avantage, par rapport aux mono- cristaux de permettre l’élaboration de pièces beau-
coup plus grosses, d’où la possibilité de stocker une
énergie beaucoup plus importante [10]. Comme ils présentent des raies de fluorescence plus larges que celles des solides cristallins ; ils peuvent délivrer des
impulsions laser plus courtes que ces derniers. En
revanche, ils possèdent une conductivité thermique
10 fois plus faible que celle des monocristaux, ce qui impose une cadence de fonctionnement très lente.
Ils ont aussi un rendement plus faible que ces derniers.
* Le grenat de gadolinium-gallium-scandium Gd3SC2Ga3O12 (GSGG :Nd, Cr)
Ce matériau, découvert très récemment [11],_ a la
même structure que le YAG. Toutefois, du fait de l’accroissement des distances anions-cations provo-
qué par les différentes substitutions, le GSGG se caractérise par un champ cristallin plus faible. Il en résulte la possibilité de coactiver le matériau par des ions c2 +. En effet, ceux-ci absorbent fortement la lumière des lampes Xe utilisées lors du pompage
optique du matériau, et se trouvant en champ
cristallin faible, se désactivent sur le niveau ’4T2 (cf.
paragraphe 4.2) qui permet un transfert d’énergie
résonant vers le néodyme. Il en résulte un rendement
de l’émission laser continue (par rapport à la puis-
sance électrique incidente) de 2 à 3 %, contre
environ 1 % pour le YAG.
*
On pourrait encore mentionner beaucoup
d’autres matériaux lasers au néodyme que le lecteur
pourra retrouver dans la compilation effectuée par Kaminskii [1]. Citons pour terminer les composés
«
autoactivés », dits aussi
«lasers stoechiométri- ques » [12] dans lesquels l’ion Nd 3’ est l’un des
constituants du cristal, et non le substituant d’un autre ion du réseau. Ces composés peuvent donner des émissions laser intenses sous un faible volume
puisque leur teneur en néodyme par unité de volume est 30 à 50 fois plus élevée que celle du YAG.
3. Les lasers activés aux autres terres rares.
Plusieurs éléments de la famille des lanthanides, qui
donc comme Nd 3, présentent des raies de fluores-
cence étroites, peuvent être utilisés comme activa-
teur de l’effet laser dans les solides. Ces ions se
caractérisent en général par un nombre de
«
canaux » d’émission laser élevé. Ainsi, pour les ions lanthanides (autres que Nd3 +) les plus fréquem-
ment utilisés [1, 2] on connaît actuellement 13 transi- tions laser pour Ho3 +, 12 pour Er3 +, 10 pour Pr3 +
et 4 pour Tm3 + . L’intérêt de ces ions réside surtout dans les longueurs d’ondes particulières qu’émettent
les matériaux qu’ils activent (Fig. 3). A titre d’exem-
ple, on peut signaler Ho3 + et Er3 + qui présentent
chacun une transition laser (correspondant respecti-
vement à 51 6
~51 7 et 4I11/2 ~ 41 13.2) vers 3 03BCm. Cette
longueur d’onde est bien absorbée par l’eau et les molécules contenant des groupes -OH [2]. On peut donc envisager d’utiliser des lasers à H03 , ou Er3 +
pour réaliser des traitements de séchage en surface,
ainsi qu’en chirurgie laser, biotechnologie, etc. De
tels lasers pompés par lampe xénon et fonctionnant à
température ambiante, permettent déjà d’atteindre des rendements de l’ordre du pour-cent.
D’autres transitions lasers, telles que celles du
praséodyme [2] situées dans le visible (région du jaune-vert et du rouge) et non plus dans l’infrarouge, peuvent également se révéler très intéressantes. En
effet, dans ces domaines spectraux, on ne dispose actuellement que des lasers à gaz et à YAG :Nd doublé dont les puissances sont limitées.
Les difficultés le plus souvent rencontrées avec ces
divers ions activateurs résident dans la faible effica- cité du pompage optique, la distribution de la luminescence sur de nombreuses transitions, le temps de vie de l’état excité fluorescent relativement court, l’autoextinction de la fluorescence et la réab-
sorption de la longueur d’onde laser, le fonctionne- ment à température inférieure à l’ambiante...
La solution de ces problèmes passe par la connais-
sance des phénomènes de transferts d’énergie dans
ces matériaux ; par la coactivation avec d’autres ions
susceptibles d’accroître l’efficacité du pompage opti-
que par transfert d’énergie et par un choix judicieux
de la matrice notamment pour limiter l’autoextinc- tion et la réabsorption de la fluorescence.
4. Les matériaux pour lasers accordables.
Si les matériaux activés aux terres rares donnent des rayonnements laser particulièrement intenses, ils
souffrent en revanche, pour certaines applications,
d’un manque d’accordabilité, celle-ci ne dépassant
pas quelques dizaines d’angstroms dans le meilleur
des cas [8]. Pour accroître celle-ci, il faut s’adresser à des composés présentant des raies de fluorescence
Fig. 3.
-Principales transitions lasers observées d’après (1, 2) dans les matrices oxydes pour les ions de terres rares
(autres que Nd3 +) les plus utilisés.
[Main laser transitions observed, according to (1, 2), in oxide matrices activated with the most frequently used rare earth
ions (other than Nd3+).]
714
larges à l’intérieur desquelles on pourra déplacer
l’émission laser au moyen d’un système dispositif (prisme, réseau...) placé dans la cavité.
De tels systèmes fonctionnant selon le principe du
laser à 4 niveaux (Fig. 2) existent. Mais à la diffé-
rence du néodyme, le niveau terminal de l’émission laser n’est pas un niveau électronique excité, mais un
niveau vibrationnel excité de l’état électronique
fondamental. Pour cette raison, les lasers accorda- bles sont aussi dénommés lasers vibroniques.
L’obtention de raies de fluorescence larges nécessite
que les états électroniques de l’activateur soient fortement couplés aux phonons du réseau. C’est le
cas pour les centres colorés créés dans les solides par coloration additive, électrolytique ou radiative [13, 14] et pour les ions de transition
«d » introduits
comme dopants en substitution d’un élément du réseau.
4.1 LES LASERS A CENTRES COLORÉS. - Les centres colorés ont été à l’origine des premiers matériaux
lasers vibroniques. Les solides peuvent présenter
une grande variété de centres (Fig. 4) qui d’ailleurs
se transforment souvent les uns dans les autres par recuit ou éclairement du matériau [13]. Les plus
utilisés actuellement dans le domaine des lasers sont les centres FA : 1 électron piégé dans une lacune
Fig. 4.
-Quelques centres colorés fréquemment rencon-
trés dans les matériaux lasers vibroniques : 0 anion,
0 cation, 0 impuretés cationiques, D lacune anionique.
[Some of the usual color centres for vibronis lasers
materials, 0 anion, cation, 2022 cationic impurity,
0 anionic vacancy.] ]
anionique (centre F) dont l’un des cations voisins est substitué par une impureté de même valence (Fig. 4)
et les centres F2 : 1 électron associé à 2 lacunes
anioniques voisines (Fig. 5). Les matrices sont en
général des monocristaux d’halogénures alcalins.
Fig. 5.
-Spectres d’absorption et de fluorescence du centre F+2 dans KCI :Na. Le laser correspondant peut être pompé par la longueur d’onde 1,06 itm d’un laser à YAG- Nd. Son domaine d’accordabilité est représenté par le segment d.
[Absorption and fluorescence spectra of F2 centre in
KCI :Na. A laser based on this system can be pumped by
the 1.06 J..Lm wavelength of a YAG :Nd laser. Its tunability
range is depicted by the
«d » segment.]
A titre d’exemple, la figure 5 présente schémati- quement les spectres d’absorption et d’émission des centres F2 dans KCI :Na. Dans ces cristaux, la présence de sodium a pour effet de
«stabiliser » le centre F2’ sans que l’on sache d’ailleurs exactement où se localise cet ion dans le voisinage du défaut. Ce dernier présente une bande d’absorption intense (force d’oscillateur ~ 0,2) dans le proche infrarouge
et peut être pompé par un laser à YAG :Nd à
1,06 03BCm. Compte-tenu du fort décalage de Stockes
l’émission laser est déplacée vers l’infrarouge par
rapport à l’absorption et est accordable continûment de 1,6 à 1,9 p,m environ.
Le rendement de conversion de l’énergie du laser
de pompage est d’environ 20 %. En choisissant convenablement le centre coloré, on peut pratique-
ment générer n’importe quelle longueur d’onde laser depuis le proche infrarouge jusqu’à 3 p,m environ.
Cependant les matériaux lasers à centres colorés sont fragiles (halogénures alcalins) et présentent une
durée de vie limitée. Ils doivent en outre être maintenus à basse température pour pouvoir fonc-
tionner (le niveau vibronique terminal de la transi- tion laser ne doit pas être peuplé) et pour éviter le blanchiment des centres. Pour cette même raison, ils
ne peuvent être pompés par des lampes à arc xénon,
ce qui nécessite le recours pour ce faire à un autre laser.
4.2 LES LASERS A IONS DE TRANSITION
«d ». - Ces inconvénients justifient les recherches actuelles
sur ies matériaux lasers activés aux ions de transi- tion [15] qui sont d’utilisation plus aisée. L’activateur le plus étudié actuellement est sans doute l’ion
Cr3 + en site octaédrique. L’allure des spectres de fluorescence de ce dernier dépend de la force du
champ cristallin auquel il est soumis (mesurée par le
paramètre de champ cristallin Dq), ainsi que de la
répulsion interélectronique entre les 3 électrons de la couche « d » de cet ion (mesurée par le paramètre
de Racah B). Il est commode, pour discuter l’influence de ces paramètres [14] d’utiliser le dia- gramme de Tanabe-Sugano associé à la configuration électronique d3, qui donne l’énergie des termes de
l’ion Cr3 + en symétrie octaédrique en fonction du rapport Dq/B caractéristique de la matrice dans
laquelle il se trouve (Fig. 6). Sur ce diagramme,
l’intersection des courbes représentatives des éner- gies des niveaux électroniques 2E et 4T2 se produit
pour Dq/B = 2,3. On peut alors distinguer trois cas (Fig. 6) :
-
Dq/B > 2,3 : champ cristallin fort. Le niveau fluorescent est le niveau 2E. Celui-ci est peu sensible
au champ cristallin, les raies de fluorescence sont fines et il n’y a pas d’accordabilité. C’est le cas du rubis.
-
Dq/B 2,3 : champ cristallin faible. La fluo-
rescence provient du niveau 4T2, lequel est fortement couplé au réseau. Le spectre d’émission est constitué d’une bande large (Fig. 6b). C’est le cas par exemple
de KZnF3:C¡3 + [15] qui permet de réaliser des lasers accordables sur plusieurs centaines de nano-
mètres.
-