Théorème taubérien fort
Théorème 1. Soit Σunxn une série entière de rayon de convergence 1 telle que sa somme f(x) tend vers ℓ lorsque x →1− (convergence au sens d’Abel). On suppose que (un)n∈N est réelle et que ∀n ∈ N, nun 6 A pour un certainA∈R. AlorsΣun est CV (de sommeℓ).
Démonstration.
1. Heuristique. Soitχ:=1[12,1]. Pour toutN ∈N∗, x:= 2−N1 vérifieP+∞
n=0unχ(xn) =PN
n=0un. Nous allons donc estimer la somme partiellePN
n=0un(pourNgrand) à l’aide d’un encadrement deP+∞
n=0unχ(xn)−ℓ lorsque x→1−. Il nous suffira d’encadrerχentre deux fonctions polynomiales.
Soitψ(x) := 1−−x1 six∈[0,12[etψ(x) := x1 six∈[12,1]. Sipi, qi(i= 1,2) sont deux fonctions polynomiales telles que
pi(x) =x+x(1−x)qi(x) pour toutx∈[0,1],
alors (en considérant séparément [0,12[ et [12,1]) p1 6χ ⇐⇒ q1 6 ψ et χ 6 p2 ⇐⇒ ψ 6 q2. Aussi, p1(0) =p2(0) = 0,p1(1) =p2(1) = 1. On va obtenir une approximation deχà partir d’une approximation deψ. Fixonsε >0.
2. Approximations polynomiales. On construit d’abord (voir figure 1) deux fonctions ψ1, ψ2 ∈ C([0,1]) telles queψ16ψ6ψ2 et06R1
0(ψ2(x)−ψ1(x))dx6ε/2. Puisque ψ1 et ψ2 sont continues, il existe d’après le théorème de Weierstraß deux fonctions polynomialesq1, q2: [0,1]→Rtelles quekq1−(ψ1−ε/4)k∞6ε/8 et k(ψ2+ε/4)−q2k∞6ε/8, en particulier ψ1−ε/4 6q16ψ1 et ψ2 6q26ψ2+ε/4. D’oùq1 6ψ16 ψ6ψ26q2et en écrivantq2−q1= (q2−ψ2) + (ψ2−ψ1) + (ψ1−q1)on en déduit que
Z 1
0
(q2(x)−q1(x))dx6 ε 4 +ε
2+ε 4 =ε.
3. Estimation de l’approximation. Montrons que
+∞
X
n=0
unpi(xn)−−−−→
x→1− ℓ pi(1) =ℓ et (1−x)
+∞
X
n=0
qi(xn)xn−−−−→
x→1−
Z 1
0
qi(t)dt.
Par linéarité il suffit de vérifier cela dans les cas où pi: x 7→ xk+1 et qi: x 7→ xk, k ∈ N. Pour tout x∈ [0,1[,xk+1 ∈[0,1[doncΣun(xk+1)n est convergente de somme f(xk+1), ce qui tend vers ℓ lorsque x →1− par hypothèse. Aussi, Σ(xn)kxn est convergente pour tout x∈ [0,1[ et a pour somme 1−x1k+1, donc(1−x)P+∞
n=0(xn)kxn= 1+x+···+x1 k tend vers k+11 =R1 0 xkdx.
4. Encadrement. Soit0< a <1. Il existeN ∈Ntel queaN <12, si bien queχ(xn) = 0pour tousx∈[0, a]et n>N. D’oùΣunχ(xn)converge uniformément sur tout segment[0, a]⊂[0,1[. Soitx∈[0,1[. Alors
+∞
X
n=0
unχ(xn)−
+∞
X
n=0
unp1(xn) =
+∞
X
n=1
un(χ(xn)−p1(xn)) (χ(1) =p1(1) = 1)
6A
+∞
X
n=1
1
n(χ(xn)−p1(xn)) (nun6Aet χ−p1>0)
6A
+∞
X
n=1
1
n(p2(xn)−p1(xn)) (χ6p2 etA>0)
=A
+∞
X
n=1
1−xn
n (q2(xn)−q1(xn))xn 6A(1−x)
+∞
X
n=1
(q2(xn)−q1(xn))xn.
Aussi,
+∞
X
n=0
unp2(xn)−
+∞
X
n=0
unχ(xn)6A(1−x)
+∞
X
n=1
(q2(xn)−q1(xn))xn.
(La dernière inégalité provient de 06 1−x
n
n = (1−x)1+x+···+xn n−1 61 pour tous x∈[0,1[et n∈ N∗.) D’après ce qui précède cette dernière majoration tend vers AR1
0(q2(t)−q1(t))dt 6Aε lorsque x→1−.
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Théorème taubérien fort
Mais P+∞
n=0unpi(xn)−−−−→x→1− ℓpour i ∈ {1,2}. On en déduit l’existence de 0 < η <1 tel que, pour tout x∈]1−η,1[,
+∞
X
n=0
unχ(xn)6(A+ 1)ε+ℓ, et
+∞
X
n=0
unχ(xn)>ℓ−(A+ 1)ε, ce qui signifie
+∞
X
n=0
unχ(xn)−ℓ
6(A+ 1)ε.
5. Conclusion. SoientN ∈N∗ tel que1−η <2−N1 <1et m>N. Alorsx:= 2−m1 ∈]1−η,1[, et
+∞
X
n=0
unχ(xn)−ℓ
=
m
X
n=0
un−ℓ
6(A+ 1)ε,
et cela pour toutm>N. En conclusionΣun est CV, de somme ℓ.
Figure1 – Approximations deψ.
Références. [Gou,X82]
203 Utilisation de la notion de compacité.
230 Séries de nombres réels ou complexes. Comportement des restes ou des sommes partielles des séries numé- riques. Exemples.
243 Convergence des séries entières, propriétés de la somme. Exemples et applications.
[Gou] XavierGourdon: Analyse. 2ème édition.
[X82] 1ère épreuve du concours d’entrée à l’école Polytechnique, 1982.
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