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Incivilité à l'école : réflexions et actions pour améliorer le climat scolaire en collaboration avec le service Le Point

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Academic year: 2022

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Master

Reference

Incivilité à l'école : réflexions et actions pour améliorer le climat scolaire en collaboration avec le service Le Point

BIEDERMANN, Joëlle, PRÊTRE, Camille, ROSSEL, Julie

Abstract

Nous avons choisi d'axer notre travail de recherche sur des mesures de prévention et d'action face aux incivilités. Nous avons analysé quelques dispositifs en nous basant sur l'expérience de deux écoles ayant collaboré avec le service Le Point (rattaché au DIP). Dans un premier temps, nous nous sommes intéressées à la manière dont les professionnels se représentaient et définissaient la notion d'incivilité. Par la suite, nous avons pris connaissance du fonctionnement du Point, étudié les modalités de collaboration, ainsi que les mesures et actions entreprises par les équipes éducatives et les spécialistes du Point. Enfin, nous avons tenté de relever les effets de leurs interventions sur le climat scolaire. La récolte de données s'est appuyée sur cinq entretiens semi-directifs avec trois enseignants de deux écoles différentes et deux consultants du service Le Point. Parmi nos principaux résultats, nous avons relevé que l'incivilité des élèves était souvent lié au cadre dans lequel ils évoluent. Cela justifie un travail approfondi sur les Chartes, règlements et sanctions, sans oublier la [...]

BIEDERMANN, Joëlle, PRÊTRE, Camille, ROSSEL, Julie. Incivilité à l'école : réflexions et actions pour améliorer le climat scolaire en collaboration avec le service Le Point. Master : Univ. Genève, 2009

Available at:

http://archive-ouverte.unige.ch/unige:3821

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(2)

Université de Genève – Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation - Sciences de l’éducation

Juin 2009

Mémoire de Licence

D

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IRIREECCTTEEUURR DDEE MMEEMMOOIIRREE

: : C. C . L L

AAPPLLAACCEE

Incivilité

Incivilité Incivilité

Incivilité à l à l à l à l’’’’école école école école : réflexions et actions pour améliorer le : réflexions et actions pour améliorer le : réflexions et actions pour améliorer le : réflexions et actions pour améliorer le climat scolaire en collaboration avec le service Le Point climat scolaire en collaboration avec le service Le Point climat scolaire en collaboration avec le service Le Point climat scolaire en collaboration avec le service Le Point

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OMOMMMIISSSSIIOONN DEDE MMEEMMOOIIRREE

: :

F. F . C C

ARARVVAAJJAALL

, , A. A . F F

RARAUUEENNFFEELLDDEERR

, , O. O . M M

AAUULLIINNII

Travail réalisé par

Joëlle Biedermann Camille Prêtre

Julie Rossel

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Remerciements

Nous tenons, tout d’abord, à remercier les différents professionnels qui ont accepté de nous rencontrer et de nous confier leurs expériences. Sans leur grande

disponibilité et leur participation, ce travail n’aurait pas vu le jour.

Nous souhaitons également exprimer nos remerciements aux membres de la commission qui ont chacun accepté de participer à cette entreprise. Nous voulons tout particulièrement remercier Claude Laplace qui a encadré ce mémoire et qui a su,

par ses conseils pertinents, nous apporter une aide précieuse.

Nous pensons aussi chaleureusement à tous ceux qui nous ont encouragées.

Joëlle Biedermann, Camille Prêtre et Julie Rossel

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FACULTE DE PSYCHOLOGIE ET A rendre avec le procès-verbal

DES SCIENCES DE L’EDUCATION et les 2 exemplaires du mémoire

SECTION DES SCIENCES DE L’EDUCATION

MEMOIRE DE LICENCE

Etudiantes : Joëlle BIEDERMANN – Camille PRÊTRE – Julie ROSSEL

Mention choisie : Enseignement (LME) Commission de mémoire :

1) Claude Laplace (directeur) 2) Olivier Maulini

3) Fernando Carvajal 4) Arnaud Frauenfelder

Titre du mémoire de licence :

Incivilité à l’école : réflexions et actions pour améliorer le climat scolaire en collaboration avec le service Le Point

RESUME

Nous avons choisi d'axer notre travail de recherche sur des mesures de prévention et d'action face aux incivilités. Nous avons analysé quelques dispositifs en nous basant sur l'expérience de deux écoles ayant collaboré avec le service Le Point (rattaché au DIP). Dans un premier temps, nous nous sommes intéressées à la manière dont les professionnels se représentaient et définissaient la notion d'incivilité. Par la suite, nous avons pris connaissance du fonctionnement du Point, étudié les modalités de collaboration, ainsi que les mesures et actions entreprises par les équipes éducatives et les spécialistes du Point.

Enfin, nous avons tenté de relever les effets de leurs interventions sur le climat scolaire.

La récolte de données s'est appuyée sur cinq entretiens semi-directifs avec trois enseignants de deux écoles différentes et deux consultants du service Le Point.

Parmi nos principaux résultats, nous avons relevé que l’incivilité des élèves était souvent lié au cadre dans lequel ils évoluent. Cela justifie un travail approfondi sur les Chartes, règlements et sanctions, sans oublier la cohérence entre les adultes de la communauté éducative. Enfin, les mesures mises en place doivent s'inscrire sur la durée pour être intégrées par les élèves et pour aboutir à des résultats satisfaisants.

Genève, le 9 juin 2009

MEMOIRE DE LICENCE

(5)

Plan du mémoire Plan du mémoire Plan du mémoire Plan du mémoire

Incivilités à l'école : réflexions et actions pour améliorer le climat scolaire en collaboration avec le service Le Point.

1. INTRODUCTION 1. INTRODUCTION 1. INTRODUCTION

1. INTRODUCTION... ... ... ... ... ... ... ... ... ... 7 7 7 7

Motivation et choix du sujet... 7

Structure de notre mémoire ... 9

2. CADRE THÉORIQUE 2. CADRE THÉORIQUE 2. CADRE THÉORIQUE 2. CADRE THÉORIQUE ... ... ... ... ... ... ... 11 11 11 11

Des tentatives pour définir la violence... 11

Catégorisation : Entre violence et incivilité ... 13

Les incivilités ... 18

Finalement, notre définition…... 20

Une affaire de perception ... 23

Des incivilités scolaires en augmentation ? ... 25

Quelques hypothèses explicatives ... ... 27

La situation dans les écoles genevoises … ... 34

Des outils pour agir et réagir ... 38

Synthèse du cadre théorique... 41

3. PRÉSENTATION DU SERVICE LE 3. PRÉSENTATION DU SERVICE LE 3. PRÉSENTATION DU SERVICE LE 3. PRÉSENTATION DU SERVICE LE POINT ET DES POINT ET DES POINT ET DES POINT ET DES SITUATIONS CHOISIES SITUATIONS CHOISIES SITUATIONS CHOISIES SITUATIONS CHOISIES ... ... ... ... ... ... 43 ... 43 43 43

Le Point : un service rattaché au DIP... 43

Petit détour historique ... 43

L’équipe du Point et ses procédures ... 47

Présentation des établissements ... 49

Ecole Alpha... 49

Ecole Gamma... 50

4. PROBLÉMATIQUE 4. PROBLÉMATIQUE 4. PROBLÉMATIQUE 4. PROBLÉMATIQUE ... ... ... ... ... ... ... ... ...51 ... 51 51 51

L’avant recherche... 51

Problématique générale ... 51

Questions et hypothèses de recherche... 52

(6)

5. M 5. M 5. M

5. MÉTHODOLOGIE ÉTHODOLOGIE ÉTHODOLOGIE... ÉTHODOLOGIE ... ... ... ... ... ... ... ... ... 54 54 54 54

La revue de la littérature ... 54

L’observation... 55

La démarche par entretien ... 56

Présentation des entretiens semi-directifs... 57

Population... 58

Présentation des canevas d’entretien... 60

Déroulement des entretiens ... 61

6. COMPTES 6. COMPTES 6. COMPTES 6. COMPTES----RENDUS DES ENTRETIENS RENDUS DES ENTRETIENS RENDUS DES ENTRETIENS RENDUS DES ENTRETIENS ... ... ... ... 63 63 63 63

Déroulement des événements dans l’école Alpha... 63

Déroulement des événements dans l’école Gamma... 67

7. ANALYSE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS 7. ANALYSE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS 7. ANALYSE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS 7. ANALYSE ET DISCUSSION DES RÉSULTATS ... ... ... ... 71 71 71 71 Partie I : Réflexion sur les incivilités selon les professionnels...72

Des définitions variées... 72

Origines des incivilités dans les écoles... des causes contextualisées ... 75

Les changements dans la société ... 76

L’éducation : une responsabilité partagée... 78

Le statut de l’enseignant ... 80

Des changements au fil de la scolarité... 83

Conséquences des incivilités... 84

Des situations qui mènent à faire appel au Point ... 87

Bilan des réflexions sur les incivilités ... 88

Partie II : Quelques réponses face aux incivilités... Analyse des pistes d’action du service Le Point ...89

Fonctionnement général du Point ... 89

La prise de contact et l’analyse de la situation ... 90

La décision et les pistes d’action... 91

Les pistes de prévention et d’action proposées par le Point ... 95

Chartes et règlements... 96

Les sanctions... 99

Le projet collectif... 104

Les membres de la communauté éducative... 107

(7)

Un travail qui continue... ... 113

Des résultats dans les écoles ? Une évaluation complexe... 114

Bilan des pistes d’action proposées par Le Point... 118

8. CONCLUS 8. CONCLUS 8. CONCLUS 8. CONCLUSION GÉNÉRALE ION GÉNÉRALE ION GÉNÉRALE ... ION GÉNÉRALE ... ... ... ... ... ...121 121 121 121 9. BIBLIOGRAPHIE 9. BIBLIOGRAPHIE 9. BIBLIOGRAPHIE 9. BIBLIOGRAPHIE... ... ... ... ... ... ... ... ... ...123 123 123 123 10. ANNEXES 10. ANNEXES 10. ANNEXES 10. ANNEXES ... ... ... ... ... ... ... ... ... ... 127 127 127 127

Fiche SIGNA... 128

Canevas d’entretien... 130

Entretiens ... 135

Documents école Alpha... 180

Documents école Gamma... 192

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1. INTRODUCTION

Motivation et choix du sujet

Vaste sujet que la violence en milieu scolaire. Maintes fois problématisé et étudié par les chercheurs, ce phénomène d’actualité fait couler beaucoup d’encre ; manchettes de journaux, reportages télévisés et préoccupations politiques mettent en évidence l’inquiétude que ce sujet provoque dans notre société. Les conséquences physiques et psychologiques sur les individus sont incontestables ; c’est pourquoi, lutter contre le phénomène des incivilités est un défi lancé aux communautés éducatives et à l’ensemble de la société.

Le Département de l’Instruction Publique (DIP) prend la question très au sérieux. Dès 2004, il met en place un recensement des faits de violence perpétrés dans les établissements scolaires grâce au logiciel français SIGNA. Les rapports de SIGNA donnent une indication sur la nature et sur la fréquence des actes violents dans tous les établissements scolaires publics genevois. En janvier 2005, Charles Beer, conseiller d’Etat en charge du DIP, présente treize priorités pour l’instruction publique genevoise1. La douzième priorité est intitulée Vie dans les établissements scolaires : des espaces à reconquérir. L’objectif est d’instaurer un cadre de vie propice aux apprentissages en conjuguant les politiques de prévention, de médiation et de sanction. Dès juillet 2006, le service du Point2 est rattaché au secrétariat général du DIP. Cet organisme, qui vise notamment à améliorer le climat de vie et de travail en milieu scolaire est composé de six professionnels spécialisés dans des champs disciplinaires tels que l’enseignement, le travail social, la sociologie, etc.

Ces exemples d’action, tirés parmi d’autres, mettent en évidence que le phénomène de violence et d’incivilité dans l’espace scolaire est aujourd’hui perçu comme une préoccupation de la plus haute importance.

1 Les 13 priorités du DIP – http://www.geneve.ch/dip/13_priorites.asp#priorite12

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Les enseignants font souvent référence aux actes de violence et d’incivilité.

Lors de nos stages et de nos remplacements, nous avons été confrontées directement ou indirectement à certaines situations de crises. Pourtant, dans le cadre de notre formation, les comportements incivils n’ont jamais fait l’objet d’un enseignement spécifique. Prochainement confrontées à la réalité de la profession enseignante, ces conduites nous questionnement et nous préoccupent. La recherche de la limite par les élèves est constitutive de l’éducation. L’enseignant, garant du cadre au sein de sa classe, doit conjuguer un certain nombre de valeurs – celles de l’école, celles des élèves et les siennes – en trouvant le juste équilibre entre les valeurs de chacun, les règles de la société et leur appropriation. Pour prévenir et agir face aux incivilités et aux actes de violence, l’enseignant peut mettre en place un certain nombre de moyens tels que les espaces de parole, les contrats, la médiation, les règlements ou encore les sanctions. Ces moyens sont efficaces et assurent la plupart du temps une dynamique de classe fonctionnelle. Cependant, force est de constater que certains enseignants doivent faire face à des situations qu’ils ne peuvent gérer seuls. Dans ces circonstances, ils peuvent demander l’aide du Point dont l’une des missions est d’intervenir auprès des enseignants en leur apportant conseils et soutien.

Afin de découvrir dans quelles situations ces spécialistes interviennent et de comprendre le mode de collaboration des différents acteurs, nous avons décidé de nous intéresser à l’organisme Le Point et à ses pôles d’intervention. Notre projet vise à appréhender comment se mettent en place les projets avec ce service, quels sont les moyens mis en œuvre et les apports de cette collaboration. Nous nous appuierons sur quelques situations concrètes de demandes d’enseignants afin d’illustrer notre propos. Nous étudierons la question du point de vue des consultants du Point et des enseignants concernés à travers des entretiens permettant de confronter les différents points de vue et expériences.

Notre mémoire s’inscrit donc dans le domaine des approches transversales.

Sans toucher directement aux disciplines didactiques, ce domaine ne peut cependant être séparé de l’enseignement. En effet, le coté relationnel et social influence – positivement ou négativement – le rapport des élèves avec le travail scolaire. Nous sentant parfois démunies face à des situations d’incivilité, nous

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voyons en ce mémoire l’occasion de mettre en place un certain nombre de pistes de réflexion et d’actions préventives pour pallier à l’incivilité et améliorer la dynamique de classe et d’école. De plus, il nous semble important de nous familiariser avec le service Le Point avec lequel nous serons probablement amenées à collaborer.

Le choix de réaliser ce mémoire de licence en trio repose sur plusieurs raisons.

Premièrement, le phénomène de la violence et des incivilités nous interpelle chacune à notre manière. Avant de commencer ce travail, nous pensions avoir les mêmes représentations quant à cette thématique. Le fait d’avoir le même âge, un contexte socioculturel et des intérêts similaires nous conférait un certain nombre de points communs. De plus, nous suivons depuis quelques années la même formation et avons des expériences de terrain qui se rejoignent. Ces ressemblances nous semblaient justifier de fortes concordances dans nos représentations. Or, nous avons rapidement réalisé que si nous nous accordions dans les grandes lignes pour distinguer des niveaux de gravité, nos perceptions différaient parfois à propos de détails. Nos sensibilités personnelles, les différences de seuil de tolérance, d’implication, d’empathie et de capacité à prendre de la distance ont mis en évidence des distinctions parfois importantes dans notre manière de concevoir le phénomène d’incivilité à l’école. Ces divergences nous ont fait prendre conscience du caractère subjectif de notre sujet de mémoire et de l’intérêt d’approfondir cette question en trio en associant nos différentes personnalités. Par ailleurs, nous avons depuis plusieurs années collaboré régulièrement et partagé nos expériences du terrain ce qui nous a beaucoup apporté. Ayant des fonctionnements parfois différents, la confrontation de nos points de vue nous a souvent permis d’enrichir nos réflexions et il nous semblait donc intéressant de continuer à le faire dans le cadre de ce travail.

Structure de notre mémoire

Dans un premier temps, nous allons présenter le phénomène de la violence, de la violence scolaire et des incivilités à travers une revue de la littérature. Nous montrerons la complexité qu’il existe à définir ces phénomènes, les différentes

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nous appuierons sur les théories de différents auteurs, afin de mettre en évidence l’évolution des définitions et des représentations sur le sujet. Nous nous intéresserons plus particulièrement à la catégorie de violence nommée incivilité et en étudierons les différentes expressions. Nous aborderons la question de l’augmentation de ces comportements problématiques, les différences de perceptions qui en résultent ainsi que les potentielles explications au développement de ce phénomène. Afin d’étudier la question au niveau local, nous aborderons également l’étude SIGNA du DIP sur les actes répréhensibles. Cela nous permettra d’étudier les statistiques relatives aux faits de violence recensés dans l’environnement scolaire genevois, notre futur environnement de travail.

Dans un deuxième temps, nous présenterons l’organisme genevois Le Point.

Rattaché au DIP depuis quelques années, il se présente comme un service d’appui pour l’ensemble des acteurs de terrain de l’instruction publique. Nous en définirons les missions et les valeurs de référence ainsi que les différents domaines d’action en nous intéressant aux pôles d’intervention conseil et accompagnement, formation et action et travail en réseau. Par la suite, nous exposerons une série d’entretiens menés avec des consultants du Point ainsi qu’avec certains enseignants ayant fait appel à leurs services. En nous basant sur des situations concrètes, par le biais d’entretiens semi-directifs, nous chercherons dans un premier temps à comprendre les situations qui ont engagé les enseignants dans un travail en collaboration avec Le Point. Ensuite, l’enjeu principal sera de comprendre comment se met en place cette collaboration, comment elle se déroule et en quoi consistent l’aide et les mesures apportées. Les deux situations que nous approfondirons nous permettront d’étudier les similitudes et les différences de procédures entre les interventions proposées en termes de déroulement et de résultats. Nous pourrons ainsi proposer un bilan afin de mieux comprendre les buts et les finalités de la collaboration des enseignants avec le service Le Point.

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2. CADRE THÉORIQUE

Des tentatives pour définir la violence

Apparu au XIIIème siècle en français, le terme violence est issu du latin vis et désigne la force ou la vigueur. Il caractérise un être humain au tempérament impulsif et brutal. Selon plusieurs auteurs, la violence n’est pas une construction culturelle, elle fait partie de l’essence même de l’Homme, de la Société. Maffesoli (1985), sociologue français spécialisé dans la question du lien communautaire, la considère comme fondatrice et banale. Ainsi, les actes de violence ont de tout temps existé et existeront toujours. “L’histoire de l’humanité est martelée depuis la nuit des temps par la tentative de destruction de l’autre. C’est ce que Jean Bergeret avait nommé la violence fondamentale à travers l’alternative : c’est moi ou lui” (Touati, 2004, p.9-10).

Cette violence fondamentale reflète une attitude protectrice et défensive. Elle caractérise une pulsion de vie, voire de survie.

Cette violence, innée chez tout être humain, ne peut être étouffée ni éliminée. Il faut, au contraire, être capable de la diriger et de la canaliser. Dans ce cas, la violence se transforme en civilité, civisme et civilisation (par ex. l’action d’un preux chevalier). Par contre, non contenue, elle fait des victimes. Dans le sens commun, le terme de violence est souvent perçu dans ses aspects négatifs, synonymes de mauvais usage de la force.

Selon la première définition du Petit Larousse illustré, la violence représente le

“caractère de ce qui se manifeste, se produit ou produit ses effets avec une force intense, extrême, brutale”. Cette définition très générale n’est pas représentative de la multitude de facettes qui peuvent définir la violence. Différents auteurs ont tenté de délimiter le terme de manière plus précise et les nombreuses définitions proposées mettent en évidence un certain nombre de divergences. Cependant, s’il y a un point sur lequel tous les spécialistes se rejoignent, c’est bien la complexité à définir ce terme.

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Munchembled (2008), historien et professeur à l’université du Michigan, signale que “le classement de ces phénomènes n’est pas identique selon les pays et les époques” (p.20). Ces divergences sont le résultat des différentes représentations sociales. Elles s’expliquent à travers les valeurs et les mœurs des sociétés. Ce que l’on perçoit comme violent aujourd’hui ne l’aurait pas été dans un autre temps ni dans un autre lieu. “Historiquement, culturellement, la violence est une notion relative, dépendant de codes sociaux, juridiques et politiques des époques et des lieux où elle prend sens” (Debarbieux, 1996, p. 35). C’est alors la prise en compte des normes et des critères institutionnels, juridiques et sociaux qui permettent d’appréhender la violence. Le sens du mot violence varie donc selon l’environnement, l’histoire et la culture des individus.

Or, la définition de la violence dans nos sociétés occidentales contemporaines met également en évidence de grandes divergences d’opinion entre les auteurs.

Certains considèrent la violence dans sa définition descriptive à travers ce qui se voit, comme par exemple les agressions physiques et brutales, tandis que d’autres la perçoivent d’un point de vue plus moral et intègrent à leur définition les violences psychologiques ou symboliques. Ces distinctions mettent en évidence le fait que le sens donné à la violence dépend aussi d’une perception nécessairement relative de chaque individu. Si nous nous entendons tous pour considérer certains faits comme violents (les tortures, les meurtres, les viols), d’autres sont perçus selon la sensibilité et l’avis de chacun (les moqueries, les bousculades, les bagarres). Cette perception peut se modifier à un niveau individuel ou en fonction d’un groupe de référence. Dès lors, on ne trouve pas de définition claire et objective car chacun crée sa vision de la gravité des faits. On comprend alors la difficulté que rencontrent les auteurs à définir clairement les phénomènes de violence tant il dépend de facteurs sociaux, culturels, temporels que personnels. D’après Joyeux, chercheur français en sciences de l’éducation, la notion de violence “consiste dans la somme de ses définitions, de ses variantes, de ses multiples versions et sa singularité réside dans son caractère multiforme et dans sa variance” (1996, p. 27).

Cependant, les différentes conceptions de la violence se rejoignent en un point central, celui de la transgression et de la déviance. Quel que soit le comportement violent relevé, celui-ci se caractérise toujours par un passage au-delà du côté

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“tranchant symbolique de la loi ou de la règle” (Laplace, 2005, p.4). Cet écart à la norme n’est pas dans tous les cas négatif. Il pourrait y avoir une transgression s’écartant des normes pour s'élever à un niveau idéal (valeurs, vertus, etc.). Ceci constituerait dès lors une transgression positive. Néanmoins, cette notion demeure relative et donc encore une fois subjective.

Eric Debarbieux, enseignant des Sciences de L’éducation à l’université de Bordeaux et spécialiste de la violence en milieu scolaire, propose une définition de la violence relativement complète qui a retenu notre attention :

La désorganisation brutale ou continue d’un système personnel, collectif ou social se traduisant par une perte d’intégrité qui peut être physique, psychique ou matérielle. Cette désorganisation peut s’opérer par agression, usage de la force, consciemment ou inconsciemment, mais il peut y avoir violence, du point de vue de la victime sans qu’il y ait nécessairement agresseur ni intention de nuire. La violence est dépendante des valeurs, des codes sociaux et des fragilités personnelles des victimes. (Debarbieux, 1996, p.45-46)

Cette définition met en évidence la pluralité d’expression de la violence. Dans un souci de compréhension, nous allons tenter de réaliser une classification des actes violents. De cette manière, nous voulons mettre en évidence les réflexions et analyses de différents spécialistes sur le sujet. L’enjeu est de pointer les distinctions de termes et de comportements afin de nous forger notre propre définition sur les comportements dits violents.

Catégorisation : Entre violence et incivilité

De nombreux auteurs ont cherché à faire un inventaire des formes de violence dans la société. Il est intéressant de constater que les points de vue et positions divergent parfois fortement, même entre spécialistes de la question. A travers la lecture des différents ouvrages, nous avons été confrontées à d’importantes

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partie de notre travail, nous allons tenter de mettre en évidence les différentes théories que nous avons relevées.

Certains auteurs considèrent que la violence recoupe des comportements en lien avec l’atteinte physique uniquement. Le modèle de Chesnais (1982) – illustré en page 15 – en est un exemple. Pour lui, le discours actuel véhicule trois définitions implicites de la violence qu’il développe en trois cercles concentriques : le premier cercle, celui de la violence physique contient la seule violence mesurable et incontestable, la violence vraie, la plus grave. Ce noyau dur de la violence, “c'est l'atteinte directe, corporelle contre les personnes ; elle revêt un triple caractère : brutal, extérieur et douloureux. Ce qui la définit est l’usage matériel de la force”

(Chesnais, 1981, p.12). Ainsi, cet auteur propose une définition strictement criminelle de la violence qui se veut objective. Il se base sur les statistiques et les faits, et prend le droit comme axe de raisonnement.

Pour Chesnais, les deux autres cercles, comprenant la violence économique et la violence morale, ne comprennent pas de vraies violences ; elles ne portent pas atteinte à ce qu’il appelle l’autonomie physique de la personne. Dès lors, ces catégories sont subjectives, difficiles à discerner, et parler de violence dans ce sens est un abus de langage lié à une banalisation du terme. La violence morale, la plus subjective selon Chesnais, est qualifiée de “notion à la mode [...] propre à certains intellectuels occidentaux, trop confortablement installés pour connaître le monde obscur de la misère et du crime” (Chesnais, 1982, cité par Debarbieux, 1996, p.29).

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Ce n’est pas de la violence Ce n’est pas vraiment

de la violence La violence économique

La violence physique La violence morale ou

symbolique

Noyau dur de la violence

- +

Notion au contenu hautement subjectif Tout ce qui concerne les atteintes aux biens : destruction, dégradation Plus difficile à cerner que la violence physique

+ Violence -

4 genres : - les homicides volontaires - les viols - les coups et blessures volontaires graves - les vols à mains armée ou avec violence

Nous pensons que la position de Chesnais écarte en bonne partie ce que l’on appelle violence à notre époque. Celui-ci propose une définition descriptive évoquant principalement l’usage de la force physique. Or, la société se transforme progressivement et avec elle, se métamorphosent les faits de violence qui se sont subtilement déplacés “du secteur policier et judiciaire (crimes et délits) au domaine de la sphère sociale et culturelle du vivre ensemble (conflits de civilités)” (Vuille et Gros, 1999, p.31). Sans pour autant disparaître, cette violence criminelle cohabite désormais avec de nouvelles formes de violence. En excluant du terme violence les atteintes qui ne sont pas extrêmes et criminelles, Chesnais fait abstraction dans sa définition du type de violence plus ordinaire, moins sensationnel à connotation morale.

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Nous estimons que ce modèle théorique réduit l’ampleur du phénomène de violence qui tend à se développer massivement dans la société et l’espace scolaire.

La dimension subjective de la violence est une réalité dont il convient de tenir compte. Nous rejoignons donc la position de Michaud (1978, cité par Pain, 1992) qui intègre une plus large gamme de faits sous ce terme. Pour lui, la violence est avant tout une situation d'interaction qui selon différentes modalités (directement ou indirectement) peut porter atteinte à plusieurs niveaux : au corps, à l'intégrité morale, aux biens, aux appartenances symboliques et culturelles. Michaud met alors en avant la construction consciente qui caractérise à son sens la violence.

Les modèles proposés ci-dessus sont destinés à la société en général. Ces catégories sont-elles aussi valables en milieu scolaire ? C’est en tout cas ce que pense Gilbert Joie (2001). Selon lui, “nous assistons [depuis quelques années] à une fusion des délits entre les milieux scolaires et extrascolaires” (p.15). Cet auteur propose une classification basée sur quatre niveaux de gravité des expressions de violence : les insultes et menaces verbales, le racket, les agressions physiques avec coups et blessures et les agressions physiques et sexuelles majeures. Les insultes et menaces verbales sont qualifiées en quelque sorte de petites violences. Elles bénéficient d’une grande impunité car elles sont peu contrôlables donc difficilement punissables. Néanmoins, cette expression de violence, aussi routinière qu’elle soit, contribue fortement à créer un climat d’insécurité. Le racket est une forme de violence insidieuse qui amène un climat d’insécurité pesant. Les formes d’intimidation et de vengeance qui en découlent sont perçues de manière extrêmement forte chez la personne agressée tant au niveau mental que physique.

Ce type de comportement constitue, selon Joie, l’acte délictueux type dans lequel la limite entre l’intra et l’extra scolaire n’est plus. Les agressions physiques avec coups et blessures sont, à l’inverse des précédentes, visibles et identifiables. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’elles interpellent beaucoup les médias et provoquent de nombreuses réactions. Les agressions physiques et sexuelles majeures constituent la dernière catégorie d’expression de violence. Joie les qualifie

“d’aboutissement final de l’immoralité” (p.18). Elles reflètent pour lui la rupture totale entre l’homme et ses pairs.

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La classification que nous retiendrons pour la suite de ce mémoire est empruntée à Debarbieux (1996) qui répartit les violences de manière un peu différente. Celui-ci fait une distinction entre ce qu’il appelle les crimes et délits, et les incivilités. Si ces deux catégories ont en commun le fait “[d’abolir] les limites protectrices des sujets individuels et sociaux qui en pâtissent” (p.46), elles présentent néanmoins de grandes différences :

Les crimes et délits, tels que qualifiés par Debarbieux, regroupent un certain nombre de comportements : vols, cambriolages, coups et blessures, etc. Ces comportements sont qualifiés par le code pénal et donnent, de ce fait, lieu à des procédures.

La seconde catégorie regroupe d’autres actes, moins forts en apparence que les précédents, que l’on nomme incivilités. D’une manière générale, sont compris dans cette catégorie tous les comportements qui causent désordre : bruit, impolitesse, injures, agitation, non-écoute, etc.

Cette typologie des faits de violence s’intègre parfaitement à notre sujet de recherche en mettant en évidence le concept d’incivilité qui reflète au plus près les comportements qui nous préoccupent. Les incivilités, intégrées depuis peu dans le débat sur la violence, “sont désormais affichées comme l'expression dominante des faits de violence” (Vuille et Gros 1999, p.7). En effet, il apparaît que la violence scolaire doit être pensée d’avantage en termes d’incivilité que de crimes et de délits.

Ainsi, c’est cette catégorie que nous allons développer dans la suite de ce travail.

Cependant, où se situe la limite entre les incivilités et les crimes et délits ? En effet, la frontière entre les faits ordinaires, les petites incivilités et les actes qualifiés de graves est parfois floue. Faut-il concevoir ces deux catégories de manière distincte ou comme différentes par nature ? D’après Roché (1996), les petites incivilités en engendreraient de plus grandes et ainsi de suite comme une progression inextricable. C’est ce que Dumay avait appelé la “mécanique des incivilités” (1994). Ces deux auteurs distinguent plusieurs stades altérant la dynamique et la vie de classe. Ceux-ci s’enchaîneraient progressivement liant ainsi

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les comportements apparemment anodins aux actes les plus graves. Le premier stade concerne le refus des règles de bases de la classe : les règles internes à l’établissement sont petit à petit contestées, l’indiscipline s’accentue et l’irrespect envers autrui et le matériel s'établit. Le deuxième stade touche la violence verbale et plus précisément l’insolence. Cela s’explique par une volonté de mettre une distance à autrui, plus précisément entre élèves et professeurs. Ensuite, viennent les stades des menaces vis-à-vis du personnel de l’établissement et finalement apparaissent des actes délinquants qualifiés de graves tels que des incendies criminels ou des agressions physiques.

A travers leurs recherches, Dumay et Roché démontrent que la limite est mince entre incivilités et délinquance avérée et que celle-ci dépend de plusieurs facteurs.

Dès lors, nous avons tenté de cerner ce que le terme incivilité signifie pour un certain nombre d’auteurs et de spécialistes s’étant penchés sur la question. L’enjeu est de distinguer clairement la violence des incivilités.

Les incivilités

Du latin incivilitas, le terme incivilité est apparu dans la langue française au XVIIème siècle. Il a tout d’abord été utilisé en criminologie pour s’imposer ensuite en sociologie. L’incivilité se rapporte à des comportements et des actes qui ne respectent pas l’ensemble des règles de vie citoyenne. Elle est à la limite de l'impolitesse et de la petite délinquance et regroupe une large gamme de faits tels que des grossièretés diverses, le non respect d’autrui, l’humiliation, le racisme ou le vandalisme. Debarbieux et Roché s’accordent pour affirmer que les incivilités sont

“des menaces contre l’ordre établi, transgressant les codes élémentaires de la vie en société, le code des bonnes manières” (Roché, 1993, cité par Debarbieux, 1996, p. 42). Parler d'incivilité invite à se poser la question de ce qu'est la civilité. Pour Debarbieux la civilité est “l'ensemble des attitudes qui consistent à prendre l'autre en considération, à lui fournir la preuve de son utilité sociale” (1997, cité par Vuille et Gros, 1999, p.76). L'idée de prise en considération est fondamentale : être civile ou incivile renvoie à l’autre qui peut prendre différentes formes : individu, groupe, institution, société en général. Debarbieux précise que “l'incivilité n'est pas la non-

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civilisation mais une difficulté dans les interactions sociales, un conflit dans la construction des civilités” (Debarbieux, 1997, cité par Vuille, 1999, p.77).

Les incivilités n’ont pas de définition juridique précise et représentent pour Prairat3 un concept élastique. S’agissant d’une notion sociologique, elles renvoient aux perceptions et aux représentations des individus. Entre impolitesse et petite délinquance, les actes incivils ne sont pas toujours sanctionnés par une loi ou par un règlement. Roché (1999) classe les incivilités selon deux formes : une partie de ces actes est considérée comme légale (rassemblement dans une cours d’immeuble, impolitesse), et une autre partie comme infractionnelle (agression verbale, insultes).

Parfois les limites sont floues, les incivilités sont “hors la morale toujours, hors la loi quelquefois !” (p.47).

A l’instar de la société, l’école semble actuellement préoccupée par la question des incivilités. Mais qu’est ce que l’incivilité en milieu scolaire, et plus précisément dans les établissements primaires ? Peut-on y trouver les mêmes comportements que ceux observés dans la société ? L’école étant un lieu en interaction avec le monde, considérer la violence en milieu scolaire revient avant tout à la considérer en milieu social. Cependant, il apparaît que si certains comportements dits incivils passent les frontières de l’école, d’autres sont spécifiquement liés au contexte scolaire. L’incivilité à l’école est définie et délimitée en fonction de l’institution, de ses règles et de ses lois propres.

En milieu scolaire, certains auteurs tels que Prairat emploient le terme d’indiscipline pour qualifier le comportement des élèves. Pour Prairat4, l’indiscipline est un “rapport relâché, flottant, distendu aux normes, aux règles et aux rituels constitutifs de l’ordre scolaire”. Très proche des définitions de l’incivilité :

3 Prairat, E. Les valeurs à l’heure de la désacralisation de l’ordre scolaire. ERAEF, Université Nancy 2 – http://cpe.paris.iufm.fr/spip.php?article1264

4 Prairat, E. Violences et indiscipline à l’école : éléments de discussion. . ERAEF, Université Nancy 2 –

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L’indiscipline est un ensemble d’attitudes, de comportements, d’actes qui tendent moins à renverser qu’à effriter, à subvertir, voire à effacer le cadre normatif par le jeu incessant des petits désordres. Elle est moins de l’ordre de l’affrontement que de l’ordre de l’érosion et de la dilution. (Prairat5)

Ainsi, le terme d’incivilité engloberait ce que Prairat (idem) nomme l’indiscipline mais comprendrait à notre sens une palette plus large de comportements qui dépassent le rapport aux règles et aux normes.

Finalement, notre définition…

Nous avons décidé d’employer le terme d’incivilité pour définir l’objet de notre recherche. Celui-ci nous semblait refléter très exactement le sujet qui nous intéresse, par son caractère quotidien, aux manifestations parfois anodines et presque insaisissables qui contribuent à dégrader l’ambiance scolaire et nuisent bien souvent aux apprentissages eux-mêmes. Nous avons retenu sous le terme d’incivilité, des violences de tous les jours auxquelles nous serons immanquablement confrontées dans le cadre de notre future profession. Vuille et Gros en parlent comme d’une violence ordinaire parce que gérée “au niveau interpersonnel, institutionnel ou local, c'est-à-dire par les gens du lieu ou du milieu ou ils se produisent” (1999, p. 93). Sans nier l’existence de comportements qualifiés de graves ou d’extrêmes dans les écoles genevoises, leur caractère exceptionnel nous a conduites à les écarter dans le cadre de cette recherche. Car ce sont bien les petits détails, ces violences quotidiennes, ces conduites en apparence banales, omniprésentes, aux frontières parfois floues qui nous intéressent et que nous avons choisi de traiter.

5 Prairat, E. Les valeurs à l’heure de la désacralisation de l’ordre scolaire. ERAEF, Université Nancy 2 – http://cpe.paris.iufm.fr/spip.php?article1264

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Afin de délimiter l’objet de notre discussion, nous avons reproduit un schéma – en page 22 – qui recense le type de comportements traités dans notre recherche.

Nous précisons que notre cadre théorique s’intéresse aux incivilités spécifiquement en milieu scolaire et plus précisément dans les écoles primaires. Comme certains auteurs, nous avons distingué trois grands types d’incivilités : la première catégorie comprend des conduites liées aux agressions verbales ou aux attitudes. Le second groupe recoupe les comportements portant atteinte aux autres de manière physique.

La dernière catégorie regroupe des comportements relatifs aux biens personnels et au matériel scolaire. Nous avons ensuite également divisés ces différents types d’incivilités en sous-catégories en fonction de l’auteur et de la victime de l’acte (élèves, enseignant, institution). Toutes les sous-catégories possibles ne sont cependant pas traitées, car certaines ne s’inscrivaient pas dans la délimitation de notre sujet. C’est le cas, par exemple, de l’agression physique envers l’enseignant qui nous apparaît être un comportement relativement rare et qui, de ce fait, n’entre pas dans notre définition des incivilités. Une dernière précision s’impose encore : le classement ci-dessous n’est pas créé dans une logique de hiérarchisation, il n’a d’autre but que celui d’ordonner et de préciser le type d’actes et de comportements que nous entendrons dans la suite de ce travail sous le terme d’incivilité.

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Les incivilités dans les écoles primaires

Caractéristiques : quotidienneté, omniprésence

Les élèves entre eux

Exemples : Menace, chantage, intimidation, agressions verbales, parole blessante, manque de respect, moqueries, insultes, propos

dévalorisants, discrimination, mise à l’écart, exclusion, propos racistes, etc.

Niveau verbal, de l’attitude

L’élève envers l’adulte

Exemples : Insolence, opposition, manque de respect, refus d’entrer en classe, rébellion, fuite, chahut, bruit, cri pour déranger, etc.

Niveau physique

Les élèves entre eux

Exemples : bousculade, petites agressions physiques, bagarres, racket, etc.

Les élèves entre eux

Exemples : vol de petits objets, d’argent de poche, de goûters, de jouets, détérioration des affaires des autres élèves, etc.

L’élève envers l’adulte

Exemples : détérioration des affaires personnelles de l’enseignant

Niveau matériel

L’élève envers l’institution

Exemples : détérioration du matériel scolaire, inscriptions sur les murs, tables, chaises, petit vandalisme, etc.

Notre modèle reprend l’analyse de Debarbieux pour qui l’incivilité s’exprime par le biais d’une multitude de détails en apparence anodins mais qui, combinés les uns aux autres, contribuent à créer un climat anti-scolaire. Cette incivilité se traduit à travers des tensions quotidiennes : “petites injures entre élèves, agitation, bruit, non

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écoute, sentiment d’impuissance. Ce n’est pas forcément la classe ingouvernable, ni l’éclat de grands chahuts, mais la certitude d’une dégradation constante, de l’élargissement d’un fossé” (Debarbieux, 1996, p. 105).

Pour Baudry (2000), cette catégorie d’actes, en apparence moins dure et moins forte que celle des crimes et délits, ne doit pas être sous-évaluée ni sous- estimé. Sans être spectaculaire, elle contribue fortement à la croissance d’un sentiment d’insécurité et de souffrance. Baudry décrit les incivilités comme des violences “astucieuses, routinières, invisibles et légalisées” (p.14). Nous rejoignons ce point de vue car c’est dans le quotidien et dans l’ordinaire que nous sommes le plus profondément touchés. L’omniprésence de faits dérangeants influence notre perception et nous rend donc plus sensible et vulnérable. D’une manière générale, les incivilités les plus courantes en milieu scolaire primaire s’expriment à travers le désordre et les comportements sans brutalité physique. Elles ont cependant de grandes conséquences sur le climat ; elles entraînent un sentiment d’insécurité et peuvent desservir l’ambiance de travail et la dynamique de classe. Pour Floro (1996), les incivilités sont même plus destructrices et plus nuisibles que les faits de violence. Atteintes quotidiennes et personnelles, elles constitueraient aujourd’hui une vraie menace pour les établissements scolaires. Le malaise actuel, perçu dans les écoles, serait alors plus déterminé par des comportements incivils que par des violences brutales.

Une affaire de perception

Comme nous l’avons précédemment mis en évidence, la limite qui différencie les incivilités des autres faits de violence est floue et variable. Parler de violence ou d’incivilité implique de se poser la question de ce que Debarbieux (1996) appelle le sentiment de violence, la perception nécessairement relative de chaque individu.

Cela nous amène aussi à nous intéresser aux différences de représentations. Cet aspect subjectif est un point essentiel qui demande à être considéré dans notre analyse.

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Les différences de perception découlent, tout d’abord, d’une quantité innombrable d’influences, dont les expériences personnelles, l’éducation, l’âge, la culture, les médias, la société, etc. Le niveau de tolérance des gens diffère en fonction des comportements et selon des circonstances de l’acte. Cette différenciation découle de ce qu’on appelle l’effet seuil (id.). L’effet seuil est ce qui nous amène à comprendre que la perception d’un acte problématique ne se rattache pas seulement à la quantité ou à la fréquence du comportement observé, mais qu’elle dépend aussi bien de la personnalité des gens, du lieu ou encore du moment de la journée où l’acte s’est produit.

La perception d’un acte violent ou incivil diffère ensuite en fonction du groupe de référence. Par exemple, des études mettent en évidence certaines divergences entre les élèves et les enseignants quant à leur perception de la violence et des incivilités en milieu scolaire. Du point de vue des enseignants, la violence intègre toutes les formes de comportements susceptibles d’engendrer de la souffrance (humiliation, insulte, moquerie). En revanche, du point de vue des élèves, la violence s’apparente à la brutalité physique et ne comprend pas les insultes et les disputes entre eux. Ainsi, Debarbieux (1996) affirme que “la violence du verbe n’est pas perçue de la même manière par les élèves, qui la minimisent, que par les enseignants, qui la surévaluent” (p.37). Au niveau des incivilités, celles-ci sont perçues par les élèves comme des atteintes fréquentes à leur intégrité. Elles se traduisent par des paroles blessantes, des humiliations et un manque de respect (Carra & Sicot, 1997 cités par Charlot, Emin, 1997). Pour les enseignants, les incivilités des élèves se manifestent par des attitudes d’indifférence et de désintérêt (Charlot, Emin, 1997), et à travers des comportements troublant l’ordre scolaire (Barrère, 2002). Dès lors, un même événement n’est pas forcément vécu de la même manière par les élèves que par leur enseignant. Celui-ci “peut ressentir comme violence le bruit d’une règle qui tombe par accident, l’agitation de fin d’après-midi d’enfants fatigués ou heureux de vivre et qui le manifestent bruyamment, sans aucune intention de nuire” (Debarbieux, 1996, p. 38). Ainsi, un enseignant peut se sentir attaqué sans pour autant que les élèves en soient conscients.

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Prairat6, met également en évidence l’ambivalence qu’il y a dans le rapport des enseignants à l’indiscipline car “ils se sentent à la fois victimes et coupables”.

Victimes dans le sens d’une “atteinte à l’autorité professorale”, et coupables car les comportements des élèves sont perçus comme la conséquence d’une faiblesse de leur part, d’une incapacité à “nouer un dialogue constructif”. En effet, l’enseignant, par son statut, peut percevoir le comportement des élèves comme une remise en question de son identité professionnelle voire personnelle. La pensée collective véhicule l’idée que l’enseignant a le devoir de tenir sa classe et de trouver des stratégies pour maintenir autorité et harmonie. Il est donc de sa mission d’assurer le bon fonctionnement de sa classe. Aussi, Debarbieux (1999) nous met en garde contre le mythe du bon maître et de l’autorité. Une vision trop utopique qui contribue à engager les enseignants dans un processus douloureux de déprime et de sentiment d’échec exacerbant leur sentiment de violence.

Du point de vue des enseignants, l’augmentation des comportements incivils dans les écoles est indéniable. Or, la manière dont ceux-ci perçoivent et interprètent les comportements des élèves est liée à leur subjectivité. Les enseignants lisent les événements selon leurs propres perceptions qui ne reflètent pas nécessairement la réalité des autres acteurs. Nous pensons donc que la prudence s’impose dans l’interprétation de ces discours. La confrontation de ces témoignages avec d’autres données est indispensable pour envisager le phénomène des incivilités de manière objective.

Des incivilités scolaires en augmentation ?

La question de l’accroissement des comportements violents suscite la controverse. Le sentiment populaire évoque une montée de la violence dans la société et à l’école. La médiatisation, l’attention de la sphère politique et institutionnelle ainsi que l’augmentation de l’intérêt et des études sur ce phénomène sont indéniables. Le sentiment d’insécurité augmente, mais cette insécurité est-elle réelle ? Notre époque est caractérisée par une ambivalence du rapport à la violence.

6 Prairat, E. Violences et indiscipline à l’école : éléments de discussion. . ERAEF, Université Nancy 2 –

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On assiste à une véritable culture de la violence, étalée dans la société à travers la diffusion et la banalisation d’images violentes. Or, cette surexposition s’articule avec une réduction de l’indulgence vis-à-vis de ce phénomène et les comportements violents tolérés tendent à disparaître.

Depuis quelques années, les incivilités sont affichées “comme le facteur explicatif numéro un de la montée du sentiment d'insécurité” (Vuille et Gros, 1999, p.7). Ce serait alors en partie le sentiment d’insécurité devenu plus important, exacerbé par le débat public qui situerait le phénomène de la violence et des incivilités en augmentation de fréquence et d’intensité.

Si on parle uniquement de violence criminelle, les recherches statistiques ne peuvent mettre en évidence une réelle augmentation. En revanche, “les statistiques criminelles montrent depuis le début des années soixante, partout en Occident, une augmentation des atteintes aux personnes – agressions – et aux biens – cambriolages, vols à la roulotte, etc.” (Debarbieux, 1996, p.31). La violence prend donc des formes qui se multiplient. C'est bien le déplacement de la violence vers la sphère sociale, le développement des incivilités qui influencerait le sentiment d'insécurité.

Le développement des incivilités s’étendrait jusque dans l’espace scolaire ; depuis une vingtaine d’année, le phénomène de violence à l’école est dénoncé comme un fléau social. On

laisse entendre que les comportements incivils se développent massivement dans les établissements scolaires. Pour Charlot et Emin (1997), les incivilités dans les systèmes éducatifs semblent aujourd’hui se répandre “comme une traînée de poudre et constituer la

principale menace pour Illustration de Barrigue – www.barrigue.ch

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l’univers scolaire” (p.5). Toutefois, si Debarbieux invite à prendre au sérieux la question des incivilités, il met en garde contre une dramatisation excessive : “l’école ne brûle pas. On ne s’étripe pas dans toutes les cours de récréation” (1996, p.75).

Nous faisons l’hypothèse que la sur-médiatisation tendrait à amplifier et déformer ce phénomène qui, tout en étant une réalité préoccupante, ne doit être ni surévalué ni minimisé.

Quelques hypothèses explicatives ...

Alors comment étudier et expliquer le développement de ce phénomène ? La violence à l’école induit souvent à chercher la responsabilité du coté des élèves. Or, ces comportements doivent être envisagés dans leur contexte, dans une perspective systémique, afin d’en saisir toute l’ambivalence et la complexité. “De l'extérieur, la situation violente se découpe souvent [...] comme un événement, circonscrit, dans un espace et un temps, avec des paroles et des actes, des protagonistes, un début et une fin. C'est vrai mais c'est insuffisant” (Pain, 1992, p.87). Rappelons que la violence, comme les incivilités, doit être comprise comme une construction sociale qui ne peut se réduire à une explication mono-causale. En tant que construction sociale, il importe de la situer dans le temps et dans l'espace.

Ce qui se produit à et dans l’institution scolaire est à lier avec ce qui se passe autour. Pour Beer, L’école n’est pas une “citadelle intouchable” (2006, in l’École n°42, p.5) : la violence dans l’espace scolaire “c' est la société qui rentre à l'école avec ses problèmes sociaux” (Pain, 2006, p.64). Dans cette perspective les théories issues de la sociologie apportent un éclairage important.

Nous adhérons à l’idée que la question des incivilités doit être perçue en lien direct avec l’évolution de la société. Un certain nombre d’auteurs ont cherché à mettre en évidence les différents facteurs expliquant cette augmentation dans un contexte social et institutionnel en crise. Voici brièvement les interprétations et les explications de spécialistes à propos des thèmes qui ont retenus notre attention.

Vuille et Gros (1999) opposent la société industrielle à la société postmoderne.

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caractérise notamment par l'individualisme, la compétition et l'anomie. Pour ces auteurs :

La configuration de notre univers de crise contemporain conduit à une redéfinition du rapport entre violence et société, rapport qui n'entraîne plus nécessairement le développement du lien social et le renforcement de la cohésion sociale au niveau de la société globale.

(Vuille et Gros, 1999, p.12)

La valorisation individuelle de l’individu a pris le pas sur le sentiment d’appartenance à la société. De multiples facteurs – économiques, politiques, culturels, technologiques, psychologiques – sont invoqués pour expliquer ce que l'on connaît aujourd'hui sous le nom de crise du lien social. Roché (1996) met en évidence que les incivilités posent la question du lien entre les individus et de l’attachement à une communauté, à une collectivité. L’enfance et l’adolescence sont des périodes durant lesquelles l’individu construit son identité et son rapport aux autres. La complexité de notre société contemporaine tendrait à rendre parfois difficile et biaisée la construction de soi dans son environnement social. En effet, le processus de socialisation résulte de l’interaction de l’individu et de son environnement par l’intermédiaire de différents agents : la famille, l’école, les amis, les médias, etc. C’est ce processus de socialisation qui détermine l’intégration de l’individu au sein du groupe dans lequel il vit et de la société toute entière.

Pour Vuille et Gros (1999), les incivilités “manifestent un conflit dans la construction des civilités et des déchirures douloureuses dans le tissu des relations sociales” (p.7). Les conditions de vie des familles sont de plus en plus en plus difficiles et incertaines – chômage, difficultés financières, etc. – les dérégulations et la dislocation de la cellule familiale sont de plus en plus courantes. De plus, l'individualisme véhicule une image de l’individu comme entrepreneur de sa vie. En lien avec le principe de compétition, ceux qui n’entrent pas dans la logique autonomie/initiative/responsabilité sont disqualifiés, et en quelque sorte exclus de la société. Vuille et Gros (1999) utilisent le terme de crise anthropologique, mettant en évidence l’interdépendance de la crise de civilisation et la crise de l'individu. “La crise du sujet est contextualisée : l'insécurité ambiante, la peur des lendemains

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incertains, etc.” (p. 28). Tous ces facteurs tendraient à expliquer en partie l’évolution des rapports sociaux : ils induiraient des tensions et des angoisses engendrant une perte de repères chez les adultes, mais également chez les enfants qui l’exprimeraient entre autre à l’école, par des comportements violents. Sans qu'il n'y ait de correspondance automatique, “le climat psychologique de la famille, disons de l'écosystème, est déterminant” (Pain, 1992, p.100).

D’autres auteurs mettent en évidence que les comportements incivils ne seraient pas forcément importés de la société à l’école mais pourraient également être induits par le système scolaire lui-même. C’est ce que Joyeux (1996) appelle la violence intragénérée. Alors, “l’école est-elle coupable ou victime des changements de société ?” (Maulini, 2006, propos recueillis par Etter, p.8). L’école génère de la violence, communément nommée violence institutionnelle. L’institution scolaire s’inscrit dans un système de valeurs basé sur les critères culturels de la classe dominante, elle légitime l’ordre établi et conserve la structure des rapports de classes. Bourdieu et Passeron (1970) ont mis en évidence l’aspect symbolique de la violence. L’école, en s’ouvrant à tous, prône la lutte contre les inégalités sociales de réussite. Cependant, de nombreuses études montrent que ces inégalités se maintiennent et même se développent.

Selon l'idéal républicain, l'école se doit d'assurer la tâche de la transmission des connaissances à tous, répondant ainsi au principe de l'égalité. Mais il se trouve qu'elle doit également opérer une sélection parmi un nombre d'élèves toujours plus grand et par là même produit de l'échec. (Vuille et Gros 1999, 82-83)

L’augmentation de la durée de la scolarité, même pour ceux qui en sortiront peu diplômés, maintient les élèves dans une institution qui leur renvoie sans cesse leur échec. Dans une société incertaine, où l’obtention de diplômes s’inscrit comme le meilleur moyen de s’insérer dans le marché du travail, les élèves se sentent trahis par les inégalités sociales de réussites. Pour Debarbieux (1998, cité par Prairat7), la montée des incivilités correspond à un amour déçu envers une institution scolaire

7 Prairat, E. Violences et indiscipline à l’école : éléments de discussion. . ERAEF, Université Nancy 2

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qui ne tient pas ses promesses. Le pouvoir de l’institution est souvent ressenti comme arbitraire et injuste (notes, orientations, etc.). Ainsi, cette violence institutionnelle induit des violences réactionnelles liées à une perte de confiance et à un sentiment d’injustice. Pour Debarbieux (1996), l’incivilité serait alors liée à une crise des valeurs exprimée par un refus d’adhérer aux normes de la société et à la domination culturelle exercée par l’école. Elle s’apparenterait à une volonté d’échapper à la loi du plus fort ou à l’arbitraire en adoptant des conduites de résistance et des comportements anti-scolaires.

La question des incivilités peut également être envisagée du point de vue de la recherche de la règle par les élèves. Le phénomène serait alors à aborder en lien avec une désorganisation générale de la société. Voilà qui nous renvoie au concept d’anomie emprunté à Durkheim. On l’entend comme “absence ou désintégration des normes ; les règles sociales qui guident les conduites des individus perdent leur pouvoir ou sont incompatibles entre elles” (Vuille et Gros, 1999, p.38). Pour Roché (1996), “il y a dans les sociétés complexes, un relâchement général des règles qui se combine avec une multiplication des opportunités inciviles [...]” (p.47-48). L’école serait confrontée à un phénomène similaire et Prairat déclare que “nous assistons, depuis trois à quatre décennies, à la lente désacralisation de l’ordre scolaire”8. Cette désacralisation engendrerait une grande conséquence dans le rapport qu’entretiennent les élèves et les enseignants. Les rôles et les prérogatives des acteurs de l’école ne sont plus aussi évidents qu’autrefois ce qui induit des dysfonctionnements dans les rapports interindividuels.

Les comportements incivils en milieu scolaire seraient alors le témoignage d’une désorganisation de l’univers scolaire, la manifestation d’une recherche de la règle et de la limite. Cependant, tester les limites ne doit pas forcément être compris comme la conséquence d’un malaise social et s’inscrit dans un processus nécessaire et inhérent à l’identification et l’intégration de repères. D’après Vaillant (1994), psychologue clinicienne française, les comportements incivils des élèves de moins de 13 ans s’expriment de manière ludique et transitoire. Leurs attitudes

8 Prairat, E. Les valeurs à l’heure de la désacralisation de l’ordre scolaire. ERAEF, Université Nancy 2 – http://cpe.paris.iufm.fr/spip.php?article1264

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revêtent d’un caractère exploratoire et initiatique. Les jeunes visent à travers le non- respect de l’interdit un contrôle sur le monde environnant et sur eux-mêmes.

Le jeune explore naturellement son champ d’action, sa marge de manœuvre, sa place dans le monde et l’ordre de ce monde. Bref, il expérimente sa liberté, le respect qu’on lui doit et qu’il doit aux autres, ce qui est considéré comme bien ou mal, normal ou anormal de sa part, ses droits, et tout cela à travers les réactions de son environnement humain. (Roché, 1996, p.58-59)

En fin de compte, en transgressant une norme, les jeunes se confrontent au jeu de loi, y es-tu ? Ils testent les limites de leur environnement social, d’où l’importance de proposer un cadre structurant. “Sans réponse adaptée ou sans réponse du tout, le jeune sera amené à explorer plus loin, à cogner ou crier plus fort, à faire plus de mal et à se faire plus de mal” (Vaillant, 1994, cité par Roché, 1996, p.60).

Dans cette perspective, la responsabilité de l’adulte est évidente. Aussi, l’étude des conceptions de l’enfance et de l’éducation s’inscrit comme une piste intéressante pour appréhender le phénomène des incivilités. Nous proposons donc d’interroger l’évolution des pratiques éducatives et scolaires. Celle-ci n’est pas linéaire et a été marquée de temps de sévérité et d’apaisements relatifs. Durant des siècles, la vision de l’enfance était pessimiste justifiant une pédagogie du redressement dans laquelle les châtiments corporels étaient d’usage. Il fallait corriger l’enfant, le battre, le redresser. Cette extrême rudesse dans les pratiques pédagogiques pouvait engendrer une grande révolte de la part des élèves. L’école avait pour mission principale d’instruire : le centre du système n’était évidemment pas l’élève mais le savoir. Cependant, dès le XVIIIème siècle, de nouvelles réflexions et pratiques pédagogiques commencent à voir le jour.

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